Réunion interparlementaire dans le cadre de l'accompagnement sénatorial de la Présidence française de l'Union européenne

Jeudi 10 juillet 2008


Les grands défis de la protection sociale dans les pays membres de l’Union européenne
The main challenges facing social welfare in the European Union’s member States

 

Présidence de MM. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales du Sénat, et Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale

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Réunion du matin
Thème : emploi, retraites, vieillissement de la population

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales du Sénat ‑ Mesdames et Messieurs les Présidents, Chers collègues, Mesdames, Messieurs, Chers amis, au moment où la France prend en charge la présidence de l’Union européenne, je suis particulièrement fier et heureux de vous accueillir au Sénat, ce matin, pour la toute première conférence des Présidents de commissions chargées des affaires sociales des parlements des Etats membres.

La réunion d’aujourd’hui porte sur le domaine social. Il est vrai que le domaine social est encore très faiblement communautaire et continue de relever majoritairement des compétences respectives de nos gouvernements et de nos assemblées.

Mais dans ce secteur aussi, les choses progressent, et notre réunion illustre précisément cette évolution.

Le fait est que tous, nous rencontrons des difficultés qui, sans être identiques bien sûr, demeurent assez proches, ou le deviendront avec le développement des économies des Etats membres dans un contexte de mondialisation sans cesse croissante.

Nous avons tous à gagner, je crois, de la confrontation de nos expériences, de l’analyse des problèmes auxquels nous nous trouvons confrontés et de l’expertise des solutions mises en œuvre par les uns et les autres.

Le thème de réflexion que nous avons choisi, le Président Pierre Méhaignerie et moi, est celui de la protection sociale. Vaste projet ! Et peut être un peu d’optimisme, pour ne pas dire de naïveté, à vouloir le traiter dans son entier en une seule journée !

Telle n’est pas notre ambition. Afin de rendre nos débats aussi clairs que possible, je vous propose de parler ce matin des questions liées à l’emploi et aux retraites, puis cet après‑midi, des questions de santé et d’assurance maladie. 

Traiter de l’emploi va nous conduire à aborder ce thème sous ses nombreuses facettes.

Celle du chômage, d’abord qui, au‑delà des drames humains et familiaux qu’il peut susciter, présente un double inconvénient, sur le plan financier, dans notre système :

- il sollicite les mécanismes d’indemnisation pour compenser l’absence de revenus, d’une part ;

- il prive les caisses de sécurité sociale des cotisations qui ne sont pas perçues puisqu’il n’y a pas de salaire sur la base duquel elles sont normalement calculées, d’autre part.

Notre économie et nos comptes publics ont particulièrement souffert, au cours des années antérieures, de ce double effet pervers.

Fort heureusement, les chiffres sont désormais plus favorables et le chômage est actuellement à son niveau le plus bas depuis vingt‑cinq ans. L’objectif du Gouvernement est de ramener ce taux à un stade encore inférieur, à 5 % de la population active d’ici 2012, soit à peu près le niveau du plein emploi.

C’est en effet en agissant sur l’emploi que nous pourrons dégager les moyens de financer une politique sociale sans cesse plus coûteuse.

Ceci étant, si le taux global d’inactivité recule en France, cela ne signifie pas que la situation s’améliore pour tous.

Je pourrais parler des jeunes, qui continuent de rencontrer des difficultés d’accès à l’emploi même quand ils sont diplômés ; je pourrais aussi parler des femmes, sur lesquelles continue de peser le plus souvent, quoi qu’on en dise, la double contrainte de mener leur carrière et d’assurer la vie familiale et l’éducation de leurs enfants.

Je ne nie pas leur importance mais j’ai choisi de vous parler de l’accès au travail pour deux fractions de la population qui, me semble t‑il, rencontrent en France, de très réelles difficultés : les personnes handicapées et les seniors, et je ne saurais d’ailleurs vous dire exactement à partir de quel âge on entre désormais dans cette catégorie, 55 ans, 50 ans, 45 ans ?

Toujours est‑il que les statistiques françaises montrent bien que le pourcentage de ces populations dans la pyramide des âges de notre pays ou dans l’analyse des situations de handicaps compatibles avec une activité professionnelle ne se retrouve pas dans celles de l’emploi.

Le Parlement français a adopté, voici quelques années déjà, une obligation légale d’emploi des personnes handicapées dans les entreprises en imposant un pourcentage minimal de ces salariés dans leurs effectifs et le paiement d’une taxe si ce pourcentage n’est pas respecté.

Je me dois de vous dire, pour le déplorer, que, pendant longtemps, les entreprises ont préféré payer cette taxe plutôt que d’adapter leurs postes de travail à l’embauche de salariés handicapés ! Ce n’est que très récemment que nous avons le sentiment que les choses bougent un peu, dans la bonne direction : le Sénat français lui‑même a mis en place cette année un plan d’ensemble pour favoriser le recrutement de fonctionnaires handicapés, c’est un signal fort ! Sans doute avez‑vous, mes chers collègues, en cette matière, une expérience à nous faire partager.

Je serai moins optimiste encore pour ce qui concerne l’emploi des seniors : notre performance en matière d’emploi des plus de cinquante ans est l’une des plus faibles d’Europe. Je sais que certains Etats membres de l’Union, les pays nordiques notamment, ont trouvé des moyens pour être bien plus efficaces que nous ne le sommes et conserver dans l’emploi les salariés les plus anciens, et donc souvent aussi les plus expérimentés.

C’est là un élément fondamental pour l’équilibre de nos comptes sociaux, car après le temps du travail vient celui de la retraite.

Vous le savez sans doute, le financement des retraites est, dans notre pays, le point le plus sombre dans l’ensemble du budget social. Je ne crois pas utile de vous donner des chiffres, qui n’ont d’ailleurs pas grand sens dans les comparaisons internationales où les données ne sont jamais totalement similaires.

Mais c’est incontestablement la charge la plus lourde et elle ne va cesser de s’alourdir avec l’arrivée prochaine à l’âge de la retraite des générations du baby boom nées après la deuxième guerre mondiale.

La difficulté essentielle tient, dans notre pays, au fait que l’âge réel de départ en retraite est vraiment très bas : il n’est pas, dans les faits, de 65 ni même de 60 ans, il se situe aux alentours de 56 ou 57 ans, grâce à une multitude de mécanismes de préretraite et de retraite anticipée utilisés pendant des années comme un moyen de régler le problème du chômage ou d’accorder à certains travailleurs un statut plus favorables qu’à d’autres.

Or, nous savons bien que la seule manière de continuer à financer notre régime de retraite et de conserver son mode de fonctionnement actuel, selon le régime de la répartition et non pas de la capitalisation, est d’allonger la durée légale du travail. Celle‑ci est aujourd’hui de quarante années en France mais elle sera portée très bientôt officiellement à quarante et une années. Or, si l’on veut que cette mesure nécessaire s’applique et qu’elle soit efficace, il faut impérativement que les salariés les plus âgés puissent conserver un emploi au‑delà de l’âge de soixante ans. Je dois admettre que nous n’y sommes toujours pas parvenus et je suis curieux de connaître les solutions que vous avez envisagées ou mises en œuvre en la matière.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le régime de protection sociale français est aujourd’hui dans une situation extrêmement difficile car, si les besoins s’accroissent, les ressources ne progressent pas suffisamment pour y faire face. J’en veux pour illustration l’apparition d’un nouveau risque auquel nous devons désormais faire face : celui de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées, dont la demande croît mécaniquement avec l’allongement de la durée de vie. La ministre de la solidarité, Valérie Létard, qui nous fait la grande amitié d’être parmi nous ce matin, vous en parlera dans un instant.

Mais avant qu’elle n’intervienne, je suis heureux et très honoré de la présence du commissaire européen Vladimir Spidla qui va nous présenter les politiques de l’Europe en matière d’emploi, de retraite et de prise en compte des populations vieillissantes.

Je suis certain de la très grande richesse qu’auront nos échanges et je vous souhaite une journée fructueuse et agréable au Palais du Luxembourg.

M. Vladimir Spidla, commissaire européen à l’emploi, aux affaires sociales et à l’égalité des chances ‑ Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je voudrais tout d’abord vous remercier de m’avoir fait l’honneur de m’inviter à m’exprimer devant vous aujourd’hui, en ce lieu magnifique qu’est le Palais du Luxembourg.

Comme vous le savez, les questions abordées aujourd’hui figurent parmi les défis auxquels la Commission actuelle entend répondre. Ces défis, ceux de l’emploi et de la modernisation de notre protection sociale dans le contexte du vieillissement démographique, sont communs à tous les pays d’Europe. Les réponses à apporter doivent donc être communes, même si leur mise en œuvre peut différer selon la situation de chaque Etat membre.

Pour répondre à ces défis, la première piste consiste à réformer nos systèmes de retraite.

On ne le sait généralement pas assez, mais l’Union européenne et ses vingt‑sept Etats membres ont adopté des objectifs communs en matière de réforme des systèmes de retraite. Depuis 2003, dans le cadre de ce qu’on appelle la méthode ouverte de coordination, une convergence européenne apparaît en ce qui concerne les réformes des retraites. Elle vise à atteindre simultanément trois objectifs :

‑ un objectif social : l’adéquation des pensions ;

‑ un objectif économique : la viabilité financière des régimes ;

‑ un objectif de société : l’accompagnement de l’évolution des comportements, en particulier la participation croissante des femmes au marché du travail et l’exigence de concilier vie familiale et vie professionnelle.

Selon les Etats membres de l’Union, les régimes de retraite sont très différents. En particulier le rôle joué par ce qu’on appelle « les trois piliers » est très contrasté. L’arrivée de nouveaux Etats membres depuis 2004 a encore accru cette diversité.

Et pourtant, il est remarquable de constater que, malgré cette diversité de situations, la principale réponse, pour tous ces régimes, au double défi de garantir l’adéquation et l’équilibre financier, réside dans l’allongement de la vie active.

L’Union s’est ainsi fixée, lors des conseils de Stockholm et de Barcelone, deux objectifs chiffrés. En 2001, le Conseil européen de Stockholm est convenu, d’ici à 2010, « de porter à 50 % le taux d’emploi moyen dans l’UE des personnes âgées de cinquante‑cinq à soixante‑quatre ans (hommes et femmes confondus) ». En 2002, le Conseil européen de Barcelone s’est fixé, pour l’horizon 2010, l’objectif d’augmenter progressivement d’environ cinq ans l’âge moyen effectif de sortie du marché du travail.

Cette nécessité de prolonger la vie active nous renvoie à des décisions visant à accroître les taux d’emploi, et qui touchent aux incitations à revenir sur le marché du travail, à l’insertion professionnelle des jeunes, à l’activité féminine et au maintien des seniors en activité. Il s’agit donc non seulement de retarder l’âge de départ à la retraite mais aussi de résoudre le problème du sous‑emploi qui résulte du chômage et d’autres interruptions de carrière.

II ne suffit toutefois pas de prêcher l’augmentation de la durée de vie active. Encore faut‑il que certaines conditions soient réunies. C’est ce qu’au plan européen, nous appelons le vieillissement actif. La commission présentera à l’automne une communication à ce sujet. D’ores et déjà, on peut dire que le vieillissement actif est un concept qui conjugue :

‑ l’allongement de l’espérance de vie en bonne santé. Actuellement, elle est de l’ordre de soixante ans, ce qui veut dire que la plupart des retraités risquent de cesser leur activité et voir au même moment leur capacité physique diminuer sensiblement ;

‑ la préservation de bonnes conditions de santé et de sécurité sur le lieu de travail ;

‑ la remise en question des mises en retraite anticipées ou des départs en pseudo‑invalidité ;

‑ l’adaptation des régimes de retraites afin qu’ils deviennent plus incitatifs.

Dans l’agenda social renouvelé que la commission vient d’adopter, la commission propose que les Etats membres se dotent d’objectifs quantitatifs pouvant faire l’objet d’un suivi régulier. L’expérience des Etats qui s’engagent dans un tel suivi montre qu’à terme, on obtient un regain de confiance des salariés dans le succès effectif des réformes et la nécessité de poursuivre les efforts. Or cette confiance est un élément essentiel du succès des réformes.

La commission essaie de contribuer à établir cette confiance en encourageant la mise en place d’organes paritaires ou tripartites pour le suivi de la mise en œuvre des réformes. Souvent, les Parlements nationaux y sont d’ailleurs associés. La commission elle‑même, par ses rapports réguliers sur le suivi des objectifs communs, contribue à cette transparence.

La prolongation de la durée de la vie active et l’allongement de l’espérance de vie en bonne santé passent aussi par la réforme des systèmes de santé. L’Union a adopté des objectifs communs dans ce domaine. Il s’agit d’atteindre simultanément des objectifs sociaux et économiques. Les systèmes de santé doivent en effet avoir pour but d’offrir des services de santé et de soins de longue durée de grande qualité et accessibles à tous, tout en garantissant leur viabilité à long terme.

Le 17 septembre 2008 à Bruxelles, il s’agira d’étudier les possibilités d’une utilisation plus rationnelle des ressources dédiées à la santé, notamment à l’occasion d’une conférence organisée de façon conjointe avec l’OCDE.

Selon des projections de 2006 pour la France, les dépenses publiques de santé et de soins devraient augmenter de 1,8 point de pourcentage du PIB d’ici à 2050 sous l’effet du vieillissement démographique. Face à ce défi, une analyse d’une utilisation plus rationnelle des ressources est nécessaire et peut être facilitée au travers de la méthode ouverte de coordination renforcée.

On ne soulignera jamais assez l’importance d’échanger les bonnes pratiques. L’amélioration de la coordination, la promotion de l’hygiène de vie et la prévention pourraient faire partie de stratégies dans lesquelles tout le monde trouve son compte, en contribuant à la fois à améliorer l’état de santé et à réduire l’augmentation des dépenses.

Les systèmes de soins de longue durée devront être réformés et dotés des ressources appropriées et leur gestion financière devra être améliorée. Une coordination plus étroite entre les services de santé et les services sociaux, un soutien aux prestataires de soins informels et l’exploitation des nouvelles technologies peuvent aider les personnes à rester le plus longtemps possible à leur domicile.

Le changement démographique exige d’adapter notre façon de vivre, de travailler et de préparer nos retraites.

Dans ce contexte, je voudrais souligner la pertinence de la flexicurité.

Augmenter notre capacité d’adaptation et de gestion du changement est au cœur de ce concept. La flexicurité est une approche globale des politiques du marché du travail qui vise à renforcer conjointement la souplesse et la sécurité dont nos marchés du travail ont besoin.

Le rôle de la protection sociale en tant qu’élément essentiel de l’équilibre entre flexibilité et sécurité ne fait aucun doute. La protection sociale doit permettre aux personnes de faire face aux risques liés au changement. Elle fournit une sécurité contre les risques sociaux tels que la maladie et la perte brutale de revenus au cours de la vie professionnelle et apporte également la confiance indispensable pour accepter les risques qu’impliquent les changements d’emplois ou de carrière, souvent nécessaires pour améliorer ses perspectives de rémunération. Elle devrait en outre apporter la garantie qu’un niveau de vie approprié sera maintenu après la retraite. En ce sens, des régimes adéquats de protection sociale ne peuvent être dissociés de la mise en œuvre réussie de la flexibilité sur les marchés du travail.

La flexicurité doit amener une réelle souplesse, pour l’employeur comme pour le travailleur, mais elle doit aussi passer par davantage de « sécurité ». Je voudrais insister sur cet aspect qui est indispensable si nous voulons faire de la flexicurité une réussite pour tout le monde.

Premièrement, cette stratégie doit renforcer la sécurité des personnes à la recherche d’emploi et des personnes les plus éloignées du marché du travail.

Elle doit contribuer à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Cet engagement doit passer par des politiques d’inclusion fortes pour permettre à tous ceux qui sont capables de travailler d’entrer plus facilement sur le marché du travail.

Il faut permettre aux chômeurs d’arriver plus facilement à retrouver un emploi, grâce à des systèmes sociaux plus favorables à l’emploi et à des politiques actives du marché du travail. Il faut également permettre la progression dans la carrière.

Deuxièmement, la flexicurité prévoit des opportunités et des moyens juridiques qui permettent aux travailleurs précaires d’entrevoir de meilleurs emplois.

Les entreprises ont également un rôle à jouer dans l’anticipation des changements, l’investissement dans le capital humain et une bonne organisation du travail.

La formation permanente et de nouvelles compétences sont de bons boucliers pour les salariés. Ce sont de sérieux atouts pour progresser dans l’emploi, mais aussi pour trouver ou retrouver une place sur le marché du travail.

Je voudrais enfin et surtout souligner le rôle central des partenaires sociaux dans l’élaboration d’une stratégie de flexicurité. Car il est essentiel que le dialogue social se fasse dans un climat de confiance pour définir ensemble des politiques équilibrées.

La stratégie de flexicurité proposée au niveau européen, selon les principes communs adoptés par le Conseil en décembre dernier, concilie à la fois une volonté politique commune à tous les Etats membres et une mise en œuvre qui s’adapte aux réalités de chaque pays.

La commission ne cherche pas à promouvoir un modèle unique et rigide. Au contraire, comme les Etats membres partent de réalités très différentes, chacun doit définir sa propre approche pour aller vers plus de flexicurité.

La balle est donc dans le camp des Etats membres. Il leur appartient de mettre ces principes communs en « musique » et d’écrire leur partition en précisant leur stratégie nationale dans le cadre du processus de Lisbonne.

Le rôle de la commission ne se limite pas à proposer des principes communs, mais doit également consister à mieux les faire connaître auprès des acteurs concernés, à en favoriser la mise en œuvre et à identifier les progrès accomplis. Tel est le but de la « mission pour la flexicurité » et de ses visites effectuées dans les Etats membres ces trois derniers mois. Cette mission a été préparée avec l’ancienne présidence slovène et la présidence française et les partenaires sociaux européens en font également partie. Un rapport préliminaire sera présenté en octobre et, après consultation des autres institutions européennes et des partenaires sociaux, la mission présentera son rapport final à la réunion EPSCO de décembre.

Mesdames et Messieurs, les défis sont de taille, mais ensemble, nous pouvons nous y attaquer. Car unis dans notre diversité, nous saurons combattre les rigidités et la précarité de nos marchés du travail et trouver les réponses adaptées pour moderniser nos systèmes de protection sociale.

Je ne peux dire qu’une chose: les générations futures nous en seront reconnaissantes.

Je vous remercie de votre attention.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’Etat chargée de la solidarité ‑ Monsieur le Président, Cher Nicolas, Mesdames et Messieurs les Présidents des Commissions des affaires sociales, Mesdames et Messieurs les parlementaires, Monsieur le Commissaire Spidla, c’est un grand plaisir en même temps qu’un grand honneur de venir aujourd’hui devant tous les experts des différents systèmes européens de la protection sociale vous présenter la réflexion française sur la prise en charge de la dépendance, ce que nous appelons dans notre débat interne, le cinquième risque.

Notre système de sécurité sociale, dont les fondements ont été posés en 1945, a été constitué à l’origine de quatre risques -maladie, accidents du travail et maladies professionnelles, famille, vieillesse- et il n’avait pas été conçu pour apporter une réponse adaptée au défi de la perte d’autonomie liée notamment au vieillissement de la population et à l’allongement de l’espérance de vie.

Entre les prestations liées à l’état de santé et celles liées à une perte de revenu, il manque aujourd’hui un maillon pour compenser les restrictions dans la réalisation des activités de la vie quotidienne et de la vie sociale, générées par l’âge ou le handicap. C’est un enjeu sociétal non seulement pour les toutes prochaines années, mais aussi pour les trois ou quatre décennies à venir.

Notre rencontre va me permettre de vous présenter ce que veut faire la France dans le domaine de l’accompagnement des personnes en perte d’autonomie, quel que soit leur âge. Mais je la conçois aussi comme une occasion unique de dialogue et de retour d’expérience sur les dispositifs qui ont été mis en œuvre dans les différents pays de l’Union européenne.

Dans notre pays, beaucoup a déjà été fait dans les années passées, notamment grâce à la mise en place de l’allocation personnalisée à l’autonomie et de la prestation de compensation du handicap, deux prestations gérées par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, organisme spécialement dédié au financement de la perte d’autonomie.

Pour la première fois en France, un Gouvernement a décidé de s’engager à relever le défi de la perte d’autonomie dans sa globalité.

Ce que nous voulons, c’est un système plus clair, un système de proximité, qui permette un traitement équitable sur tout le territoire, mais qui soit également adapté à la situation de dépendance de chaque personne, lui permettant ainsi de conserver la meilleure autonomie possible. Ce système, nous l’appelons le cinquième risque.

Nous avons voulu le concevoir aussi bien pour accompagner les personnes âgées que les personnes handicapées.

Cela ne signifie pas cependant pas que les problématiques du vieillissement et du handicap doivent être confondues. Le projet de vie d’une personne handicapée de 25 ans, qui intègre le besoin d’activités et le plus souvent possible un parcours professionnel, n’a rien en commun avec celui d’une personne âgée pour laquelle le maintien du lien social est primordial.

De même, en termes de financement public, on ne peut pas assimiler une situation de dépendance qui intervient en fin de vie alors que la personne a pu, le plus souvent, se constituer des droits à pension ou un patrimoine, et la situation de handicap qui restreint énormément les possibilités d’acquérir un patrimoine ou des droits à pension.

Vous êtes nombreux, dans vos pays respectifs, à être confrontés à ces problèmes de barrière d’âge.

Notre souhait est de tendre vers une convergence sans confusion, qui pose l’idée d’un droit universel à l’évaluation des besoins de la personne en perte d’autonomie, même si ensuite, le niveau des aides et le mode de financement de celles-ci peuvent varier en fonction des situations de vie.

Nous sommes bien ici dans l’idée d’un nouveau champ de la protection sociale, d’une nouvelle avancée de la citoyenneté qui se fixe l’objectif ambitieux de « l’accès de tous à tout ».

Le Gouvernement a déjà eu l’occasion de présenter ses orientations en la matière il y a quelques semaines et je salue ici le rapport des sénateurs Marini et Vasselle qui viennent de présenter leurs propositions que je peux qualifier, je crois, comme étant convergentes avec celles du Gouvernement.

Pourquoi s’engager dans un tel défi maintenant ? C’est la révolution sociodémographique dans laquelle nous sommes engagés qui nous pousse à agir.

En effet, cette révolution démographique du quatrième âge est un phénomène qui concerne l’Europe entière et au-delà l’ensemble des pays développés. Il n’est d’ailleurs pas sans intérêt de regarder ce qui se passe au Japon en termes d’adaptation de la société à cette évolution. Le Japon est aujourd’hui le pays le plus vieux du monde où 41% de la population aura plus de 65 ans en 2040, deux fois plus que les moins de 20 ans ! Mais il faut réaliser que, dans vingt ou trente ans, la vague du grand âge atteindra aussi les pays aujourd’hui en développement.

Certains trouvent ces statistiques déprimantes et voient la vieillesse comme une maladie ou un naufrage. Ces discours que l’on entend parfois sont une régression de la conscience et de la citoyenneté et je dois vous dire que je ne partage absolument pas ce point de vue mis en avant par quelques « déclinologues » alors que dans le même temps l’espérance de vie dans certains pays dépasse à peine 40 ans !

Cette révolution démographique, que je qualifierais de « révolution tranquille du XXème siècle » peut aussi se lire comme le résultat d’un formidable succès : nous vivons de plus en plus longtemps - plus trois mois par an - et rien n’indique que cette évolution va s’arrêter.

De plus, ce temps de vie supplémentaire est le plus souvent du temps en bonne santé. A la différence du siècle dernier, les gains d’espérance de vie se font maintenant presque exclusivement au grand âge, ce qui est un phénomène unique dans l’histoire de l’humanité. Ce phénomène ne peut qu’appeler à une révision complète de nos politiques publiques et de nos mécanismes de protection sociale.

Cette révolution socio-démographique, c’est également une opportunité économique et sociale de développement de l’emploi dans les services aux personnes. Ces emplois présentent de nombreux atouts pour nos pays : ils sont non délocalisables, tant urbains que ruraux et peuvent être harmonieusement répartis sur tout le territoire.

Ainsi, depuis la mise en place de la prestation dépendance en Allemagne en 1995, près de 300 000 emplois ont été créés dans ce secteur, en établissement à domicile.

En France, le potentiel d’embauches d’ici 2015 est estimé à 400 000 emplois dont 200 000 emplois nouveaux et 200 000 départs en retraite à remplacer. On constate, depuis quelques années, le lien direct entre le développement de l’emploi auprès des personnes fragiles et la réduction du chômage.

Demain ce secteur, si nous savons l’organiser, sera aussi un formidable levier de progrès technologique et un immense marché pour nos entreprises. Les emplois de demain seront aussi des emplois de plus en plus qualifiés. Une part croissante d’entre eux sera en lien avec les technologies de l’information qui permettent d’ores et déjà de mettre en réseau les prestataires autour de la personne en perte d’autonomie - médecins, personnels para-médicaux, portage de repas, aides ménagères, alarmes de sécurité, contacts audio-visuels avec la famille éloignée - mais aussi de la domotique et de la robotique qui aideront à préserver l’autonomie.

Toutes ces aides bien évidement ne remplaceront pas, bien au contraire, les aides humaines. Elles aussi devront être de plus en plus qualifiées : ce n’est pas le moindre des défis que d’assurer une réelle attractivité à ces métiers et je crois que nombre de pays de l’Union souhaitent le relever. Certains pays ont fait le choix d’un recours massif à l’immigration pour les pourvoir. Pourquoi pas, si ce choix fait appel à une immigration légale et que les personnels sont correctement rémunérés et formés ?

Mais cela ne nous dispense pas d’un immense effort de formation et de valorisation de ces professions pour demain. C’est pour ces raisons que j’ai tenu à lancer un ambitieux plan des métiers dans ce secteur. Il n’est pas indifférent que la croissance de notre pays s’oriente vers ces activités qui créent et maintiennent les liens sociaux, y compris sur le plan écologique parce qu’il s’agit essentiellement d’une croissance immatérielle.

C’est en raison de l’immensité des besoins mais aussi, dans le même temps, de l’immense potentiel de croissance équilibrée, soutenable, que je me suis personnellement opposée à toute vision malthusienne des aides. Il serait absurde de vouloir décourager les usagers de recourir aux mécanismes d’aides et d’évaluation de leurs besoins.

Certains s’étonnent en France de la croissance rapide de l’allocation à l’autonomie pour les personnes âgées - 1,1 million de bénéficiaires pour 63 millions d’habitants. Pourtant les exemples d’autres pays parlent d’eux‑mêmes : presque 2 millions de bénéficiaires du régime dépendance en Allemagne et une anticipation de 1,2 million de bénéficiaires en Espagne.

Evidemment, pour que chaque euro investi soit un multiplicateur de richesse, il faut rassembler toutes les formes de financement et non s’appuyer exclusivement sur les fonds publics, j’y reviendrai.

Il existe également un fil conducteur très fort de toutes les politiques publiques en faveur de l’autonomie dans l’Union européenne, c’est la volonté des pouvoirs publics de favoriser, chaque fois que c’est possible, le maintien à domicile.

Sur ce point, il est nécessaire d’être précis : sur le principe il s’agit là de répondre au vœu des populations. Tous les sondages montrent que plus de 80 % des Européens souhaitent vieillir chez eux. Mais il faut écarter l’idée que cette solution est par définition moins coûteuse. Ce qui est vrai pour une dépendance faible ou moyenne ne l’est sans doute pas dans le cas d’une dépendance élevée et encore moins lorsque les troubles du comportement liés à la maladie d’Alzheimer exigent une présence en continu.

Ainsi, il nous faut éviter deux écueils : celui d’obliger, faute d’une densité suffisante de services à domicile, les personnes en perte d’autonomie à aller dans les établissements alors qu’ils ne le souhaitent pas. Cette situation se rencontre encore trop fréquemment : c’est un échec social et c’est surtout un terrible échec humain.

Le deuxième écueil - et j’ai conscience qu’il est loin d’être écarté en France - c’est le maintien à domicile contraint parce qu’il n’existerait pas de structure d’hébergement adapté et financièrement accessible. Dans ce cas, le risque de défaut de soins et même, hélas, de maltraitance est réel.

Le critère de la réussite d’une politique en faveur du domicile se mesure à la disparition des files d’attente dans les maisons de retraite.

Sur ces deux écueils, il faut avoir la modestie de reconnaître qu’il reste énormément à faire même si notre Gouvernement prend aujourd’hui le problème à bras le corps dans ses aspects aussi bien quantitatifs que qualitatifs.

Là aussi, les exemples d’autres pays européens nous montrent que l’on peut y arriver. Au Royaume-Uni, un développement massif des services intensifs à domicile permet réellement de réduire le besoin d’hébergement permanent. C’est, pour nous, un encouragement à réformer nos services de soins infirmiers à domicile pour leur permettre de prendre en charge des cas plus lourds et en particulier les troubles du comportement. Il s’agit d’ailleurs d’un axe majeur du plan Alzheimer lancé le 1er février dernier par le Président de la République, M. Sarkozy.

En Allemagne, en Scandinavie et dans la région wallonne, on ne crée plus -ou presque plus- de places d’hébergement permanent. En effet, il n’y a plus de files d’attente et la qualité des établissements s’est aussi améliorée. La leçon à en tirer est qu’il nous faut à la fois créer des places nouvelles -parce qu’il faut souvent 6 mois en France pour accéder à une place et que c’est inacceptable- mais aussi accroître les moyens en personnel. Sur ce dernier point, beaucoup a déjà été fait ces dernières années et nous y consacrons des moyens financiers très importants - 4,5 milliards d’euros en 2008 soit 320 millions d’euros de plus en une seule année, ce qui gage la création de 10 000 emplois supplémentaires - et nous poursuivrons l’effort.

Enfin, dans toute l’Europe, l’accent est mis sur la multiplication des structures de répit pour faire face à l’épuisement des aidants et à leur détresse devant la maladie d’Alzheimer. La France, dans le cadre de son plan Alzheimer, s’est fixée un objectif ambitieux : créer 17 000 places d’ici 2012, soit presque un triplement par rapport à 2007.

Cela dit, l’effort ne doit pas être que sur le papier. Nous devons être vigilants sur la réalisation effective des plans et des places sur le terrain, parce qu’au fond il n’y a que cela qui compte pour nos concitoyens, notamment lorsqu’ils sont dans la plus grande fragilité.

Le Gouvernement français sait aussi qu’il faudra réduire la facture des usagers dans les maisons de retraite : aujourd’hui les tarifs sont devenus insupportables pour beaucoup de gens aux retraites modestes. Même si la collectivité ne peut tout prendre en charge, nous voulons parvenir, comme en Belgique ou en Allemagne, à ce que la grande majorité des résidents ne soient pas contraints de recourir à l’aide sociale. Pour cela, il nous faudra rendre les aides plus équitables.

Chaque amélioration pose automatiquement la question de son financement.

De ce point de vue, le Gouvernement auquel j’appartiens se trouve confronté un défi spécifique : il nous faut tout à la fois poursuivre impérativement le redressement de nos comptes publics comme l’ont déjà fait de nombreux pays de l’Union, tout en mettant en œuvre une véritable réforme sociale au travers du cinquième risque, sans recourir à une hausse des prélèvements obligatoires.

C’est pourquoi je crois que nous avons l’obligation de faire preuve d’imagination et de trouver le meilleur partage entre la solidarité nationale et la prévoyance individuelle ou collective, entre financement national et financement local et explorer également les pistes de redéploiement au sein des dépenses publiques.

En particulier, dans une société qui vieillit, il nous parait logique d’étendre la politique familiale - dont vous me permettrez de dire qu’elle est une réussite française - dans le sens de la solidarité intergénérationnelle et du financement de l’aide aux aidants familiaux. Si la question de la couverture des besoins des personnes handicapées renvoie très clairement à la solidarité nationale et à un financement presque exclusivement public, je constate que tous les pays d’Europe ont mis en place des mécanismes prenant en compte le niveau de ressources et de besoins des personnes pour calibrer les aides aux personnes âgées.

Au delà d’une simple participation de l’usager, ce qu’on appelle le ticket modérateur, qui ne doit pas décourager les usagers de recourir à l’aide, la piste de la prévoyance, notamment collective, doit être étudiée sans a priori dès lors que sont assurés les mécanismes garantissant le maintien et même le renforcement de la solidarité sociale et intergénérationnelle.

Dans le cadre d’un risque largement prévisible, la prévoyance peut constituer, sur le long terme, un levier important mais pas le seul et pas pour les personnes les plus modestes.

Nous avons aussi souhaité poser la question du patrimoine. C’est un point qui fait débat et je sais que certains pays ne pourraient accepter de gager ainsi une part du financement futur des prestations, même s’il s’agit d’une part limitée du patrimoine.

En revanche, d’autres pays comme le Royaume-Uni ont fortement développé ce recours au patrimoine, y compris en mobilisant celui-ci pour des montants et à des niveaux qui seraient jugés très bas en France.

A ce stade, nous réfléchissons à offrir aux usagers la possibilité optionnelle de gager une fraction du patrimoine, en limitant cette obligation aux patrimoines relativement importants.

Cela nous semble un moyen efficace d’apporter des moyens nouveaux à la prise en charge de la dépendance et notamment de financer l’amélioration des aides pour les personnes les plus modestes qui pourront voir mieux pris en compte leur besoins. Ainsi la France pourra financer d’ici 2012 un accroissement du montant des aides pour les personnes isolées ou atteintes de troubles du comportement ainsi qu’une meilleure prise en compte des aides techniques - dont j’ai rappelé toute l’importance.

Je voudrais enfin évoquer devant vous la question de la gouvernance du cinquième risque. Incontestablement, c’est dans ce domaine qu’il existe le plus de divergences institutionnelles en Europe.

L’ensemble de nos pays sont confrontés à la même problématique complexe qui consiste à assurer un pilotage de proximité, à articuler l’action des différents acteurs autour de la personne en perte d’autonomie et à éviter que la diversité des moyens des collectivités locales ne se traduise par une réelle disparité dans l’accès aux droits.

L’Espagne a opté pour une forte péréquation des moyens aussi bien entre les collectivités autonomes qu’entre les municipalités qui mettront en œuvre la prestation dépendance.

La Suède, quant à elle, a fait le choix d’une décentralisation très complète et d’une forte responsabilisation des collectivités locales. Ce choix a fait la preuve de son efficacité même s’il peut entraîner une forte pression financière sur certaines collectivités. En effet ces dernières sont mises à contribution pour financer les hôpitaux lorsque, faute de place, les durées d’hospitalisation se trouvent allongées. Ce mécanisme les a incitées fortement - et avec succès - à développer leur offre d’accompagnement des personnes en perte d’autonomie.

La logique choisie à ce stade par la France est plutôt une logique associant la déconcentration, au travers d’une reconfiguration de l’action de l’Etat dans les régions par la création d’agences régionales de santé, et la décentralisation, puisque le rôle des collectivités locales dans la gouvernance du système sera réaffirmé.

Dans le cadre de ces agences régionales de santé, il s’agira de concevoir une programmation globale des moyens et de transformer une partie des lits hospitaliers en maisons de retraite médicalisées qui font aujourd’hui cruellement défaut.

L’autre grande réforme sera celle ayant trait à la coordination des acteurs. Notre ambition est de proposer un « guichet unique » aux usagers en perte d’autonomie quel que soit leur âge en créant une maison départementale de l’autonomie qui rassemblera les services en charge du handicap et des personnes âgées, aujourd’hui séparés. L’objectif est de rationaliser les outils et de décloisonner les procédures, notamment en termes d’évaluation entre le champ du handicap et de la dépendance, afin de donner un contenu objectif à ce droit universel à l’évaluation et à une prise en charge personnalisée.

Face à ce défi de la dépendance, chaque pays de l’Union a beaucoup à apprendre de l’expérience de ses voisins. On voit bien que la diversité des approches et des institutions va permettre de faire émerger progressivement un nouveau champ de la protection sociale.

Le Gouvernement français s’est engagé dans ce chantier avec la conviction que la prise en charge de nos concitoyens les plus fragiles est une nécessité humaine et sociale mais aussi un facteur de dynamisme, de développement économique et de cohésion sociale renforcée. En effet, c’est aussi et d’abord à la mesure de ces efforts envers les plus fragiles que se mesure le degré de civilisation d’une société, autant qu’à sa richesse ou à sa puissance.

Je vous remercie.

Intervention de M. Tiziano Treu (Italie) 

M. Tiziano Treu ‑ Je pense que la protection sociale est un élément fondamental pour la cohésion et pour la croissance. Je pense également qu’il est très important d’avoir un échange d’expériences. J’ai l’habitude de participer à ces réunions mais, souvent, les parlements nationaux n’y participent pas eux‑mêmes. Il s’agit plutôt d’échanges entre gouvernements ou bureaucrates.

C’est une occasion très importante car le Parlement européen et la Commission peuvent avoir des résultats « bottom up » et pas seulement « top down ».

Il est important d’avoir cet échange d’expériences car l’Europe sociale doit s’améliorer. Je pense que l’éloignement des citoyens européens vis‑à‑vis de l’Europe est sans doute dû au manque de croissance économique mais surtout au fait qu’ils ne se sentent pas tranquillisés par ce que qui se passe en Europe au niveau social.

Nous avons des problèmes dans tous les pays mais l’Europe elle‑même a des problèmes et je pense que ceci pourra renforcer cette méthode de la coordination ouverte qui est sans doute intéressante mais un peu faible si l’on n’arrive pas à la renforcer. J’adresse donc tous mes vœux à la présidence française pour que ce soit le cas.

Pour faire face aux nouveaux risques financiers et humains, il faut offrir davantage de possibilités d’être actif. Des politiques actives du travail constituent donc le premier pas.

Les politiques du travail générique ne suffisent pas dans de nombreux pays. En Italie, nous avons atteint un niveau de chômage assez modeste de 5 % mais nous avons des tranches de population faibles. Nos politiques doivent donc se concentrer sur elles : les jeunes, les femmes et les personnes âgées.

Les jeunes ont surtout besoin d’une meilleure formation et une aide à la transition entre l’école et le monde du travail. Ils n’ont pas besoin d’une politique de travail, mais d’une politique de formation.

La sous‑utilisation des femmes dans le marché du travail est source de faiblesse. L’Italie est en dessous de 15 % en matière de taux de travail féminin imposé par l’Europe. Nous sommes en train d’essayer de mener des politiques de conciliation. Si l’on pouvait augmenter de 15 % le travail des femmes, nous aurions un moteur économique beaucoup plus fort. Nous aurions en partie résolu la politiques de la famille. Notre objectif fondamental est donc d’augmenter le nombre de femmes au travail ; ceci servira par la suite pour financer les politiques sociales.

Pour les personnes âgées, il existe déjà une directive européenne relative à la discrimination par l’âge à partir de 45 ans. Les préjugés sociaux existent et sont très forts. Des enquêtes disent qu’à 60 ans, les gens se sentent jeunes mais les entreprises les considèrent comme âgés. Il y a donc un décalage et il faut lutter contre ce préjugé et utiliser les instruments contre la discrimination. Je pense que l’Europe est en train d’élaborer une directive à ce sujet.

En second lieu, pour augmenter l’âge de la vie active, il faut repousser l’âge de la retraite. Actuellement, en Italie, les gens partent à la retraite vers 59 ans. On essaie d’arriver à 66‑67 ans mais certaines entreprises utilisent des formules masquées de préretraite. Il y a donc une contradiction.

Il faut trouver des instruments. Nous avons commencé à utiliser des contrats incitatifs pour les personnes de plus de 55 ans mais l’argent ne suffit pas. Le second outil est la formation. La formation permanente se termine souvent à 40 ans. On parle de la formation au long de la vie mais on vit jusqu’à 80 ans et à 40 ans, on n’a plus de formation ! L’espérance de vie est très longue : 79 pour les hommes, 82 pour les femmes ; si la formation s’arrête à 45 ans, ces personnes ne sont plus employables. Voici donc une politique importante pour l’avenir.

Le cumul entre revenus du travail et retraite constitue un autre sujet. Une personne de 60‑65 ans préfère travailler à temps partiel et toucher en même temps sa retraite, ou toucher une retraite pleine et travailler en tant que consultant. Les retraités italiens travaillent mais le font « au noir ». Si nous autorisons le travail de personnes qui touchent leur retraite, on pourra supprimer le travail au noir.

La prévention et la qualité de la vie sont également très importantes. Si nous soignons davantage notre manière de vivre et si nous favorisons notre politique de santé, les personnes pourront travailler plus longtemps.

Vous avez parlé du secteur des services à la personne, qui constitue un bassin d’emplois qualifiés. Il est facile de faire travailler dans le domaine des services une personne qui a travaillé jusqu’à 50 ans dans une industrie. C’est un travail moins dur qu’à l’usine. L’Italie a mené des expériences en ce sens.

Enfin, il faut abolir les préretraites et remédier aux fausses invalidités. Nous avons plus de 4 millions de personnes qui bénéficient de retraites d’invalidité en Italie. Ce sont des retraites assez modestes mais qui coûtent très cher. Nous faisons un peu de nettoyage mais la meilleure solution est la prévention et le fait d’offrir des possibilités de travail aux gens. Il faut aussi s’adresser aux entreprises, qui ne font rien pour nous aider en ce sens.

Concernant le handicap, nous avons l’obligation d’embaucher 7 % de handicapés pour les entreprises de moyenne et grande dimensions. Nous ne souhaitons pas que l’on puisse s’y soustraire en payant, mais pour rendre ceci réalisable, il faut une politique active. Nous avons des conventions personnalisées pour l’insertion des personnes handicapées à l’intérieur des entreprises ou des coopératives, avec une réinsertion graduelle. Ce système fonctionne mal car nous avons décentralisé les politiques du travail et la politique d’assistance et il existe de grandes différences entre régions, même si les principes généraux sont les mêmes.

Au Nord‑Est, plus de la moitié des handicapés, mêmes graves, trouvent une possibilité de travailler grâce aux conventions personnalisées alors que dans certaine région il n’y en a aucun ! La loi ne fait pas tout : cela dépend aussi des services que l’on offre et de l’aide pratique, essentielle pour réduire les coûts.

Intervention de M. David Kafka (République tchèque) 

M. David Kafka ‑ Quand on est européen, on est admirablement placé pour mettre en commun les expériences mais également les menaces. Vivre en Europe, c’est aussi la possibilité de voir ce qui se passe chez nos voisins.

Nous avons actuellement 5 % de chômeurs dans notre pays, grâce à une bonne conjoncture économique, à une bonne situation des investissements directs étrangers, à de bonnes lois, à un bon réseau de service de l’emploi et bien évidemment grâce au programme de l’Europe.

Demeurent deux problèmes : l’emploi et le recrutement des handicapés et la minorité tzigane dite « rom », dont la situation de l’emploi est très peu favorable.

Nous commençons à mettre en place un programme de carte verte pour attirer les employés potentiels dans nos entreprises. Nous avons un indice de pauvreté qui se situe à 3 %.

Concernant les retraites, la prévoyance personnelle pose un problème dans la mesure où elle ne permet pas de compléter le revenu. C’est un défi que nous aurons à résoudre. Pour 93 % des retraités, la pension constitue l’unique source de revenus. Très peu de retraités continuent à travailler ; mais notre politique est relativement libérale et tout complément de revenus n’entraîne pas de diminution de la retraite. On peut cumuler les deux types de revenus.

La première phase de la réforme des retraites est en place depuis juin ; un certain nombre de modifications ont été votées par le Parlement, le Sénat en est actuellement saisi, avec un report de l’âge de la retraite de 62 à 65 ans. Nous essayons de limiter la prise en compte du nombre d’enfants pour la détermination de l’âge de la retraite des femmes. La période de prélèvement passe de 35 à 40 ans. En fait, tous nos concitoyens peuvent se prévaloir d’une quarantaine d’années de cotisations.

Il reste un débat sur la prise en compte des années d’études. Certains estiment que les années passées à la fac ne doivent pas être prises en compte dans le calcul des cotisations. Nous mettons en place une nouvelle logique, avec deux formules pour les retraites des handicapés, ce qui signifie une prestation plus satisfaisante pour ces personnes.

Deux phases doivent encore être mises en œuvre. La mise en place du troisième pilier implique un bon matelas que nous essayons de constituer grâce aux revenus des privatisations. D’autre part, certaines caisses de retraite vont devoir changer de structures et nous allons essayer de motiver les employeurs à abonder davantage les systèmes de retraite. Nous allons limiter les retraits anticipés des sommes investies dans la prévoyance personnelle de manière à inciter les gens à transformer leur retraite constituée en pécule en rente mensuelle.

Enfin, le troisième pilier aura un caractère facultatif. On pourra décider de ne pas cotiser mais nous avançons avec beaucoup de prudence en essayant d’être à l’écoute du vécu des pays voisins : au maximum 5 % mais beaucoup disent 2%, 3%, maximum 4 %. Cela doit comporter deux éléments, d’abord la partie pour laquelle l’exemption est demandée, avec le même montant à titre de cotisation personnelle. Nous pensons que cela constituera un rempart protecteur.

Nous prévoyons trois formules possibles : une pension de base générale, une pension de base plus le revenu tiré du troisième pilier, une pension de base complétée par une épargne personnelle. Nous essayons de faire preuve de davantage de flexibilité et d’être sensibles aux besoins de ceux qui vont prendre leur retraite au cours des vingt années à venir.

Intervention de M. Gérald Weiss (Allemagne) 

M. Gérald Weiss ‑ Le président About a indiqué que la situation dans le domaine de l’emploi dans l’Union européenne s’améliore. En Allemagne, nous avons 1,6 million de chômeurs en moins qu’il y a trois ans, et 1 million de plus de personnes qui cotisent à l’assurance sociale et qui sont soumises à des charges sociales. Plus de la moitié sont des emplois à temps plein et la situation dans le domaine de la formation et de l’apprentissage s’est également améliorée.

La menace la plus importante provenait du chômage. Grâce à la réduction du taux de chômage, il a été possible de réduire les cotisations de 6,5 % pour atteindre 3,3 %. Cette année, nous allons procéder à une nouvelle réduction de 0,3 %, ce qui constitue une diminution de moitié dans deux ans et demi dans le domaine des cotisations sociales. Cela diminue la charge des entreprises et contribue à un renforcement du pouvoir d’achat des employés.

Il y a une détente au niveau de l’assurance sociale qui constitue le noyau du système social. L’assurance sociale compte 240 prestations différentes ; c’est le domaine le plus important de la protection sociale en Allemagne. Depuis trois ans, nous créons des réserves et parviendrons bientôt à réduire les cotisations concernant l’assurance vieillesse, tout comme les allocations dépendance.

Toutefois, en ce qui concerne le chômage, la situation démographique continue à poser un problème. En Allemagne, chaque génération est inférieure d’un tiers à la précédente mais vit cinq ans de plus. Nous avons donc été obligés de tirer les conclusions de cette évolution démographique. Nous avons fait une coupure très impopulaire jusqu’à aujourd’hui, mesure qui n’a pu être prise que par une grande coalition, à savoir que l’âge de la retraite a été porté de 65 à 67 ans à partir de 2012 jusqu’en 2029 et permettra d’équilibrer le clivage entre personnes actives et non actives.

Il faut également permettre aux individus de travailler plus longtemps. Nous avons donc pris des mesures permettant d’augmenter les chances d’emploi des seniors. D’ores et déjà, l’emploi des personnes de plus de 50 ans a augmenté de près de 50 % dans les entreprises ; l’âge moyen de la retraite est passé de 59 à 61 ans.

Nous sommes obligés d’agir ainsi du fait de la situation démographique et de bien adapter les activités professionnelles et familiales : assistance aux enfants, comme en France, qui est bien plus en avance que nous, amélioration de la qualification des jeunes. Sur le plan économique nous ne pouvons plus nous permettre de laisser de côté ces potentiels inutilisés.

C’est pourquoi nous prévoyons également la qualification des personnes plus âgées. C’est le défi de l’avenir.

En matière de retraite, plus de 90 % doit être versé à l’assurance vieillesse mais ces cotisations sont complétées par des éléments basés sur les capitaux, par des retraites complémentaires d’entreprise dont nous avons amélioré les conditions ainsi que par la prévoyance personnelle que nous voulons améliorer.

            (La séance est suspendue quelques instants).

Intervention de Mme Camille Dieu (Belgique)

Mme Camille Dieu ‑ Je partage votre avis quand vous dites que les matières sociales ne sont pas suffisamment communautaires mais je vous dirai aussi qu’en attendant que soit mise en place une véritable Europe sociale et fiscale répondant aux objectifs des trois piliers de la stratégie de Lisbonne, je préfère quant à moi encore aujourd’hui utiliser le principe de subsidiarité.

Vous avez également raison de souligner que le meilleur financement de la sécurité sociale, c’est l’emploi mais ce n’est pas le politique qui crée l’emploi ; tout au plus peut‑il fixer les conditions de créations d’emplois pour les investisseurs.

A cet égard, nous avons constaté en Belgique que le poids des charges sociales était extrêmement important sur l’emploi. Les cotisations patronales sont très élevées mais également celles des travailleurs. Nous avons donc décidé de diminuer cette pression sur les cotisations patronales, de même que sur les salaires. Du coup, comme il fallait garder un équilibre à la sécurité sociale, nous avons augmenté le financement alternatif.

C’est ainsi qu’il y a quatre ans encore, 75 % du financement de la sécurité sociale provenait des cotisations patronales et de celles des travailleurs, le reste provenant de transferts de l’Etat. Aujourd’hui, nous sommes à 68 % de cotisations provenant du travail et 32 % provenant d’un financement alternatif grâce à des transferts de TVA ; nous avons également pour la première fois prélevé 15 % des recettes du précompte mobilier pour financier la sécurité sociale.

D’autre part, le différentiel entre bas et moyens salaires avec une allocation de remplacement de chômage était relativement faible ; il n’y avait donc pas d’incident à retrouver un emploi dans la mesure où un demandeur d’emploi reçoit une allocation jusqu’à ce qu’il retrouve un emploi ou parte à la retraite. Ses allocations familiales sont en outre majorées. Il n’y avait donc guère d’incitation à retrouver un emploi peu payé par rapport à l’allocation de chômage.

On a donc pris des mesures et décidé que les allocations familiales majorées ne seraient pas supprimées dès le retour à l’emploi mais deux ans plus tard seulement.

On a également constaté que les entreprises se séparent plus volontiers de leurs travailleurs âgés, plus chers. Dans le plan d’accompagnement des chômeurs, une partie est consacrée aux travailleurs de plus de 50 ans. Ceci suscite une certaine polémique, surtout de la part des organisations syndicales car il n’est guère facile de retrouver un emploi après cet âge, même quand on est qualifié.

On a essayé de trouver des incitations et on a donné un bonus de 2 € par jour de travail supplémentaire dès 62 ans ou 44 ans de carrière. On peut ainsi arriver à 624 € supplémentaires.

Par ailleurs, quand un demandeur d’emploi de 50 ans retrouve un emploi, sa pension était calculée sur les revenus de ce dernier emploi, souvent moins bien rémunéré que le précédent. Nous avons décidé d’accorder une pension sur la base du travail antérieur. Je viens d’introduire une proposition de loi pour que ceci soit étendu aux plus de 50 ans qui retrouvent un autre emploi sans repasser par le chômage.

Nous avons aussi trois piliers de pension : la pension légale, l’assurance groupe ‑mais cela fonctionne que s’il existe des entreprises suffisamment solides‑ et l’assurance individuelle. Nous tenons beaucoup au système, tous partis confondus, de la pension légale, seule capable de permettre aux personnes âgées de vivre décemment.

Les pensions, en Belgique, tout comme les salaires, sont liés à l’index. Les pensions de secteur public, en cas de carrière complète, représentent 75 % des cinq dernières années de rémunération. Dans le privé, on constate un décrochage par rapport au coût de la vie. En effet, dans le public, nous avons un système de péréquation des pensions. Lorsqu’on augmente les barèmes de la fonction publique, les pensions sont automatiquement relevées. Par contre, ce n’est pas le cas dans le privé. Les Gouvernement précédent et le nôtre ont décidé d’une liaison au bien‑être. Les partenaires sociaux, réunis au Conseil national du travail, reçoivent tous les deux ans une somme consacrée à cette revalorisation des pensions.

Nous avons par ailleurs décidé de revaloriser les pensions les plus basses de 2 % au 1er juillet de cette année et porté une attention au statut social des indépendants. Ayant perdu de grosses entreprises métallurgiques, sidérurgiques et textiles, nous misons beaucoup sur les PME et les TPME pour relancer notre économie. C’est ainsi que nous avons estimé qu’il fallait procurer aux indépendants un statut social se rapprochant le plus possible de celui des salariés.

Enfin, nous avons créé le fonds de vieillissement, alimenté régulièrement pour les pensions futures ; ce fonds est actuellement doté de 13 milliards d’euros alors que les pensions légales coûtent à l’Etat dans le cadre de la sécurité sociale 16,5 milliards d’euros. Nous avons également une garantie de revenus pour les personnes âgées, qui compte 70 000 bénéficiaires. Les pensions représentent chez nous le deuxième secteur de financement de la sécurité sociale, le premier étant les soins de santé à raison de 21,5 milliards sur 50 milliards.

En ce qui concerne les personnes handicapées, la politique du handicap relève à la fois du niveau fédéral et des entités fédérées : allocation de remplacement de revenus, allocation d’intégration et allocation d’aide aux personnes âgées, les deux dernières relevant du concept de compensation de la perte d’autonomie. Le reste est en principe régional.

Nous pensons que l’enjeu de cette politique est l’intégration des handicapés dans la société, leur participation effective à la vie sociale, économique, politique et culturelle. Nous avons à cet égard mené différentes politiques transversales.

Notre Gouvernement vient de décider de supprimer progressivement ce qu’on appelle le « prix de l’amour » : un handicapé vivant avec un conjoint disposant d’un revenu voyait son allocation diminuer. Nous avons supprimé cette discrimination.

Enfin, les enfants handicapés ont des allocations familiales majorées et nous avons aussi une obligation de recrutement de handicapés dans le secteur public à hauteur de 3 %. Nous souhaiterions faire la même chose pour le secteur privé.

Intervention de M. Stef Blok (Pays Bas) 

M. Stef Blok ‑ En Hollande, nous avons une assurance pour couvrir les risques de perte d’autonomie. Selon nous, c’est cher et compliqué. Vous êtes donc courageux !

En effet, ce n’est pas facile de bien définir une perte d’autonomie et un employé moyen paye 12 % de son salaire pour cette assurance, soit l’équivalent de 350 € mensuels. Le nombre de personnes âgées augmentant, ce montant pourrait passer à 700 € mensuels.

Les Gouvernements de droit comme de gauche sont donc obligés de limiter cette assurance plutôt que l’améliorer.

Ce qui m’intéresse dans la situation française, c’est la façon dont vous envisagez de payer cette assurance. Tient‑on compte des moyens propres des personnes âgées, des enfants ? Ce sont des choix difficiles mais inévitables si l’on crée une telle assurance.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales du Sénat ‑ Je suis personnellement très admiratif de l’effort que vous faites en ce domaine. Vous êtes des précurseurs. Nous sommes en train de réfléchir à un système qui s’appuiera à la fois sur l’assurance individuelle mais aussi sur une contribution basée sur le patrimoine, avec une possibilité de récupérer sur les successions pour les patrimoines les plus élevés. Nous avons bien conscience qu’il va falloir nous attaquer aussi à ce dossier et nous allons certainement étudier l’expérience néerlandaise de près. Nous n’avons pas encore voté. Si l’ensemble des participants détient des documents à ce sujet, la commission est preneuse de toute information en ce domaine pour retenir le dispositif le plus performant.

Intervention de Mme Anne‑Lene Hansen (Danemark)

Mme Anne‑Lene Hansen ‑ Aujourd’hui, le Danemark est doté d’une économie saine, un niveau de vie élevé, avec pratiquement pas de chômage du fait de la flexicurité, mais la société danoise fait face à des défis considérables.

L’un de ceux-ci, comme dans d’autres Etats membres de l’Union européenne, est qu’il y a un nombre croissant de personnes âgées et de moins en moins de personnes actives. Une espérance de vie élevée est une évolution positive mais ceci exerce une pression sur le financement de la protection sociale, avec plus de cotisations pour les retraites et de soins pour les personnes âgées.

Différentes initiatives ont été prises au Danemark pour favoriser l’emploi et faire en sorte que les gens restent sur le marché de l’emploi plus longtemps. Entre autres, l’âge de la retraite est passé de 65 à 67 ans pour les tranches d’âge plus jeunes et peut être ajusté à nouveau si l’espérance de vie augmente davantage.

De la même façon, l’âge de la préretraite passera de 60 à 62 ans. La préretraite est une possibilité offerte aux Danois qui leur permet de se retirer plus tôt du marché du travail. Ceci est financé en partie par les salariés eux‑mêmes par un système de prévoyance.

Un programme a été mis en place pour les personnes éprouvant des difficultés d’insertion et pour les intégrer davantage dans la société et faire en sorte qu’un nombre aussi élevé que possible retrouve un emploi. Les groupes cibles sont les personnes qui ont des difficultés sociales au sens large, les sans‑abris, les personnes éprouvant des troubles mentaux, les prostituées, les toxicomanes et les alcooliques.

Un des objectifs est d’offrir aux uns et aux autres les meilleurs modes de soutien en fonction des moyens disponibles. L’aide doit donc être efficace.

De nombreuses mesures sont mises en œuvre afin d’améliorer la société et la protection sociale mais nous mesurons trop peu les effets de ceci sur la vie des personnes. C’est pourquoi des fonds ont été mis de côté pour des projets de recherche qui vont nous permettre de mieux connaître les effets de ces mesures et améliorer l’évaluation de leurs résultats.

Les dépenses publiques au Danemark dans le domaine social correspondent à environ 21 % des dépenses publiques.

Le système de retraite est construit sur trois piliers, chacun ayant son objectif propre et son propre système de financement. Il s’agit d’abord de veiller à ce que toute personne puisse bénéficier de conditions de vie minimales. Tous les citoyens reçoivent donc une pension nationale et éventuellement une retraite complémentaire. Le versement d’une complémentaire est fonction du revenu et des conditions financières.

La retraite nationale est financée par l’impôt. Il s’agit d’un système de retraite publique qui vise à assurer un niveau de vie raisonnable à toute personne quelle que soit sa condition au sein du marché du travail et qui est versée à partir de l’âge de la retraite, qui est de 65 ans, et qui constitue aujourd’hui la source la plus importante de revenus pour les retraités.

Le deuxième objectif vise à assurer au citoyen une économie raisonnable par rapport à leur niveau de vie avant la retraite. C’est la responsabilité des systèmes du marché du travail qui couvrent environ 90 % de tous les salariés travaillant à temps plein. Les pensions sont mises au point au cours de négociations collectives entre les organisations patronales et syndicales et sont obligatoires pour chaque salarié. Les cotisations sont fixées en pourcentage du salaire ; l’employeur verse en général 2/3, et le salarié 1/3.

Le troisième objectif est de permettre de tenir compte des souhaits individuels. Ceci est fait grâce au système de pensions privées. Un million de Danois payent des contributions à de tels systèmes.

La préretraite peut également être prise en compte ; la pension de préretraite est une pension sociale cumulée en fonction du nombre d’année durant lesquelles la personne a vécu au Danemark. Elle est entièrement financée au moyen de fonds publics.

Pour la majorité des personnes âgées, la retraite nationale et une éventuelle retraite complémentaire sont la principale source de revenus.

Les retraites privées constituent une part supérieure à la retraite nationale pour les personnes qui ont eu des revenus importants durant leur activité.

Le système danois fait l’objet de développements nouveaux qui signifient qu’à l’avenir les systèmes fondés sur l’épargne joueront un rôle plus important.

C’est particulièrement le cas du fait du développement des systèmes de retraites privées. Nous constations une augmentation de 30 % au début des années 1980 ; aujourd’hui, le chiffre est de 90 %.

Par ailleurs, il existe également des aides au logement ainsi que des aides pour couvrir les frais de chauffage, les frais médicaux et autres dépenses médicales.

De ce fait, une part importante des dépenses publiques est attribuée aux retraités ; cela couvre notamment les soins gratuits pour les personnes âgées sous forme d’aides individuelles et d’aides pratiques au domicile.

Il existe également des indemnités pour les chômeurs, les malades, les femmes enceintes, des aides à l’adoption, en cas d’accident du travail et dans d’autres domaines, notamment un droit d’accès gratuit à l’hôpital et aux soins, indépendamment de l’âge, des revenus et de la nationalité.

Les personnes handicapées peuvent également se faire rembourser des dépenses supplémentaires relatives à leur vie quotidienne sous forme de soins à domicile, d’aide à domicile ou d’aménagement du logement.

Les personnes handicapées ont également droit à une aide pour financer le recrutement d’une aide individuelle.

Les dépenses supplémentaires peuvent également être couvertes dans le cas d’enfants handicapés et il est possible d’obtenir de l’aide afin de s’occuper de membres de sa famille gravement malades ou handicapés.

Le Danemark a mis en place un certain nombre d’aides sociales en particulier pour les familles et les enfants parmi lesquelles les allocations familiales, versées aux familles dont les enfants ont moins de 18 ans, indépendamment des revenus des parents.

Il existe également des allocations pour les enfants de moins de 18 ans remplissant certaines conditions.

Ces sommes sont exonérées d’impôts et indépendants des revenus.

Nous avons un certain nombre de services et d’aides sociales. La règle principale au Danemark est que l’essentiel des dépenses sociales est financé par le secteur public au moyen de l’impôt tandis qu’une petite partie seulement est financée au moyen de contributions sociales obligatoires.

Ce qui caractérise le système social danois, c’est que les aides sociales sont à la disposition de tous dès lors qu’un certain nombre de conditions sont remplies.

Autre caractéristique : l’évaluation du paiement dépend des revenus antérieurs mais dans une très faible mesure. C’est le cas pour les retraites nationales notamment.

Intervention de Mme Hristina Hristova (Bulgarie)

Mme Hristina Hristova ‑ Le vieillissement de la population est l’un des plus grands défis pour l’avenir de la société européenne. Le vieillissement a des conséquences sur la durabilité de nos systèmes de protection sociale. En Europe, au cours des vingt ans à venir, la population de retraités augmentera d’environ 17 millions et le nombre de personnes de plus de 80 ans sera de 5,5 millions.

La Bulgarie ne fait pas exception. Notre situation démographique est extrêmement négative, les taux de natalité sont négatifs, la population vieillit, la population active décroît et les revenus du système de sécurité sociale également.

Nous avons 2,5 millions de retraités et 2,5 millions de personnes en activité. Nous avons tenté de trouver des solutions. Il n’y a pas de solution unique. Nous préparons un projet de loi pour un fonds de réserve pour les retraites nationales. Nous l’appelons le fonds « argent », terminologie empruntée à un pays voisin.

Ce fonds « argent » viendra en soutien au système national de retraites. Ce fonds collectera 25 % du budget, 25 % des revenus de la privatisation et d’autres sources de revenus. J’espère que cette expérience sera un succès. Nous espérons que ce sera la solution pour résoudre le problème du vieillissement de la population et les difficultés liées aux retraites.

Intervention de M. Boris Sustarsic (Slovénie) 

M. Boris Sustarsic ‑ En Slovénie aussi la population vieillit rapidement. Nous sommes donc confrontés aux mêmes difficultés. Actuellement, le problème le plus pressant est de savoir comment réformer la législation afin de fournir une aide physique aux personnes âges ou handicapées dépendantes.

Il existe des principes généraux mais le premier est que les personnes handicapées doivent avoir accès à l’emploi sur le marché comme d’autres. Néanmoins, nous pensons que nous avons de bonnes raisons de soutenir plus encore l’emploi des personnes gravement handicapées, en application des principes de l’économie sociale.

A cet égard, des exemptions par bloc seront mises en œuvre en septembre, relatives aux articles 35 et 37 mais l’article 7 s’applique également à ces exemptions. Le concept de cet article est sans doute bon pour les institutions sociales qui fournissent de bonnes prestations sociales, mais cet article n’est pas nécessairement favorable à l’emploi des personnes handicapées. En Slovénie, nous ne fournissons pas un emploi dans des conditions spéciales à ces personnes ; nous utilisons des sociétés spécialisées qui fournissent un emploi mais celles‑ci doivent être en concurrence sur les marchés pour obtenir de bons résultats économiques. Je souhaiterais donc exprimer l’espoir qu’il nous reste du temps, dans le cadre de la présidence française pour modifier cet article 7 afin de soutenir une politique sociale active au sein de l’Union européenne.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales du Sénat ‑ Je voudrais vous prier, au nom du Sénat, de pardonner le manque d’accessibilité de notre maison qui, même si elle fait des efforts n’est pas encore parvenue au niveau souhaitable. La France, sous la pression de notre commission et à la demande du président de la République, s’est engagée à rendre notre pays accessible au plus tard en 2015 ; j’espère que nous y parviendrons !

Intervention de M. Erich Gumplmaier (Autriche)

M. Erich Gumplmaier ‑ Si nous visons une Europe des citoyens, cela implique que le modèle social européen place vraiment des signaux crédibles et qu’elle fasse en sorte que les présidences suivantes imitent l’exemple français.

Je voudrais également remercier mes collègues allemands et l’hôte qui me permet de m’exprimer exceptionnellement dans ma langue maternelle.

Lorsque les gens pensent Europe, ils voient souvent le fait qu’il existe des mesures d’économie, des restrictions et que ce ne sont pas nécessairement des initiatives pour améliorer l’Etat providence.

J’avoue que cela m’incite à me « rebiffer » : nous qui travaillons dans le domaine de la politique sociale regardons toujours celle‑ci sous l’angle de la réduction et des économies. Nous faisons tous la course à la baisse de l’imposition et cela crée un véritable goulot d’étranglement. Je pense qu’il y a même des preuves empiriques pour mettre en évidence le fait que les fonds de pension ont autant perdu à la bourse que ce que nous perdons par la baisse de natalité.

En Autriche, nous ne faisons pas exception. Nous sommes fiers d’avoir réussi à faire baisser le chômage ces dernières années, mais il ne faudrait pas non plus oublier que beaucoup de personnes actives ne peuvent plus vivre de ce qu’ils gagnent et sont dans une situation de précarité.

Je voudrais vous présenter quelques mesures que nous avons mises en place ces dernières années en Autriche.

Nous avions un taux d’activité très élevé et voulions mettre en place un SMIC de 1 000 € en 2009, et on parle maintenant de 800 € de retraite minimum. Nous avons également mis en place un système de sécurité pour les indépendants ; les travailleurs à temps partiel ont bénéficié de 2,5 % d’augmentation. Nous avons augmenté à deux reprises la retraite minimum et nous luttons contre la pauvreté en ayant fixé le plafond des frais liés à l’achat des médicaments à 8 % des revenus.

En matière économique, nous prenons également des mesures. Nous avons besoin pour maintenir notre Etat providence en place d’un système très flexible. Les parcours professionnels sont très différents. Certaines personnes ne sont plus en mesure de travailler à 58 ans alors que d’autres sont encore pleines d’énergie à 68 ans !

Si nous prenons des mesures générales, on court le risque de prendre avec la main gauche ce que l’on a mis de côté avec la main droite. Si on augmente l’emploi des personnes les plus âgées, on augmente en même temps le chômage des jeunes.

Le modèle sociale européen est un véritable défi. Nous avons besoin d’une approche différenciée, intelligente. Il faudra également réfléchir à de nouveaux modèles de financement. Je remercie nos collègues belges de ce qu’ils ont dit sur le système de contribution basé sur le niveau des revenus et des recettes.

M. Nicolas About, président de  la commission des affaires sociales du Sénat   ‑ Merci d’avoir insisté sur le phénomène de la baisse du chômage qui s’accompagne de l’apparition des travailleurs pauvres. C’est un véritable défi pour tous nos pays.

Intervention de M. Marian Sarbu (Roumanie)

M. Marian Sarbu ‑ Je veux dire quelques mots à propos du système de retraite en Roumanie et des efforts qui sont faits pour le rendre financièrement soutenable et dans le même temps acceptable. Il est cependant très difficile de trouver une balance entre les deux.

L’évolution de ces dernières années a montré la nécessité de la réforme en complétant le cadre juridique et institutionnel par la création d’un système complexe de pensions fondé sur plusieurs éléments.

En effet, à partir de 2005 a été mis en place un ensemble de mesures législatives dans le domaine de l’assurance sociale, concentrées sur les objectifs suivants :

‑ renforcement financier du système de retraite publique et l’assurance d’un revenu adéquat ;

‑ reconstruction du système public d’assurance sociale par l’élimination de certains types de prestations non contributifs ;

‑ externalisation du paiement des indemnités financées par le budget de l’assurance sociale ;

‑ enfin, mise en place de nouveaux moyens de financements et d’administration de type capitaliste gérés par le secteur privé afin d’assurer un avenir sûr et décent aux futurs retraités.

En ce qui concerne le système public, depuis janvier 2008, le rapport entre la valeur du point de pension et le salaire moyen brut utilisé pour établir le budget de l’assurance sociale est de 37,5 %. A partir du 1er janvier 2009, ce rapport sera de 45 %, soit une croissance importante.

Le système public de pension est un régime général d’assurance sociale ; il couvre entièrement les employés rémunérés, les chômeurs et partiellement les indépendants en matière de vieillesse, d’invalidité, de survie et d’accidents survenus en dehors du travail. Il procure un revenu de remplacement. Le système est partiellement contributif.

Le budget de l’assurance social est constitué des revenus et des dépenses du régime. A côté des contributions, dans le cas de déficit de revenus, il peut aussi inclure des subventions provenant du budget de l’Etat.

Le taux de cotisation de l’employé est fixé à 9,5 %, indépendamment des conditions de travail. La base du calcul mensuel de la contribution individuelle d’assurance sociale est le salaire brut. Ce n’est pas la même chose en ce qui concerne les employeurs. Leur contribution aux assurances sociales pour des conditions normales de travail est de 19,5 %.

Quelques mots concernant le deuxième pilier : il est basé sur des contributions pour les moins de 35 ans. Il est obligatoire et son montant sera de 2 % cette année ; il augmentera progressivement chaque année jusqu’à 6 % au terme de 8 ans. 20 % des pensions publiques seront alors administrées par le privé.

Nous avons également un système volontaire qui peut apparaître plus attractif pour protéger les revenus dans le futur.

Intervention de M. Juha Rehula (Finlande)

M. Juha Rehula ‑ Aujourd’hui, les citoyens des Etats membres pensent que l’Union européenne sous‑estime la dimension sociale dans ses politiques. Nous avons à placer ces projets sociaux au cœur des politiques européennes. Tous les pays de l’Union européenne sont confrontés aux mêmes problèmes. Le changement démographique en est un.

Nous savons également que cela entraîne de véritables défis en matière de retraites pour tous les systèmes sociaux ou institutions sociales. Nous avons dû rendre les lieux de travail plus attractifs et devons continuer en ce sens.

Les systèmes de retraites flexibles et des incitations économiques doivent être mis en place pour inciter les gens à travailler plus longtemps.

Les employés doivent également être incités à rester sur le marché du travail grâce au renforcement des possibilités de formation et de réhabilitation. Il ne doit pas s’agir uniquement d’incitations économiques.

Le travail doit être rendu plus attractif grâce à différentes méthodes, par exemple grâce à des possibilités d’emplois flexibles. Cela signifie que la qualité de la vie au travail doit s’améliorer.

Les changements dans le système de retraite sont la méthode la plus efficace pour retarder l’âge de la retraite mais, comme nous le savons tous, ce sont des changements difficiles à mettre en œuvre. Néanmoins, il faut le faire.

En Finlande, notre expérience est la suivante. Nous avons besoin d’une grande coopération entre le Gouvernement, les autorités et les ONG comme les syndicats. Nous avons besoin que tout le système contribue à ces changements ; ensuite seulement nous pourrons identifier les bons objectifs.

Il y a quelques années en Finlande, nous avons entrepris une réforme majeure de notre système de retraite. Notre réforme porte sur trois points :

Tout d’abord, le principal changement a consisté à prendre en compte tous les revenus cumulés durant la carrière d’un individu. Ceci signifie que, pour le soixante-troisième anniversaire d’une personne, la pension est calculée selon ce mécanisme.

Ensuite libre à l’individu de décider de prendre sa retraite entre 63 et 68 ans. La réforme est entrée en vigueur il y a trois ans et nous avons constaté que seulement un cinquième des personnes ont souhaité prendre leur retraite aussi tôt que possible. Quatre sur cinq ont en effet souhaité continuer à travailler.

L’un des points essentiels de la réforme porte également sur le coût et le financement durable de notre système. L’épargne joue un rôle, en particulier du fait de la durée plus longue de la période de travail.

Bien sûr, nous sommes tous à la recherche d’un système de financement durable et nous savons que nous avons besoin de la coopération entre tous les secteurs ainsi que de nous concentrer sur la coopération entre le système de santé et les services sociaux.

Notre Gouvernement actuel a un projet de réforme de l’ensemble de notre système social et de d’assurance ; cette réforme va être mise en place au cours des années à venir.

L’un des projets est le suivant : il s’agit d’établir un lien entre les retraites, les revenus et le niveau d’impôts et d’assurance.

Intervention de M. Charambos Kyritsis (Chypre) 

M. Charambos Kyritsis ‑ Mesdames et Messieurs, nous parlons ici d’enjeux économiques. On part toujours du principe que l’objectif est le meilleur compromis possible entre croissance économique et meilleure distribution des richesses qui soit de nature à assurer la prospérité de tous.

Nous avons une bonne croissance économique, avec pratiquement le plein emploi et donc une très bonne participation de la population. Selon Eurostat, pour 2007, nous étions à 71 % des objectifs fixés par l’Union. Nous avons d’ailleurs, avec 3,4 %, le plus bas chiffre de chômage. Nous sommes bien en‑dessous de la moyenne des 27 mais également des qunize Etats de la zone euro.

Ce n’est donc pas simplement une histoire de principe. Cette croissance, ce faible chômage nous permettent non seulement mais nous obligent à nous concentrer sur le caractère stable et pérenne de l’emploi.

Ces dernières années, nous nous sommes intéressés aux conditions d’accès au marché du travail des groupes vulnérables mais également aux seniors et aux handicapés. Pour ces derniers, une consultation est déjà en cours entre le législatif et l’exécutif pour mettre en route des actions positives. La politique de l’accessibilité pour les handicapés est particulièrement importante. On peut y arriver par un système de quotas, du moins pour le secteur public ; bien évidemment, pour le secteur privé, on va plutôt préférer un système d’incitations qui fait actuellement l’objet de ce dialogue.

Les discriminations positives en faveur de l’égalité des chances entre groupes de populations sont non seulement admises mais s’imposent car il est nécessairement bénéfique, sans nivellement par le bas, que la société mette en route des conditions destinées à obtenir une plus grande égalité.

Il s’agit d’obtenir davantage d’emplois mais également de réaliser des avancées sur le plan qualitatif, autrement dit obtenir des emplois stables, pérennes, protégés permettant de bonnes conditions de travail, avec des horaires réguliers, un maximum de prévisibilité et une assurance sociale.

Nous avons, dans le cadre du consensus social, réussi à régler le problème de la viabilité de l’assurance santé et vieillesse en grande partie grâce à une amélioration des contributions sans agir sur l’âge de la retraite mais sans non plus abaisser le niveau des retraites et des prestations servi. Nous sommes en faveur d’un système de conventions collectives libres et d’accords libres ; les conditions des collaborateurs résultent d’une consultation tripartite entre partenaires sociaux et d’un dialogue. C’est pour nous très important et il convient de le conserver car nous y voyons un pilier indispensable du marché du travail.

Cette longue tradition du tripartisme, du dialogue social, est évidemment encouragée par notre commission parlementaire des affaires sociales. La commission est saisie de questions résultant d’un dialogue préalable entre partenaires sociaux ; c’est là un fait qui intéresse beaucoup les collaborateurs mais également le caractère pacifique des relations entre partenaires.

Une protection doit nécessairement être fournie par l’Etat. Le travail n’est pas un produit susceptible d’être vendu ou offert au plus ou au moins offrant. La protection des travailleurs par rapport à la libre concurrence serait en contradiction avec le modèle en vigueur à Chypre. Dans cette confrontation entre modèles des différents pays, le travail devra continuer à bénéficier d’une bonne protection.

Intervention de M. Victor Ramalho (Portugal) 

M. Victor Ramalho ‑ Au Portugal, la priorité est actuellement de contrôler le budget et de mener des réformes dans beaucoup de domaines, notamment celui de la sécurité sociale, de la santé, de la modernisation de l’Etat et de la justice.

Dans le passé, le Portugal a eu beaucoup de sous‑systèmes dans le domaine des caisses privées de sécurité sociale. Aujourd’hui, la sécurité sociale privée et publique est équivalente. Dans le passé, il y avait trente sous‑systèmes de sécurité sociale privée. Nous avons changé pour réaliser une régulation de la sécurité sociale en général.

La préoccupation a été le soutien des systèmes dans le futur. Nous avons réalisé une formule liée à la modification de l’âge des personnes. Plus l’âge augmente, plus le système s’adapte.

Nous avons également créé un système pour les personnes en difficulté. A ce propos, il existe un plafond pour les personnes les plus âgées.

Notre principale préoccupation est également liée au chômage et à la formation professionnelle. Il existe actuellement un projet pour renforcer la formation de 300 000 actifs.

Une autre préoccupation commune à toute l’Europe concerne la natalité. Au Portugal, la natalité est très basse et il est nécessaire de la soutenir. C’est le but poursuivi par les réformes qui ont été mises en place.

Comme vous le savez, le déficit du Portugal était de 6 % ; il est actuellement de 2,6 %. Il a été très difficile de tout réaliser en même temps mais je crois que nous avons obtenu des résultats et la nation l’a bien compris car nous l’avons bien informée.

Intervention de M. Edwin Vassallo (Malte) 

M. Edwin Vassallo ‑ Je viens sans doute du plus petit pays d’Europe puisque nous sommes 400 000 maltais mais nous nous trouvons face aux mêmes difficultés que les grands pays : une vision à long terme pour promouvoir de meilleures conditions de vie pour toutes les tranches de la population. Cela se retrouve dans une politique de cohésion sociale avec comme objectif une croissance économique pérenne, un niveau élevé d’emploi, une incitation aux investissements et le rétablissement du solde budgétaire à des niveaux acceptables.

Nous avons enregistré un ralentissement de la croissance démographique par rapport à la période 1985‑1995. L’âge moyen est en revanche en baisse de 16 % sur une période de dix ans. La même chose vaut pour les enfants âgés de moins de 15 ans avec une augmentation du nombre de personnes de 64 ans et au‑delà.

Les tendances mondiales, le climat économique local ont conduit à la définition de six objectifs : structuration d’entités publiques, contrôle de l’emploi public, réduction des dépenses étatiques, lutte contre l’évasion fiscale, mesures pour favoriser les recettes de l’Etat, réforme des pensions.

Par rapport aux vingt-sept Etats membres, nous en sommes à 77 % du PIB par tête d’habitant. En ce qui concerne le pouvoir d’achat, en 2007, notre croissance réelle était d’un peu plus de 3 % conformément à l’engagement pris par le Gouvernement mais nous voulons également un mécanisme financier durable. En effet, le déficit public a été ramené à 3,3 % en 2005.

De l’autre côté, pour ce qui est du chômage, celui‑ci, en janvier 2008, était de 4,3 % des actifs. Le chômage chez les seniors était de 3,8 % alors que chez les moins de 25 ans, il était de 5,1 %.

Pour avoir droit à des prestations, il faut avoir cotisé à une caisse obligatoire et étatique. La croissance modeste ainsi que le vieillissement provoquent des tensions dans la pérennité du système de protection sociale. En augmentant l’âge de la retraite, nous espérons favoriser une baisse du chômage et un renforcement de la croissance.

En resserrant les liens entre cotisations et taux de pensions, on encourage les gens à travailler plus longtemps et dans des conditions déclarées. Cela contribue à une meilleure épargne personnelle, ce qui permet de lutter contre le risque de pauvreté au moment de la vieillesse.

Il faut également pouvoir vivre une plus longue vie de travail et qu’elle soit plus attirante. Nous envisageons pour cela un deuxième pilier destiné à compléter le système actuel fondé sur la règle des 2 / 3. Cette réforme sera mise en place progressivement. Nous allons travailler cohorte par cohorte, tranche d’âge par tranche d’âge et ces réformes se poursuivront jusqu’à ce que l’ensemble soit cohérent et géré de façon rationnelle.

En 2006, le Gouvernement a annoncé un certain nombre de changements dont le passage de l’âge de la retraite à 65 ans pour les hommes comme pour les femmes, avec un minimum garanti de 60 % du revenu médian, un nouvel calcul des droits, une nouvelle formule pour les indépendants et des conditions pour ceux qui ont atteint la limite d’âge mais souhaitant poursuivre leur carrière de manière à ce qu’il n’y ait pas de pénalité au moment du calcul des retraites par rapport aux congés de paternité mais également par rapport aux études.

Une option volontaire existe également pour les pensions privées avec des incitations fiscales.

Tout ces succès sont mis en cause par le fait que 2.500 immigrés clandestins arrivent en moyenne par an. Dans un pays dont la population est de 400.000 personnes, on voit l’ampleur du problème. Si cela se passait aux Etats‑Unis, le président Bush aurait déclaré l’état d’urgence national !

J’espère que la présidence de la France qui, comme Malte et l’Italie, est bien placée pour savoir ce qu’est l’immigration clandestine, pourra mettre en avant des propositions utiles sous peine de voir l’Europe tout entière confrontée à un défi insoluble !

Intervention de M. Zsolt Torok (Hongrie) 

M. Zsolt Torok ‑ Nous avons nous aussi mené à bien un certain nombre de réformes de nos systèmes de prestations et de nos systèmes budgétaires en 2006 mais compte tenu des tensions qui régnaient à Budapest, l’effort était peut‑être devenu insupportable.

Nous sommes dix millions, dont quatre d’actifs, trois de retraités, deux de jeunes et un de chômeurs et de gens qui échappent au système. Beaucoup parmi ces derniers ne versent pas d’impôts et ne cotisent pas. Nous avons donc dû envisager des réformes qui se mettent en place dès cette année. Nous devons inciter les gens à épargner davantage, nous devons encourager les systèmes privés et faire évoluer les choses en ce qui concerne les limites d’âge.

Actuellement, le chômage est de 8 % en Hongrie ; nous avons entrepris de mettre en place un train de mesures qui proposent aux entreprises des incitations fiscales pour les encourager à embaucher des jeunes mais également des seniors à partir de 50 ans ainsi que les femmes souhaitant reprendre leur carrière après une grossesse.

Le programme comporte également un volet d’enseignement.

L’éducation est l’un des principaux leviers. Le chômage est souvent lié à l’analphabétisme et c’est une de nos grandes priorités.

Bien sûr, on ne peut être en concurrence avec les vingt-sept Etats membres mais il me semble que nous serons tous d’autant plus forts que nous serons unis dans une concurrence par rapport aux autres régions du monde ‑et je pense d’abord aux Etats‑Unis. Je crois que nous pourrons gagner si nous savons nous unir. Cela vaut pour les politiques de sécurité sociale.

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