AFFAIRES SOCIALES
Table des matières
Mardi 16 février 1999
- Présidence de M. Jean Delaneau, président -
Affaires sociales - Création des chèques-vacances - Audition de Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme
La commission a procédé à l'audition de Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme, sur le projet de loi n° 178 (1998-1999) modifiant l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques-vacances.
M. Jean Delaneau, président, s'est réjoui d'accueillir Mme Michelle Demessine dont il a rappelé qu'elle avait siégé sur les bancs de la commission avant de devenir membre du Gouvernement ; il a observé que le premier projet de loi qu'elle présentait au Parlement serait examiné en premier lieu au Sénat.
Mme Michelle Demessine a rappelé tout d'abord que l'industrie touristique était l'une des industries nationales les plus dynamiques aujourd'hui, en termes de création d'emploi et d'excédent de la balance des paiements.
Elle a observé toutefois que près de quatre Français sur dix ne partaient pas en vacances régulièrement en raison de l'insuffisance de leur revenu.
Elle a ainsi précisé que 35 % des foyers disposant d'un revenu inférieur à 6.000 francs par mois ne partaient jamais en vacances et que plus de la moitié des " non-partants " appartenait à un foyer dont les revenus mensuels ne dépassaient pas 10.000 francs par mois.
Mme Michelle Demessine a souligné que face à ce constat, elle avait, dès sa prise de fonction, fait de l'accès de tous aux vacances l'une des priorités de sa politique en faveur d'un développement audacieux et diversifié du tourisme français.
Elle a indiqué que le projet de loi, conçu à partir d'une large concertation avec les partenaires sociaux, entamée dès le mois de septembre 1997, avait pour objet d'étendre le bénéfice du chèque-vacances à tous les salariés des petites et moyennes entreprises de moins de 50 salariés, en ne portant atteinte ni aux droits des organismes d'activités sociales, ni au fonctionnement et au statut de l'Agence nationale pour les chèques-vacances (ANCV) et surtout en préservant le caractère social et redistributif du chèque-vacances, tout en favorisant l'intervention des partenaires sociaux et des institutions représentatives du personnel.
Elle a rappelé que la mise en place du chèque-vacances avait été et demeurait un véritable succès social et économique : avec 3 milliards de francs de chèques-vacances utilisés en 1997, l'ANCV avait généré 10 milliards de francs de consommation touristique dans les quelque 130.000 entreprises prestataires agréées. Mais elle a observé que, depuis 1982, le monde du travail, comme la société en général, avait évolué : représentant moins de 42 % de l'effectif du secteur privé il y a 25 ans, les établissements de moins de 50 salariés occupaient désormais 55 % de cet effectif.
Elle a souligné, dans ces conditions, que le principal objectif du projet de loi était d'ouvrir aux 7 millions et demi de salariés des petites et moyennes entreprises (PME) de moins de 50 salariés, la possibilité d'accéder eux aussi au bénéfice du chèque-vacances.
Elle a indiqué que deux mesures principales étaient prévues à cet effet : une exonération de charges sociales sur la contribution de l'employeur au chèque-vacances, en faveur des entreprises de moins de 50 salariés, et l'ouverture d'une voie nouvelle, pour le bénéfice du chèque-vacances, à travers les organismes paritaires de gestion d'activités sociales, susceptibles d'être créées par les partenaires sociaux, par accord de branche ou territorial.
Elle a précisé qu'en cohérence avec ces deux mesures principales, le projet de loi comportait des dispositions visant à assurer l'objectif social du chèque-vacances et une bonne gestion des deniers publics. Elle a mentionné ainsi l'article 2 du projet de loi, qui remplace le plafond de ressources évalué en termes d'impôt payé par le foyer fiscal, par le revenu fiscal de référence du foyer, notion qui neutralise les avantages fiscaux qui permettraient à des contribuables plus aisés de bénéficier du chèque-vacances, bien que leurs revenus dépassent le plafond, et l'article 3 du projet de loi, qui situe le plafond de l'exonération de charges sociales, par salarié et par an, à 30 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) mensuel, plafond qui correspond au double de l'abondement moyen par l'employeur, constaté actuellement ; l'article 3 prévoit, en outre, une condition de non-substitution du chèque-vacances à un élément faisant partie de la rémunération ou prévu contractuellement.
Mme Michelle Demessine a souhaité que cet élargissement substantiel du nombre de bénéficiaires du chèque-vacances contribue, de façon importante, au développement économique du secteur touristique et elle a rappelé que son objectif était que, d'ici 6 ans, 1 million de salariés des PME puissent accéder aux chèques-vacances.
Afin de montrer l'enjeu de cette politique, elle a estimé que 1 milliard de francs de chèques-vacances dépensés correspondaient à plus de 1.200 emplois créés, dans la seule hôtellerie-restauration.
Concluant son propos, Mme Michelle Demessine a indiqué que le chèque-vacances s'inscrivait dans une politique sociale qui n'était pas exclusivement réservée aux salariés. Elle a ainsi souligné les missions remplies par l'ANCV dans le domaine de la réhabilitation des structures de tourisme à vocation sociale et d'aide aux vacances sous forme de bourses attribuées aux personnes les plus défavorisées.
M. Paul Blanc, rapporteur, s'est interrogé sur l'impact du projet en termes de nombre de bénéficiaires et de retombées économiques et sociales, sur la situation de certains salariés de l'Etat et d'établissements publics administratifs exclus du bénéfice des chèques-vacances, sur le fondement et les conséquences de la modification du critère d'appréciation des ressources des salariés, sur l'absence d'exonération de la contribution sociale généralisée (CSG) pour la contribution de l'employeur, sur la procédure proposée pour mettre en place le chèque-vacances dans les PME et sur les organismes paritaires prévus à l'article 5 du projet de loi.
Il a également interrogé le ministre sur les modalités de compensation par l'Etat des pertes de recettes pour la sécurité sociale. A cet égard, il s'est étonné du chiffrage des exonérations de charges sociales, observant que ce chiffrage reposait sur l'hypothèse que l'attribution de chèques-vacances se substituait à une distribution de salaire, en contradiction avec les termes de l'article 3 du projet de loi.
M. Jean Delaneau, président, a observé que le projet de loi proposait, à deux reprises, des exonérations plafonnées en fonction d'un certain pourcentage du SMIC apprécié sur une base mensuelle. Il a souhaité connaître l'évolution de cette base mensuelle dès lors qu'au 1er janvier 2000, la durée hebdomadaire légale du travail serait, en application de la loi du 13 juin 1998, ramenée à 35 heures, du moins pour les entreprises de plus de 20 salariés.
En réponse aux intervenants, Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme, a rappelé que l'objectif de 150.000 bénéficiaires supplémentaires par an correspondait à une perspective réaliste et se fondait sur l'expérience de la montée en charge du dispositif à partir de 1982 et sur une extrapolation. Elle a estimé que le projet de loi permettrait un changement d'échelle du dispositif en touchant potentiellement 1,4 million d'entreprises supplémentaires. S'agissant des retombées économiques et sociales, elle a estimé que 1.200 emplois pourraient être créés dans le secteur de l'hôtellerie et la restauration.
S'agissant de la situation des salariés de l'Etat et des établissements publics administratifs, elle a reconnu que certains contractuels de droit privé, les emplois-jeunes et les contrats emploi-solidarité (CES) n'avaient pas accès aux chèques-vacances. Elle a annoncé qu'elle disposerait d'une étude plus approfondie pour le débat en séance publique. Précisant qu'une concertation était en cours avec le ministre de la fonction publique, elle a souhaité que personne ne reste " au bord du chemin ". Elle a souligné qu'un effort particulier serait réalisé en faveur des emplois-jeunes.
Elle a déclaré que le revenu fiscal de référence lui apparaissait être un critère d'appréciation des ressources plus juste que le critère actuel. Elle a considéré que ce changement de critères avait pour conséquence d'exclure 4 % environ des bénéficiaires actuels du champ du dispositif, mais que le nouveau critère avantageait légèrement les familles.
S'agissant de la CSG et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), le ministre a confirmé que la contribution de l'employeur n'était pas exonérée. Elle a estimé qu'il était important de favoriser les structures proposant un développement du dialogue social, justifiant ainsi l'existence d'un avantage particulier pour les organismes paritaires et l'absence de neutralité sociale entre les deux circuits de distribution du chèque-vacances.
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme, a précisé que les procédures prévues pour la mise en place des chèques-vacances dans les PME ne lui semblaient pas restreindre l'efficacité du dispositif. Elle a estimé que le mandatement pourrait être un moyen souple de concertation, rappelant que 42 % des accords de réduction du temps de travail en application de la loi du 13 juin 1998 avaient été signés par des salariés mandatés.
Elle a déclaré qu'elle souhaitait promouvoir les organismes paritaires, en affirmant que ceux-ci, qui pourraient prendre la forme d'une association, pourraient avoir soit une dimension nationale, soit une dimension territoriale. Elle a précisé qu'il n'existait à l'heure actuelle que trois organismes paritaires chargés d'activités sociales et, prenant l'un d'entre eux en exemple, elle a déclaré qu'il était financé grâce à des cotisations des employeurs à hauteur de 0,4 % de la masse salariale. Elle a cependant rappelé que le projet de loi d'orientation agricole prévoyait la mise en place de tels organismes pour les salariés agricoles dans chaque département.
A propos de la compensation des pertes de recettes, elle a indiqué que celle-ci serait inscrite au budget du ministère de l'emploi et de la solidarité, précisant cependant qu'aucune compensation n'était prévue en 1999 du fait du délai de montée en charge du nouveau dispositif. Elle a confirmé par ailleurs que la contribution de l'employeur au financement du chèque-vacances ne devait pas se substituer à une distribution de salaire. Elle a, à cet égard, estimé que le nouveau dispositif se traduirait par des recettes publiques supplémentaires, notamment sous la forme de cotisations grâce aux emplois créés et de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) du fait de l'augmentation de la consommation.
Concernant les modalités d'appréciation de la base mensuelle du SMIC, elle a indiqué que le projet de loi ne prenait en compte que le droit existant et ne préjugeait pas des dispositions de la prochaine loi sur la réduction du temps de travail.
M. Guy Fischer s'est interrogé sur l'éventualité d'une diminution de 4 % à 2 % du SMIC du montant minimum des versements mensuels du salarié estimant qu'une telle mesure, couplée avec un rallongement de la durée d'épargne, pouvait permettre aux salariés les plus modestes de se constituer une " épargne vacances ". Il s'est également demandé si le projet de loi ne devait pas viser explicitement les salariés agricoles.
M. Claude Domeizel s'est interrogé sur les conséquences du choix du revenu fiscal de référence pour les familles. Il s'est également interrogé sur l'opportunité d'autoriser l'utilisation du chèque-vacances à l'extérieur du territoire national.
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme, a estimé qu'il pouvait être opportun de diminuer le plancher des versements mensuels des salariés à 2 % du SMIC, mesure assortie d'une possibilité pour le salarié d'abonder son plan d'épargne sur une durée de deux ans. Concernant les salariés agricoles, elle a affirmé que rien ne s'opposait à ce qu'ils puissent bénéficier du chèque-vacances.
Elle a rappelé que le revenu fiscal de référence tenait compte du nombre de personnes au foyer, estimant que le choix de ce nouveau critère allait faciliter l'accès des familles aux chèques-vacances.
S'agissant d'une éventuelle ouverture des chèques-vacances vers l'étranger, elle a déclaré ne pas y être opposée, rappelant toutefois que l'ordonnance de 1982 posait le principe d'une utilisation sur le territoire national. Elle a précisé qu'un système de chèques-vacances existait déjà en Suisse et que des pays comme l'Italie, l'Espagne ou le Portugal étudiaient actuellement la mise en place d'un tel dispositif. Elle a également indiqué que des contacts entre différents pays européens étaient établis au sein du Bureau international du tourisme social (BITS) afin d'aboutir, à terme, à un chèque-vacances européen. Elle a jugé que, sur ce point, le projet de loi arrivait trop tôt, les contacts n'en étant qu'à une phase de concertation préalable, pour faire des propositions en ce sens. Elle a en outre ajouté que l'ouverture européenne du chèque-vacances rendait nécessaire l'établissement d'une réciprocité.
Mercredi 17 février 1999
- Présidence de M. Jean Delaneau, président -
Nomination de rapporteur
La commission a nommé M. Charles Descours rapporteur sur sa proposition de loi n° 187 (1998-1999) visant à améliorer la protection sociale des salariés et créant des fonds de retraite.
Affaires sociales - Création des chèques-vacances - Examen du rapport
La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Paul Blanc sur le projet de loi n° 178 (1998-1999) modifiant l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques-vacances.
M. Paul Blanc, rapporteur, a indiqué que le projet de loi avait pour principal objectif d'élargir l'accès des salariés des petites et moyennes entreprises (PME) aux chèques-vacances.
Il a rappelé que le chèque-vacances, créé par l'ordonnance du 26 mars 1982, constituait une aide à la personne visant à permettre le départ en vacances des salariés aux revenus modestes. Il a ainsi indiqué qu'en 1980 44 % des familles ne partaient pas en vacances, le plus souvent pour des raisons financières.
Précisant que ce dispositif s'insérait dans la tradition française de la participation souhaitée par le Général de Gaulle, il a déclaré qu'il s'apparentait dans son principe au titre restaurant, les chèques-vacances étant des titres nominatifs acquis par les salariés par un effort d'épargne et avec abondement de l'employeur, destinés à payer des dépenses de vacances sur le territoire national auprès d'organismes agréés, et émis et gérés par l'Agence nationale pour les chèques-vacances (ANCV).
Il a souligné que l'ordonnance de 1982 instituait deux circuits de distribution des chèques-vacances.
Il a indiqué que le circuit de l'entreprise s'adressait aux salariés sous condition de ressources, ceux-ci ne pouvant en bénéficier que si l'impôt sur le revenu payé en 1998 ne dépassait pas le plafond de 11.450 francs. Il a précisé que c'était l'employeur qui décidait de mettre en place le chèque-vacances, en respectant certaines règles : consultation du comité d'entreprise, du délégué du personnel ou de toute autre instance de concertation, conclusion d'une convention avec l'ANCV, conclusion d'un contrat avec chaque salarié intéressé.
M. Paul Blanc, rapporteur, a également indiqué que le chèque-vacances était financé conjointement par l'employeur et le salarié, la participation du salarié se faisant par des versements mensuels d'une durée d'au moins quatre mois et d'un montant compris entre 4 % et 20 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), chaque versement des salariés étant abondé par l'employeur et éventuellement complété par une contribution du comité d'entreprise.
S'agissant du régime social et fiscal des chèques-vacances, il a précisé que la contribution de l'employeur était soumise aux cotisations de sécurité sociale et d'assurance chômage, à la contribution sociale généralisée (CSG) et à la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), mais était exonérée des taxes sur les salaires et des cotisations de retraite complémentaire. Il a également précisé que la participation de l'employeur constituait pour le salarié un avantage en nature, exonéré de l'impôt sur le revenu dans la limite d'un SMIC mensuel.
Il a indiqué que le second circuit de distribution prévu à l'article 6 de l'ordonnance concernait les organismes sociaux habilités à aider les familles à partir en vacances, dont notamment les comités d'entreprise, les caisses de retraite, les caisses d'allocations familiales, les mutuelles, les services sociaux de l'Etat et des collectivités publiques. Il a estimé que ce circuit était paradoxalement bien plus souple que le circuit de l'entreprise : ouverture éventuelle aux non-salariés, possibilité de fixer librement les modalités de distribution, absence de condition de ressources, exonération de cotisations sociales, de la CSG, de la CRDS en application d'une circulaire ministérielle de 1985.
M. Paul Blanc, rapporteur, a ensuite estimé que le bilan du chèque-vacances était en demi-teinte. Il a certes reconnu que le bilan quantitatif pourrait apparaître positif avec une émission de chèques-vacances pour un montant de 3,7 milliards de francs en 1998, 1 million de bénéficiaires et 3 millions d'ayants droit, 10.000 organismes prestataires et un réseau de 150.000 points d'accueil agréés.
Il a également souligné la dimension sociale du chèque-vacances, indiquant qu'un tiers de ses bénéficiaires ne prendraient pas de vacances sans cette aide et que les bénéfices de l'ANCV étaient réinvestis dans le tourisme social (aide à la rénovation d'équipements touristiques à vocation sociale, aide spécifique aux personnes les plus défavorisées).
Il a néanmoins estimé que ces éléments positifs ne devaient pas cacher les lacunes du dispositif.
Il a ainsi constaté qu'il existait actuellement un déséquilibre certain entre les différents réseaux de distribution, le circuit de l'entreprise ne représentant, en 1998, que 4,3 % du total des chèques-vacances émis, ce pourcentage étant de 41 % pour les comités d'entreprise et de 46 % pour la fonction publique. A cet égard, il a estimé que la faiblesse des incitations fiscales et sociales n'invitait pas les entreprises à s'impliquer directement dans la distribution des chèque-vacances dans la mesure où leur contribution était assujettie aux charges sociales, à la CSG et à la CRDS, tandis que le circuit des organismes sociaux et notamment des comités d'entreprise en était exonéré.
Il a jugé que cette situation contribuait à expliquer le très faible accès des salariés des PME aux chèques-vacances, indiquant que seuls 3.000 salariés des PME avaient aujourd'hui accès aux chèques-vacances. Il a estimé que les PME étaient pénalisées par l'absence de comité d'entreprise, car ces derniers jouaient un rôle essentiel dans l'attribution des chèques-vacances aux salariés du secteur privé. Il s'est alors déclaré préoccupé par le fait que 7,5 millions de salariés des PME étaient exclus de fait de l'accès aux chèques-vacances.
Il a souligné que l'ensemble des non-salariés (artisans, commerçants, agriculteurs, retraités, demandeurs d'emploi) étaient également exclus de fait du dispositif, même si en théorie ils pouvaient en bénéficier par le biais du circuit des organismes sociaux. Il a constaté que seuls les retraités de la fonction publique territoriale et hospitalière pouvaient y avoir accès et qu'une seule caisse d'allocations familiales distribuait aujourd'hui des chèques-vacances.
M. Paul Blanc, rapporteur, a considéré que ce constat semblait partagé par tous les gouvernements qui se sont succédé depuis quinze ans, mais qu'aucune réforme n'avait pour l'instant abouti. Il a cependant observé que trois propositions de loi avaient été déposées en 1997 sur le bureau de l'Assemblée nationale, qu'à la faveur d'une " niche " parlementaire, en application de l'article 48 alinéa 3 de la Constitution, le groupe du rassemblement pour la République (RPR) avait obtenu l'inscription à l'ordre du jour de la proposition de loi de M. Bernard Pons portant généralisation du chèque-vacances, mais que la commission des affaires culturelles avait conclu au rejet de la proposition et avait été suivie en séance publique. Il a, à ce propos, noté que le Gouvernement semblait avoir préféré déposer son propre texte.
Il a ensuite présenté les principales dispositions du projet de loi.
Il a indiqué que la première mesure nouvelle visait à étendre la portée de l'article 6 de l'ordonnance de 1982 en autorisant tout organisme paritaire, chargé de la gestion d'activités sociales et créé par accord de branche territorial, à distribuer des chèques-vacances. Il a précisé que la deuxième mesure nouvelle exonérait de charges sociales la contribution de l'employeur, cette exonération étant cependant limitée aux entreprises de moins de 50 salariés, dépourvues de comité d'entreprise et ne relevant pas d'un organisme paritaire, et ne visant pas la CSG et la CRDS.
Abordant les deux dernières mesures du projet de loi, il a précisé qu'elles prévoyaient l'extension du chèque-vacances aux marins-pêcheurs et aux dockers et la modification du critère d'appréciation des ressources du salarié, le critère de la cotisation d'impôt sur le revenu étant abandonné au profit du critère du revenu fiscal de référence.
M. Paul Blanc, rapporteur, a déclaré partager les objectifs de ce projet de loi, mais s'est interrogé sur la portée réelle de celui-ci. Il a, à cet égard, exprimé la crainte que les mesures proposées ne soient en réalité restrictives et ne permettent qu'un développement marginal du chèque-vacances.
Il a tout d'abord souligné les limites de l'ouverture d'une voie nouvelle au travers des organismes paritaires précisant qu'il n'en existait actuellement que six, rassemblant un nombre minime de salariés.
Il a également fait part de son scepticisme sur l'impact de l'exonération de charges sociales. Il a ainsi souligné que cette exonération ne portait ni sur la CSG, ni sur la CRDS, ce qui risquait d'être peu incitatif pour les entreprises et ne permettait pas de rétablir la neutralité entre les deux circuits de distribution. Il a en outre estimé que les conditions à respecter pour bénéficier de l'exonération étaient trop strictes, celles-ci imposant notamment une procédure très rigide pour la négociation de l'accord d'entreprise mettant en place le chèque-vacances. Il a ainsi rappelé que la plupart des PME n'avaient ni délégué syndical, ni délégué du personnel désigné comme délégué syndical, et que l'expérience de la loi du 13 juin 1998 avait souligné la faible portée et les risques du recours au salarié mandaté. Il a enfin jugé que le plafonnement de la contribution ouvrant droit à exonération à 30 % du SMIC apprécié sur une base mensuelle pouvait s'avérer discriminant, notamment pour les familles nombreuses. Il a, à cet égard, souligné que la définition de ce plafonnement était très ambiguë dans la perspective de la réduction de la durée légale du travail.
S'agissant de l'extension du champ des bénéficiaires potentiels, il a jugé que le projet de loi restait modeste en ne visant que les marins-pêcheurs et les dockers, mais ne prenait pas en compte les non-titulaires des fonctions publiques et les non-salariés.
Il a également estimé que la modification du critère d'appréciation des ressources soulevait certaines difficultés comme le risque d'exclusion d'environ 5 % des bénéficiaires actuels du dispositif sans pour autant permettre une meilleure évaluation de la capacité contributive des ménages et ne prévoyait pas d'augmentation du plafond de ressources pourtant nécessaire au développement du chèque-vacances dans les classes moyennes.
M. Paul Blanc, rapporteur, a alors jugé nécessaire de remettre les dispositions du projet de loi en accord avec son exposé des motifs et d'assurer une réelle portée à la réforme du chèque-vacances tout en déclarant s'inscrire dans les perspectives proposées par le Gouvernement.
Il a indiqué que ses propositions se fondaient sur un double constat. Il a d'abord insisté sur la nécessité de réaffirmer la dimension sociale du chèque-vacances en étendant le champ des bénéficiaires potentiels aux classes moyennes modestes, en prenant mieux en compte les familles et en corrigeant les inégalités actuelles d'accès au chèque-vacances. Il a ensuite estimé nécessaire de développer le chèque-vacances afin d'en optimiser les retombées économiques et sociales, rappelant qu'une étude de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) montrait qu'un transfert de la consommation des ménages vers les services, phénomène engendré par l'utilisation des chèques-vacances, avait un impact très favorable sur l'emploi et la croissance.
M. Paul Blanc, rapporteur, a exposé que ses propositions cherchaient d'abord à approfondir le dispositif par l'extension du champ des bénéficiaires potentiels (augmentation sensible du plafond de ressources des salariés, réaffirmation de la possibilité pour les non-salariés d'avoir accès aux chèques-vacances par le biais des organismes sociaux) et par l'extension de l'exonération des charges sociales (élargissement de l'exonération à l'ensemble des entreprises, exonération de la CSG et augmentation du plafond de la contribution pouvant être exonérée) afin de garantir la neutralité entre les deux circuits de distribution et de rendre les chèques-vacances plus attractifs pour les employeurs.
Il a également proposé de ramener à 2 % du SMIC le montant minimum d'épargne mensuelle du salarié afin de permettre aux plus défavorisés de se constituer une " épargne-vacances " et, pour mieux prendre en compte la situation des familles, de moduler, en fonction du nombre d'enfants à charge, la contribution de l'employeur et le plafond de celle-ci ouvrant droit à exonération.
Mais il a aussi estimé que ces premières mesures ne seraient efficaces que si elles s'accompagnaient d'une simplification des procédures souvent très lourdes pour les entreprises, cette simplification devant en priorité viser les modalités de conclusion de l'accord entreprise sur le chèque-vacances dans les PME.
Il a enfin déclaré vouloir intégrer ce projet de loi dans une démarche plus dynamique en proposant notamment de permettre la distribution du chèque-vacances à l'étranger et en introduisant la possibilité pour l'ANCV de sous-traiter la distribution des chèques-vacances afin de pouvoir toucher le maximum d'entreprises.
M. Guy Fischer a estimé que le rapporteur avait fait preuve d'un effort d'imagination certain, ses propositions dépassant de très loin le projet de loi initial. Il a déclaré que le groupe communiste républicain et citoyen allait étudier avec attention ces propositions et qu'en conséquence, dans l'attente d'une analyse plus approfondie, il ne prendrait pas part au vote sur les propositions du rapporteur.
M. Alain Vasselle a félicité le rapporteur pour la qualité de son travail qui témoignait de la valeur ajoutée que pouvait apporter le Sénat au travail législatif. Il a jugé que l'intervention du rapporteur soulignait que ce projet de loi n'avait pas été suffisamment préparé, observant que le Gouvernement n'avait pas pris en compte les conséquences du basculement des cotisations d'assurance maladie sur la CSG pour la définition du champ de l'exonération de charges sociales. Il a enfin interrogé le rapporteur sur les difficultés d'accès au chèque-vacances dans la fonction publique et sur les possibilités pour les PME de mettre en place un accord d'entreprise sur le chèque-vacances en l'absence de toute représentation du personnel.
M. Claude Domeizel a estimé que l'ordonnance de 1982, signée par M. Pierre Mauroy, alors Premier ministre, avait permis d'améliorer sensiblement le taux de départ en vacances, notamment chez les familles les plus modestes et que le projet de loi, en permettant la diffusion du chèque-vacances auprès des 7,5 millions de salariés des PME, devrait encore améliorer ce taux. Déclarant que le groupe socialiste allait examiner en détail les amendements proposés par le rapporteur dans les jours à venir, il a indiqué que son groupe ne participerait pas au vote.
M. Jean Delaneau, président, a précisé que la première proposition de loi sur les chèques-vacances avait été déposée en 1978 à l'Assemblée nationale par M. Jacques Blanc.
En réponse aux intervenants, M. Paul Blanc, rapporteur, a indiqué que l'extension effective du chèque-vacances passait par un enrichissement du projet de loi. Il a précisé que sa démarche s'inscrivait dans la voie ouverte par le projet de loi, mais qu'elle cherchait à favoriser une extension et une simplification du dispositif proposé pour en assurer l'efficacité.
S'agissant des salariés de la fonction publique et des établissements publics administratifs, il a reconnu que certains salariés de droit privé n'avaient pas accès aux chèques-vacances. Mais il a observé que le circuit de distribution des chèques-vacances était celui défini par l'article 6 de l'ordonnance, soulignant que les bénéficiaires potentiels et les modalités d'attribution du chèque-vacances ne relevaient alors pas de la loi, mais soit de circulaires, soit de conventions particulières. Il a rappelé que le secrétaire d'Etat au tourisme avait à ce propos annoncé qu'une concertation était en cours avec le ministre de la fonction publique qui pourrait aboutir à une amélioration de l'accès des non-titulaires de la fonction publique aux chèques-vacances.
S'agissant des possibilités pour une PME de mettre en place un système de chèque-vacances en l'absence de représentation du personnel, il a indiqué que le projet de loi offrait deux solutions : la mise en place d'un organisme paritaire de branche ou territorial chargé de la gestion des activités sociales ou le recours à un salarié mandaté en application de l'article 3 de la loi du 13 juin 1998. Estimant que ces possibilités restaient étroites, il a déclaré qu'il allait proposer un amendement ouvrant une nouvelle possibilité : le recours à un salarié mandaté en application de la loi du 12 novembre 1996. Il a estimé que cette voie nouvelle devrait permettre d'améliorer le système proposé car elle concernait actuellement 25 branches couvrant 850.000 salariés.
M. Louis Souvet s'est à son tour interrogé sur la possibilité de concilier une plus grande implication des PME avec l'absence d'interlocuteurs compétents en leur sein. Il a également exprimé sa perplexité sur l'inégalité persistante en termes de régime fiscal et social entre les deux circuits de distribution du chèque-vacances, notamment pour la CSG.
M. Paul Blanc, rapporteur, a estimé nécessaire de garantir une plus grande neutralité sociale entre les deux circuits et a annoncé qu'il allait proposer un amendement exonérant les entreprises de CSG pour leur contribution au financement du chèque-vacances. Il a souligné que cette exonération était nécessaire du fait du basculement progressif des cotisations sociales sur la CSG.
Il a également considéré que les conditions prévues pour la mise en place des chèques-vacances risquaient d'empêcher leur développement, en particulier dans les PME où n'existait pas de représentation syndicale habituée à négocier avec l'employeur. Mais il a déclaré qu'il proposait de mettre en place une procédure expérimentale plus souple, permettant la mise en place des chèques-vacances après une consultation des délégués du personnel.
Puis la commission a abordé l'examen des articles.
A l'article 2 du projet de loi, elle a adopté un amendement présenté par le rapporteur visant à maintenir le critère actuel d'appréciation des ressources du salarié, à augmenter ce plafond et à actualiser l'ordonnance du 26 mars 1982 en précisant que la contribution de l'employeur était exonérée de l'ensemble des taxes sur les salaires, en cohérence avec l'article 20 de la loi de finances pour 1989.
A l'article 3, elle a adopté, sur proposition du rapporteur, un amendement étendant l'exonération de charges sociales à l'ensemble des entreprises, cette exonération concernant également la CSG, et prévoyant une augmentation du plafond de la contribution de l'employeur ouvrant droit à exonération, ce plafond étant majoré en fonction du nombre d'enfants à charge, ainsi qu'une obligation de modulation de la contribution de l'employeur en fonction du nombre d'enfants à charge.
A l'article 4, elle a adopté, également sur proposition du rapporteur, un amendement visant à simplifier la procédure de mise en place des chèques-vacances dans les PME en ouvrant deux voies nouvelles : la négociation d'un accord d'entreprise avec un ou plusieurs salariés mandatés en application de la loi du 12 novembre 1996 et, à titre expérimental et en l'absence de toute autre possibilité, la consultation des délégués du personnel.
Après l'article 4, la commission a adopté, sur proposition du rapporteur, deux articles additionnels, le premier ramenant de 4 % à 2 % du SMIC le montant minimum du versement du salarié et supprimant le plafonnement de la contribution annuelle globale de l'entreprise au financement des chèques-vacances prévu à l'article 3 de l'ordonnance du 26 mars 1982, le second article additionnel supprimant, à l'article 4 de ladite ordonnance, la référence aux salariés titulaires du chèque-vacances dès lors que le dispositif peut être étendu à des non-salariés.
La commission a enfin examiné un amendement du rapporteur portant article additionnel après l'article 5 du projet de loi, visant à étendre les missions de l'ANCV dans une triple direction : promotion et diffusion du chèque-vacances à l'étranger, possibilité de conclure des conventions de partenariat avec des entreprises ou organismes pour en assurer la plus large distribution, publication d'un bilan économique et social annuel de l'utilisation du chèque-vacances.
M. Jean Chérioux a estimé que la mission de promotion du chèque-vacances à l'étranger dépassait les attributions de cet organisme, dans la mesure où la dimension sociale de cette nouvelle mission n'était pas évidente.
Après un large débat, la commission a adopté cet article additionnel, se réservant toutefois la possibilité d'examiner ultérieurement une nouvelle rédaction de cet amendement.
La commission a enfin approuvé le projet de loi ainsi amendé.