AFFAIRES SOCIALES

Table des matières


Mardi 20 octobre 1998

- Présidence de M. Jean Delaneau, président, puis de M. Jacques Bimbenet, vice-président - La commission a procédé à l'audition de M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, sur les crédits de son département ministériel pour 1999.

Projet de loi de finances pour 1999 - Audition de M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, a indiqué que le projet de budget pour 1999 confirmait la priorité accordée par le Gouvernement au logement. Il a précisé que les crédits s'élevaient à 49,1 milliards de francs en moyens de paiement, soit une croissance de 2,2 % par rapport à 1998. Il a cependant observé qu'il convenait de rajouter à cette enveloppe les mesures fiscales prévues pour couvrir l'ensemble des moyens budgétaires consacrés au logement.

Il a indiqué que ces crédits étaient mis au service d'une politique globale s'articulant autour de quatre axes prioritaires : la consolidation de l'effort budgétaire mené en 1998, la réaffirmation d'une politique sociale du logement, la création d'un statut du bailleur privé et la pérennisation du prêt à 0 %, l'ensemble de ces mesures intervenant dans un environnement fiscal amélioré.

Le ministre a déclaré que les crédits de son département ministériel concrétisaient d'abord une reconduction des programmes physiques de l'an passé. Il a souligné qu'ainsi 80.000 prêts locatifs aidés (PLA) (dont 20.000 PLA à loyer minoré et 10.000 PLA d'intégration) et 120.000 primes à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale (PALULOS) seront budgétés.

Il a souligné que la baisse du taux du livret A permettrait par ailleurs d'offrir des prêts réduits d'un demi-point pour les opérations de construction et de réhabilitation menées par les organismes HLM.

Concernant la réhabilitation du parc privé, le ministre a annoncé que les crédits de la prime à l'amélioration de l'habitat (PAH) seraient maintenus à 800 millions de francs, soit un potentiel de 80.000 logements réhabilités, et que l'enveloppe de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) serait reconduite à 2,2 milliards de francs.

M. Louis Besson a ensuite indiqué que la politique sociale du logement constituait le second axe prioritaire. Il a observé que les aides personnelles au logement restaient, avec plus de 75 milliards de francs de prestations versées, un moyen primordial de justice sociale. Il a également rappelé que la politique d'actualisation régulière des aides personnelles au logement menée par le Gouvernement depuis juillet 1997 serait poursuivie.

Il a précisé que les aides personnelles au logement représentaient, au sein du budget 1999, une enveloppe de 34,6 milliards de francs, soit une hausse de 4,4 % par rapport à l'année passée.

En matière de logement des personnes les plus défavorisées, il a souligné que le budget reprenait en totalité les engagements pris par le Gouvernement lors de l'examen du vote de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions. A cet égard, il a souligné que les dotations de l'Etat aux fonds de solidarité pour le logement (FSL) augmentaient de 44 % pour atteindre 490 millions de francs.

Il a par ailleurs annoncé que l'Etat aiderait les associations qui assurent la gestion de logements au bénéfice de personnes défavorisées grâce à un crédit de 60 millions de francs, que les moyens consacrés à l'aide au logement temporaire (ALT) seraient augmentés de 18 %, atteignant ainsi 130 millions de francs, et qu'une dotation de 50 millions de francs serait affectée à la lutte contre le saturnisme.

M. Louis Besson a ensuite affirmé que la création d'un statut du bailleur privé constituait la troisième priorité du Gouvernement en matière de logement.

Constatant " l'effritement " du parc locatif privé, il a observé qu'un statut pérenne et équilibré du bailleur privé était nécessaire afin de développer une offre de logements à loyer maîtrisé dans le parc privé. Estimant que le mécanisme de " l'amortissement Périssol " constituait plus une mesure de défiscalisation que l'institutionnalisation du bailleur privé, il a rappelé que cette mesure, prorogée jusqu'au 31 août 1999, serait remplacée par un nouveau statut fiscal. Il a indiqué que ce statut reposerait sur une contrepartie sociale aux aides fiscales et serait applicable à la fois au neuf et à l'ancien.

Il a précisé que l'incitation à l'investissement locatif dans le neuf prendrait la forme d'un régime d'amortissement avec pour contrepartie une double contrainte : le respect par le bailleur de plafonds de loyers ainsi que des ressources des locataires. Il a observé que le taux d'amortissement serait de 8 % pendant les cinq premières années et de 2,5 % les quatre années suivantes.

Il a déclaré que, dans le parc existant, l'aide prendrait la forme d'une majoration de la déduction forfaitaire des revenus fonciers, celle-ci passant de 14 % à 25 %. Il a affirmé que l'attractivité du dispositif serait accrue par la mise en place d'une meilleure sécurisation des bailleurs contre les impayés de loyers, notamment par le versement direct de l'allocation au bailleur, mais aussi par les dispositions de l'accord conclu entre l'Etat et les organismes du 1 % logement.

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, a précisé que la modernisation du 1 % logement et la pérennisation du prêt à 0 % constituaient la quatrième priorité en matière de politique du logement. A cet égard, il a rappelé que l'Etat et les partenaires du 1 % logement avaient signé, le 3 août 1998, une convention modernisant les interventions du 1 % logement. Il a déclaré qu'un projet de loi entérinant cette réforme du 1 % logement serait examiné au Sénat le 12 novembre prochain.

Le ministre a précisé que cette convention, conclue pour cinq ans, visait à faciliter des parcours résidentiels plus diversifiés. Il a observé que les emplois du 1 % logement seraient ainsi étendus à la sécurisation des accédants à la propriété. Il a précisé que cette sécurisation interviendrait en cas de perte d'emploi ou pour le salarié des entreprises éligibles, faisant face à de fortes baisses de ressources, notamment en cas de rupture familiale. Il a également souligné que le 1 % logement favoriserait la mobilité professionnelle des salariés en aidant au financement des travaux d'entrée dans le logement et développerait de nouveaux systèmes de prise en charge gratuite des cautions et garanties d'impayés de loyers, orientés prioritairement vers les jeunes.

Le ministre a estimé que cette réorientation, parallèle à la rebudgétisation du prêt à 0 %, s'accompagnerait d'une réaffirmation des interventions traditionnelles du 1 % logement, notamment en ce qui concerne l'apport financier complémentaire à la construction et à la rénovation des HLM et l'aide à l'accession à la propriété.

Au-delà de ces quatre orientations majeures, M. Louis Besson a insisté sur les mesures fiscales du projet de loi de finances pour 1999. Il a ainsi rappelé que les droits de mutation seraient réduits de plus de 20 %, soit un allégement d'impôt de 3,7 milliards de francs. Il a d'ailleurs déclaré que l'Assemblée nationale avait complété ce dispositif par une exonération de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les terrains à bâtir pour les particuliers, à condition de construire dans les cinq ans.

Il a également indiqué que le taux réduit de TVA à 5,5 % s'appliquerait aux dépenses d'amélioration de l'habitat à condition que les bailleurs privés bénéficient d'une subvention de l'ANAH et d'un conventionnement éligible à l'aide personnalisée au logement (APL). Il a précisé que plus de 10.000 logements devraient être concernés par cette mesure.

Le ministre a aussi rappelé qu'un amendement voté en première lecture à l'Assemblée nationale avait par ailleurs plus que doublé le crédit d'impôt pour les travaux d'entretien et de revêtement à domicile en portant le taux de 15 % à 20 % et en doublant les plafonds de dépenses, par exemple de 10.000 à 20.000 francs pour un couple. Il a précisé que cette mesure, d'un coût de 200 millions de francs en 1999 et de 2,3 milliards de francs en 2000, permettrait de soutenir l'activité et de lutter contre le travail au noir.

Enfin, le ministre a rappelé que plusieurs mesures fiscales avaient été adoptées dans le cadre de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, citant notamment l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les opérations d'acquisition-amélioration de logements locatifs sociaux, ainsi que la clarification du régime fiscal de la sortie du bail à réhabilitation.

En conclusion, le ministre a estimé que le projet de budget pour 1999 s'inscrivait dans la recherche d'une plus grande justice sociale et permettait l'établissement d'un cadre stable et favorable pour tous les acteurs de la politique du logement.

M. Jean Delaneau, président, a interrogé le ministre sur la sécurisation de l'accession à la propriété. Il a, à cet égard, souligné qu'un dispositif de location-accession, permettant au locataire de se constituer un apport progressif pour l'accession, avait été mis en place à la fin de 1992 en Indre-et-Loire et s'est demandé si le ministre envisageait d'inscrire ce dispositif expérimental dans un projet de loi.

M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis, a ensuite interrogé le ministre sur les causes de la faible consommation des prêts locatifs aidés (PLA), sur l'effet des mesures fiscales en faveur de la construction et de la rénovation du parc locatif social instaurées en 1997 et 1998, sur l'effort du Gouvernement en matière de logement intermédiaire et sur le dispositif de sécurisation instauré par la convention signée entre l'Etat et les partenaires du 1 % logement.

M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis, a également estimé que les opérations de réhabilitation de l'ANAH devaient être intensifiées en zones rurales. Il a enfin interrogé le ministre sur la perspective d'un dépôt prochain d'un projet de loi relatif à l'habitat et sur la suppression de la taxe régionale grevant les ventes de locaux d'habitation, effective depuis le 1er septembre, avant même le vote du Parlement.

En réponse à M. Jean Delaneau, président, M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, a reconnu que les opérations de location-accession avaient régulièrement diminué depuis plusieurs années. Il s'est déclaré prêt à réfléchir à une réforme ayant pour objectif de proposer les formules les plus souples possibles, cette réforme pouvant éventuellement être intégrée dans le prochain projet de loi relatif à l'habitat et à l'urbanisme, qui pourrait être déposé au Parlement l'été prochain.

Revenant sur les questions de M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis, le ministre a reconnu une sous-consommation des PLA par rapport aux objectifs budgétaires. Il a cependant exprimé l'espoir de voir 60.000 PLA réalisés d'ici à la fin de l'année, en particulier grâce au redéploiement des crédits vers les départements les plus consommateurs. Il a souligné que la réticence des organismes HLM à utiliser le PLA pouvait s'expliquer de deux manières : le changement de nature du produit, l'aide passant d'une subvention à une baisse de taux de TVA, et le niveau élevé des taux d'intérêt réels. Il a en revanche estimé que les mesures prises en juillet dans le cadre de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, dont, notamment, la modification du régime d'attribution des HLM, favoriseraient la construction à venir des logements sociaux, même si la loi n'avait pas encore eu d'impact réel.

Concernant les PLA d'intégration (PLA-I), M. Louis Besson a regretté la réticence des collectivités locales à accueillir des logements d'intégration. Il a jugé que les PLA-I restaient des produits à la fois nécessaires car ils visent à offrir un logement aux familles en grande difficulté sociale et suffisamment attractifs, rappelant qu'aucun instrument de la politique du logement n'avait été autant subventionné. Mais il a également reconnu que les difficultés rencontrées pour identifier les familles en difficulté pouvaient expliquer la faible utilisation des PLA-I.

M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis, a précisé que des expériences intéressantes étaient conduites dans les départements, signalant en particulier une convention pour le logement des familles en grande difficulté signée, dans le Loir-et-Cher, entre le conseil général et l'Office public des habitations à loyer modéré (OPHLM).

Concernant les PLA à loyer minoré (PLA-LM), M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, a rappelé que ces produits visaient à permettre le logement dans le parc locatif social des familles à faibles ressources. Il a observé une tendance à la paupérisation de la population HLM, une récente enquête du Centre de recherche et de documentation sur la consommation (CREDOC) montrant que 50 % des occupants de HLM avaient des ressources inférieures à 60 % du plafond HLM. Il a jugé que, dans ces conditions, les PLA-LM devraient être une priorité pour le mouvement HLM. A cet égard, il a indiqué qu'une circulaire du 4 août dernier avait introduit, à la demande du mouvement HLM, et à titre expérimental, des souplesses supplémentaires en matière de financement et de loyer qui devraient permettre une relance des PLA-LM.

Le ministre a également insisté sur la nécessité d'un renouvellement progressif du parc locatif social en soulignant que la vacance était coûteuse pour les organismes HLM. Il a estimé que les PLA construction-démolition, qui devraient augmenter sensiblement en 1999, permettraient de concourir efficacement à la réalisation de cet objectif.

Il a considéré que, d'une manière générale, un meilleur taux de réalisation des objectifs PLA restait une nécessité, les crédits non consommés étant annulés en fin d'année.

S'agissant de l'impact de la baisse du taux de TVA en 1997 et 1998, M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, a déclaré ne pas pouvoir évaluer le nombre de logements sociaux supplémentaires construits ou réhabilités. Il a toutefois signalé que ces mesures représentaient une aide fiscale de 2,8 milliards de francs et avaient donné lieu à la signature d'un accord avec le mouvement HLM, permettant la mise en oeuvre de travaux visant à une réduction des charges.

Concernant le logement intermédiaire, il a reconnu que le plan local d'insertion économique (PLI), qui est un produit non contingenté, avait du mal à trouver sa place. Mais il a estimé que la nouvelle mesure d'incitation à l'investissement locatif constituait un nouveau produit conventionné, susceptible de redynamiser le parc conventionnel.

Il a également confirmé qu'un projet de loi relatif à l'urbanisme et à l'habitat était en préparation.

Revenant sur la baisse des droits de mutation au 1er septembre 1998, il a affirmé qu'en matière de locaux d'habitation le choix avait été fait d'anticiper sur le projet de loi de finances pour 1999 afin d'accompagner la reprise du marché immobilier. En revanche, il a souligné que la baisse des droits de mutation pour les locaux commerciaux ne serait effective qu'au 1er janvier 1999.

M. Guy Fischer a, à son tour, regretté la trop faible consommation des programmes budgétés en matière de construction de logement social. Il s'est également interrogé sur les difficultés de plus en plus aiguës d'accès au logement alors que la vacance continuait à progresser dans les quartiers les plus difficiles. Il a enfin constaté qu'en dépit du vote de la loi relative à la lutte contre les exclusions, les personnes expulsées ne se voyaient pas proposer de solution de relogement.

Mme Gisèle Printz s'est inquiétée de la situation des gens du voyage en matière de logement, constatant que la loi de 1990 n'avait apporté que très peu d'amélioration.

M. Lilian Payet est intervenu pour insister sur les difficultés de logement outre-mer. Il a ainsi constaté qu'il faudrait construire 10.000 logements nouveaux par an à la Réunion pour répondre aux besoins. Il a constaté que la croissance des crédits inscrits sur la " ligne budgétaire unique " (LBU) restait peu efficace, ces crédits restant largement sous-consommés du fait de l'absence de politique de maîtrise foncière.

M. Gilbert Chabroux est revenu sur le projet de création d'un statut du bailleur privé. A cet égard, il s'est interrogé sur la possibilité de location du logement bénéficiant de l'aide fiscale aux ascendants et aux descendants et sur la possibilité de sous-location, notamment dans le cas des résidences pour étudiants. Il s'est aussi inquiété de l'effet du régime fiscal en cas de démembrement de propriété.

Répondant à ces intervenants, M. Louis Besson s'est déclaré préoccupé par la question de la vacance dans les grands ensembles. Il a cité le cas d'un département où 36.000 demandes de logement étaient en attente alors que 15.000 logements vacants ne trouvaient pas preneur. Il a cependant estimé que des conventions signées entre l'Etat et les collectivités locales dans le cadre des programmes locaux de l'habitat (PLH) devraient permettre de faire évoluer la situation.

Il a confirmé que le Conseil constitutionnel avait annulé l'article de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions donnant au préfet l'obligation, en cas d'expulsion, de s'assurer des conditions de relogement. Il a cependant estimé que le délai de deux mois entre la saisine du juge et le prononcé du jugement devait permettre au préfet de communiquer au juge les informations nécessaires concernant la situation de la famille tout en respectant les droits légitimes des propriétaires bailleurs. Il a jugé que ce délai devait permettre d'étudier les possibilités de relogement.

Il a également insisté sur la nécessité d'un travail préventif afin de connaître plus en amont les risques d'expulsion et de préparer des solutions de relogement dans le cadre des plans départementaux d'action pour le logement des défavorisés (PDALD).

M. Louis Besson a considéré que la question du logement des gens du voyage constituait un problème crucial. Il a annoncé qu'un projet de loi était en préparation, un travail interministériel s'étant engagé depuis l'adoption de la proposition de loi de M. Jean-Paul Delevoye au Sénat. Reconnaissant les insuffisances du cadre juridique actuel qui rend obligatoire la réalisation d'aires d'accueil des gens du voyage et des schémas départementaux, mais qui ne prévoit ni délai, ni sanction, il a annoncé que seul un tiers des départements s'était doté d'un schéma départemental et que moins de 500 aires avaient été aménagées.

Concernant l'outre-mer, M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, a souligné l'importance de l'effort budgétaire tout en constatant la faiblesse des moyens en matière de politique foncière. Il s'est interrogé sur la possibilité de reproduire dans les départements d'outre-mer l'expérience des établissements publics fonciers implantés en métropole.

M. Lilian Payet a indiqué qu'il avait été créé à la Réunion un fonds régional d'aménagement foncier et de l'urbanisme (FRAFU), géré en partenariat avec les collectivités et les opérateurs, mais que ce fonds restait insuffisant pour réformer en profondeur la politique foncière.

M. Louis Besson est enfin revenu sur le projet de statut du bailleur privé, jugeant que le dispositif proposé était équilibré, même s'il restait ouvert à toute proposition d'amendements. Il a justifié les différentes restrictions du projet (en particulier en matière de location aux descendants ou de démembrement de propriété) par le souci d'éviter certains abus qui avaient pu entacher le dispositif précédent.

Mercredi 21 octobre 1998

- Présidence de M. Jean Delaneau, président - Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a poursuivi son programme d'auditions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 - Audition de M. Jean-Luc Cazettes, président de la CNATVS

Elle a tout d'abord entendu M. Jean-Luc Cazettes, président de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS).

M. Jean-Luc Cazettes a indiqué que le conseil d'administration de la CNAVTS avait émis un avis négatif sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. A la demande de M. Jean Delaneau, président, il a précisé que la délégation employeurs avait voulu dénoncer l'affectation, à la CNAVTS, des excédents de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S), alors qu'elle souhaitait une diminution du taux de cette contribution, que les délégations CGT et FO avaient marqué leur opposition à une indexation des pensions de retraite sur les prix, au lieu d'une indexation sur les salaires, et que la délégation CFTC avait souhaité s'élever contre la menace d'une compensation partielle d'exonérations de charges sociales.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse, s'est interrogé sur le choix effectué par le Gouvernement de revaloriser les pensions de retraite de 1,2 % au 1er janvier 1999. Il a souhaité connaître la position de la CNAVTS sur la constitution, au sein du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), d'un fonds de réserve pour les retraites et sur ses conditions d'alimentation et de gestion. Il a demandé si cette création d'un fonds n'était pas paradoxale au moment où, parallèlement, la branche vieillesse accumule les déficits et si les sommes affectées à ce fonds (2 milliards de francs) n'apparaissaient pas de toute façon dérisoires compte tenu des besoins futurs des régimes de retraite. Il a demandé à M. Jean-Luc Cazettes si une surcotisation lui paraissait nécessaire. Il s'est interrogé sur le choix du Gouvernement de ne pas appliquer la loi du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite.

M. Jean-Luc Cazettes a observé que l'indexation de la revalorisation des pensions de retraite sur les prix était la mesure -parmi celles de la loi du 22 juillet 1993- ayant le plus d'influence immédiate sur l'équilibre des comptes de la branche vieillesse du régime général. Il a précisé que la revalorisation de 1,2 % des pensions de retraite, sans récupération du différentiel qui aurait conduit à une revalorisation de 0,7 %, tendait à faire participer les retraités aux fruits de la croissance, objectif qui n'était d'ailleurs pas absent de la loi de 1993.

Abordant la question du fonds de réserve, il a précisé que l'ensemble du conseil d'administration de la CNAVTS s'était déclaré favorable à sa constitution. Il a fait état de divergences sur les modalités d'alimentation (excédents de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés).

Il a reconnu que la création d'un fonds de réserve pour les retraites apparaissait paradoxale à court terme, mais qu'elle représentait une mesure de sécurité à long terme. Il a rappelé que l'idée d'une constitution de réserves au sein des régimes de retraite par répartition avait été formulée par le rapport de M. Olivier Davanne, dans le cadre du Conseil d'analyse économique. Il a reconnu que l'alimentation du fonds de réserve pour 1999 était une " goutte d'eau ", mais représentait un signe politique fort. Il a rappelé que la constitution d'un véritable fonds de réserve d'ici 2015 nécessitait entre 2.000 et 4.000 milliards de francs, et que la surcotisation lui apparaissait la solution logique afin d'abonder un tel fonds. Il a précisé qu'il demeurait sceptique sur la réalisation éventuelle d'excédents par les régimes de sécurité sociale à l'horizon 2002.

Il a indiqué que l'horizon de placement de ce fonds ne pouvait être qu'à long terme et que sa gestion ne pourrait pas être uniquement celle d'un " bon père de famille ", selon les termes mêmes de M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il a expliqué que ce fonds devrait comporter, à côté de placements obligataires, des placements en actions. Il a relevé que la participation des partenaires sociaux était nécessaire, afin de contrôler et de surveiller les grandes orientations.

Abordant la question relative à la loi du 25 mars 1997 sur les plans d'épargne retraite, il a indiqué qu'il s'agissait d'un texte dangereux, en raison de son caractère triplement facultatif - accord de l'entreprise nécessaire, possibilité pour le salarié d'y adhérer ou non, possibilité pour l'entreprise d'interrompre ses versements - et des menaces qu'il faisait peser sur le financement même des régimes de retraite par répartition. Il a noté que la perte potentielle pour le régime général avait été chiffrée à 6 milliards de francs par an, et pour les régimes complémentaires à 3 milliards de francs, en tenant compte des estimations des promoteurs de la loi, tablant sur des encaissements annuels de l'ordre de 30 à 40 milliards de francs.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, après avoir insisté sur l'aspect essentiellement pédagogique du fonds de réserve, s'est interrogé sur les solutions alternatives à la surcotisation qui lui apparaissait peu tolérable, et sur la réforme nécessaire des régimes spéciaux. Il a demandé à M. Jean-Luc Cazettes son appréciation sur une réforme éventuelle des cotisations patronales.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse, a souhaité savoir si M. Jean-Luc Cazettes était favorable, en principe, à une surcotisation et il s'est enquis de la date de son éventuelle instauration.

Après avoir indiqué que la CNAVTS avait publié au début de l'année 1997 une étude montrant que 4 points de cotisation supplémentaires seraient nécessaires pour éviter une aggravation de la situation de la branche vieillesse du régime général à l'horizon 2010, M. Jean-Luc Cazettes a souligné que d'éventuels fonds de pension supposeraient également l'institution de nouvelles cotisations. Il a considéré qu'il allait falloir payer le prix du vieillissement de la population et que la seule différence entre un fonds de réserve et des fonds de pension résidait dans le caractère obligatoire ou facultatif des surcotisations.

M. Jean-Luc Cazettes a fait également valoir l'effet positif sur le marché du travail de l'accélération des départs en retraite à compter de 2005. Il a considéré que cela permettrait peut-être des transferts de financement entre l'assurance chômage et l'assurance vieillesse.

En réponse à M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux de la sécurité sociale et l'assurance maladie, M. Jean-Luc Cazettes a souligné que la France se caractérisait par une répartition très déséquilibrée entre les revenus du travail et ceux du capital et que cette situation générait un manque à gagner pour les régimes de sécurité sociale. Après avoir relevé qu'une assiette des cotisations sociales fondée sur la seule masse salariale n'était pas suffisante, il s'est dit favorable au principe d'un transfert progressif vers une assiette reposant sur d'autres éléments. Il a cependant mis en garde contre le risque de construire un système excessivement complexe.

M. Jean-Pierre Cantegrit a souligné le rôle fondamental joué par le Sénat dans l'amélioration de la protection sociale des français de l'étranger. Il s'est félicité de la collaboration fructueuse existant entre la caisse des français de l'étranger et la CNAVTS.

Après que M. Guy Fischer se fut également interrogé sur l'avenir des régimes spéciaux, M. Jean-Luc Cazettes a souligné le besoin de transparence et la nécessité d'un état des lieux en la matière. Il a fait observer que c'était là précisément la mission confiée au commissariat général du Plan. Après avoir relevé le caractère éminemment sensible du sujet, il a constaté l'incompréhension profonde des syndicats de la fonction publique à l'égard de ce qu'était un régime de retraite. Il a regretté l'absence de réflexions de ces derniers sur ce sujet.

M. André Jourdain a souligné la nécessité de favoriser une prise de conscience des problèmes futurs par les personnels des régimes spéciaux.

M. Jean-Luc Cazettes a estimé que l'âge de départ à la retraite constituait probablement une des voies à explorer à terme pour limiter les difficultés des régimes de retraite. Il a cependant jugé qu'une telle proposition n'était pas envisageable aujourd'hui, compte tenu du niveau de chômage élevé des jeunes. Il a en outre rappelé que plus de 60 % des personnes liquidant aujourd'hui leur retraite n'étaient plus en activité et que les partenaires sociaux s'apprêtaient à étendre le dispositif de l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE) permettant le départ anticipé à la retraite contre des embauches.

M. Jean Delaneau, président, s'est interrogé sur l'impact de la suppression du service national sur l'équilibre futur des régimes de retraite.

M. Jean-Luc Cazettes a indiqué que les conséquences de la suppression du service national étaient variables et encore difficiles à apprécier. Il a toutefois évoqué la disparition de fait de la validation pour les retraites de la période du service national.

M. Alain Gournac a fait observer que les associations de retraités avaient le sentiment que ceux-ci étaient particulièrement frappés par l'accroissement des prélèvements sociaux et fiscaux.

Rappelant que les prélèvements sur les retraités avaient effectivement augmenté au cours des dernières années, M. Jean-Luc Cazettes a cependant souligné que le niveau global des retraites avait progressé, ce que révélait la baisse régulière du nombre de bénéficiaires du minimum vieillesse, qui, pour la première fois cette année, revenait en dessous du million de personnes.

Mme Gisèle Printz s'est demandé comment les jeunes, qui rentraient de plus en plus tardivement sur le marché du travail, parviendraient à bénéficier d'une retraite complète.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a souhaité savoir si l'employeur pouvait contraindre le salarié à partir à la retraite.

M. Jean-Luc Cazettes a indiqué que, dans ce cas, si le salarié n'était pas en mesure de bénéficier d'une retraite à taux plein, cette mise à la retraite constituait un licenciement avec toutes les conséquences attachées à ce mode de rupture.

En réponse à M. Charles Descours, M. Jean-Luc Cazettes a indiqué que le Gouvernement envisageait une compensation à hauteur de deux tiers des exonérations de charges sociales induites par la réduction du temps de travail.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a relevé que les représentants des employeurs au conseil d'administration de la CNAF semblaient favorables au principe du fonds de réserve et défavorables aux modalités de financement retenues par le Gouvernement. Il s'est enquis des propositions de la délégation employeurs quant aux moyens de financer le fonds de réserve.

M. Jean-Luc Cazettes a fait valoir que le conseil d'administration de la CNAVTS avait dû examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 dans des délais très courts et qu'il n'avait donc pas pu véritablement débattre des modalités de financement du fonds de réserve.

Puis elle a entendu M. Jean-Paul Probst, président de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 - Audition de M. Jean-Paul Probst, président de la CNAF

M. Jean-Paul Probst a rappelé que le Conseil d'administration de la CNAF avait émis un avis positif par 10 voix sur 33 sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Il a ajouté qu'il y avait eu en outre 8 votes négatifs, 13 abstentions et 2 prises d'acte.

Soulignant que le climat dans lequel s'était déroulé le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 au sein du conseil d'administration était plus serein que l'année précédente, marquée par la mise sous condition de ressources des allocations familiales, M. Jean-Paul Probst a fait part de la satisfaction du conseil d'administration à l'égard des mesures positives contenues ou incluses dans le projet de loi : retour à l'universalité des allocations familiales, généralisation de l'allocation de rentrée scolaire (ARS), recul de 19 à 20 ans de l'âge limite pour l'ouverture du droit aux prestations familiales, revalorisation des aides au logement et augmentation des moyens financiers de l'action sociale de la branche famille.

M. Jean-Paul Probst a indiqué que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 soulevait néanmoins un certain nombre d'interrogations et comprenait plusieurs incertitudes.

Il a tout d'abord évoqué la question de l'éventuelle non-compensation des exonérations de charges sociales patronales au titre de la réduction du temps de travail. Rappelant que toute exonération de charges sociales devait être compensée par l'Etat depuis juillet 1994, M. Jean-Paul Probst a déploré que la loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail ait été assortie d'une déclaration du Gouvernement ne prévoyant qu'une compensation partielle des exonérations de charges sociales qu'elle comportait. Il a jugé cette situation inacceptable pour trois raisons : premièrement, elle dérogeait à la loi du 25 juillet 1994, deuxièmement, elle modifiait les règles du jeu selon des critères que les partenaires sociaux ne maîtrisaient pas, enfin, elle créait un précédent fâcheux en matière de mécanismes d'exonération.

M. Jean-Paul Probst a indiqué que, selon les dernières informations qui lui avaient été communiquées par le ministère de l'emploi et de la solidarité, l'Etat s'engageait à compenser seulement les deux tiers des exonérations de charges sociales résultant de la réduction du temps de travail. M. Jean-Paul Probst a conclu que cette compensation, qui ne portait pas sur la totalité des exonérations de charges sociales, n'était pas satisfaisante.

Evoquant une autre disposition du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 qui avait suscité un certain débat au sein du Conseil d'administration de la CNAF, M. Jean-Paul Probst a attiré l'attention de la commission sur le taux de revalorisation de la base mensuelle des allocations familiales décidée par le Gouvernement. Il a rappelé que la base mensuelle des allocations familiales -à partir de laquelle sont calculées les prestations familiales- avait été revalorisée de 1,3 % au 1er janvier 1998 alors que les prévisions actualisées d'inflation pour l'année 1998 s'établissaient à 0,8 % ; le Gouvernement avait donc choisi de rattraper ces 0,5 % de gain de pouvoir d'achat sur la revalorisation prévue au 1er janvier 1999, laquelle s'établissait finalement à 0,7 % pour une inflation prévisionnelle de 1,2 %. Il a jugé cette revalorisation insuffisante et il s'est étonné que le Gouvernement ait fait le choix de revaloriser de 1,2 % les pensions de retraite et de 0,7 % seulement les prestations familiales.

Evoquant le report de 10 à 11 ans et de 15 à 16 ans des majorations pour âge des allocations familiales, M. Jean-Paul Probst a considéré que cette mesure serait difficilement explicable aux familles et il a regretté que l'on renonce ainsi à poursuivre l'effort nécessaire en faveur des intéressés.

M. Jacques Machet, rapporteur pour la famille, a considéré que la prise en charge de l'allocation de parent isolé (API) par le budget de l'Etat apparaissait avant tout comme un moyen de financer le retour à l'universalité des allocations familiales par la diminution du plafond du quotient familial.

Il s'est demandé si, eu égard à l'excédent prévisionnel de la branche famille en 1999, ce montage financier s'imposait véritablement. Il a souhaité connaître les engagements obtenus par la CNAF quant à la pérennité de la prise en charge par l'Etat de l'API.

M. Jacques Machet a interrogé M. Jean-Paul Probst sur l'appréciation que celui-ci portait, au regard des objectifs de la politique familiale, sur la diminution du plafond du quotient familial prévue par la loi de finances pour 1999.

Evoquant l'excédent que devrait connaître la branche famille à la fin de l'année 1999, M. Jacques Machet a demandé si ce dernier serait mis en réserve au profit de ladite branche. Il s'est enquis des risques d'une éventuelle ponction sur cet excédent pour financer le déficit des autres branches et il a interrogé M. Jean-Paul Probst sur l'utilisation de cet excédent.

Enfin, il a souhaité connaître les propositions de la CNAF pour simplifier le système des prestations familiales et pour clarifier les actions financées par le fonds national d'action sociale.

M. Jean Delaneau, président, a demandé à M. Jean-Paul Probst quelles réflexions lui inspirait la création, par le Gouvernement, d'une délégation interministérielle à la famille.

En réponse à M. Jean Delaneau, M. Jean-Paul Probst a considéré que la création d'une telle délégation était, en principe, une bonne idée, dans la mesure où la politique familiale reposait sur une multitude de dispositifs et d'intervenants et où elle présentait indéniablement un caractère transversal. Il a indiqué qu'il entendait juger le délégué interministériel à la famille sur ses actions.

En réponse à M. Jacques Machet, M. Jean-Paul Probst a rappelé que la mise sous conditions de ressources des allocations familiales s'était traduite par la suppression de cette prestation pour 350.000 familles et la perception d'une allocation différentielle pour 35.000 autres familles. Il a constaté que la diminution du plafond du quotient familial avait été présentée par le Gouvernement comme la nécessaire contrepartie du retour à l'universalité des allocations familiales. Après avoir ajouté que la CNAF s'était efforcée de définir un mécanisme permettant de transférer du budget de l'Etat vers la CNAF les sommes ainsi perçues au titre de la diminution du quotient familial, M. Jean-Paul Probst a précisé que le choix s'était finalement porté sur une prise en charge par l'Etat de l'API dont le montant représentait une dépense équivalente aux rentrées fiscales induites par la diminution du plafond du quotient familial. Il a relevé qu'il ne disposait d'aucune garantie particulière quant à la pérennité de la prise en charge par l'Etat de l'API.

Evoquant l'excédent prévisionnel de la CNAF en 1999, M. Jean-Paul Probst a souligné que celui-ci reposait sur des hypothèses macro-économiques très favorables (1,2 % d'inflation, 2,7 % de croissance et 4,3 % de croissance de la masse salariale). Il a noté qu'il conviendrait d'observer si ces hypothèses se réalisaient effectivement.

M. Jean-Paul Probst a considéré que l'affectation des excédents futurs de la branche famille au fonds de réserve pour les retraites, créé par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, violerait le principe de séparation des branches de la sécurité sociale. Il s'est élevé contre l'éventualité d'une telle pratique qui renouerait avec les " démons du passé ", lorsque les dérapages de certaines branches se faisaient au détriment de la politique familiale.

S'agissant de la prise en charge par l'Etat de l'API, M. Jean-Paul Probst a fait observer que certaines organisations syndicales craignaient que cette mesure n'aboutisse à terme à une fusion de l'API et du revenu minimum d'insertion (RMI), ce qui serait inacceptable.

Evoquant l'utilisation des excédents éventuels de la branche famille dans les prochaines années, M. Jean-Paul Probst a distingué trois priorités : une meilleure prise en charge des grands enfants, de la petite enfance et une amélioration des prestations logement.

M. Jean-Paul Probst a également déclaré que la CNAF, contrairement à certaines associations familiales, n'avait jamais demandé l'abaissement du plafond du quotient familial.

Considérant que l'évaluation de l'action sociale menée par la branche famille devait être encore affinée, M. Jean-Paul Probst a indiqué que serait adopté, avant la fin de l'année, un avenant consacré à l'action sociale dans la convention d'objectifs et de gestion liant la CNAF et l'Etat. Il a précisé que cet avenant comprendrait des outils et des techniques d'évaluation.

Après avoir rappelé que les actions menées au niveau local par les caisses d'allocations familiales s'effectuaient sous la double tutelle de la CNAF et des directions régionales de l'action sanitaire et sociale (DRASS), M. Jean-Paul Probst a souligné que l'évaluation devait être de plus en plus qualitative et a regretté que le décret relatif aux mécanismes d'évaluation de l'action sociale, prévu par la loi famille de juillet 1994, ne soit toujours pas paru.

M. Jean-Paul Probst s'est également dit favorable à une simplification des prestations logement dont la législation s'avérait excessivement complexe.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et de l'assurance maladie, a souhaité connaître l'impact sur les recettes de la branche famille d'une diminution d'un point de la croissance de la masse salariale. Il a interrogé M. Jean-Paul Probst sur la position de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) à l'égard de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale.

Après avoir indiqué que la réponse à la première question de M. Charles Descours nécessitait une évaluation chiffrée, M. Jean-Paul Probst a affirmé que la CFTC était favorable à un élargissement de l'assiette des cotisations patronales. Il a cependant considéré qu'une éventuelle décision sur le sujet devait être précédée d'une large concertation, de simulations approfondies et d'une démarche auprès de nos partenaires européens afin de favoriser un minimum de convergence sur ces questions.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse, s'est interrogé sur les conséquences de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité (PACS) sur la politique familiale et les prestations versées par la branche famille. Il a considéré que la diminution du plafond du quotient familial répondait à une préoccupation essentiellement idéologique et n'était en rien justifiée par la situation financière de la branche famille. Il a souhaité connaître les répercussions sur le pouvoir d'achat des familles de la mise sous condition de ressources des allocations familiales puis de l'abaissement du plafond du quotient familial.

Après avoir déclaré qu'il convenait de favoriser le développement de petites structures pour la garde des enfants, M. Alain Gournac a dénoncé la multiplication des normes qui tuait toute initiative en faveur de l'accueil de la petite enfance. Il a considéré qu'il convenait de simplifier le fonctionnement des relais assistantes-maternelles mis en place par les caisses d'allocations familiales et il s'est inquiété de la disparition progressive des conseillères en économie familiale et sociale.

Après avoir rappelé le succès rencontré par l'allocation parentale d'éducation (APE), M. Jean Chérioux a souhaité connaître l'évolution et les perspectives de cette prestation.

M. Guy Fischer a souhaité savoir si l'extension des allocations familiales aux familles d'un enfant était un projet envisageable. Il s'est inquiété de la crise que connaissaient beaucoup de centres sociaux, frappés par la diminution des participations financières des caisses d'allocations familiales.

M. Martial Taugourdeau a souligné les effets pervers de certaines pratiques des caisses d'allocations familiales en matière d'avances et de remboursement de trop-perçus. Il a jugé que les prélèvements effectués à ce titre sur les versements ultérieurs de prestations familiales accroissaient souvent les difficultés des familles concernées. Il s'est inquiété du devenir des assistantes sociales des caisses d'allocations familiales.

En réponse à M. Alain Vasselle, M. Jean-Paul Probst a précisé que la CNAF n'avait pas été saisie officiellement de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité. Il a cependant jugé que ce texte était susceptible de provoquer des difficultés pratiques considérables pour toutes les branches de la sécurité sociale.

M. Jean-Paul Probst a également considéré que la mise sous condition de ressources des allocations familiales n'était pas véritablement nécessaire au rééquilibrage de la branche famille. Il s'est dit convaincu que si l'objectif avait été uniquement de rééquilibrer la branche, d'autres mesures auraient été envisageables. Il a jugé que la diminution du plafond du quotient familial apparaissait comme un moyen de financer l'opération correctrice que constituait le rétablissement de l'universalité des allocations familiales.

Après avoir noté qu'il n'existait pas d'étude concernant l'éventuelle baisse de pouvoir d'achat des familles concernées par les dispositions votées dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, M. Jean-Paul Probst a souligné que certaines familles avaient été victimes de l'effet conjugué de la suppression des allocations familiales, de la diminution de l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED) et de l'abaissement de la déduction fiscale pour les emplois à domicile. Il a considéré que la diminution du plafond du quotient familial se ferait sentir avec un certain décalage dans le temps et que cette mesure toucherait essentiellement les classes moyennes.

En réponse à M. Alain Gournac, M. Jean-Paul Probst a reconnu que la multiplicité des normes constituait un véritable problème, qui n'était cependant pas du ressort des caisses d'allocations familiales mais du ministère de l'emploi et de la solidarité. Après avoir pris bonne note des remarques de M. Alain Gournac concernant les relais assistantes-maternelles, il a précisé que le rôle des assistantes sociales des caisses d'allocations familiales évoluerait vers la prévention et vers des missions proches de celles des conseillères en économie familiale et sociale.

En réponse à M. Jean Chérioux, M. Jean-Paul Probst a indiqué que l'allocation parentale d'éducation concernait 500.000 bénéficiaires environ et que cette prestation était demandée de plus en plus fréquemment à taux plein et de plus en plus rarement à taux partiel.

En réponse à M. Guy Fischer, M. Jean-Paul Probst a fait valoir que le versement des allocations familiales dès le premier enfant ne pouvait s'effectuer à enveloppe financière constante. Evoquant la crise que connaissent certains centres sociaux, il a souligné que les caisses d'allocations familiales ne se désengageaient pas mais qu'elles préféraient désormais financer des projets plutôt que des structures.

En réponse à M. Martial Taugourdeau, M. Jean-Paul Probst a indiqué qu'il avait proposé aux pouvoirs publics des mécanismes permettant de limiter la part des prestations familiales pouvant donner lieu à récupération de trop-perçus. Il a considéré qu'il s'agissait là d'une véritable question de survie pour un certain nombre de familles.

Organismes extraparlementaires - Nominations

Puis la commission a désigné :

M. Lucien Lanier pour siéger au sein du Conseil d'administration de l'hôpital national de Saint-Maurice ;

M. Jean-Pierre Cantegrit pour siéger au sein du Conseil d'administration du Centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts ;

M. Alain Gournac pour siéger au sein du Haut Conseil du secteur public.

Nomination de rapporteurs

Puis la commission a nommé :

M. Claude Huriet, rapporteur de la proposition de loi n° 491 (1997-1998), présentée par M. Philippe Arnaud, tendant à assurer un service minimum en cas de grève dans les services et entreprises publics ;

M. Louis Boyer, rapporteur de la proposition de loi n° 518 (1997-1998), présentée par M. Serge Mathieu, créant un ordre national des infirmières et des infirmiers ;

M. Charles Descours, rapporteur de la proposition de loi n° 540 (1997-1998), présentée par MM. Jacques Oudin et Alain Lambert, relative à l'extinction de la Caisse d'amortissement de la dette sociale.

Présidence de M. Jean Delaneau, président - Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, sur les crédits de son département ministériel pour 1999.

Projet de loi de finances pour 1999 - Audition de M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, a tout d'abord souligné que la politique de la ville (CIV) était incontestablement utile, même si ses résultats étaient parfois difficiles à appréhender sur des opérations par nature de longue durée.

Evoquant les orientations gouvernementales, il a rappelé que le comité interministériel des villes du 30 juin 1998, présidé par M. Lionel Jospin, Premier ministre, avait assigné un nouvel horizon à la politique de la ville.

Rappelant que huit Français sur dix vivraient bientôt dans les villes, il a affirmé qu'il fallait repenser et bâtir la ville comme un territoire de mixité sociale et urbaine, un lieu d'échanges et de bien-vivre, une ville faite pour l'homme.

Il a souligné combien il était important d'enrayer la montée de l'intolérance, de lutter contre l'abstention et l'extrémisme et de renouveler la confiance des citoyens envers l'action publique.

Il a fait tout d'abord état de son inquiétude devant les progrès de la violence urbaine et il a souligné que chaque citoyen avait droit à la sécurité, quel que soit son lieu de vie.

Se référant au climat social positif durant la coupe du monde de football, il a considéré que la jeunesse souhaitait que les talents de chacun soient reconnus afin que tous puissent " jouer la partie ".

Il a déclaré que les réponses aux différents enjeux de la politique de la ville passaient nécessairement par une approche politique globale sur le long terme qui devrait tirer parti des potentiels de chaque territoire pour dépasser des politiques parfois stigmatisantes.

Mettant l'accent sur l'importance de la concertation et de la coordination des acteurs sur le terrain, il a considéré que l'Etat devait afficher sa détermination pour assurer l'égalité devant le service public sur tout le territoire dans les domaines essentiels de l'éducation, de la sécurité et de l'emploi.

Evoquant les trois dimensions de la politique qu'il entendait mener, il a tout d'abord souligné le renforcement de la déconcentration pour assurer une meilleure coordination des administrations.

Il a évoqué ensuite l'importance de la décentralisation en indiquant que les élus locaux devaient être en mesure de signer un pacte avec l'Etat, afin d'être mis en situation de disposer des moyens pour répondre aux défis des zones urbaines.

Il a insisté, enfin, sur l'importance du développement de la démocratie afin que les populations puissent veiller à ce que les annonces soient bien suivies d'effet ; il a considéré qu'il était nécessaire d'associer les habitants au projet qui les concernait, d'accepter leurs interpellations et de soutenir leurs initiatives.

Il a indiqué que les actuels contrats de ville avaient été prolongés d'un an afin que soient mis en cohérence sur la période 2000-2006 les nouveaux contrats de ville, les contrats de plan Etat-régions et les cycles d'intervention des fonds structurels européens.

Rappelant que M. Jean-Pierre Sueur, dans son rapport sur la politique de la ville, avait estimé à 35 milliards de francs par an pendant dix ans le coût de l'effort nécessaire, M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, a indiqué que le projet de loi de finances pour 1999 proposait de se rapprocher de ce niveau dès cette année afin de témoigner de la volonté de l'Etat.

Citant M. Jean-Pierre Chevènement, il a considéré que la politique de la ville ne devait pas être " l'alibi de l'absence de politiques ministérielles ou locales au profit des habitants des quartiers en difficulté ".

Abordant tout d'abord les crédits spécifiques du ministère de la ville, il a indiqué qu'il avait estimé plus intéressant de mobiliser les crédits de droit commun plutôt que d'obtenir un accroissement, toujours aléatoire, des crédits des divers ministères transférés au fonds d'intervention pour la ville (FIV), de nature à entraîner certaines réticences.

Considérant que les crédits spécifiques du ministère devaient être le " ciment " des projets de la politique de la ville, il a souligné que l'augmentation de plus de 32 % de ces crédits, sans précédent depuis la création d'un ministère de la ville, était le signal de la mobilisation générale et que le franchissement du cap du milliard de francs dans le projet de budget était un symbole fort.

Il a précisé que l'année 1999 serait une année d'expérimentation pour préparer une nouvelle catégorie de contrats de ville sur la période de 2000 à 2006 à partir des résultats de l'opération conduite sur seize sites-pilotes.

Evoquant les priorités des crédits inscrits sur le fascicule budgétaire consacré à la ville, il a tout d'abord souligné l'importance de l'animation de la nouvelle politique de la ville grâce à un renforcement des capacités d'animation, de formation, d'ingénierie et de recherche. A cet égard, il a estimé que la délégation interministérielle à la ville (DIV) devrait jouer un rôle de " tête de réseau ", en organisant diverses manifestations ou débats publics, et il a souhaité que le conseil national des villes soit renforcé pour jouer un rôle de conseil et d'aiguillon.

Il a insisté, enfin, sur la création d'un institut pour la ville et de centres de ressources régionaux qui avaient vocation à devenir des lieux d'échanges, d'expériences et de confrontations de points de vue entre les associations, les élus locaux et les divers acteurs de terrain.

En réponse à une demande de précision de M. Jean Delaneau, président, M. Claude Bartolone a indiqué que si la localisation du futur institut pour la ville n'était pas encore décidée, il veillerait à ce que celui-ci soit situé en dehors de Paris.

Il a évoqué ensuite le soutien aux initiatives locales et aux expérimentations s'inscrivant dans les orientations du CIV dans le domaine de l'emploi, de la sécurité et de l'éducation.

Il a précisé que les crédits d'investissement serviraient à accompagner des opérations exemplaires de reconstruction-démolition.

Il a indiqué que les initiatives en matière de gestion urbaine de proximité et de participation des habitants seraient également soutenues.

Il s'est félicité d'avoir obtenu la création d'une nouvelle ligne budgétaire, dotée de 45 millions de francs de crédits de fonctionnement pour les communes impliquées dans un grand projet urbain (GPU) afin d'éviter une sous-consommation des crédits d'investissement par suite des dépenses de fonctionnement induites pour ces opérations.

Il a déclaré que les opérations " Ville, Vie, Vacances " bénéficieraient de crédits supplémentaires et qu'elles seraient recentrées sur les territoires et les publics les plus en difficulté.

Par ailleurs, il a souligné que l'implication forte de tous les ministères concernés devrait se traduire par une augmentation de près de 3 milliards de francs de l'effort financier global en faveur de la ville en 1999.

Il a évoqué la part prise par les emplois-jeunes, qu'il s'agisse des adjoints de sécurité ou des aides-éducateurs, essentiellement déployés dans les quartiers en difficulté ou des autres emplois-jeunes, dont 20 % devraient profiter aux quartiers en difficulté.

Il a rappelé l'importance du coût des exonérations fiscales et sociales consenties dans le cadre des zones franches urbaines (ZFU) et des zones de redynamisation urbaine (ZRU), qui atteindrait 2,6 milliards de francs en 1999.

Il a mis l'accent sur l'amélioration du concours de la Caisse des dépôts et consignations qui serait en augmentation de près de 3 milliards de francs dans le cadre de deux enveloppes exceptionnelles de prêts de 10 milliards de francs pour trois ans destinés aux projets urbains et aux opérations de reconstruction-démolition.

Pour conclure, il a insisté sur l'importance d'une vaste mobilisation autour de l'enjeu de la ville tout en rappelant que cette mobilisation ne devait pas conduire à tourner le dos au monde rural, mais qu'il était essentiel de réfléchir en termes d'équilibre global du territoire.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, s'est félicité du fait que la politique de la ville ait été confiée à un ministre, comme l'avait souhaité la commission au cours du dernier budget. Il s'est demandé si l'élaboration des contrats de ville ne serait pas alourdie par le renforcement de la participation des habitants et de l'intervention des agglomérations et du conseil général. Se référant aux exemples étrangers, il a mis l'accent sur la priorité à accorder à la lutte contre la délinquance. Il s'est interrogé sur l'efficacité des adjoints de sécurité par rapport aux forces policières ainsi que sur la réforme des contingents communaux d'aide sociale. Enfin, il a émis quelques réserves sur le bon déroulement des opérations " Ville, Vie, Vacances " lorsque l'encadrement était insuffisant.

M. Jean Delaneau, président, a souligné que certaines communes subissaient les mêmes actes de violence que certains quartiers visés par la politique de la ville. Se référant à la situation des Etats-Unis, il s'est inquiété de la formation de véritables " villes privées " dotées de moyens de sécurité privatisés.

En réponse, M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, a admis que les déficiences en encadrement pouvaient soulever des difficultés pour les communes accueillant des jeunes dans le cadre des opérations " Ville, Vie, Vacances ".

Il a indiqué qu'il avait souhaité, dès cet été, que les élus locaux et les animateurs travaillent de manière plus cohérente et il a précisé qu'une évolution était en cours sur le dispositif, ses modalités de financement ainsi que sur la pertinence de l'opération par rapport au public concerné.

Il a souhaité que les opérations " Ville, Vie, Vacances " soient centrées sur les jeunes de quartiers qui ne disposent pas d'autres moyens de partir durant les périodes estivales.

Concernant la préparation des contrats de ville, il a admis que l'amélioration de la participation des habitants pouvait alourdir la procédure tout en faisant valoir que l'action était moins efficace si la population n'était pas associée aux collectivités locales pour travailler à long terme sur les problèmes urbains.

Prenant l'exemple de la ville de Rennes, il a noté que les correspondants de nuit auraient été moins bien acceptés par la population si un référendum n'avait pas précédé leur mise en place.

S'agissant de la notion d'agglomération, il a estimé que celle-ci n'alourdirait pas la procédure dans la mesure où, d'ores et déjà, la réflexion sur les grandes infrastructures dépassait largement le cadre des seules communes.

Concernant la consultation des conseils généraux, il a souligné que ces derniers intervenaient déjà au titre de l'action sociale ou de l'aide sociale à l'enfance en difficulté.

S'agissant de la sécurité dans les quartiers, il a rappelé qu'il accordait une grande attention à ces problèmes qui devaient être abordés à la fois sous l'angle de la prévention et de la répression.

Concernant l'exemple hollandais, il a rappelé que si le discours des pouvoirs publics devenait moins libéral envers la toxicomanie, les Pays-Bas avaient toujours été soucieux que la police soit proche des populations.

S'agissant de la ville de New-York, il a relevé que les bons résultats en matière de lutte contre la délinquance et la criminalité étaient allés de pair avec la reprise de la croissance et des embauches ainsi que d'une augmentation considérable du nombre de détenus en maisons d'arrêt.

Il a souligné que devait s'établir une complémentarité entre l'action des adjoints de sécurité et des agents de médiation locale, d'une part, et celle des policiers, d'autre part.

Il a plaidé pour une " gestion intelligente du temps policier " en considérant que les forces policières devaient intervenir sur les cas les plus graves tandis que les agents de médiation avaient vocation à résoudre les problèmes de voisinage ou les actes d'incivilité qui n'appellent pas de réponse policière.

Il a opéré une distinction entre les atteintes aux biens et aux personnes qui devaient appeler une réponse " forte ", la petite délinquance urbaine qui appelait une réponse " systématique " notamment de la part de la justice et, enfin, les incivilités et les fautes de comportement qui appelaient une réponse " collective " de la part des adultes concernés.

S'agissant des contingents communaux d'aide sociale, il a indiqué que le dispositif mis en place dans le cadre de la loi portant transfert de compétences, en 1983, ne corrigeait pas les écarts de population et de richesse fiscale des communes par rapport aux problèmes sociaux rencontrés. Il a rappelé que la contribution des communes de plus de 10.000 habitants constituait 65 % des montants en cause, alors que ces communes représentaient 50 % de la population et 51 % du potentiel fiscal des communes.

Il a précisé que le nouveau dispositif opérerait un écrêtement progressif sur le montant des contributions en fonction d'un indice synthétique des richesses et des charges urbaines.

S'agissant des villes petites et moyennes, il a souligné qu'il ne serait pas possible de multiplier les zones d'intervention de la politique de la ville sans courir le risque d'un saupoudrage des crédits. En revanche, il a considéré que la délégation interministérielle à la ville (DIV) était tout à fait susceptible de communiquer, en tant que de besoin, les méthodes et les conseils nécessaires.

Concernant la création de " villes privées ", il a affirmé qu'en France la loi républicaine, qui s'appliquait sur tout le territoire, était incompatible avec de telles dérives.

Souhaitant éviter toute fracture entre le milieu rural et le milieu urbain, il a souligné que la ville n'était pas un danger mais plutôt une richesse pour l'avenir.

M. Louis Boyer s'est vivement inquiété de l'insécurité créée par des bandes organisées de jeunes mineurs de 13 à 15 ans et il a souligné qu'aucun résultat ne serait obtenu sans une implication des parents. Il a précisé que les opérations de démolition étaient souvent le seul recours pour donner une impulsion nouvelle à un quartier.

Mme Nelly Olin a indiqué que la montée de la délinquance dans les quartiers sensibles était très inquiétante et qu'elle excédait les populations qui en étaient les victimes. Elle s'est inquiétée de la diminution des crédits du fonds social urbain.

M. Gilbert Chabroux a estimé que l'élargissement et la globalisation des contrats de ville au niveau de l'agglomération étaient une démarche intéressante, tout en soulignant l'importance d'un véritable pilotage, en particulier dans les agglomérations les plus grandes. Il s'est demandé s'il était envisagé de réorienter le dispositif des zones franches urbaines.

M. André Jourdain a souhaité un bilan des zones de redynamisation urbaine et des zones franches urbaines, en faisant la part des véritables créations d'entreprises et des simples transferts.

M. Guy Fischer a souligné le caractère essentiel de l'intégration des jeunes dans les quartiers difficiles et il s'est interrogé sur la mise en oeuvre de l'intercommunalité au niveau des agglomérations.

M. Louis Souvet a souligné que, dans certains cas, le refus de démolir était source de difficultés à la fois en termes d'aménagement des villes et de sécurité.

En réponse, M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, a souligné que les parents devaient impérativement être réintégrés dans leur rôle et dans leur citoyenneté.

Il a indiqué qu'aux mesures tendant à supprimer les allocations familiales à titre de sanction, il préférait une démarche positive ; que l'école ne pouvait pas tout faire, qu'une aide et un soutien devaient être apportés aux parents et qu'un accord-cadre devait être passé à cet effet avec les grandes associations familiales.

S'agissant des restructurations urbaines, il a admis que les démolitions de certaines formes d'habitat rejetées par les populations étaient parfois indispensables, tout en soulignant qu'il était essentiel d'imaginer dans quel cadre serait opérée une reconstruction ; il a précisé qu'il ne souhaitait pas bloquer, par principe, les opérations de démolition sans construction de quartiers en difficulté et qu'il convenait d'examiner, au cas par cas, ce qui se passait sur le terrain.

S'agissant de la lutte contre la délinquance, il a fait valoir que les effectifs policiers étaient importants en France par rapport à la population et il a indiqué que le problème tenait à une meilleure utilisation et à un redéploiement des personnels disponibles.

Il a expliqué la baisse des crédits du FSU par l'existence d'un fort niveau de crédits non consommés sur cette ligne budgétaire.

Concernant le rôle de l'agglomération, il a indiqué que son souhait serait toujours de choisir un niveau pertinent d'action et de ne pas diluer la politique de la ville dans un périmètre trop large ; il a souligné que la notion d'agglomération devait être prise en compte dans le cadre de la coopération intercommunale, avant d'être reconnue éventuellement par le législateur.

S'agissant des zones franches urbaines, il a précisé qu'il avait demandé à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et à l'Inspection générale des finances (IGF) de lui présenter des éléments précis sur leur bilan, tout en soulignant que ces instruments avaient permis utilement de prendre en considération l'outil économique dans la politique de la ville.

Concernant les ZRU, il a indiqué que ces dernières posaient moins de difficulté que les ZFU sous réserve de quelques difficultés liées à la délimitation des périmètres, qui devraient être résolues à la suite d'une mesure réglementaire récemment prise.

Concernant l'intégration, il a regretté les cas constatés de discrimination à l'embauche ou à l'accès au logement, en soulignant que la politique de la ville ne pourrait pas réussir si chacun n'avait pas l'impression d'avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs.

Puis la commission a entendu Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité et M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé, sur le projet de budget de l'emploi, de la santé et de la solidarité pour 1999.

Projet de loi de finances pour 1999 - Audition de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité et de M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a déclaré tout d'abord que le recul du chômage constituait la priorité du Gouvernement et que le projet de budget du ministère avait été construit autour de cet objectif. Elle a observé que l'augmentation de 4 % de ses crédits était deux fois plus forte que la norme imposée à l'ensemble du budget de l'Etat.

Elle a remarqué que les trois priorités majeures à financer en 1999, à savoir les emplois-jeunes, les aides à la réduction du temps de travail et le programme de lutte contre les exclusions, requéraient à elles seules un budget complémentaire de l'ordre de 13 milliards de francs, alors que la hausse des crédits du ministère ne représentait que 6,26 milliards de francs.

Elle a observé que ses services avaient procédé à d'importants redéploiements de crédits pour parvenir à ce résultat.

Mme Martine Aubry a indiqué que les politiques structurelles de développement de l'emploi constituaient le premier axe du projet de budget du ministère. Elle a déclaré que les crédits consacrés à l'aide à la réduction du temps de travail, première priorité du Gouvernement, s'élèveraient à 3,5 milliards de francs, lesquels seraient complétés par les reports de crédits inutilisés de la provision pour 1998. Elle a ajouté que 200 millions de francs étaient prévus pour apporter une aide financière à l'élaboration des conventions.

Concernant la deuxième priorité du Gouvernement, Mme Martine Aubry a déclaré que le programme " emplois-jeunes " était en train de faire la preuve de sa réussite. Elle a observé que 138.000 emplois avaient été créés en date du 30 septembre 1998 dont 70.000 dans les associations, les collectivités locales et les établissements publics, 60.000 dans l'éducation nationale et 8.250 dans la police nationale. Elle a estimé que l'objectif de 250.000 emplois créés à la fin de 1999 serait atteint.

Elle a par ailleurs souligné que l'allégement des charges patronales sur les bas salaires pouvait contribuer au développement de l'emploi, et qu'en conséquence le projet de budget pour 1999 reconduisait le dispositif de " ristourne dégressive " dans la configuration adoptée en 1998, la dotation étant portée à 43 milliards de francs.

Elle a rappelé que le deuxième axe du budget consistait à concentrer les dispositifs sur les publics les plus éloignés de l'emploi. Elle a observé que le budget prévoyait, pour ce faire, l'ouverture de 60.000 contrats emplois consolidés (CES), 10.000 contrats de qualification destinés aux jeunes adultes et l'accueil de 40.000 jeunes dans le cadre du programme trajet d'accès à l'emploi (TRACE).

Elle a précisé que le recentrage sur les publics les plus éloignés de l'emploi avait conduit à revoir certains outils classiques de la politique de l'emploi comme les CES et les contrats initiative-emploi (CIE). Elle a, par ailleurs, fait part de son intention d'impliquer davantage les entreprises dans le financement des préretraites et des revenus de remplacement.

Elle a indiqué que la subvention du fonds de solidarité augmentait dans le projet de budget pour tenir compte de la revalorisation de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) en 1998 et de la création de l'allocation spécifique d'attente pour les bénéficiaires de l'ASS et du revenu minimum d'insertion (RMI) qui totalisent 40 ans de cotisations à un régime de retraite.

Evoquant le troisième axe constitué par le renforcement des moyens de la politique de formation professionnelle, Mme Martine Aubry a observé que le nouvel agrégat relatif à la formation professionnelle se montait à 26,42 milliards de francs, soit une hausse de 5,3 % par rapport à 1998. Elle a indiqué que le montant total des fonds consacrés à la formation professionnelle s'élevait à 31 milliards de francs si l'on incluait les 4,5 milliards de francs de subventions à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) et aux autres organismes de formation.

Elle a indiqué que l'essentiel de l'effort portait sur le financement de l'alternance et que les primes à l'embauche seraient désormais recentrées sur les plus bas niveaux de qualification aussi bien pour les contrats d'apprentissage que pour les contrats de qualification.

Abordant le quatrième axe de ce projet de budget, concernant le renforcement des moyens du service public de l'emploi, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué que la subvention de fonctionnement de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) augmenterait de plus de 10 % en 1999, ce qui permettrait le recrutement de 500 agents.

Elle a précisé que le réseau d'accueil des jeunes serait renforcé par la transformation de trente permanences d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO) en missions locales et la mise en place de trente espaces jeunes.

Concernant les moyens en personnel du ministère, Mme Martine Aubry a déclaré que la situation des agents de catégorie C avait été améliorée et que l'emploi précaire était en voie de résorption. Elle a annoncé la création de 140 emplois de contrôleur du travail et de 10 emplois d'inspecteur du travail.

Evoquant les volets de son budget relatif à la santé et à la solidarité, Mme Martine Aubry a indiqué que les crédits correspondants, hors politique de la ville, atteignaient presque 80 milliards de francs.

Elle a précisé que ce montant comprenait pour 4,23 milliards de francs la prise en charge par l'Etat de l'allocation parent isolé (API) afin de compenser l'effet du retour à l'universalité des prestations familiales sur les dépenses de la branche famille de la sécurité sociale.

Evoquant les crédits relatifs à la solidarité, elle a rappelé, au titre de la lutte contre l'exclusion, le financement du programme TRACE, l'abondement de 120 millions de francs des fonds d'aide aux jeunes (FAJ), ainsi que l'amélioration des crédits d'accompagnement social individualisé (ASI).

Elle a mis l'accent sur les mesures d'extension du dispositif de veille et d'accueil d'urgence et de développement des résidences sociales.

Rappelant que les Centres d'hébergement et de réadaptation sociale (CHRS) demeuraient essentiels pour l'accueil et la réinsertion sociale des plus démunis, elle a indiqué que le projet de budget permettrait de transformer 500 places d'accueil d'urgence en places de CHRS et de consacrer 75 millions de francs à la rénovation et à la mise aux normes des centres vétustes ou inadaptés. Elle a précisé en outre que 100 places nouvelles seraient créées dans les Centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA).

Rappelant la nécessité de mieux coordonner l'action des organismes qui dispensent des aides de secours aux personnes en situation de détresse, elle a évoqué la création des commissions d'aide sociale d'urgence par la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, en précisant que le budget 1999 créait 80 emplois d'inspecteurs des affaires sociales ou de conseillers techniques de service social qui seraient installés dans les 20 Directions départementale de l'action sanitaire et sociale (DDASS) les plus sollicitées.

En matière d'accès aux soins, elle a indiqué que dans l'attente de la couverture maladie universelle, un dispositif novateur sous la forme de programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins était mis en place afin d'amener le système de santé à prendre en compte la précarité, avec les pathologies et les risques qu'elle engendre, sans jamais stigmatiser les personnes qui souffrent.

Insistant sur les décloisonnements au sein du ministère qui seraient entraînés par la lutte contre l'exclusion, elle a souligné la mobilisation intensive des dispositifs d'insertion vers l'emploi au profit des allocataires du RMI et, en particulier, des 10 % d'allocataires qui sont dans le dispositif depuis sa création.

Espérant une stabilisation du nombre des bénéficiaires du RMI en fin d'année, elle a rappelé que l'évolution était encore élevée au premier trimestre 1998 et que la dotation budgétaire avait dû être revalorisée en conséquence.

S'agissant de l'action en faveur des personnes handicapées, elle a précisé que 2.000 places de centres d'aide par le travail (CAT) seraient créées en 1999.

Signalant l'augmentation de la dotation relative à l'allocation aux adultes handicapés (AAH), elle a précisé que l'article 83 du projet de loi de finances entraînerait une économie induite au titre de l'AAH de 300 millions de francs environ sur cinq ans.

Concernant la famille, Mme Martine Aubry a indiqué que, outre la prise en charge de l'API, les crédits d'action sociale consacrés à la famille s'accroissaient de 63 millions de francs en faveur des actions de soutien de la fonction parentale.

Elle a souhaité mentionner enfin l'action en faveur des droits des femmes dans les domaines de l'égalité professionnelle et de la contraception.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé, a ensuite présenté les crédits de la santé pour 1999. Il a indiqué que le budget de la santé, qui s'établissait à 3,79 milliards de francs, progressait à structure constante de 3,6 %.

Il a détaillé les quatre priorités que traduit ce budget.

La première priorité concerne la lutte contre les exclusions. Les crédits ouverts à ce titre permettront de mettre en place un certain nombre d'actions, telles que l'information des acteurs chargés de la prévention et de la dispensation des soins, la prise en charge des problèmes de santé spécifiques rencontrés par les personnes en situation de précarité, le soutien aux équipes de psychiatrie de secteur ou d'établissements et la mise en place de lieux d'écoute, de prévention et de soins pour les personnes sans domicile fixe ou les jeunes en situation de précarité.

La deuxième priorité concerne la prévention et la prise en charge des maladies infectieuses et les dépendances à l'égard des drogues de toute nature. M. Bernard Kouchner a rappelé à cet égard que l'Etat consacrerait pour 1999 plus d'un milliard de francs à la lutte contre la toxicomanie. Il a également évoqué un plan national de lutte contre l'hépatite C, d'une durée de quatre ans, qui sera mis en oeuvre à partir de l'année prochaine. Les mesures nouvelles qu'il comporte permettront, non seulement d'organiser le dépistage, le diagnostic et le traitement des patients, mais aussi de renforcer la surveillance épidémiologique, les programmes de prévention et la formation des personnels sanitaires et sociaux. Il a enfin indiqué que la lutte contre l'alcoolisme comportait une mesure de 25 millions de francs et que le financement des centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie était transféré sur l'enveloppe médico-sociale de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM).

La troisième priorité du budget de la santé concerne l'organisation du système de soins, domaine d'intervention qui bénéficiera de 1,56 milliard de francs. Ses crédits seront notamment répartis au profit de l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) et des agences régionales de l'hospitalisation. 250 millions de francs d'autorisations de programme et 150 millions de francs de crédits de paiement seront affectés au fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux.

La quatrième priorité concerne le dispositif de veille et de contrôle de la sécurité sanitaire. M. Bernard Kouchner a rappelé le rôle du Sénat et de sa commission des affaires sociales dans l'importante réforme de l'administration sanitaire qui se traduira prochainement par l'installation d'une agence de sécurité sanitaire des produits de santé, d'une agence de sécurité sanitaire des aliments et d'un institut de veille sanitaire.

M. Jean Delaneau, président, a indiqué qu'une première série de questions porterait sur les crédits du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle auxquelles répondrait Mme la ministre, avant que la commission aborde le volet santé et solidarité du projet de budget.

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis des crédits du travail et de l'emploi, après avoir observé que le projet de loi d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps de travail prévoyait explicitement dans son exposé des motifs un remboursement partiel des exonérations de charges et renvoyait pour ce faire au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, et ayant constaté qu'aucune disposition de ce type n'y figurait, a souhaité savoir si le Gouvernement entendait déposer un amendement dans ce sens à l'Assemblée nationale. Dans l'affirmative, il a demandé si le Gouvernement entendait minorer les crédits inscrits au budget de l'emploi au titre de cette compensation qui ne serait plus que partielle.

M. Louis Souvet a souhaité savoir par ailleurs si la dotation de 43 milliards de francs prévue pour le financement de la ristourne dégressive sur les bas salaires en 1999 serait suffisante au vu de l'exécution des remboursements aux régimes de sécurité sociale des allégements pour 1998. Il s'est demandé si le Gouvernement pourrait être amené à envisager un remboursement partiel de ces allégements dans l'hypothèse où cette dotation serait insuffisante.

M. Louis Souvet s'est également demandé si le recentrage des aides aux formations en alternance sur les publics les moins qualifiés et le développement des emplois-jeunes ne risqueraient pas de nuire au développement des formations en alternance en général.

Par ailleurs, M. Louis Souvet a souhaité savoir quel rôle pouvaient jouer les collectivités locales dans la mise en place de la réduction du temps de travail et quelle était la position du Gouvernement sur le rôle respectif des entreprises et de la puissance publique dans le financement des plans sociaux.

Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis sur les crédits de la formation professionnelle, a souhaité connaître la justification et la destination du nouveau prélèvement de 500 millions de francs effectué sur les fonds de la formation professionnelle en alternance. Elle s'est interrogée sur la possibilité qui pourrait être donnée à l'association de gestion du fonds des formations en alternance (AGEFAL) de participer au financement d'autres actions de formation que celles conduites dans le cadre de l'alternance en évoquant notamment les emplois-jeunes.

Evoquant le projet de réforme des contenus et des modes de financement de la formation en alternance, Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis des crédits de la formation professionnelle, a souhaité connaître les défauts principaux du système actuel que le Gouvernement entendait corriger et les principales orientations de la réforme envisagée.

En réponse aux questions de M. Louis Souvet, rapporteur pour avis des crédits du travail et de l'emploi, Mme Martine Aubry a déclaré que les crédits inscrits pour le financement de l'aide à la réduction du temps de travail constituaient une provision qui, compte tenu des reports, s'élèverait à 5 milliards de francs. Elle a indiqué que cette provision lui paraissait suffisante quel que soit le taux de compensation retenu, que s'il apparaissait qu'elle était insuffisante, cela signifierait davantage de créations d'emplois et qu'il serait alors toujours temps de la compléter en tant que de besoin.

Elle a considéré que, s'il n'était pas possible de chiffrer le retour en termes de cotisations sociales dont pouvait bénéficier la sécurité sociale dans le cadre de la ristourne dégressive, il en était tout autrement dans le cadre de la réduction du temps de travail ou tout emploi créé ou préservé en raison de l'aide pouvait être identifié.

Mme Martine Aubry a estimé que la sécurité sociale récupérait 32 % de l'aide financière à la réduction du temps de travail sous forme de surcroît de cotisations lié aux créations d'emploi. Elle a indiqué que les discussions étaient toujours en cours avec les partenaires sociaux sur le principe d'une compensation partielle et pourraient aboutir dès cette année ou à l'occasion d'un premier bilan courant 1999.

Concernant le niveau de la dotation prévue pour financer la ristourne dégressive, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a considéré que les 43 milliards de francs prévus devraient être suffisants.

Elle a déclaré par ailleurs ne pas croire que le recentrage des aides à l'alternance et le développement du plan emplois-jeunes portaient atteinte à l'alternance en général.

Elle a estimé qu'il y avait plutôt complémentarité que concurrence entre les dispositifs, les publics visés n'étant pas les mêmes.

Concernant le rôle des collectivités locales dans la mise en oeuvre des 35 heures, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué que chaque collectivité locale demeurait libre d'agir comme elle l'entendait.

Répondant à la question sur le financement des préretraites, Mme Martine Aubry a déclaré qu'elle avait souhaité augmenter la participation financière des entreprises afin que des entreprises bénéficiaires ne fassent pas reposer le coût de leurs restructurations sur la puissance publique.

En réponse aux questions de Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis des crédits de la formation professionnelle, Mme Martine Aubry a constaté un manque de fluidité dans l'utilisation des fonds de l'alternance. Elle a indiqué que le prélèvement de 500 millions de francs se ferait à travers un fonds de concours et qu'il ne perturberait pas le financement de l'alternance.

Concernant l'utilisation des fonds gérés par l'AGEFAL, Mme Martine Aubry a observé qu'il y avait déjà eu une extension des possibilités d'utilisation aux contrats de qualification adulte. Elle a déclaré ne pas souhaiter une extension à des dispositifs comme les emplois-jeunes, non sans avoir observé que les régions pouvaient déjà participer financièrement à l'effort de formation dans le cadre de ce programme.

Evoquant la réforme de la formation en alternance, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a déclaré que la collecte des fonds se faisait dans des conditions de transparence insuffisantes. Elle a estimé qu'il convenait de réduire les dépenses de gestion et d'administration et de développer les dépenses de formation.

M. André Jourdain a considéré que les remboursements des allégements de charges sociales dans le cadre de la réduction du temps de travail devraient continuer à être réalisés de manière intégrale dans le cas des accords défensifs, ceux-ci ne donnant pas lieu à des créations d'emplois. Il a souhaité connaître le nombre d'accords signés à la date du dernier bilan réalisé.

M. Guy Fischer, après avoir déclaré que le budget était bien orienté pour faire reculer le chômage, a souhaité connaître les intentions du Gouvernement en matière de plans sociaux et de licenciements économiques.

M. Charles Descours a demandé des précisions sur les projets du Gouvernement quant à une modification éventuelle de la loi du 25 juillet 1994 qui pose le principe de la compensation intégrale des exonérations de charges sociales, ainsi que sur la couverture maladie universelle.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est déclarée satisfaite de la hausse de 4 % des crédits du ministère et d'une réorientation de ces crédits vers des dépenses actives.

Elle a souhaité avoir des précisions sur le recentrage des missions de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) et sur l'état des discussions relatives à l'extension de l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE). Elle s'est félicitée du fonctionnement des commissions départementales des aides d'urgence.

Mme Nicole Borvo a approuvé les dispositions financières prises en matière d'urgence sociale, notamment pour distribuer des fonds aux personnes les plus en difficulté. En revanche, elle a regretté que le montant du plafond du RMI n'ait pas été significativement relevé, même si la dotation globale est en hausse cette année.

M. Bernard Cazeau s'est interrogé sur les modalités de la campagne d'information sur la contraception annoncée par le ministre. Il a souhaité par ailleurs que les contrats emploi-consolidé soient réservés aux publics en difficulté.

M. François Autain s'est enquis de la pilule dite du " lendemain ".

En réponse aux intervenants, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a déclaré que la préservation, dans le cadre de la réduction du temps de travail, des emplois menacés permettait de préserver les ressources de l'assurance chômage et qu'il n'était pas nécessaire dans ces conditions de distinguer entre accords défensifs et offensifs.

Poursuivant sur la question des remboursements des allégements de charges par l'Etat aux caisses de sécurité sociale, elle a déclaré que le Gouvernement appliquerait la loi du 25 juillet 1994 tant que le Parlement ne l'aurait pas modifiée.

Concernant les licenciements économiques, Mme Martine Aubry a indiqué que le Gouvernement souhaitait, dans la mesure du possible, les éviter et, pour ce faire, favoriser une meilleure gestion prévisionnelle des emplois, un renforcement de la qualité des plans sociaux et une participation accrue de l'entreprise au reclassement des salariés.

Evoquant le recentrage des missions de l'AFPA, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a déclaré qu'il ne revenait pas à cet organisme de facturer des formations à des entreprises au-dessous de leur coût réel ; elle a estimé que le recentrage était en cours.

Concernant l'extension de l'ARPE aux salariés ayant commencé à travailler à 14 ou 15 ans, la ministre a déclaré que l'Etat était prêt à prendre en charge 40 % du surcoût ainsi généré soit 40.000 francs par an et par salarié concerné. Elle a précisé que l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) avait estimé le coût global du dispositif à 30 milliards de francs pour les quatre prochaines années.

Evoquant le projet de couverture médicale universelle, Mme Martine Aubry a indiqué qu'à la suite de la présentation d'un rapport par M. Jean-Claude Boulard, elle avait demandé à ce dernier de poursuivre son travail en ayant des contacts approfondis avec, notamment, les conseils généraux, les assureurs et les groupements mutualistes. Elle a indiqué que 400 à 500.000 personnes pourraient bénéficier de cette couverture et qu'un projet de loi serait déposé dans les prochaines semaines.

Mme Martine Aubry a reconnu qu'il était difficile, par la seule négociation, de faire baisser le prix des pilules de deuxième génération. Elle a annoncé la mise sur le marché très prochaine d'une pilule dite du lendemain et a indiqué que la production du RU486 serait engagée dans les mois qui viennent.

S'agissant des commissions d'urgence sociale, Mme Martine Aubry a indiqué que celles-ci avaient vocation à accorder directement une aide d'urgence dès lors que les organismes présents étaient en mesure de le faire et que dans le cas contraire elles devaient accompagner la personne en difficulté pour l'aider à constituer son dossier et l'orienter vers le guichet adéquat.

Concernant les commissions départementales de coordination, elle a souligné que dans certains départements, les familles en difficulté étaient mal repérées et qu'une mise en coordination des différentes instances permettrait de mieux suivre les intéressés, ainsi que d'éviter la fraude.

S'agissant du RMI, elle a rappelé que les montants des minima sociaux seraient réévalués dans les conditions prévues par la loi. Elle a précisé que l'augmentation de la dotation était causée par l'accroissement des effectifs des titulaires du RMI en 1998, même si un infléchissement du niveau des entrées était observé depuis quelques mois.

Elle a mis l'accent sur les résultats positifs de l'opération de suivi spécifique des personnes qui bénéficient du RMI sur une longue durée.

Puis la commission a abordé plus particulièrement le volet solidarité-santé du projet de budget.

M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis des crédits de la solidarité, s'est demandé quelles conditions seraient posées par le ministère pour agréer les conventions collectives appliquant la réduction du temps de travail dans le secteur social et médico-social. Il s'est interrogé sur la mise en place d'un taux directeur opposable aux dépenses des établissements sociaux et médico-sociaux financées par les départements. Il s'est interrogé sur les difficultés soulevées par le décret du 23 avril 1998 en matière de tutelle et de curatelle d'Etat. Enfin, il a regretté la baisse sensible du niveau de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) versée à compter du 60ème jour d'hospitalisation pour les personnes devant continuer à assumer des frais fixes.

Mme Martine Aubry a tout d'abord indiqué qu'elle n'avait pas défini de critères a priori pour approuver ou non les conventions collectives des personnels du secteur social et médico-social. Elle a indiqué qu'elle était attachée à l'amélioration, ou au moins à la préservation de la qualité des services rendus, ainsi qu'à l'engagement d'une réflexion sur les modes d'organisation des établissements. Elle a précisé qu'une mission d'appui avait été confiée à l'IGAS pour faciliter la mise en place de la réduction du temps de travail dans le secteur couvert par la loi du 30 juin 1975.

Concernant la régulation des dépenses, elle a indiqué que le taux directeur opposable rendu applicable aux dépenses couvertes par l'assurance maladie par le projet de loi de financement de la sécurité sociale avait vocation à être étendu aux dépenses relevant du budget de l'Etat ou des départements.

En matière de tutelle et de curatelle, elle a indiqué que le décret du 23 avril 1998, qui visait à diversifier les sources de financement des mesures en question, avait vu son application suspendue afin d'approfondir l'analyse des problèmes du secteur. A cet effet, un bilan a été confiée à l'inspection générale des finances, à l'IGAS et à l'inspection générale des services judiciaires, qui servirait de base à une concertation avec les associations tutélaires.

Concernant l'AAH, elle a indiqué que la question évoquée par M. Jean Chérioux concernait 3 % des 630.000 bénéficiaires de l'AAH qui relevaient souvent d'une hospitalisation psychiatrique de longue durée. Rappelant qu'il n'était pas prévu d'atténuation du montant de l'AAH lorsque la personne concernée avait un enfant à charge, elle s'est néanmoins engagée à examiner la question.

M. Louis Boyer, rapporteur pour avis des crédits de la santé, a interrogé le secrétaire d'Etat à la santé sur l'état d'application des plans, annoncés depuis un an, en faveur de la lutte contre la douleur et du développement des soins palliatifs. Il lui a demandé quels chapitres budgétaires étaient concernés par la mise en oeuvre de ces plans et combien de postes de praticiens hospitaliers fléchés " douleur " avaient été créés cette année. Il l'a également interrogé sur la baisse des crédits du contrôle sanitaire de l'environnement et des observatoires de la santé, sur la réforme des urgences hospitalières et sur l'engagement financier du ministère de la santé en faveur de l'Agence de sécurité sanitaire des aliments. Il a enfin rappelé que la commission des affaires sociales dénonçait depuis des années, dans ses rapports budgétaires, l'insuffisant contrôle de l'Etat sur le Comité national de lutte contre le tabagisme, pourtant destinataire de la majeure partie des crédits d'Etat en la matière. Il lui a demandé quelle était la situation actuelle de cette association.

M. Jean Delaneau, président, a regretté que les décrets d'application des dispositions de la loi du 28 mai 1996, qui concernent les thérapies génique et cellulaire, ne soient pas encore publiés. Il a rappelé que M. Claude Huriet, mandaté par la commission des affaires sociales, s'était entretenu avec le ministre de cette question au printemps, mais que le travail de l'administration semblait ne pas avoir avancé.

M. Jean-Louis Lorrain a interrogé le ministre sur la prise en charge des conséquences sanitaires de l'utilisation de l'amiante, sur la traduction budgétaire des travaux des Etats généraux de la santé et sur les campagnes de prévention. Il s'est demandé si la diffusion de la pilule du lendemain ne contribuerait pas à un relâchement des efforts de prévention. Il a enfin évoqué la situation d'adolescents en crise dont la prise en charge médicale, que ce soit en milieu hospitalier ou dans le secteur ambulatoire, ne semblait pas toujours adaptée.

M. Jean Chérioux a estimé indispensable que le développement des soins palliatifs se fasse en priorité par des actions à domicile.

M. Serge Franchis a observé que le combat en faveur de la lutte contre la douleur semblait en voie d'être gagné, mais que le développement des soins palliatifs semblait plus difficile à mettre en oeuvre.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé, répondant aux intervenants, a d'abord regretté le retard de publication des décrets d'application de la loi relative aux thérapies génique et cellulaire.

Il a précisé l'état d'application des plans en faveur de la lutte contre la douleur et du développement des soins palliatifs. Il a indiqué à cet égard que le " carnet douleur ", destiné à tous les patients hospitalisés, serait envoyé aux établissements de santé avant la fin du mois, et qu'une circulaire du 22 septembre dernier avait donné les instructions nécessaires à la systématisation de l'usage des réglettes pour mesurer la douleur.

Il a affirmé que, grâce à la bonne volonté de fondations, la distribution de 1.000 pompes d'analgésie contrôlée serait réalisée dans le courant de l'année 1999. L'information des patients sur les centres de lutte contre la douleur est déjà disponible sur minitel et le sera sur internet à la fin du mois. Les caractéristiques des ordonnances infalsifiables, qui remplaceront le carnet à souche, sont en cours de publication dans deux bulletins officiels. Enfin, des formes pédiatriques d'antalgiques majeurs sont actuellement mises sur le marché ou sorties de la réserve hospitalière.

Dans les établissements de santé, vingt comités de lutte contre la douleur ont été créés et une circulaire déléguera prochainement au personnel infirmier la prescription et la délivrance des antalgiques.

La lutte contre la douleur est prise en considération dans le manuel d'accréditation des établissements de santé ainsi que dans le cahier des charges des réseaux de soins qui sera prochainement publié.

Enfin, au début du mois de décembre, sera lancée une grande campagne d'information sur le thème de la lutte contre la douleur.

Evoquant les soins palliatifs, M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé, a indiqué que l'Ordre des médecins avait été saisi le 24 juin dernier d'une demande de recensement de l'offre de soins en la matière et que 50 millions de francs étaient inscrits dans l'ONDAM pour développer les soins palliatifs.

Par ailleurs, 50 millions de francs, provenant du fonds d'action sociale de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), devraient également être consacrés à ce développement.

Un des quatre groupes de travail sur l'hôpital qui ont été mis en place la semaine dernière sera notamment chargé d'évaluer les coûts liés aux soins palliatifs : le système des points ISA est en effet très défavorable aux activités de soins qui nécessitent un personnel nombreux ne faisant pas d'actes techniques.

Enfin, M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé, a indiqué qu'une brochure sur le deuil serait diffusée aux médecins avant la fin de l'année. Il a rappelé que huit postes de praticiens hospitaliers fléchés " douleur " avaient été créés depuis le début de l'année et que de quinze à vingt postes seraient créés l'an prochain.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé, a affirmé que la baisse évoquée des crédits du contrôle sanitaire de l'environnement et des observatoires régionaux de la santé n'était qu'apparente, certains crédits ouverts à ce titre en 1998 étant transférés, pour 1999, à l'Institut de veille sanitaire et à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments. Il a précisé que le Gouvernement avait posé des conditions au maintien des subventions accordées au Comité national de lutte contre le tabagisme (CNCT) et qu'elles n'étaient pas remplies à ce jour.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé, a affirmé que l'engagement budgétaire du ministère de la santé en faveur de l'Agence de sécurité sanitaire des aliments était d'ampleur comparable à celui des deux autres ministères de tutelle, le ministère de l'économie et celui de l'agriculture. Il a précisé qu'ayant obtenu le report des crédits non consommés en 1998 pour les nouvelles agences, le ministère de la santé n'avait besoin que d'un peu plus de 8 millions de francs pour financer sa participation à cette Agence en 1999.

Il a rappelé qu'à la suite du rapport du Professeur Claude Got, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 comportait des dispositions de nature à améliorer la reconnaissance des maladies professionnelles ; il a cependant reconnu que des problèmes importants demeuraient en matière de préretraite.

Il a précisé que le projet de budget de la santé pour 1999 avait pris en compte les crédits nécessaires à l'organisation des Etats généraux de la santé et notamment à l'envoi du questionnaire qui serait adressé à chaque foyer.

Evoquant la pilule du lendemain, il a observé que la diffusion de toute innovation thérapeutique faisait naître des craintes pour l'avenir de la prévention : il a ainsi cité l'exemple des trithérapies, dont la délivrance aurait pu entraîner une trop grande banalisation du Sida et un relâchement des efforts de prévention. Il a estimé que ces craintes ne devaient pas conduire à se priver des innovations thérapeutiques mais qu'il fallait maintenir une politique de prévention efficace.

Il a fait siens les propos de M. Jean-Louis Lorrain sur la situation de certains adolescents en crise et a informé les membres de la commission qu'un groupe de travail interministériel sur les souffrances psychiques des adolescents venait d'être mis en place. Il a également déclaré partager le voeu de M. Jean Chérioux que soient développés les soins palliatifs à domicile. Observant que le paiement à l'acte n'était pas toujours bien adapté, il a annoncé une prise en charge forfaitaire de ce type de soins dans le cadre de réseaux qui seront prochainement mis en place.

Il a fait siens les propos de plusieurs orateurs concernant la nécessité d'une meilleure orientation des patients dans les services d'urgence.

Il a reconnu, avec M. Serge Franchis, que le combat en faveur des soins palliatifs était plus récent et donc moins engagé que celui qui concerne la prise en charge de la douleur.

Jeudi 22 octobre 1998

- Présidence de M. Jean Delaneau, président - La commission a procédé à l'audition de M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants sur les crédits de son département ministériel pour 1999.

Projet de loi de finances pour 1999 - Audition de M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Eztat aux anciens combattants

M. Jean Delaneau, président, a indiqué que cette audition avait été ouverte aux membres du groupe des sénateurs anciens combattants, dont il a salué le président, M. Marcel-Pierre Cléach.

M. Jean-Pierre Masseret
, secrétaire d'Etat aux anciens combattants, a rappelé que le projet de budget pour 1999 s'attachait avant tout à respecter intégralement le principe du droit à réparation. A cet égard, il a constaté que la diminution de 2,1 % des crédits par rapport à 1999 restait bien inférieure à la diminution des effectifs concernés qui atteint, elle, 4 %.

Précisant que le montant des crédits alloués à son département ministériel atteignait 25,4 milliards de francs, il a souligné que l'importance de ce budget avait pu susciter certaines critiques, mais que ces crédits constituaient la nécessaire traduction budgétaire de la reconnaissance de la Nation aux anciens combattants.

Evoquant la répartition de ces crédits, il a précisé que 1,2 milliard de francs seulement était affecté aux dépenses de fonctionnement, dont 229 millions de francs de subventions à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) et 43 millions de francs de subvention à l'Institution nationale des invalides (INI). Il a indiqué que 17,3 milliards de francs étaient affectés aux pensions d'invalidité, 2,2 milliards de francs à la retraite du combattant, 1,5 milliard de francs au Fonds de solidarité et 1,3 milliard de francs au remboursement de prestations de sécurité sociale versées aux pensionnés de guerre.

Abordant les mesures nouvelles, M. Jean-Pierre Masseret a jugé que le budget était très satisfaisant. Il a considéré que l'extension automatique du bénéfice de l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE) pourrait bénéficier à 600 personnes. Il a insisté sur la poursuite de la revalorisation de la rente mutualiste avec le relèvement, de 95 à 100 points d'indice, du plafond majorable.

Il a également annoncé la prise en charge par le budget général de l'Etat des cotisations de sécurité sociale des invalides à plus de 85 %, pour un montant de 84 millions de francs.

Le ministre a estimé que la forte augmentation des crédits sociaux de l'ONAC répondait aux critiques formulées l'an dernier. Il a précisé que l'ONAC bénéficierait en 1999 de 18,5 millions de francs de mesures nouvelles, tout en reconnaissant que la situation des maisons de retraite demeurait préoccupante.

Il a conclu son propos liminaire en insistant sur l'effort consenti en faveur de la mémoire. Il a cité, à ce sujet, la création de 96 " emplois mémoires " dans les services départementaux de l'ONAC ayant vocation à recueillir et à transmettre la mémoire combattante.

M. Jean Delaneau, président, a interrogé le ministre sur les possibilités de revalorisation de la rente mutualiste, permettant de fixer le plafond majorable à 130 points d'indice en 5 ans. Il a également exprimé son inquiétude sur l'avenir des maisons de retraite et de rééducation de l'ONAC. Evoquant un projet de maison du Souvenir à Maillé (Indre et Loire), il a enfin demandé au ministre de préciser les fonctions que pourraient remplir les " emplois mémoires ".

M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, a considéré que le mécontentement restait assez vif chez les anciens combattants, notamment ceux d'Afrique-du-Nord. Il a jugé que ce budget proposait des avancées certaines, mais qu'il laissait parallèlement de nombreux dossiers en suspens. Il a estimé que d'autres mesures nouvelles pourraient être prises, sans pour autant entraîner un coût budgétaire important. A cet égard, il a tenu à évoquer certaines mesures nouvelles répondant aux préoccupations des anciens combattants.

Concernant l'attribution de la carte du combattant, il s'est interrogé sur la possibilité d'élargir les conditions d'attribution à une présence en Afrique du Nord de 15 mois et non plus 18 mois, dans la mesure où la durée moyenne de séjour était de 15 mois et 22 jours.

Il a également jugé nécessaire une revalorisation de la retraite mutualiste, en estimant qu'une campagne de communication vers les anciens combattant devait être menée.

S'agissant des pensions d'invalidité, il a insisté sur la nécessité d'une réforme du " rapport constant ". Il a, à ce propos, demandé au ministre d'intervenir pour que les représentants de l'Etat cessent de faire quasi systématiquement appel des décisions favorables aux requérants devant les tribunaux des pensions.

M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, a rappelé son soutien à la proposition de loi de MM. Guy Fischer et Robert Pagès accordant la retraite anticipée aux anciens combattants chômeurs en fin de droits qui ont cotisé pendant 40 annuités, en jugeant qu'elle avait pour principal avantage d'être seulement optionnelle.

Il a souligné les difficultés d'accès à l'allocation de préparation à la retraite (APR) du fonds de solidarité et il a suggéré de supprimer le délai de 6 mois préalable.

Concernant l'ARPE, il a regretté que le dispositif proposé soit très restrictif en ne permettant qu'à une centaine d'anciens combattants de pouvoir en bénéficier chaque année. Il a alors proposé de l'étendre aux anciens combattants titulaires du Titre de reconnaissance de la Nation (TRN), et non plus aux seuls titulaires de la carte du combattant.

Il a enfin attiré l'attention du ministre sur la situation souvent très fragile des veuves d'anciens combattants. Il a ainsi souligné que la retraite du combattant n'était pas susceptible de réversion, en dépit de son faible montant. De même, il a insisté sur les difficultés rencontrées pour bénéficier de la réversion de la pension d'invalidité. Il a alors proposé de ramener de 85 à 65 % le taux d'invalidité à partir duquel les veuves doivent supporter la charge de la preuve de la corrélation entre guerre et invalidité.

En réponse à M. Jean Delaneau, M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat, a déclaré qu'un effort important de revalorisation de la rente mutualiste avait déjà été accompli, le plafond majorable passant de 91 points d'indice en 1997 à 100 au 1er janvier 1999, ce qui équivalait à une progression de 12,6 %. Il a cependant constaté que le seuil des 130 points pouvait constituer un objectif à atteindre à terme.

Il a reconnu que la gestion des 14 maisons de retraite de l'ONAC était très difficile, celles-ci offrant des prestations inférieures aux autres maisons pour un coût supérieur. Considérant que cette situation pouvait mettre en péril l'existence même de l'ONAC, il a jugé nécessaire pour l'ONAC de conclure des partenariats avec les collectivités locales.

Concernant les emplois mémoires, il a expliqué que ceux-ci avaient pour fonction d'aider le monde associatif ou les collectivités territoriales à monter les initiatives locales. Il a en revanche considéré qu'ils n'avaient pas vocation à participer aux " investissements mémoires " qui relèvent plutôt des contrats de plan Etat-régions.

En réponse aux différentes questions de M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants, s'est déclaré disposé à assouplir les conditions d'attribution de la carte du combattant en retenant un délai de présence en Afrique du Nord de 16 mois. A cet égard, il a précisé que l'instauration du délai de 18 mois n'avait permis que 40 à 50.000 attributions supplémentaires pour un objectif initial de 80.000.

S'agissant du TRN, il s'est montré réticent à un élargissement des dates de référence jusqu'au 2 juillet 1964, craignant de susciter ainsi de nouvelles demandes reconventionnelles.

Il a rappelé qu'il avait soumis aux associations d'anciens combattants deux propositions de réforme du mode de calcul du " rapport constant ". Il a précisé que la plus favorable se traduirait par une revalorisation de 0,6 % des pensions d'invalidité la première année, mais que cette mesure ne pourrait pas s'appliquer dès 1999.

Revenant sur les pensions d'invalidité, le ministre a reconnu qu'elles étaient l'objet de " recours parfois abusifs " de la part des services de l'Etat. Il a indiqué qu'il avait donné des instructions à ses services pour éviter d'interjeter systématiquement appel. Il a par ailleurs estimé qu'il était souvent difficile d'établir la preuve du lien entre la guerre et l'invalidité, mais qu'un suivi médical régulier facilitait l'établissement de la preuve.

Concernant la retraite anticipée, il a souligné que la proposition de loi de MM. Guy Fischer et Robert Pagès posait deux problèmes : celui des retraites complémentaires et celui du droit à option qui lui semble juridiquement impossible au regard du code de la sécurité sociale. Il a cependant déclaré qu'il allait donner à ses services des instructions pour mener une étude sur la faisabilité juridique du dispositif proposé.

Il a estimé que le débat à l'Assemblée nationale devrait permettre d'apporter une réponse positive à la question de la suppression du délai de 6 mois nécessaire au bénéfice de l'APR.

Le ministre s'est également déclaré prêt à étudier une extension du dispositif " ARPE-anciens combattants " aux titulaires du TRN dans la mesure où les effets attendus de la mesure initiale semblent très modestes.

S'agissant de la situation des veuves, il a reconnu la faiblesse de la pension de réversion des veuves de grands invalides qui n'ont pas pu travailler en raison de leur présence nécessaire auprès de leur mari. Il a précisé que ces veuves ne toucheraient actuellement que 3.600 francs par mois. Il s'est alors déclaré favorable à la mise en place d'un système non rétroactif permettant d'amener leurs ressources aux environs de 6 à 7.000 francs.

Il s'est en revanche déclaré défavorable à une possible réversion de la retraite du combattant, jugeant que celle-ci était un droit à réparation non transmissible.

M. Jean-Pierre Masseret a enfin insisté sur la nécessité d'une nouvelle réflexion en matière de solidarité pour les anciens combattants. Il a expliqué que le fonds de solidarité allait disparaître dans les 3 ou 4 années à venir du fait du vieillissement de ses allocataires actuels. Il a souhaité la mise en place future de mesures permettant le redéploiement des crédits budgétaires ainsi libérés vers les anciens combattants les plus en difficulté dans une logique de solidarité.

M. Jean Chérioux a demandé au ministre des éclaircissements sur l'abattement démographique de 4 % appliqué à son budget.

M. Guy Fischer a exprimé la crainte que les anciens combattants d'Afrique du Nord ne puissent jamais bénéficier de la retraite anticipée. Il s'est déclaré favorable à un délai de présence de 16 mois en Afrique du Nord pour obtenir la carte du combattant. Il s'est interrogé sur le coût d'une attribution de la " campagne double " aux fonctionnaires et assimilés. Il a enfin attiré l'attention du ministre sur la dissociation de la valeur du point de pension des grands invalides et sur la forclusion de fait persistante pour l'attribution de la qualité de combattant volontaire de la résistance (CVR).

Mme Gisèle Printz s'est interrogée sur les mesures nouvelles concernant les victimes de l'annexion de fait de l'Alsace-Moselle, et notamment les incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes (RAD-KHD). Elle a interrogé le ministre sur l'état d'avancement de la création d'un historial de l'annexion de fait en Alsace-Moselle. Elle s'est enfin déclarée préoccupée par la situation des veuves d'anciens combattants.

M. Marcel-Pierre Cléach, président du groupe d'études des sénateurs anciens combattants, a estimé que l'article additionnel voté par l'Assemblée nationale en première lecture, qui donne une réduction d'impôt aux anciens combattants touchés par l'abaissement de l'avantage en impôt résultant du quotient familial, était une bonne mesure, même si elle créait de nouveaux particularismes.

Regrettant que la question de la retraite anticipée ne soit pas abordée par le budget, il a jugé que la revalorisation de la rente mutualiste allait dans la bonne direction.

Il s'est dit préoccupé par l'absence de mesures nouvelles en faveur des harkis et des veuves d'invalides.

Il a exprimé ses réticences face à une trop grande banalisation de l'attribution de la carte du combattant.

S'agissant du devenir du département ministériel, il a rappelé que les anciens combattants ne souhaitaient pas un rattachement au ministère des affaires sociales. Il a estimé que l'avenir de son administration se jouait sur la question de la mémoire.

M. Gilbert Chabroux a considéré que le budget pour 1999 permettait de consolider les acquis de 1998. Il a félicité le ministre pour sa méthode de travail fondée sur la concertation permanente. Il s'est interrogé sur les principales orientations de la politique de la mémoire pour 1999 et sur l'opportunité de créer une commission tripartite chargée d'étudier la question de la " campagne double ".

En réponse aux différents intervenants, M. Jean-Pierre Masseret a considéré tout d'abord que la question de la retraite anticipée se recentrait progressivement sur les anciens combattants les plus en difficulté : les chômeurs en fin de droits. Il a estimé qu'à la fin de 1999 il ne resterait que 5 à 6.000 personnes concernées. Dans ces conditions, il s'est déclaré prêt à réexaminer la question, même s'il a déclaré rester réservé à l'idée de prendre une mesure dès lors qu'elle n'aurait plus qu'un intérêt symbolique.

Concernant la carte du combattant, il s'est déclaré ouvert à une diminution du délai de présence en Afrique du Nord de 18 à 16 mois.

S'agissant de l'unification des taux de pension d'invalidité, il a rappelé que le gel des pensions les plus élevées entre 1992 et 1995 avait entraîné un retard équivalant à 60 millions de francs par an. Il a affirmé ne pas être opposé à un effort de rattrapage étalé sur 4 ou 5 ans.

Il a confirmé avoir donné aux préfets des instructions en vue d'une application souple du décret de 1989 qui fixe les conditions de reconnaissance de la qualité de CVR.

Concernant la " campagne double ", il s'est montré très réticent à toute évolution. Il a estimé que le bénéfice de la " campagne double " poserait à la fois un problème de coût, évalué à 1,2 milliard de francs, et une question de principe en introduisant un traitement différencié entre fonctionnaires et non-fonctionnaires. Il a, par ailleurs, souligné le fait que les fonctionnaires bénéficiaient déjà de fait de la " campagne double " et demandaient en réalité la " campagne triple ".

M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat, a ensuite estimé que la mise en oeuvre de la réparation pour les victimes de l'annexion de fait de l'Alsace-Moselle avançait progressivement. Il a ainsi déclaré avoir demandé à l'entente franco-allemande d'indemniser les anciens du Reichsarbeitsdienst (RAD) qui ne peuvent obtenir un certificat d'incorporé de force. Concernant l'historial de l'annexion de fait, il a annoncé que la décision serait prise après le 30 octobre.

Le ministre a souligné que les harkis ne relevaient pas directement de son département ministériel, mais qu'un travail interministériel était en cours.

S'agissant de la politique de la mémoire, il a rappelé que 1999 devrait être marquée par la célébration du 55e anniversaire de la Libération. De manière plus générale, il a estimé que la politique de la mémoire devait viser des actions montrant l'exemplarité du monde combattant autour des valeurs de la République. Il a, à cet égard, exprimé son souci d'accompagner les initiatives locales.

Evoquant enfin l'avenir du département ministériel, il a précisé les deux lignes directives de la réforme proposée : le maintien d'une structure politique et administrative durable pour la défense des intérêts légitimes du monde combattant et la volonté de mettre l'exemplarité du monde combattant au service d'un affermissement du lien entre l'armée et la Nation.

Il a exprimé son souci d'éviter trois évolutions qu'il juge risquées : la transformation du département en un simple ministère des pensions, le rapprochement avec le ministère des affaires sociales dans la mesure où les droits des anciens combattants ne relèvent pas de la solidarité, et la transformation du département en une simple délégation, à l'image de celle des rapatriés. Il a rappelé que la proposition de réforme, instituant un rapprochement avec le ministère de la défense, avait été bien accueillie par les associations représentatives des anciens combattants.