A la suite du coup d'Etat du 2 décembre 1851, la Constitution du 14 février 1852 rétablit une deuxième chambre, assemblée que la Constitution de 1848 avait supprimée, revenant ainsi à une tradition bicamérale déjà vieille de plusieurs décennies. Ce Sénat restera en place jusqu'à la chute de l'Empire le 4 septembre 1870.
Le présent dossier présente le Sénat de Napoléon III, sa composition et ses pouvoirs, en insistant sur la tutelle exercée par Napoléon III, mais en montrant aussi que, comme son prédécesseur du Premier Empire, il comprenait en son sein quelques figures de premier plan de la vie scientifique, culturelle et artistique de cette seconde moitié du XIXème siècle.
deuxième chambre, assemblée que la Constitution de 1848 avait supprimée, revenant ainsi à une tradition bicamérale déjà vieille de plusieurs décennies. Ce Sénat restera en place jusqu'à la chute de l'Empire le 4 septembre 1870.
Le présent dossier présente le Sénat de Napoléon III, sa composition et ses pouvoirs, en insistant sur la tutelle exercée par Napoléon III, mais en montrant aussi que, comme son prédécesseur du Premier Empire, il comprenait en son sein quelques figures de premier plan de la vie scientifique, culturelle et artistique de cette seconde moitié du XIXème siècle.
Louis-Napoléon Bonaparte devant la Cour des Pairs en 1840
La Constitution du 14 janvier 1852
L'installation du Sénat au Palais du Luxembourg
La composition et l'organisation du Sénat
Les présidents du Sénat
Quelques sénateurs
Claude Bernard, Haussmann, Ingres, Mac-Mahon, Mazenod, Mérimée, Sainte-Beuve
Louis Napoléon Bonaparte
Né en 1808, il est le 3ème fils de Louis Bonaparte, frère de Napoléon et roi de Hollande, et de Hortense de Beauharnais, fille de Joséphine.
En 1815, il quitte la France avec sa mère et réside en Suisse, au château d'Arenenberg. Séduit par les idées révolutionnaires de libération des peuples, il n'hésite pas à participer en Italie au soulèvement de 1831 contre le pape Grégoire VII. A la mort du duc de Reichstadt, fils de Napoléon, en 1832, il se considère comme l'héritier du bonapartisme, son père et ses oncles s'étant plus ou moins retirés de la vie politique.
En 1836, il tente de rentrer en France et essaie de soulever, avec l'aide de son ami Persigny, la garnison de Strasbourg. C'est un échec. Le roi Louis-Philippe, pour des raisons politiques, se montre clément et le condamne à l'exil aux États-Unis.
Quelques années plus tard, c'est de Londres que Louis-Napoléon organise une nouvelle tentative : il profite du retour des cendres de Napoléon et du regain de popularité qu'il engendre, pour débarquer à Boulogne le 6 août 1840 avec quelques amis, une poignée de soldats et des domestiques pour faire nombre. Leur arrestation sur la plage par des douaniers et le refus de la garnison de Boulogne de se soulever conduisent cette équipée à l'échec. Les journaux tournent en ridicule cette nouvelle aventure de Louis-Napoléon :
"Il joue le héros et il ne voit même pas qu'il déshonorerait le nom qu'il porte si un pareil nom pouvait être déshonoré." ("Le Journal des Débats")
Le roi et ses ministres veulent se montrer sévères et décident de faire juger les conjurés : par ordonnance royale, la Chambre des Pairs est constituée en Cour de justice.
1840 : devant la Cour des Pairs
Le 11 août 1840 Louis-Napoléon est transféré de la forteresse de Ham dans la Somme à la Conciergerie. Le 18 août, la Cour des Pairs se réunit sous la présidence du Chancelier Pasquier pour entendre le réquisitoire du procureur général, Franck-Carré. La commission chargée de l'instruction comprend, outre le Chancelier Pasquier, le duc de Decazes, le comte Portalis, le baron Girod (de l'Ain), le maréchal comte Gérard et Jean-Charles Persil, rapporteur.
Le 28 septembre, juste avant l'ouverture du procès, le prince arrive à la prison du palais du Luxembourg, située juste derrière le Petit-Luxembourg. Depuis 1836, le palais est en plein travaux, l'augmentation du nombre des Pairs ayant nécessité une nouvelle salle des séances.
"Les travaux de la nouvelle salle sont très avancés, mais ils ne sont pas encore près d'être terminés. On a enlevé ces jours derniers les immenses échafaudages qui en encombraient l'enceinte et qui devaient servir à la peinture du plafond. Les compartiments de la coupole sont encore en grisaille : ils attendent le peintre et les doreurs. Des colonnes de stuc fort élégantes séparent les travées des tribunes : les murs sont également revêtus en stuc ; mais ce genre d'ornement nuit à l'effet acoustique. Les sons arrivent difficilement à toutes les places et une boiserie placée au-dessous des tribunes ne remédie qu'imparfaitement à ce défaut.
On a pratiqué derrière les bancs de Messieurs les Pairs, disposés en amphithéâtre, un pourtour garni de banquettes où sont admis Messieurs les députés sur l'exhibition de leur médaille et après avoir été reconnus par les huissiers de la Chambre des Députés désignés à cet effet.
Le nombre de spectateurs pourvus de billets est considérable. On ne remarque parmi eux aucune dame." ("le Moniteur")
Les débats commencent le lundi 28 septembre et se terminent le mardi 6 octobre 1840. Le prince apparaît aux yeux des témoins comme :
"un homme de taille ordinaire ayant à peu près 5 pieds 2 pouces (1,68 m). Il a un embonpoint assez remarquable, les cheveux et les sourcils châtains. Il porte sur son habit noir la plaque de la Légion d'honneur avec l'effigie de Napoléon."
Défendu par Marie, Berryer, et Ferdinand Barrot, Louis-Napoléon revendique l'entière responsabilité de cette opération : il est condamné à l'emprisonnement perpétuel dans une forteresse. Le 8 octobre, il retourne à Ham. Il met à profit cette période pour s'intéresser aux questions économiques et sociales : "j'ai complété mon instruction à l'université de Ham" dit-il en plaisantant. En 1844, il écrit "De l'extinction du paupérisme", le plus célèbre de ses ouvrages. En 1846, il s'évade de la forteresse et se réfugie à Londres.
La Constitution du 14 janvier 1852
Préparée par des fidèles de Louis Napoléon Bonaparte et fortement inspirée par lui, la Constitution promulguée le 14 janvier 1852 a été rédigée en une nuit par Rouher, Troplong (futur président du Sénat impérial) et Meynard. L'équilibre de ce texte est peu modifié lors du rétablissement de l'Empire, le titre d'Empereur se substituant aisément à celui de Président d'une République devenue fictive.
Le suffrage universel, requis pour l'élection du Corps législatif, et les plébiscites sont soigneusement neutralisés par le système de candidatures officielles et les diverses pressions qui entourent les scrutins. La marge de manoeuvre des députés, qui sont tenus de prêter un serment de fidélité à l'État, est très réduite (absence de publicité des séances, pas de droit d'interpellation, veto possible de l'Empereur...).
L'Empereur est l'unique détenteur du pouvoir exécutif. Il possède l'initiative des lois et peut seul les promulguer. Dans son travail législatif, il est aidé par le Conseil d'État, également tribunal administratif suprême. Le Sénat a quant à lui un rôle essentiellement constitutionnel.
L'installation du Sénat au Palais du Luxembourg
Le Palais du Luxembourg est affecté au nouveau Sénat. Louis-Napoléon, devenu prince-président, y effectue une visite discrète au début de l'année 1852 ; il souhaite revoir la salle des séances où il fut jugé en 1840. A cette occasion, il remarque les locaux du 1er étage inoccupés depuis les travaux réalisés par l'architecte, Alphonse de Gisors, et demande à ce dernier l'aménagement d'une galerie destinée aux grandes solennités. Cette galerie du Trône, devenue par la suite salle des conférences, est inaugurée le 7 février 1853 en présence de l'Empereur et de l'Impératrice :
"Près de 6 000 invitations avaient été adressées pour cette fête. Une immense galerie qui réunissait l'ancienne salle du Trône, l'ancienne salle des séances et un autre grand salon avait été transformée en une vaste salle de bal." ("Le Moniteur")
La Galerie du Trône, devenue par la suite salle des conférences est inaugurée le 7 février 1853 en présence de l'Empereur et de l'Impératrice.
Deux dignitaires habitent au Palais : le général comte d'Hautpoul, nommé Grand Référendaire et le baron de Lacrosse, secrétaire du Sénat, tandis que le Président du Sénat, le prince Jérôme Bonaparte, se voit attribuer le Petit Luxembourg.
Quant au costume des sénateurs, le moindre détail en est fixé par le décret du 24 février 1852 :
- Pour la grande tenue, il est prévu un habit en drap bleu national, coupé droit sur le devant en forme de frac, doublé en soie blanche, garni de 9 gros boutons dorés à l'aigle sur la poitrine, brodé au collet, parements, poitrine, écusson, bouquet de poche, baguette et bords courants, un gilet droit blanc, garni de petits boutons dorés, un pantalon de casimir blanc, avec galons d'or sur la couture, de la largeur de 5 cm, et un chapeau en feutre, orné d'une ganse brodée or sur velours noir et garni de plumes blanches. Une épée dorée à poignée de nacre, représentant un aigle sur la coquille, complète cette tenue d'apparat.
- La petite tenue, plus "simple", comprend un habit en drap bleu national, garni de 9 boutons dorés à l'aigle sur la poitrine, collet et parements en velours noir, brodé seulement au collet et aux parements, un gilet droit blanc et un pantalon bleu avec galon d'or sur la couture.
La première session parlementaire s'ouvre le 29 mars 1852 aux Tuileries, dans la salle des Maréchaux, où le prince-président réunit les deux chambres. Une salve de 101 coups de canon annonce le commencement de la cérémonie. Louis-Napoléon prononce un discours que l'assemblée écoute debout. Puis conformément à l'article 14 de la Constitution, chaque sénateur à l'appel de son nom prête serment : "je jure obéissance à la Constitution et fidélité au Président de la République."
Le rétablissement de l'Empire
Après le coup d'Etat du 2 décembre 1851, l'entourage du prince-président est tout à fait convaincu que le rétablissement de l'Empire n'est plus qu'une question de temps. Pour concrétiser ce projet, il leur semble nécessaire de rapprocher le prince de son opinion publique : une vaste opération de propagande est organisée.
Louis-Napoléon part le 14 septembre 1852 pour Bourges, Lyon, Marseille, Toulon, Montpellier, Carcassonne et Toulouse. L'accueil de la population est enthousiaste, les arcs de triomphe saluant Napoléon III s'ajoutent aux poésies et chansons à la gloire du futur empereur. Il arrive à Bordeaux le 9 octobre 1852 et y prononce un discours célèbre : "pour faire le bien d'un pays, il n'est pas besoin d'appliquer de nouveaux systèmes mais de donner, avant tout, confiance dans le présent, sécurité dans l'avenir. Voilà pourquoi la France semble vouloir revenir à l'empire." Puis il reprend son périple : Angoulême, La Rochelle, Amboise. Il est de retour à Paris le 16 octobre.
Le Sénat est convoqué pour le 4 novembre en session extraordinaire. Le ministre Fould vient y lire le message du prince-président. Conformément à son souhait une proposition de loi visant au rétablissement de l'empire est déposée par dix sénateurs. Le président du Sénat, le prince Jérôme Bonaparte, "obéissant à des scrupules personnels" cède la direction des débats à son premier vice-président, Mesnard.
Le 6 novembre, Troplong lit à la tribune le rapport de la commission chargée d'examiner le texte. La délibération est fixée pour le lendemain malgré l'intervention du Cardinal Mathieu qui objecte qu'il n'est pas d'usage qu'une assemblée siège un dimanche.
Le 7 novembre, la séance est ouverte à midi et demi : deux orateurs prennent la parole dans la discussion générale et deux amendements sont déposés. Le texte est adopté par 85 voix contre 1, celle de Narcisse Vieillard, ancien officier d'artillerie et ancien précepteur du frère de Louis-Napoléon.
Immédiatement après cette approbation, les sénateurs, en grande tenue, partent pour Saint-Cloud présenter au prince-président le résultat de leurs délibérations, escortés par une centaine de cavaliers.
Ce sénatus-consulte est soumis les 21 et 22 novembre 1852 à l'approbation du peuple qui l'approuve massivement.
Le 2 décembre 1852, Louis-Napoléon devient Napoléon III.
Le 22 janvier 1853, Napoléon III annonce son mariage aux bureaux du Sénat et du Corps législatif réunis aux Tuileries. Le 29 janvier, Napoléon III épouse Eugénie de Montijo, comtesse de Téba.