- Mardi 28 janvier 2025
- Pollution de l'eau par les PFAS - Audition de M. Alby Schmitt, inspecteur général de l'environnement et du développement durable, co-auteur du rapport « Analyse des risques de présence de per- et polyfluoroalkyles (PFAS) dans l'environnement
- Pollution de l'eau par les microplastiques - Audition de MM. Johnny Gasperi, directeur de recherche au laboratoire « eau et environnement » de l'université Gustave Eiffel, et Guillaume Duflos, directeur de recherche au laboratoire de sécurité des aliments de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES)
- Mercredi 29 janvier 2025
- Associations de défense de l'environnement dans les Vosges - Audition de MM. Bernard Schmitt, président, et Jean-François Fleck, vice-président, de Vosges nature environnement et Mme Maïthé Muscat, co-présidente de Lorraine nature environnement (sera publié ultérieurement)
- Associations des consommateurs - Audition de Mme Ingrid Kragl, directrice de l'information de Foodwatch, M. François Carlier, directeur général, et Mme Selma Amimi, chargée de mission « alimentation et développement durable » de Consommation logement cadre de vie (CLCV), et M. Claude Rico, vice-président du Conseil national des associations familiales laïques
- Jeudi 30 janvier 2025
- L'écosystème des eaux dans le Gard - Audition de M. Sébastien Ferra, directeur départemental des territoires du Gard, Mme Pascale Fortunat-Deschamps, maire de Vergèze, M. Thierry Agnel, président, et Mme Sophie Ressouche, responsable du pôle « eaux souterraines », de l'établissement public territorial de bassin de Vistre Vistrenque
- L'écosystème des eaux dans les Vosges - Audition de M. Laurent Marcos, directeur départemental des territoires des Vosges, Mme Régine Begel, conseillère départementale, présidente de la commission locale de l'eau des Vosges, MM. Luc Gerecke, maire de Contrexéville et Franck Perry, maire de Vittel (sera publié ultérieurement)
- L'écosystème des eaux dans le Puy-de-Dôme - Audition de MM. Jean-Pierre Lunot, conseiller départemental du Puy-de-Dôme, Alexandre Verdier, président de la commission locale de l'eau Allier Aval, Laurent Thevenot, maire de Volvic, Guilhem Brun, directeur départemental des territoires du Puy-de-Dôme, et Joseph Kuchna, maire de Saint-Yorre
Mardi 28 janvier 2025
- Présidence de M. Laurent Burgoa, président -
La réunion est ouverte à 16 h 30.
Pollution de l'eau par les PFAS - Audition de M. Alby Schmitt, inspecteur général de l'environnement et du développement durable, co-auteur du rapport « Analyse des risques de présence de per- et polyfluoroalkyles (PFAS) dans l'environnement
M. Laurent Burgoa, président. - Mes chers collègues, nous poursuivons les travaux de notre commission d'enquête avec l'audition de Monsieur Alby Schmitt, inspecteur général de l'environnement et du développement durable et auteur à ce titre d'un rapport sur les PFAS, c'est-à-dire les substances per- et polyfluoroalkyles.
Monsieur, je vous rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête est passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal. Je vous remercie par ailleurs de nous faire part de vos éventuels liens d'intérêts. Je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant : « Je le jure ».
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Alby Schmitt prête serment.
M. Laurent Burgoa, président. - Je rappelle que le Sénat a constitué, le 20 novembre dernier, une commission d'enquête sur les pratiques des industriels de l'eau en bouteille. Au début de l'année 2024, les médias ont révélé les pratiques illégales de certaines entreprises du secteur des eaux embouteillées, en particulier le recours à des traitements interdits sur des eaux minérales naturelles et de source. Notre commission d'enquête vise à faire la lumière sur ce dossier, sous réserve des éventuelles procédures judiciaires en cours.
Mes chers collègues, notre audition du jour ouvre un chapitre consacré aux risques liés à la présence de PFAS dans les eaux.
Monsieur Schmitt, vous êtes ingénieur des ponts, eaux et forêts, inspecteur général à l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD). Vous avez, dans votre parcours, siégé au conseil d'administration du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), été directeur adjoint de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) d'Alsace et directeur adjoint de l'eau et de la biodiversité au ministère de la transition écologique.
Comme je l'indiquais, vous avez été co-rédacteur d'un rapport d'analyse des risques de présence de PFAS dans l'environnement. Nous savons que ce rapport ne porte pas spécifiquement sur les eaux en bouteille. Néanmoins, ces eaux proviennent, comme celle du robinet, de nappes qui peuvent être contaminées.
Pouvez-vous nous éclairer sur la définition des PFAS, leur composition et leur toxicité éventuelle ?
Quelle connaissance avez-vous de la présence de PFAS dans les eaux destinées à la consommation humaine ? Cette présence est-elle actuellement détectée dans les eaux minérales naturelles ou de source ?
Pouvez-vous dresser devant nous un état des lieux de la réglementation sur les teneurs maximales à respecter dans les eaux potables, telle qu'elle résulte du droit européen et éventuellement de normes internes ? Cette réglementation est-elle uniforme parmi les pays européens ?
M. Alby Schmitt, co-auteur du rapport « Analyse des risques de présence de per- et polyfluoroalkyles (PFAS) dans l'environnement ». - J'ai participé, en tant qu'inspecteur général à l'IGEDD, à deux missions sur les PFAS : en 2022 avec Hugues Ayphassorho ; au second semestre 2023, dans le cadre de la mission qui avait été confiée par le Gouvernement à la députée Cyrille Isaac-Sibille. Ces dates peuvent sembler proches, mais c'est en fait, pour l'étude des PFAS, de la préhistoire... En effet, depuis deux ans, les progrès sont particulièrement rapides en la matière, en tout cas en France. J'ai également rédigé, en tant que membre de l'Autorité environnementale, un point de vue sur la prise en compte des PFAS dans les études d'impact et les évaluations environnementales.
Que sont les PFAS ? Ces dix mille molécules, qu'on peut tout de même regrouper en grandes familles, ont une caractéristique commune : ce sont des molécules organiques qui contiennent ce qu'on appelle une fonction méthyl ou méthylène entièrement saturée en fluor. Par exemple, l'acide trifluoroacétique (TFA) dont on parle beaucoup ces derniers temps est très proche du PFOA, mais cette molécule n'a que deux carbones.
La saturation en fluor a deux conséquences. Tout d'abord, il est quasiment impossible de rompre la liaison carbone-fluor, si bien que ces molécules sont très difficilement biodégradables. Ensuite, elles sont à la fois hydrophobes, comme l'huile ou les graisses, et hydrophiles. Cette double caractéristique leur donne des propriétés particulières : on peut leur associer des molécules voisines de l'eau ou des graisses ; elles sont solubles dans l'eau, ce qui les rend très mobiles. Quand on a saturation des carbones en fluor, on parle de substance perfluorée ; quand seulement une partie des carbones en est saturée, on parle de substances polyfluorées ou polyfluoroalkylées.
Certaines de ces substances sont bioaccumulables ; certaines sont toxiques ou CMR, c'est-à-dire cancérogènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction, mais leur toxicité ou leur cancérogénicité sont très insuffisamment connues aujourd'hui.
Ces molécules sont d'origine industrielle : la pollution est donc nécessairement d'origine anthropique, même si l'industrie n'en produit qu'environ trois cents. En effet, même non biodégradables, ces molécules se décomposent, elles créent alors d'autres PFAS dans l'environnement.
L'ensemble de ces propriétés fait qu'on retrouve les PFAS partout, que ce soit pour des usages privés ou industriels. On les retrouve ainsi dans les mousses de lutte contre les incendies, dans les batteries de véhicules électriques, dans les ustensiles de cuisine - on a beaucoup parlé des poêles antiadhésives, notamment de la marque Tefal -, les vêtements de sport, le fart de ski, les semelles de fer à repasser, les boîtes à pizza, etc. On en retrouve aussi dans les médicaments, tant dans les principes actifs - par exemple le Prozac - que dans les excipients et les boîtes. Nous n'avons découvert que récemment que les industriels utilisaient aussi des PFAS dans les pesticides ; le TFA en est l'exemple type.
Il faut également noter qu'on utilise beaucoup les PFAS dans les procédés industriels. Je vais citer deux principaux exemples : la majorité des joints, un produit présent partout, en particulier dans l'industrie qui traite l'eau, qu'elle soit minérale ou destinée au robinet, contient des PFAS ; c'est également le cas pour certaines membranes de production d'eau potable, en particulier les membranes d'osmose inverse, qui sont notamment utilisées pour le dessalement de l'eau de mer - elles le sont également en région parisienne. Dans ces cas, quel est le risque de transfert ? Cela est encore peu connu.
Après avoir évoqué ce que sont les PFAS, je voudrais dire quelques mots sur ce qu'ils ne sont pas.
Même s'ils sont persistants dans l'environnement, ils ne sont pas éternels comme le sont certains métaux toxiques. Ce sont des molécules organiques, elles peuvent donc être détruites. Cependant, certaines de ces molécules, lorsqu'elles se dégradent, se transforment dans des métabolites qui sont souvent des PFAS encore plus persistants et toxiques.
Contrairement à ce qu'on entend souvent, elles ne sont pas inconnues, puisque les industriels en produisent depuis les années 1950-1960, et ce ne sont pas des pollutions émergentes, car les premiers événements qui ont fait l'actualité datent de quasiment quarante ans - c'était aux États-Unis. D'ailleurs, les industriels ont déjà versé 10 milliards de dollars - c'est un ordre de grandeur - en dédommagements pour éviter les procès dans des procédures devant la justice américaine. Pour autant, il est vrai que cela reste souvent un secret bien gardé des industriels ; d'où la nécessité pour les pouvoirs publics d'agir.
Le premier travail à faire me semble devoir être de classer les PFAS par catégories selon leurs propriétés, leurs comportements dans l'environnement ou leurs usages. C'est important pour bien les étudier et pour évaluer correctement les risques sanitaires et les possibilités de substitution.
J'en viens aux méthodes de mesure. Nous étions très en retard il y a encore trois ou quatre ans et il y a eu d'importantes avancées récemment. L'eau a été l'un des premiers secteurs concernés par des mesures et, ces derniers temps, on a élargi à l'air, par exemple pour la fumée des incinérateurs. Des laboratoires ont été accrédités. Beaucoup de normes ont été mises en place, par exemple pour les sols, l'eau ou les boues, ce qui permet de disposer de résultats plus fiables qu'auparavant.
Il y a deux manières de faire pour les mesurer : soit molécule par molécule ; soit de manière globale.
La première solution est rendue difficile par le nombre des PFAS - environ dix mille, je le disais. Pourtant, la réglementation est largement basée sur ce type de mesure ; c'est par exemple le cas de la directive relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine qui recense vingt PFAS.
La seconde solution, dite indiciaire, n'est pas normalisée à l'heure actuelle, alors qu'elle est très intéressante : à partir du moment où vous avez identifié une pollution par PFAS, vous pouvez procéder à une analyse des risques et des sources de la pollution.
Quels sont les risques sanitaires ?
Tout d'abord, si ces molécules sont persistantes dans l'environnement, elles le sont aussi dans le corps humain et par conséquent elles s'y accumulent. Elles ne sont pas forcément toxiques à faible dose, mais la situation est différente en cas de bioaccumulation d'autant que les PFAS présentent la particularité de pouvoir s'accumuler non seulement dans les lipides, comme les métaux, les dioxines ou les PCB, mais aussi dans les protéines, un phénomène dont les conséquences sont mal connues. La demi-vie du TFA, par exemple, est de trente ans : à partir d'un kilo au départ, il reste 500 grammes au bout de trente ans. Il faut donc beaucoup de temps pour s'en défaire...
Les voies d'imprégnation sont multiples : on estime traditionnellement que l'alimentation est la source principale, puis l'eau, mais on connaît encore mal la contamination de l'air.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Je veux d'abord dire que je suis particulièrement sensible à ce sujet, puisqu'une usine de production de PFAS est installée dans ma commune, Villers-Saint-Paul.
Estimez-vous que les contrôles qui sont actuellement opérés sur l'eau sont satisfaisants en termes de présence de PFAS et de risques ? Notre système de contrôles est-il performant ?
M. Alby Schmitt. - Il y a seulement quelques années, il n'y avait rien, puis a été mise en place une mesure obligatoire du PFOS, un PFAS, dans les rejets d'eau des installations classées.
Indépendamment de la réglementation, à peu près la moitié des agences de l'eau se sont mises, dès 2019, à mesurer dans les eaux souterraines et de surface les vingt PFAS listés dans la directive de 2020 dont j'ai parlé tout à l'heure ; les autres agences ne mesurent que les eaux souterraines et uniquement quatre PFAS pour les eaux de surface. Nous avons recommandé d'étendre à l'ensemble des eaux ce suivi des vingt PFAS et, le cas échéant, de le faire pour leurs précurseurs, c'est-à-dire les molécules qui se transforment, en se dégradant, en l'un de ces vingt PFAS.
En ce qui concerne l'eau potable, seules quelques campagnes de mesures avaient été faites, par exemple dans le cadre d'une étude menée par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) en 2010 sur environ un site par département. On avait d'ailleurs identifié des éléments dans l'Oise en lien avec l'usine qu'a citée Monsieur le rapporteur.
La révolution est venue en 2020 de la directive relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, puisqu'elle introduit une obligation de mesure des PFAS et de respect de certaines normes. On parle souvent à son sujet de vingt PFAS, mais en fait elle cite aussi - malheureusement pas dans l'annexe ad hoc - des éthers et des PFAS dits étherperfluorés.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Ce périmètre vous semble-t-il pertinent ?
M. Alby Schmitt. - Il s'agit des vingt PFAS qui avaient été identifiés à l'époque comme étant prioritaires. Mais il est vrai que certains PFAS qui font aujourd'hui l'actualité ne sont pas dedans, par exemple le TFA ou les PFAS produits à Pierre-Bénite près de Lyon. On s'aperçoit donc assez vite qu'il y a des trous dans la raquette...
C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il serait intéressant de généraliser les mesures globales : nous devons trouver une méthode de mesure englobant tous les PFAS. La méthode TOPA (Total Oxidizable Precursors Assay) permet une telle approche, mais uniquement pour les PFAS dits anioniques, qui sont tout de même les plus problématiques.
Selon la directive de 2020, chaque État membre peut choisir entre deux méthodes : mesurer la somme des vingt PFAS qu'elle liste ; mesurer le total des PFAS. La France a décidé d'utiliser les deux méthodes. Cependant, la directive renvoie la seconde méthode à des lignes directrices que la Commission européenne n'a toujours pas publiées. Il est donc difficile aujourd'hui de mesurer efficacement le total des PFAS. Une fois que cela sera possible, nous devrions avoir une bonne vision du niveau de pollution des réseaux d'eau potable.
Cette directive a été transposée en droit français par ordonnance et par des textes réglementaires. Elle entrera en vigueur le 1er janvier 2026, mais dès à présent, des campagnes de mesures sont réalisées dans le cadre du plan d'action interministériel sur les PFAS d'avril 2024.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Le périmètre vous semble donc satisfaisant. Donneriez-vous le même satisfecit pour les seuils qui ont été définis PFAS par PFAS ?
M. Alby Schmitt. - Je n'ai pas participé à l'élaboration de ces seuils, qui sont issus de la directive et qui ont été transposés en droit français sans modification : 100 nanogrammes par litre pour le total des vingt PFAS dont j'ai parlé et 500 nanogrammes pour le total des PFAS.
Sans mauvais jeu de mots, on pourrait dire que le verre est moitié plein ou qu'il est à moitié vide... Avant, il n'y avait rien et on n'avait pas de vision ; dans ces conditions, fixer un objectif raisonnable est toujours une avancée. C'est d'autant plus vrai que, tout cela étant récent et en évolution rapide, il faut que tous les acteurs puissent suivre, en particulier les laboratoires qui procèdent aux mesures. Imaginez le nombre de mesures auxquelles il faut procéder ! Et cela représente un coût important. Il faut donc une montée en puissance de toute l'infrastructure.
On peut donc comprendre que ces seuils aient été fixés, même s'ils me paraissent effectivement un peu élevés.
Pour autant, les laboratoires peuvent maintenant quantifier une dizaine de PFAS à partir de 2 nanogrammes par litre - c'est ce qu'on appelle la limite de quantification - et ils peuvent déterminer si une molécule est présente dans l'eau même en dessous de 1 nanogramme sans nécessairement pouvoir la quantifier - c'est ce qu'on appelle la limite de détection. On sait donc mesurer des niveaux très bas pour ces molécules, ce qui doit nous conduire à aller plus loin, au moins en ce qui concerne l'eau potable.
Il existe aussi une réglementation sur l'eau brute, celle qui est destinée à devenir de l'eau potable : la mesure ne doit pas dépasser 2 microgrammes par litre, soit 2 000 nanogrammes...
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - J'en viens plus directement aux eaux minérales naturelles, qui ont la spécificité d'être des eaux souterraines plus pures au jaillissement - elles sont en tout cas réputées pour cela. Constatez-vous une différence avec les autres eaux destinées à la consommation humaine en ce qui concerne la quantité de PFAS ?
En Suisse, la radiotélévision publique a récemment fait analyser treize bouteilles d'eau minérale naturelle vendues en Suisse romande. Dix d'entre elles contenaient du TFA, un micropolluant de la famille des PFAS : trois eaux étaient à la limite du seuil et sept au-dessus.
Par ailleurs, est-ce que, selon vous, la pollution a lieu dans l'usine lors du processus de production, par exemple en raison de l'utilisation de joints, de membranes, de microfiltres, etc., ou provient-elle plutôt des sols par percolation ?
M. Alby Schmitt. - Le TFA provient essentiellement des pesticides. Cela en fait un sujet particulier, parce qu'avec les boues c'est à peu près la seule méthode de diffusion un peu large des PFAS. Pour les autres PFAS, nous sommes souvent face à des sources ponctuelles de pollution, par exemple du fait de la présence d'usines. Pour les pesticides, je le redis, c'est une pollution diffuse.
Pour les eaux minérales, le bassin de captage est en général bien protégé grâce à des conventions entre l'exploitant et les agriculteurs, qui prévoient de ne pas utiliser ou d'utiliser de manière raisonnée des intrants. C'est pourquoi, à mon sens, mais je n'ai pas de données en la matière, l'eau qui arrive à l'usine ne doit pas contenir de PFAS. Pour autant, il faut aussi prendre en compte les délais entre la décision de ne pas utiliser des intrants et le résultat que l'on souhaite obtenir. A priori, les eaux minérales devraient donc être beaucoup moins polluées à l'entrée de l'usine qu'une eau qui est puisée dans un autre captage moins protégé. L'éventuelle pollution d'une eau minérale devrait donc provenir, à mon sens - et je parle bien au conditionnel -, du processus de production, par exemple des joints - j'en ai parlé. Il faudrait disposer des chiffres à l'entrée et à la sortie, mais je ne les ai pas. Il s'agit donc en partie d'une spéculation de ma part.
Pour l'eau du robinet, les traitements sont le plus souvent très limités : après forage ou captage, contrôle, chloration et traitement contre les bactéries et les pollutions microbiologiques. En cas d'eau de surface ou de nappe alluviale, les processus sont souvent plus longs : filtration, floculation, décantation, chloration... De ce fait, le risque de contact avec des joints est plus important. Lorsqu'on est obligé de traiter plus fortement l'eau, ce qui est rare en métropole, l'eau en sortie d'usine devrait contenir moins de PFAS qu'à l'entrée, parce qu'on utilise divers procédés qui éliminent une majorité de molécules : colonnes échangeuses, anioniques, cationiques, filtres à charbon actif, etc.
D'ailleurs, les reportages télévisés mettent souvent l'accent sur les surcoûts du traitement des PFAS, mais si on traite déjà les pesticides ou les organochlorés, le surcoût devrait être limité.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Votre rapport avait la ministre de la transition écologique pour seule commanditaire. Il comporte pourtant une dimension sanitaire évidente. Dans quelle mesure a-t-il été, à votre avis, partagé par les administrations compétentes ? Vous dites d'ailleurs, page 82, « le rapport de la mission est destiné principalement aux directions générales du ministère de la transition écologique, charge à eux de transmettre à la direction générale de la santé, également fortement concernée, et aux directions générales des autres ministères » concernés. A-t-il été transmis, a-t-il eu des suites ?
M. Alby Schmitt. - Ce rapport était effectivement destiné à la ministre, mais parallèlement la loi Climat et résilience a prévu la transmission au Parlement d'un rapport du Gouvernement sur le risque de présence de PFAS dans les eaux et le sol. Notre rapport a dû servir de base à l'élaboration de cet autre rapport.
Ensuite, notre rapport a également servi pour le plan d'action ministériel sur les PFAS de janvier 2023.
Enfin, le rapport de 2024, qui est interministériel, reprend beaucoup d'éléments de notre rapport et de nos recommandations.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Parlons un peu du curatif. Il semblerait que des bactéries soient capables de s'attaquer aux PFAS, ce qui permettrait leur résorption plus rapide dans l'environnement. Partagez-vous cet espoir ?
M. Alby Schmitt. - J'ai travaillé sur ce type de sujet durant ma thèse. À l'époque, il ne s'agissait pas de PFAS, mais de polluants très durs, comme des organochlorés, et nous nous sommes aperçus qu'on pouvait réussir à les dégrader en laboratoire dès lors qu'on utilisait de la biomasse fixée. Des bactéries se fixaient sur des supports, par exemple du sable ou du plastique, un biofilm se développait progressivement et, dès lors que tous les autres polluants avaient été traités, on arrivait, à force de mutations, à digérer les molécules organiques très dures.
Ce dont vous parlez ne m'étonne donc pas. Pour autant, depuis cette période, je n'ai pas vu de développement de ce type sur les molécules organochlorées, alors même que le processus est a priori plus facile sur elles que sur des molécules organo-perfluorées. Je ne peux donc pas me prononcer. Et, même si des bactéries réussissent à digérer ces molécules particulièrement persistantes, aurons-nous la capacité de les développer ?
Il existe tout de même des techniques pour traiter les PFAS dans l'eau potable : les colonnes échangeuses, les filtres à charbon actif, l'osmose inverse, sous réserve que certaines membranes utilisées contiennent elles-mêmes des PFAS... Ces techniques ont fait leurs preuves et elles sont développées sur le plan industriel pour la production d'eau potable - par exemple, le syndicat des eaux d'Île-de-France (Sedif) en utilise.
Mais il reste une difficulté : que faire des déchets ainsi produits ? En effet, ces techniques créent un concentrat ou une saumure qui recueille les PFAS ou les autres polluants filtrés. Ainsi, quand on utilise l'osmose inverse pour traiter l'eau et la rendre potable, on rejette le concentrat dans la rivière voisine... On n'a donc pas « supprimé » les PFAS, on les a transférés dans la rivière ! Cela pose évidemment des problèmes. Or il est difficile d'imaginer d'autres voies, parce que les volumes sont importants.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - On peut les incinérer ?
M. Alby Schmitt. - Oui, quand il ne s'agit pas d'eau, mais nous ne savons pas bien ce que deviennent les PFAS à l'incinération. Une étude américaine disponible au moment de la rédaction de notre rapport montre qu'il faut les monter au moins à 1 350 degrés Celsius.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - L'usine de Villers-Saint-Paul utilise effectivement des fours particuliers.
M. Alby Schmitt. - Très peu d'incinérateurs montent à cette température : pour les ordures ménagères, c'est 850 degrés. Un incinérateur de déchets industriels dangereux contenant des organo-chlorées monte à 1 100 degrés. À l'usine Daikin à Pierre-Bénite, on utilise des systèmes d'osmose inverse et à charbon actif sur les eaux usées, puis on incinère les concentrats ou les charbons directement. Cela représente un coût.
De manière générale, il est quand même préférable de traiter les PFAS à la source, ce qui est souvent assez facile, mais nombre d'industriels ont pris beaucoup de retard. C'est facile si on isole bien l'atelier qui produit des PFAS ; dans ce cas, on sait les récupérer et les volumes d'eau sont nettement plus faibles.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Cela pose la question de l'amont.
M. Alby Schmitt. - Effectivement ! C'est un principe général de l'environnement industriel : plus vous traitez le problème en amont, moins c'est cher et moins vous avez de problèmes.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Que pensez-vous de la situation de la France par rapport aux autres pays européens ?
M. Alby Schmitt. - En ce qui concerne l'eau destinée à la consommation humaine, la directive s'applique dans tous les pays de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, si bien que nous sommes globalement au même niveau. Pour autant, une directive fixe un minimum ; il est donc possible que certains pays soient allés un peu plus loin. Lorsque j'étais président de la Commission internationale de la Meuse, j'ai pu constater qu'il n'y avait pas vraiment de différence entre la France, la Wallonie, la Flandre ou les Pays-Bas.
En ce qui concerne les sols, certains pays ont voulu aller plus loin, parfois trop loin... Ainsi, les Pays-Bas ont fixé des normes très strictes qui ont en fait bloqué le marché foncier, car aucun sol ne répondait aux normes...
Il me semble que, sur l'eau potable, la France se situe dans la moyenne européenne ; nous sommes peut-être en avance sur certains aspects. Par exemple, nous surveillons beaucoup plus les PFAS dans l'eau, notamment dans les eaux souterraines ; l'Allemagne n'a pas d'obligation forte aujourd'hui sur ce sujet.
Mme Marie-Lise Housseau. - Vous nous avez dit que certaines agences de l'eau avaient engagé des mesures depuis plusieurs années. Constate-t-on une évolution dans le temps ? Par ailleurs, vous avez indiqué que les PFAS sont essentiellement dus aux produits phytosanitaires. Dans ces conditions, constate-t-on des différences géographiques, par exemple entre les zones viticoles et les autres ?
M. Alby Schmitt. - Le TFA ne fait pas partie des molécules surveillées, puisqu'il n'est pas listé dans la directive parmi les vingt PFAS dont j'ai parlé. J'ajoute que, lorsque nous avons rédigé notre rapport, nous ne disposions pas d'informations sur cette molécule.
De ce fait, quand on regarde une carte de France des PFAS, on voit surtout les anciennes zones industrielles et les rivières qui les traversent du fait des rejets qui y étaient réalisés à une époque. Et la carte est blanche en-dehors de ces zones, en particulier dans les zones rurales.
Mais, si on refaisait aujourd'hui cette cartographie - seulement trois ans après -, notamment en introduisant le TFA, j'ai peur que la conclusion soit totalement inverse... D'où l'intérêt de procéder à des mesures globales des PFAS.
M. Laurent Burgoa, président. - Je vous remercie pour votre participation aux travaux de notre commission d'enquête.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Pollution de l'eau par les microplastiques - Audition de MM. Johnny Gasperi, directeur de recherche au laboratoire « eau et environnement » de l'université Gustave Eiffel, et Guillaume Duflos, directeur de recherche au laboratoire de sécurité des aliments de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES)
M. Laurent Burgoa, président. - Nous allons reprendre notre série d'auditions avec celle de M. Johnny Gasperi, directeur de recherche à l'Institut Gustave Eiffel, de M. Guillaume Duflos, directeur de recherche au laboratoire de sécurité des aliments auprès de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), et de M. Stephen Kerckhove, directeur général d'Agir pour l'Environnement.
Avant de vous donner la parole, je vous rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête est passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal. Je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant « Je le jure ».
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, MM. Johnny Gasperi, Stephen Kerckhove et Guillaume Duflos prêtent serment.
M. Johnny Gasperi, directeur de recherche au laboratoire « Eau et environnement » de l'université Gustave Eiffel. - Je le jure.
M. Stephen Kerckhove, directeur général d'Agir pour l'Environnement. - Je le jure.
M. Guillaume Duflos, directeur de recherche au laboratoire de sécurité des aliments auprès de l'Anses. - Je le jure.
M. Laurent Burgoa, président. - Je dois également vous demander vos éventuels liens d'intérêt avec l'objet de notre commission d'enquête.
M. Guillaume Duflos. - Je fais partie de groupes de travail, nationaux et internationaux de normalisation méthodologique sur les microplastiques avec différentes parties prenantes. Vous pouvez consulter ma déclaration publique d'intérêt, disponible sur le site Internet. Il n'y a aucun souci.
M. Stephen Kerckhove. - Aucun lien direct ou indirect avec les entreprises d'embouteillage, seulement occasionnellement, des relations conflictuelles.
M. Johnny Gasperi. - En ce qui me concerne, il y a deux conflits d'intérêts potentiels. Je suis membre du comité d'experts spécialisés (CES) « Eaux » de l'Anses. Le second conflit d'intérêt potentiel est en lien avec mes contrats de recherche avec des producteurs d'eau potable, soit en région parisienne avec le syndicat des Eaux d'Île-de-France (SEDIF), soit dans l'Ouest de la France avec le syndicat Atlantic'Eau.
M. Laurent Burgoa, président. - Ce qui nous intéresse est de savoir si vous avez des contrats avec des industriels d'eau minérale en bouteille, et non ceux dans le domaine de l'eau potable.
M. Johnny Gasperi. - Non, mais, en revanche, j'en ai avec des acteurs de l'eau qui est distribuée pour l'eau potable. Ce n'est pas un lien direct.
M. Laurent Burgoa, président. - Merci beaucoup. Mes chers collègues, je vous rappelle que cette audition concerne l'étude des polluants récemment médiatisés, que sont les micros et nanoplastiques.
Messieurs, vos recherches portent sur la présence de micros et nanoplastiques dans l'eau. Monsieur Johnny Gasperi, vos travaux portent notamment sur le recensement de ces polluants dans les sédiments et les eaux fluviales. Monsieur Guillaume Duflos, vous avez travaillé sur la présence des microplastiques dans les océans et dans l'alimentation.
Notre commission d'enquête porte sur l'eau en bouteille, mais ne peut se désintéresser de la pollution de l'eau dans notre environnement. Monsieur Stephen Kerckhove, vous dirigez une association qui a récemment mené des études sur les microplastiques dans les eaux conditionnées.
Pouvez-vous expliquer à la commission d'enquête ce que sont les micros et nanoplastiques, comment ils se retrouvent dans notre environnement et dans l'eau que nous buvons ainsi que les risques sanitaires identifiés qui y sont associés ? Comment la présence de micros et nanoplastiques dans l'eau destinée à la consommation humaine est-elle mesurée ?
Quel est l'état de la réglementation sur les teneurs maximales en plastique dans cette eau ? Comment l'améliorer ? Comment traiter les microplastiques et faire disparaître cette source de pollution ?
Boire de l'eau conditionnée présente-t-il des risques spécifiques par rapport aux microplastiques ? S'agissant de l'eau conditionnée, peut-on indiquer que les filtres utilisés avant l'embouteillage ainsi que les bouteilles en plastique participent à cette pollution ?
Voici quelques questions sur lesquelles notre rapporteur vous interrogera dans quelques instants. Nous vous proposons de dérouler cette audition en trois temps. Vous présenterez successivement votre travail et vos réflexions en une dizaine de minutes chacun. Puis notre rapporteur vous posera des questions ainsi que les autres membres de la commission d'enquête.
M. Johnny Gasperi. - Monsieur le Président, nous souhaitons vous proposer en préambule de ces discussions de faire de la pédagogie et de la méthodologie, en commençant par définir ce qu'est un microplastique, les éléments de métrologie ainsi que les éléments de distribution de taille. En effet, il existe toute une gamme de tailles. Or les concentrations fluctuent en fonction de la nature du plastique et de sa taille.
M. Guillaume Duflos. - Les microplastiques sont des particules de matériaux plastiques définies principalement par leur taille. Celle-ci est comprise entre 1 micromètre et 5 micromètres, selon la communauté scientifique. Pendant une période, la limite basse des microplastiques a fait l'objet de questionnements. Désormais, le micromètre fait consensus. En dessous du micromètre, ce sont des nanoplastiques dont la limite basse atteint le nanomètre.
Ces microplastiques ont deux origines, dont la principale est la fragmentation de matériaux plastiques de plus grande taille. Les matériaux qui vont se retrouver dans l'environnement vont souvent subir des actions physiques, sous l'effet du soleil ou des vagues, s'ils sont en mer ou dans les sols. Ils vont subir des abrasions. Ces plus gros objets plastiques vont se dégrader en morceaux de plus petite taille jusqu'au microplastiques. La seconde origine des microplastiques est leur production à cette échelle. Les plasturgistes produisent des matériaux plastiques de taille inférieure à 5 mm, comme des billes de plastique qui pouvaient être utilisées auparavant dans des produits exfoliants ou certains produits ménagers.
M. Johnny Gasperi. - Je voudrais apporter quelques éclairages sur l'analyse des microplastiques dans les matrices environnementales. Les deux plus importantes sont, d'une part, l'analyse des plastiques par des méthodes de spectroscopie qui constituent des méthodes optiques ayant pour objet de compter les plastiques, d'autre part les méthodes globales portant sur une masse de polymères. Ces dernières relèvent plutôt des méthodes de chromatographie couplées à la spectrométrie de masse.
Guillaume Duflos a défini les microplastiques comme des particules dont la taille est comprise entre et 1 et 5 micromètres. Le challenge réside dans la distribution de taille dans cette gamme de tailles. En effet, la gamme de taille couvre trois ordres de grandeur. Or disposer d'une seule méthode pour ces trois ordres de grandeur est complexe.
S'agissant de la spectroscopie, il en existe deux catégories : celle infrarouge qui permet d'analyser des plastiques jusqu'à 5 à 10 micromètres et la spectroscopie Raman qui concerne des microplastiques plutôt entre 1 et quelques micromètres.
Une des difficultés liées à l'analyse des microplastiques est liée au défi de la gamme de tailles. Plus les particules sont petites, plus elles seront abondantes. Il convient donc de trouver une relation entre la quantité d'eau qui sera échantillonnée et l'abondance de ces particules. Moins les particules seront abondantes, plus il faudra échantillonner des volumes d'eau importants pour être représentatif. Inversement, plus elles seront abondantes, moins il sera important d'échantillonner des volumes importants pour être représentatif.
À cette difficulté de la taille, s'ajoute celle de la nature des plastiques et de leur forme. D'aucuns pensent qu'un plastique est un matériau simple, issu d'une formule magique. En réalité, il existe une diversité de plastiques. Ceux-ci sont additivés d'une certaine manière et formulés d'une certaine manière, si bien qu'il existe des milliers de polyéthylènes (PE). La difficulté ne réside donc pas dans l'analyse d'un PE, mais dans le fait de recenser de manière exhaustive toutes les formes de PE existantes.
Outre la taille et la nature, la forme constitue la dernière complexité d'analyse. Dans une eau embouteillée, sont présents deux types de microplastiques, des fragments ou des fibres. Ces dernières sont caractérisées par des ratios de longueur sur diamètre très importants. Or l'analyse de ces fibres pose problème dans l'embouteillage.
Ce point méthodologique est très important parce qu'il convient d'avoir toujours à l'esprit cette distribution de taille lors de l'annonce des concentrations. Il faut imaginer avoir cette courbe en loi de puissance avec la concentration annoncée toujours associée à une taille visée. À titre d'illustration, lors de l'annonce d'un nombre de microplastiques par litre dans une bouteille d'eau, on précise leur taille. C'est une condition sine qua non. On ne peut pas exprimer des concentrations sans y associer une taille. Le problème, dans la littérature, est que cette taille n'est pas toujours mentionnée ou fait l'objet de petites incertitudes.
M. Stephen Kerckhove. - Je n'ai pas tout à fait le même rôle que mes voisins de gauche et de droite. Je préfère préciser que je ne suis pas scientifique et je ne souhaite pas jouer ce rôle, car mon discours est militant.
Nous avons fait appel à des laboratoires indépendants pour diligenter deux enquêtes, publiées en juillet 2022 et en août 2024. Nous avons expérimenté à peu près les mêmes difficultés que celles évoquées par mes voisins. La première enquête a concerné les microplastiques, d'une taille qui n'allait pas en deçà d'un micromètre et donc ne portait pas sur les nanoplastiques. Une autre limite importante est relative au fait de n'avoir ouvert la bouteille qu'une seule fois pendant les tests, ne permettant pas d'analyser la dégradation du plastique liée au frottement.
Cela nous a conduits à réaliser une seconde enquête, publiée en août 2024. Nous avons sollicité un autre laboratoire pour analyser les nanoplastiques, avec beaucoup de difficultés. Celui-ci s'est heurté à une nouvelle limite, celle de l'incapacité à caractériser la nature des nanoplastiques qui ont été identifiés. Nous ne pouvons dire s'il s'agit du polyamide, du polyéthylène, du polytéréphtalate d'éthylène (PET), du polychlorure de vinyle (PVC) ou du polyuréthane.
En dépit de ces limites, nous avons commencé à investiguer. Or au-delà du discours rassurant des industriels laissant supposer que le plastique serait une matière inerte, dès la première enquête sur les microplastiques, nous avons eu la surprise de constater que 78 % des bouteilles analysées contenaient des microplastiques, avec des plastiques qui, a priori, n'avaient rien à faire dans la composition des bouteilles. Cela pose question.
Nous avons retrouvé des microplastiques dans le cadre de la seconde étude d'août 2024, qui a eu pour objet d'analyser deux sodas, Coca-Cola et Schweppes, mais cela aurait pu en être d'autres. L'analyse a révélé six sortes de plastiques, avec majoritairement des fragments de PVC dans le Coca-Cola, ce qui, a priori, ne devrait plus être le cas depuis l'engagement de 2019 des industriels à ne plus utiliser du PVC. Nous avons été tellement surpris que nous avons demandé au laboratoire de refaire l'étude après 20 ouvertures de bouchons.
Ce résultat nous a suffisamment interpellés pour faire réaliser six mois après une troisième étude, ou plutôt une « deuxième étude bis ». Nous avons donc rediligenté le laboratoire, il y a quelques semaines. Les résultats démontrent moins de fragments de PVC dans le Coca-Cola, mais on en retrouve encore. On en a également identifié un tout petit peu dans le Schweppes.
Une fois encore, des questions se posent aujourd'hui sur la présence comme sur la diversité de plastiques : nous avons trouvé des fragments de plastique en dépit de multiples limites que nous avons identifiées dans le cadre de nos propres études. Or, il existe des colorants, des plastifiants, et une série de matières qui sont utilisées aujourd'hui pour fabriquer le plastique.
En fait, on ne connaît absolument pas aujourd'hui la composition des produits. Lors d'une rencontre avec le laboratoire, on nous a précisé : « On inverse les choses, vous nous dites ce que vous souhaitez qu'on cherche et on voit si on le trouve ». Or, il s'avère que plus de 500 molécules peuvent entrer dans la composition du plastique. Bien évidemment, ce n'est absolument pas le rôle d'une association de répondre à cette demande, du point de vue scientifique et des moyens. Cela relève plus de la compétence, une fois encore, de mes voisins, notamment l'Anses, qui doit diligenter des enquêtes de façon à apporter toute la transparence. L'invitation que nous pouvons adresser aux industriels, c'est de faire preuve de transparence et de cesser de se réfugier derrière un secret industriel qui n'a pas lieu d'être, dès qu'on expose les consommateurs.
Enfin, au moment où nous avons rendu publiques nos études, sachez que la société Schweppes nous a déclaré que s'il s'avérait que des particules de microplastique étaient présentes dans leurs produits, « ils ne seraient pas intentionnellement incorporés dans nos emballages ». Certes, mais on en trouve à chaque fois qu'on fait des analyses. Le caractère accidentel, quand il est systématique, n'est plus un caractère accidentel. Quant à la déclaration de Coca-Cola qui indique qu'« il n'existe aujourd'hui aucune preuve scientifique suggérant que l'ingestion de particules plastiques est préoccupante pour la santé humaine. », nous n'avons même pas souhaité réagir à cette déclaration. En fait, je pensais boire du Coca-Cola pour son goût et non pas par plaisir d'ingérer du plastique.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Il est très intéressant dans vos présentations respectives d'observer que vous avez insisté sur des questions d'ordre méthodologique, sur la manière et dont vous détectez du plastique dans les eaux et boissons. Je comprends également que la réponse de Coca-Cola peut être agaçante quand on veut acheter cette boisson et que l'on se retrouve à boire du plastique.
C'est pourquoi j'aimerais qu'on aborde, pour les travaux de la commission, le sujet de l'état de la connaissance sur la dangerosité des microplastiques et des nanoplastiques. L'un d'entre vous, peut-il nous présenter un point d'avancement sur la connaissance scientifique de ce sujet ?
M. Guillaume Duflos. - Concernant les dangers potentiels du plastique et des microplastiques, il est important de rappeler leur composition. Le plastique en tant que tel est fabriqué à partir de polymères plastiques, tels que le polyéthylène, le polyamide, le polyéthylène téréphtalate, etc. Sont ajoutés à ces polymères, des additifs plastiques, des colorants et autres éléments afin de conférer différentes propriétés que l'on veut donner à cet objet plastique, comme celles de prévenir l'impact des UV ou de fonctionnaliser le matériau plastique.
Stephen Kerckhove évoquait le nombre de 500 additifs, mais les derniers éléments de la littérature révèlent qu'il y en aurait environ 16 000. Les industriels mélangent différents types d'additifs. Or, les combinaisons sont quasiment infinies et dépendent des propriétés que l'on veut conférer à ces plastiques. Ce qu'il est important de comprendre, c'est que ces additifs ne sont pas intimement liés aux plastiques. Ils peuvent se relarguer dès qu'ils sont en contact avec des éléments de leur environnement, l'eau, la terre, les organismes vivants, etc. Ce point est crucial, car cela constitue le premier niveau de danger.
Le deuxième niveau de danger réside dans la fixation d'autres contaminants par la surface plastique, qu'ils soient chimiques ou biologiques. Je prends un exemple. Quand un plastique se retrouve dans l'eau de mer, si certains composés chimiques passent à proximité, ceux-ci ou des bactéries peuvent venir se fixer sur ces plastiques qui véhiculent alors ces contaminants. Il convient de préciser, toutefois, que des travaux un peu anciens montrent que s'agissant des plastiques en mer, ceux-ci ne véhiculeraient pas plus de contaminants que d'autres éléments en suspension.
Je viens d'évoquer les dangers des particules de plastique. Votre question concernait également le risque. Est-ce bien le coeur de votre question ?
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Oui, vous évoquez en effet les dangers afférents aux plastiques, mais des seuils existent-ils ? Quelles quantifications ont été réalisées ?
M. Guillaume Duflos. - Je souhaite au préalable donner quelques éléments de contexte sur la recherche sur les plastiques et les microplastiques. Cette thématique de recherche est relativement récente puisque la communauté internationale s'en est emparée il y a un peu moins d'une dizaine d'années. On est donc sur une première phase de développement méthodologique. Il est vrai que rechercher des microplastiques n'est pas forcément très simple. Identifier des nanoplastiques, comme l'a souligné M. Stephen Kerckhove est encore beaucoup plus complexe. On est essentiellement, à ce jour, dans une phase de développement de méthodes afin de pouvoir caractériser ces particules, à la fois en termes de taille, comme cela a déjà été dit, de forme et de composition.
Dès que ces éléments de danger auront été caractérisés, on pourra définir s'il y a un risque. Pour l'instant, il n'existe, à ma connaissance, aucune limite réglementaire concernant des taux à ne pas dépasser de particules de microplastiques dans les aliments, dans l'eau, etc.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. -Je comprends votre réponse, mais il me semble que ce sont deux sujets qui sont assez différents. C'est comme mettre des souris en laboratoire et leur faire boire de l'eau avec du plastique et de l'eau naturelle versus repérer du plastique et identifier leurs niveaux de détection. Ce sont deux sujets différents dont l'un relève d'une enquête sanitaire avec témoin pour vérification tandis que l'autre s'apparente à des techniques pour approfondir la mesure. Existe-t-il des études aujourd'hui pour essayer de comprendre les effets sur des organismes humains de l'ingestion de plastiques dans des quantités importantes ou dans certaines quantités relevées qui permettraient d'établir des seuils ?
M. Guillaume Duflos. - Effectivement, des études sont menées afin de caractériser les effets en termes de toxicologie sur l'homme. Ne pouvant faire d'expérimentations sur l'homme, l'exemple que vous donnez est le bon, celui des études sur les souris ainsi que sur des cellules.
Il existe différents outils pour définir la toxicité du plastique avec la difficulté que soulignait Johnny Gasperi, qu'entre un morceau de plastique et un autre, la composition peut être très différente, notamment en termes d'additifs. Il est donc ardu, aujourd'hui, d'avoir un modèle type de plastique qui pourrait permettre de caractériser et de définir des seuils qui seraient généralisés. Néanmoins, des études ont mis en évidence qu'il pourrait y avoir des relations et des réponses entre une exposition au plastique et certains effets.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Pouvez les caractériser afin que nous les comprenions ? Avez-vous des exemples ?
M. Guillaume Duflos. - La difficulté réside toujours dans la dose d'exposition que l'on applique, que ce soit aux cellules ou aux animaux, au regard de la réalité de ce que l'on trouve dans l'environnement. Je vais vous donner un exemple. Les premières études qui ont été menées ont surtout utilisé des billes de microplastique que l'on pouvait facilement obtenir dans le commerce. Or elles ne créent pas les conditions de la réalité de l'exposition que nous subissons tous. Comme l'a rappelé Johnny Gasperi, les tailles et les formes peuvent être très différentes. Or les microplastiques sont souvent caractérisés non pas par des sphères parfaites, mais par des fibres et des fragments. Cette forme à un impact sur les résultats de toxicologie. Je ne suis malheureusement pas toxicologiste. Je ne peux pas aller beaucoup plus loin dans les explications que je vous apporte.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Lequel d'entre vous peut aller plus loin sur ce sujet ?
M. Stephen Kerckhove. - Plus loin, je ne sais pas. Ailleurs, peut-être. Nous ne sommes pas parvenus par hasard à la décision d'effectuer ces enquêtes. En 2016, nous avons réalisé les premières analyses sur des nanoplastiques et notamment sur du dioxyde de titane qui a été finalement interdit dans l'alimentation. En l'espèce, il y a quelque chose de curieux à se poser la question de l'évaluation du risque de contamination liée au plastique 65 ans après la commercialisation de la première bouteille plastique. C'est la recherche du temps perdu, mais XXL.
On a une problématique microplastique et une autre nanoplastique. Le rapport taille-surface et la réactivité du caractère nanométrique des plastiques n'a rien à voir avec celui des microplastiques. C'est la raison pour laquelle nous plaidons pour de la transparence et des moyens, en dépit des demandes de réduction des budgets des agences... Nous ne nous sommes pas concertés, mais il existe une urgence absolue à permettre aux agences dédiées à l'évaluation du risque de diligenter des enquêtes très rapidement afin qu'on ne continue pas, de rapports en rapports, de commissions d'enquête en commissions d'enquête, à s'interroger sur l'impact des nanoplastiques.
Notre rapport publié en août 2024 mentionnait que l'ensemble des études citées limitent souvent leurs observations aux particules micrométriques. Or, les particules nanométriques bien plus nombreuses ont une capacité de diffusion à travers les membranes bien plus importante et donc potentiellement un impact bien plus prononcé sur la santé et l'environnement. De plus, les microparticules altérées qui ont traversé le système digestif ou ont été traitées au chlore présentent des surfaces plus réactives et biocompatibles favorisant leur interaction et leur internalisation et donc leur potentiel impact sur la santé.
Je souhaite de nouveau, insister sur le fait que l'on part de très loin. Grâce à des études et notamment la nôtre, on commence à identifier des nanoparticules de plastique dans une gouttelette de 2 millilitres, ce qui est vraiment infime. Est-ce la nature ? Quelle est leur interaction ? Quels sont les effets cocktails ? Et surtout, quelles seront les capacités des nanoparticules à franchir les barrières physiologiques ? On se pose un grand nombre de questions. Or il est anormal de s'en poser tant en 2025. C'était en 1960 qu'il se fallait se poser ces questions et pas en 2025.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. -J'ai une question qui provient également des travaux de l'association Agir pour l'environnement. Vous avez rendu public en 2022 un rapport d'analyse qui étudie, vous l'avez déjà évoqué, la présence de microplastiques dans différentes marques vendues en France.
L'une des conclusions que j'ai trouvée assez paradoxale, et sur laquelle j'aimerais qu'on échange, c'est qu'à la fois vous soulignez dans cette étude que la plus grande partie de la pollution vient de la bouteille, du bouchon et de l'emballage, tandis qu'en même temps, quelques lignes plus tard, vous indiquez que l'on trouve encore davantage de particules de plastique dans l'eau du robinet que dans les eaux minérales naturelles. Sauf erreur de ma part, cette étude a constaté que la teneur en microplastiques était plus élevée dans un échantillon d'eau du robinet que dans l'échantillon provenant des dix marques d'eau embouteillée. Comment expliquez-vous cela ? Comment expliquer la contamination de l'eau du robinet aux plastiques ?
M. Stephen Kerckhove. - Il existe plusieurs causes : l'une d'entre elles est vraisemblablement liée à la dégradation des canalisations en PVC, une autre à la contamination des milieux, c'est une boucle de rétroaction. Ainsi, le recyclage des bouteilles en fibre textile, qui a fait l'objet d'une ou deux études, a montré que les premiers lavages de tissus en textile synthétique relarguent quasiment 400 000 fibres textiles à chaque lavage. Vraisemblablement, rien ne se perd, tout se transforme. En l'espèce, cela continue à contaminer les milieux. En conséquence, réduire la contamination à la source, sans mauvais jeu de mots, requiert de limiter l'impact des bouteilles plastiques en tant que tel ainsi que celui des microparticules que l'on retrouve dans l'eau, et éventuellement celui du recyclage ou du décyclage des bouteilles d'eau sous forme de textiles.
M. Johnny Gasperi. - Je souhaiterais compléter mon propos sur le cadre théorique. La contamination plastique d'une eau en bouteille peut venir de trois facteurs différents : la contamination de la ressource, l'embouteillage lié au contenant et la manière dont on va embouteiller l'eau.
La ressource, comme vous l'avez précisé, a recours massivement aux plastiques aujourd'hui. Dès leur utilisation, on constate une usure de ces plastiques provoquant le relargage de milliers, voire de millions de particules de plastique dans nos compartiments environnementaux qui ne sont pas cloisonnés. Ainsi, l'utilisation de plastique peut conduire à sa présence dans une rivière qui va interagir avec la nappe, dans le cadre d'échanges nappe-rivière, et provoquer une contamination des nappes par des microplastiques. Cet état de contamination des nappes est relativement peu documenté et n'a donné lieu qu'à 5 à 10 études dans le monde décrivant l'état de ces nappes. On observe donc une contamination, soit par des échanges avec la rivière, soit par l'épandage des boues de stations d'épuration contenant des particules de plastique, qui vont ensuite s'infiltrer dans les sols, avec une possible imprégnation des plastiques dans cette ressource. La contamination de ces ressources constitue aujourd'hui un fait avéré. Dans quelle mesure ? Il est très difficile de l'évaluer parce qu'on dispose de très peu d'éléments. Tout dépend du seuil de coupure que l'on va regarder.
L'autre cause de contamination des microplastiques dans l'eau peut intervenir au moment de l'embouteillage, par le contenant. On fait ici référence au PET et au bouchon. L'ensemble des études ne convergent pas toutes vers le même constat. Certaines affirment que c'est le PET ou le polypropylène du bouchon qui sont les principaux polymères retrouvés dans les eaux embouteillées, tandis que d'autres soulignent que ce sont d'autres polymères présents dans ces eaux. Il existe alors deux manières de raisonner. Soit la contamination provient des polymères des contenants. Il est alors simple d'établir le lien avec le contenant. Si les polymères ne sont pas liés aux contenants, cela signifie que le processus de contamination est intervenu lors de la mise en bouteille.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Vous faites référence au processus de production.
M. Johnny Gasperi. - Oui, le processus de production et d'embouteillage. Généralement, cet embouteillage se fait dans des chambres stériles. Toutefois, l'air intérieur et l'air ambiant contiennent une diversité de microplastiques. La contamination aérienne lors de l'embouteillage constitue donc une piste probable. En revanche, en toute clarté, ceci constitue un cadre théorique. Je ne dispose d'aucun élément scientifique pour attribuer un pourcentage des cas de contamination aux différents facteurs, que ce soit à la ressource, à l'embouteillage ou au contenant. À ma connaissance, aucun élément le permettant n'a été publié.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Quelques questions avant de céder la parole à mes collègues. À votre connaissance, dans le secteur privé, les minéraliers et les embouteilleurs diligentent-ils des études afin d'identifier les risques éventuels ? Avez-vous connaissance de telles études ?
M. Johnny Gasperi. - Il m'est arrivé d'avoir quelques échanges avec des employés de Nestlé, sur la contamination de l'air. Je sais qu'ils se posent des questions.
M. Laurent Burgoa, président. - Des échanges de quel ordre ?
M. Johnny Gasperi. - Des échanges portant purement sur l'expertise et la connaissance du problème. En effet, mes travaux sur la contamination de l'air sont particulièrement connus, car nous avons été les premiers à identifier cette contamination. Il nous arrive d'échanger dans des groupes de travail, dans des colloques sur cette pollution de la terre.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Selon vous, Nestlé dispose-t-il d'équipes en interne pour traiter spécifiquement de cette question ?
M. Johnny Gasperi. - Je sais qu'ils ont des laboratoires de recherche équipés ainsi que des gens formés et compétents dans le domaine de la recherche de microplastiques dans leurs laboratoires de recherche.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - J'imagine que ces chercheurs produisent des rapports sur le résultat de leurs recherches. Avez-vous connaissance de tels rapports qui ont été rendus publics par Nestlé ? En avez-vous été destinataire ? Les avez-vous lus ?
M. Johnny Gasperi. - Non, je n'ai jamais rien lu provenant de chez eux.
M. Laurent Burgoa, président. - Qu'en est-il des autres industriels qui effectuent également des recherches dans ce domaine ? On ne peut cibler qu'un seul industriel, dans le cadre de cette commission d'enquête.
M. Johnny Gasperi. - Je pense que les industriels sont très sensibles et sensibilisés à cette question des microplastiques. Ils ont sans doute procédé à des recherches de leur côté. Je sais que c'est le cas pour Nestlé. Pour d'autres, je ne sais pas.
M. Laurent Burgoa, président. - Vous en êtes certain pour Nestlé. Vous n'avez pas d'éléments quant aux autres industriels. Je vous remercie. C'est une honnêteté intellectuelle de votre part.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Merci. Il serait intéressant pour notre commission de demander la communication des rapports qui ont été produits par les industriels, afin d'aller plus loin dans la compréhension des résultats de leurs recherches.
J'ai une dernière question, qui rejoint ce sujet et qui est aussi en lien avec les discussions avec les industriels. Avez-vous connaissance d'industriels qui se posent la question de la nature de leur bouteille plastique ou de celle du retour de la bouteille en verre ?
M. Johnny Gasperi. - Tout dépend où se situe la contamination dans le cadre conceptuel que je vous ai présenté : la ressource, l'embouteillage et le processus d'embouteillage. Dans le cas d'une contamination liée à l'embouteillage et au matériau, il est évident que la bouteille en verre est la solution. Si le problème est lié à la ressource, le choix d'une bouteille en verre ou en plastique n'aura que peu d'effet de ce point de vue.
En revanche, un tel choix ne peut être étudié uniquement sous l'angle microplastique. Il devrait tenir compte au maximum des facteurs affectant le domaine environnemental. La bouteille en verre génère beaucoup moins de gaz à effet de serre. Il est évident que celle-ci est beaucoup plus durable. Mais c'est un autre débat.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Voulez-vous rajouter un mot, peut-être, sur votre connaissance des travaux des industriels ? Vous avez évoqué quelques textos échangés avec les uns et les autres.
M. Stephen Kerckhove. - Je dois vous renvoyer vers mes collègues de Zero Waste qui mènent des campagnes depuis des années sur le retour des bouteilles en verre. Nous avons constaté, à l'issue de notre enquête avec des hypothèses d'une seule ouverture, 10 ouvertures ou 20 ouvertures, une très forte augmentation du nombre de particules, qui serait due au frottement du bouchon. Si la bouteille est en verre, quid de ce frottement ? Le bouchon va-t-il se fragmenter ? Une fois encore, un grand nombre de questions se pose alors que des analyses pour y répondre ne demandent pas des dizaines de milliers d'euros. Et vraisemblablement, les industriels ont déjà effectué ces analyses en interne.
En 2022, la seule réaction des industriels que nous avons eue, sans remettre en cause le sérieux du laboratoire qui en est à l'origine, est que : « la Fédération des eaux minérales naturelles et des eaux de source regrette la visée anxiogène et stigmatisante, d'une étude qui tire des généralités d'échantillonnage unique sur seulement 9 produits, puisque les analyses n'ont pas été répliquées ». Ils évoquent certes les limites de l'étude que nous acceptons complètement. Je le répète, nous n'avons pas vocation à publier dans des revues à comité de lecture. Toutefois, on ne peut pas en rester là. Dénoncer l'enquête et dire « rendez-vous dans deux ans » n'est pas acceptable.
Ces industriels ont des laboratoires et mènent vraisemblablement des enquêtes internes. Vous pouvez les interroger sur les études qu'ils mènent en interne pour vérifier d'où vient ce PVC. D'où viennent la dégradation et le nombre de particules ? Est-ce la même chose avec les petites bouteilles ? Nous menons des enquêtes sur les petites bouteilles tétines. Il avait été retrouvé des particules de plastique dans Vittel Kids. Il n'est plus simplement question d'eau qui passe sous pression dans la bouche, mais d'enfants qui vont mâchouiller du plastique. Si on peut s'épargner la contamination des enfants juste pour quelque chose qui n'a aucun sens, vraiment, autant limiter ce genre de dérive industrielle.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Pour finir, côté Anses, compte tenu des analyses industrielles privées et celles publiques, dont on voit qu'elles sont balbutiantes sur l'impact sur la santé, considérez-vous que le niveau d'investissement public sur le sujet est à la hauteur du risque qui pourrait se matérialiser ?
M. Guillaume Duflos. - Je n'ai pas fait de présentation liminaire, comme Monsieur le président l'avait demandé. Je ne représente pas l'Anses, mais il est exact que le laboratoire dans lequel je travaille est un laboratoire de sécurité des aliments qui traite de tous les dangers alimentaires, y compris depuis maintenant une petite dizaine d'années, de ce sujet émergent qui a été pris en main au tout début du questionnement de la communauté scientifique.
Pour tout vous dire, nous menons des travaux de recherche en lien notamment avec la santé. J'ai déjà évoqué les additifs. Nous travaillons essentiellement sur la méthodologie. Nous avons commencé par mettre en place à la fois des outils analytiques, qui sont plus que cela, car ils constituent de véritables processus analytiques. Nous avons dû revoir nos concepts d'analyse parce qu'il existe beaucoup d'éléments en plastique dans les laboratoires. Un travail approfondi sur la méthodologie a été nécessaire pour analyser correctement les produits aux fins d'en caractériser le danger, en connaître les limites ainsi que de définir la réglementation appropriée. Nous avons donc énormément travaillé sur cette partie analytique.
Nous nous intéressons bien évidemment à la contamination dans les aliments. L'Anses cofinance actuellement une thèse qui a comme objectif de passer en revue les différents aliments. Une publication, en cours de soumission et pas encore revue par les pairs, porte sur l'analyse de différentes boissons. Nous participons également aux travaux d'expertise dans différents groupes de travail. L'Anses a également mis en place un groupe de travail interne avec la participation de tous les laboratoires qui peuvent avoir une interaction avec la problématique des particules de plastique.
Je vous ai présenté tous les étages de cette fusée. Il est vrai que l'on n'a jamais assez de moyens. Je peux, toutefois, affirmer que l'Anses se préoccupe de ce sujet microplastique et nanoplastique.
M. Laurent Burgoa, président. - Trois de nos collègues veulent poser des questions, Madame Antoinette Guhl, puis Madame Marie-Lise Housseau et Monsieur Hervé Gillé.
Mme Antoinette Guhl. - Bonjour et merci à vous trois pour toutes ces informations. Si vous le voulez bien, j'ai trois questions. La première concerne l'étude d'Agir pour l'environnement de juillet 2022 qui s'intitule « Eau embouteillée, nous buvons du plastique ». Celle-ci porte sur une série de marques que nous connaissons toutes, Badoit, Carrefour, Cristalline, Évian, etc. Le résultat est que 78 % des eaux contiennent des microplastiques. Or je suis étonnée. Je pensais que 100 % de ces eaux contiendraient du microplastique puisque ce sont des bouteilles en plastique. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi 22 % de ces eaux ne contiennent pas de microplastiques ? C'est à elles que j'aimerais que l'on s'intéresse, même si votre étude détaille plutôt les 78 % qui en contiennent.
M. Stephen Kerckhove. - Je vais de nouveau rappeler les limites de cette analyse qui a conduit à la seconde enquête : nous n'avons ouvert, vidé et analysé les bouteilles d'un litre et demi qu'une seule fois. Compte tenu de la quantité d'eau dans chaque bouteille, il y avait, à l'évidence, un biais. La raison de la seconde enquête a donc été de se rapprocher le plus possible des conditions réelles d'utilisation. En effet, vous ouvrez une bouteille d'un litre et demi, une fois, dix fois, vingt fois. Nous avons également mené une analyse à chaud et à froid, pour imiter la situation de la bouteille qui reste sur la plage arrière de la voiture. En réalité, nous n'avons pas noté de différence de quantité de particules.
Une fois encore, je vais le répéter : nous n'avons pas vocation à dire la science. Ce n'est pas notre rôle. Nous sommes des lanceurs d'alerte, avec toutes les limites que cela peut représenter, avec le manque de moyens d'une association qui a mené une enquête sur une dizaine de marques. Les résultats comportent une part de variabilité. La mise à jour de notre enquête sur Coca-Cola montre que le nombre de particules de PVC est largement inférieur à notre première enquête. Cela ne signifie absolument pas que Coca-Cola ait mis en place un correctif dans ses capacités de production. C'est uniquement le fait que nos analyses varient, car nous ne sommes pas contraints par des procédures et protocoles industriels.
Mme Antoinette Guhl. - Si vous me le permettez, je vais donc poser la question aux deux autres intervenants. Pensez-vous qu'il est possible de boire de l'eau embouteillée dans des bouteilles en plastique, sans ingérer de particules de plastique ? Une forme d'inertie peut-elle exister ou le fait de mettre de l'eau dans un contenant en plastique génère-t-il, dans tous les cas, la présence de particules de plastique, et donc pour ceux qui la consomment, leur ingestion ?
M. Johnny Gasperi. - C'est une question à laquelle il est difficile de répondre. Ainsi que je vous l'ai exposé précédemment, il existe trois sources possibles de contamination : la ressource, la manière dont on va embouteiller et le contenant. Or il n'est pas aisé de distinguer le rôle et la contribution de chacun, dans un cas de contamination. Ce qui est certain, c'est que ces particules de plastique sont bien présentes dans l'eau embouteillée. Quant au « 78 % », je vous rejoins, leur présence dans des bouteilles en plastique doit être proche des 100 %. Ce qui fera varier ce taux relève de la question de la sensibilité, des volumes d'eau échantillonnés ainsi que la limite de taille que l'on va rechercher. Plus cette taille sera petite, plus les particules seront abondantes. Si la recherche porte sur des particules de plastiques de l'ordre du micromètre, 100 % des bouteilles sont probablement concernées.
S'agissant du contenant, certaines études montrent que c'est le PET, en lien avec le contenant, qui va être très abondant tandis que d'autres indiquent le contraire. Il n'existe pas de réponse claire. Dans tous les cas, le polymère du contenant est présent, en plus ou moins importante quantité.
M. Guillaume Duflos. - Je rejoins les propos de Monsieur Johnny Gasperi. Je suis désolé de devoir toujours revenir à la méthodologie, mais on en atteint vraiment les limites. En termes analytiques, on se situe au maximum de ce que l'on peut effectuer techniquement avec nos équipements, du point de vue de l'efficience. Quand on réussit à détecter quelques particules par litre, on n'en détecte pas forcément toujours lors des répétitions, dans le cadre d'une procédure statistique.
En revanche, l'idée serait de pouvoir échantillonner des quantités beaucoup plus importantes telles que 100 litres ou 1 000 litres. Ce n'est, toutefois, pas toujours très simple d'un point de vue technique et pratique. L'approche adoptée est donc celle de la recherche et non celle d'un contrôle de routine sur des éléments qui seraient complètement établis. Il est important de comprendre que nous ne sommes encore que dans des phases de développement. Les attentes sont nombreuses sur ces questionnements. En même temps, nous essayons d'aller au plus vite afin de proposer des méthodes qui puissent être les plus performantes possible.
Mme Antoinette Guhl. - Merci. J'ai une autre question, je ne sais pas si vous pourrez y répondre. Il semble que certains minéraliers exploitaient en hiver des nappes phréatiques peu importantes en volume, pour l'ensemble de l'année et embouteillaient en une fois l'ensemble des bouteilles qu'ils vendaient durant l'année.
Cette pratique qui conduirait à stocker l'eau bien plus longtemps dans ces bouteilles en plastique, génère-t-elle plus de microparticules de plastique dans l'eau et in fine dans l'eau ingérée ? Vous avez évoqué l'embouteillage comme facteur de contamination, mais n'y a-t-il pas aussi la durée et sans doute les conditions de stockage ? Des études ont-elles été réalisées sur ces points ?
M. Johnny Gasperi. - Je suis désolé de répondre de cette manière. Il y a le cadre conceptuel, la théorie, et puis après les données. Nous allons revenir sur le cadre conceptuel et la théorie. La fragmentation des plastiques est favorisée en présence d'UV, de chaleur ou de contraintes mécaniques. En conséquence, sous réserve qu'il n'y ait pas d'exposition aux UV, pas de températures élevées et pas de contraintes mécaniques, on pourrait penser que cette fragmentation est limitée. C'est donc le cadre théorique.
Malheureusement, je me tourne vers Monsieur Guillaume Duflos, je n'ai pas connaissance de travaux sur les effets du stockage. C'est quelque chose qui serait très facile à démontrer scientifiquement. On achète des bouteilles, on les entrepose six mois quelque part et on se livre à des examens. On peut penser que la fragmentation sera sans doute réduite. S'agissant des additifs, c'est différent, car un équilibre se crée alors entre les polluants qui sont sur les plastiques et ceux dans l'eau.
Mme Antoinette Guhl. - J'ai une autre question relative à la taille de la bouteille. J'ai par ailleurs déposé une proposition de loi pour interdire les petites bouteilles en plastique, pour de nombreuses raisons, qui ne se limitent pas à la question sanitaire, telles que la pollution et le recyclage que l'on ne traite pas aujourd'hui, sachant que le temps nous manque pour tout aborder. Vous affirmez très clairement dans votre étude, Monsieur Stephen Kerckhove, que les bouteilles Vittel Kids de 33 centilitres affichent le plus grand nombre de particules de plastique. Peut-on en tirer une généralité sur les petites bouteilles qui par leur taille contiendraient plus de particules de plastique ? Ai-je été claire ?
M. Stephen Kerckhove. - C'est tout à fait clair. Je crains que la réponse soit négative. Les petites bouteilles posent une problématique de gaspillage des ressources naturelles, avec un plastique à usage unique. Je possède de petites bouteilles de moins de 3 centilitres dans mon « musée des horreurs ». C'est en effet absurde.
La conclusion de notre deuxième rapport est que le fait d'ouvrir à plusieurs reprises une bouteille et selon la nature du bouchon, en l'espèce les bouchons tétines, tend à engendrer des microparticules. Dans le cas d'une petite bouteille, cette ouverture multiple n'existe pas, car une fois ouverte, vous la buvez entièrement.
J'ai juré de dire la vérité. Nous n'avons pas encore mené d'autres études que celle réalisée en 2022 où on avait constaté qu'effectivement une bouteille Vittel Kids générait beaucoup de particules lors du passage de l'eau dans le bouchon tétine. Il convient désormais d'approfondir cette étude et de la généraliser. Vraisemblablement, c'est plutôt les grandes bouteilles, ouvertes 10 ou 20 fois qui risquent de contenir plus de particules. Je ne souhaite pas faire la promotion de l'alcool ici, mais je soulignerai que nous ne disposons pas d'analyse sur la quantité de microparticules ou nanoparticules dans une bouteille de Schweppes, ouverte 50 fois lors d'un apéritif.
M. Johnny Gasperi. - Monsieur Stephen Kerckhove insiste beaucoup sur l'utilisation de ces bouteilles. Il convient, en effet, d'appréhender le problème dans toute sa globalité, celui de la source et de l'utilisation. La réflexion doit être menée sur toute la chaîne, car on ne peut dire que le problème s'arrête à la distribution par les industriels. Celui-ci se poursuit tout le long du cycle de vie et de l'utilisation des produits. Les ouvertures et fermetures ainsi que l'usage de ces produits doivent être pris en compte.
Mme Marie-Lise Housseau. - Vous venez partiellement de répondre à mes interrogations parce que, dans une session précédente, nous avions évoqué l'amélioration de l'étiquetage pour mieux informer le consommateur. Un mode d'emploi de la bouteille en plastique pourrait être également envisagé afin de fournir quelques préconisations, notamment sur la durée de stockage, l'exposition au soleil, la date de consommation, l'attention aux chocs, etc. Cela pourrait être une information utile pour le consommateur.
Ma question porte sur les emballages. Vous avez étudié les bouteilles en plastique, mais le plastique est partout dans l'alimentaire, que ce soit pour emballer des pâtisseries, de la viande, etc. Or, quand on utilise un produit, on déchire très souvent l'emballage plastique, sans y porter attention, le but étant de récupérer le contenu. Compte tenu de vos propos, n'y a-t-il pas également une problématique relative à tous ces emballages en plastique ? Serait-il pertinent de demander à la filière « Responsabilité élargie du producteur » (REP), d'une part, de procéder à des analyses plus systématiques, de manière à réduire le plus possible les risques de contamination, et d'autre part, de remplacer à terme ces emballages par autre chose.
M. Stephen Kerckhove. - Quand il y a une divergence entre la théorie et la pratique, la pratique a toujours raison. En l'espèce, présupposer qu'un litre et demi de boisson va être bu en une seule fois est erroné. En conséquence, les analystes devraient tenir compte des conditions réelles d'utilisation. Si ces dernières conduisent à exposer massivement les consommateurs à un danger, les industriels doivent concevoir leurs produits en fonction des conditions réelles d'utilisation et non pas de la théorie. En l'espèce, si les analyses ne révèlent qu'entre 46 et 93 microparticules, on peut imaginer que les chiffres « explosent » dans le cas d'une vingtaine d'ouvertures d'une bouteille d'un litre et demi, ou celui de la recherche des nanoparticules, ou éventuellement dans le cas du stockage des bouteilles d'eau sur le parking de l'industriel, pendant quelques mois avant leur consommation.
Les industriels doivent donc systématiser les analyses théoriques ainsi que celles au quotidien. Ils le font peut-être. Ils doivent également les rendre publiques. Il serait absurde que les industriels disposant d'une information dont le coût est modeste au regard de leur chiffre d'affaires, ne la communiquent pas alors qu'ils doivent garantir la non exposition des consommateurs aux micro et nanoparticules.
M. Hervé Gillé. - Je vais me faire volontairement provocateur : il n'y a pas de problème puisqu'on ne connaît pas la dangerosité du plastique. On peut donc, a priori, continuer comme ça. Il n'y a aucun souci ! Je suis très surpris qu'on ne parvienne pas à caractériser la dangerosité des plastiques par rapport à la consommation humaine. L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a mené des travaux sur l'impact des plastiques sur la santé humaine qu'il conviendrait de revoir.
M. Laurent Burgoa, président. - Notre collègue Madame Florence Lassarade, membre de la commission d'enquête, appartient également à l'OPESCT.
M. Hervé Gillé. - Oui, tout à fait et précédemment à l'OPECST, notre collègue, Angèle Préville, avait à l'époque, initié une série de travaux sur ces sujets. Les modalités de la caractérisation de la dangerosité des plastiques me semblent primordiales dans notre débat. Vous avez évoqué que ces derniers sont pluriels, notamment en raison des nombreux additifs. Ceci dit, certains de ces additifs sont connus pour leur dangerosité. Pourquoi ne pas avoir alors un début de caractérisation qui permettrait d'avancer un peu sur le sujet, car il est urgent de poser aujourd'hui ce sujet sur la table.
J'ai une question corollaire : avez-vous connaissance d'une commande gouvernementale sur ces sujets ? Il est impératif de progresser dans la connaissance du problème, compte tenu de la pollution plastique qui est devenue un enjeu majeur mondial, qui a fait l'objet de différents travaux, notamment parlementaires.
Un autre point me paraissant important est celui de la rémanence et de la temporalité de disparition du plastique dans l'environnement. L'impact du plastique au niveau des sols ainsi que la perméabilité des nappes en fonction de leur degré de profondeur méritent toute notre attention. Ces éléments de connaissance sont nécessaires pour évaluer les enjeux d'une contamination d'une nappe profonde rechargeable en mille ans par rapport à la goutte d'eau qui tombe aujourd'hui. Prenez-vous en compte ces éléments de connaissance des sols et de capacité de filtration ? En conclusion, pouvez-vous dresser un panorama des pollutions à court, moyen et long terme ?
M. Guillaume Duflos. - Concernant la dangerosité des produits, je peux vous indiquer l'existence d'appels à un projet d'envergure, au niveau européen, il y a déjà quelques années visant à comprendre un peu mieux les effets toxicologiques de ces particules de plastique. Certains d'entre eux sont en voie d'achèvement, mais je ne dispose pas des conclusions qui ont pu en être tirées.
Sachez que l'Anses se soucie de ces impacts et collabore avec une équipe de l'université de Lille. J'ai précédemment mentionné les exemples de rongeurs, ayant notamment des pathologies inflammatoires digestives, qui ont été exposés à des microplastiques. Nous avons mis en évidence, dans le cadre d'une publication, que cette exposition pouvait augmenter les pathologies de ces rongeurs. Les études progressent. L'écueil, comme toujours, est de passer d'un effet à un seuil. Comme je l'ai indiqué, je ne suis pas toxicologiste. C'est aux toxicologues de répondre à la question.
Les études avancent donc sur ce sujet. Vous avez rappelé la complexité de la composition des particules de plastique. Il conviendra, bien évidemment de s'appuyer sur les connaissances des additifs considérés comme dangereux et qui ne doivent plus normalement être utilisés. Sachez que, selon une étude Wagner et al., un tiers des 16 000 additifs référencés sont peu, voire très mal, connus en termes de dangers individuels. Par ailleurs, en cas de mélange et d'effets cocktails, on est encore bien loin de pouvoir totalement comprendre la dangerosité de ces produits et par voie de conséquence leur risque. Je suis désolé de devoir rappeler que le cadre n'est pas forcément simple. On est sur des activités de recherche pure. Il existe forcément un fossé entre ce qui est mis en oeuvre et le fait d'avoir des certitudes.
M. Johnny Gasperi. - De plus en plus d'équipes de recherche s'intéressent à l'impact sur l'homme. Ceux sur les organismes et les micro-organismes des hydrosystèmes ont été très clairement démontrés. Sans être écotoxicologue, les impacts sont nombreux, notamment sur la reproduction, le métabolisme, l'énergie et la croissance. Peut-être devriez-vous auditionner un spécialiste de ces questions de santé ?
Je souhaitais intervenir sur la trajectoire de cette pollution plastique. Nous avons matière à être pessimiste, car on observe aujourd'hui une croissance des matières plastiques entre 8 % et 10 %. L'environnement continuant de fonctionner comme il fonctionne, la pression sera de plus en plus importante. Outre ce plastique mis en circulation, on ne peut ignorer tout le plastique stocké dans nos environnements. La masse de plastique ne faisant qu'augmenter, accrois la pression sur l'environnement ainsi que le risque de contamination de la ressource. Je ne peux vous fournir de chiffres pour étayer mon propos qui relève du bon sens. La circulation de cette masse de plastique accroît la production de microplastiques.
Vous avez évoqué la migration de plastiques des horizons de surface vers les nappes, plus ou moins profondes. Cette percolation peut être favorisée par différents mécanismes tels que des échanges entre l'eau, les rivières et les nappes, le rôle du sol, la manière dont l'eau va circuler dans les sols, et celle dont le sol va retenir ces particules.
Les boues de stations d'épuration constituent une source très importante de contamination par des particules de plastique. Lors de l'épuration des eaux usées, les microplastiques sont transférés de la file eau vers la file boue. 60 % de ces boues sont épandues sur des parcelles agricoles à l'échelle nationale. Se pose donc la question d'apport massif de microplastiques dans les sols et de la contamination à long terme, à travers les boues et leur épandage.
La question du changement climatique et de la manière dont l'eau va circuler se pose également parce que dans le cadre des transferts préférentiels, tout dépend de la capacité de filtration des boues par un massif poreux ainsi que de la manière dont l'eau s'écoule dans ces massifs.
M. Stephen Kerckhove. - Un dernier élément pour souligner que votre question est particulièrement rassurante. Personne ne se pose la question de savoir si le plastique est bon pour la santé. Bien au contraire, la présence de six sortes de plastique dans le Coca-Cola nous interpelle. On présuppose vraisemblablement que cela n'est pas très bon.
Je vais procéder à nouveau par l'absurde. Le pacte national sur les emballages plastiques, signé le 21 février 2019, stipule explicitement que les entreprises signataires, dont Coca-Cola, s'engagent à arrêter l'utilisation du PVC dans les emballages ménagers d'ici 2022. En 2024, des analyses révèlent sa présence dans du Schweppes et du Coca-Cola. Nous sommes en 2025. Ce que je vais dire n'est pas très radical, mais le simple fait d'appliquer et de faire respecter la loi et les engagements volontaires des industriels constitue le minimum. Je rappelle que la loi impose 50 % de réduction du nombre de bouteilles en plastique d'ici 2030, et 77 % de collecte de plastique d'ici 2025. Nous sommes en 2025, l'objectif de 77 % n'a toujours pas été atteint.
M. Laurent Burgoa, président. - Ce n'est pas le seul domaine. Il y a d'autres domaines pour lesquels on a fixé des dates. Monsieur le rapporteur souhaite vous poser une dernière question.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Une ultime question pour Monsieur Guillaume Duflos à l'Anses. Vous avez évoqué vos travaux. Avez-vous des dates à nous communiquer ? Vous êtes-vous donné ou non, en interne, des objectifs de caractérisation et d'établissement de seuils ?
M. Guillaume Duflos. - Ma réponse ne va peut-être pas vous convenir, en termes de date, mais nous essayons d'aller toujours plus vite, compte tenu de nos moyens. L'Anses s'est saisie de ce sujet d'importance avec une grande implication. Dans le cadre de nos travaux de recherche, deux doctorants travaillent actuellement sur la question. Les échéances sont nécessairement liées à la nature de nos travaux. Dans le cas particulier de l'analyse de microplastiques, celle-ci nécessite un très long temps analytique, car nous caractérisons particule par particule. Le temps d'analyse est donc très long quand l'échantillon comprend 200 à 300 particules.
Je n'élude pas votre question, mais je dois insister sur le fait que nous progressons le plus rapidement possible. À titre d'exemple très concret, la thèse en cours, qui a pour objectif de caractériser méthodologiquement la contamination des plastiques doit couvrir une grande partie des différents types d'aliments. Pour l'instant, elle n'a pu traiter que les boissons parce que ce sont les aliments les plus simples à analyser par filtration. Quand l'analyse porte sur des matrices alimentaires plus complexes, la recherche de microplastiques devient particulièrement ardue, en raison des contraintes analytiques. Compte tenu des différents défis auxquels nous sommes confrontés, je ne sais pas ce que demain sera fait pour analyser tel type de produit beaucoup plus complexe.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Restons, si vous le voulez bien dans le domaine des eaux.
M. Guillaume Duflos. - S'agissant des eaux, comme je vous l'ai indiqué précédemment, nous avons soumis des publications. Pardonnez-moi, je n'ai pas bien compris la question.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Quand disposerons-nous d'éléments sur les questions de dangerosité afin que des normes sanitaires soient définies ?
M. Guillaume Duflos. - C'est une question qui dépasse mon périmètre. La durée du processus nécessaire pour élaborer une norme ne relève pas de mes compétences.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Permettez-moi d'aborder la question différemment. Vous dites avoir aujourd'hui deux doctorants travaillant sur le sujet. Combien de personnes supplémentaires vous faut-il pour traiter convenablement ce sujet et être capable d'émettre des normes ? Vous êtes directeur de recherche. J'imagine donc que vous avez une vision sur le sujet ?
M. Guillaume Duflos. - Vous avez auditionné mon directeur général la semaine dernière. Ce besoin est difficile à chiffrer. Compte tenu du contexte complexe actuel et des autres problèmes à traiter tout aussi importants, l'Anses mobilise au maximum ses moyens sur ce sujet. Il est certes évident que plus on a de moyens, plus on progresse, que ce soit des moyens humains, techniques et analytiques.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Monsieur Johnny Gasperi, voulez-vous ajouter quelque chose sur la question des moyens ?
M. Johnny Gasperi. - Les moyens ne sont malheureusement pas l'unique clé pour établir un seuil aujourd'hui. Le seuil doit être construit dans le consensus, dans un cadre méthodologique stable et consensuel, approuvé par tous.
Le problème réside dans l'existence d'un tel cadre méthodologique. La création d'une molécule organique telle qu'un pesticide obéit à des méthodologies très claires. Dans le cas de plastiques physiques transportant des polluants, il n'existe pas à ma connaissance de cadre méthodologique permettant d'exprimer leur toxicité, accepté par toutes les parties prenantes.
Avant même de poser un seuil dans une démarche scientifique, il convient de définir le cadre méthodologique qui va être utilisé et l'impact. Concernant les seuils, « je crois qu'on en est loin ».
M. Laurent Burgoa, président. - Quelqu'un veut-il rajouter quelque chose ? Je tiens à vous remercier, Messieurs, pour cette audition. Je pense que vos propos vont permettre d'améliorer les travaux de notre commission d'enquête.
Mes chers collègues, je vous donne rendez-vous demain à 13 h 30 pour l'audition de l'Association de défense de l'environnement.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 19 heures.
Mercredi 29 janvier 2025
- Présidence de M. Laurent Burgoa, président -
La réunion est ouverte à 13 h 30.
Associations de défense de l'environnement dans les Vosges - Audition de MM. Bernard Schmitt, président, et Jean-François Fleck, vice-président, de Vosges nature environnement et Mme Maïthé Muscat, co-présidente de Lorraine nature environnement (sera publié ultérieurement)
Le compte rendu relatif à ce point de l'ordre du jour sera publié ultérieurement.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 15 heures.
La réunion est ouverte à 16 h 30.
Associations des consommateurs - Audition de Mme Ingrid Kragl, directrice de l'information de Foodwatch, M. François Carlier, directeur général, et Mme Selma Amimi, chargée de mission « alimentation et développement durable » de Consommation logement cadre de vie (CLCV), et M. Claude Rico, vice-président du Conseil national des associations familiales laïques
M. Laurent Burgoa, président. - Mes chers collègues, notre après-midi d'auditions se poursuit avec une table ronde d'associations de défense des consommateurs. Nous recevons :
• Madame Ingrid Kragl, directrice de l'information et fondatrice de Foodwatch ;
• Monsieur François Carlier, directeur général et Mme Selma Amimi, chargée de mission alimentation et développement durable à la CLCV (Consommation, logement et cadre de vie), association nationale des consommateurs et des usagers ;
• Monsieur Claude Rico, vice-président du Conseil national des associations familiales laïques (CNAFAL), accompagné de Mme Karine Vaas-Letang, chargée du service juridique et consommation.
Avant de vous donner la parole, je vous rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête est passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal.
Je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant : « Je le jure ».
Mme Ingrid Kragl, M. François Carlier, Mme Selma Amimi, M. Claude Rico et Mme Karine Vaas-Letang prêtent serment.
Je vous remercie. Avez-vous d'éventuels liens d'intérêts avec l'objet de notre commission d'enquête ?
Aucun lien d'intérêt n'est déclaré.
Vous représentez des organisations aux positionnements différents. Foodwatch est une association spécialisée dans le secteur de l'alimentation tandis que la CLCV est une association de consommateurs généraliste. Quant au CNAFAL, c'est une association familiale.
Recevez-vous fréquemment des plaintes ou des signalements de consommateurs concernant l'eau minérale naturelle ?
Pourriez-vous revenir sur la façon dont vous avez accueilli les révélations journalistiques concernant les pratiques des industriels des eaux minérales ?
Selon vous, l'encadrement réglementaire actuel des eaux embouteillées est-il satisfaisant ?
Avez-vous des recommandations à formuler, notamment au niveau de l'étiquetage ?
Voici quelques questions sur lesquelles notre rapporteur vous interrogera.
Vous présenterez successivement votre travail et vos réflexions, en une dizaine de minutes chacun. Suivra un temps de questions-réponses, en particulier avec notre rapporteur, puis avec les autres membres de la commission.
Mme Ingrid Kragl, directrice de l'information et fondatrice de Foodwatch. - Foodwatch est ravie d'être entendue par le Sénat et de l'intérêt que vous portez à ce sujet. L'affaire remonte déjà à plus d'un an, il est donc grand temps de faire la lumière dessus.
J'ai créé en 2013 le bureau français de Foodwatch, qui est une association de défense des consommateurs existant depuis 2002. Nous sommes une association loi 1901, avec un angle spécifique dédié à l'alimentation sous tous ses aspects, l'étiquetage, l'environnement, le commerce, etc. Nous sommes une association agréée, nous pouvons donc ester en justice.
Nous sommes totalement indépendants, nous refusons toutes les subventions publiques et l'argent de l'industrie agroalimentaire. Nous sommes uniquement financés par les consommateurs.
Le fondateur de Foodwatch était l'ancien numéro un de Greenpeace International. Il a décidé de créer l'association au moment d'une terrible affaire sanitaire, le scandale de la vache folle. Il s'est rendu compte que, dans le domaine alimentaire, il n'y avait pas de contre-pouvoir au niveau européen. Or, les lobbys de l'agroalimentaire sont extrêmement puissants. Il manquait donc une organisation équivalente à Greenpeace sur la question de l'alimentation. Nous n'avons aucun lien avec Greenpeace, mais nous partageons un ADN commun d'indépendance. Nous sommes le « watch dog », nous surveillons les pratiques de l'industrie et le coeur de notre mission est de veiller à l'intérêt général et de nous battre pour une alimentation sans risque, saine et abordable pour tous, qui ne nuise ni à la santé ni à l'environnement.
435 000 personnes en France sont abonnées à nos newsletters gratuites, 1 million en Europe. Nous avons des bureaux à Berlin, Amsterdam, Vienne, Bruxelles et Paris.
Notre outil principal est le « name and shame ». Nous n'hésitons pas, après avoir documenté nos sujets, à désigner ce qui nous semble être défaillant au niveau des responsabilités, tant du côté des acteurs économiques que politiques. Je tiens à souligner que nous sommes totalement indépendants de tout parti politique,
Je remarque la présence de Madame Guhl avec laquelle nous avons eu le plaisir d'échanger dans le cadre de la mission qu'elle a menée. Je suis vraiment ravi que cette commission soit transpartisane, parce que les consommateurs n'ont pas d'étiquette politique et tous consomment de l'eau en bouteille.
Dès les premières révélations dans la presse sur la question des eaux en bouteille, nous avons été sollicités pour réagir parce que nous étions bien identifiés par les médias qui relaient régulièrement nos enquêtes comme des experts sur toutes les questions liées à l'alimentation et aux boissons. Nous avons tout de suite compris que nous étions face à de graves infractions et réalisé que l'affaire remontait à plusieurs années. Nous avons très rapidement questionné la responsabilité de l'État parce que nous avons constaté que si les journalistes n'avaient pas révélé cette affaire, nous n'aurions jamais eu connaissance de ce scandale.
M. Laurent Burgoa, président. - Avez-vous reçu des signalements ou des plaintes de consommateurs sur ce sujet ?
Mme Ingrid Kragl. - Nous avons été très sollicités par des consommateurs inquiets, notamment les parents utilisant l'eau en bouteille pour les biberons. Nous avons refusé d'alimenter la panique, c'est à la justice qu'il appartient d'établir les responsabilités, mais nous avons souligné que le risque sanitaire n'était pas totalement écarté. Nous avons déposé une plainte pénale en février 2024, mais une convention judiciaire d'intérêt public (CJIP) celée au tribunal d'Épinal a mis fin à toutes les poursuites pénales en juin. Nous avons alors déposé deux plaintes avec constitution de partie civile en septembre visant Nestlé, le groupe Alma et questionnant les responsabilités de l'État. De nombreux consommateurs, affolés, ont voulu s'associer à ces plaintes.
Nous avons également sollicité la Commission européenne en février, soulignant les infractions à la directive eau de 2009 qui encadre les eaux en bouteille. La Commission a rapidement réagi, reconnaissant le manque d'information des consommateurs et les manquements de l'État français. Nous avons demandé un audit européen sur l'application de la directive eau par la France et une réunion du Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l'alimentation animale, car les bouteilles non conformes ont été commercialisées dans toute l'Europe sans que les États membres ou la Commission n'en aient été informés.
M. François Carlier, directeur général de la CLCV, association nationale des consommateurs et des usagers. - La CLCV est une association généraliste de défense des consommateurs présente dans une soixantaine de départements. Nous nous intéressons depuis longtemps à l'eau, notamment à la défense de l'eau potable, à son prix, à la dégradation de la ressource, et à la promotion de l'eau du robinet, notamment à travers des bars à eau sur les marchés. Nous avons intensifié nos actions en justice, passant de trois il y a huit ans à vingt aujourd'hui. Nous avons rendu publics deux accords amiables dans le cadre d'actions de groupe dans le secteur bancaire et sur la crise de l'énergie.
Concernant les eaux en bouteille, nous avons une procédure en cours contre Volvic pour allégations environnementales trompeuses. Volvic prétend en effet que son eau est neutre en carbone et 100 % recyclable. Nous avons porté plainte pour pratiques commerciales trompeuses devant le tribunal judiciaire de Paris.
Nous constatons que l'État français n'a jamais fait la promotion de l'eau du robinet, laissant prospérer l'idée que l'eau en bouteille était meilleure. Face aux problèmes écologiques liés au plastique, des solutions comme la consigne ont été envisagées, mais elles visaient en partie à sauvegarder l'industrie des eaux en bouteille.
Le scandale récent a révélé qu'il n'y a pas de réelle différence entre l'eau en bouteille et l'eau du robinet, remettant en question la perception d'une eau en bouteille plus pure ou mieux protégée. Cette révélation a constitué un choc pour beaucoup.
Mme Selma Amimi, chargée de mission « alimentation et développement durable » à la CLCV. - Je vais apporter des éléments complémentaires et revenir sur le sujet spécifique des eaux minérales en bouteille. Fin janvier 2024, les consommateurs ont découvert un nouveau scandale alimentaire. Certaines eaux vendues en bouteille sous la dénomination « eau minérale naturelle » et « eau de source » auraient subi des traitements non conformes à la réglementation. Ces traitements remettent notamment en cause les désignations commerciales employées. En effet, une eau minérale naturelle est « une eau microbiologiquement saine ayant pour origine une nappe ou un gisement souterrain et provenant d'une source exploitée par une ou plusieurs émergences naturelles ou forées. Elle se distingue de l'eau de boisson par sa nature, caractérisée par sa teneur en minéraux, oligo-éléments et par sa pureté originelle ». Cette définition ajoute qu'elle doit être tenue à l'abri de tous risques de pollution.
Nous avons été surpris par ces révélations dans la presse et par le constat de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur lequel nous nous appuyons. L'IGAS indique qu'au moins 30 % des eaux conditionnées en France font l'objet de traitements non conformes à leur arrêté préfectoral.
Nous apprenons également que le groupe Nestlé Waters aurait volontairement dissimulé ces traitements de sorte que les autorités de contrôle ne puissent pas les voir. C'est assez préoccupant. Nous rappelons également que les eaux en bouteille sont vendues plus cher que l'eau du robinet. C'est pour cela que nous avons porté plainte contre X en octobre dernier pour tromperies et pratiques commerciales trompeuses.
Nous avons également été surpris par ce que l'État savait de ces pratiques. L'IGAS souligne qu'une ressource dont la qualité n'est pas conforme aux dispositions réglementaires n'a pas vocation à être exploitée à des fins de production d'eau minérale naturelle ou d'eau de source. Elle peut en revanche être utilisée pour la production d'eau rendue potable par traitement. Par conséquent, si une ressource est contaminée et qu'elle ne peut pas être traitée puisque la réglementation l'interdit, elle ne doit pas être mise en bouteille, vendue plus cher que l'eau du robinet et être appelée eau minérale naturelle ou eau de source. Nous regrettons l'inaction de l'État pour informer les consommateurs de cette tromperie. Nous aurions également pu espérer que la production soit suspendue ou que ces eaux soient déclassées en eau de boisson ou en eau rendue potable par traitement.
Par ailleurs, la notion de microfiltration nous semble assez floue. Le seuil de coupure autorisé varie de 0,8 à 0,2 micron et cette pratique, toujours d'après l'IGAS, pourrait être perçue comme une fausse sécurisation, la littérature scientifique indiquant qu'un seuil de 0,2 micron ne peut être considéré comme un mécanisme de suppression de toute flore, notamment virale. Nous nous demandons si le risque sanitaire a été vraiment maîtrisé et s'il l'est aujourd'hui ? Est-ce que ces traitements continuent d'être utilisés ? Est-ce que le seuil de 0,2 micron est utilisé ?
Enfin, au-delà de la problématique de la tromperie pour les consommateurs, de ce flou au niveau de l'utilisation des filtres, nous constatons que c'est le concept même d'eau minérale naturelle qui peut être remis en cause dans la mesure où les sources qui devraient être protégées ne le sont pas ou ne le sont plus. Les sources semblent contaminées. Cette affaire est révélatrice d'une problématique croissante sur la qualité de l'eau en général.
Il y a une réelle nécessité de protéger cette ressource. L'utilisation des traitements à des fins de désinfection semble aujourd'hui presque inévitable puisque, comme le sous-entend le rapport de l'IGAS, l'ensemble des minéraliers seraient concernés.
Est-ce qu'une eau traitée peut être appelée « eau minérale naturelle » puisque la réglementation met en avant la notion de pureté originelle ?
Vous nous avez demandé quelle était notre vision par rapport à cette pureté originelle. Les consommateurs attendent une ressource pure, sans pollution. Il y a donc une incohérence entre les traitements utilisés et la dénomination d'eau minérale naturelle.
M. Claude Rico, vice-président du Conseil national des associations familiales laïques (CNAFAL). - Je vous remercie pour votre invitation. Notre association familiale a une approche généraliste et transversale dans le domaine de la consommation. Elle dispose d'agréments en santé, environnement et consommation. Cette approche transversale nous permet d'avoir une vue d'ensemble. Nous défendons des valeurs comme la laïcité et nous sommes indépendants, même si nous recevons des subventions de l'État. Ce soutien nous permet de ne pas avoir recours au mécénat. Nous sommes représentés dans une cinquantaine de structures. Je suis ainsi membre du Conseil national de la consommation et du Conseil national de l'alimentation. L'un de nos administrateurs siège également au conseil d'administration de France Nature Environnement.
Nous considérons la santé et l'eau comme des biens communs. Nous regrettons la promotion excessive de l'eau en bouteille au détriment de l'eau du robinet. Nous constatons que les subventions aux associations de consommateurs sont en baisse constante (moins de 3 millions d'euros pour les 15 associations de consommateurs), ce qui crée un déséquilibre face aux entreprises qui bénéficient d'aides directes et indirectes considérables (160 à 200 milliards d'euros).
Nous sommes spécialisés dans la lutte contre les clauses abusives, comme le montre notre action contre Chronopost et les 6 clauses abusives figurant dans un million de contrats. Concernant l'eau, nous défendons l'eau du robinet, car les analyses montrent qu'elle contient moins de nanoparticules de plastique que l'eau embouteillée, dans une proportion de 4 pour 97. Nous encourageons donc les collectivités territoriales à soutenir l'eau du robinet plutôt que l'eau en bouteille, compte tenu de son impact environnemental.
La CJIP lèse les consommateurs. Les amendes infligées sont trop faibles par rapport au chiffre d'affaires des entreprises, de l'ordre de 1 %. Un procès public aurait permis plus de transparence et des sanctions potentiellement plus élevées, allant jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires mondial de l'entreprise condamnée.
Enfin, je souligne les carences des services de l'État, notamment la réduction de moitié des effectifs de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Pour conclure, nous recommandons de privilégier l'eau du robinet, qui est de bonne qualité, même si elle nécessite une surveillance constante.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Ma première question s'adresse à Foodwatch. Pourquoi avez-vous refusé de participer au mécanisme de la CJIP, contrairement à d'autres associations environnementales ? Quel est votre avis sur les conclusions de cette CJIP ?
Mme Ingrid Kragl. - À ma connaissance, nous sommes les seuls à avoir refusé cette CJIP. Nous considérons qu'elle permettait à Nestlé de régler l'affaire financièrement sans véritable conséquence. Nous ne pouvions pas l'accepter.
Cet arrangement, prévu par le droit français, s'applique au droit de l'environnement. D'autres associations impliquées dans cette CJIP avaient toute légitimité d'en discuter, ce qui n'était pas notre cas. Nous avons porté plainte au pénal en février. En tant qu'experte de la fraude alimentaire, je peux affirmer que nous sommes face à une fraude caractérisée, pas seulement une tromperie. Elle remplit les quatre critères de la fraude : infraction à la réglementation, tromperie des consommateurs, gain économique pour les opérateurs et intentionnalité.
Notre plainte a été déposée à Paris en février. En juin, notre avocat a reçu un courrier du tribunal d'Épinal proposant de chiffrer le préjudice subi. Notre plainte ciblait Nestlé, toutes ses marques et pratiques en France et à l'international, ainsi que le groupe Alma et la responsabilité de l'État. Le tribunal d'Épinal nous a simplement demandé de chiffrer notre préjudice, ce qui est inadapté. Or, la CJIP est prévue pour les infractions au code de l'Environnement, pas pour celles relevant du code de la consommation ou de la santé publique.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Les infractions ont été mentionnées dans la CJIP.
Mme Ingrid Kragl. - On nous a parlé de connectivité, mais nous maintenons que la CJIP a été prévue pour les atteintes au code de l'Environnement. Nous avons reçu le soutien d'associations ayant travaillé sur ces textes, comme Transparency, qui considèrent comme une aberration l'utilisation de la CJIP pour des infractions au code de la consommation et au code de la santé publique.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Pouvez-vous détailler la manière dont s'est déroulé le processus à la suite de la demande de chiffrage du préjudice ? Avez-vous eu un entretien avec le procureur ?
Mme Ingrid Kragl. - Notre avocat a reçu un courrier en juin avec un délai de réponse très court. Nous n'avions pas anticipé cette situation. La CJIP ne peut être refusée, il n'y a pas de négociation possible. Nous avons décliné, expliquant qu'il était inacceptable que Nestlé échappe aux poursuites pénales. Cette affaire concerne aussi des sources dans le Gard et à l'international. Nous avons donc refusé l'argent de Nestlé. En septembre, nous avons demandé au tribunal de ne pas homologuer cette CJIP. Malgré cela, elle a été homologuée en notre absence. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé une nouvelle plainte avec constitution de partie civile.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Avez-vous contesté l'homologation de la CJIP ?
Mme Ingrid Kragl. - Nous l'avons contestée dès juin dans notre réponse au courrier du tribunal.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Avez-vous attaqué l'homologation a posteriori ?
Mme Ingrid Kragl. - Il n'est pas possible de l'attaquer. Il n'y a aucune marge de manoeuvre.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Une CJIP est donc indérogeable et sans recours.
Mme Ingrid Kragl. - La CJIP est imposée sans possibilité de négociation. Elle ne s'applique qu'aux infractions du code de l'environnement, ce qui n'avait pas de sens dans notre cas. Nestlé s'en est tiré à bon compte selon nous. C'est pourquoi nous avons contre-attaqué avec une constitution de partie civile, reprenant les deux plaintes de février.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Pouvez-vous détailler le contenu de vos plaintes contre Nestlé et Alma, notamment les infractions visées, et nous dire où en sont ces procédures ?
Mme Ingrid Kragl. - Souhaitez-vous que je revienne d'abord sur les infractions listées dans la plainte pénale à Épinal ?
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Ces infractions sont-elles les mêmes que celles qui ont été redéposées ?
Mme Ingrid Kragl. - La plainte déposée en février était une plainte contre X au pénal visant le groupe Alma, Nestlé et les autorités publiques. En septembre, nous avons déposé deux plaintes avec constitution de partie civile, une visant Alma et la responsabilité des autorités publiques, l'autre visant Nestlé. Entre-temps, nous avons rassemblé des preuves supplémentaires et d'autres faits accablants.
M. Laurent Burgoa, président. - Nous ne pourrons pas évoquer la plainte avec constitution de partie civile déposée à Paris, en raison de la séparation des pouvoirs entre le judiciaire et la commission d'enquête parlementaire. Vous pouvez en parler si vous le souhaitez, mais nous ne pourrons pas l'aborder dans notre rapport.
Mme Ingrid Kragl. - Un juge d'instruction a été récemment désigné à Paris pour ces plaintes, mais l'enquête judiciaire n'a pas encore démarré. Il n'y a donc pas de problème concernant nos informations.
M. Laurent Burgoa, président. - Du moment qu'un juge d'instruction est saisi, on considère que l'information judiciaire est ouverte.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Pouvez-vous détailler le contenu de votre plainte ?
Mme Ingrid Kragl. - Foodwatch a identifié neuf infractions concernant la directive européenne sur les eaux minérales, le code de la consommation et le code de la santé publique :
1. Utilisation de produits et procédés de traitement modifiant la composition de l'eau, notamment des filtres à charbon et UV, ainsi que le remplissage avec de l'eau du robinet ;
2. Diffusion d'informations fausses induisant en erreur sur les qualités du produit. Les entreprises n'ont pas informé les consommateurs, les distributeurs et les autorités européennes tout en poursuivant la commercialisation ;
3. Tromperie sur les qualités substantielles d'une marchandise en dissimulant des pratiques illégales, constituant une fraude intentionnelle et lucrative, Médiapart ayant évoqué plusieurs milliards d'euros de gains ;
4. Non-conformité sur une qualité substantielle du produit, l'eau minérale naturelle présentant des problèmes microbiologiques ayant nécessité des traitements interdits ;
5. Falsification de boissons destinées à la vente ;
6. Absence de mention des traitements sur l'étiquetage ;
7. Non-respect de l'obligation de suspendre l'exploitation et la commercialisation en cas de pollution constatée, contrairement à l'article 5 de la directive eau de 2009 ;
8. Absence d'information du ministère chargé de la santé, qui aurait dû être informé par Nestlé Waters et Alma ;
9. Absence d'information de la Commission européenne et des États membres. La France n'a pas communiqué sur la non-conformité des eaux en bouteille commercialisées par Nestlé Waters et Alma, ni informé les réseaux d'alertes européens comme le Rapid Alert System for Food and Feed (RASFF) ou l'EU Agri-Food Fraude Network (FFN).
Ces infractions démontrent un manquement grave aux obligations légales et réglementaires, avec une dissimulation délibérée des pratiques illégales par les entreprises concernées.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - La Commission européenne sera auditionnée par la commission d'enquête pour rendre compte de cette situation.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Avez-vous des nouvelles de votre plainte contre Alma ?
Mme Ingrid Kragl. - Le juge d'instruction traitera nos deux plaintes avec constitution de partie civile déposées en septembre dernier.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Avez-vous observé des situations similaires au scandale Nestlé Waters dans d'autres pays européens ? Y a-t-il eu d'autres cas de problèmes liés aux eaux embouteillées ou aux eaux minérales, de même nature ou différents, impliquant des embouteilleurs ?
M. François Carlier. - Nous avons choisi d'attendre le rapport de l'IGAS publié en juillet dernier avant de porter plainte. Notre plainte était contre X, même si elle citait Nestlé, car selon l'IGAS 30 % des volumes seraient concernés, ce qui pourrait impliquer plusieurs entreprises.
Habituellement, nous privilégions la voie civile pour les préjudices subis par les consommateurs, notamment via l'action de groupe qui permet de toucher un plus grand nombre de personnes. Au pénal, le ministère public a la main, tandis qu'au civil, les parties décident de leurs actions.
Nous nous réservons le droit de faire une action de groupe civile, bien que cela présente des difficultés. En effet, en cas de succès, les consommateurs devraient prouver leur préjudice en fournissant des preuves d'achat, ce qui n'est pas évident pour des bouteilles d'eau, contrairement à des factures de crédit bancaire ou d'abonnement énergétique. Je n'exclus pas que nous trouvions des moyens créatifs pour traiter cette situation, mais ce n'est pas simple.
Au pénal, beaucoup de cas se sont réglés, car il s'agit fondamentalement d'une tromperie choquante. Les accords transactionnels se sont développés en France, que ce soit pour les préjudices écologiques ou de consommation. En pratique, la DGCCRF, qui travaille avec les parquets, est saisie. Les parquetiers sont submergés de dossiers. Il faut rappeler que le service public de la justice en France manque cruellement de moyens.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Pour revenir au coeur du sujet, vous dites avoir été entendu dans le cadre du rapport IGAS de 2022. Je suis surpris : pourquoi n'avez-vous pas révélé vous-même ce qui se passait chez les industriels si vous étiez au courant depuis 2022 ?
M. François Carlier. - Je parle du rapport IGAS publié cet été.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Vous m'avez bien dit avoir été entendu dans le cadre du rapport IGAS ?
M. François Carlier. - Nous avons été entendus au cours du printemps dernier.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Je ne comprends pas. Le rapport IGAS a été rendu en 2022. Si vous avez été entendu l'année dernière, il y a une incohérence.
M. François Carlier. - Nous avons peut-être été entendus plus tôt, je ne suis pas certain. Nous avons dit ce que nous savions, mais nous n'avons pris connaissance du rapport IGAS qu'en juillet. Il est sorti discrètement sur le site, pendant la période électorale. Je ne me souviens pas précisément de la date de notre audition, mais nous n'avions pas les informations du rapport IGAS, notamment les 30 % de volumes concernés. Ces données ont été mises en ligne cet été.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Si vous avez été entendu dans le cadre de ce rapport publié cet été, cela s'est nécessairement passé avant juillet 2022. Quelles questions vous ont été posées par l'IGAS ?
M. François Carlier. - Les questions étaient génériques. Les inspecteurs s'intéressaient beaucoup à l'eau du robinet, à la protection des ressources, aux métabolites. Ils nous ont même demandé si nous comptions attaquer l'État sur ce type de responsabilité. Ce n'était pas très précis sur la partie qui nous intéresse aujourd'hui.
M. Laurent Burgoa, président. - Pour clarifier la confusion entre 2022 et 2024, je vous propose de nous fournir par écrit les dates précises.
Concernant cette affaire, seule l'ARS Grand Est a déclenché un article 40. Les services de l'État comme l'IGAS ou la DGCCRF auraient-ils pu déclencher un article 40 ?
Mme Ingrid Kragl. - L'alerte est obligatoire, c'est pourquoi nous questionnons l'opacité qui nuit à la confiance des consommateurs. La protection des consommateurs est bien prévue dans les textes européens depuis le scandale de la vache folle, avec le règlement 178/2002. Elle repose sur la responsabilité des entreprises et sur les autorités publiques qui doivent s'assurer du respect de la réglementation. Les autorités publiques étaient au courant, mais n'ont pas agi, n'ont pas informé les consommateurs, l'Europe ou les autres États membres.
M. Laurent Burgoa, président. - D'après votre expérience, pourquoi ? Est-ce lié au côté industriel, politique, ou autre ?
Mme Ingrid Kragl. - J'espère que le juge d'instruction ira jusqu'au bout de cette affaire.
Malheureusement, ce n'est pas le premier scandale sur lequel Foodwatch travaille. On constate un scénario similaire pour chaque scandale sanitaire. On réagit plutôt que de prévenir, alors que la réglementation oblige à la prévention. Le gouvernement fait souvent le choix de l'opacité dans les cas de fraudes, bien qu'il ait été contraint de communiquer lors du scandale de la viande de cheval il y a une douzaine d'années. On nous dit que ces eaux en bouteille filtrées ne présentent pas de danger pour la santé, comme pour les lasagnes à la viande de cheval. Pourtant, à l'époque, les autorités européennes et le Gouvernement français avaient choisi d'être plus transparents. L'opacité est un choix politique. Nous avons un problème général sur ces fraudes et tromperies. C'est pourquoi Foodwatch a saisi la Commission européenne, faute de réactions du Gouvernement. Pourtant, cette affaire intéresse les médias du monde entier, et les consommateurs sont laissés dans le flou, ce qui est inadmissible.
M. Claude Rico. - L'article 40 est utilisé par une administration ou un fonctionnaire lorsqu'ils n'ont pas de compétence judiciaire. Les ARS n'ont probablement pas de compétences sur le code de la consommation. L'article 40 permet d'activer le procureur de la République qui transfère ensuite les informations aux services compétents. La DGCCRF est compétente pour l'eau en bouteille, tandis que l'ARS est compétente avant la mise en bouteille.
Le CNAFAL a choisi de déposer une plainte contre X et contre Nestlé concernant l'embouteillage. Cette approche pénale permet des investigations plus poussées et offre la possibilité de se constituer partie civile. Concernant l'action de groupe, nous n'y sommes pas favorables en raison des ressources juridiques nécessaires et parce que les associations de consommateurs ne peuvent pas bénéficier de dommages et intérêts, contrairement aux victimes.
M. Laurent Burgoa, président. - Je vous propose de revenir à la question du rapporteur sur l'existence de situations similaires dans d'autres pays européens.
Mme Ingrid Kragl. - Cette affaire a une portée nationale et même européenne et mondiale. Nous avons contacté la Commission européenne très tôt après la révélation. Nous avons demandé une réunion du comité d'experts, un audit des autorités françaises et une vérification du respect des réglementations européennes par la France. La Commission a répondu que l'autorisation de nouveaux traitements pour les eaux minérales naturelles ne relève pas des États membres. La France a ignoré la directive européenne en autorisant des microfiltrations non prévues. J'ai récemment recontacté la Commission européenne concernant la validation du choix de la France d'autoriser des changements de seuil de microfiltration. La réponse est négative : la Commission n'a pas émis d'avis ni de recommandations à ce sujet.
M. Laurent Burgoa, président. - Nous aimerions disposer du document que vous avez reçu de la Commission européenne.
Mme Ingrid Kragl. - Je vous transmettrai le courrier de la Commission européenne daté de ce matin. Il confirme que la Commission n'a pas émis d'avis ni de recommandations concernant les changements de seuil de microfiltration. Ce dossier est très opaque et encore aujourd'hui des hauts fonctionnaires se réfugient dans le silence.
La Commission insiste sur l'importance de la transparence et du droit des consommateurs à recevoir des informations claires et fiables sur les aliments qu'ils consomment et l'eau qu'ils boivent. L'Union européenne a mis en place des règles pour assurer un niveau élevé de protection de la santé et des intérêts des consommateurs.
M. Laurent Burgoa, président. - Vous avez mentionné des hauts fonctionnaires. Pouvez-vous préciser les services concernés sans donner de noms ? Notre commission d'enquête a besoin de plus de précision.
Mme Ingrid Kragl. - Foodwatch évite de coller des étiquettes et d'être caricaturale.
M. Laurent Burgoa, président. - La commission d'enquête s'efforce d'être factuelle et précise. Si quelque chose est flou, il faut le préciser ou le retirer.
Mme Ingrid Kragl. - Je ne retire rien. Nous saluons la qualité des services, des autorités de contrôle et des laboratoires en France. Le niveau est excellent par rapport à beaucoup d'autres pays européens. Il y a une expertise et un vrai dévouement de nombreux fonctionnaires qui travaillent à protéger les consommateurs et les citoyens. Cependant, nous avons appris par la presse et des lanceurs d'alerte que des petits accords entre amis ont été conclus lors de réunions confidentielles.
M. Laurent Burgoa, président. - Si vous parlez d'accords entre amis, il faut préciser quels accords et quels amis.
Mme Ingrid Kragl. - Je n'ai pas la plainte sous les yeux, mais ces éléments ont été évoqués par le Monde et France Info.
M. Laurent Burgoa, président. - Vous avez parlé de « petits accords entre amis ». De quels hauts fonctionnaires et de quels services parliez-vous ?
Mme Ingrid Kragl. - Plusieurs ministères étaient informés, notamment ceux de l'Économie, de l'Agriculture et de la Santé. Cependant, ni les citoyens, ni la Commission européenne, ni les autres États membres n'ont été mis au courant. Cette opacité décidée en haut lieu soulève des questions. Je n'ai pas de précisions sur les services spécifiques concernés au sein de ces ministères.
M. Laurent Burgoa, président. - Nous apprécierions que vous puissiez nous fournir ces informations par écrit, étant donné l'étendue du ministère de l'Économie. Nous devons documenter notre rapport de manière impartiale et précise, en pesant chaque mot.
Mme Ingrid Kragl. - En Allemagne, l'affaire a eu un fort retentissement médiatique, l'eau de Perrier étant largement consommée. Nos collègues locaux ont sollicité Nestlé et les autorités allemandes pour obtenir des réponses. L'Allemagne a indiqué que sans notification au réseau RASFF de la part de la France, elle ne pouvait pas agir sur les retraits-rappels des produits. Je rappelle que les États membres ont l'obligation d'informer les autres en cas de non-conformités ou même de simples suspicions de fraude via ce réseau.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Au-delà des produits Nestlé fabriqués en France, avez-vous connaissance de scandales similaires impliquant d'autres minéraliers en Europe ?
Mme Ingrid Kragl. - Nous avons rencontré la Commission européenne en mai 2024 à la suite d'une réunion des experts du Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l'alimentation animale. L'affaire française a provoqué une forte inquiétude parmi les États membres, déclenchant de nombreux contrôles et enquêtes. La Belgique mène actuellement une investigation, et une enquête judiciaire est ouverte en Suisse concernant des sources Nestlé. D'autres pays sont impliqués, mais les informations restent confidentielles.
M. François Carlier. - En tant que membre du Bureau européen des Unions de Consommateurs, nous n'avons pas d'information spécifique sur ce sujet. Cependant, notre bureau européen et plusieurs associations de consommateurs ont déposé une plainte auprès de la Commission européenne concernant le greenwashing des eaux en bouteille, mais pas sur cette affaire spécifique.
Mme Antoinette Guhl. - Je souhaite rectifier une information : l'IGAS ne dit pas que toutes les marques d'eau minérale ont triché, mais que 30 % des eaux minérales de plusieurs marques ne correspondent pas aux arrêtés préfectoraux. Il s'agit d'un décalage entre la réalité administrative et physique, et non d'une tricherie généralisée.
La CJIP, initialement conçue pour les fraudes fiscales en 2016, a été étendue aux délits environnementaux en 2020. Dans l'affaire Nestlé Waters dans les Vosges, c'est l'exploitation de sources non autorisées qui a conduit à une amende de 2 millions d'euros, soit 1 % du chiffre d'affaires de Nestlé, bien en deçà du maximum possible de 30 % en cas de fraude avérée.
Au regard de vos expériences respectives de défenseurs des consommateurs, le groupe Nestlé est-il souvent impliqué dans des scandales similaires ?
M. Claude Rico. - Le CNAFAL traite principalement des litiges liés à l'eau du robinet, car nous n'avons pas les moyens d'analyser l'eau en bouteille. J'ai trouvé une affaire datant de 5-6 ans impliquant une station gérée par Nestlé dans le Nord, où une pollution accidentelle avait affecté une rivière.
Concernant les tromperies, la DGCCRF a condamné en 2016 à Basse-Terre une société à 50 000 euros d'amende pour avoir étiqueté de l'eau naturelle comme eau minérale. Je rappelle aussi l'affaire de la viande de cheval, où le problème sanitaire principal était lié aux traitements antibiotiques des chevaux plutôt qu'à la tromperie elle-même. La presse et les pouvoirs publics se sont focalisés sur la fraude, mais le risque d'antibiorésistance et la consommation de viande impropre du Canada et de Pologne étaient plus préoccupants.
Les cas Buitoni et Lactalis, ayant entraîné des décès d'enfants, sont encore plus graves. Il est crucial de ne pas réduire les effectifs et les moyens des services de contrôle publics.
Concernant l'eau minérale, les collectivités se plaignent de l'épuisement des nappes phréatiques par les captages. Je m'inquiète également de la récente décision du Sénat de dérégulariser les normes environnementales, ce qui pourrait avoir des conséquences pour les générations futures.
M. Laurent Burgoa, président. - Recentrons-nous sur le cadre de notre commission d'enquête. Nous ne sommes pas ici pour commenter les décisions du Sénat.
Mme Antoinette Guhl. - Vous faites un parallèle entre la viande de cheval et les eaux minérales, suggérant qu'au-delà de la tromperie, il y aurait un problème sanitaire. Pouvez-vous développer ce point concernant les eaux minérales ?
M. Claude Rico. - Je me base sur les informations rapportées par Le Monde et Radio France et je m'inquiète de la capacité des filtres utilisés par les minéraliers à éliminer les microbes et les virus.
M. François Carlier. - Nous n'avons pas de procédure en cours contre Nestlé hormis celle-ci, y compris sur les dix dernières années. Les accords transactionnels en contentieux de consommation avec la DGCCRF et le parquet se soldent généralement par quelques centaines de milliers d'euros d'amende et une publicité sur le site internet de l'entreprise. Ce système a été conçu pour être rapide, permettant aux institutions de montrer qu'elles agissent. Contrairement aux pratiques américaines, les amendes en France ne sont pas conçues pour être extrêmement élevées.
Mme Ingrid Kragl. - Foodwatch avait porté plainte contre Nestlé dans l'affaire Buitoni après la mort d'enfants. Nous sommes habitués à ne pas pouvoir faire confiance à Nestlé qui justifie le filtrage des eaux comme étant bénéfique pour les consommateurs, ce qui nous semble problématique.
Le rapport d'audit européen indique que les milliers de tests effectués en France sont réalisés sur les produits finis, après filtration. Cela empêche d'évaluer correctement le risque sanitaire initial. Quand Nestlé affirme qu'il n'y a aucun problème sanitaire, c'est logique puisque les eaux ont été filtrées.
M. Claude Rico. - L'eau du robinet coûte entre 150 et 1 000 fois moins cher que l'eau en bouteille. Il ne faut pas incriminer tous les opérateurs, mais seulement ceux qui fraudent. Payer de l'eau du robinet dans des bouteilles, avec les risques liés aux plastiques et nano-plastiques, est extrêmement coûteux pour le consommateur.
Mme Antoinette Guhl. - Vous mentionnez souvent Nestlé Waters. Quels éléments avez-vous sur le groupe Alma qui n'est pas apparu dans mon enquête. Y a-t-il des informations récentes qui pourraient être utiles à notre rapporteur ?
Mme Ingrid Kragl. - Entre février et septembre 2024, nous avons ajouté de nouveaux éléments à notre plainte avec constitution de partie civile. Concernant Alma, des faits marquants ont été révélés dans la presse. Alma, qui opère dans plusieurs pays européens, a trompé les consommateurs en ajoutant du gaz carbonique dans ses eaux naturellement gazeuses et du sulfate de fer pour éliminer des contaminations à l'arsenic. Nous disposons de documents attestant ces faits et sommes prêts à les partager.
M. Laurent Burgoa, président. - Nous sommes intéressés par ces documents. Vous avez également mentionné des hauts fonctionnaires et des ministères et nous souhaitons que ces informations soient précisées par écrit.
Mme Ingrid Kragl. - Je tiens à rappeler que tout cela a été souligné dans le rapport d'audit européen. Je vous fournirai néanmoins tous ces éléments.
M. Laurent Burgoa, président. - Compte tenu de vos propos, nous vous demandons de les préciser par écrit. Vous pouvez même citer nominativement, pour plus de clarté, les hauts fonctionnaires concernés.
Je donne rendez-vous à nos collègues demain à 10 heures 30 pour une audition sur l'écosystème des eaux dans le Gard.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 18 h 30.
Jeudi 30 janvier 2025
- Présidence de M. Laurent Burgoa, président -
La réunion est ouverte à 10 h 30.
L'écosystème des eaux dans le Gard - Audition de M. Sébastien Ferra, directeur départemental des territoires du Gard, Mme Pascale Fortunat-Deschamps, maire de Vergèze, M. Thierry Agnel, président, et Mme Sophie Ressouche, responsable du pôle « eaux souterraines », de l'établissement public territorial de bassin de Vistre Vistrenque
M. Laurent Burgoa, président. - Chers collègues, nous poursuivons nos auditions en nous penchant ce matin sur l'écosystème des eaux dans le Gard. Nous recevons :
• Mme Pascale Fortunat-Deschamps, maire de Vergèze, accompagnée de sa première adjointe ;
• M. Sébastien Ferra, directeur départemental des territoires du Gard (DDTM) ;
• M. Thierry Agnel, président de l'établissement public territorial de bassin (EPTB) de Vistre Vistrenque, et Mme Sophie Ressouche, responsable du pôle « eaux souterraines ».
Avant de vous donner la parole, je vous rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête est passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal.
Je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant : « Je le jure ».
Mme Pascale Fortunat-Deschamps, MM. Sébastien Ferra, Thierry Agnel, et Mme Sophie Ressouche prêtent serment.
Je vous remercie. Avez-vous d'éventuels liens d'intérêts avec l'objet de notre commission d'enquête ?
Aucun lien d'intérêt n'est déclaré.
Je rappelle que cette commission d'enquête, constituée le 20 novembre dernier, porte sur les pratiques des industriels de l'eau en bouteille, à la suite des révélations médiatiques concernant des traitements interdits sur les eaux minérales naturelles. Cette audition vise à entendre des élus et responsables administratifs concernés par l'exploitation du site Perrier de Vergèze, en amont de notre visite prévue le 7 février. Nous souhaitons comprendre l'écosystème des eaux et le rôle de chacun. Nous vous interrogerons sur le site de Vergèze, sur ce qu'il représente en termes d'installation, d'emplois, de production et de recettes fiscales pour la commune, ainsi que sur votre perception des révélations sur le traitement des eaux et l'impact sur l'image de la marque Perrier. Enfin, vous détaillerez les actions entreprises pour la préservation de la ressource en eau souterraine.
L'audition se déroulera en trois parties : une présentation de dix minutes pour chaque entité, suivie de questions du rapporteur et des membres de la Commission. Je vous laisse la parole pour commencer.
Une série de diapositives est projetée en séance.
M. Thierry Agnel, président de l'EPTB de Vistre Vistrenque. - Le territoire de l'EPTB de Vistre Vistrenque couvre la moitié sud du département du Gard et abrite environ 300 000 habitants. Il s'agit d'une zone semi-rurale avec des terres agricoles et viticoles. Le territoire fait face à des défis de sécheresse et d'inondations, puisqu'un habitant sur trois et une entreprise sur deux se trouvent en zone inondable, mais aussi à des risques de feux de forêt.
Les missions de l'EPTB de Vistre Vistrenque sont similaires à celles dévolues traditionnellement à ce type d'établissement. Notre EPTB joue un rôle crucial dans la gestion de la ressource en eau, puisque les communes lui ont transféré leurs compétences en la matière. Nous travaillons sur l'entretien et la restauration des cours d'eau, notamment à travers un projet unique en France de redimensionnement et de reconditionnement du Vistre, la rivière qui traverse le Vistrenque. Nous gérons également les risques d'inondation, avec un Programme d'actions de prévention des inondations (PAPI) de 126 millions d'euros, le plus important en France hors Île-de-France. Enfin, nous menons des actions de sensibilisation auprès des agriculteurs, des élus et des scolaires sur les enjeux environnementaux.
Mme Sophie Ressouche, responsable du pôle « eaux souterraines » à l'EPTB de Vistre Vistrenque. - Sur le plan géologique, notre territoire est composé de deux grands réservoirs. À l'ouest, nous avons l'aquifère des calcaires des garrigues nîmoises, un réservoir fissuré très profond, d'une épaisseur de plusieurs centaines de mètres, et très vulnérable. À l'est, nous trouvons le réservoir des alluvions de la plaine du Vistre, d'une quinzaine de mètres d'épaisseur en moyenne et proche de la surface, qui constitue les nappes de la Vistrenque et de Costières. Ces deux ensembles très différents sont séparés par la faille de Nîmes. Historiquement, le syndicat des nappes de la Vistrenque et des Costières, maintenant intégré à l'EPTB, gère ces ressources.
Nous avons deux masses d'eau, au sens de la directive-cadre sur l'eau : l'aquifère des calcaires des garrigues nîmoises, en bon état quantitatif et qualitatif malgré sa vulnérabilité, et l'aquifère des alluvions de la Vistrenque et des Costières, qui requiert une attention particulière pour maintenir une qualité compatible avec les usages.
La première représente environ 340 000 m d'eau prélevés annuellement, notamment par deux communes du territoire. La seconde, qui correspond aux nappes de la Vistrenque et des Costières, constitue une ressource stratégique identifiée par la directive-cadre sur l'eau et le Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), avec des zones de sauvegarde délimitées. L'enjeu d'alimentation en eau potable est très important, puisque 13,5 millions de m sont prélevés chaque année.
Aujourd'hui, la situation de l'aquifère de la Vistrenque est préoccupante : on observe une baisse des niveaux piézométriques et une dégradation de la qualité de l'eau due à la présence de nitrates et de pesticides, ce qui génère un risque de non-atteinte des objectifs environnementaux inscrits dans le SDAGE 2022-2027.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Où se situe Vergèze par rapport à ces deux zones ?
Mme Sophie Ressouche. - Vergèze est à cheval entre les deux zones.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Vous avez indiqué que l'aquifère des calcaires des garrigues nîmoises était particulièrement vulnérable en raison de sa profondeur. Est-ce que, a contrario, l'aquifère de la Vistrenque, qui se trouve dans une situation dégradée, est supposément moins vulnérable ?
Mme Sophie Ressouche. - Non, l'aquifère de la Vistrenque est également vulnérable, mais pour d'autres raisons. D'une part, il s'agit d'un aquifère de type poreux, très proche de la surface. D'autre part, l'activité humaine importante sur ce territoire le fragilise, contrairement à l'aquifère des calcaires qui se situe plutôt dans des zones naturelles.
Un aperçu simplifié du contexte hydrologique met en évidence la contribution de l'aquifère des calcaires des garrigues nîmoises à l'alimentation de la nappe de la Vistrenque, soit par écoulement direct, soit par drainance ascendante, soit par remontée de différentes failles.
Historiquement, les forages de Nestlé étaient situés dans la plaine de la Vistrenque, sur la nappe, afin d'atteindre les différents étagements de calcaires. L'extension de l'exploitation a conduit au développement de forages dans une autre zone, où se trouvent des calcaires affleurants qui ne bénéficient pas d'une couverture comme dans la plaine de la Vistrenque. Il existe également un réservoir plus ancien, où sont prélevées les eaux chargées en gaz pour la production de Perrier.
L'EPTB intervient sur le grand cycle de l'eau. Ses membres sont des collectivités ayant la compétence eau et assainissement. Son objectif consiste à atteindre une qualité d'eau compatible avec les exigences environnementales. À cette fin, il met en place des dispositifs de surveillance de la qualité, principalement axés sur les nitrates, les pesticides et la salinité en aval. La bactériologie est également suivie, bien qu'elle soit éliminée par les traitements de désinfection. L'EPTB surveille également la quantité d'eau via des piézomètres équipés de sondes enregistreuses. Ces données permettent d'informer les services de l'État sur la situation quantitative et l'état de remplissage général des nappes.
Afin de remplir sa mission de connaissance, l'EPTB mène depuis 2022 une étude visant à développer un modèle hydrogéologique de simulation du fonctionnement de la nappe de la Vistrenque. Cela permettra d'évaluer la capacité de cet aquifère à satisfaire les besoins futurs dans un contexte de changement climatique.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Ce travail est-il réalisé en partenariat avec Nestlé Waters ou bien s'agit-il d'une initiative indépendante ?
Mme Sophie Ressouche. - Il s'agit d'un travail indépendant, qui bénéficie de financements publics en provenance de l'Agence de l'eau, de la région et du département. Cependant, Nestlé Waters participe au pilotage de cette étude en fournissant l'accès à ses données de suivi sur les aquifères qu'elle surveille, ainsi qu'à certains de ses forages à des fins de mesures. Les conclusions de cette étude orienteront l'action de l'EPTB pour une gestion durable de la ressource.
Une autre mission importante de l'EPTB se rapporte à la restauration de la qualité de la ressource. Nous animons en effet les démarches de captage prioritaire pour les collectivités gestionnaires. Sur notre territoire, il y a vingt-deux captages prioritaires et treize démarches engagées. Douze plans d'action sont mis en oeuvre afin de développer une agriculture compatible avec la préservation de la ressource, notamment en promouvant l'agriculture biologique et en accompagnant les collectivités pour favoriser l'action foncière à proximité des captages et maîtriser l'usage des sols.
Les différentes actions de l'EPTB sont également intégrées dans le SDAGE approuvé en avril 2020 et actuellement en cours de mise en oeuvre. Depuis 2019, nous avons des conventions de partenariat avec Nestlé sur deux volets. Le premier concerne la connaissance, puisque Nestlé a financé l'EPTB pour des campagnes exceptionnelles de recherche de polluants et la création de forages à l'aval pour mesurer la salinité. Le second volet porte sur le développement de l'agroécologie, avec des objectifs communs de préservation des ressources en eau.
Mme Patricia Fortunat-Deschamps, maire de Vergèze. - En tant que maire de Vergèze, je tiens à souligner l'attachement profond de notre commune à la marque Perrier. Perrier est un patrimoine industriel, culturel et affectif qui représente 160 ans d'histoire et de travail. Notre commune entretient des relations étroites avec l'entreprise, avec le souci commun de préserver l'environnement et le site industriel, et de développer la production d'eau minérale naturelle.
Actuellement, quatre forages existent à Vergèze : deux forages qui produisent l'eau minérale naturelle et deux forages, désormais vieillissants, pour l'eau de boisson. Les habitants souhaitent que Nestlé Waters crée de nouveaux forages d'eau minérale naturelle plutôt que d'eau de boisson, ce qui aurait un impact positif sur l'emploi et l'économie locale. Nous sommes vigilants quant au respect de la réglementation et avons été surpris d'apprendre par la presse les manquements de Nestlé Waters.
M. Sébastien Ferra, directeur départemental des territoires du Gard. - La DDTM intervient sur plusieurs aspects liés à la politique de l'eau. Nous sommes concernés par l'application de la loi sur l'eau, qui couvre la création de forages, les prélèvements, les rejets, la gestion des eaux pluviales, ainsi que des problématiques de remblais, de stations d'épuration et de qualité des eaux. Depuis 2017, les autorisations délivrées pour les installations classées pour l'environnement (ICPE) et les ouvrages liés à l'eau sont délivrées dans le cadre d'une autorisation environnementale unique. La société Nestlé Waters étant une entreprise à installations classées pour l'environnement, l'autorité coordinatrice des autorisations est la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). La DDTM instruit le volet relatif à la loi sur l'eau des dossiers présentés par les entreprises avant de les transmettre à la DREAL, qui se charge de les soumettre à la signature de l'autorité préfectorale.
La DDTM gère également les périodes de crise liées à la sécheresse. Elle pilote en effet le comité de la ressource en eau pour le compte de la préfecture et propose des mesures de restriction en fonction des observations de terrain. Pour Perrier, ces mesures de restriction sont incluses dans l'arrêté préfectoral régissant son activité. Elles ne sont pas de même nature que celle de notre arrêté-cadre, mais sont susceptibles d'être activées en fonction du niveau d'alerte auquel la préfecture souhaite placer la masse d'eau disponible.
Enfin, la DDTM agit au nom de la préfecture comme animateur de la Mission interservices de l'eau et de la nature (MISEN), qui suit l'ensemble des portages territoriaux de la politique de l'eau. À ce titre, la DDTM suit les démarches territoriales de gestion de l'eau et conduit des études sur le fonctionnement des nappes. Elle instruit et propose à la préfecture les plans de prévention des inondations et anime la politique de préservation des ressources en eau, notamment la politique de captage prioritaire.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Ma première question concerne la possibilité d'un nouveau forage évoquée et souhaitée par Mme Fortunat-Deschamps. Je voudrais connaître le point de vue de l'EPTB sur l'état de la ressource et son niveau d'exploitation. De nouveaux forages sont-ils selon vous souhaitables ou envisageables, étant donné la dégradation de la ressource que vous avez évoquée ?
M. Thierry Agnel. - Les premiers forages de Perrier étaient situés près de l'usine, mais en réalité il existe d'autres forages dans une zone très étendue, bien au-delà de Vergèze, y compris dans l'aquifère des garrigues nîmoises. Certains sont encore à l'étude.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Concernant le niveau d'exploitation de la nappe, considérez-vous qu'un nouveau forage serait compatible avec le rechargement et le fonctionnement de la nappe ? Estimez-vous que la nappe est déjà surexploitée ?
M. Thierry Agnel. - L'objectif est de ne pas puiser au-delà des capacités de rechargement de la nappe, comme cela arrive en période de sécheresse. En période plus humide, l'équilibre est relativement respecté. Toutefois, il s'avère que cet hiver, malgré une abondance de pluie, le niveau de la nappe est moyen. Avec le changement climatique, nous prévoyons davantage de périodes de sécheresse où la nappe ne pourra pas se recharger suffisamment, ce qui est inquiétant.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - J'en déduis que, selon vous la situation est peu propice à de nouvelles exploitations.
M. Thierry Agnel. - En effet, davantage de forages privés auraient une incidence sur la quantité d'eau présente dans la nappe. Or la relation entre quantité et qualité de l'eau est importante, puisque de la quantité d'eau dépend la concentration en nitrates et en pesticides. Mécaniquement, une moindre quantité d'eau dégrade sa qualité, et fait peser la menace, à terme, d'un non-respect des normes.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - La notion de pureté originelle est au coeur de la définition des eaux minérales naturelles. Vous avez mentionné dans votre présentation la restauration de la qualité de la ressource parmi les missions de l'EPTB. Quel regard portez-vous sur la qualité originelle de la ressource ?
Mme Sophie Ressouche. - Un aquifère protégé, bénéficiant d'une bonne couverture, assure une meilleure qualité d'eau. Or les forages ayant fait l'objet d'une transformation en eau de boisson se situent dans des zones de forte vulnérabilité et ne bénéficient pas de cette couverture. Il est certain qu'une question de qualité de la ressource se pose dans ces secteurs.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - D'après les données dont vous disposez, la pureté originelle est-elle toujours garantie dans les secteurs dans lesquels est exploitée une ressource en eau minérale naturelle ?
Mme Sophie Ressouche. - Notre surveillance porte sur la partie Vistrenque et Costières, et non sur le réservoir des calcaires des garrigues nîmoises, qui représente un enjeu moindre en termes d'alimentation en eau potable. En outre, ce réservoir est considéré en bon état et l'eau y est de meilleure qualité que dans la nappe de la Vistrenque, notamment en termes de concentration de nitrates.
M. Thierry Agnel. - Nos contrôles portent principalement sur les nitrates et les pesticides. Cependant, pour qualifier une eau de minérale naturelle et pure, d'autres critères et analyses sont nécessaires. Nous ne sommes par conséquent pas en mesure de nous prononcer sur la qualité de l'eau, puisque notre regard porte sur le grand cycle de l'eau, et non le petit.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Madame Fortunat-Deschamps, vous avez exprimé une préférence pour l'exploitation des eaux minérales naturelles. Cette préférence est-elle motivée par des considérations fiscales ? Pouvez-vous quantifier l'impact de l'exploitation de Perrier sur le budget de votre commune ?
Mme Patricia Fortunat-Deschamps. - Notre préférence pour les eaux minérales naturelles n'est pas uniquement financière. Nous sommes attachés à ce produit de qualité, différent de l'eau de boisson, dont la production suppose des prélèvements équivalents dans les nappes. De nouveaux forages sont nécessaires, car leur durée de vie est limitée à trente ou cinquante ans. Et il est bien entendu que si Nestlé Waters ne peut plus produire de l'eau de boisson dans notre région, elle ira la produire ailleurs.
Concernant l'aspect financier, la surtaxe sur les eaux minérales naturelles n'a cessé de chuter. Elle représentait 2,5 millions d'euros en 2013. En 2020, ce montant est tombé à 1,5 million d'euros. En 2024, il était de 363 000 euros. Pour 2025, nous prévoyons 330 000 euros. Cette baisse est due à la réduction du nombre de forages exploités, et notre commune a dû s'y adapter sur le plan budgétaire.
M. Thierry Agnel. - En tant qu'élu municipal dans une commune voisine de Vergèze, je confirme que l'aspect financier n'est pas déterminant dans notre attachement à l'eau minérale naturelle de notre région. J'ajoute que nos communes ne tiennent pas compte de la différence de revenus entre l'eau minérale et l'eau de boisson dans leurs projections budgétaires.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Je précise à l'attention de Mme Fortunat-Deschamps que si Nestlé Waters ne produit plus d'eau minérale naturelle, c'est parce qu'elle ne parvient plus à remplir les critères requis pour cette qualification, et cela semble lié aux conditions d'exploitation.
Je m'interroge sur votre niveau d'information concernant les événements sur le site de la commune. Depuis 2020, trois épisodes de contamination se sont produits : en juin et septembre 2020 et en janvier 2021. L'EPTB et la municipalité de Vergèze ont-ils été informés par Nestlé Waters de ces contaminations ? Comment décririez-vous votre relation avec l'entreprise ?
Mme Patricia Fortunat-Deschamps. - Nos informations, je le déplore, provenaient le plus souvent de la presse. Nestlé Waters ne nous a jamais tenus directement informés. Sur ce sujet, elle n'a fait preuve d'aucune transparence.
M. Thierry Agnel. - L'EPTB a lui aussi pris connaissance de ces épisodes par voie de presse. Nous avons pourtant des contacts avec l'entreprise.
Mme Patricia Fortunat-Deschamps. - En 2023, Nestlé Waters nous a informés que deux forages vieillissants ne remplissaient plus les critères requis par la production d'eau minérale naturelle et seraient reconvertis en eau de boisson dans le but de se diversifier, de moderniser l'usine et de préserver l'emploi.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - À ce moment-là, Nestlé Waters vous informe-t-elle d'un problème lié à la qualité de l'eau, ou bien n'évoque-t-elle qu'un sujet d'infrastructure ?
Mme Patricia Fortunat-Deschamps. - Elle nous indique seulement que les critères ne sont plus remplis par deux des quatre forages, qui seront par conséquent reconvertis.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Comment les révélations de la presse sur les pratiques de Nestlé ont-elles été accueillies par la population de Vergèze ? Les habitants étaient-ils agacés, ou bien ont-ils éprouvé un sentiment de trahison vis-à-vis de Nestlé ?
Mme Patricia Fortunat-Deschamps. - Le traitement médiatique a impacté négativement l'image de l'entreprise. Les habitants, attachés à la marque Perrier, ont été très surpris, et les élus davantage, notamment par le non-respect des critères de qualité relatifs à l'eau minérale naturelle. Nous avons fixé pour priorité de rassurer la population quant à l'absence de risque pour la santé publique, tout en reconnaissant la gravité des faits.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - J'aimerais maintenant interroger les experts techniques sur l'évolution de la qualité de l'eau sur la dernière décennie. La qualité de l'eau s'est-elle améliorée ou continue-t-elle à se détériorer ?
Mme Sophie Ressouche. - Je vous répondrai seulement sur les nappes Vistrenque et Costières, qui relèvent plus précisément de notre périmètre. La problématique des nitrates est ancienne, puisque l'état de zone vulnérable a été déclaré en 1994 pour ce territoire, et persistante, avec des dépassements locaux des seuils de potabilité, ce qui a des conséquences sur la distribution de l'eau potable.
Concernant les pesticides, on observe une tendance à la baisse des concentrations, notamment pour les molécules historiquement à l'origine de la dégradation de la qualité de l'eau, telles que les triazines, interdites au début des années 2000 et que l'on trouve encore aujourd'hui dans les eaux souterraines. Cependant, il convient de souligner que l'évolution des techniques d'analyse nous permet de détecter de nouvelles molécules à de très faibles concentrations. Globalement, la situation sur les pesticides s'améliore, mais des défis persistent, particulièrement dans certaines zones.
M. Sébastien Ferra. - Les questions relatives à la sécurité sanitaire relèvent de l'Agence régionale de santé. Cependant, je rejoins les propos de l'EPTB concernant les nitrates et les pesticides.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Un rapport définitif de l'ARS questionnait en décembre 2024 la possibilité de continuer à exploiter des eaux minérales naturelles des sources Perrier, évoquant même un arrêt complet de la production. Avez-vous eu connaissance de ce rapport ?
M. Thierry Agnel. - Non, l'EPTB ne l'a pas reçu.
M. Sébastien Ferra. - À ma connaissance, ce rapport n'a pas non plus été communiqué à la DDTM. Cependant, la préoccupation des DDTM porte essentiellement sur la relation entre la quantité d'eau disponible et sa qualité. À cet égard, nous avons demandé à Nestlé Waters de réaliser, conformément à ses obligations décrites dans l'arrêté préfectoral d'autorisation de 2019, une étude portant sur les interférences entre différents aquifères. L'objectif était d'évaluer l'impact potentiel de l'exploitation sur les circulations d'eau, la stabilité des sols et, in fine, la qualité de l'eau. Les premiers résultats, attendus en 2020, mais rendus en 2021, se sont révélés incomplets. L'expertise a souligné la qualité du travail de collecte de données, mais aussi les conclusions fragiles de l'étude, notamment sur les questions relatives aux périodes de sécheresse. Nous avons jugé que cette étude n'était pas suffisante. Par conséquent, nous avons recommandé la poursuite de l'étude, qui est actuellement en cours avec l'université de Nîmes et l'institut technologique d'Alès et dont les résultats sont attendus en 2025.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Vous n'êtes donc pas en mesure de nous donner votre avis sur l'état de la ressource et son niveau d'exploitation, malgré les exigences de l'arrêté préfectoral. Avez-vous émis des recommandations à ce sujet ?
M. Sébastien Ferra. - Nous avons constaté des avancées dans les éléments fournis, mais ces études n'étaient pas suffisantes pour lever tous les doutes.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Je m'étonne du manque de réactivité. La question de la surexploitation des ressources est centrale, et après cinq années à produire des études qui n'ont toujours pas abouti, aucune décision n'est prise.
M. Sébastien Ferra. - L'étude aurait pu être plus rapide, même en dépit de l'épisode du covid, je vous l'accorde. Mais il convient de souligner la complexité du sujet. Nous traitons d'un hydrosystème très complexe, d'un ensemble comprenant de l'eau minérale naturelle, des extractions carbogazeuses profondes, des nappes affleurantes, des nappes semi-profondes, etc. Il est difficile de prendre des décisions sans avoir connaissance de tous les aspects du problème. En outre, il convient d'asseoir toute décision et toute recommandation sur une solide base juridique afin que la préfecture soit en mesure de la valider. De manière concrète, l'étude de 2021 ne nous a pas apporté d'éléments suffisamment probants pour demander à la préfecture d'ordonner une diminution des prélèvements d'eau. Mais un doute persistait, et c'est pourquoi nous avons demandé l'approfondissement de l'étude.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - De quelle nature est le doute que vous évoquez ? Pourquoi cette étude a-t-elle été commandée à Nestlé Waters et non aux services de l'État ?
M. Sébastien Ferra. - La réalisation de l'étude par Nestlé Waters s'inscrit dans le cadre de ses engagements définis par l'arrêté préfectoral. Toutefois, nous nous sommes adjoints pour l'analyse et l'évaluation de l'étude les services du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), un établissement public qui fait autorité en matière d'hydrogéologie. En parallèle, une étude plus large est menée par la DREAL, financée en grande partie par l'Agence de l'eau. L'étude spécifique à l'entreprise concerne son activité de production et utilise des données qui relèvent de sa responsabilité. Il lui incombe de justifier que son exploitation est cohérente avec la ressource.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - À votre connaissance, l'arrêté préfectoral est-il respecté aujourd'hui sur le site de Vergèze ?
M. Sébastien Ferra. - Aujourd'hui, le seul point de non-conformité avec l'arrêté préfectoral concerne le rendu de l'étude, puisque Nestlé n'a pas respecté le délai et a restitué l'étude avec plusieurs mois de retard.
M. Daniel Gremillet. - En présentant l'EPTB, vous avez mentionné que les collectivités sont incitées à faire des acquisitions foncières. Pouvez-vous préciser dans quelles conditions et sur quel périmètre s'effectuent ces acquisitions ? Existe-t-il un cahier des charges pour l'exploitation des surfaces acquises par les collectivités ?
M. Thierry Agnel. - Les acquisitions foncières sont effectuées dans certaines zones de sauvegarde par les communes impliquées dans la préservation de la ressource en eau, mais aussi par Nestlé, qui achète à des prix corrects des terres agricoles aux agriculteurs cessant leur activité, puis les met à disposition de jeunes exploitants agricoles, souvent à des prix intéressants, à condition qu'ils respectent certaines contraintes environnementales. Ces deux types d'acquisitions sont complémentaires. Il n'y a pas d'acquisition foncière dans les zones où la population est plus importante.
Mme Sophie Ressouche. - J'ajoute que Nestlé a commencé sa démarche de protection des ressources il y a plus de trente ans, bien avant les collectivités locales. Les collectivités gestionnaires de captage prioritaire s'inspirent aujourd'hui des méthodes de Nestlé pour favoriser les pratiques agroécologiques. Les acquisitions foncières ont pour objectif de maîtriser l'usage des sols.
M. Daniel Gremillet. - Ces acquisitions se font-elles dans le cadre d'une convention signée entre Nestlé, les Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) et la puissance publique ? Autrement dit, le droit de préemption de l'agriculteur passe-t-il après l'intérêt général de la collectivité ou de Nestlé ?
Mme Sophie Ressouche. - Les collectivités ont des conventions avec la SAFER pour de la veille ou de la négociation foncière, soutenues par l'Agence de l'eau. En revanche, Nestlé n'intervient pas dans ces conventions et achète des parcelles pour son propre compte.
Mme Audrey Linkenheld. - Nous comprenons que Nestlé finance des études en vertu de l'arrêté préfectoral. Cependant, puisque l'entreprise ne respecte pas les délais, que les études mettent en évidence un doute, et que vous avez pour tiers expert le BRGM, le principe de précaution ne devrait-il pas s'appliquer ? La DDTM a-t-elle des contacts avec d'autres préfectures où Nestlé est implantée, sachant que les suspicions qui l'entourent ne concernent pas seulement le Gard ? Les pouvoirs publics se coordonnent-ils au niveau national sur ces questions ? Par ailleurs, combien de piézomètres sont installés pour mesurer l'impact du site de Nestlé Waters ?
M. Sébastien Ferra. - Le principe de précaution est de fait appliqué dans une certaine mesure. L'arrêté préfectoral impose qu'aucun nouveau forage ne soit autorisé tant que l'étude ne sera pas conclusive, cette suspension valant pour des forages d'essai, pour lesquels Nestlé a sollicité une autorisation en juin 2023. En outre, l'arrêté préfectoral interdit tout nouveau prélèvement tant qu'une stabilité de cinq années piézométriques n'est pas constatée. En revanche, malgré l'expertise du BRGM, nous n'avons pas la certitude que les baisses de niveau observées depuis plus de dix ans ne sont pas uniquement dues à un problème de recharge des nappes. Dans ces conditions, et en l'absence d'élément tangible, il paraît difficile pour l'autorité publique de demander à un préleveur de réduire ses prélèvements.
Mme Audrey Linkenheld. - Vous parlez d'absence d'élément tangible, mais vous évoquez également un doute. C'est pourquoi je me réfère au principe de précaution.
M. Sébastien Ferra. - Il existe en effet un doute, d'où l'application du principe de précaution circonscrite aux nouveaux prélèvements. Par ailleurs, l'entreprise Perrier avait dès 2019, et spontanément, envisagé une diminution de ses prélèvements.
Concernant la coordination, nous travaillons à l'échelle départementale avec les différents acteurs du territoire du Gard, parce que l'arrêté préfectoral concerne le département. En revanche, nous nous sommes rapprochés des services préfectoraux d'autres départements pour évoquer la situation de Nestlé. Mais si l'entreprise est la même, les contextes sont différents.
Mme Audrey Linkenheld. - Il semble que les préfectures ne communiquent entre elles que lorsqu'un problème survient, même si elles ont des industriels similaires sur leur territoire. Il n'existe apparemment pas d'échanges proactifs sur les bonnes pratiques au niveau central ou préfectoral.
M. Sébastien Ferra. - Il existe bien entendu un accompagnement national et une coordination relayée au niveau régional, par exemple pour les nouvelles dispositions concernant la sécheresse. De même, nous échangeons régulièrement avec les collègues des autres préfectures afin d'appréhender les nouveautés réglementaires et les nouvelles doctrines. En revanche, les dossiers particuliers sont instruits au niveau local lorsque cela est possible, et si besoin nous échangeons avec nos pairs.
Mme Sophie Ressouche. - En ce qui concerne le nombre de piézomètres, je rappelle que l'EPTB n'a pas vocation à surveiller directement les réservoirs exploités par l'industrie. Notre priorité est la surveillance des nappes souterraines. Nous disposons d'un réseau patrimonial de dix-huit piézomètres, dont certains datent des années 70, et nous en avons ajouté neuf dans le cadre de l'étude de modélisation. Notre objectif est de comprendre et d'évaluer la quantité d'eau provenant du réservoir qui alimente les nappes de la Vistrenque, afin de gérer efficacement les ressources et d'évaluer l'impact des prélèvements.
M. Laurent Burgoa, président. - Madame Fortunat-Deschamps, pouvez-vous expliquer à nos collègues l'importance de la première cave coopérative bio d'Europe, qui est située sur votre commune et a été constituée en partenariat avec Nestlé ?
Mme Patricia Fortunat-Deschamps. - À Vergèze, nous sommes sensibilisés à l'environnement et à la protection de la nappe phréatique, notamment grâce à Perrier. Notre territoire recourt abondamment au bio, notamment les viticulteurs, et nous avons en effet la première cave bio d'Europe. Notre commune pratique le zéro phyto depuis longtemps et mène une politique de désimperméabilisation des sols.
Concernant la gestion de l'eau, il convient de prendre en compte deux aspects : la quantité, gérée par la DDTM, et la qualité, surveillée par les ARS. Sur le premier aspect, Nestlé respecte les arrêtés limitant les prélèvements en période de sécheresse, et nous garantit que son activité n'impacte pas la ressource destinée aux habitants. Sur le second, l'entreprise s'est engagée à se conformer à la législation française. Pour s'en assurer, je fais confiance aux services de l'État et au Préfet, qui m'a assuré qu'il n'y avait pas de problème de santé publique. Dès lors, j'attends avec espoir la décision préfectorale prévue pour le premier semestre 2025, en ayant à l'esprit l'importance économique de Perrier, qui représente mille emplois directs et de nombreux emplois indirects.
Mme Antoinette Guhl. - Quel est l'impact financier sur les collectivités du déclassement en eau de boisson d'une partie de la production de Perrier ?
Mme Patricia Fortunat-Deschamps. - Nous percevons une surtaxe sur l'eau minérale naturelle, mais aucune sur l'eau de boisson. Le législateur, d'ailleurs, devrait s'emparer de ce sujet.
M. Thierry Agnel. - J'aimerais souligner que Nestlé nous demande chaque mois l'arrêté préfectoral mis à jour et comprenant les dernières mesures, notamment piézométriques. Dès lors, on peut estimer qu'il s'efforce de le respecter.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - L'arrêté préfectoral précise la quantité d'eau susceptible d'être puisée chaque année. Comment cette limitation est-elle contrôlée ? Quelles dispositions prend l'État pour s'assurer que les limites ne sont pas dépassées ?
M. Sébastien Ferra. - L'arrêté préfectoral stipule que le pétitionnaire doit fournir régulièrement l'ensemble des enregistrements et des données de son registre de prélèvement. Ces informations sont issues d'un compteur installé sur chaque prélèvement. Les compteurs eux-mêmes se trouvent à plus de 100 mètres de profondeur, et ne sont donc pas accessibles. Aussi nous effectuons un contrôle basé sur du déclaratif et sur la documentation fournie par l'entreprise, notamment les registres de prélèvements, afin de vérifier que la capacité d'extraction horaire correspond au débit autorisé.
Mme Sophie Ressouche. - J'aimerais alerter votre commission sur deux points essentiels. Premièrement, la restauration de la qualité de la ressource utilisée pour l'eau potable constitue une tâche difficile, surtout dans un contexte de changement climatique où la diminution des recharges impacte la qualité de l'eau. En outre, les décisions politiques récentes sur l'utilisation des pesticides risquent de dégrader la situation. Dès lors, il est vital de favoriser la recherche et le développement de solutions innovantes afin d'aller vers davantage de pratiques agroécologiques.
Deuxièmement, notre territoire connaît une forte dynamique d'urbanisation. Ainsi, des captages autrefois en zone rurale se retrouvent maintenant en zone urbaine. Malgré l'existence d'un schéma d'aménagement et de gestion de l'eau (SAGE), et malgré la mise en place de dispositifs de sauvegarde, nous avons des inquiétudes sur notre capacité à protéger la ressource et les captages existants, qui représentent une richesse pour le territoire.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - N'existe-t-il pas d'outils juridiques pour empêcher l'urbanisation dans les zones de captage ?
Mme Sophie Ressouche. - À travers le SAGE, des zones de sauvegarde ont été définies, avec des mesures proportionnées selon les secteurs. Nous pouvons intervenir voire interdire des IOTA, c'est-à-dire des installations, ouvrages, travaux et aménagements concomitants à l'urbanisation, mais nous ne pouvons pas agir directement sur l'urbanisation.
M. Sébastien Ferra. - Du point de vue réglementaire, il existe deux types de documents d'aménagements et de planification à l'échelle territoriale. D'une part, les schémas de cohérence territoriale (SCoT) définissent des zones de préservation de la ressource. La nappe de la Vistrenque a d'ailleurs été identifiée comme zone à préserver. D'autre part, les plans locaux d'urbanisme (PLU) permettent aux services de l'État d'informer les élus sur les espaces à préserver, notamment pour la ressource en eau. Le défi pour les élus est d'assurer le développement territorial tout en respectant les contraintes, notamment celles relatives à la qualité de l'eau, à la biodiversité ou aux risques naturels.
M. Thierry Agnel. - À cet égard, la Commission locale de l'eau joue un rôle central. Elle réunit des élus, des services de l'État, des associations et d'autres structures. Son rôle est de trouver un équilibre entre le développement économique souhaité par les élus et la protection des ressources futures.
M. Laurent Burgoa, président. - Cette audition s'achève, et je vous remercie mesdames et messieurs pour la qualité des informations que vous nous avez fournies.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 12 h 00.
La réunion est ouverte à 14 h 00.
L'écosystème des eaux dans les Vosges - Audition de M. Laurent Marcos, directeur départemental des territoires des Vosges, Mme Régine Begel, conseillère départementale, présidente de la commission locale de l'eau des Vosges, MM. Luc Gerecke, maire de Contrexéville et Franck Perry, maire de Vittel (sera publié ultérieurement)
Le compte rendu relatif à ce point de l'ordre du jour sera publié ultérieurement.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
L'écosystème des eaux dans le Puy-de-Dôme - Audition de MM. Jean-Pierre Lunot, conseiller départemental du Puy-de-Dôme, Alexandre Verdier, président de la commission locale de l'eau Allier Aval, Laurent Thevenot, maire de Volvic, Guilhem Brun, directeur départemental des territoires du Puy-de-Dôme, et Joseph Kuchna, maire de Saint-Yorre
M. Laurent Burgoa, président. - Nous poursuivons notre série d'auditions avec celle de MM. Laurent Thevenot, maire de Volvic, Joseph Kuchna, maire de Saint-Yorre, qui est en visioconférence, Alexandre Verdier, président de la commission locale de l'eau (CLE) du schéma d'aménagement et de gestion de l'eau (Sage) Allier Aval, Jean-Pierre Lunot, conseiller départemental du Puy-de-Dôme, et Guilhem Brun, directeur départemental des territoires du Puy-de-Dôme.
Cette audition est diffusée en direct sur le site internet du Sénat.
Je vous rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal. Je précise également qu'il vous appartient, le cas échéant, d'indiquer vos éventuels liens d'intérêts ou conflits d'intérêts avec l'objet de la commission d'enquête.
Je vous invite à prêter successivement serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant : « Je le jure. »
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, MM. Laurent Thevenot, Joseph Kuchna, Alexandre Verdier, Jean-Pierre Lunot et Guilhem Brun, ainsi que Mme Lucile Mazeau, animatrice de la commission locale de l'eau Allier Aval, prêtent serment.
M. Laurent Burgoa, président. - Je rappelle rapidement pour les internautes que le Sénat a constitué, le 20 novembre dernier, une commission d'enquête sur les pratiques des industriels de l'eau en bouteille.
Au début de l'année 2024, plusieurs médias ont révélé les pratiques illégales de certaines entreprises du secteur des eaux embouteillées, en particulier le recours à des traitements interdits sur des eaux minérales naturelles et de source.
Notre commission d'enquête vise à faire la lumière sur ce dossier, sous réserve des éventuelles procédures judiciaires en cours.
Cette audition a pour objet de donner la parole à des élus et à des responsables administratifs concernés par l'exploitation des eaux minérales naturelles et des eaux de source dans le Puy-de-Dôme et l'Allier. Il s'agit pour nous de comprendre l'écosystème des eaux et le rôle de chacun.
Que représentent aujourd'hui les différents sites des minéraliers, et plus particulièrement de Volvic et de Saint-Yorre, en termes d'installations, d'emplois, de production annuelle de bouteilles et de recettes fiscales pour vos collectivités ?
Quel regard portez-vous sur les récentes révélations concernant le traitement de désinfection des eaux minérales naturelles par des minéraliers, dont Nestlé Waters et Alma ?
À la lumière de ces évènements intervenus dans les Vosges et dans le Gard, le dispositif de contrôle et de surveillance des eaux minérales naturelles et eaux de source vous paraît-il satisfaisant en France ? Sinon, quelles pourraient être, à vos yeux, les améliorations à lui apporter ?
Plus globalement, comment agissez-vous pour préserver la ressource en eau souterraine ?
Nous vous proposons de dérouler cette audition en deux temps : vous présenterez successivement votre travail et vos réflexions, puis le rapporteur vous posera des questions.
M. Alexandre Verdier, président de la commission locale de l'eau Allier Aval. - En tant que président, depuis décembre 2023, de la CLE du Sage Allier Aval, ma principale mission a été de relancer les échanges avec les acteurs socioéconomiques sur la concertation au sein de la CLE, de questionner les premiers résultats de l'étude menée sur les ressources quantitatives en eau du bassin Allier Aval, dite HMUC Allier (hydrologie, milieux, usages, climat), et de mettre en place un projet de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE).
Le bassin Allier Aval est un bassin versant de près de 6 400 kilomètres carrés, dont le principal cours d'eau est l'Allier, un affluent majeur de la Loire. Ce bassin concentre la population et les principales activités socioéconomiques de l'ancienne région Auvergne. Il possède de nombreuses ressources en eau, avec des caractéristiques très différentes du fait d'une géologie hétérogène et diverse.
Le Sage a été élaboré entre 2005 et 2015, et approuvé en 2015. Sa structure porteuse a toujours été l'établissement public Loire. Depuis 2018, la CLE se compose de 85 membres représentatifs du bassin et de ses activités. Elle s'appuie sur des études pour répondre notamment aux objectifs du plan d'aménagement et de gestion des eaux.
Les ressources souterraines sont réservées à l'alimentation en eau potable par le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage) Loire-Bretagne et demandent la mise en place d'un schéma de gestion.
Deux autres études ont été lancées depuis 2019 : l'inventaire des zones humides sur l'ensemble du bassin Allier Aval et un schéma de gestion de l'espace de mobilité de l'Allier, afin de caractériser la dynamique érosive de l'Allier et les risques associés.
Dans le cadre de l'étude HMUC Allier, nous avons étudié les prélèvements exercés par l'ensemble des activités économiques, dont ceux des six principales sociétés d'embouteillage présentes sur le territoire. Nous avons validé en 2021 le diagnostic qui consistait à évaluer l'impact des prélèvements et des rejets associés sur le bon fonctionnement des ressources en eau. En 2022, la CLE a validé la phase prospective, qui vise à définir les scénarios d'évolution des ressources en eau et des usages aux horizons 2030 et 2050. Nous en sommes actuellement à définir les volumes mobilisables sur les affluents de l'Allier qui seraient compatibles avec le bon fonctionnement des ressources.
La CLE possède aujourd'hui une expertise sur la gestion quantitative des ressources en eau, plus particulièrement des ressources superficielles des cours d'eau. En ce qui concerne les eaux souterraines, il est encore nécessaire d'investir dans des études de connaissances pour mieux connaître leur fonctionnement et établir un cadre de gestion. Le projet de recherche sur les eaux souterraines issues du volcanisme de la chaîne des Puys n'a pas permis encore de répondre à toutes les questions sur le fonctionnement des coulées volcaniques. Nous n'avons donc toujours pas engagé la rédaction du schéma de gestion propre à ces ressources. Il reste difficile pour nous de mener ces études sans financement. Les CLE ne disposent pas de budget propre ; nous dépendons trop souvent d'établissements publics.
La majorité des ressources souterraines de ces territoires ne font pas l'objet d'un suivi quantitatif et qualitatif par les autorités publiques. Concernant la qualité des ressources en eau, nous prenons en compte le résultat du suivi réalisé pour le compte de l'État et des structures locales. Mais les ressources souterraines exploitées sont principalement suivies par les exploitants, lesquels transmettent ces suivis aux services étatiques chargés des contrôles. La CLE peut difficilement accéder à ces données ; elle n'assure pas non plus le suivi des autorisations des exploitations.
Pour revenir sur ma priorité d'action actuelle, les acteurs socioéconomiques ont demandé en 2023 des réponses à leurs questions sur la méthode de l'étude HMUC et la mise en oeuvre du PTGE. À la suite de nombreux échanges, nous avons pu répondre à ces questions et reprendre la mise en oeuvre de l'étude. L'objectif est d'aboutir à un plan de gestion quantitatif des ressources des affluents de l'Allier d'ici à 2026.
M. Jean-Pierre Lunot, conseiller départemental du Puy-de-Dôme. - Je suis vice-président du département chargé de l'environnement depuis décembre 2024, ce qui correspond d'ailleurs à ma formation de base. À ce titre, je m'occupe donc d'environnement et plus spécialement de l'eau : l'alimentation en eau potable, l'assainissement, les espaces naturels sensibles, les milieux humides et les milieux naturels. Nous n'intervenons en revanche pas sur la mise en bouteille de l'eau minérale. La seule implication du département en la matière concerne l'impluvium de Volvic et le travail en lien avec la Société des eaux de Volvic sur la gestion des quantités prélevées en fonction des saisons. Cette fonction ne relève pas forcément du département, mais le président du conseil départemental a voulu mettre en avant la gestion des eaux, parce que c'est une importante source d'emploi et que c'est fortement lié à la qualité de l'environnement dans notre région.
Le schéma départemental d'alimentation en eau potable (SDAEP) du Puy-de-Dôme, adopté en 2023, est notre document de référence et les fiches d'aide du département ont été révisées pour s'y conformer. La priorité y est donnée à la réduction des fuites, à la rénovation des ouvrages, à la sécurisation de l'alimentation en eau potable, en qualité et en quantité, à la réutilisation des eaux usées traitées ou encore à la mise en séparatif. Ces aides sont conditionnées à un prix de l'eau et de l'assainissement. En 2023, le département a consacré 4,1 millions d'euros au le domaine de l'eau potable ; ce chiffre varie, selon les années, entre 4 millions et 6 millions d'euros.
Nous travaillons aussi sur des projets d'interconnexion, afin d'éviter d'avoir de l'eau dans un bassin versant et non dans l'autre. Je sais que Volvic a également travaillé sur cette question, afin de reverser une partie de son eau en été, en cas de tensions.
La Société des eaux de Volvic est importante pour la région, c'est la quatrième entreprise. M. le maire de Volvic en parlera certainement mieux que moi, mais elle emploie près de 1 000 salariés, qui sont rémunérés correctement. Elle fait chaque année des efforts pour diminuer ses prélèvements et améliorer sa rentabilité. Ses prélèvements sont ainsi passés de 1,9 à 1,3 ou 1,4 litre d'eau pompée pour un litre d'eau embouteillée. Nous avons pour notre part l'impression d'une prise de conscience que cette ressource doit être partagée par tous.
En ce qui concerne le manque de transparence des entreprises du secteur dans d'autres départements, pour moi, c'est vraiment le rôle de l'État que de protéger les populations. C'est à la direction départementale de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETSPP) d'informer les gens plutôt qu'à Mediapart ou au journal Le Monde. Il aurait été préférable que ce soit cet organisme qui prévienne les habitants et les consommateurs, mais cela ne s'est pas fait ainsi, d'où une impression qui n'est pas toujours positive.
La Société des eaux de Volvic est soucieuse de la protection de l'impluvium ; des conventions portant sur les pratiques agricoles sont signées avec les agriculteurs. Pour partager les informations disponibles et limiter les causes de polémique, l'État a instauré un comité de transparence sur l'impluvium de Volvic, animé par la sous-préfète de Riom. Ce comité rassemble les élus des collectivités locales, le département, les services de l'État, les hydrogéologues agréés, les représentants des associations d'écologie et la société civile. Il se réunit au moins deux fois par an et le futur Sdage prêtera une attention encore plus grande à ces prélèvements. M. Verdier a mentionné des études portant sur l'impact du prélèvement des eaux sur l'alimentation en eau potable.
Pour résumer, cette société est une entreprise importante ; elle représente beaucoup d'emplois indirects et directs et me paraît travailler avec les collectivités.
M. Laurent Thevenot, maire de Volvic. - Je suis maire de Volvic depuis juin 2020 ; je suis également président du syndicat mixte des utilisateurs d'eau de la région de Riom et conseiller de la communauté d'agglomération Riom, Limagne et Volcans.
En qualité de maire, j'ai pour seule préoccupation les intérêts du territoire et des administrés volvicois. L'ensemble de mon équipe est à l'écoute de ces derniers et nous leur transmettons en toute transparence les informations dont nous disposons ; si nécessaire, nous prendrons toutes les mesures qu'imposent les circonstances dans le cadre légal et réglementaire.
La présence de la Société des eaux de Volvic constitue, M. le conseiller départemental Lunot l'a dit, un avantage économique non négligeable, du point de vue tant des emplois directs et indirects qui en découlent que du dynamisme que procure cette entreprise à la commune. Toutefois, cela ne fait pas perdre de vue à l'ensemble de l'équipe municipale que nous oeuvrons pour l'intérêt général et le bien de nos administrés.
La loi du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques rappelle que la police administrative de l'eau relève du préfet. C'est donc à ce dernier, en tant qu'autorité administrative, qu'il appartient de délivrer les autorisations relatives au prélèvement de la ressource. Je rappelle également que la commune ne dispose d'aucun pouvoir à cet égard. En dehors des cas dans lesquels les autorisations de prélèvement délivrées aux pétitionnaires justifieraient l'instauration de servitudes sur le territoire de la commune, le maire n'est pas consulté. Il est en revanche informé, avec le préfet, de tout incident ou accident présentant un danger pour la sécurité civile, la qualité, la circulation ou la conservation des eaux, ce qui n'est encore jamais arrivé.
Pardon si je fais une redite, mais, si le maire est l'interlocuteur vers lequel se tournent naturellement les administrés, les associations et les industriels du territoire lorsqu'ils attendent que des mesures soient prises - et on entend alors leurs inquiétudes -, il faut comprendre qu'il dispose de pouvoirs extrêmement limités en matière de police de l'eau. En ma qualité de maire, je ne suis ni consulté ni informé lorsque les autorisations de prélèvement de la Société des eaux de Volvic sont augmentées ou diminuées par arrêté préfectoral. Cela ne fait pas partie de mes prérogatives ni de mes compétences. Ainsi, sur ce sujet, mon niveau d'information est à la hauteur de mes prérogatives : plutôt faible.
Voilà ce que j'avais à dire sur le positionnement du maire. Je suis à votre disposition, monsieur le rapporteur, si vous avez des questions plus précises.
M. Joseph Kuchna, maire de Saint-Yorre. - Je suis maire de Saint-Yorre depuis 2014. J'ai des rapports normaux avec la société Alma, qui gère les eaux de la commune de Saint-Yorre.
Cette société a d'abord exploité de petites sources, qui avaient été exploitées chacune à leur façon puis avaient été rachetées dans les années 1900 par Perrier et Nestlé. En 1992, la société Alma a repris la gestion et l'exploitation de l'usine de Saint-Yorre. Cette usine s'étend sur une superficie totale de 22 hectares, dont 6,5 hectares de bâtiments. Elle emploie 150 personnes, dont 55 pour l'embouteillage. Le nombre de bouteilles sorties par année s'élève à 90 millions et les recettes fiscales étaient de 130 000 euros en 2024 ; ce montant a pu s'élever jusqu'à 147 000 euros.
Le traitement et la désinfection des eaux minérales par Nestlé Waters et Alma me paraissent regrettables, mais, comme le disait mon collègue de Volvic, nous ne sommes pas du tout informés sur ces sujets, sinon par la presse. Nous n'avons pas beaucoup d'informations concernant l'exploitation de l'usine. Nous avons aujourd'hui la chance d'avoir des sources situées à 80 mètres sous terre, sous une forte pellicule d'argile qui empêche leur pollution via l'infiltration des eaux de pluie. Il y a donc une forme de protection géologique naturelle.
Pour ce qui concerne mon expérience sur le terrain, je dirais que je n'ai pas beaucoup d'informations. J'ai de très bons rapports avec le directeur de l'usine. Quand je demande certaines informations, on me les donne, mais je les prends telles qu'elles me sont livrées.
Les enquêtes de Radio France, Mediapart et autres ont eu très peu d'impact sur les habitants. Nous n'avons pas observé de perte de confiance chez eux ou plus largement dans la région. Est-ce dû au fait que de nombreuses personnes connaissent des salariés qui travaillent pour la société Alma ? Cela peut être une explication. Pour ma part, je pense qu'il serait peut-être nécessaire d'augmenter la surveillance et de nous fournir un peu plus d'informations quand quelque chose ne va pas ou quand un évènement se produit ; nous avons été informés par la presse trois mois après les évènements. Un surcroît de surveillance serait positif à condition de ne pas avertir en avance les sociétés des dates de contrôle.
La qualité des eaux souterraines est garantie chez nous, dans la mesure où il y a au moins une vérification de l'agence régionale de santé (ARS) par mois. En outre, comme je l'ai dit, la couche d'argile nous protège de la pollution. Je ne vois pas bien quelles autres sources de pollution pourraient atteindre la source, sauf catastrophe, d'autant que la société met ses terrains à disposition des agriculteurs à condition que ceux-ci s'engagent à ne pas utiliser de produits polluants. Je pense donc qu'il n'y a pas de gros danger.
Les sources sont situées, je le répète, à 80 mètres sous terre. Cette société travaille en totale autonomie. Elle a une autorisation de pompage de 50 m3par heure et ne pompe que 24 m3 par heure, donc elle n'a pas formulé de demande supplémentaire.
Voilà ce que je sais de l'usine Alma. Je me tiens à votre disposition pour toute information complémentaire.
M. Guilhem Brun, directeur départemental des territoires du Puy-de-Dôme. - Si vous me le permettez, monsieur le président, je serai relativement bref, puisque je pense que vous connaissez le rôle des directions départementales des territoires (DDT) et de la mer (DDTM) ; je les rappellerai donc très synthétiquement.
Je suis directeur de la DDT du Puy-de-Dôme depuis l'été 2021. Cette direction est l'organisme déconcentré de l'État chargé, sous l'autorité du préfet, de mettre en oeuvre la politique de l'eau, selon les directives délivrées par la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère, dont vous avez entendu, je crois, la directrice.
La DDT veille et travaille au bon état quantitatif et qualitatif des masses d'eau, notamment souterraines. Elle s'intéresse donc à la ressource et est chargée, à ce titre, de l'instruction, de la délivrance et du contrôle des autorisations de prélèvement. En revanche, elle n'est pas chargée de l'aval, une fois l'eau prélevée, c'est-à-dire de la qualité des eaux embouteillées, qui relève de nos collègues de l'ARS, même si nous entretenons régulièrement, via la mission interservices de l'eau et de la nature (Misen), des échanges et une coordination entre services de l'État.
À ce titre, la DDT suit les activités de la Société des eaux de Volvic et nous travaillons donc sur leurs autorisations de prélèvement, le contrôle de celles-ci, mais aussi, plus généralement, sur les connaissances nécessaires pour définir ces autorisations, afin qu'elles soient adaptées.
M. le conseiller départemental évoquait le comité de transparence, que la DDT contribue, aux côtés de la sous-préfète, à animer.
M. Laurent Burgoa, président. - Nous allons auditionner d'ici peu le directeur régional de l'ARS et le préfet du Puy-de-Dôme.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Monsieur le directeur, vous avez appris par la presse ce qu'il se passait en matière d'exploitation de l'eau dans d'autres départements, notamment les forages illégaux qui ont eu lieu dans le Gard.
Ces révélations vous ont-elles conduit à engager une action spécifique sur votre territoire ?
M. Guilhem Brun. - Je n'ai pas d'information détaillée sur ce sujet ; je n'ai pas suivi en profondeur ces révélations et la nature des fraudes alléguées. Mon service n'a donc pas pris d'action complémentaire ou corrective de nos pratiques.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Vous n'avez pas eu non plus d'instructions du ministère concernant les eaux minérales, par exemple dans le sens d'une intensification des contrôles ou d'une campagne particulière ?
M. Guilhem Brun. - Nous n'avons pas eu d'instructions spécifiques liées à des évènements constatés dans d'autres départements. Nous avons chaque année des instructions générales de contrôle, via le plan national de contrôles. Dans ce cadre, la direction de l'eau et de la biodiversité nous demande de réaliser un certain nombre de contrôles. Je ne sais pas s'ils ont tenu compte, dans ce plan national de contrôles, de ces révélations. Nos instructions se limitent à ce plan, que nous déclinons localement.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Quelle est votre analyse de la situation des nappes, notamment à Volvic ? Sont-elles exploitées convenablement ? Sont-elles surexploitées ?
M. Guilhem Brun. - D'un point de vue qualitatif, la nappe de l'impluvium de Volvic ne présente pas de difficulté particulière. Elle n'est pas classée en état dégradé, ni dans le Sdage actuel ni dans les travaux de conception du futur Sdage. Cette nappe est relativement protégée du point de vue géographique, puisque l'impluvium, dont la superficie est d'à peu près 41 kilomètres carrés, est couvert à 53 % de forêts et, de manière complémentaire, à 41 %, de terres agricoles, pour l'essentiel des prairies pâturées. Il n'y a donc pas de source de pollution particulière. Par ailleurs, l'infiltration est assez profonde et lente et passe à travers des cônes de scories volcaniques ; la filtration est donc assez importante. Par conséquent, la qualité de l'eau est très bonne, elle ne présente pas de facteurs de danger particuliers et il n'y a aucune alerte particulière sur sa pollution, d'autant qu'un certain nombre de dispositions sont prises pour y veiller.
D'un point de vue quantitatif, nous menons des travaux assez approfondis pour améliorer la connaissance de la nappe. Jusqu'à récemment, on observait des fluctuations assez régulières, conjoncturelles, sans baisse particulière. La ressource de l'impluvium était très stable et elle a une composante inertielle majoritaire, grâce à la lente infiltration dans les cônes de scories en amont du bassin, d'où cette composante très stable de base, complétée par des infiltrations annuelles. Ainsi, jusqu'à la fin des années 2010, il n'y avait aucune tension particulière structurelle. Depuis quelques années, on note une diminution de la recharge, liée au phénomène de changement climatique ; nous sommes en train d'essayer de la documenter plus précisément pour en estimer l'ampleur. À la suite de ces constats, un certain nombre d'actions ont été entreprises, notamment des demandes des pouvoirs publics aux minéraliers de conduire des actions de sobriété, afin de réduire progressivement ces prélèvements.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Ces prélèvements ont-ils diminué ?
M. Guilhem Brun. - Ils ont en effet diminué. Ils avaient augmenté progressivement à partir de l'exploitation des sources dans les années 1960 jusqu'à la fin des années 1990.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Quand se situe le pic ?
M. Guilhem Brun. - Le pic est atteint à peu près en 2000. C'est resté très stable de 2000 à 2017. On diminue progressivement depuis 2017.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Avez-vous le chiffre des prélèvements de 2017 à 2024 ?
M. Guilhem Brun. - En 2017, ils devaient s'élever à 2,9 millions de mètres cubes ; ils sont actuellement autour de 2,3 millions.
Les pouvoirs publics, par la bouche du préfet, ont demandé à la Société des eaux de Volvic de conduire des actions de sobriété. Cette société a accepté de s'engager dans un plan d'utilisation rationnelle de l'eau (Pure), disposition que nous appliquons dans le département sur les préleveurs les plus importants, de plus de 40 000 mètres cubes annuels ; cela concerne une trentaine de préleveurs. Par ce plan, les préleveurs concernés s'engagent dans des actions de sobriété, dans le déploiement des meilleures techniques disponibles et dans une réduction de leurs prélèvements. Cela a conduit à une première réduction de l'autorisation de prélèvement de la Société des eaux de Volvic de 10 % à la fin de l'année 2021 et de nouvelles réductions sont envisagées pour 2025 et pour 2026. On réduit progressivement cette autorisation, en lien avec les actions de sobriété conduites par l'embouteilleur.
De manière complémentaire, au travers du Pure, puis, de façon consolidée, dans notre arrêté-cadre Sécheresse, mis à jour en 2024, nous avons ajouté des dispositions de réduction conjoncturelle, en cas de tensions constatées sur la ressource. Notre arrêté-cadre définit un point de référence sur la zone de l'impluvium - un piézomètre -, dont nous avons identifié des niveaux pouvant traduire une tension. Lorsque ces niveaux sont atteints, des réductions supplémentaires, qui s'ajoutent aux réductions structurelles que j'évoquais, sont appliquées par le minéralier. Elles sont actuellement de 5 % en niveau « Alerte », de 10 % en « Alerte renforcée » et de 12,5 % en « Crise ». Elles doubleront à partir de 2026, dans le cadre d'un projet de réutilisation des eaux usées et de lavage par le minéralier, pour s'établir respectivement à 10 %, 20 % et 25 %.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Si je comprends bien, la situation à Volvic est maîtrisée : l'impluvium est naturellement protégé pour moitié par de la forêt et, pour l'autre moitié, par des prairies sans utilisation intensive de produits polluants ; la nappe est profonde, donc protégée naturellement ; et la gestion de la ressource en garantit le rechargement par les procédures que vous avez mises en place. Est-ce bien le cas ?
M. Guilhem Brun. - Oui, la ressource est protégée d'un point de vue qualitatif et les pouvoirs publics veillent à adapter les niveaux de prélèvement pour correspondre à la situation de l'impluvium. Nous suivons la situation et, si celle-ci évolue, nous agirons en conséquence.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Monsieur Kuchna, les révélations sont parties d'un lanceur d'alerte travaillant au sein de la société Alma, et des procédures judiciaires ont été lancées ; pour Nestlé, dans les Vosges, il y a eu une convention judiciaire d'intérêt public. Qu'en est-il, à votre connaissance, pour Alma ? Où en sont les procédures ?
M. Joseph Kuchna. - Pour l'instant, je n'ai pas d'informations. Au moment des publications, on a entendu des choses invraisemblables qui circulaient sur la place, mais personne ne nous a donné d'informations. Lorsque je suis allé à la source, le directeur du site m'a indiqué qu'il ne pouvait me donner plus d'informations que ce que l'on entendait dans les journaux. Nous n'avons su que longtemps après que du gaz carbonique, non naturel, était ajouté lors de la mise en bouteille.
Voilà les éléments dont je dispose à ce jour et encore faudrait-il avoir une confirmation écrite, car tout cela m'a été indiqué à l'oral.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Monsieur Verdier, quelle est votre vision de l'état des ressources dans l'Allier ?
M. Alexandre Verdier. - Comme je l'indiquais dans mon propos introductif, autant nous avons des éléments d'études sur la quantité, autant sur la qualité, je n'ai pas de données.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Pouvez-vous revenir sur ce qui touche à la quantité ?
M. Alexandre Verdier. - Sur la quantité, nous sommes en train d'élaborer le PTGE et nous n'avons aucune alerte spécifique sur la ressource de Saint-Yorre. Toutes les études à notre disposition montrent qu'il n'y a pas de problème à ce sujet.
En revanche, je vous alerte, la CLE n'a pas forcément toutes les informations. Nous devons aller les chercher, ce qui peut être parfois contrariant : l'État nous demande de réaliser des documents de planification de gestion de l'eau, mais nous n'avons pas tous les éléments requis pour ce faire. Nous essayons donc de prendre les décisions les plus justes, mais avec les seuls éléments dont nous disposons.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Il s'agit d'un point essentiel : alors même que vous venez d'indiquer que des décisions relatives à la protection de l'impluvium peuvent être prises au sein de la CLE, vous affirmez ne pas disposer des données qualitatives qui vous permettraient d'adapter les recommandations et les mesures mises en oeuvre au risque pesant sur la ressource. En résumé, vous ne connaissez pas précisément l'état de cette dernière.
M. Alexandre Verdier. - Nous n'avons pas pour rôle de contrôler la qualité.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Y a-t-il des échanges avec l'industriel ?
M. Alexandre Verdier. - Oui. Une fois encore, il ne m'appartient pas, en tant que président de la CLE, de déterminer si l'eau de Saint-Yorre ou de Volvic est bonne.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Certes, mais il relève de votre responsabilité de vous interroger sur la protection de l'impluvium et de la ressource.
M. Alexandre Verdier. - En termes de quantité, oui.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Des présidents de CLE nous ont présenté ce matin des mesures de protection de la ressource d'un point de vue qualitatif. Vous considérez donc que votre mission se borne à une approche quantitative.
M. Alexandre Verdier. - En l'absence d'alertes de la part des autorités compétentes, nous n'avons pas vocation à mesurer la qualité des eaux.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Avez-vous des liens avec l'ARS ?
M. Alexandre Verdier. - Très peu. Si l'ARS siège au sein de la CLE, elle n'a jamais émis d'alerte au sujet de la qualité.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Pouvez-vous décrire plus précisément le fonctionnement d'une CLE ?
M. Alexandre Verdier. - La CLE peut siéger en formation restreinte ou élargie. Au cours des réunions, nous présentons les études qui seront menées en lien avec notre établissement public, puisque notre principale mission consiste à réaliser des études.
Ne disposant pas de budget propre, nous nous battons bec et ongles afin d'obtenir des financements pour ces travaux : si ces derniers ne sont pas intégralement pris en charge, ils ne peuvent pas être réalisés.
Pour ce qui est du déroulement des réunions, tous les acteurs sont présents dans la salle et la parole est libre : si les représentants de l'ARS et de l'État avaient connaissance d'un problème de qualité de l'eau, j'espère qu'ils le signaleraient.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Consécutivement aux révélations sur Nestlé et Alma en janvier 2024, ni l'État ni l'ARS n'ont donc communiqué à votre endroit.
M. Alexandre Verdier. - En effet.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Je ne pense pas me tromper en observant que vous paraissez un peu frustré par le fonctionnement de la CLE.
M. Alexandre Verdier. - C'est exact. Ma mission principale consiste à renouer le dialogue entre les acteurs du territoire - agriculteurs, associations de consommateurs, pêcheurs, etc. - et de parvenir à dégager un consensus sur la répartition de l'eau. Il s'agit de déterminer un équilibre entre la préservation de l'environnement et la protection de notre économie et de notre agriculture.
Par ailleurs, le comité de pilotage de la CLE, élargi aux associations et aux agriculteurs, rédige le PTGE. Ce travail collectif permet de s'assurer que les mesures qui seront prises ultérieurement seront acceptées par le plus grand nombre.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Quels seraient selon vous les principaux points à améliorer afin de vous venir en aide ?
M. Alexandre Verdier. - Le financement des études représenterait un grand pas en avant, soit en accordant un budget propre aux CLE, soit en attribuant les moyens nécessaires aux établissements dont nous dépendons. Dans ce domaine comme dans d'autres, les finances sont le nerf de la guerre.
Les mesures que nous pouvons proposer afin d'optimiser la ressource en eau peuvent être les meilleures possible, mais resteront lettre morte si les collectivités n'ont pas les moyens de financer des travaux d'assainissement, par exemple.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Je retiens que les discussions avec l'État ne sont guère productives au sein de la CLE.
M. Alexandre Verdier. - Le préfet du Puy-de-Dôme est très à l'écoute et très impliqué sur le sujet de l'eau, mais il est lui aussi contraint par une enveloppe financière.
M. Laurent Burgoa, président. - Je pense que le rapporteur faisait référence à d'autres structures, dont les ARS. Votre interlocuteur est-il un représentant départemental de l'ARS, ou son directeur régional ?
M. Alexandre Verdier. - Il s'agit d'un représentant départemental.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Je me tourne vers les élus locaux : que pouvez-vous nous dire au sujet de vos relations avec les industriels et les embouteilleurs ? Sont-elles fluides ? Des points réguliers sont-ils faits ? La protection de la ressource vous semble-t-elle assurée pour l'essentiel ?
M. Laurent Thevenot. - Je tiens à évoquer le rôle du comité environnemental pour la protection de l'impluvium de Volvic (Cepiv), qui associe la société des eaux de Volvic et les différentes communes du secteur. Ledit comité mène des actions réparties en trois axes.
Premièrement, il y a des actions à destination des agriculteurs avec, à la fois, une forte incitation visant à la disparition des produits phytosanitaires et des opérations de chaulage pour renforcer les sols en calcium et en magnésium tout en les aérant, ce qui permet d'améliorer le rendement. Il s'agit ainsi d'éviter l'utilisation de produits non vertueux, susceptibles de mettre à mal notre ressource.
Deuxièmement, des actions sont menées en direction des particuliers, notamment en matière d'assainissement individuel et de modernisation des stations d'épuration.
Troisièmement, des actions en partenariat avec des organismes tels que la ligue de protection des oiseaux (LPO) sont destinées à protéger la biodiversité.
J'ai coutume de dire que la ressource de l'impluvium constitue notre trésor commun, tant pour le minéralier que pour l'alimentation en eau potable. Nous devons en prendre grand soin et nous oeuvrons donc à garantir sa pérennité par le biais des actions du Cepiv.
M. Joseph Kuchna. - Nous n'avons pas de suivi à faire des sources Alma dans la mesure où aucune pollution n'a été signalée, du moins à ma connaissance. En lien avec la communauté d'agglomération de Vichy, dont je suis vice-président, nous adoptons des mesures de protection de la ressource, qui provient en grande partie de l'Allier. La gestion est structurée de manière très satisfaisante puisque le syndicat mixte des eaux de l'Allier (SMEA) a réalisé des jonctions entre les différentes communes afin de pallier d'éventuels manques d'eau dans certains secteurs.
De manière générale, nous n'avons pas rencontré de difficultés notables en matière de pollution et de qualité de l'eau potable, que nous surveillons en permanence. En revanche, les sources de Saint-Yorre, très profondes, ne rentrent pas dans ce cadre. Nous restons un peu sur notre faim, car on rechigne à nous fournir des informations précises alors que nous souhaitons simplement disposer de tous les éléments.
M. Guilhem Brun. - Je tiens à souligner une spécificité de la nappe de Volvic, qui est à la fois utilisée par un minéralier et pour l'alimentation en eau potable d'un certain nombre de communes du département.
C'est à ce titre qu'un certain nombre d'actions sont réalisées : un accord a ainsi été signé entre le Cepiv et la SNCF, cette dernière s'engageant à ne procéder à aucun traitement chimique de désherbage des lignes ferroviaires sur la partie qui traverse l'impluvium de Volvic.
Par ailleurs, une déclaration d'utilité publique (DUP) est en vigueur sur les périmètres de captage aux fins d'eau potable, ce qui offre également une protection de la qualité de la ressource. Cette double utilisation de la nappe apporte donc des protections supplémentaires.
M. Jean-Pierre Lunot. - Je reviens sur les aspects financiers : pour entretenir les réseaux convenablement à un horizon de 30 ou 40 ans, il faut compter environ 1,5 milliard d'euros. Si le financement apporté par le département du Puy-de-Dôme permet d'assurer l'entretien, des ressources bien plus importantes seraient nécessaires pour améliorer les rendements.
Sans une impulsion significative pour agir sur les rendements, l'assainissement et l'efficacité des stations d'épuration, nous continuerons à multiplier les réunions et les études, sans passer à la phase des réalisations concrètes. J'ai le sentiment que les études dissimulent le manque de moyens.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Monsieur Verdier, le Sage est un document qui doit contenir des éléments relatifs à la qualité de la ressource en eau. Cette question me semble donc concerner le périmètre d'intervention de la CLE.
Celui-ci est par ailleurs vaste sur le plan géographique puisque, sauf erreur de ma part, il s'étend à cinq départements, ce qui implique un nombre élevé d'acteurs. Considérez-vous que la CLE constitue l'échelon pertinent, offrant le bon niveau de fonctionnement ? Votre commission est-elle en outre adossée à une structure en particulier, qui lui assure un soutien financier ?
M. Alexandre Verdier. - Nous sommes rattachés à l'établissement public Loire, mais l'éloignement de son siège complique souvent nos relations. Nous intervenons en effet dans cinq départements. Si le département du Puy-de-Dôme investit beaucoup dans la commission, lui permettant de financer ses études, en particulier l'étude HMUC et l'étude socio-économique, je ne peux pas en dire autant des autres départements qui la composent. À titre d'exemple, dans l'Allier, ni le conseil départemental ni les services de l'État ne contribuent à son financement.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Comment l'expliquez-vous ?
M. Alexandre Verdier. - Le conseil départemental me répond qu'il ne s'agit pas pour lui d'une obligation. C'est de sa part un choix politique, je ne le conteste pas. En revanche, je m'interroge sur la raison pour laquelle les services de l'État de ce département ne nous apportent pas le moindre financement quand, dans le même temps, le préfet du Puy-de-Dôme est, lui, très engagé sur la question de l'eau.
M. Alexandre Ouizille. - Je m'interroge aussi, parce qu'il existe un principe de continuité de l'action de l'État dans les départements.
M. Alexandre Verdier. - Quant aux autres départements, ils sont certes un peu moins directement concernés. Néanmoins, ce sont bien cinq départements que la question de l'eau réunit au sein de la CLE.
Le statut administratif de notre commission, qui ne lui ménage aucune marge de liberté, ne facilite guère la conduite de l'action que l'on attend d'elle. En ce qui concerne le Sage, mon rôle consiste à assurer le dialogue social pour le compte de l'État.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par là ?
M. Alexandre Verdier. - J'ai devant moi, autour de la table, tous les acteurs, dont les consommateurs, et il me revient, en tant que président de la CLE, de trouver un consensus entre eux et de faire accepter les mesures qui seront prises pour répondre à une situation relative à la ressource en eau. Je crois beaucoup, dans l'exercice de cette mission, à la différenciation territoriale.
M. Laurent Burgoa, président. - C'est une notion qui, au Sénat, ne peut que nous plaire.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Une structure regroupant cinq départements ne permet guère cette différenciation.
M. Alexandre Verdier. - Il nous appartient d'y travailler. Pour ne rien vous cacher, étant moi-même dans le Sancy, le Haut-Allier ne m'est par exemple pas parfaitement connu, d'où la nécessité de pouvoir se reposer sur des services et des élus qui apportent la connaissance de leurs territoires respectifs. Nous ne gérerons en effet pas une situation de façon identique dans le Haut-Allier, le Forez ou le Puy-de-Dôme. Les contextes, par exemple les pluviométries, y sont différents. Nous nous efforçons d'être au plus près de chaque territoire et notre but est non de multiplier les réunions entre les acteurs, mais de dégager des solutions en vue de l'action. Et c'est ce que veulent les élus locaux.
Mme Lucile Mazeau, animatrice de la commission locale de l'eau Allier Aval. - La CLE est bien un outil qui travaille sur l'ensemble des problématiques de l'eau. Notre Sage a été approuvé en 2015 et le volet de l'enjeu qualitatif y est traité, sans cependant que nous y ayons inscrit à ce sujet des prescriptions supplémentaires. En la matière, nous nous appuyons d'abord sur le code de l'environnement et sur le Sdage Loire-Bretagne.
Depuis 2017, nous avons mis la priorité sur la réalisation d'études majeures relatives à la gestion quantitative de la ressource et à la définition d'un schéma de gestion de l'espace de mobilité de l'Allier, car la dynamique du cours d'eau crée des érosions et des incisions qui ont des répercussions sur son fonctionnement. Nous nous sommes également consacrés à l'inventaire des zones humides des 6 400 kilomètres carrés de territoire où nous intervenons. Faute de moyens suffisants, nous n'avons donc pas, ces dernières années, prioritairement traité de la qualité de l'eau.
Quant aux eaux de Saint-Yorre, elles sont profondes et véritablement protégées, exploitées par une société unique et sans enjeu de partage avec d'autres activités. C'est pourquoi la CLE ne porte pas sur elles de regard particulier.
M. Guilhem Brun. - Monsieur le rapporteur, vous avez indiqué être interpellé par ce qui constituerait des différences dans le niveau d'implication financière de l'État.
L'État soutient le PTGE Allier Aval et l'action du président Verdier. Son intervention financière en matière de politique de l'eau s'effectue au travers des agences de l'eau, et non par l'intermédiaire de chaque préfet de département. Il finance ainsi l'étude socio-économique, en l'occurrence via l'agence de l'eau Loire-Bretagne, à hauteur de 50 %. Cette étude concerne tous les acteurs du territoire, et notamment ses collectivités locales. De notre point de vue, il importe donc que ces dernières y contribuent conjointement à proportion des 50 % restants, et c'est là que se situe le manque.
M. Laurent Burgoa, président. - S'agit-il de la même agence de l'eau pour l'ensemble du territoire d'intervention de la CLE ?
M. Guilhem Brun. - Oui.
M. Alexandre Verdier. - Les relations sont déjà suffisamment complexes avec une seule agence de l'eau.
M. Laurent Burgoa, président. - Monsieur le maire de Saint-Yorre, souhaitiez-vous ajouter quelque chose ?
M. Joseph Kuchna. - Mes collègues élus du département de l'Allier ont défini des priorités et j'ignore si elles évolueront ou non.
M. Jean-Pierre Lunot. - Dans le Puy-de-Dôme, le préfet, le président du conseil départemental - Lionel Chauvin - et moi-même essayons de mettre en place un observatoire départemental de l'eau. Son rôle consisterait à dégager une vision et une connaissance globales de la ressource, de ses petit et grand cycles, de ses nappes à son assainissement. S'il ne forme pas un bassin versant, le département correspond néanmoins à une réalité administrative. L'agence de l'eau est aussi partie prenante.
M. Laurent Thevenot. - J'ai retenu que cette commission d'enquête pourrait, à l'issue de ses investigations, formuler des propositions. Je ne me priverai donc pas d'un dernier commentaire.
Dans ma présentation liminaire, j'ai souligné le manque d'informations et de prérogatives des maires des communes sur lesquelles sont installés des minéraliers ou sur le territoire desquelles existe un impluvium. Or le maire est l'interlocuteur de premier niveau de ses administrés. Au même titre que le président Verdier, je suis frustré de ne pas pouvoir leur apporter de réponses suffisamment éclairées, pertinentes et cohérentes. Je pense qu'il y a là quelque chose à faire pour nous impliquer davantage dans ces problématiques liées à la ressource en eau.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Les questions de vos administrés, quelles sont-elles principalement ?
M. Laurent Thevenot. - Elles se fondent surtout sur les messages que les médias véhiculent, avec les déformations qui peuvent exister. À défaut de posséder nous-mêmes des informations fiables, contrer la désinformation, le cas échéant, nous est très difficile.
M. Laurent Burgoa, président. - Peut-être les ARS pourraient-elles vous fournir les informations adéquates et vous permettre d'être en effet, sur ces sujets, les interlocuteurs privilégiés de vos concitoyens qui vous sollicitent. Leur opposer un silence, faute d'information, risque malheureusement toujours de faire naître la suspicion que vous leur cachez certaines choses.
M. Laurent Thevenot. - Nous comptons sur vous pour être entendus.
M. Laurent Burgoa, président. - Soyez sûr que, au sein de la chambre qui représente les collectivités territoriales, la remarque d'un élu est toujours prise en compte.
Je tiens à vous remercier de cette audition qui nous a permis de mieux connaître vos territoires et les problématiques que vous y rencontrez.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 17 heures.