Mercredi 4 mars 2020
- Présidence de M. Éric Jeansannetas, président -
La réunion est ouverte à 16 h 35.
Audition de M. Bernard Roman, président de l'Autorité de régulation des transports (ART) et Mme Stéphanie Druon, secrétaire générale
M. Éric Jeansannetas, président. - Chers collègues, nous poursuivons nos travaux sur les concessions autoroutières. Nous recevons aujourd'hui M. Bernard Roman, président de l'Autorité de régulation des transports (ART) et Mme Stéphanie Druon, secrétaire générale.
Après vous avoir rappelé qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête est passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal, je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, levez la main droite et dites : « je le jure ».
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Roman et Mme Druon prêtent serment.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Dans un souci de clarté et d'interactivité, les questions ne seront pas groupées et nous souhaitons que nos invités répondent de façon concise. Comment l'ART perçoit-elle le secteur des sociétés autoroutières ? Pouvez-vous présenter la manière dont elle est organisée pour assurer ses missions de régulation du secteur autoroutier concédé ? Combien de personnes travaillent-elles sur ce sujet ? Comment vos effectifs ont-ils évolué ces dernières années ? Sont-ils suffisants ? Quel est leur profil ? Y a-t-il une coordination avec les services de l'État qui gèrent les autoroutes ?
M. Bernard Roman, président de l'Autorité de régulation des transports (ART). - Si l'ART existe aujourd'hui avec ses compétences, c'est parce que le Parlement l'a voulu en 2015 à la suite des rapports de la Cour des comptes et de l'Autorité de la concurrence, qui avaient soulevé un certain nombre d'anomalies. Le Parlement a voulu, dans la loi du 6 août 2015 dite loi Macron, faire en sorte que le régulateur des transports étende ses activités à la régulation et au contrôle des concessions autoroutières. Il lui a confié trois missions. La première est la régulation des tarifs des péages. L'avis de l'ART (anciennement Arafer) est requis préalablement à la conclusion d'un nouveau contrat de concession et dès qu'un avenant a une incidence sur la durée de la concession ou l'évolution des tarifs des péages. Nous nous sommes ainsi prononcés sur le Plan d'investissement autoroutier (PIA) et ses 57 opérations initialement. C'est une illustration de notre activité.
Le deuxième domaine dans lequel nous intervenons est celui des procédures de passation des marchés de travaux, de fournitures et de services par les concessionnaires. Nous contrôlons le bon fonctionnement et la composition des commissions des marchés des sociétés concessionnaires d'autoroutes. Nous contrôlons également les marchés. Lorsque les conditions ne sont pas remplies, nous pouvons saisir la justice. Nous l'avons déjà fait une fois. Je vous fournirai des éléments écrits dans la semaine qui vient.
Notre troisième mission découle de notre pouvoir de collecte de données. L'ART a la capacité d'exiger des sociétés concessionnaires des informations financières, techniques et économiques. Nous publions chaque année un document, que je vous ai remis, qui synthétise les comptes des sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA), à la fois globalement et par société. Nous publierons également un rapport quinquennal qui permettra d'avoir une vision sur les tarifs des péages, qui représentent l'essentiel des recettes des SCA. En 2018, le chiffre d'affaires de ces sociétés est de 10,4 milliards d'euros. Le taux de distribution atteint 98 %, ce qui est étonnant au regard du niveau d'endettement. Nous allons présenter dans le rapport quinquennal une vision précise, documentée et expertisée de la situation économique du monde autoroutier. Nous publions aussi un rapport annuel sur les marchés et les contrats passés par les SCA. Nous sommes compétents en matière autoroutière depuis février 2016.
Ce pouvoir de collecte est le plus important. Nous définissons une liste d'informations qui doivent nous être fournies. Les SCA doivent les transmettre sous peine de sanctions très lourdes, à concurrence de 3 % du chiffre d'affaires. Il n'est pas nécessaire d'en brandir la menace, les SCA sont bien conscientes des enjeux.
Mme Stéphanie Druon, secrétaire générale de l'Autorité de régulation des transports. - Concernant les moyens humains et financiers, le contrôle nécessite des compétences économiques, techniques, juridiques et financières, comme pour tous nos secteurs de régulation. L'Autorité est organisée pour pouvoir travailler en équipes projets. La direction métier qui pilote le secteur autoroutier comprend, outre le directeur, huit agents dédiés au contrôle des SCA. Ils travaillent avec des agents de la direction des affaires juridiques, dont quatre sont spécialisés sur le secteur autoroutier, et de celle des affaires financières, dont trois agents sont sur le secteur. Cela fait donc une quinzaine de personnes en équivalents temps plein travaillés. Concernant les moyens financiers, nous bénéficiions jusqu'à l'année dernière d'une taxe affectée prélevée sur les SCA, plafonnée à 2,6 millions d'euros, soit 2,4 millions après déduction des coûts liés au prélèvement par la DGFIP. Cette taxe ne nous est plus affectée depuis la loi de finances pour 2020. Nous devons donc discuter chaque année le budget annuel avec la direction du budget en premier lieu, et aussi la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM).
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Si je comprends bien, la mission de collecte de documents se passe plutôt bien, sans que vous ayez à faire usage des sanctions. Pouvez-vous me le garantir ?
M. Bernard Roman. - Non, je ne peux pas vous le garantir. Mais la menace existant, le droit étant ce qu'il est, et certaines de nos décisions ayant un caractère règlementaire, et a minima valeur d'injonction, nous avons finalement obtenu communication des éléments demandés. Il y avait une grande réticence au début car c'était complètement nouveau. Avant que l'Autorité ne devienne compétente, la commission nationale des marchés des sociétés concessionnaires d'autoroutes ou d'ouvrages d'art, faute de disposer de pouvoirs lui permettant d'exiger le fourniture certaines données par les SCA, ne pouvait pas se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence des sociétés pour lesquelles elle était compétente, et émettait des avis et des recommandations. Depuis que la loi nous a donné la capacité d'obtenir des informations, nous avons choisi d'user de ce pouvoir de manière pédagogique. J'ai à plusieurs reprises réuni les présidents des SCA et celui de l'Association des sociétés françaises d'autoroutes (ASFA) pour mettre au point le système qui fonctionne aujourd'hui. Cela fonctionne même trop bien. Il y a plusieurs centaines de marchés par an, dont certains de plus de 100 pages. Ce n'est pas avec cinq collaborateurs que nous pouvons tout contrôler. Les contrôles sont faits de manière aléatoire, en choisissant les dossiers les plus importants.
Nous veillons à l'indépendance de la majorité des membres des commissions des marchés, ce qui est une avancée que nous devons au Parlement. Nous veillons à ce que l'attribution des marchés soit conforme aux règles de concurrence et à ce que la rédaction des appels d'offres réponde aux exigences légales. Sur un marché d'ASF pour lequel nous avions introduit un référé précontractuel, nous avons été déboutés en première instance par le tribunal de grande instance de Nanterre. Nous estimions, au vu des coefficients de pondération, que le critère du prix était le seul critère réellement important. Le tribunal a considéré qu`en l'espèce cela ne changeait rien au classement de l'attributaire. La Cour de cassation nous a donné raison : il appartient bien à l'autorité de veiller in abstracto au respect des règles d'organisation des appels d'offres, indépendamment de leur effet sur l'attribution du marché au cas d'espèce.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Sur les marchés, nous nous demandons s'ils sont majoritairement attribués à des sociétés liées aux groupes auxquels appartiennent les sociétés concessionnaires. Il y a des règles en la matière, mais quelles sont-elles ? Y a-t-il des attributions croisées ? Pouvez-vous contrôler cela ? Comment ?
Le sous-directeur de la DGITM nous a déclaré que les avenants aux contrats de concession étaient tous équilibrés. Est-ce effectivement le cas à votre connaissance ? Est-ce que vous contrôlez le respect de cet équilibre ? En avez-vous le détail et la synthèse ? J'aimerai disposer d'une synthèse depuis 2006.
M. Bernard Roman. - Sur la première question, il faut être très clair et en même temps mesuré. Les travaux publics sur les 9 000 kilomètres d'autoroutes concédées représentent moins de 3% du montant total des travaux publics dans leur ensemble en France (et 6% des travaux routiers). Il faut toujours mesurer la part de travaux autoroutiers que les sociétés exécutent pour les groupes auxquelles elles sont liées, et la comparer à sa part dans les travaux routiers de manière générale. Sur les avenants, chacun a sa vérité. La DGITM doit faire en sorte que la compensation ne soit ni en deçà ni au-delà de ce qui est nécessaire.
Notre regard porte sur trois principales étapes. D'abord les travaux. Sont-ils nouveaux ? Figuraient-ils dans le contrat initial ? Sur les 57 opérations initialement prévues par le PIA, nous avons estimé que huit relevaient d'obligations contractuelles préexistantes et qu'elles étaient donc déjà compensées, via la perception par le concessionnaire des péages existants. Sur ce point nous avons été suivis par le Conseil d'État, et ces huit opérations ont été retirées du PIA. Dans un deuxième temps, nous regardons si les opérations sont utiles ou nécessaires à l'exploitation de l'autoroute. Nous avons estimé que cela n'était pas le cas pour un grand nombre d'entre elles. Nous ne jugeons pas de leur utilité publique ou de leur opportunité politique, par exemple la construction d'un échangeur, qui est l'objet-même des procédures de déclaration d'utilité publique. Nous jugeons si cela apporte quelque chose à l'usager par rapport au prix qu'il paye : désengorgement de la route, accès à de nouvelles destinations utiles... Nous n'avons pas été suivis par le Conseil d'État sur ce point.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Sur combien d'opérations cela porte-t-il ?
M. Bernard Roman. - Je pense que plus d'une bonne quinzaine d'opérations sont en jeu. La loi d'orientation des mobilités (LOM) a assoupli ce cadre, contre notre avis. Aujourd'hui, seules trois conditions cumulatives doivent être réunies pour qu'une bretelle soit jugée utile, et je ne vois pas comment nous pourrons apprécier ce qui n'entre plus dans ce champ. Ce n'est pas au Sénat que ces dispositions ont été assouplies. Bien au contraire, plusieurs voix contraires s'y sont élevées.
Nous regardons enfin l'estimation du coût des opérations. Sur ce point, nous n'avons pas le même regard que la DGITM. Nous avons considéré que, sur les 57 opérations initialement prévues par le PIA, le coût d'un certain nombre d'entre elles était surestimé, parfois très largement. Or c'est cette estimation qui permet de calculer la compensation. Nous avions des référentiels différents sur ce point de ceux de la DGITM et des sociétés concessionnaires. À deux reprises, ces coûts ont fait l'objet d'une expertise, dont l'une nous a donné raison. Le bilan complet à la fin des concessions permettra de déterminer la réalité des coûts. Pour l'heure, les opérations prévues par le PIA commencent à peine à être réalisées. Pour ce plan, nous sommes passés d'environ 800 millions d'euros à moins de 700 millions d'euros et de 57 opérations à 43, avec une hausse des péages moins forte qu'initialement prévue, de même que pour les revenus des sociétés. L'Autorité a une véritable utilité sur cet aspect. Il y a en effet une inégalité de moyens entre les SCA et le concédant. Le législateur a jugé qu'un tiers neutre était nécessaire. Le PIA a démontré cette nécessité.
Mme Stéphanie Druon. - Les SCA transmettent facilement les données, notamment financières. Nous leur avons demandé de nous transmettre les marchés attribués entre 2013 et 2015 pour étoffer notre base de données, et comme elles nous répondaient que cela était très lourd pour elles, nous avons échangé en bonne intelligence. Une seule fois nous avons eu à ouvrir une procédure en manquement préalable à la procédure de sanction, à l'encontre d'Atlandes, pour obtenir communication de différents marchés. La procédure a été rapidement clôturée.
Concernant les marchés, l'Autorité veille à l'exercice d'une concurrence effective et loyale. Nous nous assurons qu'il y a une majorité de membres indépendants dans les commissions de marché dont la composition est soumise à l'avis conforme de l'Autorité. Nous veillons au respect des obligations de publicité et de mise en concurrence. Nous veillons à ce que les critères techniques ne soient pas neutralisés, ce qui reviendrait à n'utiliser que le critère prix. C'est l'objet de la requête en référé précontractuel que nous avions déposée pour un marché d'ASF. Maintenant que la Cour de cassation nous a donné raison, ce sera plus facile d'en introduire plus. Nous n'avons cependant pas à intervenir si le pourcentage de sociétés liées parmi les entreprises de travaux retenues est trop élevé. Mais nous communiquons sur les marchés passés par les SCA par la publication de notre rapport annuel dans lequel nous rendons publics ces chiffres.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Vous parlez dans le rapport des marchés passés avec des entreprises liées. Parlez-vous des attributions croisées de marchés de travaux, par exemple entre les sociétés du groupe Eiffage et celles du groupe Vinci ?
M. Bernard Roman. - Ce n'est pas aussi précis. Lors de la première publication en juillet 2016, portant sur l'année 2015, le taux le plus élevé pour les marchés supérieurs à 2 millions d'euros HT a été relevé pour la société ESCOTA avec 54% d'attribution en valeur à des entreprises liées. Cela avait fait réagir l'ASFA. Nous faisons aujourd'hui un point société par société, puis un point global qui permet de définir quelle est la part des sociétés des groupes Vinci, Eiffage et Bouygues (qui est le seul groupe à n'être pas directement actionnaire de SCA) sur le marché routier national et quelle est leur part sur le marché des autoroutes concédées. Il est prévu dans le protocole signé entre les SCA et l'État lors du plan de relance autoroutier (PRA) de 2015, dont seulement 50 % a déjà été réalisé, qu'un pourcentage des travaux devait être attribué aux TPE et PME. Nous n'avons pas à sanctionner le respect de cet engagement, mais nous le regardons. Le plan de relance était de 3,5 Mds d'euros, le PIA de 700 millions.
Mme Stéphanie Druon. - Vous aurez les chiffres par écrit. Il s'agit des marchés de travaux passés entre 2016 et 2018 par les sociétés concessionnaires ou leurs groupements. En cas de groupement, nous donnons le nom des mandataires, mais comme nous ne déclinons pas par co-traitants et sous-traitants cela peut biaiser les chiffres. La part des marchés attribués en valeur par les sociétés concessionnaires du groupe Vinci (ASF, Cofiroute et ESCOTA) à leurs entreprises liées est de 60 % sur les travaux en 2017 et 32 % en 2018. Sur les marchés de services, elle était de 29 % en 2017 et 6 % en 2018. Sur les marchés de fournitures, de 16 % en 2017 et 6 % en 2018. Pour les sociétés concessionnaires du groupe Eiffage (APRR et AREA), 27 % en 2017 et 35 % en 2018 sur les marchés de travaux ; 23 % en 2017 et 1% en 2018 sur les marchés de services et 9 % en 2017 et 2 % en 2018 sur les marchés de fournitures. Vous trouverez plus de détails dans le rapport. Il n'y a pas de grosses anomalies si on compare ces chiffres à la place de ces groupes dans le secteur des travaux publics. Nous ne sommes toutefois pas chargés d'émettre un avis. Nous ne pouvons qu'assurer la transparence des chiffres.
Concernant les projets d'avenants, l'Arafer a rendu en juin 2017 un avis simple pour chacun des sept projets d'avenants aux contrats de concession des SCA historiques, puis un sur ATMB en 2018 sur la compensation de la hausse de la redevance domaniale, et nous venons d'en rendre un sur la société Atlandes. Nous vous enverrons les documents. Dans le dernier avis sur Atlandes, nous avons considéré qu'une partie des charges ayant vocation à être compensée par le projet d'avenant figurait déjà dans les contrats et n'avait donc pas à être compensée par une augmentation supplémentaire des tarifs de péage. Nous regardons ensuite le respect des critères de nécessité et d'utilité, puis les coûts et niveau de recettes retenus, la rémunération du capital et enfin les autres clauses envisagées par le projet d'avenant.
M. Bernard Roman. - Concernant les coûts, le concessionnaire les estime, avec une marge de risque. Le concédant a sa propre base de données. Notre base de données sera constituée à partir des marchés passés par les SCA depuis 2013. Elle sera fiable et nous permettra de disposer du coût des travaux, donc de reconstituer une part majeure du coût réel des opérations, même si la conjoncture peut faire évoluer les coûts.
M. Éric Jeansannetas, président. - Quand sera publié le rapport quinquennal ?
M. Bernard Roman. - À la fin du premier semestre. Nous pourrons, si vous nous le demandez, vous en transmettre des éléments, dans la limite du secret des affaires.
M. Roland Courteau. - Pourrait-on connaître le chiffre d'affaires et l'excédent brut d'exploitation réalisés par les sociétés concessionnaires en 2018 ? Quelles sont leurs marges d'exploitation ? Quels dividendes ont été versés aux actionnaires en 2017 et 2018 ? Je crois que dans l'accord de 2015, un dispositif en cas de surprofit a été introduit. Y a-t-il eu un surprofit en 2017-2018 ? Comment le déterminer ? Ce dispositif a-t-il été mis en oeuvre, et si non pourquoi ?
M. Bernard Roman. - C'est un sujet complexe. L'ouverture du capital des SCA est intervenue en 2002 et la privatisation en 2006. Dans 11 ans, la première concession arrivera à échéance. Dans une concession, le capital de l'actionnaire n'est pas le réseau, mais son contrat. Dans 11 ans, la société concessionnaire rendra à l'État le réseau autoroutier qu'elle a construit, acheté, entretenu, voire amélioré. Il faut bien voir les contraintes positives et négatives d'une concession. Pour les sociétés concessionnaires dont le chiffre d'affaires s'est élevé à 10,4 milliards d'euros en 2018, les dividendes versés aux actionnaires atteignent 3,3 milliards d'euros en 2015, 4,7 en 2016, 1,7 en 2017 et 2,9 en 2018.
J'ai été auditionné au Sénat l'année dernière, dans le cadre de l'examen de la proposition de loi visant à renationaliser les autoroutes. Dans l'exposé des motifs, il était écrit que les dividendes distribués étaient supérieurs au coût d'acquisition. Ce n'est pas faux, mais les 14 milliards d'euros payés par les groupes acquéreurs en 2006 ne correspondaient qu'à une partie des actions, le capital ayant déjà été ouvert en 2002. De plus, les SCA ont repris dans les contrats 5 milliards d'euros d'investissements, auxquels s'ajoutent les 26 milliards d'euros d'investissements réalisés entre 2006 et 2018 sur le réseau autoroutier qu'elles restitueront entre 2031 et 2036. Enfin, les SCA sont endettées. Lorsqu'elles rendront les concessions, elles devront avoir remboursé l'ensemble de leur dette. C'est un des travaux que nous menons dans le cadre du rapport quinquennal. Nous estimons globalement leur dette nette à 29 milliards d'euros, alors que les SCA indiquent qu'elle s'élève à 50 milliards d'euros. Nous poursuivons nos expertises pour déterminer précisément la dette et son échéancier.
Par ailleurs, à la fin des concessions, l'autoroute doit être rendue en bon état. Il y aura, sept ans avant la fin des contrats, une clause de revoyure pour déterminer, d'une part, ce qu'il y a à faire pour que les autoroutes et ouvrages remis soient en bon état, et, d'autre part, il faut au préalable être d'accord sur la notion de bon état - or, aucun contrat ne précise aujourd'hui cette notion. C'est un rendez-vous essentiel. Dans les contrats de concession « historiques », il est prévu qu'à la fin 2006, l'inventaire des biens qui relèvent de la concession et ceux qui relèvent du concessionnaire devait être fait. Cela n'a pas été le cas. Il faut veiller à ce que le rendez-vous des sept ans avant la fin de la concession ait effectivement lieu et s'assurer que les travaux prévus seront réalisés.
Dans notre rapport quinquennal, nous revenons sur le taux de rentabilité interne (TRI) des SCA. Il y a là une énorme incertitude sur des concessions d'une durée de 70 ans, et même si nous faisons ce travail chaque année, nous ne le publions pas. Ce sera plus objectif et plus documenté avec une vision rétrospective de cinq ans. Il nous faut tenir compte à la fois des résultats d'exploitation positifs et, en même temps, des investissements et de l'endettement des sociétés. L'équilibre est toujours à rechercher en prenant en compte ces deux éléments.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Nous avons les chiffres.
M. Bernard Roman. - Les aires de services génèrent un peu plus de 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Cela paraît secondaire mais cela ne l'est pas, en particulier en ce qui concerne l'obligation de modération des coûts des carburants.
Mme Stéphanie Druon. - Le modèle économique des concessions est basé sur une très longue durée : on ne peut pas tirer de conclusions des chiffres exceptionnels d'une année. Il faut apprécier ce modèle à l'échelle de la durée totale de la concession. Le suivi de l'économie globale des contrats de concession sera apprécié dans le rapport quinquennal.
M. François Bonhomme. - Je reviens sur les procédures de marché. Êtes-vous membre des commissions des marchés ?
M. François Bonhomme. - Considérez-vous que vous avez les moyens d'assurer les contrôles des marchés ? Sur votre champ d'intervention, vous avez indiqué avoir saisi la juridiction compétente une seule fois.
M. Bernard Roman. - Nous n'avons pas assez de moyens humains, comme dans tous les secteurs de régulation. Nous sommes touchés de la confiance du gouvernement et du Parlement qui reconnaissent notre expertise. Elle se manifeste par les nouvelles missions qui nous sont confiées. Il est toutefois étrange qu'une autorité publique indépendante dépende de l'exécutif pour ses moyens. Nous avons insisté dans le cadre du dernier projet de loi de finances pour avoir 20 emplois supplémentaires ; nous avons obtenu neuf postes de collaborateurs supplémentaires, au vu de l'élargissement de nos misions, plus deux emplois au titre de la réforme de la gouvernance du collège de l'Autorité (avec l'arrivée de deux nouveaux vice-présidents). Nous les avons obtenus mais je rappelle que nous devons désormais suivre également les aéroports, la RATP, l'ouverture des données de mobilité, la billettique... Plus nous aurons de moyens, plus notre contrôle sera efficace.
Nous avons certes eu un seul cas de référé précontractuel, mais il était extrêmement important. Depuis 2016, les règles auxquelles sont soumises les concessions autoroutières sont très proches de celles de la commande publique. Nous avions besoin du soutien de la Cour de cassation pour montrer aux SCA que nous veillons à faire respecter les règles. Sans faire de procès d'intention, les prix peuvent être plus facilement tirés par un grand groupe que par un petit. La règle du moins disant ne suffit pas ; la rédaction des appels d'offre est très importante.
Nous ne faisons pas partie des commissions d'appel d'offres : c'est la DGCCRF qui y assiste. Nous travaillons en bonne intelligence avec elle.
Mme Stéphanie Druon. - Cinq collaborateurs travaillent sur le contrôle des marchés. Nous sommes destinataires de 400 à 500 marchés par an. Nous mettons la priorité sur les marchés les plus sensibles en termes concurrentiels : ceux attribués à une entreprise liée, ou ceux portant sur certaines prestations, notamment la distribution de carburant. En 2018, sur les 412 marchés et les 12 avenants qui nous ont été soumis, nous avons procédé à l'analyse détaillée de 79 d'entre eux, ce qui fait environ 25 % des marchés reçus.
Mme Michèle Vullien. - À quel moment de l'attribution des concessions intervenez-vous ? Sur le Bordeaux-Genève, c'est-à-dire l'A89, il y a eu un grand nombre de tronçons différents. Pourquoi ? Qui décide du trajet ? Où est vraiment prise cette décision ? Nous n'arrivons pas à savoir qui est responsable.
M. Bernard Roman. - Nous n'avons aucune compétence sur les choix d'opportunité d'aménagement du territoire. Notre mission, telle qu'elle est définie par le Parlement, est de contrôler. La décision en amont ne relève que des pouvoirs politiques, centraux ou territoriaux.
M. Éric Jeansannetas, président. - Ne vous inquiétez pas, Mme la sénatrice, la commission d'enquête finira par le savoir !
M. Jean-Raymond Hugonet. - Même si la terminologie est différente il me semble que votre fonction est parallèle à celle du contrôle de légalité, comme dans les collectivités territoriales, Je comprends bien qu'on se hâte ici avec lenteur. À l'heure de la dématérialisation, la transmission de documents ne peut pas prendre de temps. Nous savons évaluer les prix quand nous voulons passer un marché, même dans les petites communes. Nous établissons alors un bordereau de prix qui est soumis au contrôle de légalité. Mais nous ne pourrions pas évaluer le coût du mètre carré d'enrobé pour les autoroutes. Pouvez-vous accélérer les contrôles ? Sentez-vous une volonté d'aboutir sur cette question ?
Mme Stéphanie Druon. - Le parallèle avec le contrôle de légalité vaut pour le contrôle des marchés passés par les sociétés concessionnaires, mais pas pour celui des avenants et des nouveaux contrats de concession, ni pour les sous-concessions, puisque ce sont des avis simples. Mais ces avis simples sont importants, car nous sommes saisis avant l'examen par le Conseil d'État. Il nous a suivis sur les huit opérations du PIA qui concernaient des travaux déjà prévus au titre d'obligations contractuelles préexistantes car elles ne figurent plus dans les avenants approuvés par décret. Concernant les installations annexes, le concédant peut décider de délivrer ou non l'agrément à l'exploitant retenu à l'issue de la procédure de publicité et de mise en concurrence et près avis de l'Autorité. Depuis la LOM, il doit motiver sa décision s'il le donne à la suite d'un avis défavorable de notre part sur la procédure d'attribution du contrat. Concernant le pouvoir de collecte, nous pouvons sanctionner l'absence ou le refus de transmission mais nous avons choisi de procéder de manière partenariale. À l'avenir, nous allons faire en sorte que la saisie des marchés soit dématérialisée pour alimenter directement notre base de données.
M. Bernard Roman. - C'est acté avec les SCA.
Mme Christine Lavarde. - Je reviens sur un sujet qui n'a presque pas été abordé. Pour les aires d'autoroute, qu'est-ce que l'ART peut ou non contrôler ?
M. Bernard Roman. - Nous regardons le contrat de sous-concession pour nous assurer du respect de la loi, en particulier de la procédure d'appel d'offres. Ce qui nous occupe le plus est la modération tarifaire sur le prix des carburants. Si la référence est la station voisine, il faut vérifier qu'elle n'appartient pas au même exploitant. Une des sociétés concessionnaires a décidé de faire une expérimentation, depuis un an, et de s'approvisionner directement auprès des raffineurs. Nous ne pouvons pas aujourd'hui vous dire si cela est positif ou non. Cela avait mal commencé car elle avait initialement considéré que le contrat passé sur le carburant ne relevait pas de notre contrôle.
Nous formulons un avis simple sur la procédure d'attribution des contrats de sous-concession, et le ministère chargé des transports donne ou non agrément à l'attributaire pressenti dudit contrat. Dans le domaine autoroutier, il y a beaucoup d'avis simples. Nos seuls avis conformes portent sur la composition et les règles de fonctionnement des commissions des marchés.
Mme Stéphanie Druon. - L'attributaire s'est engagé lors de la procédure d'appel d'offre à une modération tarifaire sur les prix des carburants. Le concédant devrait en vérifier l'effectivité. Nous l'invitons à veiller au respect de cet engagement mais nous ne sommes pas compétents pour en contrôler la bonne application.
M. Olivier Jacquin. - À quel moment du processus d'attribution du contrat de concession intervenez-vous ? Pouvez-vous qualifier la qualité des contrôles techniques effectués par la DGITM ? Sur le contrôle des tarifs, vous vérifiez que les travaux ont été réalisés. Est-ce que le contrôle est bien fait ? L'État n'est-il pas dispersé dans ses fonctions de régulateur au détriment de ses fonctions de stratège ? Par comparaison, pour les chemins de fer britanniques, il y a des centaines de personnes qui veillent au respect des contrats.
Quel est le statut de vos collaborateurs ? Avez-vous subi des pressions directes ou indirectes ? Vous avez évoqué des dividendes « étonnants ». Par rapport à quoi ? Avez-vous des données ? Quels seraient les trois points d'amélioration que vous apporteriez au système actuel ?
M. Bernard Roman. - Nous intervenons lorsque la négociation entre l'État et le concessionnaire est terminée. Le projet d'avenant nous est soumis. Nous rendons un avis simple, dont l'État tient ou non compte. Sur les contrôles techniques, nous n'avons aucune compétence. S'agissant du PIA, il est beaucoup trop tôt pour le dire : les travaux n'ont pour la plupart pas commencé. A posteriori, il sera très intéressant de comparer les coûts estimés aux coûts réels. Nous avons considéré que certaines enveloppes de travaux étaient de 30 % trop élevées. Dans son avis sur le PIA, le Conseil d'État n'a absolument pas invalidé nos estimations mais a indiqué qu'il n'avait pas pour mission de se prononcer sur les estimations des coûts des travaux.
Concernant les moyens, il nous faut, comme pour les administrations centrales, travailler en mode projet, comme l'a dit M. Balderelli. Sur le statut de nos collaborateurs, nous sommes une structure publique, avec des modalités de recrutement plus souples que ceux de l'administration. Nous avons une très grande expertise, et nos collaborateurs sont recherchés par beaucoup de chasseurs de têtes. Je n'ai connu aucune pression depuis mon arrivée à la tête de l'ART. J'ai entendu des expressions de mécontentement, de satisfaction quelques fois, mais de pression pour une décision, jamais.
Les dividendes peuvent paraître étonnants. Il faut prendre en compte l'endettement et les investissements : le choix de se désendetter ou non appartient aux sociétés. Les sociétés historiques ont une situation de désendettement plus confortable que les sociétés nouvelles. Il faudra voir la courbe réelle de désendettement. Nous suivrons cela dans le rapport quinquennal.
M. Olivier Jacquin. - Vos collaborateurs relèvent-ils de la fonction publique ?
Mme Stéphanie Druon. - Nos collaborateurs sont essentiellement des contractuels de droit public, avec une vingtaine de fonctionnaires détachés, soit moins de 20 %. Nous avons par exemple des juristes, des avocats, des économistes, parfois venus d'autres régulateurs économiques sectoriels, comme l'Arcep ou la CRE. L'ART est dotée de la personnalité morale.
Sur les moyens humains de l'État, ce n'est pas à l'Autorité de se prononcer pour savoir s'ils sont suffisants, même si nous pouvons être interpellés lorsque nous estimons que certaines opérations inscrites dans un projet d'avenant relèvent déjà d'obligations contractuelles préexistantes et sont déjà compensées par le péage. La fin des concessions arrive vite, entre 2031 et 2036. Le concessionnaire et le concédant doivent se mettre d'accord sur l'inventaire des biens de retour, des biens de reprise et ce qui appartient en propre au concessionnaire. Cela aurait dû être fait à la clôture des comptes 2006 pour les sociétés historiques et mis à jour tous les cinq ans. L'établissement du programme d'entretien et de renouvellement et des opérations préalables à la remise des ouvrages de la concession en bon état des infrastructures doit être défini sept ans avant la fin des concessions. Certaines obligations prévues il y a plus de quinze ans, comme la réalisation de l'inventaire, n'ont toujours pas été exécutées.
M. Jordi Ginesta. - Lorsque des travaux sont prévus, soit on revoit le prix du péage, soit on allonge la durée des concessions. Avec les avenants glissants, les concessions ne se terminent pas au même moment. Tous les tronçons d'autoroute ne finiront pas le même jour. Il n'y a donc jamais d'appel à la concurrence. Comment cela se passera-t-il lorsque les concessions arriveront à échéance à des dates différentes ? Il faut supprimer les avenants glissants.
M. Bernard Roman. - C'est une vraie question au coeur du système concessif français. Il y a aujourd'hui une tendance à dire qu'on ne peut plus prolonger indéfiniment les concessions. Mais l'idée des adossements est toujours présente du côté des décideurs publics. La représentation nationale devra se prononcer sur le sujet. Certains sont en faveur d'une gestion publique ou mixte des concessions.
Sur le mode d'évolution des péages, les règles fixées par les contrats ou le cadre réglementaire n'ont pas été modifiées lors de l'ouverture du marché et de la privatisation. Ce sont les allongements de la durée des concessions et les hausses tarifaires supplémentaires prévues dans les avenants qui modifient l'évolution des péages et leur niveau. Se pose donc la question de l'utilité et de la nécessité des travaux qui justifient ces allongements pour que leur coût ne pèse pas uniquement sur l'usager.
M. Patrick Chaize. - Je voudrais revenir sur la notion de biens de reprise et de biens de retour. Les contrats de concession initiaux étaient bâtis sur un équilibre financier en fin de contrat, donc sans biens de reprise. Avec les avenants, nous avons poursuivi la logique en prolongeant les contrats de concession pour éviter ces biens de retour. Et ce, alors que dans toutes les autres concessions de transport, cette distinction entre bien de retour et bien de reprise est claire. On pourrait établir que, sans changer la date de fin de concession, on fasse les comptes à un moment donné. Quel est votre pouvoir pour imposer aux concessionnaires de transmettre les informations utiles ? La notion de biens de reprise et de biens de retour est-elle déterminée dans les contrats ? Sur les ouvrages réalisés pour rétablir des voies existantes, notamment des ponts, l'ensemble des ouvrages de rétablissement est-il à la charge des SCA ? Une partie est-elle à la charge des collectivités territoriales ? Si oui, dans quelle proportion ?
Mme Stéphanie Druon. - Les biens de retour en fin de concession sont définis dans le contrat : il s'agit de tout ce qui est nécessaire à l'exploitation de la concession. Ils reviennent immédiatement et gratuitement à l'État à la fin du contrat. Les biens de reprise peuvent être repris par le concédant qui les acquiert à la valeur nette comptable. La difficulté porte sur l'inventaire des biens et sur la définition du bon état dans lequel les biens doivent être remis par le concessionnaire au concédant. Cette nomenclature aurait dû être établie à la clôture des comptes 2006 et mise à jour tous les cinq ans.
M. Patrick Chaize. - Quel est votre pouvoir là-dessus ?
Mme Stéphanie Druon. - Ce sera un sujet du rapport quinquennal. À part constater la lacune et le dire, nous ne pouvons rien faire d'autre.
M. Bernard Roman. - Nous disposons des pouvoirs que le Parlement nous a donnés. Ils peuvent donc évoluer, y compris en matière de suivi de la vie des concessions, sur les rendez-vous manqués depuis 2006, sur ceux futurs et cruciaux à avoir en tête et le respect de la recherche de l'équilibre. Nous avons un pouvoir d'alerte permanent. Chaque année, nos rapports, qui sont publiés, sont envoyés aux présidents des assemblées et des commissions compétentes ainsi qu'à tous les parlementaires qui nous les demandent. Je ne suis pas là pour faire de la communication. Je ne fais qu'un ou deux points-presse par an. Les membres du collège et les collaborateurs de l'autorité sont prêts à informer à tout moment les assemblées.
De nombreux ouvrages sont cofinancés avec les collectivités territoriales dans le PIA. Notre travail sur les évaluations des coûts porte sur la négociation entre concessionnaire et concédant : ce n'est pas un domaine concurrentiel. Le régulateur casse l'asymétrie de moyens et d'informations entre le concédant et le concessionnaire. Si le Parlement nous confie d'autres missions, ainsi que les moyens de les accomplir, nous les mettrons en oeuvre avec plaisir.
Mme Stéphanie Druon. - Il ne faut pas sous-estimer le pouvoir des avis simples. Nos compétences sont encore assez récentes et nos avis, même simples, ont porté leurs premiers fruits. Le président a rappelé comment. Notre avis sur le projet de deuxième avenant d'Atlandes vient d'être publié, dans lequel nous indiquons qu'une partie des coûts ne doit pas être compensée dans cet avenant. Que va en faire le concédant ? Notre avis va également être transmis au Conseil d'État.
Sur les avenants, nous sommes très légitimes car il y a une asymétrie entre concédant et concessionnaire et il n'y a pas d'appel d'offres et donc pas de prix de marché. Sur les nouveaux contrats de concession, nous intervenons après la procédure d'appel d'offres, lorsque le projet de contrat nous est soumis, avant d'être transmis au Conseil d'État. Dans ce cas il y a eu un appel d'offres et donc un prix de marché. Notre rôle est alors plus compliqué.
M. Bernard Roman. - Nous n'avons pas accès aux offres évincées.
M. Michel Dagbert. - Vous avez rappelé combien les limites de l'exercice étaient réelles, mais également l'efficacité qu'il pouvait avoir. Nous avons du temps devant nous avant l'échéance des concessions en 2030-2036. Quelles latitudes supplémentaires pourrions-nous octroyer à l'ART ? N'aurons-nous aucune autre alternative que de renouveler les concessions ? Pourrions-nous revenir à l'économie mixte ou à la gestion directe ? Ces trois hypothèses sont-elles également crédibles ?
M. Bernard Roman. - Cette question sera au coeur de vos conclusions. Le régulateur ne se prononcera pas. Mais tous les pouvoirs qui lui permettraient de mieux éclairer les parlementaires sur cette question seront les bienvenus. Nous en avons déjà beaucoup, mais il nous en manque. Lorsque nous devons rendre un avis sur un nouveau contrat et que nous avons connaissance d'une procédure d'appel d'offres, il est difficile d'avoir un avis sur la justesse de la compétition qui a eu lieu : nous pourrions avoir accès aux réponses des concurrents évincés sans lesquelles nous ne pouvons pas véritablement nous prononcer.
Parmi les hypothèses que vous avez évoquées, il y en a une qui n'est pas possible. Les concessions ne pourront pas être renouvelées sans remise en concurrence : le droit européen l'interdit. Il faudra procéder à un nouvel appel d'offres, ce qui permettra de tirer les leçons des avantages et des inconvénients du système de la concession. Il y a d'un côté un concessionnaire qui prend tous les risques, et de l'autre un concédant, ou plutôt l'usager, qui paie tous les risques. Peut-on mesurer les risques ? Après la crise de 2008, les sociétés d'autoroute ont indiqué avoir eu besoin de dix ans pour rattraper le niveau du trafic poids lourds de 2008. C'est sans doute vrai, mais ne faudrait-il pas alors prévoir dans les contrats de concession des clauses de revoyure ou de partage ?
Nous nous tenons à votre disposition pour vous transmettre tous les documents demandés.
M. Éric Jeansannetas, président. - Nous vous remercions et nous attendons ces documents.
La réunion est close à 18 h 20.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.