Table des matières
Mardi 25 juin 2002
- Présidence de M. Nicolas About, président -
Audition de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité
M. Nicolas About, président, a remercié M. François Fillon d'avoir accepté de venir devant la commission à la première date utile après le deuxième tour des élections législatives et après sa confirmation à la tête du très important ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Soulignant que cette audition était une première prise de contact, il a rappelé qu'elle intervenait avant les déclarations de politique générale du Gouvernement, tant devant l'Assemblée nationale que devant le Sénat, et que les membres de la commission, s'ils n'attendaient pas, dès lors, une présentation exhaustive des différents sujets abordés, seraient néanmoins très attentifs aux propos du ministre sur la méthode et les échéances.
Après avoir indiqué que la session extraordinaire serait notamment consacrée à un projet de loi dans le domaine social, correspondant à l'engagement du Gouvernement d'alléger les charges sociales, M. Nicolas About, président, a précisé que les structures du Gouvernement faisaient apparaître une novation : au ministère massif de l'emploi et de la solidarité succédaient deux ministères de plein exercice, celui de M. François Fillon et celui de M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Selon les décrets d'attribution, il appartenait à M. Jean-François Mattei de présenter les projets de loi de financement de la sécurité sociale, bien que M. François Fillon soit compétent sur la question des retraites et des accidents du travail et sur le financement des exonérations de charges sociales.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a fait part de sa volonté de nouer, avec la commission, une relation de travail fondée sur la confiance et l'efficacité. Il a indiqué qu'il entendait, avant le discours de politique générale du Premier ministre, donner un éclairage sur la façon dont il abordait la mission qui lui avait été fixée.
M. François Fillon a mis l'accent sur la crise politique et sociale que traversait aujourd'hui la France. Il a souligné que les élections avaient été révélatrices de la coexistence de « trois France » : celle qui réussit et qui a intégré les avantages de la mondialisation, celle qui travaille dur et qui a le sentiment de ne pas être récompensée à la hauteur de ses efforts et celle qui décroche et s'enfonce dans la précarité.
Estimant que le défi du Gouvernement était de rassembler ces « trois France », il a jugé qu'il convenait pour ce faire de développer une nouvelle relation entre les pouvoirs et les citoyens, caractérisée par plus d'écoute, plus de vérité et plus de transparence, de trouver les voies d'une croissance économique forte, durable et mieux partagée en termes d'emplois et de pouvoir d'achat et de redonner du sens à notre pacte républicain et social.
M. François Fillon a souligné la nécessité d'un nouvel élan, reposant sur la mise en oeuvre des engagements formulés par le Président de la République. Il a fait observer que sa « feuille de route » était bien remplie : mesures en faveur des « jeunes en entreprise », refonte du dispositif d'allégement des charges, schéma de sortie du régime actuel de multiplicité des salaires minimums interprofessionnels de croissance (SMIC), assouplissement des 35 heures, réforme des retraites pour en assurer la pérennité, création de l'assurance emploi, relance de la politique de la ville, création du contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS), lutte contre l'exclusion.
Après avoir précisé que ces engagements s'inscrivaient dans le cadre d'une stratégie de court, moyen et long termes, il a insisté, au-delà de la mise en oeuvre de ces engagements, sur la nécessité de rénover notre façon de penser et d'agir. Certaines valeurs devaient en effet être mises en avant : celles du travail et du mérite, source d'épanouissement personnel, celle de l'insertion. « L'ascenseur social » devait être favorisé plutôt que la dépendance sociale. Les Français avaient besoin qu'on les écoute et qu'on leur dise la vérité ; le Gouvernement devait s'efforcer de dégager des consensus en évitant le dirigisme et la précipitation, en répondant au besoin de proximité par une décentralisation accrue.
Evoquant sa méthode et ses objectifs, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a souhaité restaurer un climat de confiance par un dialogue avec les partenaires sociaux fondé sur le respect mutuel et la responsabilité. Il a indiqué qu'il avait déjà reçu à trois reprises les partenaires sociaux et mis en place des groupes de travail bilatéraux réunissant partenaires sociaux et représentants du ministère. Il a précisé que, suite à ces différentes rencontres, quatre thèmes avaient pu être dégagés : l'emploi, la formation, les conditions du dialogue social et les retraites.
S'agissant de la question de l'emploi, il a mis l'accent sur trois sujets importants : les jeunes, les actions en faveur des chômeurs, et, enfin, les « 35 heures » et les allégements de charges.
Il a indiqué que le Gouvernement examinait ainsi l'opportunité d'une mesure forte en faveur de l'entrée des jeunes peu qualifiés en entreprise avec la création d'un soutien de l'Etat sur trois ans, dégressif lors de la troisième année, équivalent à une exonération totale de charges pour les jeunes embauchés en contrat à durée indéterminée ; il a souhaité que ce projet de loi puisse être adopté au cours de la session extraordinaire qui allait débuter.
S'agissant des actions en faveur des chômeurs, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a indiqué que le Gouvernement entendait poursuivre une action déterminée contre le chômage, notamment de longue durée, en privilégiant une stratégie plus qualitative que quantitative, à l'image de ce que prévoyait le dispositif du plan d'aide au retour à l'emploi (PARE).
Evoquant les 35 heures et les allégements des charges, deux sujets liés, il a précisé que le Gouvernement n'était pas hostile aux 35 heures, mais préférait, en la matière, le pragmatisme au dogmatisme. Il a fait part de son souci de corriger les rigueurs excessives de la loi qui constituaient autant de contraintes pénalisantes pour les entreprises et les salariés. Il a considéré que ce dossier pouvait être le vecteur du renouveau du dialogue social et constituer le symbole d'un nouvel équilibre entre la loi et la négociation collective, entre l'unité législative et la diversité contractuelle.
S'agissant du dossier de la formation, M. François Fillon a souligné que celui-ci constituait une priorité du Gouvernement et probablement la meilleure façon d'agir contre le chômage.
Abordant les conditions du dialogue social, il a estimé qu'il convenait de jeter les bases d'une véritable démocratie sociale. Il a jugé que la question était d'abord celle de la validité des accords et de l'articulation entre les lois et les accords. Il a rappelé qu'il existait à ce sujet une « position commune », cosignée par la Confédération française démocratique du travail (CFDT), la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) et la Confédération française de l'encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) le 16 juillet 2001, qui ne réalisait naturellement pas une complète unanimité, mais qui pouvait constituer une base utile.
Evoquant les retraites, il a souligné qu'il s'agissait là d'un sujet difficile, complexe mais aussi d'un défi national qui nous était collectivement lancé. Il a rappelé que le diagnostic était connu, les travaux du conseil d'orientation des retraites n'ayant fait que confirmer ce que l'on savait déjà. Il a indiqué qu'il abordait le sujet avec la volonté d'assurer la survie du régime par répartition en privilégiant, sans dogmatisme, deux principes : celui de l'équité et celui de la liberté.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a souligné qu'en matière de retraites, le Gouvernement avait le devoir d'agir sur la durée de la législature et qu'il y aurait sans doute plusieurs réformes : il était illusoire de croire qu'un plan global pourrait, sans étapes et sans dialogue, être imposé. Sur un tel sujet, les réformes devaient faire l'objet d'un consensus national.
M. François Fillon a ensuite évoqué le calendrier des différentes mesures qu'il venait d'annoncer. Il a précisé que le Gouvernement avait parallèlement saisi le Conseil économique et social sur trois sujets : la multiplicité des SMIC, l'attractivité du territoire et l'Europe sociale. Evoquant la multiplicité des SMIC, il a jugé que ce système « aberrant » illustrait l'esprit dans lequel avaient été conçues les lois relatives à la réduction du temps de travail et expliquait la décision gouvernementale de ne pas donner un « coup de pouce » au SMIC, à l'instar des décisions prises par le précédent Gouvernement. Il a rappelé que la loi imposait une convergence des différents SMIC à l'horizon 2005 sans prévoir néanmoins les modalités de cette convergence. Il a indiqué que le Gouvernement avait dès lors souhaité que le Conseil économique et social recense les différents scénarios de sortie.
Concluant son intervention liminaire, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a souligné le plaisir qu'il avait eu de voir nommer M. Jean-François Mattei au poste de ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées et le souhait qu'il avait d'engager avec son collègue un travail en commun constructif. Il a précisé qu'il était impossible, pour une seule personne, de mener à bien toutes les réformes que nécessitait le champ du social et qu'il avait toujours été partisan de confier ces responsabilités à deux ministres distincts.
M. Louis Souvet a interrogé le ministre sur les premiers enseignements qu'il retirait de la consultation des partenaires sociaux qu'il venait d'effectuer. Il l'a également interrogé sur l'économie générale du projet de loi sur les jeunes en entreprise que le Parlement allait être amené à examiner très rapidement, lors de la session extraordinaire, et sur les projets du Gouvernement en matière d'assouplissement des 35 heures, notamment s'agissant de leur échéancier et des options envisageables. Il lui a enfin demandé comment il comptait articuler la décision de revalorisation de 2,4 % du SMIC horaire avec la question des « SMIC multiples » et si la décision du Gouvernement de reporter à 2003 le recouvrement de 1,22 milliard d'euros que lui doit l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) préfigurait une clarification plus large des relations financières entre l'Etat et l'UNEDIC.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a indiqué qu'il tirait d'ores et déjà quatre enseignements principaux de sa consultation des partenaires sociaux. Il a d'abord insisté sur leur demande unanime de rétablissement de la concertation et de définition de nouvelles règles du jeu en matière de dialogue social, soulignant leur volonté commune de jeter les bases d'une véritable démocratie sociale où l'Etat ne serait pas omniprésent. Il a également relevé une demande unanime d'aboutir rapidement au règlement de la question des « SMIC multiples », observant d'ailleurs que ce sujet lui paraissait être, pour la quasi-totalité de ses interlocuteurs, une priorité plus forte que la revalorisation du SMIC. Il a enfin insisté sur leur souci commun d'aboutir, dans les meilleurs délais, à une réforme de la formation professionnelle et de garantir l'avenir du paritarisme.
S'agissant du contrat « jeunes en entreprise », il a indiqué que ce contrat viserait les jeunes de 16 à 22 ans, de niveau inférieur ou égal au baccalauréat, et serait assorti d'une allocation forfaitaire équivalente à une exonération totale de charges sociales, dégressive la troisième année. Il a considéré que ce dispositif consacrait la priorité accordée par le Gouvernement à l'emploi des jeunes sans qualification et préfigurerait de la sorte son attitude à venir vis-à-vis des emplois-jeunes. Sur ce dernier point, il a indiqué que le Gouvernement réfléchissait à un dispositif de sortie du programme garantissant à la fois l'avenir professionnel des jeunes et la pérennisation des postes créés, pour lesquels l'utilité sociale était avérée, mais que ses propositions seraient présentées ultérieurement.
S'agissant de l'assouplissement des 35 heures, il a rappelé qu'une concertation avec les partenaires sociaux avait d'ores et déjà été lancée. Il a indiqué que l'objectif du Gouvernement était d'offrir aux partenaires sociaux la possibilité de négocier dans l'entreprise sur les conditions d'utilisation d'un contingent d'heures supplémentaires. Il a précisé que les modalités d'un tel assouplissement ne seraient définies qu'à l'issue de cette concertation.
S'agissant du SMIC, il a rappelé que le Gouvernement précédent n'avait pas accordé de « coup de pouce » supplémentaire en 1999 et 2000 et que le « coup de pouce » accordé en 2001 n'avait été que de 0,29 %. Il a estimé qu'un « coup de pouce » était en effet très difficile à mettre en oeuvre compte tenu de ses répercussions en matière de multiplicité du SMIC. Il a, à cet égard, considéré qu'il était nécessaire d'examiner à la fois le règlement de la question des « SMIC multiples », l'assouplissement des 35 heures et l'allégement des charges, tant ces dossiers étaient imbriqués. A cet égard, en réponse à une question incidente de M. Louis Souvet, il a confirmé qu'il serait nécessaire, si aucune mesure n'était prise, de majorer le SMIC horaire de 11,4 % en un an pour aboutir à la convergence des différentes rémunérations mensuelles garanties, ce qui n'était pas réaliste.
S'agissant de l'UNEDIC, M. François Fillon a précisé que le report du versement de 1,22 milliard d'euros était un exemple de la méthode que comptait suivre le Gouvernement. Il a ainsi indiqué que, les partenaires sociaux ayant pris leurs responsabilités pour assurer l'équilibre financier du régime d'assurance chômage, le Gouvernement avait souhaité accompagner de la sorte leur décision. Il a reconnu que ce report ne réglait toutefois pas la question de la complexité des relations financières entre l'Etat et l'UNEDIC, mais que le Gouvernement comptait aborder cette question importante et serait sensible à toute proposition, notamment d'origine parlementaire.
M. Dominique Leclerc s'est interrogé sur les missions que comptait assigner le Gouvernement au conseil d'orientation des retraites et sur le rôle que le Gouvernement souhaitait faire jouer au fonds de réserve des retraites et les moyens qu'il pourrait lui affecter.
S'agissant du conseil d'orientation des retraites, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a fait part de son souhait d'un retour de l'ensemble des partenaires sociaux au sein de cet organisme. Il a considéré que le conseil n'avait pas vocation à être un lieu de concertation, mais que, dans la mesure où la réforme, ou plus exactement les réformes, des régimes de retraites s'étaleraient nécessairement dans la durée, le conseil pouvait être un lieu de diagnostic et de suivi tout au long du processus.
S'agissant du fonds de réserve des retraites, il a observé que ce fonds ne pourrait résoudre à lui seul les difficultés, indiquant que ses ressources ne s'élevaient, au 29 mai, qu'à 8,49 milliards d'euros. Faisant part de son souci d'additionner les diverses solutions, et non de les opposer, dans la perspective d'une réforme des retraites, il a estimé que le fonds n'était pas inutile et pouvait contribuer pour partie à leur consolidation. Il a toutefois souligné les difficultés pour l'alimentation à venir de ce fonds, précisant que les recettes prévisionnelles pouvant provenir du produit de la vente des licences universal mobil telecommunications system (UMTS) et des privatisations n'offraient que de faibles perspectives pour assurer un financement pérenne de ce fonds.
M. Alain Vasselle a rappelé l'attachement du Sénat à la loi Veil de 1994 qui prévoit la compensation intégrale par l'Etat, à la sécurité sociale, de toute exonération de charges qu'il décide. Revenant sur le projet de loi relatif à l'entrée des jeunes en entreprise, il a constaté que la solution retenue par le Gouvernement d'une allocation forfaitaire évacuait le problème de la compensation d'une exonération de cotisations. Il a souhaité toutefois avoir des précisions sur le financement prévu par le Gouvernement pour cette allocation. Il a rappelé, en revanche, que la question de la compensation pourrait se poser pour les allégements de charges évoqués par le ministre dans le cadre du dispositif de sortie des SMIC multiples.
Soulignant les difficultés d'équilibre rencontrées par les comptes sociaux, M. François Fillon a insisté sur l'importance qu'il accordait lui aussi au respect de la loi et a confirmé que l'allocation forfaitaire prévue par le projet de loi serait financée par le budget de l'Etat. Il a précisé, d'une manière générale, l'intention du Gouvernement de travailler à l'avenir à la clarification des circuits de financement de la sécurité sociale, considérablement compliqués avec la mise en place des 35 heures et du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC).
A ce sujet, il a souligné que la question de la réduction du temps de travail et des financements considérables qu'elle mobilisait n'avait jamais été posée par le passé comme une priorité nécessairement mise en oeuvre au détriment d'autres priorités, telle la lutte contre la grande pauvreté. Il a estimé qu'il était important qu'à l'avenir, tout Gouvernement fasse apparaître clairement une hiérarchie des choix.
Revenant sur la place que le Gouvernement souhaite donner au dialogue social et aux partenaires sociaux, M. Guy Fischer a demandé des précisions sur le rôle exact que, dans l'esprit du Gouvernement, l'Etat devait jouer. Il s'est inquiété en particulier de la garantie des droits fondamentaux dans un système où le contrat prendrait plus de place. Concernant le nouveau contrat-jeune, il s'est interrogé sur le volet formation de ce dispositif et a rappelé que son financement devrait nécessairement se concilier avec celui du dispositif emploi-jeunes déjà en place.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a précisé qu'il revenait toujours à l'Etat de fixer les règles du jeu et de garantir les droits fondamentaux, mais qu'il n'avait pour autant à interférer dans le dialogue entre les partenaires sociaux que si ces derniers ne parvenaient pas à un accord. Il a souligné qu'il voulait surtout éviter le système actuel où l'Etat intervient partout et peut même s'opposer à la volonté commune des partenaires sociaux en refusant l'agrément de certains accords.
Concernant le dispositif « contrat-jeune », il a précisé que celui-ci ferait l'objet d'un texte indépendant et inclurait la question de la formation, en prévoyant un dispositif de validation des acquis de l'expérience.
M. Jean-Pierre Fourcade a souligné la nécessité d'une modernisation des règles de la représentativité syndicale pour permettre un dialogue social véritable. Evoquant l'échéance des prochaines élections prud'homales, il a demandé des précisions sur les intentions du Gouvernement en la matière.
M. François Fillon a estimé que les partenaires sociaux étaient tout à fait conscients des limites de leur représentativité et étaient d'autant plus désireux d'agir avec efficacité pour la renforcer. Il a indiqué que telle était la raison pour laquelle le Gouvernement avait décidé de leur faire confiance. Estimant que le système actuel est déresponsabilisant, il a considéré qu'une meilleure association des partenaires sociaux permettrait de les revaloriser auprès des salariés et des employeurs et, de la sorte, d'améliorer leur représentativité.
M. Jean Chérioux a précisé que, selon lui, le dialogue social se concevait sous deux angles : celui de la politique contractuelle, mais aussi celui de la participation du salarié. Il a demandé connaissance des projets du Gouvernement en matière d'épargne salariale, d'actionnariat salarié et de mesures renforçant en général le rôle du salarié dans l'entreprise. Il a souhaité en particulier savoir si le Gouvernement serait prêt à accepter une initiative sénatoriale à ce sujet.
Après avoir souligné l'absence de dispositions d'ordre social parmi les mesures prises par le Gouvernement depuis son entrée en fonctions, M. Roland Muzeau a évoqué les différences d'exigence en termes de dialogue social dont fait, selon lui, preuve le Gouvernement selon les sujets. A ce titre, il a regretté l'absence de concertation dans la mise en place des projets du Gouvernement sur la sécurité et la justice.
M. Bernard Cazeau a approuvé l'analyse de M. François Fillon concernant les « trois France ». Il s'est néanmoins inquiété des problèmes de financement de l'UNEDIC qui conduisent, dans l'immédiat, à un alourdissement des cotisations salariales et patronales et s'est demandé si l'Etat n'aurait pas pu simplement annuler sa dette à son égard. Constatant que les allégements d'impôt sur le revenu s'adressaient à la « France qui gagne », il a interrogé M. François Fillon sur les mesures que le Gouvernement comptait prendre en faveur de la « France qui travaille et ne se sent pas récompensée ».
Mme Nelly Olin s'est félicitée de l'accent mis par le Gouvernement sur le dialogue social et s'est réjouie de la volonté du ministre de venir devant le Sénat aussi souvent que nécessaire. Elle a approuvé la méthode du Gouvernement consistant à agir non pas dans l'urgence, mais pour l'avenir, et avec ténacité. Elle s'est enfin montrée certaine du soutien du Sénat à la politique du Gouvernement.
M. Bernard Seillier, revenant sur la question de l'insertion des jeunes, a rappelé que celle-ci reposait, depuis plusieurs années, sur une méthode d'accompagnement personnalisé. Il a alors demandé à M. François Fillon de préciser les intentions du Gouvernement sur ce sujet.
Répondant aux différents intervenants, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a d'abord estimé que la participation des salariés était une bonne chose et pouvait contribuer à changer la physionomie de la société, en facilitant une meilleure connaissance de l'économie et le devoir de vérité dans l'entreprise. Il s'est déclaré prêt à accueillir les initiatives du Sénat en la matière.
Concernant les projets du Gouvernement dans les domaines de la sécurité et de la justice, il a souligné l'urgence de l'action pour mettre fin au sentiment d'affaiblissement de l'Etat. Il a néanmoins rappelé qu'une concertation était menée avec les différents acteurs. Dans le domaine social, en revanche, il a estimé que la priorité était à un changement de nature dans les relations entre partenaires sociaux et entre ces derniers et l'Etat.
M. François Fillon s'est, par ailleurs, félicité du fait que les partenaires sociaux, dans le cadre de l'UNEDIC, aient pris leurs responsabilités et a justifié le report de la dette de l'UNEDIC comme un soutien à la trésorerie de l'organisme, rappelant que l'assurance chômage était extrêmement sensible aux variations de la croissance.
Revenant ensuite sur la question de la « France qui travaille », M. François Fillon a rappelé que la politique du Gouvernement dans ce domaine visait à améliorer la situation de l'emploi, mais aussi à favoriser l'augmentation du salaire direct, notamment par une politique d'allégement des charges qui pèsent sur le travail peu qualifié.
Remerciant Mme Nelly Olin de son soutien, M. François Fillon a souligné que sa connaissance des dossiers lui venait surtout de son expérience d'élu à l'écoute du terrain.
Enfin, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a réaffirmé la volonté du Gouvernement de ne pas bouleverser la philosophie d'accompagnement personnalisé de la politique d'insertion des jeunes. Il a souligné l'engagement et la bonne volonté des différents acteurs et, en particulier, des nombreux bénévoles. Il a souhaité rapprocher du terrain la politique d'insertion, en donnant aux départements, en particulier grâce à la réforme de la fiscalité locale, les moyens de s'y investir davantage.