AFFAIRES SOCIALES
Table des matières
Mardi 11 mai 1999
- Présidence de M. Jean Delaneau, président -
Affaires sociales - Chèques-vacances - Examen des amendements en deuxième lecture
La commission a examiné les amendements au projet de loi n° 275 (1998-1999), modifié par l'Assemblée nationale, modifiant l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques-vacances (M. Paul Blanc, rapporteur).
A l'article premier, après un large débat où sont intervenus MM. Jean Delaneau, président, André Jourdain, Guy Fischer, Claude Domeizel etBernard Cazeau et sur proposition de son rapporteur, la commission a émis un avis défavorable à l'amendement n° 13 présenté par le Gouvernement visant à permettre l'utilisation du chèque-vacances dans les pays de l'Union européenne.
A l'article 5, la commission a, sur proposition du rapporteur, décidé de retirer son amendement n° 10 et s'en est remise à la sagesse de la Haute assemblée sur l'amendement n° 14 présenté par le Gouvernement ayant pour objet de rappeler que toute personne active ou non, salariée ou non salariée, peut bénéficier du chèque-vacances par l'intermédiaire des organismes sociaux.
Emploi - Formation professionnelle " diagnostics, défis et enjeux " - Audition de Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle
Puis la commission a procédé à l'audition de Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, sur la contribution du secrétariat d'Etat sur la formation professionnelle, " diagnostics, défis et enjeux ".
A titre liminaire, Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, a souhaité préciser le cadre dans lequel s'inscrivait sa démarche. Constatant que la loi quinquennale de 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle venait de toucher à son terme, elle a jugé nécessaire d'établir un diagnostic objectif et actualisé de la situation de la formation professionnelle en France. Regrettant la sédimentation de textes depuis 30 ans et l'absence d'évaluation globale et estimant qu'il n'était plus satisfaisant de mener une politique de réformes partielles et successives, elle s'est prononcée en faveur d'une réforme en profondeur du système de la formation professionnelle, devant associer l'impératif de performance économique et l'exigence de cohésion sociale.
Revenant sur le diagnostic, elle a observé que le paysage issu de la loi de 1971 avait profondément évolué. Elle a souligné la mobilité professionnelle croissante des salariés, observant que, tous les 5 ans, 20 % des salariés changeaient d'entreprise, voire de métier, rendant indispensable la mise en oeuvre d'une " formation tout au long de la vie ". Elle a également insisté sur les inégalités d'accès à la formation, constatant que les principaux bénéficiaires de l'effort de formation étaient paradoxalement ceux qui en avaient peut-être le moins besoin, alors que les salariés les plus menacés par la précarité (les salariés faiblement qualifiés, les salariés des petites et moyennes entreprises (PME) et les femmes) n'y accédaient que difficilement.
Elle s'est aussi inquiétée de la faiblesse du niveau de formation initiale, constatant que 40 % de la population active avait une formation initiale inférieure au certificat d'aptitude professionnelle (CAP). Elle s'est enfin prononcée en faveur d'une professionnalisation accrue des jeunes, estimant nécessaire d'avancer dans la voie de l'alternance.
Pour répondre à ces insuffisances du système de formation professionnelle, Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, a déclaré vouloir privilégier trois types de mesures : la création d'un " droit à la formation individuel, transférable et garanti collectivement ", la validation des acquis professionnels et le renforcement de l'alternance, qu'il s'agisse de l'alternance sous statut scolaire, de l'apprentissage ou de la professionnalisation des jeunes en situation difficile par le biais notamment des contrats de qualification et du programme trajet d'accès à l'emploi (TRACE).
Observant que la formation restait un élément central du dialogue social, elle a souhaité privilégier une démarche fondée sur la négociation, les partenaires sociaux et les partenaires institutionnels devant se saisir, au travers de la négociation collective, des éléments du diagnostic et des pistes de réformes.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, a reconnu que les dimensions financières étaient absentes de ce diagnostic, mais elle a jugé qu'un accord sur les objectifs entraînerait un accord sur les modalités du financement de la réforme.
Constatant qu'il existait un lien entre la formation professionnelle et le temps de travail, elle a déclaré que la seconde loi sur la réduction du temps de travail aborderait la question du temps de formation, sans pour autant nuire à la cohérence d'un projet de loi ultérieur relatif à la formation professionnelle.
Elle a par ailleurs déclaré avoir déjà proposé aux partenaires sociaux différentes expérimentations comme la construction d'un réseau des services chargés de l'information en matière de formation et de validation des acquis professionnels ou la mise en place d'un programme de lutte contre les inégalités de formation dans les PME. Elle a affirmé que ces expérimentations correspondaient à un souci de contractualisation autour de démarches pragmatiques.
M. Jean Delaneau, président, a estimé que la question de la formation constituait un enjeu important, précisant que la formation professionnelle et la cohésion sociale étaient complémentaires. Il s'est également félicité de la conversion du Gouvernement à l'alternance.
Observant que le rapport présenté par Mme Nicole Péry ouvrait de nouvelles perspectives, Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis du budget de la formation professionnelle, a interrogé le ministre sur le contenu du nouveau " droit individuel, transférable et garanti collectivement ", sur les modalités d'amélioration de la validation des acquis professionnels, sur les conséquences de la suppression, décidée par le Gouvernement à la fin de l'année passée, des aides forfaitaires à l'embauche pour les contrats d'apprentissage ou de qualification, ainsi que sur les moyens de clarifier les rôles des différents acteurs intervenant dans le secteur de la formation professionnelle. Elle s'est également interrogée sur les dispositions relatives au temps de formation, qui doivent être incluses dans la deuxième loi sur la réduction du temps de travail. Elle s'est toutefois inquiétée de l'absence de réflexion, dans la contribution du secrétariat d'Etat, sur le financement de la formation professionnelle. Elle a enfin demandé au ministre si des dispositions relatives à la formation étaient envisagées pour le prochain projet de loi de finances.
En réponse à Mme Annick Bocandé, Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, a déclaré que le nouveau " droit individuel, transférable et garanti collectivement " visait à faire disparaître les différences de statuts, notamment entre chômeurs et salariés, pour l'accès à la formation. Elle a insisté sur la notion de garantie collective considérant qu'il s'agissait là de la condition nécessaire à l'existence d'un droit individuel et transférable. Elle a, à ce propos, déclaré que chaque partenaire devrait verser une participation à un " pot commun " qui serait géré paritairement, précisant que les partenaires sociaux étaient déjà saisis de ce sujet. Elle a observé qu'aujourd'hui seulement 25.000 personnes bénéficiaient du congé individuel de formation (CIF), estimant que, pour répondre aux besoins, le nombre d'accès à la formation devrait concerner 300.000 ou 400.000 personnes. Elle a souligné que la formation acquise dans le cadre de ce droit individuel devrait être qualifiante et donc représenter un minimum de 300 heures de formation.
S'agissant du financement de ces projets de réforme, elle a indiqué que ceux-ci devaient se faire à budget constant, rappelant que l'effort de la nation en faveur de la formation atteignait à l'heure actuelle 138 milliards de francs répartis entre quatre principaux partenaires : l'Etat, les entreprises, les régions et l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC). Elle a déclaré que chacun de ces acteurs devrait à l'avenir consacrer une partie de son enveloppe financière actuelle au financement du futur droit individuel à la formation.
M. Jean Delaneau, président, s'est interrogé sur le montant de ce prélèvement, estimant que celui-ci risquait d'être élevé.
En réponse, Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, a précisé que le montant du prélèvement serait fixé par les partenaires sociaux.
S'agissant de la validation des acquis professionnels, elle a souligné que cette compétence était partagée entre le ministère de l'emploi et le ministère de l'éducation nationale, mais que, dans un souci de clarification, un groupe de travail avait été installé afin de préciser les rôles respectifs. Elle a estimé que les partenaires sociaux, les entreprises et l'éducation nationale, notamment les universités, devaient être partenaires dans cette démarche. Elle a rappelé que la loi de 1992, permettant de valider un diplôme au regard des acquis professionnels, constituait une première étape mais restait, avec 5.000 bénéficiaires par an, peu appliquée. Elle a insisté sur la nécessité de construire de nouveaux systèmes de certification et de validation communs, à l'image des contrats de qualification professionnelle, estimant également qu'il fallait créer des passerelles entre ces certificats et les diplômes de l'éducation nationale, notamment par l'intermédiaire d'équivalences.
S'agissant de l'alternance, elle a rappelé que la décision d'instituer les primes forfaitaires à l'embauche remontait à 1992 et se justifiait alors par la situation inquiétante du chômage des jeunes. Elle a cependant affirmé que la suppression de ces aides dans la loi de finances initiale pour 1999 n'avait pas provoqué de diminution du nombre de contrats d'apprentissage et de contrats de qualification. Elle a déclaré que le projet de loi de finances pour 2000 ne proposerait sans doute pas de revenir sur cette situation, mais qu'il devrait permettre la reconduction des crédits relatifs à l'alternance, soit 12,5 milliards de francs.
Revenant sur les ponctions opérées sur les fonds de l'Association de gestion des fonds en alternance (AGEFAL), elle a indiqué qu'en cas d'excès de trésorerie en 2000, elle proposerait aux partenaires sociaux d'utiliser ces fonds excédentaires pour financer les expérimentations menées en matière de formation.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis, s'est interrogée sur l'utilisation du prélèvement sur les fonds de l'AGEFAL en 1999.
En réponse, Mme Nicole Péry a précisé que ces fonds avaient été versés à un fonds de concours affecté au financement de l'apprentissage.
S'agissant du rôle des différents acteurs, elle a insisté sur la nécessité d'évaluer l'efficacité de leur partenariat tout en déclarant ne pas vouloir revenir sur la décentralisation. Elle a également indiqué avoir confié à un parlementaire, M. Gérard Lindeperg, une mission visant à évaluer l'efficacité du partenariat institutionnel et à faire des propositions pour une éventuelle réforme. Elle a néanmoins ajouté que la coordination entre les différents acteurs semblait parfois insuffisante, citant notamment l'exemple du programme TRACE. A cet égard, elle a précisé que l'Etat n'avait pas vocation à financer toutes les actions préqualifiantes, sauf à reprendre la compétence en matière de formation professionnelle des jeunes.
Abordant ensuite l'offre de formation, elle a indiqué que celle-ci était parfois l'objet de critiques. Elle a rappelé que la loi de 1971 ne prévoyait pas de contrôle de la qualité de l'offre. Elle a également souligné la difficulté d'instaurer un tel contrôle, plusieurs milliers d'organismes de formation se créant ou disparaissant chaque année. En revanche, elle a estimé nécessaire d'assurer une meilleure adaptation de cette offre aux besoins du marché du travail.
Revenant sur la seconde loi sur la réduction du temps de travail, elle a indiqué que celle-ci devrait apporter des réponses à la question de savoir si la formation professionnelle était incluse dans le temps de travail comme le prévoyait la loi de 1971. Elle a néanmoins estimé qu'il était déjà possible de poser certains principes, la formation visant à l'adaptation du salarié aux besoins de l'entreprise devant être comprise dans le temps de travail, le CIF se situant hors du temps de travail. Elle a précisé que l'inclusion ou non des autres types de formation dans le temps de travail serait à négocier.
Elle a estimé que le coïnvestissement formation pouvait à cet égard constituer une solution mais cela, à deux conditions : l'existence d'un accord entre le salarié et le chef d'entreprise sur la nature de l'investissement formation et le caractère qualifiant de celui-ci. Elle a également précisé qu'il reviendrait à la négociation collective de définir au mieux la durée du temps de formation pris en dehors du temps de travail, celle-ci étant actuellement de 25 % de la durée totale de la formation, mais pouvant par exemple éventuellement atteindre 40 % à l'avenir.
M. Louis Souvet s'est interrogé sur la place des chambres de commerce et d'industrie dans le système de formation.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard a insisté sur la difficulté d'accès à la formation des salariés à temps partiel et sur la nécessité pour les femmes de se rapprocher professionnellement de la sphère productive. Elle a également jugé qu'il revenait à la formation initiale de permettre à l'individu de s'adapter dans de bonnes conditions aux mutations professionnelles qu'il rencontrera nécessairement dans sa carrière. Elle a enfin estimé que les entreprises devaient faire en sorte que la gestion prévisionnelle de l'emploi puisse permettre de déterminer une gestion prévisionnelle des formations.
M. André Jourdain s'est interrogé sur les conséquences de la création d'un droit individuel et transférable à la formation, notamment pour les salariés formés dans les PME transfrontalières. Il a également évoqué une expérience de formation au travers de l'exemple d'une association formant de futurs multisalariés en temps partagé entre le secteur agricole et les collectivités locales rurales. Il a enfin insisté sur la nécessaire professionnalisation des jeunes, notamment dans le domaine artisanal.
M. Guy Fischer s'est interrogé sur les difficultés d'accès à la formation pour les jeunes sans qualification, en particulier depuis la décentralisation de la compétence de la formation professionnelle des jeunes.
M. Lilian Payet s'est interrogé sur les spécificités de la formation professionnelle dans les départements d'outre-mer (DOM) et les difficultés pour les jeunes d'outre-mer d'accéder à des formations en métropole.
M. Jacques Machet a insisté sur l'importance de la formation en alternance, notamment en milieu rural.
M. Bernard Cazeau s'est interrogé sur les conséquences de la décentralisation en matière de conduite des projets de formation.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, a rappelé que les organismes consulaires constituaient un acteur important de la formation professionnelle. S'agissant de la collecte des fonds affectés à la formation, elle a estimé que le système de collecte serait équilibré s'il reposait sur une approche de branche en matière d'alternance et sur une approche régionale en matière d'apprentissage. Elle a rappelé, à ce propos, qu'il existait aujourd'hui environ 600 organismes collecteurs pour l'apprentissage. Elle a estimé qu'il était nécessaire de maintenir l'équilibre existant entre ces deux types de financement, même s'il était possible d'en renforcer la transparence et la coordination.
Revenant sur la situation des femmes dans la vie professionnelle, elle a indiqué qu'il s'agissait là d'un volet important du projet de réforme. Elle a souligné la fragilisation de l'emploi féminin, précisant que 60 % des femmes âgées de 25 à 60 ans relevaient seulement de six groupes de métiers. Elle a estimé, à cet égard, qu'il était nécessaire d'améliorer l'orientation professionnelle des femmes, notamment en milieu scolaire.
S'agissant de la dimension européenne du projet de réforme, Mme Nicole Péry a fait part de son souhait de pouvoir organiser prochainement, en France, une conférence européenne, afin de comparer les systèmes de formation professionnelle des quinze pays de l'Union. Elle a indiqué qu'elle pourrait alors proposer certaines initiatives susceptibles de déboucher sur des dispositions communes.
M. Jean Delaneau, président, a estimé que les grands axes du projet présenté allaient dans le bon sens, mais qu'une telle réforme nécessiterait des moyens importants.