Travaux de la commission des affaires sociales
Mardi 22 novembre 2005
- Présidence de M. Nicolas About, président -
PJLF pour 2006 - Mission « Travail et emploi » - Articles 91 et 92 rattachés - Examen du rapport pour avis
La commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Louis Souvet sur le projet de loi de finances pour 2006 (mission « Travail et emploi »).
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la mission « Travail et emploi », a tout d'abord indiqué que les crédits du travail sont désormais regroupés, en application de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), au sein d'une mission dénommée « Travail et emploi », décomposée en cinq programmes et en seize actions. Ces programmes sont accompagnés d'objectifs et d'indicateurs de performance qui devraient permettre, à terme, de mieux évaluer l'efficacité de la dépense publique.
Les crédits de la mission sont, en apparence, en fort repli, par rapport à 2005 : ils dépassaient, l'an dernier, 32 milliards d'euros et ils ne sont plus que de 13,4 milliards en 2006. Cette diminution résulte, en réalité, d'un changement de périmètre du budget du travail : à périmètre inchangé, les crédits de la mission sont en progression de 6 %, et de 5 % si l'on prend en compte les dépenses fiscales rattachées à la politique de l'emploi, confirmant ainsi la force de l'engagement des pouvoirs publics dans la lutte contre le chômage.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis, a souligné que les efforts menés en faveur de la création d'emploi commencent à porter leurs fruits, puisque le taux de chômage est en baisse depuis maintenant six mois. Ces bons résultats s'expliquent, pour moitié, par la montée en charge des nouveaux contrats aidés créés par la loi de cohésion sociale, notamment les contrats d'accompagnement vers l'emploi (CAE). Si les prévisions pour 2006 se confirment, l'économie française devrait créer l'an prochain deux fois plus d'emplois que cette année, amplifiant ainsi la baisse du chômage qui a été amorcée.
Le service public de l'emploi a joué un rôle essentiel dans cette évolution favorable. Les conseillers de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) ont reçu individuellement, entre juin et septembre, tous les jeunes inscrits au chômage depuis plus d'un an, soit 71.000 personnes, conformément à l'engagement pris par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale le 8 juin dernier. De plus, le Gouvernement a donné comme objectif à l'ANPE de recevoir désormais tous les mois les personnes inscrites sur la liste des demandeurs d'emploi depuis plus de quatre mois afin qu'elles bénéficient d'un suivi plus régulier.
L'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Unedic) connaîtra encore une situation financière dégradée en 2005, avec un déficit de l'ordre de 3,3 milliards d'euros. Les partenaires sociaux doivent achever, d'ici à la fin de l'année, la renégociation de la convention d'assurance chômage. Or, leurs positions initiales sont éloignées, puisque les syndicats veulent accroître les ressources de l'assurance chômage, en augmentant les cotisations sur les emplois précaires, à durée déterminée et intérimaires, alors que le patronat souhaiterait réaliser des économies en diminuant la durée d'indemnisation des chômeurs. L'Unedic doit également décider si elle continue ou non à financer, comme elle le fait depuis 2001, 3.650 emplois à l'ANPE pour assurer le fonctionnement du Plan d'aide au retour à l'emploi (PARE).
Ces éléments de contexte étant posés, M. Louis Souvet, rapporteur pour avis, a présenté plus précisément les nouveaux contours de la mission « Travail et emploi ».
Concernant le périmètre de ce budget, il a rappelé que la compensation de l'allégement général de cotisations sociales (allégement « Fillon ») avait été financée par le budget de l'Etat en 2004 et en 2005. Cette année, l'article 41 du projet de loi de finances propose de fiscaliser la compensation des allégements de charges : un « panier » de taxes et impôts, qui devrait rapporter 18,9 milliards d'euros, serait affecté à la sécurité sociale, en lieu et place de l'ancienne dotation budgétaire.
Cette réforme répond vraisemblablement, pour partie au moins, à des considérations conjoncturelles : elle permet à l'Etat de respecter plus facilement la règle de stabilité, en volume, des crédits budgétaires qu'il s'est fixée, en faisant sortir du périmètre du budget de l'Etat une dépense dynamique. Elle présente l'inconvénient de rendre plus difficile le contrôle parlementaire sur l'efficacité des allégements de cotisations, dans la mesure où il n'y aura pas d'indicateur de performance associé à la compensation des exonérations.
Par ailleurs, si le principe de la compensation intégrale des allégements de cotisations, posé par la loi Veil de 1994 relative à la sécurité sociale, sera respecté en 2006, puisqu'une régularisation est prévue en cas d'écart entre le produit du panier de recettes et le montant réel des allégements de cotisations, il n'est envisagé pour les années suivantes qu'une simple procédure « d'alerte ».
Le rapporteur a indiqué qu'il ne lui est pas possible d'examiner l'article 41, en tant que tel, dans son rapport, ni de déposer un amendement au nom de la commission dans la mesure où cet article n'est pas rattaché aux crédits de la mission. Il a souhaité cependant connaître l'avis de la commission sur cette réforme, afin de pouvoir en faire état, pendant le débat en séance publique, ainsi que sur une initiative de la commission des finances, qui propose de remplacer le panier de recettes par une fraction de la TVA.
Puis M. Louis Souvet, rapporteur pour avis, a présenté la ventilation des crédits de la mission entre les programmes, qui sont de taille très inégale.
Le premier programme est doté de 880 millions d'euros et vise au « Développement de l'emploi ». Il rassemble les sommes consacrées à la compensation des allégements de cotisations sociales sectoriels ou zonés, qui sont demeurés à l'écart de la mesure de fiscalisation. Il finance aussi l'aide à l'emploi dans le secteur des hôtels, cafés et restaurants, qui a été décidée l'an dernier comme un substitut à l'impossibilité d'obtenir, auprès de l'Union européenne, une baisse de la TVA. Les crédits destinés à l'aide à la création d'entreprise figurent également dans ce programme.
Le deuxième programme, dédié à « L'accès et au retour à l'emploi », rassemble 7,1 milliards d'euros. Il est divisé en deux actions : la première, dotée de 2,8 milliards d'euros, est principalement destinée au régime de solidarité d'indemnisation du chômage ; la seconde finance l'aide à l'emploi des publics fragiles, via les contrats aidés.
Le troisième programme, doté de 4,4 milliards d'euros et intitulé « Accompagnement des mutations sociales, économiques et démographiques », est également scindé en deux actions. La première est consacrée, pour l'essentiel, au financement des préretraites : les crédits sont en recul, car le recours aux préretraites est devenu plus coûteux pour les entreprises, en particulier depuis la loi Fillon de 2003. La deuxième action rassemble des crédits consacrés au financement de la formation professionnelle, pour un montant de 3,8 milliards d'euros.
Les deux derniers programmes sont de dimension plus restreinte. Le programme 4, « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail », accorde 82 millions d'euros au financement d'actions en matière de santé et de sécurité au travail, au fonctionnement des juridictions prud'homales et au soutien de l'Etat au développement de la négociation collective. Le programme 5 est un programme « Support », qui rassemble des moyens d'appui nécessaires à la conduite de l'ensemble des politiques du travail et de l'emploi. Il est pourvu de 724 millions d'euros, qui servent surtout à rémunérer les 11.000 agents que compte le ministère de l'emploi au niveau central et déconcentré.
Après cette présentation, M. Louis Souvet, rapporteur pour avis, a souligné qu'une grande partie du débat budgétaire se concentrera, à l'avenir, sur l'analyse des indicateurs de performance dont le choix est globalement pertinent et qui doivent permettre de mesurer l'efficacité des crédits. Il est encore difficile d'en tirer des conclusions, dans la mesure où beaucoup d'indicateurs ne sont pas renseignés ou le sont seulement sur une année ou deux. La ventilation des crédits entre les programmes pourrait d'ailleurs être affinée : le premier programme, qui aurait dû accueillir les 19 milliards d'euros consacrés à la compensation de l'allégement Fillon, pourrait être regroupé avec d'autres ; certains crédits du programme « Support » pourraient peut-être aussi être répartis entre les différents programmes qu'ils permettent de mettre en oeuvre.
Sur un plan plus politique enfin, il a estimé que ce projet de budget pour 2006 permet de poursuivre, dans de bonnes conditions, le financement des grandes orientations de la politique gouvernementale : le plan de cohésion sociale, le plan de développement des services à la personne et le plan d'urgence pour l'emploi se déroulent selon les délais prévus et ne souffrent pas de la rigueur budgétaire qu'impose la situation de nos finances publiques.
Puis M. Louis Souvet, rapporteur pour avis, a présenté les deux articles rattachés aux crédits de la mission.
L'article 91 propose de reconduire en 2006 l'aide à l'emploi dans les secteurs de l'hôtellerie, des cafés et de la restauration, qui doit normalement arriver à expiration au 31 décembre 2005. Compte tenu du gisement considérable d'emplois que représentent ces secteurs, il a jugé raisonnable de maintenir cette aide à l'emploi l'année prochaine, en souhaitant qu'elle fasse prochainement l'objet d'une évaluation.
L'article 92 propose d'élargir les compétences du fonds de solidarité, qui finance les allocations du régime d'indemnisation du chômage dit « de solidarité », notamment l'allocation spéciale de solidarité (ASS). Il est proposé de l'autoriser à verser l'allocation que doivent recevoir les titulaires d'un contrat « nouvelles embauches » dont le contrat arrive à échéance avant qu'ils n'aient pu acquérir des droits à l'assurance chômage, ainsi que les aides auxquelles ont droit les employeurs qui ont conclu un contrat d'avenir ou un CI-RMA, lorsqu'elle prend la forme d'une activation de l'ASS perçue par les titulaires de ces contrats.
Constatant que les deux modifications proposées au régime de ce fonds consistent à tirer les conséquences de mesures déjà approuvées par la commission, M. Louis Souvet, rapporteur pour avis, a considéré que leur adoption ne devrait pas poser de difficultés. Il a donc proposé à la commission d'approuver ce projet de budget pour 2006 ainsi que les articles 91 et 92 qui y sont rattachés.
M. Roland Muzeau a regretté que les modifications fréquentes du périmètre de ce budget rendent difficiles les comparaisons d'une année sur l'autre, même s'il a déclaré prendre acte des déclarations rassurantes du rapporteur. Il a indiqué que le montant des dépenses fiscales décidées dans le cadre de la politique de l'emploi s'élève, selon lui, à 22 milliards d'euros, pour un volume de création d'emplois vraisemblablement très modeste. Il a souligné que la France continue à perdre des emplois industriels et s'est indigné du montant de la rémunération des patrons du CAC 40 qui, bien qu'elle s'inscrive en baisse par rapport à 2005, est encore en moyenne de 5,6 millions d'euros par an et dénuée de lien avec la performance de l'entreprise qu'ils dirigent.
Il a souhaité savoir combien d'emplois ont été créés dans le secteur des hôtels, cafés et restaurants, et à quel coût, depuis la mise en place de l'aide à l'emploi.
Il a ensuite considéré que la politique suivie par l'ancien ministre du travail, François Fillon, consistant à supprimer des emplois aidés dans le secteur non marchand, s'était soldée par un échec, contraignant le Gouvernement à revenir sur cette orientation.
Il a enfin regretté que le temps de parole alloué aux groupes pendant le débat en séance publique soit trop réduit pour leur permettre de développer complètement leurs analyses.
M. Alain Gournac a lui aussi souhaité disposer d'une évaluation des effets de l'aide à l'emploi dans les secteurs de l'hôtellerie, des cafés et de la restauration. Il s'est réjoui de la mobilisation des services de l'ANPE, estimant notamment que l'organisation d'un entretien mensuel avec les demandeurs d'emploi améliorera leurs chances de retour à l'emploi. Il a rappelé les difficultés que connaissent les jeunes, même diplômés, pour s'insérer sur le marché du travail et a soutenu la priorité, confirmée par ce projet de budget, que le Gouvernement accorde à la lutte contre le chômage.
M. Guy Fischer a regretté à son tour que la modification du périmètre du budget rende difficile l'appréciation de l'évolution exacte des crédits. Il s'est dit étonné par l'insistance du rapporteur sur la nécessité de concentrer, à l'avenir, la discussion budgétaire sur l'analyse des indicateurs de performance. Concernant l'Unedic, il a déploré qu'il soit envisagé de diminuer la durée et le montant de l'indemnisation des chômeurs. Il a enfin rappelé que les femmes connaissent des difficultés particulières d'insertion sur le marché du travail, de même que les jeunes, dont le taux de chômage est le double de la moyenne nationale et peut atteindre 50 % dans les quartiers les plus déshérités.
Mme Gélita Hoarau a apporté un éclairage sur la situation économique et sociale difficile de la Réunion. Elle a indiqué que le conseil des ministres en charge de l'agriculture doit décider prochainement, à Bruxelles, d'une baisse de 35 % du prix du sucre, qui fera l'objet d'une compensation partielle, prélude à une diminution qui devrait atteindre 60 % au total. Or, 15.000 familles vivent de l'agriculture dans ce département et cette décision va durement toucher la filière canne, alors même que la filière banane est déjà menacée. A son sens, une véritable catastrophe économique, sociale et écologique est à redouter.
La Réunion connaît le plus fort taux de chômage et la plus forte proportion de titulaires du revenu minimum d'insertion (RMI) de tous les départements français et elle est également confrontée à une grave crise du logement, qui pourrait justifier l'adoption d'une loi spécifique sur le logement outre-mer.
Elle a, en conséquence, souhaité que s'engage un débat sans concession sur le bilan des politiques d'emploi et a fait part de la perplexité des élus de la Réunion sur les moyens à mettre en oeuvre pour surmonter ces graves problèmes économiques et sociaux, auxquels le présent projet de budget n'apporte pas de réponse satisfaisante.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis, a indiqué à Mme Gélita Hoarau que les problèmes sectoriels qu'elle évoque excèdent le cadre de son rapport et l'a invitée à interroger également sur ce thème le rapporteur pour avis de la mission « Outre-mer », Mme Anne-Marie Payet. Soulignant le dynamisme de la création d'entreprises à la Réunion, il a rappelé que le fort taux de natalité de cette île entraîne une augmentation rapide de la population active qui rend plus difficile la baisse du taux de chômage.
En réponse à MM. Roland Muzeau et Alain Gournac, il a cité les données figurant dans les documents budgétaires, qui indiquent que le nombre de salariés dans le secteur de la restauration, évalué à 803.000 en 2004, devrait atteindre 850.000 en 2006, selon les prévisions du Gouvernement. Il a également rappelé que les partenaires sociaux avaient décidé, par voie conventionnelle, la suppression du « SMIC hôtelier » et l'attribution de jours de congés supplémentaires aux salariés de ces secteurs, ce qui montre que l'aide à l'emploi s'est accompagnée d'une amélioration des conditions offertes aux salariés.
En réponse à M. Guy Fischer, il s'est dit effectivement très attaché au suivi des indicateurs de performance et a estimé que le Parlement devrait avoir le courage de supprimer les dépenses pour l'emploi dont l'efficacité se révèlerait insuffisante.
M. Nicolas About, président, est revenu sur la fiscalisation de la compensation des allégements de charges. Il a approuvé l'initiative de la commission des finances consistant à remplacer le panier de recettes par une fraction de la TVA, jugeant qu'elle permettrait de mieux respecter le principe de la compensation intégrale des allégements de cotisations, et a jugé possible que cette proposition soit finalement adoptée.
La commission a enfin émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi » pour 2006 ainsi qu'aux articles 91 et 92 rattachés.
PJLF pour 2006 - Mission « Outre-mer » - Examen du rapport pour avis
Puis la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de Mme Anne-Marie Payet sur le projet de loi de finances pour 2006 (mission « Outre-mer »).
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, a indiqué que les crédits de la mission « Outre-mer » s'élèvent en 2006 à près de 1,9 milliard d'euros en crédits de paiement et à 2,26 milliards d'euros en autorisations d'engagements. La dotation est stable par rapport à 2005, ce qui est plutôt positif dans le contexte des finances publiques.
En application de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), les crédits sont répartis entre trois programmes. Le programme « Emploi outre-mer » concentre 58 % des crédits. Il comprend deux actions, l'une consacrée à l'abaissement du coût du travail et au dialogue social, l'autre aux mesures d'insertion et aux aides directes à l'emploi. Le programme « Conditions de vie outre-mer » absorbe 22 % de la dotation. Ses crédits sont répartis entre cinq actions dont deux - le logement et les enjeux sanitaires et sociaux - sont du ressort de la commission des affaires sociales. Le programme « Intégration et valorisation de l'outre-mer », dont les objectifs n'entrent pas dans la compétence de la commission, mobilise les 20 % restants.
Ces trois programmes retracent de façon cohérente et très lisible les grandes politiques autour desquelles l'Etat organise son action outre-mer. Ils ne représentent que 17 % de l'effort budgétaire global en faveur de l'outre-mer, qui s'élève à quelque 10 milliards d'euros en 2006, toutes missions ministérielles confondues.
Par ailleurs la dépense fiscale correspondant à la mission « Outre-mer » s'élève en 2006 à près de 2,5 milliards d'euros, contre 2,3 milliards d'euros en 2005. Ce montant était calculé en fonction de la volonté de diminuer les réductions d'impôt sur le revenu spécifiques à l'outre-mer, figurant dans le projet de loi de finances initial, mais l'Assemblée nationale a décidé, sur la proposition du Gouvernement, d'abandonner ce projet.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, a ensuite détaillé les crédits du programme « Emploi outre-mer », qui s'élèvent à 1,11 milliard d'euros. L'effort engagé dans ce domaine semble porter ses fruits, même si le chômage y reste deux fois plus élevé qu'en métropole. En effet, après avoir été ramené à 25,4 % en juin 2002, le taux de chômage moyen des DOM et de Saint-Pierre-et-Miquelon était de 22,9 % en décembre 2004. En 2005, il a encore reculé de 3,2 % dans les DOM, contre 0,8 % en métropole, tandis que l'emploi salarié progressait globalement de 2,4 % dans les DOM, alors qu'il baissait de 0,3 % en métropole.
Le premier volet du programme « Emploi outre-mer » englobe les mesures d'abaissement du coût du travail et d'encouragement au dialogue social. Le projet de loi de finances, dans sa rédaction initiale, lui accordait une enveloppe de 687,6 millions d'euros, en diminution de 8,9 % par rapport à 2005.
Ce premier volet comprend un ensemble de mesures telles que le « Projet initiative jeune - création d'entreprises » ou les primes à la création d'emploi dans les DOM et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Il est cependant, pour l'essentiel, mis en oeuvre par le biais des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale instituées par l'article premier de la loi du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer, et par le biais des exonérations afférentes aux contrats d'accès à l'emploi et aux contrats de retour à l'emploi.
Le Gouvernement avait prévu de recentrer ces dispositifs d'exonération sur les bas salaires, d'où la diminution très sensible du crédit correspondant. Ces modifications devaient en effet conduire à exclure quelque 24.000 salariés du bénéfice des exonérations de cotisations sociales, soit 12 % des effectifs concernés en 2004, ce qui permettait à l'Etat d'envisager l'économie d'environ 195 millions d'euros.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, a estimé que ce projet n'est pas recevable, d'abord parce que la lutte pour l'emploi enregistre outre-mer des résultats positifs, ensuite parce que la loi de programme de juillet 2003 a prévu une première évaluation des mécanismes d'exonération en 2006, enfin parce que le calcul du taux de croissance de l'emploi salarié dans les secteurs exonérés de cotisations sociales, qui figure au nombre des indicateurs de performance du programme, permettra de mesurer prochainement l'efficacité des dispositifs d'exonération. Il apparaît logique de disposer de ces informations avant de songer à des « reciblages » remettant prématurément en cause la parole donnée par l'Etat en juillet 2003.
Aussi est-il heureux que l'Assemblée nationale ait supprimé, sur la proposition du Gouvernement, l'article 73 du projet de loi de finances qui opérait les « reciblages » d'exonérations de cotisations.
Le second volet du programme « Emploi outre-mer » retrace les mesures d'insertion et les aides directes à l'emploi. Il devrait mobiliser 421,7 millions d'euros en 2006, ce qui représente une progression de 2,7 % par rapport à l'année précédente.
Ces mesures sont ciblées sur l'insertion professionnelle des demandeurs d'emploi les plus fragiles : jeunes, chômeurs de longue durée et bénéficiaires du RMI. A côté des aides à la qualification professionnelle, qui bénéficieront de 19,4 millions d'euros l'an prochain, et des dépenses liées au service militaire adapté, qui devraient atteindre 90,9 millions d'euros, les aides directes à l'emploi dans les secteurs marchand et non marchand absorbent l'essentiel de ces crédits.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, a indiqué que, dans le secteur marchand, le contrat d'accès à l'emploi (CAE), principale mesure en vigueur, bénéficiera de 4,1 millions d'euros. Il sera complété, en application de la loi de programmation pour la cohésion sociale, par un CAE non marchand pour lequel 28,6 millions d'euros pourraient être dépensés l'an prochain. Les CAE, dont les trois quarts sont signés dans des entreprises de moins de dix salariés, sont de plus en plus utilisés : 4.709 ont été signés en 2003, puis 5.014 en 2004 et probablement près de 5.500 le seront en 2005.
Dans le secteur non marchand, les contrats emploi-solidarité (CES) en cours bénéficieront en 2006 de 18,6 millions d'euros avant de prendre fin, tandis que les contrats d'emploi consolidé (CEC) seront financés à hauteur de 29,8 millions d'euros.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, a rappelé ensuite que le service militaire adapté qui s'adresse essentiellement aux jeunes ultramarins en situation d'échec scolaire, permet chaque année à quelque 3.000 volontaires âgés de dix-huit à vingt-six ans de recevoir une formation professionnelle et civique. Très populaire auprès des jeunes et des employeurs, il obtient un taux de placement global de 70 %.
En 2005, la hausse des crédits n'avait été que de 1,5 % alors que les infrastructures et le matériel utilisés étaient de plus en plus vétustes. Il est donc particulièrement satisfaisant qu'une augmentation de 7,5 % de la dotation soit prévue en 2006 : 7,2 millions d'euros sont destinés à la remise aux normes des infrastructures, 1,7 million d'euros serviront au renouvellement du parc d'engins de travaux publics ou de véhicules-écoles.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, abordant ensuite les crédits du logement, maintenus à 173 millions d'euros en 2006, a estimé que, dans un contexte budgétaire difficile, cette stabilité est appréciable et devrait permettre de poursuivre l'effort de construction et de rénovation nécessaire.
La situation outre-mer est en effet difficile dans le secteur du logement. Si les programmations annuelles de logements neufs et d'amélioration de l'habitat demeurent élevées - 10.000 logements ont fait chaque année l'objet d'une décision de financement entre 1999 et 2002 dans les quatre DOM - les réalisations s'essoufflent depuis cinq ans. Dans le secteur HLM, le nombre de logements livrés est passé de 2.400 à 1.400 entre 1999 et 2004 et les mises en chantier de logements locatifs sociaux ont été d'un millier seulement.
Ces chiffres témoignent d'une crise de la construction du logement social dans une zone encore marquée par l'insalubrité de l'habitat. Par ailleurs, l'offre foncière, de plus en plus rare, et la viabilisation, de plus en plus coûteuse, n'arrangent pas la situation.
Dans le cadre des priorités de 2006, les projets de construction et d'amélioration de logements locatifs sociaux bénéficieront de 135,1 millions d'euros en autorisations d'engagements et 43,8 millions d'euros permettront, dans le cadre des transferts aux collectivités locales, de lutter contre l'habitat insalubre dans les DOM, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte. Par ailleurs, les autorisations d'engagements accordées au titre des transferts aux ménages, qui s'élèveront à 91 millions d'euros, permettront de financer des dispositifs d'accession à la propriété à hauteur de 48,3 millions d'euros, pour un total de 2.100 logements, ainsi que la réalisation de travaux d'amélioration de l'habitat privé à hauteur de 39,3 millions d'euros, pour un total de 2.620 logements.
Le rapporteur pour avis a indiqué que ce panorama budgétaire était assez satisfaisant. Cependant, la gestion budgétaire des crédits du logement pose, en raison des gels de crédits, le problème récurrent des retards de paiements aux constructeurs. Ceux-ci avoisineraient actuellement 100 millions d'euros. Or ces retards ont des répercussions sur les mises en chantier et sur l'économie du secteur de la construction, qui joue un rôle important pour l'emploi outre-mer. Un dégel de 40 millions d'euros a été décidé, a dit le ministre lors de son audition du 19 octobre dernier par la commission des affaires sociales. Au-delà de cette nécessaire rectification, il apparaît cependant que, seule, une programmation pluriannuelle des crédits permettrait de surmonter les difficultés que connaît l'action de l'Etat dans ce secteur.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, a poursuivi sa présentation en évoquant le dossier de la défiscalisation. L'article 61 du projet de loi de finances plafonne la réduction d'impôt sur le revenu accordée aux contribuables domiciliés en France, pour les investissements qu'ils réalisent outre-mer, en application de la loi de programme pour l'outre-mer. L'évaluation de ce dispositif, prévue par l'article 38 de la loi de programme, fournira l'an prochain les éléments d'appréciation nécessaires à tout débat concernant une éventuelle modification.
En définitive, les crédits 2006 de la mission « Outre-mer » traduisent la pérennité d'un engagement de l'Etat traditionnellement important. La suppression par l'Assemblée nationale, à la demande du Gouvernement, des deux articles du projet de loi de finances revenant sur des éléments cruciaux de la loi de programmation pour l'outre-mer, montrent que le ministre de l'outre-mer a su convaincre le Premier ministre de la nécessité d'assurer la stabilité et la cohérence de l'action de l'Etat dans ce domaine. En fonction de ces éléments, elle a invité la commission à donner un avis favorable à l'adoption des crédits 2006 de la mission « Outre-mer ».
M. Alain Gournac a rappelé qu'une délégation de la commission, partie en mission l'été dernier à Mayotte et à la Réunion, a constaté l'ampleur des besoins et, par voie de conséquence, la nécessité d'évaluer régulièrement la bonne utilisation des crédits budgétaires. Le projet de budget de la mission « Outre-mer » incline à la satisfaction sur plusieurs points. En matière de logement, il permettra de faire face à des difficultés dont la mission de la commission a mesuré la portée à Mayotte. Les gels de crédits jouent à cet égard un rôle particulièrement néfaste : il est fâcheux que les entrepreneurs qui ont effectué un travail ne soient pas payés pour ces motifs. Il est donc nécessaire d'obtenir du Gouvernement des progrès sur ce point.
Par ailleurs, l'immigration clandestine accentue les problèmes de logement, c'est pourquoi il convient de se réjouir de la mise en place d'une commission sénatoriale d'enquête sur ce phénomène. En outre, le Sénat a adopté, à l'occasion de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, un amendement déplafonnant les allocations familiales à Mayotte qui a été confirmé en commission mixte paritaire et qui constitue une amélioration bienvenue de la situation des familles mahoraises. Enfin, le service militaire adapté marche bien et l'outre-mer fournit à la métropole, avec lui, l'exemple remarquable d'un dispositif populaire et efficace.
M. Louis Souvet s'est joint aux remarques de M. Alain Gournac, insistant sur l'intérêt du service militaire adapté, qui récupère les jeunes les plus désocialisés afin de les former et de les resocialiser. La métropole s'est utilement inspirée de cette expérience.
En réponse, Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :
- il est vrai que le chômage reste important à la Réunion, la démographie en est largement responsable. En effet, les créations d'emploi sont plus importantes dans l'île qu'en métropole et le chômage a diminué ces dernières années ;
- la Réunion comporte de nombreuses poches d'habitat insalubre, en partie du fait de l'immigration mahoraise, provoquée en autres causes par le retard du système scolaire et par le caractère restrictif du régime des allocations familiales. Il faut espérer que le déplafonnement de celles-ci va entrer en vigueur dès 2006 ;
- le service militaire adapté peut effectivement servir d'exemple. Sa transposition en métropole fait cependant abstraction de son caractère militaire, qui contribue pourtant de façon déterminante à sa réussite.
Le commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2006.
Mercredi 23 novembre 2005
- Présidence de M. Nicolas About, président -
PJLF pour 2006 - Mission « Solidarité et intégration » - Examen du rapport pour avis
La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Paul Blanc sur le projet de loi de finances pour 2006 (mission « Solidarité et intégration »).
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a tout d'abord rappelé que les crédits de la mission « Solidarité et intégration » pour 2006, en hausse de 3,5 % par rapport à 2005, s'élèvent à 12,2 milliards d'euros et sont répartis en sept programmes. Ils s'articulent autour de deux priorités : la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale et l'application de la loi « handicap » du 11 février 2005.
Conformément aux objectifs fixés par le plan de cohésion sociale, les engagements de l'Etat en faveur de l'inclusion sociale seront honorés. Le premier se rapporte à l'accueil des publics en difficulté, grâce à la création de nouvelles places d'hébergement : 500 places seront créées dans les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), 1.500 dans les maisons relais et 2.000, au lieu de 1.000 initialement prévues, dans les centres d'accueil des demandeurs d'asile (Cada). Le rapporteur pour avis s'est toutefois inquiété de l'engorgement des dispositifs temporaires d'accueil et d'urgence dû à l'allongement anormal des durées de séjour et à la présence accrue des demandeurs d'asile, qui représentent jusqu'à 25 % des personnes accueillies en CHRS.
Concernant l'accueil des étrangers, une réforme des aides accordées aux demandeurs d'asile est entreprise afin de privilégier l'hébergement plutôt que le versement d'une aide en espèces. Ainsi, l'allocation d'insertion, rebaptisée allocation temporaire d'attente, sera désormais versée uniquement pendant la durée de l'instruction de la demande d'asile et les personnes hébergées, ou ayant refusé un hébergement, en Cada ne pourront plus la percevoir. Par ailleurs, un dispositif expérimental d'aide au retour volontaire a été mis en place, depuis le 1er septembre 2005, dans vingt et un départements, pour inciter les étrangers en situation irrégulière à quitter le territoire national. Enfin, les mesures nouvelles en faveur des rapatriés instaurées par la loi du 23 juillet 2005 entrent en vigueur : il s'agit de l'allocation de reconnaissance destinée aux Harkis et aux veuves originaires d'Afrique du nord, dont le montant et les modalités de versement ont été révisés, du désendettement des rapatriés réinstallés, du prolongement jusqu'en 2009 du plan « Harkis » d'aide au logement et de la restitution des sommes prélevées sur les certificats d'indemnisation pour un total de 180 millions d'euros en 2006.
Le deuxième objectif vise à favoriser un égal accès aux soins. M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a souligné l'importance des réformes proposées pour la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et l'aide médicale d'Etat (AME), dont les conditions de versement ont été révisées. Pour 2006, la contribution de l'Etat au financement de la CMU-C s'élève à 323,5 millions d'euros, soit une diminution de plus de 50 %, due à la prise en charge accrue de l'assurance maladie, tandis qu'elle est reconduite au même niveau pour l'AME pour un montant de 233 millions d'euros. Il est malheureusement à craindre que la sous-dotation de l'AME et de la CMU-C ne se traduise par un transfert de charges vers l'assurance maladie, où s'accumule déjà une dette importante.
Le troisième objectif vise à favoriser l'accueil et l'intégration des étrangers grâce à la mise en oeuvre du contrat d'accueil et d'intégration dont la montée en charge a été d'une rapidité exceptionnelle, puisqu'on comptait près de 82.000 contrats signés au mois d'août 2005. M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, s'est réjoui de ce succès en appelant de ses voeux une généralisation rapide du dispositif sur l'ensemble du territoire avant la fin de l'année 2006.
Il a ensuite dressé un premier bilan de la gestion du revenu minimum d'insertion (RMI) et du revenu minimum d'activité (RMA), deux ans après leur transfert aux départements. Constatant l'augmentation de 9 % du nombre de bénéficiaires du RMI en 2004, qui a occasionné pour les départements un surcoût de 430 millions d'euros, non compensé par l'Etat, il s'est montré favorable à une compensation intégrale, effective et rapide de ces dépenses.
Il s'est par ailleurs interrogé sur l'efficacité des dispositifs favorisant le retour à l'activité, le contrat d'insertion RMA (CI-RMA) ayant connu un très lent démarrage, malgré les aménagements dont il a fait l'objet. Sur plus d'un million de titulaires du RMI, seules 2.200 personnes avaient signé un CI-RMA à la fin du mois d'octobre dernier. Cette situation justifie la réflexion engagée par le groupe de travail « minima sociaux », constitué par la commission, qui entend harmoniser les conditions de versement des minima sociaux et des droits connexes sans décourager les bénéficiaires à reprendre une activité.
Abordant ensuite la question de la politique du handicap, M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a indiqué que les crédits qui y sont consacrés au sein de la mission « Solidarité et intégration » s'élèvent à 7,8 milliards d'euros, mais qu'ils ne représentent pas l'intégralité de la dépense publique dans ce domaine, puisque celle-ci se monte à plus de 43 milliards d'euros.
S'agissant des dépenses d'allocation aux adultes handicapés (AAH), il a fait part de ses réserves quant à la fiabilité des hypothèses qui en déterminent le montant pour 2006, car elles tablent sur une quasi-stabilité du nombre des bénéficiaires, alors que le rythme moyen de progression des années passées s'est élevé à 2,5 %. Il a mis en doute le fait que les mesures pour l'emploi des personnes handicapées prévues dans le cadre de la loi « Handicap » puissent avoir un effet positif aussi sensible dès 2006.
Il a, en outre, estimé la prise en compte de l'impact de la réforme de l'AAH trop partielle, les 90 millions d'euros prévus ne couvrant qu'une partie des innovations de la loi « Handicap ».
Puis le rapporteur pour avis a souligné que 2006 sera la première année de mise en oeuvre de la prestation de compensation du handicap : 1,1 milliard d'euros y seront consacrés, soit 600 millions d'euros apportés par les départements et 500 millions d'euros mis à la charge de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).
Il a évoqué une hypothèse de progression du nombre de bénéficiaires par rapport à l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) de l'ordre de 15 %, du fait de la suppression de la condition de ressources, ce chiffre constituant toutefois une hypothèse basse.
En conséquence, la CNSA financera l'élargissement du nombre de bénéficiaires et l'amélioration de la prise en charge pour les personnes les plus lourdement handicapées, mais sa contribution sera insuffisante pour permettre une élévation générale du montant moyen de prise en charge dans les autres cas, sauf à ce que les départements consentent un effort supplémentaire par rapport aux crédits qu'ils consacrent aujourd'hui à l'ACTP.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a ensuite regretté que l'Etat reste en retrait sur la question de la compensation, soulignant notamment que sa participation au fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et aux fonds départementaux de compensation correspondrait à une simple reconduction des moyens antérieurement consacrés aux sites pour la vie autonome. Or, ce manque de mobilisation risque de décourager les efforts des autres financeurs extralégaux.
Il a également fait état, pour la deuxième année consécutive, d'une pause dans l'effort de l'Etat en faveur de la création de postes d'auxiliaires de vie, l'intégralité de l'effort en faveur du développement de l'offre de services à domicile incombant donc cette année encore à l'assurance maladie.
L'action de l'Etat en matière de compensation du handicap se concentre en fait sur le développement de l'offre de compensation collective, à travers la création de 2.500 places supplémentaires en centres d'aide par le travail (CAT). A ce sujet, il s'est félicité de la reprise, par le budget de l'Etat, du financement des 3.000 places créées l'an passé et dont le financement avait été transféré à la CNSA. Cet effort vient compléter celui de l'assurance maladie et de la CNSA en faveur des maisons d'accueil spécialisé (MAS) et des foyers d'accueil médicalisé (FAM) : 1.800 places nouvelles sont prévues en 2006, pour un montant total de 407 millions d'euros.
Abordant enfin la question des moyens consacrés au développement de la participation des personnes handicapées à la vie de la cité, M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a souligné les progrès autorisés par le projet de budget pour 2006 en matière d'intégration scolaire des enfants handicapés. L'éducation nationale financera, en 2006, 5.837 assistants d'éducation occupant des fonctions d'auxiliaire de vie scolaire (AVS) et l'offre de places en services d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) continuera de se développer, grâce à la création de 1.250 nouvelles places. Cette politique a déjà produit d'excellents résultats, puisque la scolarisation en milieu ordinaire a progressé, en deux ans, de 30 % à l'école primaire et de 70 % dans le secondaire.
Pour ce qui concerne l'emploi des personnes handicapées, il a rappelé que la loi « Handicap » assujettit, à compter de 2006, les employeurs publics à une contribution au nouveau fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique lorsqu'ils ne respectent pas le taux d'emploi de 6 % fixé par la loi.
Or l'article 80 du projet de loi de finances autorise l'éducation nationale à déduire de sa contribution à ce fonds les sommes qu'elle consacrera au financement des auxiliaires de vie scolaire. Le rapporteur pour avis a vigoureusement dénoncé cette mesure, qui aurait pour effet de l'exonérer purement et simplement de toute contribution jusqu'en 2009 et, au delà, de réduire considérablement son effort financier. Estimant qu'elle contredit l'esprit de la loi « Handicap », il a annoncé son intention de déposer un amendement de suppression de cet article, auquel les membres de la commission peuvent s'associer s'ils le souhaitent.
Sous cette réserve, il a proposé à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité et intégration » pour 2006.
Mme Bernadette Dupont a fait part de la perplexité que lui inspirent certains mouvements contradictoires de crédits : ceux consacrés à l'accompagnement des familles diminuent, tandis que ceux relatifs à la protection de l'enfance augmentent, sans raison apparente. Elle a considéré que les études et statistiques ne nécessitaient pas une dotation si importante. Elle a par ailleurs regretté les lenteurs de mise en oeuvre de la loi « Handicap » du 11 février 2005.
Mme Janine Rozier a fait valoir que la volonté personnelle et le désir d'intégration des personnes immigrées elles-mêmes sont essentiels pour que les moyens financiers déployés par l'Etat pour faciliter leur accueil soient efficacement utilisés.
Mme Raymonde Le Texier a exprimé sa déception face à un projet de budget qui ne correspond pas, en l'état, à son titre de « Solidarité et intégration ». Elle a dit son inquiétude sur le problème de l'allongement des durées de séjour en CHRS, qui ne pourra être résolu qu'en créant davantage de logements sociaux offrant un hébergement durable, sans lequel la réinsertion des personnes en difficulté est excessivement difficile. Elle s'est également interrogée sur l'efficacité à attendre de la nouvelle aide au retour volontaire, considérant que la question financière n'est pas seule en cause. Elle a déploré les modifications apportées aux conditions de versement de la CMU-C et de l'AME, estimant que les économies attendues sont dérisoires comparées aux conséquences humaines d'un accès plus difficile aux soins. Regrettant l'absence de mesures en faveur du développement des services d'auxiliaire de vie, elle a souligné la nécessité de rester vigilant sur la mise en oeuvre de la loi « Handicap ». Si l'augmentation d'un tiers, à la rentrée 2005, du nombre d'élèves handicapés bénéficiant des services d'un auxiliaire de vie scolaire est un point positif, plusieurs centaines de dossiers d'intégration scolaire restent en attente de solution dans son département. Elle a enfin contesté le maintien des crédits alloués à la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) au niveau qu'ils avaient l'an dernier, ce qui risque de pénaliser le développement de son activité.
M. Nicolas About, président, a rappelé que la HALDE n'a été mise en place qu'en 2005, qu'elle n'a pas utilisé tous les crédits dont elle disposait cette année et que son activité ne devrait atteindre sa pleine ampleur qu'en 2006.
M. Guy Fischer a d'abord estimé que l'augmentation de 3,5 % des crédits en 2006 ne permet pas de faire face à l'acuité des défis que soulève le domaine de la solidarité. Il a fait le constat que la solidarité nationale trouve ses limites lorsque l'Etat en transfère la charge à l'assurance maladie. Il s'est également inquiété de l'engorgement des CHRS, qui résulte de l'allongement de la durée moyenne de séjour.
Il a souligné les risques de sous-estimations des moyens nécessaires à la mise en oeuvre de la loi « Handicap ». Il a rappelé l'opposition du groupe communiste républicain et citoyen à la création de la CNSA et il a fait part de l'inquiétude des départements quant au coût de la prestation de compensation.
M. André Lardeux s'est interrogé sur le montant des crédits consacrés à la HALDE, estimant qu'ils sont supérieurs à ce qui était initialement prévu. Il s'est également inquiété de la charge excessive que devrait représenter la gestion du RMI et du RMA pour les départements, la dépense étant estimée pour 2005 à un milliard d'euros, soit une somme bien supérieure à la compensation prévue par la loi. S'agissant enfin des maisons départementales des personnes handicapées, il a souligné qu'en dépit des engagements pris, l'Etat semble réticent à mettre ses personnels à leur disposition.
M. Alain Vasselle a regretté que l'Etat se défausse systématiquement sur la sécurité sociale et les collectivités territoriales du financement de la politique de solidarité. Il a souhaité l'engagement d'une réflexion sur les politiques menées en faveur de la solidarité afin de recentrer les missions de l'Etat sur les actions essentielles, car sans cette réflexion, le dérapage des finances publiques sera inévitable. Il a demandé à ce que le ministre vienne faire le point, devant la commission, sur l'état d'avancement de l'élaboration des décrets d'application de la loi « Handicap ». Il a ensuite dénoncé une utilisation des excédents de la CNSA peu conforme à sa mission, estimant que le financement des unités de long séjour doit rester de la compétence de l'assurance maladie. Il a enfin regretté qu'aucune mesure ne soit prise pour mettre fin à la maltraitance que constituent, pour certaines personnes handicapées accueillies en établissement, les restrictions aux retours en famille qui ne sont motivées que par des considérations financières qu'il a souvent dénoncées, sans succès.
M. Nicolas About, président, a donné son accord sur l'organisation prochaine d'une audition du ministre sur le thème des décrets d'application de la loi « Handicap ».
M. Alain Gournac a rappelé que l'esprit de la nouvelle loi de finances n'est pas de s'attacher à l'évolution des crédits affectés à chaque mission, mais de s'interroger sur l'efficacité et la pertinence des mesures prises et de la satisfaction qu'elle procure à leurs bénéficiaires. De ce point de vue, il lui semble que le budget qui a été présenté comporte des avancées positives telles que la création de nouvelles places en Cada et le financement des nouvelles mesures en faveur des rapatriés. Il a également salué l'innovation que constitue la prestation de compensation du handicap. Enfin, il s'est interrogé sur les raisons du relatif échec du CI-RMA et a suggéré de sonder le Gouvernement sur ce point.
Il s'est enfin déclaré prêt à s'associer à l'amendement du rapporteur tendant à supprimer l'article 80 du projet de loi de finances.
M. Jean-Pierre Godefroy s'est interrogé sur le non-respect des délais prévus pour la publication des décrets d'application de la loi « Handicap » et il a appuyé la demande d'une audition du ministre à ce sujet. Il a par ailleurs déploré les conditions dans lesquelles allait se dérouler le débat budgétaire, qui limite le temps de parole des groupes politiques à cinq minutes, ce qui paraît insuffisant pour les missions budgétaires mobilisant des crédits importants.
Mme Marie-Thérèse Hermange a souligné l'effort particulier de ce budget en faveur de l'accueil des étrangers, dont les crédits ont augmenté de 61 % par rapport à 2005. Elle a également voulu savoir ce que recouvrent les actions intitulées « Soutien des administrations sanitaires et sociales » et « Pilotage de la sécurité sociale ».
Mme Valérie Létard a abondé dans le sens du rapporteur pour avis en rappelant l'importance de la dissociation des publics accueillis en CHRS et en Cada. Elle a rappelé que la réflexion engagée par le groupe de travail « minima sociaux » doit être conduite dans la sérénité, afin de permettre d'appréhender dans son ensemble la réforme du système de minima sociaux et des droits connexes, toute réponse précipitée ou partielle risquant de déboucher sur une déception.
Répondant à l'ensemble des intervenants, M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a d'abord souligné qu'on ne pourra consacrer davantage de moyens financiers à la solidarité qu'en travaillant plus et plus longtemps. Pour faire face aux besoins, il serait dans doute nécessaire d'imposer deux journées de solidarité au lieu d'une.
A Mme Bernadette Dupont, et s'agissant de l'accompagnement des familles, il a expliqué que la diminution des crédits de l'Etat est compensée par une participation accrue de la branche famille. La hausse des crédits consacrés à la protection de l'enfant est due à un soutien renforcé au service national d'appel téléphonique de l'enfance maltraitée (SNATEM) et à l'aide au démarrage de la nouvelle Agence française de l'adoption. Par ailleurs, l'augmentation des crédits d'études et de statistiques sera notamment consacrée à améliorer l'information disponible sur la situation des bénéficiaires de minima sociaux, ce qui répond d'ailleurs à l'attente exprimée par la commission à l'occasion du rapport qu'elle a établi sur les minima sociaux.
En réponse à Mme Raymonde Le Texier, il a indiqué, d'une part, que 20 millions d'euros sont consacrés à la couverture des soins d'urgence pour les personnes qui n'ont pas accès à l'AME, d'autre part, que les trois mois de résidence minimale exigés pour y être éligible ont pour but de limiter le tourisme médical, ce qui permettra de rationaliser le système et d'en améliorer l'équité et l'efficacité. Concernant l'hébergement en CHRS, il a déclaré partager son inquiétude, tout en se montrant optimiste sur les réponses que l'on peut apporter. En effet, la création de nouvelles places en Cada et la réduction de la durée d'instruction des demandes devraient permettre de libérer au moins 15 % des places occupées en CHRS. De plus, on peut espérer que la création de nouveaux logements sociaux, grâce aux mesures prises dans le cadre du projet de loi « Engagement national pour le logement » et du plan de cohésion sociale, améliorera la fluidité du passage entre l'hébergement d'urgence et le parc social.
Il a abondé dans le sens de Mme Janine Rozier en soulignant que le succès du CAI est aussi le fait de la volonté des personnes immigrées qui ont choisi d'apprendre la langue française et les principes de notre République. Il a rappelé que 90 % des personnes à qui le CAI a été proposé, ont accepté de le signer librement.
En réponse à M. Guy Fischer, il a rappelé que l'esprit de la LOLF consiste à apprécier le contenu des actions financées, et non pas seulement l'augmentation des moyens mis en oeuvre. Il a de plus estimé que la hausse de 3,5 % des crédits, appliquée à un montant initial de plus de 10 milliards d'euros, n'est pas négligeable.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a ensuite indiqué que les décrets d'application de la loi « Handicap » sur l'AAH et sur les maisons départementales sont déjà parus et que les départements ont même déjà pu bénéficier du financement de la CNSA pour l'installation de ces maisons. La procédure d'examen des décrets d'application devant le Conseil national consultatif des personnes handicapées se déroule dans de très bonnes conditions et les associations sont satisfaites, tant sur le contenu des décrets que sur le calendrier de leur examen.
Il a enfin précisé que le programme « soutien des politiques sanitaires et sociales » regroupe les crédits de fonctionnement de l'administration centrale, hors personnel, et que leur diminution va dans le sens d'une rationalisation bienvenue de la dépense publique. Les crédits de l'action « pilotage de la sécurité sociale » concernent les dépenses de personnel de la Direction de la sécurité sociale et des directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS).
La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité et intégration » pour 2006 ainsi qu'aux articles 88 et 89 qui lui sont rattachés.
PJLF pour 2006 - Mission « Régimes sociaux et de retraite » - Examen du rapport pour avis
La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Dominique Leclerc sur le projet de loi de finances pour 2006 (mission « Régimes sociaux et de retraite »).
M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, a indiqué que la création de cette nouvelle mission consacrée aux « Régimes sociaux et de retraite » résulte de la mise en oeuvre de la LOLF. Elle constitue un progrès en permettant de mieux connaître les principaux régimes spéciaux de retraite qui font encore figure, soixante ans après la création de la sécurité sociale, de monde à part au sein de l'assurance vieillesse.
L'exigence de transparence réclamée par les Français requiert de faire le point sur les retraites de la société nationale des chemins de fer français (SNCF), de la régie autonome des transports parisiens (RATP), des marins, des mines, mais aussi sur celles moins connues des routiers. En effet, ces régimes spéciaux n'ont pas été concernés par les réformes des retraites de 1993 et de 2003, alors que les personnels des trois fonctions publiques participent désormais à l'effort entrepris pour préserver le régime d'assurance vieillesse français.
Cette nouvelle mission budgétaire présente une synthèse utile et accessible de la nature et de l'ampleur du soutien financier accordé par l'Etat à ces systèmes de retraite. Le contrôle parlementaire s'en trouvera facilité à la suite de la réflexion déjà engagée par la commission des affaires sociales dans le cadre tracé par la nouvelle loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, a observé que cette mission présente un ensemble hétérogène de régimes de retraite, selon des thèmes dénués de cohérence d'ensemble : ceux-ci regroupent la pénibilité du travail des routiers, la compensation des déséquilibres démographiques des grands régimes spéciaux et le financement de la mise en extinction de plusieurs petits régimes spéciaux, pour la plupart très anciens.
Il a souligné la large diffusion des mécanismes de préretraite des routiers du secteur privé : plus de 7.700 personnes, âgées de cinquante-cinq à soixante ans, se trouvaient ainsi en congé de fin d'activité au 31 décembre 2004, soit l'équivalent de 38 % des conducteurs en activité de la tranche d'âge considérée. Certes, ces départs précoces entraînent l'embauche d'un jeune conducteur sur trois, mais ils sont très coûteux (74 millions d'euros en 2006) et incompatibles avec l'esprit de la réforme des retraites de 2003.
Après avoir noté que les déséquilibres démographiques des systèmes de retraite de la SNCF, de la RATP, des marins et des mines figurent au coeur des trois programmes de la nouvelle mission, il a considéré que les besoins de financement correspondants ne constituent pas une surprise, dans la mesure où la pérennité de ces régimes n'est assurée depuis longtemps que par la mise à contribution, sous plusieurs formes, de la solidarité nationale. Ainsi en 2005, la SNCF versera 4,6 milliards d'euros de prestations vieillesse, alors que le produit des cotisations ne dépassera pas 1,7 milliard d'euros, ce qui nécessitera une participation de l'Etat, pour 2,5 milliards d'euros, et 400 millions d'euros supplémentaires au titre de la compensation démographique.
M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, a estimé que les spécificités de ces régimes spéciaux expliquent précisément leur insuffisance structurelle de financement. L'âge moyen de départ en retraite n'est ainsi que de 53 ans et demi à la RATP, de 54 ans et quatre mois à la SNCF et de 57 ans et sept mois pour les marins, sans compter les bonifications d'annuité qui dépassent, en moyenne, trois ans à la SNCF et cinq ans à la RATP.
Ces avantages ont un coût, dont la présente mission fixe l'étiage : 374 millions pour la RATP et 675 millions pour les marins. Dans ce dernier cas, toutefois, l'importance du soutien de la puissance publique prête moins à discussion, dans la mesure où les prestations versées apparaissent relativement proches de celles des régimes de droit commun, sauf sur le plan de la cessation précoce d'activité.
Pour ce qui concerne la mise en extinction des petits régimes spéciaux, il a souligné combien les systèmes de retraite s'inscrivent dans une perspective de très long terme, en prenant l'exemple de la société d'exploitation industrielle des tabacs et des allumettes (SEITA) : ce régime, bien que mis en extinction en 1981, coûte encore plus de 120 millions d'euros par an au budget de l'Etat.
Enfin, il a considéré que les versements réalisés par l'Etat au profit du régime des mines (680 millions par an) apparaissent justifiés tant pour des raisons sociales que démographiques et il a déploré que les mineurs et leurs ayants droit ne touchent que de faibles retraites.
Puis M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, a jugé que si la présente mission apparaît comme une innovation utile, les indicateurs choisis mériteraient d'être améliorés et complétés. Ils privilégient, pour l'heure, la gestion courante, c'est-à-dire environ 2 % des dépenses totales : c'est le cas de l'indicateur du pourcentage des pensions payées dans le mois suivant l'échéance de la pension, que l'on espère au demeurant le plus élevé possible, du taux de recouvrement des cotisations ou du coût unitaire de traitement d'un dossier de départ en retraite. Ces éléments sont certes intéressants, mais l'essentiel est ailleurs, par exemple dans une meilleure connaissance des engagements de retraite à long terme et dans des données sur l'âge et la situation des retraités des régimes spéciaux. Or, la volonté manque parfois pour se livrer à cet exercice et, seuls, quelques régimes publient ces informations, pourtant indispensables au pilotage à long terme des retraites : c'est le cas de la RATP, qui chiffre le montant de ses engagements de retraite à 21 milliards d'euros.
Grâce à ses propres pouvoirs de contrôle, la commission des affaires sociales est parvenue à obtenir ces données pour la SNCF (103 milliards d'euros), les marins (38 milliards) et les mines (25 milliards), mais elles mériteraient d'être davantage analysées, notamment en décomposant les engagements de retraite entre les droits de base, c'est-à-dire la part correspondant à la prestation versée par le régime général, et les avantages spécifiques propres à ces régimes spéciaux. Il conviendrait enfin que les hypothèses de projection et le mode de calcul de ces estimations soient explicités et que des indicateurs pertinents soient ajoutés en matière d'âge de départ à la retraite et de durée moyenne de perception des prestations vieillesse, par comparaison avec ceux des autres régimes.
M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, a estimé qu'au-delà de ces considérations strictement financières, il convient de s'interroger sur l'avenir des régimes spéciaux qui sont restés à l'écart de la réforme, en 2003 comme en 1993.
Dès lors qu'en 2003 les trois fonctions publiques ont été elles-mêmes réformées, cette question ne doit plus être taboue. A défaut, les ressortissants des régimes spéciaux risqueraient d'être isolés au sein du corps social et de plus en plus sujets à l'examen critique d'une opinion publique contestant la légitimité des exceptions par rapport au droit commun.
Pour éviter de faire naître des conflits entre les générations et entre les différentes catégories d'assurés sociaux, au détriment des plus jeunes, il convient d'engager la réflexion sur les modalités d'une intégration progressive de ces régimes spéciaux dans le régime général en les fermant aux nouveaux entrants, mais sans remettre en cause les droits acquis dans le passé.
Avant de conclure, M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, a indiqué que l'examen de cette mission donne aussi l'occasion d'aborder à nouveau la question des majorations de pension outre-mer du régime spécial des fonctionnaires. En effet, en vertu des décrets du 10 septembre 1952 et du 24 décembre 1954, les retraités, titulaires d'une pension civile ou militaire de l'Etat, résidant à la Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna bénéficient d'une majoration de pension variant entre 35 % et 75 %.
En avril 2003, la Cour des comptes avait procédé à une analyse très critique de ce dispositif et souligné le caractère « quasi impossible » de son contrôle, plaidant ainsi pour sa suppression pure et simple, d'autant que l'avantage moyen s'établit entre 10.000 et 15.000 euros par an, non imposables à la CSG et la CRDS.
Sans aller jusqu'à cette extrémité, M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il déposera un amendement pour aménager ce dispositif, dans l'esprit de la réforme des retraites de 2003 et sans aucune animosité vis-à-vis de l'outre-mer.
Cet amendement reprend une initiative similaire de la commission des finances en 2003, puis du président Nicolas About lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, et il fait suite à l'audition de Mme Brigitte Girardin, alors ministre de l'outre-mer, organisée le 6 avril 2005 conjointement avec la commission des finances.
Il propose de modifier les conditions d'attribution, pour les seuls nouveaux bénéficiaires à compter du 1er janvier 2006, en n'accordant de majoration de retraite qu'aux fonctionnaires ayant passé dans ces territoires les cinq dernières années de leur carrière et en plafonnant cet avantage à 20 % de la pension, conformément aux travaux de l'Insee qui ont estimé ce montant à l'écart du coût de la vie avec la métropole. L'objectif est d'éviter que certains métropolitains ne profitent de l'absence de contrôle en bénéficiant d'une pension majorée sans pour autant résider réellement outre-mer.
Au terme de son propos, il a souhaité que les économies ainsi réalisées permettent de dégager des moyens nouveaux pour satisfaire les besoins sociaux de l'outre-mer.
Après avoir rappelé que cette question a déjà été abordée à plusieurs reprises au cours des dernières années dans les débats parlementaires, Mme Anne-Marie Payet a indiqué qu'elle n'est pas favorable à cet amendement : une telle réforme ne peut avoir lieu « sur le dos de l'outre-mer ». Si les élus des territoires ultramarins ne sont pas opposés par principe à une remise à plat de ces dispositions, il convient de l'entreprendre en concertation avec tous les acteurs et d'y associer les organisations syndicales, les parlementaires et l'Etat. Il faut également tenir compte de la grande fragilité du tissu économique de ces territoires et analyser au préalable l'impact potentiel d'une telle réforme, ce qui nécessite une évaluation précise du niveau général des prix outre-mer, qui fait encore défaut. On ne dispose en effet que d'indications partielles, comme celles de l'association Union fédérale des consommateurs - Que choisir, faisant état d'un écart de prix de 53 % avec la métropole, et même de 70 % pour des produits courants comme le dentifrice.
Elle a suggéré à la commission, plutôt que d'adopter cet amendement, de se prononcer en faveur de la mise en place d'un observatoire des prix. Elle a également proposé, d'une part, d'étendre aux autres territoires les règles d'assujettissement à la CSG et à la CRDS en vigueur à la Réunion, d'autre part, d'intensifier les contrôles pour éviter que des métropolitains ne bénéficient de la mesure en se prévalant d'une adresse outre-mer, mais sans remplir la condition de résidence effective.
Elle a souhaité qu'une mission parlementaire fasse d'abord le point, en toute objectivité, sur les questions posées par cet amendement plutôt que de se lancer dans une démarche qui est de nature à susciter des débats passionnés.
M. Nicolas About, président, a rappelé qu'il a déposé, sans succès, l'an dernier un amendement similaire à celui proposé par le rapporteur pour avis et que son sort aurait peut-être été plus favorable s'il avait choisi de plafonner cet avantage à 35 %, c'est-à-dire le taux applicable notamment à la Réunion.
M. Guy Fischer a indiqué que l'exposé du rapporteur illustre sa volonté d'aborder de front le dossier de l'avenir des régimes spéciaux. Il a vivement contesté que l'on puisse utiliser le mot de « privilèges » pour qualifier les spécificités de ces systèmes de retraite, qui correspondent, pour ces assurés sociaux, à un acquis social qui doit être garanti. Gardant le souvenir de l'audition de Mme Brigitte Girardin, il a retrouvé la même détermination pour ce qui concerne la question des majorations de retraites outre-mer et a considéré que la question des inégalités de traitement au titre de l'assurance vieillesse mérite que soit engagé un débat sérieux et approfondi.
Il a pris acte de la position du rapporteur consistant à proposer de fermer aux nouveaux entrants l'accès aux régimes spéciaux et indiqué qu'il sera particulièrement vigilant sur ce dossier. Il s'est inquiété du risque d'une remise en cause des acquis sociaux, mais aussi de la perspective de voir baisser le taux de remplacement des pensions, augmenter les taux de cotisation et allonger la durée de cotisation.
M. Claude Domeizel a souligné que le financement des différents régimes spéciaux est assuré non seulement par le biais de subventions de l'Etat, mais aussi grâce aux mécanismes de compensation démographique et de surcompensation, qui ne sont pas retracés dans les documents budgétaires. Il a réservé son opinion sur l'amendement relatif aux pensions outre-mer pour la séance publique, tout en rappelant que les fonctionnaires locaux des territoires ultramarins, dont plus de 80 % sont des contractuels, se trouvent dans une situation souvent défavorable.
Mme Catherine Procaccia s'est inquiétée des perspectives financières des régimes spéciaux et de l'iniquité que constitue leur absence de réforme, au regard de tous les autres assurés sociaux. Elle a apporté son soutien à l'amendement proposé par le rapporteur pour avis, tout en considérant que les mesures préconisées par Mme Anne-Marie Payet peuvent être mises en oeuvre parallèlement. Elle a noté au surplus que le mécanisme actuel des majorations de pension fait apparaître de grandes différences entre les territoires pour des raisons sans doute historiques, mais non explicites.
En conclusion, M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, a considéré que le taux de remplacement, c'est-à-dire la part du dernier salaire d'activité à laquelle équivaut la pension de retraite, sera le paramètre essentiel des prochaines étapes de la réforme des retraites. Il a rappelé les difficultés rencontrées par la commission pour obtenir des estimations du niveau des engagements à long terme des régimes spéciaux et estimé qu'il serait en conséquence très utile de leur donner une valeur d'indicateur de référence dans la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Il a estimé, enfin, que la rédaction équilibrée de cet amendement constitue une solution raisonnable pour régler le problème des majorations de pension outre-mer, qui fait l'objet de vives critiques de la Cour des comptes.
La commission a ensuite adopté l'amendement proposé par son rapporteur.
Enfin, elle a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » pour 2006.
M. Nicolas About, président, a pris acte de ce vote et a invité Mme Anne-Marie Payet à présenter également ses propres propositions sous la forme d'amendements.