Travaux de la commission des affaires sociales



Mercredi 5 octobre 2005

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Programme de travail de la commission - Communication

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a d'abord entendu une communication de son président sur la présentation du programme de travail de la commission.

M. Nicolas About, président, a présenté les grandes lignes du programme de travail de la commission pour la fin de l'année. Il a signalé qu'en absence de projet de loi inscrit à son ordre du jour immédiat, la commission pourra, cette année, se consacrer pleinement à la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 dont l'examen commencera en séance publique le lundi 14 novembre pour une semaine. Cette situation est d'autant plus favorable que la loi organique relative aux lois de financement votée en juillet 2005 a considérablement accru le volume potentiel de ce texte. L'observation suivant laquelle elle constitue une avancée dans l'information du Parlement sur le budget social de la Nation a d'ailleurs été faite par le Président du Sénat lui-même lors de l'ouverture de la session le 1er octobre dernier.

Hormis les projets de loi de financement de la sécurité sociale et de loi de finances pour 2006, le programme législatif de la commission devrait comporter la seconde lecture du texte relatif à l'égalité salariale entre les hommes et les femmes et, probablement, un avis sur le projet de loi anciennement intitulé « habitat pour tous » mais qui devrait avoir pour titre désormais « engagement national en faveur du logement ».

Par ailleurs, la commission poursuivra les travaux de contrôle qu'elle a engagés avant l'été. Outre le rapport consacré à la lutte contre l'obésité que présentera prochainement M. Gérard Dériot dans le cadre de l'OPEPS, il a rappelé la constitution du groupe de travail « minima sociaux » présidé par Mme Valérie Létard et de la mission d'information relative à la mise sur le marché et au suivi des médicaments, présidée par M. Gilbert Barbier.

Pour ce qui concerne l'OPEPS, M. Nicolas About, président, a signalé le lancement, pour 2006, d'une étude consacrée aux maladies nosocomiales dont l'appel d'offre est en cours, conformément à la réglementation des marchés publics.

Enfin, deux autres sujets devront être traités au cours des toutes prochaines semaines : le rapport de la mission qui s'est rendue, en septembre dernier, à la Réunion et à Mayotte et la mise en place de la MECSS, la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale mentionnée dans la nouvelle loi organique. Dans cette perspective, il a annoncé la réunion, dès la semaine prochaine, du Bureau de la commission pour définir ensemble les modalités de fonctionnement de cette nouvelle structure.

M. Guy Fischer a rappelé l'intérêt qu'il porte aux travaux consacrés aux minima sociaux et a souhaité que l'ordre du jour de la commission évite, autant que possible, les chevauchements d'agenda qui l'empêcheraient d'être présent aux réunions de ce groupe de travail.

M. Gilbert Barbier a rappelé qu'il est désormais rapporteur pour avis de la nouvelle mission « sécurité sanitaire » qui figure dans le projet de loi de finances pour 2006 en vertu de la loi organique relative aux lois de finances. Or, cette mission comprend deux programmes distincts : si le premier, qui concerne les structures de veille sanitaire, entre à l'évidence dans le champ de compétences de la commission, le second traite exclusivement de questions vétérinaires qui relèvent plutôt du domaine de la commission des Affaires économiques. Il a souhaité avoir l'accord de la commission pour concentrer son rapport sur la seule première partie de cette mission.

M. Nicolas About, président, après avoir consulté la commission sur ce point, a conclu au bien-fondé de cette demande.

M. Alain Gournac a souhaité que l'examen du projet de loi de finances pour 2006 soit l'occasion de présenter au ministre en charge de l'outre-mer les propositions des commissaires membres de la mission qui s'est rendue à la Réunion et à Mayotte.

Réforme de l'assurance maladie - Communication

Puis la commission a entendu une communication de M. Alain Vasselle sur la réforme de l'assurance maladie.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a précisé qu'il n'entre pas dans ses intentions d'évaluer l'ensemble de la réforme de l'assurance maladie votée l'an dernier, ce qui serait prématuré vu l'ampleur et la complexité des dispositifs qu'il fallait mettre en oeuvre dans ce laps de temps si court.

Son ambition se limite à faire le point sur les trois aspects originaux de cette réforme qui distinguent la loi du 13 août 2004 des nombreux plans de sauvegarde de la sécurité sociale adoptés durant les trente années qui l'ont précédée : le parcours de soins, la coordination des interventions du régime obligatoire et des régimes complémentaires d'assurance maladie et la création des agences régionales de santé.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a rappelé que le parcours de soins constitue la mesure phare de la réforme, et ce, à un double titre : d'abord en raison de son rôle dans l'optimisation et la coordination des soins, ensuite parce que c'est à travers ce dispositif, dont l'application relève de la négociation conventionnelle, que les pouvoirs publics se sont attachés à convaincre les professionnels de santé de s'approprier la réforme.

Le renouveau du dialogue conventionnel a été rendu possible par l'adaptation des règles régissant les négociations entre les professionnels de santé et l'assurance maladie. Il a également résulté de la volonté des parties d'assurer effectivement les missions confiées par les pouvoirs publics, parmi lesquelles figurait la définition des différentes étapes du parcours de soins.

Conclue le 12 janvier 2005, publiée au Journal Officiel un mois plus tard, la convention régissant les rapports entre les médecins et l'assurance maladie s'est fixé des objectifs ambitieux : elle a défini les missions du médecin traitant ; elle a précisé le rôle du médecin correspondant, c'est-à-dire celui qui intervient à la demande du médecin traitant ; elle a aussi encadré les règles d'accès spécifiques au parcours de soins applicables aux consultations en urgence ou celles requises lorsque le patient est en déplacement ainsi que l'accès à certaines spécialités, comme l'ophtalmologie ou la gynécologie.

Ces différentes étapes du parcours de soins sont accompagnées d'une valorisation financière suivant une grille tarifaire complexe qui prévoit notamment une rémunération spécifique forfaitaire versée au médecin traitant d'un patient atteint d'une affection de longue durée, la majoration de coordination de deux euros par acte pour les médecins correspondants ou encore l'instauration d'un tarif spécifique pour un avis ponctuel de consultant. La convention précise également les conditions dans lesquelles les médecins sont autorisés à utiliser le droit au dépassement reconnu par la loi pour les consultations effectuées en dehors du parcours de soins. Un spécialiste peut ainsi fixer le montant de sa consultation à 32 euros au lieu de 25 euros.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a précisé que le parcours de soins ainsi défini est entré en vigueur le 1er juillet 2005. Sa mise en oeuvre n'a pas soulevé de difficultés particulières, d'autant plus que la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) a déjà reçu plus de vingt millions de formulaires de désignation d'un médecin traitant, sur les trente huit millions qu'elle a envoyés. Toutefois, il a souligné que les mesures de régulation qui doivent encadrer l'accès au parcours de soins ne sont que partiellement entrées en vigueur et les nouvelles règles de remboursement ne seront sans doute pas applicables avant le 1er janvier prochain. Ces règles concernent la participation de l'usager aux dépenses prises en charge par l'assurance maladie obligatoire et les dépenses qui peuvent être remboursées par les régimes complémentaires. Selon le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, elles devraient se traduire par un reste à charge de 10 euros pour un assuré consultant un médecin spécialiste en dehors du parcours de soins, soit environ un tiers du prix de la consultation.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a indiqué que la convention fait également le pari de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé et fixe des objectifs de réduction des dépenses en contrepartie des nouveaux tarifs de consultation accordés aux médecins. Pour l'année 2005, la convention a retenu un objectif de 998 millions d'euros d'économies qui suppose un infléchissement des prescriptions d'antibiotiques, d'anxiolytiques et de statines, une diminution des arrêts de travail et un meilleur respect de la réglementation relative à l'ordonnancier bizone pour les affections de longue durée. Les médecins ont été invités à redoubler d'efforts pour atteindre ces objectifs, sachant que 600 millions d'économies seraient déjà réalisées en 2005.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a ensuite abordé le deuxième élément de la réforme qui concerne l'articulation des interventions du régime obligatoire et des régimes complémentaires d'assurance maladie. Dans ce domaine, la loi est intervenue sur trois plans différents en instituant l'Union nationale des organismes complémentaires d'assurance maladie (UNOCAM), en créant une nouvelle catégorie de contrats d'assurance santé complémentaire, les « contrats responsables », et en instaurant un crédit d'impôt.

Ce crédit d'impôt a été mis en place dès le 1er janvier 2005 et s'applique déjà à plus de 260.000 bénéficiaires. Il se présente sous la forme d'une aide à la souscription d'une assurance maladie complémentaire d'un montant compris entre 75 et 250 euros suivant les situations individuelles, pour des personnes dont le revenu mensuel se situe entre 587 et 675 euros. Le coût de cette mesure est pris en charge par l'assurance maladie. Un crédit de 75 millions d'euros est prévu pour 2005 et, à terme, 250 millions d'euros pourraient s'avérer nécessaires.

Les nouveaux contrats responsables ont pour objectif de favoriser, grâce à des incitations fiscales accordées aux organismes complémentaires, une meilleure prise en charge globale des assurés dans le cadre d'un objectif de santé publique, tout en les incitant à respecter un parcours de soins vertueux. La loi du 13 août 2004 établit le cahier des charges de ces contrats qui ne prennent en charge qu'une partie des dépenses effectuées hors parcours de soins.

Toutefois, le décret indispensable à la commercialisation des contrats responsables n'a été publié que le 30 septembre dernier et le retard dans la coordination des interventions des régimes complémentaires produira des effets négatifs sur la responsabilisation des assurés qui ne sont, pour l'instant, soumis à aucune pénalité en cas de non-respect du parcours de soins.

Puis M. Alain Vasselle, rapporteur, a indiqué que la coordination entre régimes obligatoire et complémentaire d'assurance maladie sera améliorée grâce à la création de l'UNOCAM. Installée depuis le mois de juin 2005, cette structure constitue, avec l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) et l'Union nationale des professions de santé, le socle de la nouvelle gouvernance de la sécurité sociale. Elle rassemble les représentants des trois principales familles d'assureurs complémentaires : les mutuelles, les assureurs et les institutions de prévoyance.

Les compétences attribuées à l'UNOCAM permettront la participation des assureurs complémentaires à la gestion du système de soins à travers un dialogue régulier avec l'UNCAM pour optimiser l'intervention de chacun des régimes et éviter les effets déresponsabilisants provoqués par l'actuelle absence de coordination : tel est le cas, par exemple, lorsque le ticket modérateur imposé par le régime obligatoire est pris intégralement en charge par le régime complémentaire.

Les effets de cette nouvelle collaboration entre régime obligatoire et régimes complémentaires ne peuvent pas encore être mesurés, puisque l'UNOCAM n'était pas constituée au moment où s'est conclue la négociation conventionnelle entre l'UNCAM et les médecins, mais les négociations conventionnelles en cours avec les chirurgiens-dentistes seront peut-être l'occasion de l'apprécier.

Le dernier pan de la réforme sur lequel M. Alain Vasselle, rapporteur, a souhaité attirer l'attention de la commission est relatif aux agences régionales de santé. Il a rappelé que, durant le seul mois d'août 2004, trois lois ont réformé l'échelon sanitaire régional : la loi relative à la politique de santé publique, celle relative aux libertés et responsabilités locales et celle relative à l'assurance maladie, ce dernier texte disposant en outre qu'une expérimentation des futures agences régionales de santé devait débuter un an au plus tard après sa promulgation.

Un consensus semble se dégager sur la nécessité de rationaliser l'échelon sanitaire régional, qui se caractérise par une multiplicité d'acteurs et un enchevêtrement de compétences. Or la création d'agences régionales de santé ne résoudra pas, à elle seule, tous les problèmes et il serait pertinent d'entreprendre une démarche comportant deux étapes :

- tout d'abord, identifier les structures régionales qui seraient conservées en propre par les grands acteurs du système de santé que sont l'État et l'assurance maladie, car l'agence régionale de santé n'a pas vocation à rassembler tous les acteurs au sein d'une structure unique ;

- puis regrouper les structures présentant des synergies évidentes pour former le noyau des futures agences régionales de santé.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a jugé que le lancement de l'expérimentation annoncée doit également être précédé d'une réflexion approfondie sur la place de chacune de ses composantes : État, conseils régionaux, assurance maladie. Cette réflexion est attendue par les intéressés, notamment par les conseils régionaux susceptibles de se porter candidat à l'expérimentation.

Il a estimé que la définition de la place réservée aux conseils régionaux est l'enjeu majeur de cette expérimentation. La participation du conseil régional mettra fin au paritarisme strict État - assurance maladie qui caractérise aujourd'hui la composition de la commission exécutive de l'agence régionale d'hospitalisation. L'apparition d'un troisième partenaire à part entière influera sur les votes et réduira les pouvoirs du directeur de l'agence régionale, qui dispose aujourd'hui d'une voix prépondérante.

Il a considéré que, si la légitimité du conseil régional à intervenir sur les questions de répartition de l'offre de soins est indiscutable, les limites de sa capacité financière d'intervention font qu'il ne devrait pas pouvoir, dans le cadre de cette expérimentation, exiger d'assurer la direction de l'agence, mais se limiter plutôt à un magistère d'influence.

Il a expliqué que l'assurance maladie, partenaire obligé de l'échelon sanitaire régional, se trouve également dans l'expectative et a émis des propositions pour être mieux associée au fonctionnement des agences régionales de santé, notamment sur les questions budgétaires. Des propositions pourraient être faites dans ce sens à l'occasion du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a conclu en estimant qu'il est indispensable de soutenir et d'aiguillonner le Gouvernement, les partenaires sociaux et les assureurs complémentaires pour que les aspects les plus innovants de la réforme soient activés dans leur intégralité.

M. Guy Fischer a regretté que le rapporteur passe sous silence les conclusions de la commission des comptes de la sécurité sociale. Il a constaté que le déficit cumulé de la sécurité sociale atteint cette année 15 milliards d'euros et a fait part de ses craintes que cette situation ne se traduise par un transfert de charges des régimes de base vers les assureurs privés. Il a estimé qu'à l'heure actuelle, les assurés sociaux sont les seuls à supporter le coût de la réforme.

Il a ajouté, à l'appui de ce constat, que l'avant-projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 alourdit la charge pesant sur les assurés avec l'instauration d'un forfait de 18 euros pour les actes dont le montant est supérieur à 91 euros. Il a regretté que les membres du groupe communiste républicain et citoyen ne soient pas associés au colloque que le Sénat organise pour célébrer les soixante ans de la sécurité sociale.

M. Nicolas About, président, a précisé sur ce point que la commission des affaires sociales n'est pas l'organisatrice de cette manifestation.

M. Alain Gournac a fait valoir que la réforme de l'assurance maladie va bien dans le sens d'une plus grande responsabilisation des assurés et qu'elle était la seule à même de sauver la sécurité sociale. Abordant la question de la création des agences régionales de santé, il a insisté sur la nécessité de mettre en oeuvre une véritable collaboration entre les responsables de l'échelon sanitaire régional et les élus.

M. Gilbert Barbier s'est déclaré favorable à l'intégration des directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS) au sein des agences régionales de santé.

M. Claude Domeizel a partagé l'idée du rapporteur selon laquelle on ne dispose pas encore du recul nécessaire pour se livrer à une évaluation complète de la réforme de l'assurance maladie. Il a souligné que, pour la première fois, toutes les branches de la sécurité sociale sont déficitaires. Il s'est interrogé sur la volonté du Gouvernement de maintenir son objectif de rétablissement des comptes de la sécurité sociale dès 2007. Il a rappelé que l'équilibre financier de la sécurité sociale ne peut être rétabli sans une amélioration de la situation de l'emploi.

Mme Marie-Thérèse Hermange s'est prononcée en faveur d'un effort important de simplification de l'échelon régional de santé. Elle a estimé que la création des agences régionales de santé doit être mise à profit pour rationaliser l'échelon sanitaire régional et pour supprimer les structures redondantes. Elle a souhaité qu'une réflexion analogue soit engagée sur les structures sanitaires au niveau national.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a souligné que la discussion sur les comptes de la sécurité sociale trouvera naturellement sa place à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 et que tel n'est pas l'objectif de son propos.

Il a rappelé qu'avec la réforme de la loi organique, le Parlement sera désormais amené à examiner la situation financière de la sécurité dans un cadre pluriannuel.

Il a précisé que sa réflexion sur les agences régionales de santé n'est pas arrivée à son terme et qu'il souhaite poursuivre ses travaux et connaître les réflexions de ces collègues sur le sujet.

Enfin, il a souligné que le Gouvernement n'a pas abandonné son objectif de retour à l'équilibre des comptes pour 2007.

A l'issue de cette communication, la commission a autorisé sa publication sous la forme d'un rapport d'information.

Lutte contre le bioterrorisme Cour des comptes - Audition de MM. Philippe Seguin, Premier président, Bernard Cieutat, président de la 6e chambre, Bernard Candiard et Denis Morin, conseillers maîtres

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de MM. Philippe Seguin, Premier président, Bernard Cieutat, président de la 6e chambre, Bernard Candiard et Denis Morin, conseillers maîtres de la Cour des comptes, sur les dispositifs de lutte contre le bioterrorisme.

M. Nicolas About, président, a rappelé le contexte dans lequel la commission des affaires sociales avait été conduite à demander à la Cour une enquête sur l'utilisation du fonds Biotox affecté à la lutte contre les agressions biologiques et bactériologiques. Il a indiqué que ce fonds avait été institué par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, donc créé juste après les événements tragiques du 11 septembre 2001. Le Conseil constitutionnel, saisi de cette question, avait validé la création de ce fonds financé en grande partie par la Caisse nationale d'assurance maladie, en raison de son lien incontestable avec la sécurité sociale, mais il avait précisé que la méthode devait rester exceptionnelle.

Or, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, et ceux qui ont suivi, ont reconduit le principe de l'abondement de ce fonds. Le rapporteur de la commission pour les équilibres des finances sociales, M. Alain Vasselle, avait alors observé qu'on pouvait voir dans la persistance de ce fonds l'existence d'un transfert des charges de l'État, au titre de ses responsabilités régaliennes, vers l'assurance maladie. Pour ces motifs, la commission avait demandé à la Cour des comptes son expertise sur l'utilisation de ces fonds en novembre 2003. Ce sont les conclusions de cette enquête qui sont aujourd'hui présentées.

En raison de la sensibilité du sujet, couvert par la confidentialité-défense, M. Nicolas About, président, a précisé que l'audition de la Cour des comptes ne pourra faire l'objet d'un compte rendu.

Dans sa restitution orale détaillée du rapport de la Cour des comptes, M. Philippe Seguin, Premier président de la Cour des comptes, a insisté sur l'enjeu de la lutte contre le bioterrorisme, sur ses aspects financiers et sur le rôle de la Cour des comptes dans la mise en oeuvre et l'évaluation de ce programme.

Jeudi 6 octobre 2005

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Grippe aviaire - Audition de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités

La commission a procédé àl'audition de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, sur les risques d'épidémie de grippe aviaire.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a indiqué que la persistance et l'extension de l'épizootie et les cas observés de transmission de l'animal à l'homme font craindre désormais la survenance d'une pandémie grippale humaine. Il a rappelé que, depuis le début de l'année 2004, des foyers de grippe aviaire de type H5N1 sont apparus dans les élevages de volailles d'une dizaine de pays asiatiques, puis se sont propagés récemment à la Mongolie, au Kazakhstan et à la Russie Orientale.

Cette situation soulève de réels motifs d'inquiétude pour la santé humaine, car l'épizootie n'est pas maîtrisée, s'étend plus rapidement que prévu et atteint désormais non seulement les animaux domestiques, mais également les oiseaux sauvages, réduisant d'autant les chances de maîtrise, y compris par des mesures d'abattage. En outre, le virus est devenu plus virulent et tue des espèces d'oiseaux habituellement résistantes, ainsi que certains mammifères comme les civettes et les chats. Il a provoqué chez l'homme de graves infections, notamment plusieurs épisodes groupés de cas familiaux, même si aucun cas avéré de transmission interhumaine n'a été mis en évidence à ce jour. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 118 cas de contamination humaine ont été confirmés, dont 59 malades sont décédés.

Les scientifiques considèrent que le virus peut devenir transmissible d'homme à homme s'il présente une série de mutations génétiques ou un réassortiment du virus aviaire avec le virus humain de la grippe saisonnière. Il pourrait alors occasionner une pandémie, comme en 1918, en 1958 et en 1968, qui se propagerait selon deux scénarios : soit une extension de l'épizootie à la France puis une transmission secondaire de l'oiseau à l'homme, avec un risque d'infection interhumaine en cas de mutation ou de réassortiment, soit l'introduction du virus en France par une personne infectée.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a indiqué que, face au risque avéré, le Gouvernement a élaboré un plan « pandémie grippale » dès le début de l'année 2004. Ce plan distingue une phase prépandémique « initiale » pendant laquelle le virus H5N1 peut se transmettre de l'animal à l'homme, puis « intermédiaire » avec une transmission limitée d'homme à homme, et une phase pandémique, correspondant à la propagation rapide et massive du virus. Selon l'Institut de veille sanitaire (InVS), cette seconde phase pourrait toucher de 9 à 21 millions de personnes en France et provoquer 91.000 à 212.000 décès, si aucune action ne devait être entreprise pour contrôler l'expansion de la maladie.

Pendant la phase prépandémique, l'objectif est d'abord d'éviter l'introduction du virus par le biais d'animaux infectés ou de personnes contaminées puis, si cela s'avère impossible, de retarder sa diffusion. Ainsi, pour prévenir l'épizootie, les importations d'oiseaux de volière, de compagnie ou destinés à des concours ainsi que de volailles vivantes, d'oeufs à couver et de porcs vivants en provenance des pays touchés seront interdites et la surveillance des oiseaux migrateurs susceptibles de contaminer les élevages renforcée. En cas d'échec de ces mesures et de propagation de l'épizootie en France, il est prévu de stopper la diffusion du virus chez les volailles, de restreindre les possibilités d'exposition de l'homme et de recommander des mesures de protection des professionnels. De même, le contrôle sanitaire dans les plates-formes aéroportuaires internationales sera renforcé en veillant à l'information des voyageurs et au contrôle du fret ; des cellules médicales seront constituées pour la détection et la prise en charge des cas suspects.

Pendant la phase pandémique, l'objectif est de limiter le nombre de contaminations par des mesures de réduction des contacts sociaux (fermeture des écoles, arrêt des transports collectifs, suspension des rassemblements) et d'organiser la prise en charge d'un nombre important de patients, grâce à une information adaptée des professionnels de santé et de la population, en privilégiant les soins ambulatoires sauf pour les cas les plus graves.

Puis M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a exposé les trois moyens existant pour lutter contre la pandémie :

- les masques de protection individuelle pour les professionnels en contact avec les malades (masques à la norme FFP2) et les masques anti-projection portés par les malades pour protéger leur entourage ;

- les médicaments anti-viraux : le Tamiflu (ozeltamivir) en gélules et le Relenza (zanamivir) en spray, dont le niveau d'efficacité est identique, sous cette réserve que la présentation en spray pose davantage de problèmes de stockage et d'utilisation ;

- le vaccin prépandémique fabriqué à partir du virus aviaire H5N1 actuel ; un vaccin « pandémique » ne pourra bien évidemment être fabriqué qu'après isolement du virus une fois muté ou réassorti.

Dès la fin de l'année 2004, le ministère de la santé a commandé 13,8 millions de traitements antiviraux (Tamiflu), a lancé en février 2005 un appel d'offres pour l'acquisition de 2 millions de doses de vaccin prépandémique H5N1 et a réservé 40 millions de doses de vaccin pandémique à fabriquer en cas de crise sanitaire. En outre, un premier stock de 50 millions de masques de protection FFP2 est en cours de livraison dans les hôpitaux.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a observé que l'exercice national d'intervention effectué le 30 juin 2005 a confirmé l'importance de quatre éléments essentiels de ce plan « grippe aviaire » : la mise en oeuvre d'une stratégie d'information adaptée à chaque étape de la crise, fondée sur la transparence et la responsabilisation ; la formation des responsables politiques, administratifs, professionnels et associatifs ; la prise en charge des ressortissants français à l'étranger ; la coopération et la mobilisation européennes et internationales.

Il a ajouté que des mesures d'information ont été mises en oeuvre, notamment la distribution de plaquettes aux passagers des vols directs des zones affectées et l'affichage fixe et électronique dans les terminaux, et un projet de spots d'information à diffuser dans les aéroports et les avions en cas de crise doit aboutir d'ici à la fin de l'année. Pour ce faire, il est prévu de renforcer le service de contrôle sanitaire aux frontières, qui dépend de la Direction départementale de l'action sanitaire et sociale (DDASS) de la Seine-Saint-Denis et est chargé de vérifier la mise en oeuvre des actions de prévention et de former le personnel aéroportuaire.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a annoncé que le plan qu'il vient de présenter sera actualisé et renforcé à la fin du mois d'octobre en fonction des progrès de l'épizootie en Asie et de l'état des connaissances médicales et scientifiques.

Déjà, plusieurs décisions ont été prises afin d'améliorer le degré de préparation de la France à l'éventualité d'une pandémie, notamment la désignation, le 30 août dernier, d'un délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire, le professeur Didier Houssin, et l'augmentation des réserves de médicaments antiviraux et des moyens de protection individuelle. Ainsi, le stock de 50 millions de masques de protection (FFP2) sera porté à 200 millions d'ici le début de l'année 2006 et une capacité nationale de production de masques sera développée en vue d'assurer, si besoin, l'approvisionnement nécessaire pendant la période de pandémie. En outre, les contrats portant sur la livraison de vaccins contre un virus grippal nouveau sont en cours de modification pour pouvoir assurer la vaccination de toute la population. Enfin, les réserves de médicaments anti-viraux seront portées à un niveau supérieur pour traiter, dans l'attente des vaccins, les personnes atteintes ou directement exposées.

Concernant le financement de ces mesures, il a estimé que leur coût ne doit pas constituer un obstacle à la protection et la prise en charge de tous les Français. Ce financement repose essentiellement sur les crédits de l'assurance maladie, selon des modalités définies dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2006.

Enfin, M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a indiqué qu'un plan de communication est en cours de réalisation afin de préparer l'opinion publique à la possibilité d'une pandémie, en l'informant notamment sur l'état de préparation du pays et sur les mesures de protection individuelle. Les médecins sont associés à cet effort de pédagogie et une campagne de formation de l'ensemble des professionnels de santé est en cours.

Il a considéré que, puisque la France est l'un des pays les mieux préparés selon l'OMS, son devoir est de renforcer la coopération internationale et de proposer son assistance technique aux pays exposés au risque de grippe aviaire, comme l'ont déclaré le Président de la République au directeur général de l'OMS le 31 août et le Premier ministre à l'Assemblée nationale des Nations unies le 14 septembre. En ce sens, il a souhaité le renforcement des structures multilatérales (OMS, Office international des épizooties [OIE], Food and Agriculture organization [FAO]) pour lutter contre l'épizootie dans les pays touchés et le développement des capacités logistiques d'intervention en urgence dans les foyers de départ d'une pandémie. Au niveau de l'Union européenne, la France plaide pour davantage d'entraide entre les Etats membres, en harmonisant les mesures de contrôle aux frontières et en développant les capacités de production communautaire de vaccins pandémiques.

M. Alain Vasselle s'est interrogé sur le bien-fondé de mettre à la charge de la sécurité sociale le financement du plan de lutte contre la grippe aviaire qui relève, à son sens, d'une mission régalienne de l'État. Il a souhaité connaître le niveau de préparation du réseau hospitalier pour intervenir rapidement en cas de pandémie et a demandé si des simulations avaient déjà été réalisées.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a fait valoir qu'il s'agit avant tout d'être efficace en disposant de l'ensemble des moyens financiers nécessaires, soit 600 millions d'euros pour les années 2005 et 2006. Il a ajouté que 2 milliards d'euros supplémentaires avaient été versés aux hôpitaux en 2005 et que 450 millions d'euros seront débloqués mi-octobre. Il n'y a donc pas de pénurie de moyens. Les hôpitaux seront en outre remboursés des achats de masques qu'ils auront effectués. Les « plans blancs » seront adaptés et des exercices de simulation réalisés afin de s'assurer de la mobilisation de l'ensemble des personnels de santé.

Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial de la commission des finances pour la sécurité sanitaire, a souhaité que soient mieux définies et respectées les frontières entre le budget du ministère de la santé et celui de la sécurité sociale. Elle s'est étonnée de ce que l'article 43 de l'avant-projet de loi de financement pour la sécurité sociale pour 2006 ne prévoit que 146 millions d'euros pour le financement du plan contre la grippe aviaire, soit moins que les chiffres avancés par le ministre. Elle a donc demandé si des crédits de l'État compléteraient cette enveloppe.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a rappelé que, selon le souhait du Président de la République, il ne devait y avoir aucun obstacle financier à la mise en oeuvre du plan, quel que soit le mode d'imputation des crédits. A l'occasion de l'actualisation du plan à la fin du mois d'octobre 2005, il conviendra peut-être d'augmenter les crédits initialement prévus.

M. Nicolas About, président, a considéré que la préservation de la santé de la population constitue un objectif supérieur de l'État et que les questions d'imputation budgétaire ne sont que secondaires, même si la mission de la commission des affaires sociales la conduit légitimement à s'en préoccuper.

M. Alain Gournac s'est inquiété de l'éventuelle dissimulation de cas de grippe aviaire dans les pays du sud-est asiatique. Il s'est interrogé sur l'état de préparation de la France si l'épidémie se propageait dès maintenant. Il a demandé quel serait le mode de traitement retenu pour les malades, en ambulatoire ou à l'hôpital, et si des populations prioritaires seraient retenues pour les vaccinations. Il a enfin souhaité que les mairies soient en première ligne pour l'information de la population.

M. Guy Fischer a estimé qu'une information transparente est essentielle. Il a demandé si les laboratoires sont dans la capacité de fournir l'ensemble des stocks de médicaments et de vaccins nécessaires.

MM. Francis Giraud et Bernard Seillier ont demandé si la campagne de vaccination contre la grippe saisonnière doit être renforcée et si elle peut avoir un effet immunologique sur les personnes exposées au risque de grippe aviaire.

Mme Patricia Schillinger asuggéré qu'une journée d'information soit organisée sur la grippe aviaire, notamment pour diffuser les règles de bonne pratique en matière d'hygiène et de prévention.

Compte tenu de l'intérêt suscité par cette audition, M. Nicolas About, président, a proposé à la commission qu'une question orale avec débat soit déposée afin que le ministre puisse exposer à l'ensemble des sénateurs le plan gouvernemental de lutte contre la grippe aviaire. Ce débat pourrait avoir lieu après la mise à jour de ce plan annoncée pour la fin octobre.

Mme Catherine Procaccia a demandé pourquoi la grippe aviaire est considérée par les pouvoirs publics comme plus dangereuse que le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) ou l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), qui n'ont pas fait l'objet d'une telle campagne de prévention.

M. André Lardeux a insisté sur la nécessité de former les agriculteurs, par définition les plus en contact avec la source virale, et de contrôler les élevages.

Mme Sylvie Desmarescaux a demandé si l'achat de masques protecteurs constitue une obligation pour tous les hôpitaux et a rappelé l'importance d'un partenariat entre le ministère de la santé et les collectivités territoriales en matière d'information.

M. Alain Vasselle a souhaité savoir si les oiseaux morts porteurs du virus peuvent être consommés sans danger pour la santé. Par ailleurs, concernant le contrôle des frontières, il a demandé si l'immigration irrégulière présente un risque accru de propagation de l'épidémie.

M. Jean-Pierre Godefroy s'est interrogé sur le délai de réaction des différents acteurs du plan en cas d'épidémie. Il a demandé si des expérimentations seraient menées dans l'ensemble des régions et si les élevages porcins feraient l'objet d'un contrôle particulier.

Mme Marie-Thérèse Hermange a demandé au ministre de veiller à ce que les informations transmises aux médias respectent le principe de transparence sans inquiéter pour autant, de manière déraisonnable, la population.

En réponse à M. Alain Gournac, M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a indiqué que des relais sont prévus dans tous les départements pour s'assurer de la réactivité du plan dès les premiers signes d'épidémie et que les liens avec les maires seront renforcés à l'occasion de la réactualisation du plan à la fin du mois d'octobre. Il l'a assuré du bon état de préparation de la France en indiquant que 5 millions de doses de Tamiflu sont déjà stockés. Il a expliqué que ce médicament est particulièrement efficace s'il est administré dans les 48 heures pour diminuer la durée des symptômes et les risques de complications. Aussi bien l'information doit-elle être rapide et ciblée, notamment dans les aéroports pour les voyageurs qui rentrent d'Asie. Concernant la prise en charge des malades, il a indiqué que 95 % d'entre eux seront traités à domicile, grâce à une forte mobilisation des médecins libéraux, pour n'hospitaliser que les cas les plus graves. Enfin, aucune priorité n'a été fixée en matière de distribution de médicament et de vaccination.

Il a ensuite précisé à M. Francis Giraud que la vaccination contre la grippe saisonnière ne peut en aucun cas protéger contre la grippe aviaire même s'il convient d'améliorer le taux de vaccination chez les personnes âgées et les professions de santé.

Il a estimé que la proposition de Mme Patricia Schillinger en matière de communication mérite d'être considérée, même si l'information déjà dispensée par les médias est satisfaisante et très pédagogique.

Il a répondu à Mme Catherine Procaccia que l'OMS est convaincue de la survenance d'une épidémie de grippe aviaire, ce qui n'était pas le cas du SRAS et de l'ESB dont les virus étaient moins violents. Cette certitude justifie la préparation mise en oeuvre par la France.

Il a précisé à MM. Alain Vasselle et André Lardeux que les volailles cuites peuvent être consommées sans danger et que les élevages font l'objet d'une vigilance accrue du ministère de l'agriculture et des services vétérinaires.

Il a enfin indiqué à MM. Jean-Pierre Godefroy et Alain Gournac que les États actuellement touchés par l'épizootie de grippe aviaire sont conscients du danger et coopèrent avec l'ensemble des instances internationales.

M. Nicolas About, président, a demandé si l'on a déjà observé une mutation du virus. Ayant constaté que, dans le cadre des recherches sur la grippe aviaire, les scientifiques travaillent sur le virus de la grippe espagnole qui a provoqué des millions de décès au début du XXe siècle, il s'est interrogé sur le lien possible entre ces deux virus et sur les conséquences qu'il peut avoir en matière de vaccination.

M. Didier Houssin, délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire, a indiqué que le virus de la grippe est en permanente mutation, c'est la raison pour laquelle le vaccin contre la grippe saisonnière change chaque année. Le virus H5N1 s'est ainsi déjà modifié mais n'a pas encore fait l'objet d'une transmission interhumaine. Il a confirmé que le virus H1N1 responsable de l'épidémie de grippe espagnole de 1918 était de type aviaire et que les études en cours pourraient permettre la conception plus rapide d'un vaccin contre le virus H5N1.