- Mardi 21 juin 2016
- Transparence, lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique - Audition de M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics
- Transparence, lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique - Examen du rapport pour avis et des articles délégués au fond
- Désignation d'un rapporteur
- Mercredi 22 juin 2016
Mardi 21 juin 2016
- Présidence de M. Jean-Claude Lenoir, président, M. Philippe Bas, président de la commission des lois et Mme Michèle André, présidente de la commission des finances -La réunion est ouverte à 9 h 05
Transparence, lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique - Audition de M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics
La commission procède à une audition commune avec la commission des finances et la commission des affaires économiques de M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, sur le projet de loi n° 691 (2015-2016) relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Je remercie Michel Sapin d'avoir répondu à l'invitation de la commission des lois pour une discussion sur le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Cette audition est élargie aux commissions des finances et des affaires économiques.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. - Nous sommes heureux d'accueillir Michel Sapin à l'occasion de l'examen d'un projet de loi qui a pour objectif d'assurer la compétitivité de notre système financier et la protection de notre économie, ainsi que celle des épargnants et des assurés. Ce texte nous incite à poursuivre notre réflexion sur la manière dont le Parlement doit intervenir en matière de droit financier. De plus en plus, nos lois sont écrites à Bruxelles ou par ordonnances, et les demandes d'habilitation se multiplient. Nos récents travaux sur l'application des lois ont montré que, si les ordonnances sont généralement publiées et les projets de loi de ratification déposés, la procédure n'aboutit pas toujours, à moins de passer par la voie d'un amendement gouvernemental. À nous de veiller au suivi des nouvelles ordonnances qui seront prises. Je me réjouis d'entendre le ministre sur ces sujets.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. - L'Assemblée nationale a manifesté un grand intérêt pour l'agriculture, le commerce et l'artisanat, puisqu'elle a multiplié par neuf le nombre des articles consacrés à ces domaines, passant ainsi de 4 à 35 articles. L'imagination et l'initiative étaient au rendez-vous.
Sur l'agriculture, le projet de loi enrichi par l'Assemblée nationale reprend pour l'essentiel les propositions que nous avions inscrites dans un texte très largement adopté au Sénat, il y a quelques mois, que le vote d'une question préalable par nos collègues députés avait empêché d'aboutir. Les bonnes idées du Sénat ont été reprises par le Gouvernement et complétées par l'Assemblée nationale. On ne peut que saluer notre influence. Ces mesures portent sur la contractualisation, les conditions de formation des prix, le rôle accru de l'observatoire des prix et des marges, la traçabilité des ingrédients. D'autres innovations concernent l'encadrement des achats de terres agricoles.
Sur le commerce et l'artisanat, la commission des affaires économiques défend la nécessité de protéger les PME. La délégation aux entreprises présidée par Élisabeth Lamure s'est prononcée sur les délais de paiement de droit commun. Nous souhaitons également préserver un équilibre entre le respect des qualifications professionnelles exigées pour exercer un métier artisanal et le souci d'encourager l'initiative personnelle dans la lignée de la loi sur les auto-entrepreneurs. La commission des affaires économiques se réunira cet après-midi pour définir ses propositions.
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. - J'ai l'honneur de porter ce texte en collaboration avec Jean-Jacques Urvoas pour les dispositions de procédure pénale, avec Stéphane Le Foll pour celles qui touchent à l'agriculture et avec Emmanuel Macron pour les questions économiques. Quels que soient les domaines de la vie économique et de la vie publique abordés, les objectifs sont les mêmes : d'une part, fixer des limites pour lutter contre une finance utilisée à des fins contraires à la morale et à l'efficacité économique ; d'autre part, encourager la meilleure utilisation possible de l'argent de la finance au service de la production, de la création d'emplois, de l'initiative et du développement économique. Autrement dit, sans être caricatural, il s'agit de distinguer entre une finance mal utilisée, qu'il faut combattre, et une finance indispensable au développement économique, qu'il faut encourager.
Cette loi dite « Sapin 2 » - et je ne peux que remercier ceux qui l'ont ainsi nommée - rappelle que j'étais déjà présent devant vous, il y a une vingtaine d'années, pour défendre les mêmes objectifs. En traitant du financement de la vie politique et de la transparence des marchés, la loi « Sapin » luttait contre la corruption sur le territoire national. La loi « Sapin 2 » porte la lutte au niveau transnational.
Les dispositions sur la protection des lanceurs d'alerte ont été considérablement enrichies par l'Assemblée nationale, à juste titre si l'on tient compte du récent rapport du Conseil d'État. Le législateur doit concilier la protection de la liberté d'expression du lanceur d'alerte et la sauvegarde des droits publics, la protection des droits des tiers, et en particulier le droit au respect de la vie privée. L'alerte éthique repose sur la responsabilité individuelle et le sens de l'intérêt général. Elle ne peut s'affranchir des règles qui encadrent sa publicité, qu'il s'agisse de son authenticité, de son bien-fondé ou de l'implication des autorités compétentes. Le droit actuel ne suffit pas à assurer cet équilibre. Chacun connaît les cas récents qui ont montré combien la protection des lanceurs d'alerte était insuffisante.
La loi doit donner une définition précise et étendue du lanceur d'alerte. Elle doit prévoir une protection pour ceux qui dénoncent de graves atteintes à la légalité, mais aussi pour ceux qui s'attaquent à des situations qui, sans être illégales, n'en sont pas moins choquantes dans une société comme la nôtre : les scandales de Luxleaks révélés par Antoine Deltour, par exemple.
Il s'agit également de déterminer un régime d'aides financières accordées au lanceur d'alerte pour faire face aux procédures judiciaires engagées contre lui, parfois pendant des années, ou pour faire valoir ses droits. La loi doit prévoir l'avance des frais de procédure judiciaire au bénéfice du lanceur d'alerte. Elle doit aussi garantir la réparation rapide des dommages financiers et moraux, à charge pour l'autorité publique de se retourner contre leurs auteurs pour récupérer la somme qu'elle aura versée au lanceur d'alerte.
L'Assemblée nationale a modifié les dispositions relatives au répertoire des représentants d'intérêts. C'est un système que vous connaissez bien, pour avoir créé un répertoire des représentants d'intérêts auprès du Sénat. L'Assemblée nationale a élargi la liste des autorités publiques auprès desquelles les représentants d'intérêts peuvent se manifester. Elle a prévu de nouvelles obligations déclaratives et créé une sanction complémentaire d'interdiction d'entrée en communication avec les autorités publiques, en cas de manquements répétés aux obligations légales. L'action des représentants d'intérêts doit être rendue transparente par la loi. Il ne s'agit pas de stigmatiser les représentants d'intérêts. Cependant, s'il n'y a rien d'anormal à faire valoir des intérêts privés, cela le deviendrait si on le faisait de manière dissimulée.
Je crois utile de rappeler que la transparence n'est pas sans limites. En plus des bornes fixées par la Constitution, le dispositif qui garantit la transparence doit rester opérationnel. S'il est trop compliqué, il sera inefficace. Je suis favorable à un registre unique, commun au Gouvernement et au Parlement - aux assemblées parlementaires d'en décider. Je suis favorable à l'application des mêmes obligations à l'ensemble des représentants d'intérêts, quelle que soit l'autorité publique avec laquelle ils communiquent. Les obligations déclaratives et déontologiques qui seront prévues par la loi, conformément à l'article 34 de la Constitution, ne pourront pas méconnaître le droit à la liberté de communication. Dans ces conditions, le répertoire des représentants d'intérêts sera un outil qui participera de manière efficace à l'entreprise de re-légitimation de l'action publique engagée depuis quelques années.
En matière de lutte contre la corruption transnationale, les classements de l'OCDE sont très défavorables à la France, car notre législation et nos réglementations se conforment peu aux standards définis par l'organisation. Les classements des ONG, comme Transparency international, ne donnent pas une meilleure image de la France ou des entreprises françaises présentes à l'étranger. Même si nous bénéficions depuis 2000 d'un dispositif d'incrimination de corruption d'agents publics étrangers, pas une entreprise française n'a été définitivement condamnée à ce jour. Aux États-Unis, aux Pays-Bas ou en Grande-Bretagne, les mêmes faits seraient condamnés très lourdement. Cette situation nuit à notre image, à la compétitivité de nos entreprises et à notre souveraineté. Sans compter qu'il serait préférable que les amendes soient payées à l'État français plutôt qu'à la justice américaine...
Mieux prévenir : tel est le mot d'ordre pour lutter contre la corruption. Le projet de loi prévoit la création d'une Agence nationale de prévention de la corruption, qui prendrait la suite du service central de prévention de la corruption, avec des pouvoirs renforcés et des missions supplémentaires. Il impose aussi une obligation de vigilance aux grandes entreprises et aux établissements publics à caractère industriel et commercial. Enfin, il renforce notre arsenal répressif, en créant une peine complémentaire de mise en conformité des procédures de prévention et de détection de la corruption pour les entreprises. L'Assemblée nationale a également inscrit dans le texte la convention judiciaire d'intérêt public, qui sera un outil fort utile s'il est bien encadré et conforme aux principes du droit français (intervention du juge du siège, publicité des débats, etc.).
Vous pourrez encore améliorer le texte pour lui garantir sa pleine cohérence et veiller à ce que notre pays soit aux meilleurs standards en matière de lutte contre la corruption. J'attire cependant votre attention sur la nécessité de maintenir le pouvoir de sanction de l'Agence nationale de prévention de la corruption : c'est un gage de son efficacité et de sa célérité.
Pour encourager la modernisation de la vie économique, pour faire que la bonne finance aille au bon endroit, le projet de loi prévoit aussi de renforcer la régulation financière. On gagnera ainsi en stabilité financière et en compétitivité, tout en protégeant davantage les épargnants. Plusieurs mesures étoffent les pouvoirs de l'Autorité des marchés financiers (AMF) et de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Nous créerons en particulier un régime de résolution pour les assurances, une première en Europe, afin de renforcer la stabilité financière et la protection des assurés. Nous veillerons en regard à harmoniser le code de la mutualité, en dotant les mutuelles d'une gouvernance modernisée. Il vous sera proposé de travailler par voie d'ordonnance, sur ces sujets infiniment techniques. Soyez assurés que nous vous donnerons autant de précisions que possible sur le travail engagé.
L'Assemblée nationale a souhaité renforcer les pouvoirs du Haut Conseil de stabilité financière, créé il y a trois ans. C'est une institution qui veille à l'interaction entre les développements financiers et la stabilité économique. Je suis heureux que le Parlement ait compris le rôle majeur qu'elle pouvait jouer. Plusieurs de vos amendements ont du reste pour objet de renforcer le dispositif de sanction dans le domaine financier ou de préciser les pouvoirs de ce Haut Conseil. J'y suis globalement favorable, ainsi qu'à la disposition novatrice introduite par les députés pour lutter contre les pratiques prédatrices des fonds vautours. L'Assemblée nationale a trouvé un bon équilibre dans la rédaction, que je soutiens.
Une disposition adjacente du Gouvernement améliore la protection des biens d'États étrangers. Je tiens à préciser qu'elle n'a rien à voir avec la question des biens mal acquis. Bien évidemment, il ne s'agit pas de protéger les intérêts de tel ou tel État étranger, mais de mettre la France en conformité avec ses engagements internationaux, en protégeant uniquement les biens diplomatiques, sous contrôle du juge pour vérifier l'absence d'abus de droit.
Pour protéger les consommateurs et les épargnants, l'Assemblée nationale a souhaité, comme moi, interdire la publicité des plateformes internet qui proposent des instruments financiers très risqués. L'AMF avait attiré notre attention sur le nombre considérable de réclamations à ce sujet. De nombreuses personnes qui ont écouté les slogans « devenez trader en quelques jours » ou « jouez sur le Forex » ont été victimes de pratiques frauduleuses qui leur ont fait perdre beaucoup d'argent. Même sur les sites légaux, 90 % des investisseurs sont perdants. Nous allons renforcer la portée de l'interdiction votée par les députés.
Pour faciliter le financement de l'économie, le projet de loi crée un régime prudentiel adapté pour les régimes de retraite supplémentaire, en maintenant un niveau de protection élevé et en autorisant l'utilisation de cette épargne au profit du financement des entreprises françaises. Ces perspectives nouvelles de rendement pour les épargnants dégageront plusieurs dizaines de milliards d'euros pour le financement de l'économie.
Une partie de l'épargne sur livret de développement durable pourra être affectée au financement d'une personne morale relevant de l'économie sociale et solidaire, dont je rappelle qu'elle représente 10 % du PIB de la France. L'Assemblée a souhaité étendre en sa faveur les obligations d'emploi de l'épargne réglementée qui incombent aux banques. Vous préférez revenir au texte initial du Gouvernement : de mon point de vue pourtant, l'extension des obligations d'emploi inciterait les banques à investir davantage dans ce secteur et c'est la raison pour laquelle j'y étais favorable.
L'Assemblée nationale a cherché à favoriser plus fortement le parcours de croissance des entreprises, notamment artisanales. Le texte actuel maintient ainsi un niveau de qualification élevé pour l'accès aux professions artisanales, tout en clarifiant certaines situations qui relèvent des « activités multiservices » et qui bénéficieront d'une certaine souplesse. Les députés ont également voulu enrichir le volet agricole du texte, pour apporter plus de transparence sur les ventes de foncier agricole.
Enfin, s'agissant de la rémunération des dirigeants des sociétés cotées, je me félicite de votre approche constructive. Les députés ont introduit des dispositions, avec le soutien du Gouvernement. Votre rapporteur a proposé de clarifier et de renforcer le dispositif. Je serai favorable à vos propositions dès lors que l'équilibre du texte des députés sera respecté : l'assemblée générale des actionnaires doit non seulement pouvoir donner son avis mais également être en mesure de reconsidérer le niveau de la rémunération des dirigeants. C'est une révolution que la Suisse a déjà opérée. Comme chacun sait, il s'agit là du plus grand des pays révolutionnaires d'Europe centrale...
C'est avec une vraie émotion que, près de vingt-cinq ans après avoir présenté à votre assemblée un projet de loi portant quasiment le même titre, j'engage aujourd'hui le débat avec vous. Peut-être y aura-t-il une loi « 3 » ou même « 4 », mais je ne serai plus là pour la défendre dans vingt-cinq ans ou dans quarante ans...
M. Philippe Bas, président. - Nous vous remercions pour la précision et la clarté de votre exposé, sur une matière assez protéiforme.
M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois. - Aborder en si peu de temps l'ensemble de ce texte que l'Assemblée nationale a enrichi de 57 à 172 articles est un défi difficile à relever. La création d'une Agence nationale de lutte contre la corruption, le répertoire unique des représentants d'intérêts, l'aggravation des sanctions pénales pour divers délits d'atteinte à la probité publique, la mise en place d'un statut général protecteur des lanceurs d'alerte sont autant de sujets forts. La France mérite certainement une meilleure image auprès de l'OCDE. Par conséquent, la commission des lois examinera ce texte attendu et annoncé depuis longtemps dans un esprit très constructif.
Les mesures qui concernent la transaction pénale ou la rémunération des dirigeants ne devraient pas poser de difficultés majeures.
Il n'en va pas de même pour les missions que vous proposez d'attribuer aux différents acteurs de la lutte contre la corruption. Le projet de loi réinjecte de la confusion entre, d'une part, la prévention et la détection de la corruption, qui peuvent relever de l'administration et, d'autre part, la répression, pour laquelle on ne saurait trouver meilleur garant que l'autorité judiciaire. Je m'étonne de ce glissement qui tend à donner aux autorités administratives des pouvoirs de nature pénale. On a créé récemment un procureur national financier, il serait légitime de le conforter dans cette mission de lutte contre la corruption. De mon point de vue, la répression, c'est l'autorité judiciaire. La prévention, ce peut être les autorités administratives avec des pouvoirs renforcés. Nous ne souhaitons pas que les autorités administratives et judiciaires soient confondues, cela serait immédiatement sanctionné par le Conseil constitutionnel.
Enfin, les entreprises françaises ne peuvent pas être soumises à des standards différents de ceux auxquels se soumettent leurs concurrents. Si, au nom de la simplification, on leur impose une gestion de leur activité plus complexe, le choix sera simple : il suffira d'une fusion pour qu'elles déplacent leur siège social hors de France. C'est une inquiétude que je n'ai cessé d'entendre lors des auditions que j'ai menées. Veillons à ne pas en faire plus que ce que demandent les autorités internationales.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur de la commission des finances. - La version initiale du projet de loi présentait des dispositions satisfaisantes. Certains ajouts de nos collègues députés ont nui à la cohérence du texte et introduit certains points gênants, comme à l'article 45 bis, notamment, sur le reporting pays par pays. On prévoit l'application anticipée en France de la directive européenne encore en discussion, avec des seuils d'application plus élevés pour les entreprises. Le risque est évident non seulement pour la compétitivité de nos entreprises, mais aussi en matière fiscale. Les autorités fiscales de certains pays risquent de taxer davantage nos entreprises qui y exportent leurs produits au détriment des recettes fiscales françaises. Restons prudents. Même si nous ne sommes pas contre la transparence, pourquoi vouloir appliquer seuls ces dispositions, alors qu'aucun instrument communautaire ne fixe des règles communes.
Nous avons également été très étonnés par le grand nombre de dispositions concernant les habilitations à prendre des ordonnances. Quand les délais sont contraints, il est tout à fait normal de procéder ainsi. Cependant, dans le texte, un certain nombre d'habilitations introduites par voie d'amendement ont un caractère très large, comme à l'article 21 bis A la disposition qui autorise le Gouvernement à réformer entièrement le code de la mutualité française par voie d'ordonnance. Nous n'avons aucune idée des intentions du Gouvernement sur le fond. Il faudrait au moins un débat parlementaire sur une telle réforme. Même interrogation sur l'article additionnel qui autorise à prendre des dispositions sur la technologie Blockchain, même si nous estimons que des dispositions sont utiles. On ne peut pas esquiver le débat parlementaire au profit d'habilitations du Gouvernement à prendre des mesures par ordonnance.
Quant aux lanceurs d'alerte, il est prévu sans doute à juste titre de financer leur protection. Pour faire le pendant, il faudrait cependant prévoir d'indemniser les victimes en cas d'alertes infondées. Par ailleurs, je m'interroge sur le secret fiscal. Comment se combine-t-il avec la protection des lanceurs d'alerte ? Enfin, le texte prévoit qu'il reviendrait au Défenseur des droits de faire réparation aux lanceurs d'alerte des dommages moraux et financiers qu'ils auraient subis. Comment pourrait-il être en mesure d'évaluer ces dommages ? Le Défenseur des droits a surtout un rôle d'alerte. Quand il s'agit de réparer un préjudice, c'est à la justice française d'oeuvrer.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques. - La commission des affaires économiques est saisie par délégation d'un certain nombre d'articles qui a considérablement enflé après le passage du texte à l'Assemblée nationale. Le texte étudié lors des premières auditions n'a plus rien à voir avec le texte final. Je le regrette, en tant que rapporteur. Les députés ont ouvert de nombreux volets sans développer aucune vision d'ensemble, et cela dans des domaines où l'improvisation n'a pas sa place. La question du foncier agricole, celle des relations commerciales sont ainsi concernées au premier chef.
La protection du foncier agricole pose la question de la préservation des structures traditionnelles, souvent familiales, et de la libre disposition des terres par leurs propriétaires. Le dispositif adopté à l'Assemblée nationale étend de facto le droit de préemption des Safer. Certes, cette solution est sans doute utile pour lutter contre la spéculation ; elle n'en reste pas moins précipitée tant le sujet est complexe et ne peut donner cours au bricolage.
L'Assemblée nationale a multiplié les dispositions qui modifient le dispositif de la loi de modernisation de l'économie. Le Gouvernement a présenté un amendement autorisant les contrats pluriannuels en matière de relations commerciales et modifiant la date butoir de conclusion des contrats. Certains s'élèvent contre cette mesure qui risque de déstabiliser les négociations et de renforcer la position des distributeurs. J'aimerais avoir votre avis sur ce point.
La loi prévoit également de faire apparaître dans le contrat le prix moyen entre les producteurs et les entreprises, et entre les entreprises et les distributeurs, afin de garantir le prix le plus bas. L'idée peut être généreuse ; on risque néanmoins d'aller à l'inverse du but recherché. Qu'en pensez-vous ?
Enfin, l'Assemblée nationale a contenu l'ambition du Gouvernement sur l'ouverture des qualifications professionnelles, afin que l'activité artisanale ne soit pas dévalorisée. Le Gouvernement entend-il se satisfaire du compromis trouvé par les députés ?
Mme Michèle André, présidente. - J'ai été rapporteure pour avis de la loi relative à la consommation. L'article 25 bis supprime la phase de conciliation entre les créanciers et les débiteurs non propriétaires de leur logement. Il faut se demander dans quelle mesure il est concevable de priver ainsi les organismes HLM de la possibilité de faire valoir leurs droits et de traiter différemment les surendettés selon qu'ils sont propriétaires ou non.
Mme Élisabeth Lamure. - Certains dispositifs introduits par voie d'amendement à l'Assemblée nationale risquent de peser lourdement sur les PME, comme l'obligation de mettre en place une procédure interne pour recueillir les alertes dans les entreprises de plus de 50 salariés. Le seuil est bas : encore une mesure qui dissuadera les entreprises de se développer ! Les collectivités - villes de plus de 10 000 habitants, EPCI, départements - seront soumises également à cette obligation : ce sera autant de nouvelles charges pour elles. On nous demande de ratifier une ordonnance sur les marchés publics dont les dispositions sont bien complexes pour les PME. Idem pour les conditions strictes de l'accès à l'auto-liquidation de la TVA. Enfin, le reporting fiscal anticipe la directive européenne et abaisse le seuil de 750 à 50 millions d'euros de chiffre d'affaires.
Une autre disposition concerne la dérogation sur les délais de paiement pour les entreprises de grand export. La loi de modernisation de l'économie avait fixé de nouvelles règles ; la commission des affaires économiques a supprimé cette dérogation à une large majorité dans le projet de loi relatif à la consommation de 2014 ; la dérogation a été rétablie en novembre 2015 dans une proposition de loi rejetée par la commission des affaires économiques et finalement retirée par le groupe socialiste. La disposition revient dans ce projet de loi. Nos arguments restent les mêmes : l'allongement des délais de paiement se fait au détriment des PME. En 2014, l'observatoire des délais de paiement avait donné un avis défavorable à cette mesure. Pourquoi y revenir ?
M. Pierre-Yves Collombat. - Vous défendez des mesures d'équilibre, mais en matière de lutte contre la corruption, a-t-on besoin d'équilibre ? Ne vaudrait-il pas mieux, comme le soutient mon collègue François Pillet, confier à la justice la sanction des délits ? On se perd dans cet amoncellement de dispositions, d'organismes, de mesures de prévention, et l'on en retire l'impression que les délits financiers ne sont pas vraiment considérés comme des délits. C'est à la justice de prononcer des sanctions.
M. Éric Bocquet. - La France étant en retard dans la protection des lanceurs d'alerte, votre texte était très attendu. Or les ONG, après le vote de l'Assemblée nationale, ont fait part de leur déception, de réserves vis-à-vis de la limitation de cette notion aux domaines de l'environnement ou de la sécurité publique. Ainsi, le nouveau cadre défini par le texte ne prendrait pas en compte la situation du lanceur d'alerte de LuxLeaks, Antoine Deltour.
Qu'entendez-vous par « finance mal utilisée » ? La bonne finance et la mauvaise finance, c'est un peu comme le bon chasseur et le mauvais chasseur du sketch des Inconnus : on a du mal à faire la différence...
M. Gérard Longuet. - La distinction que vous faites entre bonne et mauvaise finance n'est pas opérationnelle. En économie, chacun cherche à tirer parti du système existant ; ceux qui innovent sont d'abord mal reçus, et bien souvent les condamnés d'hier seront salués demain, et vice versa. À qui revient-il de tracer la frontière, sinon à l'autorité de la justice ? Je suis de culture libérale, mais je n'ignore pas que notre pays s'est construit autour de son État, à qui appartient le privilège de l'action publique. Or via les lanceurs d'alerte, soutenus par les ONG, il y a une privatisation de l'action publique. Les poursuites sont de la responsabilité de l'État, et plus précisément du parquet, elles ne sauraient être ainsi déléguées à l'initiative individuelle ou associative. Ces constructions légales sont inquiétantes car elles feront peser un soupçon de délit sur chaque innovation. Comment opérer le distinguo entre bon et mauvais comportement ? Entre bonne et mauvaise finance ? Un exemple : les grands exportateurs français sont bien souvent sollicités par les pays acheteurs pour des offsets, c'est-à-dire des contreparties industrielles. La corruption traditionnelle est condamnable, elle nuit d'abord aux entreprises en faussant la concurrence ; mais qui jugera de la validité des demandes d'offset ? Des lanceurs d'alerte dénonceront des concurrents bien placés... Je préférerais que cela reste sous l'autorité du juge.
M. Jacques Mézard. - Votre texte semble ignorer totalement la proposition de loi sur les autorités administratives indépendantes, déposée au Sénat et prochainement examinée en deuxième lecture par l'Assemblée nationale. Entendez-vous en tenir compte ou poursuivez-vous votre route, sachant que les parallèles ne se rejoignent jamais ?
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Du moins dans le système euclidien...
M. Jacques Mézard. - Dans tous les domaines, la tendance est à la dé-judiciarisation ; les peines en matière financière ont été ramenées à cinq ans maximum, les délits correspondants peuvent donc faire l'objet de transactions pénales - une pratique devenue très courante. Je crains qu'un développement sans véritable contrôle des systèmes de protection des lanceurs d'alerte ne facilite l'utilisation de la procédure à mauvais escient. Il faut protéger ceux qui considèrent, à juste titre, que la loi n'est pas respectée ; mais il serait malvenu de développer des dispositifs qui bloquent notre pays et s'ajoutent à la complexité existante.
M. Michel Sapin, ministre. - Vous m'avez posé des questions très précises et concrètes, en particulier dans le domaine économique, et je ne suis pas en mesure de répondre à toutes ! Pour ce qui touche à l'agriculture, Stéphane Le Foll se tient à votre disposition. Je commence ainsi par un aveu d'ignorance, mais cela vaut mieux que de tenir des propos inexacts...
Beaucoup de vos remarques, légitimes, ne s'appliquent cependant pas à ce texte. Vous critiquez à bon droit la profusion des autorités administratives indépendantes, mais nous n'en créons aucune ici. Même si la tentation a existé, l'Assemblée nationale a jugé préférable de faire intervenir le Défenseur des droits, qui est une autorité indépendante et constitutionnelle. Nous cherchons, soyez-en assuré, à réduire le nombre de ces autorités, au nom de l'efficacité.
Je constate que les critiques de la distinction entre bonne et mauvaise finance viennent de deux personnalités très différentes, qui vont jusqu'à la tourner en dérision.
M. Gérard Longuet. - Nous cherchons à comprendre...
M. Michel Sapin, ministre. - La corruption, est-ce de la bonne finance ?
M. Gérard Longuet. - Où commence la corruption ?
M. Michel Sapin, ministre. - Corrompre des personnalités politiques et administratives au Nigeria ou ailleurs pour remporter un contrat, est-ce une bonne pratique ? C'est contraire aux principes éthiques et moraux. Économiquement, c'est une aberration car on emporte ainsi un marché par d'autres moyens que la qualité des produits et services délivrés ou le prix. Nos entreprises françaises sont les premières à dénoncer des mécanismes de cette nature. C'est pourquoi il faut veiller au respect des règles de l'OCDE dans tous les pays, en particulier les pays émergents qui n'ont pas de culture bien établie en la matière. Acheter une autorisation administrative ou la bienveillance des autorités n'est pas une manière convenable de procéder. La corruption transnationale sévit en premier lieu dans les pays pauvres. Ailleurs, elle est plus rare.
M. Pierre-Yves Collombat. - Quand on vend des armes...
M. Michel Sapin, ministre. - On n'est pas obligé d'acheter des généraux pour vendre des armes !
Les pays en voie de développement pâtissent eux aussi de ces pratiques : l'argent dépensé par l'entreprise se répercute dans le prix payé par le pays ou le bailleur de fonds qui le soutient. Il est légitime, du point de vue économique, d'envisager des mécanismes de compensation industrielle ou des transferts de technologie, mais pas des compensations au profit d'individus, qui le placeront dans quelque île ensoleillée... Il est un peu trop caricatural, j'en conviens, d'opposer bonne et mauvaise finance.
M. Gérard Longuet. - Voilà !
M. Michel Sapin, ministre. - Néanmoins, il est des chasses de qualité, qui préservent la nature et associent toutes les parties prenantes, et d'autres bien différentes... C'est le fondement de ce texte : il y a des manières d'utiliser l'argent qui corrompent, d'autres qui sont très utiles. Ainsi, les règles prudentielles obligent les compagnies d'assurance à utiliser l'épargne de leurs clients dans des placements liquides et à court terme, comme des obligations d'État ; cela rend service à l'État, certes, mais pas forcément à l'économie. Il convient d'orienter les fonds vers des emplois utiles, les Français y sont profondément attachés.
Ce texte introduit-il une confusion entre les pouvoirs administratifs et judiciaires et le rôle des lanceurs d'alerte ? Ces derniers se contentent de divulguer des informations, ils ne provoquent pas les poursuites. Des révélations non pertinentes, destinées à porter atteinte à la réputation d'une entreprise ou motivées par la vengeance, ne donneront pas lieu à l'ouverture d'une information judiciaire.
Pas davantage de confusion entre la justice et l'autorité administrative. Cette autorité peut constater qu'une entreprise n'a pas mis en oeuvre des dispositifs de prévention et prononcer des sanctions administratives. Ce faisant, elle met en application l'obligation de vigilance créée par la loi : les entreprises doivent former leurs commerciaux appelés à intervenir dans des pays considérés comme dangereux, mettre en place des référents en matière de déontologie, etc. Mais la poursuite des faits de corruption reste entre les mains de la justice, quelle que soit la procédure utilisée, y compris la convention pénale. Je reconnais les imperfections rédactionnelles relevées par Éric Bocquet, mais l'objectif est sans ambiguïté. Nous souhaitons qu'Antoine Deltour reçoive la protection nécessaire. Le lanceur d'alerte est une personne qui révèle des faits illégaux ; pour les agents publics, la procédure est encadrée par l'article 40 du code de procédure pénale.
La principale difficulté réside dans la définition des pratiques contraires à l'intérêt général. Pour la santé, cela de ne pose pas de problème : les laboratoires qui n'agiraient pas dans des conditions éthiquement irréprochables sont visés. Il en va de même dans le domaine environnemental. Mais dans le domaine financier, c'est plus délicat - même si, dans notre exemple, l'État luxembourgeois a lui-même mis fin à la situation dénoncée par Antoine Deltour. Cela a donné lieu à une directive européenne prévoyant une transparence absolue sur la situation fiscale des entreprises et interdisant aux États de négocier des conventions fiscales sans coordination.
Mes équipes sont prêtes à travailler avec vous pour trouver la meilleure définition, sans pour autant porter atteinte au secret fiscal, qui protège les contribuables. Je n'hésiterai pas à prendre les mesures administratives ou judiciaires qui s'imposent en cas de divulgation.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Dans ce cas, pourquoi ne pas l'écrire dans le texte ?
M. Michel Sapin, ministre. - Nous sommes prêts à travailler avec le Parlement pour affiner l'écriture et prévoir le traitement de situations anormales comme celle qu'Antoine Deltour a dénoncée.
Le Défenseur des droits vérifiera les informations recueillies par le lanceur d'alerte, saisira éventuellement la justice des faits dénoncés et le soutiendra de deux manières : en le protégeant contre les discriminations - licenciement ou autres - que pourrait lui valoir son acte et, le cas échéant, en le soutenant financièrement, dans l'attente de l'indemnisation. Certains lanceurs d'alerte sont engagés dans des procédures extrêmement lourdes et longues.
L'article 45 bis prévoyant un rapport pays par pays - j'emploie le mot français ! -sur l'activité des multinationales fait débat. Les échanges entre administrations fiscales pour aider chaque État à percevoir les impôts qui lui sont dus sont déjà prévus dans la loi, en vertu d'une décision européenne. Des événements récents ont donné une actualité nouvelle à la question : ces informations doivent-elles être rendues publiques, accessibles aux citoyens et aux ONG ? En publiant de manière unilatérale les activités de ses multinationales, notre pays se mettrait en difficulté ; de plus, l'information apporterait peu aux citoyens, en l'absence de points de comparaison internationale. Le plus important est la réciprocité, qui ne figure pas dans les dispositions de l'OCDE, mais est prévue par le projet de directive en cours de discussion au Conseil des ministres des finances de l'Union européenne, l'Ecofin. Une décision du Conseil constitutionnel de 2015 a confirmé l'inconstitutionnalité de la divulgation publique de ces données. En revanche, la directive rendra constitutionnelle la disposition. Par conséquent, je suis favorable au rapport pays par pays, à condition que ce soit dans le cadre de cette directive européenne.
L'habilitation à légiférer par ordonnance : vieux débat... Monsieur Sueur, votre prédécesseur à la présidence de la commission des lois était particulièrement intransigeant sur ce point ! Mais vous n'ignorez pas que la transposition des directives européennes représente des paquets de législation considérables. Une ou deux des habilitations en cours méritent sans doute d'être précisées mais, globalement, elles sont de bonne administration, d'autant que vous n'auriez pas véritablement les moyens de travailler sur ces sujets. Je m'engage néanmoins à apporter des précisions au rapporteur général de la commission des finances sur l'habilitation que nous demandons pour réformer le code de la mutualité ; on pourrait, par exemple, la réduire aux secteurs sur lesquels nous souhaitons avancer.
Chargée de la mise en oeuvre de la procédure de lutte contre le surendettement avec les commissions départementales, la Banque de France a constaté la faible utilité du volet des procédures relatif à la recherche d'une conciliation. Il ralentit les décisions, sans garanties supplémentaires pour les personnes concernées. La disposition proposée par la Banque de France réduirait par conséquent leur durée, tout en conservant l'intervention du magistrat à chaque étape. Néanmoins, je n'ignore pas les préoccupations légitimes des banques et des organismes HLM, et nous sommes prêts à examiner le dispositif avec vous.
M. Philippe Bas, président. - Je vous remercie.
La réunion est levée à 10 h 30
- Présidence de M. Jean-Claude Lenoir, président, puis de Mme Élisabeth Lamure, vice-présidente -
Transparence, lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique - Examen du rapport pour avis et des articles délégués au fond
La réunion est ouverte à 15 h 00.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Nous allons examiner les 34 articles du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique qui nous ont été délégués au fond, et 5 articles pour avis.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, qui à l'origine comportait 58 articles, en compte désormais 172 depuis son adoption à l'Assemblée nationale. Il a été renvoyé pour son examen au fond à la commission des lois.
Sa version initiale justifiait la saisine de notre commission sur moins d'une dizaine d'articles, qui concernaient la question agricole et la question des petites et moyennes entreprises, notamment l'artisanat. Mais après « l'enrichissement » du texte par l'Assemblée, notre saisine a dû s'étendre à 39 articles, dont 34 nous ont été délégués au fond : pour ceux-ci, il nous reviendra de donner un avis sur les amendements qui les modifient. Le travail n'a pas été simple car nos premières auditions portaient sur le texte initial, qui n'a plus grand-chose à voir avec celui qui nous arrive de l'Assemblée.
Le projet de loi initial ne présentait déjà guère d'unité, puisqu'il associait à un volet « transparence - lutte contre la corruption » un volet « modernisation économique ». Depuis le vote des députés, ce texte a vu le nombre de ses domaines d'intervention s'étoffer, ainsi que les nôtres.
Compte tenu de l'absence de lien entre les différentes dispositions à caractère économique dont nous sommes saisis, il n'est guère possible de donner un fil directeur à ce texte : il s'agit simplement d'un de ces textes portant diverses dispositions que nous connaissons bien et qui prennent tantôt le nom de loi de simplification tantôt celui de loi de modernisation, sans autre idée que d'agir ponctuellement sur différents leviers, sans véritable stratégie.
Le volet agricole et le volet relations commerciales ont fait l'objet de nombreuses modifications, tandis que d'autres thèmes, tels que celui de la consommation, s'y sont amalgamés. Cela est d'autant plus critiquable que nos délais sont très restreints. L'Assemblée n'ayant achevé la discussion que le 9 juin - avec un vote solennel le 14 juin - et le texte devant être examiné par notre commission avant la réunion de la commission des lois demain matin, je n'ai eu qu'un temps très limité pour procéder aux nombreuses auditions nécessaires et j'ai dû le faire sur un texte mouvant. Sur certains thèmes - en particulier celui de l'artisanat - les positions au début des auditions et à la fin ont été diamétralement opposées.
Sur le fond, les dispositions que nous examinons concernent cinq sujets.
Il s'agit, d'abord, de la question de la protection du foncier agricole. Les députés ont ajouté ce volet suite à l'affaire de l'acquisition dans le Berry de 1 700 hectares de terres par des investisseurs chinois, qui ont eu recours à un montage sociétaire pour échapper au regard et surtout au droit de préemption des Safer. Le dispositif retenu par l'Assemblée nationale prévoit d'obliger quiconque apporte du foncier agricole lors de la constitution d'une société à identifier dans les parts sociales ou actions de la société ce qui correspond à cet apport. Ainsi, l'intervention de la Safer sera préservée. Ce montage est astucieux mais suscite quelques réserves. Je reste partagé : certes, il y a urgence à agir pour lutter contre la spéculation sur le foncier agricole, qui joue contre les agriculteurs. En même temps, un tel sujet ne peut être traité à la légère, par des amendements rédigés sans réelle concertation.
Le second sujet traite des relations commerciales au sens large, mais principalement sous le prisme des produits agricoles. Les députés ont multiplié les dispositions, pour renforcer la transparence dans les négociations commerciales agricoles ; ils ont repris notamment une disposition que nous avions votée au Sénat lors de l'examen du texte en faveur de la compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire : un article a été inséré pour que les formules de prix des contrats agricoles, en particulier des contrats laitiers, prennent en compte des indicateurs publics de coûts de production en agriculture et des indicateurs de prix de marché. Les députés ont voulu également renforcer le poids des organisations de producteurs en donnant à l'accord-cadre un rôle pivot dans les négociations entre producteurs et acheteurs. Je vous proposerai quelques amendements pour parfaire ces deux dispositifs.
Les députés ont encore adopté un article que nous avions nous-même voté lors de la discussion de la proposition de loi Lenoir permettant l'expérimentation de l'indication d'origine pour le lait et la viande dans les produits transformés - ce qui est une bonne chose.
Les députés ont innové en tentant d'établir des ponts entre les contrats relevant de la loi de modernisation de l'économie (LME) entre industriels et grande distribution et les contrats issus de la loi de modernisation de l'agriculture (LMA) entre agriculteurs et industriels, en particulier en imposant l'indication d'un prix prévisionnel moyen proposé par le vendeur de produits alimentaires au producteur de produits agricoles. Je m'interroge sur l'applicabilité d'un tel dispositif. Ce mécanisme risque de donner de faux espoirs aux agriculteurs et d'amplifier, à terme, les baisses de prix imposées par la grande distribution. Je ne vous propose pas de supprimer cet article, mais nous devons chercher à améliorer le dispositif d'ici la séance.
Les députés ont souhaité lutter contre les pratiques abusives dans les relations commerciales, en consacrant de nouvelles pratiques restrictives de concurrence, comme le fait de prévoir des pénalités pour retard en cas de force majeure ou de réclamer une rémunération au titre de prestations assurées par des centrales de distributeurs au niveau européen ou international non proportionnées à ces services. Ils ont plafonné à 30 % du prix les avantages apportés du fait de l'utilisation des « nouveaux instruments promotionnels » sur le lait ou les produits agricoles. Ils ont aussi renforcé les sanctions applicables, notamment en rehaussant le quantum des amendes administratives et en prévoyant que le juge saisi d'une pratique restrictive ordonne systématiquement la publication ou l'affichage de sa décision.
Enfin, le texte de l'Assemblée assouplit le cadre de la négociation commerciale en permettant de recourir à des conventions pluriannuelles entre fournisseurs et distributeurs, ou entre les fournisseurs et les grossistes.
Le volet agricole du texte a été considérablement enrichi et le temps a manqué pour examiner toutes ces dispositions de manière complète. À l'origine, il ne contenait que deux articles : l'article 30 instaurant provisoirement une incessibilité des contrats laitiers, comme nous l'avions demandé dans la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l'agriculture. Je vous proposerai d'adopter cette disposition sans grande modification. En outre, l'article 31 prévoit un mécanisme complexe obligeant les entreprises de l'agroalimentaire à publier leurs comptes, pour les besoins de l'Observatoire des prix et des marges. Le président de l'Observatoire, que j'ai auditionné, ne semble pas avoir vraiment besoin de cet instrument. Aussi, je vous proposerai comme le demandait Daniel Dubois dans un amendement adopté sur la proposition de loi précitée, de rendre publique la liste des entreprises ne répondant pas ou mal à l'Observatoire. La mauvaise publicité est dissuasive.
Ces deux premiers sujets - le foncier agricole et les relations commerciales - posent de graves questions alors même que l'Assemblée a souvent apporté des réponses très ponctuelles à des situations effectivement problématiques, sans pour autant avoir été précédées d'une étude d'impact ou de faisabilité suffisantes. Je vous proposerai ainsi diverses modifications destinées à éviter que des dispositifs qui partent d'une bonne intention ne se transforment en pièges.
Le troisième sujet - l'accès à l'artisanat - était très conflictuel au début de l'examen du projet de loi. Au prix d'un changement de cap du Gouvernement, un équilibre a été en définitive trouvé, qui semble pour l'essentiel satisfaisant : le principe d'une qualification professionnelle préalable à l'accès à certaines activités artisanales est maintenu, mais la possibilité d'exercer des activités connexes à une activité pour laquelle un artisan est qualifié est ouverte - verrouillée cependant par un décret pris après avis des têtes de réseaux consulaires et des organisations professionnelles représentatives - et le recours à la validation des acquis de l'expérience est renforcé. De plus, le caractère préalable du stage d'installation des artisans est réaffirmé. Je vous proposerai donc de ne pas revenir sur les orientations retenues par les députés en la matière, sauf sur des questions connexes, notamment pour le « droit de suite ».
Les derniers sujets - le droit de la consommation et le droit des PME - ne posent pas de problèmes de fond, sous réserve d'appréciations techniques qui peuvent conduire à en modifier certaines dispositions voire à en proposer la suppression.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Nous avons auditionné ce matin le ministre en charge des finances et des comptes publics, réunion au cours de laquelle certains d'entre nous sont intervenus sur ces sujets.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 25 bis A
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 25 bis A sans modification.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Nous ne sommes pas saisis au fond sur cet article. Avec l'amendement n° COM-222, je vous propose néanmoins de supprimer cet article car il ne serait pas de bonne pratique que deux véhicules législatifs concurrents soient utilisés pour procéder, chacun sur des points différents, à une réforme importante du dispositif de lutte contre le surendettement.
L'amendement n° COM-222 est adopté.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-202 supprime cet article. L'Assemblée souhaite informer au mieux les emprunteurs de la situation parfois complexe qu'ils auront à connaître en cas d'accident de la vie dans le cadre de leur engagement de crédit. Pour autant, la réponse proposée n'est pas pertinente : compte tenu de la multiplicité des situations de fait et de droit à prendre en compte, les prêteurs et intermédiaires de crédit ne pourront valablement s'acquitter de leur obligation d'information qu'au prix de développements particulièrement détaillés et complexes, dont il n'est pas certain qu'ils soient pris en compte par les consommateurs avant la signature du contrat. En outre, cette disposition est contraire au droit communautaire.
L'amendement n° COM-202 est adopté. La commission proposera donc à la commission des lois de supprimer l'article 29 bis A.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'article impose à juste titre au prêteur qu'il expose clairement à l'emprunteur les documents qu'il doit produire pour que la demande de substitution d'assurance garantissant son crédit immobilier puisse réellement être prise en compte. En revanche, l'insertion de cette disposition à l'article L. 313-31 du code de la consommation implique que cette information soit fournie très tard dans le processus de formation du contrat. Or, il convient que cette information intervienne dès l'offre de crédit, d'où cet amendement n° COM-203, qui intègre cette obligation à l'article L. 313-25 du code de la consommation.
L'amendement n° COM-203 est adopté.
La commission proposera à la commission des lois de rédiger ainsi l'article 29 bis B.
Article 30 AA
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 30 AA sans modification.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-25, comme plusieurs qui suivront sur le prochain article, supprime les dispositions introduites à l'Assemblée pour lutter contre le contournement du droit de préemption des Safer par des montages sociétaires concernant les terres agricoles.
Les parts ou actions résultant de cette affectation pourront donc être soumises au droit de préemption des Safer en cas de cession, sauf si la cession intervient au profit d'un associé exploitant depuis plus de dix ans. La solution retenue oblige donc à créer un « quasi-Groupement foncier agricole (GFA) » lorsqu'on apporte des terres à une société, sans personnalité morale distincte de celle de la société, ce qui est assez astucieux.
Les amendements de notre collègue de Nicolaÿ suppriment ces dispositions. L'avis est défavorable, car la rédaction de cet amendement mériterait d'être revue pour limiter les effets pervers de telles dispositions qui réduiraient les capacités de contrôle des Safer.
Mme Frédérique Espagnac. - Même avis défavorable.
M. Bruno Sido. - Cet article met le feu aux zones rurales : pourrait-on avoir plus de précisions ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Comme je l'ai dit tout à l'heure, le texte initial ne comportait aucun article sur le dossier foncier. Suite à l'achat par des investisseurs chinois de 1 700 hectares, l'Assemblée nationale a réagi. Comme je dois mener d'autres auditions sur le sujet, je vous proposerai la semaine prochaine des ajustements, d'autant que ce sujet mériterait à lui seul un projet ou une proposition de loi. Beaucoup d'amendements reviennent sur la question du foncier et je leur donnerai un avis défavorable car le sujet impose d'être traité au fond, et non de façon aussi parcellaire.
Mme Sophie Primas. - Ce matin en audition, M. Sapin a reconnu que la partie agricole du texte n'était pas de son fait. L'Assemblée a voté divers articles sur le foncier mais je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement : va-t-il soutenir le Sénat ou continuer à creuser son sillon dans une direction qui ne nous convient pas, notamment sur le droit du sol et les compétences des Safer ?
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Ce matin, M. le ministre Sapin nous a dit qu'il ne maîtrisait pas totalement le sujet et que le ministre de l'agriculture serait heureux de venir s'expliquer. Ce sujet mérite un examen spécifique : il est donc préférable d'attendre notre réunion du mercredi 29 juin pour examiner les dispositions qui touchent au foncier.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Ces amendements ont été présentés par les députés, avec l'accord du Gouvernement. J'ai prévu d'auditionner diverses organisations agricoles, les représentants des propriétaires, des fermiers, des métayers et le ministère de l'agriculture d'ici mercredi 29 juin.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° COM-25.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-50 propose que les cessions aux salariés agricoles et familiaux, et associés d'exploitation soient désormais soumises au droit de préemption des Safer, considérant qu'il y a eu certaines dérives. Mais les contrats d'associés d'exploitation étaient un moyen pour les jeunes d'accéder au métier d'agriculteur. Or, avec cet amendement, ils en seraient exclus. Avis défavorable.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Nous rediscuterons de tout cela dans huit jours.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° COM-50.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Même avis défavorable sur l'amendement n° COM-93.
M. Joël Labbé. - Il est exceptionnel que je défende un amendement identique à celui de M. Bizet ! C'est dire que le sujet est d'importance. Il va falloir que le Gouvernement et le Parlement fassent preuve de courage politique.
Attention à la financiarisation de l'agriculture, comme le reste, d'ailleurs. L'alimentation et la terre doivent être des biens communs. En Bretagne, des investisseurs lorgnent sur des terres agricoles. Nous devons donc régir rapidement. N'oublions pas que la ferme des 1 000 vaches a profité d'une faille dans la LMA. Nous sommes foncièrement opposés à la financiarisation du foncier. Nous interviendrons en séance sur ce sujet extrêmement sensible.
M. Bruno Sido. - Il faut être très prudent.
M. Joël Labbé. - Le danger est réel, que l'on soit de droite, de gauche ou écologiste.
M. Bruno Sido. - Il y en a encore ?
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Nous sommes tous interpellés dans nos départements sur le sujet. Nous y reviendrons donc la semaine prochaine.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° COM-93.
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 30 AB sans modification.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Même avis défavorable sur l'amendement n° COM-26 remettant en cause la règle des dix ans, puisqu'il traite aussi du dossier foncier. Nous en reparlerons.
M. Joël Labbé. - Quand ?
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Nous y reviendrons mercredi prochain, avant l'examen en séance publique.
M. Joël Labbé. - Il faudra un débat national.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° COM-26.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'avis est également défavorable sur les amendements nos COM-59 et COM-96.
La commission émet un avis défavorable aux amendements n° COM-59 et n° COM-96.
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 30 AC sans modification.
Article additionnel après l'article 30 AC
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Même avis défavorable sur l'amendement n° COM-51.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-51.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Dans la même logique, avis défavorable sur l'amendement n° COM-27.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° COM-27.
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 30 A sans modification.
Articles additionnels après l'article 30 A
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-34 part du constat que certaines collectivités hésitent à accorder des concessions temporaires aux agriculteurs sur les terres situées dans leurs réserves foncières de peur de ne pas pouvoir les récupérer rapidement. Il y a en effet un délai de préavis d'une année. Cet amendement prévoit de réduire les délais à trois mois avant la levée de récolte, trois mois avant la fin de l'année de récolte et de conserver un an lorsqu'une indemnisation est prévue en cas de destruction de récolte. Or, le dispositif proposé risque de poser d'autres problèmes dans le domaine foncier, notamment en ce qui concerne les droits de fermage : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° COM-34.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-35 remplace le répertoire départemental de la valeur vénale des terres agricoles par un barème national. Or, il est absolument nécessaire de prendre en compte les données locales : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° COM-35.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-52 est semblable à l'amendement n° COM-34 : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° COM-52.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-53 supprime le fonds agricole, créé par la loi d'orientation agricole de 2006. Avant de supprimer ce fonds, il faudrait engager une vaste concertation : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° COM-53.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Même avis défavorable sur l'amendement n° COM-54.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° COM-54.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-55 simplifie le régime des baux ruraux : il supprime les baux annuels renouvelables, les baux à domaine congéables et il modifie le régime des baux emphytéotiques. Il m'avait été présenté par les Jeunes Agriculteurs, mais je ne l'avais pas retenu car il s'agit là d'un sujet nouveau qui mérite un examen approfondi : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° COM-55.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-56 supprime le bail rural cessible hors cadre familial : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° COM-56.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-57 propose de fixer au niveau national et non plus département la surface maximale pouvant être reprise par le bailleur pour la construction d'une maison d'habitation. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° COM-57.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-58 fixe au niveau national, et non départemental, la surface de la parcelle de subsistance : avis défavorable car il faut prendre en compte les réalités locales. Il faut faire attention car ce dossier est très sensible.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° COM-58.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Les amendements nos COM-94 et COM-95 posent les mêmes problématiques : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos COM-94 et COM-95.
Article 30 B
La commission proposera à la commission des lois de maintenir la suppression de l'article 30 B.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-3 propose qu'une négociation s'engage sur les volumes et les prix chaque année avant le 30 novembre dans le cadre de la contractualisation agricole : cela permettrait que la négociation entre agriculteurs et industriels ait lieu avant celle prévue entre industriels et distributeurs. Pourtant, le dispositif proposé n'est pas très opérationnel : d'abord, il ne concernerait que certains secteurs agricoles comme le lait, les fruits et les légumes, mais pas la viande bovine ou porcine, qui ne sont pas dans le champ de la contractualisation agricole.
Ensuite, les contrats LMAP sont pluriannuels et non annuels comme les contrats de la LME. On ne voit donc pas bien ce qui pourrait constituer l'aboutissement de la négociation.
Enfin, les prix varient sur une fréquence infra-annuelle, et la discussion des contrats LMAP devrait plutôt porter sur la manière de gérer et d'amortir ces fluctuations. La discussion devrait se nouer dans le cadre de conférences de filières : c'est l'objet de l'article 31 bis G sur lequel j'ai d'ailleurs déposé un amendement. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° COM-3.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-4 propose d'insérer des clauses sur les modalités de négociations annuelles entre acheteur et organisation de producteur dans les accords-cadres. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° COM-4.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-10 apporte une précision utile sur les indicateurs pouvant être utilisés dans les contrats agricoles, mais elle est satisfaite par la rédaction d'un de mes amendements.
M. Gérard César. - Je retire.
L'amendement n° COM-10 est retiré.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-11 propose que l'acheteur fournisse à l'OP, dans le cadre de l'exécution du contrat-cadre, des informations sur les évolutions des ventes en volume et en valeur des principaux produits qu'il fabrique à partir de la matière première fournie. Une telle information est utile en effet, mais il conviendrait de laisser l'accord-cadre définir les échanges d'informations entre OP et acheteur.
Il convient aussi de ne pas remettre en cause le secret des affaires, sinon les industriels risquent d'être fragilisés.
Cet amendement pourrait être redéposé en séance pour en débattre. Retrait ?
M. Gérard César. - D'accord.
L'amendement n° COM-11 est retiré.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement rédactionnel n° COM-12 est satisfait par un de mes amendements. Retrait ?
M. Gérard César. - Je retire au profit de celui de notre rapporteur.
L'amendement n° COM-12 est retiré.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-223 précise que l'indicateur du coût de production doit être un indicateur de leur évolution. Ce sont en effet les variations des coûts de production qui doivent être pris en compte dans les calculs de prix. La référence à la diversité des bassins de production et à la triple performance économique, sociale et environnementale est supprimée. En outre, les indicateurs pourront être nationaux, régionaux ou européens, voire les trois à la fois. Enfin, l'amendement conserve l'obligation de transmettre aux OP ou AOP. Les amendements de notre collègue César sont ainsi satisfaits.
L'amendement n° COM-223 est adopté.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-224 donne plus de force à l'accord-cadre en précisant qu'il ne s'agit pas d'une faculté mais d'une obligation, lorsque les producteurs individuels ont adhéré à une organisation de producteurs (OP) ou une association d'organisation de producteurs (AOP). L'accord-cadre est une obligation même lorsque la contractualisation a été décidée par accord interprofessionnel et non pas par décret, comme c'est le cas pour le lait de chèvre depuis mai 2016. Cette nouvelle rédaction renforce le poids des producteurs au sein du contrat-cadre qui intervient avant le contrat individuel.
L'amendement n° COM-224 est adopté.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-226 renforce le pouvoir des producteurs et des OP puisqu'il est proposé que le mandat de facturation soit annuel.
L'amendement n° COM-226 est adopté.
L'amendement rédactionnel n° COM-228 est adopté.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-225 vise à ce que la transmission mensuelle obligatoire à l'OP ou à l'AOP des informations sur les facturations effectuées par l'acheteur pour le compte des producteurs agricoles soit valable aussi lorsque la contractualisation obligatoire a été mise en place par voie d'accord interprofessionnel.
L'amendement n° COM-225 est adopté.
Mme Sophie Primas. - Ne sommes-nous pas en train de complexifier les procédures ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - C'est l'inverse : dès lors qu'il y aura un accord interprofessionnel, il s'appliquera à tous. Nous encourageons donc la conclusion de tels accords.
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 30 C ainsi modifié.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Avec l'amendement n° COM-48, M. Jean Bizet précise que l'incessibilité à titre onéreux concerne les obligations nées des contrats laitiers, mais aussi les contrats eux-mêmes. Cela évitera toute ambiguïté et garantira l'incessibilité à titre onéreux des contrats laitiers : avis favorable.
M. Bruno Sido. - Est-on réellement garanti que cette incessibilité ne sera pas contournée ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - À travers le contrat-cadre, nous venons de donner du pouvoir aux producteurs regroupés en OP ; c'est un cran supplémentaire de sécurité.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° COM-48.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-33 complique le dispositif et il s'applique malencontreusement au lait de brebis, alors qu'il n'y a pas de contrat-cadre pour ce lait : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° COM-33 ainsi qu'aux amendements nos COM-49, COM-91 et COM-92.
M. Joël Labbé. - Nous avons tous été saisis par les Jeunes Agriculteurs ; ils sont très mobilisés pour l'incessibilité des contrats laitiers, il faut les entendre !
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 30 ainsi modifié.
Articles additionnels après l'article 30
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-28 traite des Safer : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° COM-28.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Avis défavorable sur l'amendement de repli n° COM-29.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° COM-29.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Le Sénat étant opposé aux rapports, l'amendement n° COM-217 propose de supprimer l'article.
L'amendement n° COM-217 est adopté.
La commission proposera donc à la commission des lois de supprimer l'article 30 bis.
Article 30 ter
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 30 ter sans modification.
Article 31
L'amendement rédactionnel n° COM-227 est adopté.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Avec l'amendement n° COM-13, M. Gérard César pose la pertinente question des moyens alloués à l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ; le sujet est effectivement important, mais notre réticence à demander des rapports au Gouvernement demeure : retrait ?
M. Gérard César. - Cet Observatoire connaît des difficultés de fonctionnement, faute de moyens suffisants, il faut régler ce problème.
L'amendement n° COM-13 est retiré.
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 31 ainsi modifié.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Avec l'amendement n° COM-204, je vous propose d'encadrer plus strictement les ventes au déballage, car certains professionnels contournent l'article L. 310-2 du code du commerce et tiennent des activités de vente ou de rachat de marchandises dans des conditions presque similaires à celles du commerce sédentaire, sans en supporter les contraintes.
Mme Sophie Primas. - Très bien !
L'amendement n° COM-204 est adopté.
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 31 bis A ainsi modifié.
Article 31 bis B
L'amendement de cohérence n° COM-205 est adopté.
La commission proposera donc à la commission des lois de supprimer l'article 31 bis B.
Article additionnel après l'article 31 bis B
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Avec l'amendement n° COM-87, Mme Dominique Estrosi-Sassonne précise la notion de « dépendance économique », à la suite de suggestions faites par l'Autorité de la concurrence, que je souhaite à nouveau entendre. Cet amendement reprend le dispositif adopté par le Sénat dans la loi « Macron » du 6 août 2015 mais supprimé en CMP, puis récemment adopté par l'Assemblée nationale dans le cadre d'une proposition de loi qui n'est pas encore inscrite à l'ordre du jour du Sénat.
Son objectif est de faciliter la répression de l'abus de dépendance économique car l'Autorité de la concurrence estime manquer de moyens de poursuite. Ce but est légitime, mais il faut se garder des dommages potentiels aux petites et moyennes entreprises : je vous propose de retirer votre amendement, pour rechercher, d'ici la séance, une meilleure solution.
Mme Dominique Estrosi-Sassone. - D'accord, mais j'y reviendrai si nous ne trouvons pas de solution. La notion d'abus de dépendance économique est trop floue, ce qui la rend difficile à appliquer ; une définition plus précise protègerait mieux les fournisseurs, en particulier les PME, en cas de perte soudaine d'un client. Nous étions d'accord pour introduire cette définition dans la loi « Macron », puis les députés l'ont inséré, à l'unanimité, dans une proposition de loi de Bernard Accoyer ; nous avons ici une nouvelle occasion, plus tangible que cette PPL dont on ne sait pas quand elle sera inscrite à l'ordre du jour du Sénat.
Mme Sophie Primas. - Je crois que cette définition comporte des dangers pour les PME, en particulier pour les nouvelles venues qui se lancent sur le marché avec de nouvelles gammes de produits : le marché étant structuré autour de quatre grands distributeurs, il ne faudrait pas que cette nouvelle définition de l'abus de dépendance économique se traduise, dans les faits, par une interdiction d'accès aux grandes surfaces pour ces PME : le mieux est l'ennemi du bien.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Il faut prendre garde, effectivement, aux effets concrets pour les PME.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° COM-87.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Avec l'amendement n° COM-5, M. Gérard César propose que, dans le cadre des contrats LME, les barèmes de prix compris dans les conditions générales de vente fassent référence aux indicateurs de coûts de production en agriculture et à des indices de prix publics - ceci pour articuler prix à la consommation et prix agricoles.
Le mécanisme proposé, cependant, paraît bien compliqué et, compte tenu de la diversité des produits, il paraît hasardeux d'indexer l'ensemble des barèmes de prix sur les seuls indices de coût de production agricole. Retrait, sinon rejet.
L'amendement n° COM-5 est retiré.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-6 est similaire à l'amendement précédent, mais il concerne les marques de distributeurs (MDD). Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° COM-6.
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 31 bis C sans modification.
Article 31 bis D
L'amendement rédactionnel n° COM-206 est adopté.
La commission proposera donc à la commission des lois d'adopter l'article 31 bis D ainsi rédigé.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - La publication, la diffusion ou l'affichage d'une décision juridictionnelle peuvent en accroître la portée, l'efficacité, via l'effet de réputation, mais son caractère général, obligatoire, tel que le propose cet article, contrevient au principe constitutionnel d'individualisation de la peine : avec l'amendement n° COM-207, je vous propose de supprimer cet article.
L'amendement n° COM-207 est adopté.
La commission proposera donc à la commission des lois de supprimer l'article 31 bis E.
- Présidence de Mme Élisabeth Lamure, vice-présidente -
Article 31 bis F
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 31 bis F sans modification.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Avec l'amendement n° COM-218, je vous propose la mise en place d'une conférence publique de filière, placée sous l'égide du médiateur des relations commerciales agricoles.
L'amendement n° COM-218 est adopté.
La commission proposera donc à la commission des lois d'adopter l'article 31 bis G ainsi rédigé.
L'amendement n° COM-15 devient sans objet.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Le comité de pilotage de l'Observatoire des prix et des marges étant une instance technique, méthodologique, la présence de députés et de sénateurs ne paraît guère pertinente, d'autant que les informations requises sont transmises annuellement dans le rapport de cet observatoire : avec l'amendement n° COM-219, je vous propose de supprimer cet article.
L'amendement n° COM-219 est adopté.
La commission proposera donc à la commission des lois de supprimer l'article 31 bis H.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Cet article introduit l'obligation de mentionner le nom du rédacteur ou du négociateur des négociations commerciales : je ne suis pas certain que cette obligation nouvelle empêchera les pressions qui sont le lot de certaines négociations. Avec l'amendement n° COM-208, je vous propose de supprimer l'article.
L'amendement n° COM-208 est adopté.
La commission proposera donc à la commission des lois de supprimer l'article 31 bis.
Article 31 ter A
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 31 ter A sans modification.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Avec l'amendement n° COM-209, je vous propose que, dans les conventions pluriannuelles, la clause de révision du prix soit déterminée par référence à un indice non déconnecté des produits et prestations faisant l'objet de la convention d'avancer la date butoir de conclusion des contrats au 1er février et de rendre cette réforme applicable seulement aux contrats conclus après le 1er janvier 2018.
L'amendement n° COM-209 est adopté.
La commission proposera donc à la commission des lois d'adopter l'article 31 ter ainsi rédigé.
Les amendements nos COM-8 et COM-14 deviennent sans objet.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Encore un rapport, d'où mon amendement de suppression n° COM-220.
L'amendement n° COM-220 est adopté.
La commission proposera donc à la commission des lois de supprimer l'article 31 quater A.
Article additionnel après l'article 31 quater A
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-103 est identique à l'amendement n° COM-9 : retrait ?
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° COM-103.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Cet article, en ne visant que les centrales d'achat, n'appréhende pas l'ensemble des centrales constituées par les distributeurs à l'échelle européenne ou internationale, en particulier à celles qui n'ont que des activités de services. Avec l'amendement n° COM-210, je vous propose d'étendre cet article à toutes les centrales internationales.
L'amendement n° COM-210 est adopté.
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 31 quater ainsi modifié.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Cet article accroît le quantum de l'amende sanctionnant les comportements restrictifs de concurrence ; or, le quantum actuel a deux ans à peine : jugeons de son efficacité sur une durée plus longue - et supprimons cet article, avec mon amendement n° COM-211.
Mme Sophie Primas. - Commençons par appliquer ce qui existe !
L'amendement n° COM-211 est adopté.
La commission proposera donc à la commission des lois de supprimer l'article 31 quinquies.
Article 31 sexies
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 31 sexies sans modification.
Article additionnel après l'article 31 sexies
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-9 est identique à l'amendement n° COM-103 : l'avis ne peut donc être que défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° COM-9.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Sur cet article, notre commission n'a pas reçu de délégation au fond. Néanmoins, avec l'amendement n° COM-221, je vous propose de rétablir cet article afin que les marchés publics de fourniture de denrées alimentaires comportent obligatoirement des clauses de révision des prix, faisant référence aux indicateurs d'évolution des coûts de production en agriculture.
L'amendement n° COM-221 est adopté.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - En séance, l'Assemblée a introduit une réglementation spécifique en matière de délais de paiement dans les activités d'export hors de l'Union européenne.
Nos collègues députés s'y étaient déjà essayés dans la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, mais leur proposition avait été rejetée par le Sénat. Ainsi que l'avait souligné notre collègue Élisabeth Lamure, un tel dispositif constitue une réponse inadaptée à un problème récurrent : le manque de trésorerie des entreprises, en particulier exportatrices. En effet, il augmente les délais fournisseurs pour transférer partiellement les besoins de trésorerie induits par les différences de délais de paiement entre la France et l'étranger. En voulant soulager la trésorerie des négociants, elle détériore celle de leurs fournisseurs, dont aucune donnée précise ne vient établir qu'elle serait meilleure que celle des négociants.
En outre, alors même que le choix de délais plus long est à rebours de la politique menée par le législateur depuis 2008, l'introduction de nouveaux délais dérogatoires risque d'avoir un effet inflationniste, assorti d'un risque d'extension progressif du champ de la dérogation. C'est ce que m'a rappelé en audition Mme Jeanne-Marie Prost, présidente de l'Observatoire des délais de paiement.
Or, il n'est pas établi que, structurellement, les entreprises de négoce international soient désavantagées sur le marché international par les délais de paiement pratiqués à l'heure actuelle, d'où cet amendement n° COM-212.
Mme Élisabeth Lamure, présidente. - J'ai interrogé le ministre ce matin sur ce sujet, sans obtenir de réponse. Nous sommes très défavorables à cette règle spécifique pour le « grand export » hors Union européenne. Nous avions eu les mêmes discussions lors de l'examen de la loi consommation. Attention à ne pas fragiliser davantage la trésorerie des PME.
M. Martial Bourquin. - Le sujet est récurrent. M. Pierre Pelouzet, médiateur des relations inter-entreprises, m'a récemment dit que si l'on acceptait une telle dérogation, il suffirait d'ouvrir un bureau à l'export pour camoufler des délais supplémentaires de paiement, contre la trésorerie des entreprises.
Mme Élisabeth Lamure, présidente. - L'Observatoire des délais de paiement y est également très défavorable.
L'amendement n° COM-212 est adopté.
Les amendements nos COM-64, COM-65, COM-66 et COM-67 deviennent sans objet.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'alourdissement des amendes administratives est certes souhaitable contre les entreprises qui méconnaissent volontairement les règles en matière de délais de paiement, mais je vous propose de maintenir le plafonnement en cas de cumul de manquements, que le Sénat avait introduit à l'initiative de la commission des lois : c'est l'objet de l'amendement n° COM-213.
L'amendement n° COM-213 est adopté.
L'amendement de cohérence n° COM-214 est adopté.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-229 supprime un rapport.
Mme Sophie Primas. - Comme pour l'Observatoire des marges, il faut savoir quels sont les moyens de la DGCCRF.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Tout à fait.
L'amendement n° COM-229 est adopté.
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 36 ainsi modifié.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Avec l'amendement n° COM-215, je vous propose que le stage prévu par cet article commence dans les trente jours : c'est une demande forte que j'ai retenue des auditions.
L'amendement n° COM-215 est adopté.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-63 va à l'encontre de celui que nous venons d'adopter : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° COM-63.
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 38 ainsi modifié.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-120 entend supprimer cet article relatif à la qualification professionnelle des artisans. Or, toutes les organisations que j'ai auditionnées sont favorables à la nouvelle rédaction de l'article.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° COM-120.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-47, relatif aux véhicules hors d'usage, pose un problème d'insertion législative : sa rédaction mérite d'être revue. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° COM-47.
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 43 sans modification.
Article 43 bis
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 43 bis sans modification.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-115 supprime cet article qui étend sans limite le « droit de suite » pour le maintien d'inscription au répertoire des métiers des personnes poursuivant l'exercice d'une activité artisanale mais employant plus de 10 salariés et il permet l'inscription de ces mêmes personnes à ce répertoire. Je souhaite le retrait de cet amendement au bénéfice de mon amendement n° COM-216 : après avis de l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat et des chambres de commerce et d'industrie, un décret fixerait le seuil relatif au droit de suite. Il faut tenir compte des évolutions en cours.
Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Effectivement, il est délicat de fixer dans la loi un seuil pour définir l'artisanat. Vous invitez les chambres consulaires à se parler ! La question est de savoir si l'on peut définir une entreprise artisanale par le nombre de salariés qu'elle emploie.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° COM-115.
L'amendement n° COM-216 est adopté.
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 43 ter ainsi modifié.
Article 54 octies
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 54 octies sans modification.
Le sort des amendements est repris dans le tableau ci-après.
Désignation d'un rapporteur
M. Serge Larcher est nommé rapporteur du projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-391 du 31 mars 2016 recodifiant les dispositions relatives à l'outre-mer du code rural et de la pêche maritime.
La réunion est levée à 16h20.
Mercredi 22 juin 2016
- Présidence de M. Jean-Claude Lenoir, président -Mettre en place des outils de gestion des risques en agriculture - Examen du rapport et du texte de la commission
M. Jean-Jacques Lasserre, rapporteur. - Cette proposition de loi nous arrive alors qu'a été mis en place un groupe de travail sur les risques climatiques au sein duquel sont représentées toutes les composantes politiques de notre assemblée. On me fait valoir qu'elle était prête de longue date mais qu'il fallait caler son examen sur un ordre du jour réservé au groupe socialiste. Soit, mais quoi qu'il en soit, nous souhaiterions que cette proposition de loi et celle qui pourra émaner du groupe de travail soient envisagées comme des textes complémentaires. La situation justifie que le Sénat regarde ces initiatives avec la plus grande attention. L'agriculture, fragilisée, doit faire face à des risques qu'elle n'a plus les moyens, pour des raisons que nous connaissons bien, de surmonter. On ne peut pas s'exempter de rechercher des réponses plus efficientes aux risques climatiques et peut-être aussi aux risques économiques auxquels elle est confrontée.
Un régime des calamités agricoles existe depuis le milieu des années 1960. Le fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGRA) assure l'indemnisation des gros dommages pouvant être qualifiés de calamités, selon des procédures que vous connaissez bien, et qui ont encore été mises en oeuvre récemment. Pour cela, le FNGRA dispose de ressources provenant d'une taxe additionnelle sur les primes d'assurance versées par les agriculteurs pour assurer leurs bâtiments et leurs matériels, en particulier contre l'incendie. Cette taxe additionnelle sur les contributions d'assurance des agriculteurs représentait 120 millions d'euros par an jusqu'à l'année dernière, la loi de finances l'ayant divisée par deux pour cette année. Le FNGRA était également alimenté, en principe à même hauteur, par des contributions budgétaires de l'État, mais dénuées du caractère d'automaticité. D'une année sur l'autre, les dépenses du FNGRA au titre des calamités agricoles sont très variables, mais elles ont plutôt tendance à baisser. Et cela parce que depuis une dizaine d'années, la prise en charge de dommages récurrents aux cultures a basculé du régime des calamités agricoles vers l'assurance. Les pouvoirs publics ont encouragé le développement de l'assurance-récolte par une incitation, la prime étant subventionnée, à hauteur de 65 % au maximum, mais, revers de la médaille, dans les secteurs où l'assurance-récolte existe, le régime des calamités agricoles ne s'applique plus.
Le soutien à l'assurance-récolte est fourni par une section distincte du FNGRA, financée par redéploiement de crédits européens, complétés jusqu'en 2014 par des crédits nationaux - ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. La couverture assurantielle du risque climatique, qui reste facultative pour l'agriculteur, a bien progressé pour atteindre désormais 30 % environ en grandes cultures et 20 % en viticulture. Ajoutons qu'en 2013, un instrument complémentaire a été créé, le fonds de mutualisation sanitaire et environnemental (FMSE).
L'architecture nationale de gestion des risques agricoles s'inscrit dans un cadre réglementaire et financier régi au niveau européen par la politique agricole commune (PAC). La PAC a commencé à s'intéresser à la gestion des risques en agriculture depuis le bilan de santé de 2008. Les États membres ont alors été autorisés à utiliser les crédits PAC qui leur sont alloués pour soutenir l'assurance ou les fonds de mutualisation. Et la dernière réforme de la PAC a conforté les instruments de gestion des risques. D'une part, le règlement « OCM unique » continue à autoriser les organisations de producteurs, dans les secteurs fruits et légumes et viticulture, à gérer des fonds de mutualisation, destinés à soutenir les producteurs dans les situations de crise, d'autre part, le nouveau règlement sur le développement agricole et rural autorise non seulement le Fonds européen agricole pour le développement rural, (Feader), à soutenir les assurances-récolte et les fonds de mutualisation, mais donne aussi un cadre à un instrument de stabilisation des revenus des agriculteurs, répondant au risque économique.
Une douzaine d'États-membres ont choisi, dans leur mise en oeuvre de la PAC 2014-2020, d'utiliser au moins un de ces outils. Pour la France, l'enveloppe budgétaire consacrée à ces programmes s'élève encore à environ 100 millions d'euros par an pour la période 2014-2020.
La réflexion sur la gestion des risques en agriculture se structure autour de deux sujets principaux. Il s'agit, tout d'abord, d'améliorer la couverture du risque climatique. Le dispositif des assurances récolte a ainsi évolué récemment. Depuis la dernière campagne, les agriculteurs peuvent désormais souscrire un « contrat-socle », qui élargit de façon bienvenue la couverture à de nouveaux secteurs qui ne bénéficiaient pas auparavant de produits d'assurance, comme les prairies. Le contrat-socle assure aussi une couverture de base contre les « coups durs », offrant une indemnisation en cas de dommage afin de faire redémarrer l'exploitation. L'esprit, plutôt que d'assurer un revenu, est de couvrir les charges d'exploitation, afin de permettre à l'agriculteur sinistré de redémarrer une campagne dans des conditions convenables.
Améliorer la couverture du risque climatique est un enjeu essentiel. Le succès d'un tel dispositif dépend largement des moyens budgétaires disponibles. De ce point de vue, il est à craindre que les crédits européens aujourd'hui mobilisés soient insuffisants alors que le contrat-socle devrait se développer - les polices d'assurance sont presque couvertes à 65 % par ces 100 millions d'euros. Mais cela ne concerne que 30 % des professions céréalières. Il serait regrettable que le taux de subvention effectif des primes d'assurance des agriculteurs soit réduit à due concurrence, ce qui affaiblirait l'incitation à s'assurer, ainsi qu'on l'a constaté ces dernières années, où le taux de soutien effectif a pu tomber à 50 %. Le problème, c'est qu'en début de campagne, les assureurs n'ont pas d'indication budgétaire précise et ne peuvent dire aux agriculteurs quels seront précisément la nature et le coût de leur contrat. Il faudra y remédier.
Si le contrat-socle se diffuse largement, il conviendra aussi de vérifier que les moyens de réassurance, privée ou le cas échéant publique, soient en adéquation avec l'importance des capitaux assurés.
Le deuxième sujet concerne la couverture du risque économique des exploitations agricoles. Avec la fin des régulations de prix par les politiques agricoles, et l'orientation de la PAC vers les marchés, les agriculteurs sont de plus en plus exposés à des risques de marchés.
Une réflexion plus large s'est engagée, tant au niveau gouvernemental que parmi nous, pour aller vers des dispositifs d'assurance-revenu ou assurance-chiffre d'affaires des agriculteurs. Nous avons rencontré, au cours de nos auditions, plusieurs groupes professionnels, dont Momagri, tous très attentifs à cette réflexion. Le Farm Bill américain a mis en place un mécanisme de ce type, doté d'un budget de 6,5 milliards d'euros.
Les auteurs de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui ont concentré leurs propositions sur la couverture du risque économique, en proposant la mise en place, en France, d'un outil certes autorisé par l'Europe mais que notre pays n'a pas retenu dans son programme de développement rural 2014-2020 : des fonds de stabilisation des revenus agricoles. L'article 1er propose ainsi la création de tels fonds dans chaque région. L'article 3 prévoit une expérimentation avant généralisation de ces fonds. Et l'article 2 demande un rapport au Parlement pour identifier ce que pourraient en être les ressources. De tels fonds, je l'ai dit, sont autorisés par la PAC ; ils correspondent à l'instrument de stabilisation de revenus (ISR).
En réalité, la proposition de loi vise avant tout à réclamer une réorientation de la PAC. Un de ses articles demande d'ailleurs au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport détaillant ses objectifs et priorités pour la prochaine PAC, en insistant sur la nécessité de mettre en place des aides contracycliques. Il s'agit d'en finir avec la linéarité des aides européennes, pour essayer, dans certaines productions, de les mettre en corrélation plus étroite avec la situation des marchés - ce qui est loin d'être simple.
L'idée sous-jacente est la suivante : on imposerait aux agriculteurs, les bonnes années, de mettre de côté une partie des revenus tirés des aides directes de la PAC à travers le fonds de stabilisation des revenus agricoles. Les mauvaises années, ce fonds reverserait les sommes aux agriculteurs en difficulté. Cette idée, séduisante, appelle à mon sens une analyse beaucoup plus poussée. Que se passera-t-il si les prix agricoles baissent plusieurs années de suite ? Voyez le marché des céréales, baissiers depuis quatre ou cinq ans. Quel sera le niveau de solidarité entre les filières ? Un tel système sera difficile à mettre en oeuvre pour la plupart des productions animales. Quels sont les moyens budgétaires à dégager ? Probablement plusieurs centaines de millions d'euros.
La proposition de loi qui nous est soumise constitue un bon réceptacle en vue de la future réforme de la PAC. Un débat dans lequel tous les acteurs n'ont pas le même point de vue.
Les auteurs de ce texte réclament aussi, et cela mérite débat, de dégager quelques moyens nationaux supplémentaires pour cofinancer la gestion des risques en agriculture : un relèvement de la taxe sur les surfaces commerciales (TaSCom) ou encore une augmentation de la taxe sur la cession de terrains agricoles rendus constructibles - une ressource dont on connaît cependant les limites.
Ils demandent également que soit garanti le taux de subvention de 65 % pour la souscription par les agriculteurs d'assurances risques climatiques. Il s'agit là d'une demande justifiée, mais pour répondre à cet objectif, dans le cadre d'une extension du contrat-socle, il faudrait, à défaut de financements nationaux, transférer davantage de crédits entre le premier et le deuxième pilier de la PAC, ce qui ne sera possible qu'en 2018.
Le texte vise à encourager la gestion du risque à travers l'épargne individuelle de l'agriculture, en relevant le plafond de la déduction pour aléas (DPA) en fonction de l'emploi salarié sur l'exploitation. C'est un débat que nous avons déjà eu et la proposition, à mon sens, est bonne. L'amélioration de la DPA est en effet nécessaire et elle a été partiellement mise en oeuvre par la dernière loi de finances. Sur ce point, la proposition de loi va dans le sens de la proposition de loi, votée au Sénat, visant à améliorer la compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire, que nous devons à l'initiative de Jean-Claude Lenoir. Si le nombre des exploitations concernées par la DPA reste malheureusement restreint, en France, cela n'implique pas de ne pas la faire évoluer, mais en ayant conscience que ce n'est pas la panacée.
Au total, cette proposition de loi comporte des dispositions intéressantes, même si l'on peut se demander s'il est envisageable de les rendre opérationnelles au niveau des régions au 1er janvier 2017. C'est donc plutôt une proposition de loi d'appel, pour attirer l'attention sur la nécessité d'aller vers une gestion du risque économique en agriculture à travers la PAC, laquelle n'a désormais plus aucune action contracyclique. Il est vrai que toutes les organisations agricoles ne partagent pas, sur ce sujet, le même point de vue, mais cela est naturel.
Gardant en mémoire la sanction qu'a pu opposer la commission des finances à certains de nos récents amendements, je ne suis pas certain, cependant, que les dispositions de la proposition de loi soient toutes recevables au regard de l'article 40 de la Constitution.
À l'exception de quelques amendements purement rédactionnels, je ne proposerai pas à la commission de modifier ce texte, afin que la discussion en séance se déroule dans les meilleures conditions.
Cette proposition de loi est, je le répète, un texte d'appel qui prendra toute sa valeur s'il est suivi d'autres initiatives - et je pense notamment à celle en cours, sur les risques climatiques. C'est la raison pour laquelle, à titre personnel, je le voterai. Ce texte ne contribuera à nous faire avancer que dans le cadre d'un consensus minimal. Parmi les acteurs du monde agricole, le débat est très animé, ainsi que nos auditions nous ont permis de le constater. Nous avons rencontré des représentants de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), de la Caisse centrale de réassurance (CCR), de Monagri. S'il n'y a pas d'oppositions fondamentales, la profession peine néanmoins à trouver la formule par laquelle elle pourrait s'entendre. Ce texte ne fait donc pas, pour le moment, l'unanimité, mais il me semble que le Sénat doit donner des signes forts de cohésion et faire preuve d'une capacité d'entraînement, tant à l'égard de la profession agricole que de l'Assemblée nationale.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Merci pour ce travail tout en nuance, qui témoigne d'une véritable attention aux représentants de la profession agricole. Je rappelle que cette proposition de loi sera examinée en séance grâce à un gentleman agreement au sein de notre commission. Comme l'a dit notre rapporteur, nous n'avons pas souhaité le revoir de fond en comble, pour laisser place au débat en séance...
M. Martial Bourquin. - Et parce que c'est un texte excellent !
M. Jean-Claude Lenoir, président. - ...qui aura lieu le 30 juin.
M. Franck Montaugé, auteur de la proposition. - Je remercie Jean-Jacques Lasserre de sa grande objectivité. Il a bien compris l'esprit qui a présidé à son dépôt. Compte tenu de la situation extrêmement difficile que vivent beaucoup d'agriculteurs français, et alors que la PAC ne répond plus aux enjeux de marché, qui pèsent lourdement sur les revenus des agriculteurs et la compétitivité de notre pays en matière agro-alimentaire, nous ne pouvions rester sans rien faire.
Nous sommes restés très prudents sur les propositions de financement. Si nous demandons des rapports au Gouvernement, c'est bien pour que tous les dispositifs envisageables soient évalués. Lors de nos auditions, il nous a été dit que compte tenu de la technicité du sujet, il fallait en passer par des expérimentations. C'est ce que nous proposons, à l'échelle de filières et de régions. Il faudra que les organisations représentatives des professions agricoles se saisissent de cette faculté d'expérimentation, en particulier en matière d'assurance-revenu et chiffre d'affaires.
La question de fond reste évidemment celle de l'évolution de la PAC. Nous appelons le Gouvernement à discuter, avec nous et avec la profession, des orientations qu'il conviendra de défendre auprès de la Commission européenne, étant entendu que tous les pays européens ne sont évidemment pas sur la même ligne. Cela supposera, sur ce sujet essentiel pour l'avenir de notre agriculture, de rechercher un consensus.
Une dernière remarque, enfin. Nous évoquons, dans l'un des articles de ce texte, la simplification des normes. Loin de nous l'idée d'empiéter sur le travail de Gérard Bailly et Daniel Dubois sur le sujet, un travail auquel Henri Cabanel et moi-même nous sommes d'ailleurs associés, par des propositions écrites. Nous nous contentons ici d'effleurer la question, pour rappeler que la simplification des normes est aussi un levier pour rendre du revenu à nos agriculteurs.
M. Gérard César. - Je félicite le groupe socialiste d'avoir présenté ce texte important. Le problème auquel ils s'attaquent, récurrent, remonte à des années. Lorsque j'étais rapporteur de la loi d'orientation pour l'agriculture, nous avions déjà buté, ici-même, sur l'assurance des risques en agriculture, qu'ils concernent le climat ou le revenu. Les compagnies d'assurance veulent être réassurées, mais Bercy, dont nous avions alors rencontré les représentants, refuse de jouer ce rôle de dernier ressort.
Je remercie notre rapporteur pour son excellent travail. Il a eu raison de rappeler que les deux textes que l'on devra à l'initiative du Sénat sont complémentaires. La question de l'assurance contre le risque climatique et celle de l'assurance-revenu sont, de fait, indissociables. Il a également rappelé à juste titre que la DPA n'était pas une solution de nature à assurer tous les risques.
Frank Montaugé a eu raison d'insister sur la nécessité de l'expérimentation. Les viticulteurs et les producteurs de fruits et légumes ne s'assurent pas tous contre les risques climatiques, et c'est dommage.
Notre groupe s'abstiendra sur cette proposition de loi.
M. Henri Cabanel. - Je m'associe aux félicitations adressées au rapporteur. Ce texte ne résoudra pas à lui seul la crise de l'agriculture, mais il n'en est pas moins essentiel de s'entendre sur la question des risques en agriculture. Nous demandons aux uns et aux autres d'y apporter leur contribution. C'est l'occasion de démontrer que grâce à une solidarité sur tous les bancs, le Sénat peut travailler utilement en faveur des agriculteurs. Puisse-t-elle ne pas devenir une occasion manquée. Ce n'est pas un seul outil, mais l'addition de plusieurs outils qui offrira aux agriculteurs la garantie la plus large possible. D'autres pays ont pris le problème à bras le corps, quand nous en restons à nous poser des questions. De nombreux travaux ont été menés par les chercheurs ; il est temps de franchir le pas.
Même si nous ne sommes pas tous au même diapason, c'est la volonté de changer la PAC en 2020 qui doit nous animer. Telle quelle, est-elle vraiment équitable ? Telle est la question. Il y faut une réflexion politique au niveau européen, car cette question engage celle de l'environnement, et celle de notre indépendance alimentaire. Montrons-nous ouverts au débat et faisons la preuve qu'au-delà de la politique politicienne, nous sommes capables de travailler ensemble et d'avancer des propositions qui donneront quelque sérénité à nos agriculteurs. Une agriculture incapable de gérer ses risques est comme un paquebot naviguant dans le brouillard : laisser les choses en l'état serait dangereux pour notre politique stratégique en matière agricole.
M. Gérard Bailly. - Merci à notre rapporteur, ainsi qu'aux auteurs de ce texte qui nous permet d'échanger. Il reste que nous échangeons souvent sur l'agriculture, et que cela n'a pas empêché la crise que nous traversons, d'une ampleur inédite. Sous l'ancienne législature, nous avons déjà voté une loi sur l'agriculture, suivie, il y a trois ans, par la loi d'avenir pour l'agriculture, dont M. Le Foll nous disait, en séance, qu'elle allait tout régler. Or, tel n'a pas été le cas. Et la situation, tant au niveau national qu'européen, est pire que jamais.
Le rapporteur a posé beaucoup de questions, que je fais miennes. Je m'interroge sur le sens à donner au deuxième alinéa de l'article premier, qui dispose que le fonds de stabilisation des revenus agricoles « a vocation à fournir une compensation aux agriculteurs en cas de forte baisse de leurs revenus ». Vise-t-on une compensation à titre individuel ou collectif ? Autant il est justifié de pallier un problème conjoncturel de baisse drastique des prix sur une filière, un problème climatique ou sanitaire, autant il serait injustifié d'offrir une compensation à la négligence individuelle. Ce serait tirer vers le bas le pétrole vert de la France, ainsi que le Président de la République a qualifié notre agriculture, dont on connait le poids dans nos exportations.
La question de l'assurance, vue du terrain, est complexe. Autant pour la vigne ou les céréales, il est relativement facile de déterminer les pertes ou les problèmes sur les prix, autant pour ce qui concerne l'herbe, les choses ne sont pas si simples. On sait que la qualité des foins issus de nos alpages sera médiocre cette année. Certains éleveurs, qui vont compenser avec des matières azotées, n'auront pas trop de difficultés, sinon qu'il leur en coutera davantage en intrants. Mais il n'en ira pas de même, en termes de revenu, pour les autres. La compensation se fera-t-elle par exploitation, ou sera-t-elle globale ? Beaucoup de questions se posent encore. D'autant que la question n'est pas tant celle du tonnage que de la qualité. Et s'imagine-t-on que les agriculteurs de nos alpages, ceux du Jura, des Alpes, des Pyrénées, pourront tous souscrire une assurance ?
Ce texte nous permet d'échanger, pour aller vers plus d'assurantiel, certes. Mais attention à ne pas déshabiller les zones de montagne, où le secteur de l'élevage connaît bien des difficultés, dans le Massif Central et ailleurs.
Pour toutes ces raisons, je m'abstiendrai, comme mon groupe, mais c'est une abstention plutôt positive.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Une position que nos collègues devraient bien accueillir puisqu'il leur est déjà arrivé de manifester leur abstention positive sur des sujets très proches de celui-ci.
M. Michel Le Scouarnec. - Je vois s'élever bien des doutes quant à la possibilité d'une PAC plus juste et plus équitable, qui aiderait à sauver nos petits fermiers, non seulement dans les zones de montagne mais dans des départements ruraux comme le mien, le Morbihan. Maîtrise et régulation, tels devraient être, pour les syndicats d'agriculteurs eux-mêmes, les maîtres-mots de la PAC. Qu'on lie ou non la question au problème climatique, les prix qui se pratiquent ne permettent pas à nos agriculteurs de s'assurer un revenu. Peut-on agir pour que la PAC soit, demain, plus juste ? Telle est la question.
Pouvez-vous nous préciser les contours du fonds de stabilisation proposé à l'article premier ? Sera-t-il ciblé sur les filières les plus fragilisées ? En Bretagne, une laiterie vient de se constituer, Lait'sprit d'éthique, qui regroupe 66 producteurs décider à se protéger contre des intermédiaires qui ne les payent pas au juste prix. Il me semble que si de telles initiatives méritent d'être accompagnées, c'est surtout au niveau de la PAC qu'il faut agir, pour faire en sorte qu'elle apporte des garanties sur le prix. Les petits producteurs sont très fragiles ; si on ne les aide pas, ils ne tiendront pas le coup.
C'est pourquoi nous souhaitons voir évoluer la PAC, comme le souhaitent les syndicats agricoles, la FNSEA comme la Confédération paysanne, que j'ai rencontrée récemment. Nous devons nous y atteler, tous ensemble.
M. Bruno Sido. - Sans flagornerie, je veux saluer, monsieur le président, votre initiative de créer un groupe de travail au sein de notre commission. Sous la présidence de Jean-Jacques Lasserre, ce groupe travaille bien et fournit des idées dont certaines sont reprises dans cette proposition de loi, qui est, à l'évidence, une proposition d'appel.
Il est normal que la commission des affaires économiques se penche sur le problème essentiel du revenu des agriculteurs, qui touche à la survie économique du monde rural. Cependant, il faut savoir écouter les agriculteurs, qui ne cessent de répéter qu'ils ne veulent pas des primes, mais des prix. La répartition, jugée inégalitaire, des primes de la PAC a été contestée dès le départ : ce n'est pas la solution. D'autant que ces primes, superflues dans les bonnes années, sont insuffisantes dans les mauvaises années.
Les Américains, avec leur Farm Bill, ont résolu le problème depuis longtemps. Les compensations sont adaptées à la réalité : les bonnes années, les agriculteurs ne reçoivent rien, mais ils sont aidés dans les mauvaises années. Là est la solution. Demander aux conseils régionaux, comme le veut cette proposition de loi, d'assurer la stabilité du revenu des agriculteurs, c'est se tromper de niveau, car le problème relève de l'échelon national et européen. Et ce n'est pas en créant à nouveau une de ces « contributions volontaires obligatoires », qui finissent par mettre tout le monde dans la rue, que l'on apportera la solution.
De bonnes idées émergent, comme celle de l'assurance récolte. Elle progresse certes lentement, mais on y viendra, d'autant que le dérèglement climatique va provoquer de plus en plus d'accidents. C'est dans ce sens qu'il faut aller. Quant à la PAC, elle devrait se réorienter du tout au tout, en abandonnant ce système de primes à l'aveugle. J'ai conscience que je fais un rêve, mais il faudrait également tenter de réorganiser, à l'échelle internationale, les cours des denrées agricoles. Qu'elles soient ou non agricoles, toutes les entreprises qui sont confrontées aux cours mondiaux n'arrivent pas à tenir. Même Arcelor-Mittal, si cela continue, ne tiendra pas, tout comme les entreprises minières. Il suffit que la consommation stagne, que la Chine ralentisse, pour que tout le monde en pâtisse. Il faudrait au moins trouver le moyen de lisser les cours à l'échelon européen. L'ancienne PAC, à six, avait trouvé des solutions sur les prix. A présent, les producteurs croulent, pour recevoir les aides européennes, sous une avalanche d'exigences administratives. Un éleveur est obligé de vérifier chaque matin que ses bêtes ont bien une boucle à chaque oreille. Quand on sait qu'un mouton peut la perdre plusieurs fois par jour ! Cela devient infernal, et on peut comprendre que les éleveurs deviennent fous.
Tout ceci pour dire que cette proposition de loi est certes une proposition d'appel, mais qu'elle n'est pas satisfaisante : je ne pourrai pas la voter, parce qu'elle n'apporte pas les vraies solutions.
M. Henri Tandonnet. - Ce texte témoigne bien de la difficulté à soutenir le monde agricole face à la mondialisation économique dans laquelle nous avons basculé.
Le soutien à l'agriculture touche aussi à un autre enjeu, l'aménagement du territoire dans les zones rurales. Avec Jean-Jacques Lozach, nous avons déposé la semaine dernière, au nom de la délégation à la prospective, un rapport sur l'eau, l'adaptation au changement climatique et les conflits d'usage. Sur le volet agricole, nous insistons sur les conflits d'usage qu'entraineront inévitablement les pics de chaleur liés au changement climatique, et sur la nécessité, pour les agriculteurs de conserver des capacités d'irrigation...
M. Gérard César. - Les fameuses retenues collinaires.
M. Henri Tandonnet. - ...qui constituent la première des assurances. Cela permet de conserver une agriculture familiale, avec des cultures spécialisées de qualité. La capacité d'irrigation devrait être un corollaire au conventionnement. C'est une couverture efficace de l'aléa climatique, il faut aider les agriculteurs à en prendre conscience. S'en passer finira par nous conduire à demander à des pays plus fragiles que nous de satisfaire nos besoins alimentaires. D'un point de vue écologique, cela n'a aucun sens.
L'idée de régionaliser l'assurance-revenus me laisse dubitatif. Certes, le niveau régional permet de mieux coller au terrain, mais un système assurantiel repose par nature sur de grandes masses et un partage des aléas, très différents d'une région à l'autre.
Telles sont les quelques réserves que je voulais faire sur un texte que je voterai, car je pense qu'il va dans le bon sens et que nous devons lancer des signaux forts dans la perspective de la prochaine discussion de la PAC.
M. Alain Bertrand. - Je félicite les auteurs de la proposition de loi. Il est bon de revenir sur ce sujet de l'assurance, auquel les agriculteurs sont sensibles : le risque climatique s'aggrave ; quant au risque sur le revenu, on voit ce qu'il en est : la filière laitière est en pleine déroute. Sans parler de celle de la viande : les « viandes sur pied », qui se vendaient, il y a vingt-cinq ans, 20 francs le kilo, en sont aujourd'hui à l'équivalent de 16 à 17 francs le kilo.
Gérard Bailly est un excellent défenseur de l'élevage, mais je ne suis pas d'accord avec lui lorsqu'il dit que les politiques menées n'ont rien résolu. L'élevage a été mieux pris en compte par la réforme de la PAC, de même que les zones de montagne. Ce sont plutôt les retards de paiement qui posent problème, mais les choses vont se normaliser peu à peu.
Cependant, autant un système assurantiel sur l'aléa climatique me paraît indispensable, autant je m'interroge sur les modalités concrètes d'une assurance-revenu. Il faut trouver, sans doute, des solutions collectives face à un effondrement massif de la production herbagère - qui ne peut être fondée que sur le volume, même si on sait que la qualité compte autant - mais on ne saurait retenir des procédures individuelles, au risque d'accorder des primes à des gens qui n'ont pas fait leur travail. Si je rejoins Gérard Bailly là-dessus, je ne le rejoins pas, encore une fois, sur la PAC, et je donne un satisfecit à Stéphane Le Foll.
Les agriculteurs attendent de nous que l'on mène ce débat, même si l'on n'en tirera pas toutes les solutions, car elles passent nécessairement par la question financière. Je suis également sensible à ce qui s'est dit sur le système américain. Les années où l'on n'a pas besoin d'aide, on nous en fournit quand même, notamment en montagne, avec l'indemnité compensatoire de handicap naturel (l'ICHN), ou les aides à la vache allaitante : les très bonnes années, elles sont superflues, et les mauvaises années, on aurait besoin du double. Il y a là un sujet qui devrait nous occuper quelque temps.
M. Yannick Vaugrenard. - Je remercie les auteurs de la proposition de loi, qui ont fait un travail remarquable, ainsi que Jean-Jacques Lasserre pour sa réflexion complémentaire.
Expérimentation, système assurantiel, simplification administrative sur les aides européennes : nous sommes tous d'accord sur ces exigences. Nous sommes tous d'accord, également, pour considérer que la loi du marché, notamment dans le domaine agricole, est loin d'être parfaite, et qu'il y faut une intervention publique, qu'elle soit française ou européenne.
Le sujet, nous le savons tous, est extrêmement sensible. Le monde agricole est en crise et les agriculteurs sont les premiers touchés. Sur certains sujets, il doit exister une cohérence nationale, même si nous n'appartenons pas aux mêmes composantes politiques. Et la crise de l'agriculture en fait partie. Gardons-nous des postures politiques. Au Parlement européen, où j'ai eu l'honneur de siéger, il existe certes des différences fondamentales, au sein des représentations nationales, entre progressistes et conservateurs, mais très souvent, sur des sujets essentiels pour l'avenir de leur pays, ils se mettent d'accord. Et c'est pourquoi certains pays se défendent mieux que nous sur la scène européenne. Il est tactiquement plus pertinent, sur ce sujet vital de l'agriculture, de nous mettre d'accord, pour défendre des positions communes au niveau européen. Les postures politiques, dans la période que nous traversons, n'ont pas grand sens. Je comprends mal que l'on puisse dire, comme l'a fait Bruno Sido, que l'on est d'accord avec le rapporteur mais que l'on ne votera pas le texte. Continuons à travailler pour arriver à une position commune du Sénat.
M. Martial Bourquin. - Je remercie nos collègues pour la grande qualité de ce texte, que tous les intervenants ont reconnue. Je partage l'idée de Yannick Vaugrenard : quand il s'agit de défendre la France, l'agriculture de la France, les postures politiciennes sont malvenues.
Sur la question cruciale de la régulation du revenu des agriculteurs, on peut trouver un consensus. Nous devons nous montrer capables, à l'heure où l'on va renégocier la PAC, d'avancer des propositions de haut niveau, novatrices. Le fonds de stabilisation régional proposé dans ce texte en est une, sur laquelle je crois que l'on peut se mettre d'accord.
Personne, parmi les intervenants, n'a dit que cette loi était mauvaise, chacun a reconnu ses qualités. Pourquoi, dès lors, se cantonner à une abstention positive, au lieu de faire des propositions d'amendement et d'amener devant l'Assemblée nationale un texte marquant une position commune du Sénat ? Ne pas le faire, ce serait manquer une occasion. L'occasion, au moment où se renégocie la PAC, d'émettre une position commune du Sénat.
Mme Sophie Primas. - Le raisonnement vaut pour vous !
M. Martial Bourquin. - Pourquoi rester dans la posture !
M. Jackie Pierre. - Vous nous avez ouvert la voie !
M. Jean-Claude Lenoir, président. - De fait, il y a peu, le modeste auteur d'une proposition de loi aurait aimé entendre ce discours...
M. Martial Bourquin. - Il fallait le demander, comme je le fais aujourd'hui...
Mme Anne-Catherine Loisier. - Je salue le travail de nos collègues mais j'aimerais savoir s'ils ont pu évaluer l'impact de leurs préconisations, notamment en matière de taxes. Je rebondis sur ce qu'a dit Bruno Sido. Les agriculteurs ont des attentes sur les prix et si aide il y a, ce sont plutôt des aides à l'exportation qu'ils appellent de leurs voeux. Il ne faut pas le perdre de vue, car ce sont là les véritables leviers pour le redressement de l'activité agricole.
Même question sur la régionalisation. Avez-vous pu évoquer le sujet avec l'Association des régions de France ? Quelle est votre appréhension du champ d'application d'un tel dispositif ? - je pense aux filières viti-vinicoles, où les divergences sont grandes selon les régions.
M. Franck Montaugé, auteur de la proposition. - La réponse est dans l'article 2. J'ai dit que nous étions très prudents dans nos propositions. Si nous demandons au Gouvernement un rapport au Parlement sur la stabilisation du revenu agricole, c'est afin que soient évaluées les options de financement. Nous faisons, dans ce texte, des propositions, mais nous nous en remettons à une étude de fond pour les évaluer. Nous avançons la piste de la TaSCom, sachant ce qu'il en est de la captation de la valeur ajoutée par la grande distribution, nous proposons aussi de taxer l'artificialisation des sols, qui se fait au détriment de la production agricole. Nous ouvrons également la piste de la taxation financière sur les marchés agricoles, un sujet complexe, sur lequel des démarches sont engagées au niveau européen, et c'est pourquoi nous demandons au Gouvernement une étude. Il s'agit pour nous de préconiser un dispositif réaliste de financement.
M. Michel Houel. - Je remercie les auteurs de la proposition de loi, mais je m'interroge : ne sommes nous pas responsables, en tant qu'élus, des dégâts que subit l'agriculture ? On sait qu'en matière agricole, des dommages surviennent en moyenne tous les sept ans. Or, durant cet intervalle, on oublie les ravages liés au changement climatique, et l'on ne fait rien. Et il faut savoir que l'assurance ne peut pas tout. Les dégâts liés au vent ne sont couverts par la garantie tempête que pour des vents ne dépassant pas 145 km/h. Ce n'est pas logique.
On sait aussi que certains travaux peuvent améliorer les choses. Dans ma région, la Brie, on a ainsi procédé à de nombreux drainages des sols. En montagne, pour éviter des dégâts dans les vallées, il faut faire des bassins de rétention. Quant aux récentes inondations, elles nous ont amené, à Paris, à deux doigts de la catastrophe. Pourquoi ? Parce que certains élus ont préféré ne rien faire, estimant que les travaux pouvaient attendre.
Ce que réclament les agriculteurs, c'est de pouvoir vivre de leur travail. Ils ne sont pas gens à tendre la main parce qu'ils savent qu'un jour ou l'autre, on finit par ne plus rien recevoir.
M. Michel Magras. - Je suis loin d'être un spécialiste de la question, puisqu'il n'y a pas chez moi d'agriculture, mais ce débat m'a paru très intéressant. D'un côté, beaucoup ont insisté sur le fait que les agriculteurs ne demandent pas des primes mais des prix, de l'autre, il a beaucoup été question de la renégociation de la PAC. N'oublions pas que l'Union européenne est en train de signer avec le monde entier des accords de libre échange, qui concernent aussi les produits agricoles. De nombreux pays veulent vendre sur le marché européen, à des tarifs qui ne sont pas ceux de l'agriculture française, ni européenne. Le souci est donc double. Or, l'Union européenne a délibérément choisi, pour ouvrir son marché, de mettre en place une politique de compensation financière. On laisse arriver la banane d'Afrique ou d'Amérique du Sud, et l'on compense la différence pour les territoires d'outre-mer. C'est un problème qui va se poser, plus généralement, pour la France, car elle produit à des coûts qui ne seront plus concurrentiels sur le marché européen. Il faudra bien, dans les discussions, intégrer cette mondialisation du commerce.
M. Bruno Sido. - Un mot, pour préciser que je ne voterai pas contre mais m'abstiendrai.
M. Gérard Bailly. - Un mot également, pour sensibiliser notre commission au problème de la viande. Je lis régulièrement le Journal du boucher, où l'on apprend que les coûts de ramassage des matériaux à risque, pour les bouchers, vont augmenter de 50 %. Avant 2022, il va leur falloir changer de couteaux selon le type d'animal, parce que nous sommes toujours, en France, tenu par la réglementation liée à l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), alors que les autres pays ont arrêté. Et les matériaux à risque ne sont toujours pas valorisés chez nous, alors qu'ils le sont ailleurs. A quoi s'ajoute la réglementation sur l'équarrissage.
Plus grave encore sont toutes les campagnes de presse dont on nous abreuve - une page pleine la semaine dernière encore dans Le Figaro, sous le titre Les fermes-usines ? Des prisons pour vaches ! Quand je vois les réunions de végétariens de l'association L214 qui se tiennent dans mon département, où l'on explique aux gens que c'est catastrophique de manger de la viande, quand je vois expliquer dans un article de presse, chiffres à l'appui, que les bovins consomment beaucoup trop d'eau, et que je me rends compte que ces chiffres sont totalement fantaisistes - pour un cheptel de 100 bovins, on aboutit à 460 000 mètres cubes d'eau par an ! - eh bien, je m'énerve. Car la presse dit n'importe quoi. Les agriculteurs en ont marre. Non seulement ils se débattent dans les problèmes financiers, mais en plus, on leur reproche tout et n'importe quoi, sur l'abattage, sur les fermes animales, et j'en passe. Dire que ces exploitations sont des prisons pour vaches c'est mal se souvenir de la vie qui était autrefois la leur à la ferme, où elles étaient attachées six mois, sans même un abreuvoir à portée ! Que l'on arrête de dire à l'opinion publique que nos agriculteurs font n'importe quoi !
M. Jean-Claude Lenoir, président. - S'il est un journal qui peut nous rassembler, c'est celui de la République, le Journal officiel. Je vous invite à lire le texte de la loi Sapin 2 tel qu'il nous revient modifié par l'Assemblée nationale, laquelle a introduit un certain nombre d'ajouts sur le bien-être animal. Vous verrez qu'il n'y a pas que Le Figaro qui met en cause les pratiques de nos éleveurs. Il appartiendra au Sénat de corriger certaines dispositions...excessives.
M. Jean-Jacques Lasserre, rapporteur. - L'abstention positive est pour moi un bon signe, monsieur Bourquin : nous la devons à votre émulation. Cela étant dit, mon impression, à l'issue de ce débat, est que nous ne sommes pas totalement sur le même tempo selon que l'on parle de couverture économique ou de couverture climatique. Sur la première, il nous faudra débattre. Le principe de l'intervention contracyclique est un bon principe, mais on se rendra compte de sa complexité quand il s'agira de l'appliquer. Cependant, ne le rejetons pas. J'ai connu le temps où la tonne de céréales était à 210 euros, et où les aides de la PAC étaient pourtant les mêmes qu'aujourd'hui. Il est naturel que l'on s'en soucie.
Je ne mets pas en cause votre proposition de régionalisation, au 1er janvier 2017, car elle vise à nous faire avancer, mais j'aimerais connaître la liste des présidents de conseils régionaux qui mettront cette révision de la répartition des aides européennes à l'ordre du jour... Sur ces questions, tous les débats préalables à la réforme de la PAC seront utiles et nécessaires.
Sur la taxation, il faut prendre la juste mesure des choses. Un doublement de la taxe sur les ventes de terres devenues constructibles ne procurerait que 12 millions d'euros par an - une ressource qui n'est de surcroît pas pérenne. Je ne crois pas que l'on puisse faire fond là-dessus. Pour la TaSCom, la ressource serait légèrement supérieure, mais elle reste en deçà de l'échelle du problème. En revanche, pour les risques climatiques, le prélèvement sur les produits d'assurance génère des sommes importantes, à hauteur de 100 millions d'euros. Peut-être pourrons-nous y revenir un jour, car il y a là un gisement qui me semble mieux proportionné. J'ai sous les yeux le montant des indemnités versées aux agriculteurs au titre de l'assurance récolte. En 2015, 173 millions d'euros ont été versés contre 187 millions en 2014 et 347 millions en 2013. Sur ces bases là, la réassurance n'est pas un vrai problème. Je dis bien sur ces bases là.
Ceci pour dire qu'en dépit de nos différences de tempo, nous avons la possibilité de faire évoluer un dispositif assurantiel dans de bonnes conditions, sans tourner le dos à la réflexion nécessaire sur la réforme de la PAC. Peut-être serait-il intéressant à ce propos, monsieur le président, d'entendre des personnes capables de nous parler de façon précise et pertinente du Farm Bill (M. Bruno Sido approuve). Car il est bon de dresser des comparaisons précises, sans se contenter de penser que la soupe est meilleure chez le voisin.
Je vous invite à poursuivre notre travail sur les propositions envisageables en matière assurantielle.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Il serait bon, en effet, de disposer de données précises sur le Farm Bill.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'article 1er est adopté sans modification.
Article 2
L'amendement rédactionnel Affeco.1 est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 3
L'amendement rédactionnel Affeco.2 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 4
L'amendement rédactionnel Affeco.3 est adopté.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 5
L'article 5 est adopté sans modification.
Article 6
L'article 6 est adopté sans modification.
Article 7
L'article 7 est adopté sans modification.
Article 8
L'amendement rédactionnel Affeco.4 est adopté.
L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 9
L'amendement rédactionnel Affeco.5 est adopté.
L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 10
L'article 10 est adopté sans modification.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
La réunion est levée à 10h53.