AFFAIRES SOCIALES
Table des matières
- Mardi 17 octobre 2000
- Mercredi 18 octobre 2000
- Loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 - Audition de M. Marc Brodin, président de la Conférence nationale de santé
- Loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 - Audition de M. Bernard Caron, président de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS)
- Loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 - Audition de M. François Monier, secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale
- Jeudi 19 octobre 2000
Mardi 17 octobre 2000
- Présidence de M. Jean Delaneau, président -
Lois de financement de la sécurité sociale pour 2001 - Audition de M. Jean-Marie Spaeth, président de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS)
La commission a procédé à l'audition de M. Jean-Marie Spaeth, président de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
M. Jean Delaneau, président, a indiqué à la commission que le conseil d'administration de la CNAMTS avait émis le 26 septembre un avis défavorable sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Il a expliqué que cet avis défavorable avait été adopté par 25 voix pour, 2 abstentions (CGC), la CGT et FO ne participant pas au vote.
M. Jean-Marie Spaeth a souligné que, comme l'an passé, la conjoncture économique avait permis l'annonce de l'équilibre de la sécurité sociale, mais que la branche maladie restait en déficit. Tout en se réjouissant de cette amélioration des comptes, il a expliqué que cet équilibre tenait essentiellement à la bonne santé de l'économie et donc, à la croissance massive des recettes, et non à une maîtrise des dépenses.
M. Jean-Marie Spaeth s'est demandé ce qu'il était advenu de ces rentrées supplémentaires et à quel service rendu à la population elles avaient été affectées. Il a souligné que nul n'était en mesure de le dire. Rappelant les débats auxquels avait donné lieu l'utilisation possible des recettes fiscales supplémentaires, il s'est dit frappé de que ce débat soit inexistant, et même impossible aujourd'hui, pour les recettes de l'assurance maladie. Le système de soins n'étant pas régulé, celles-ci étaient dépensées avant même d'avoir pu être mesurées. Du fait de l'organisation même du système de soins, la collectivité, et au premier chef la représentation nationale, étaient privées d'un débat pourtant nécessaire pour donner un sens à l'évolution des dépenses de santé.
Evoquant le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 et la proposition faite par le Gouvernement de fixer l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) à 693,3 milliards de francs, M. Jean-Marie Spaeth s'est avoué incapable de dire si ce montant était pertinent. Il a ajouté qu'il craignait que tout le monde ne soit dans la même situation que lui.
Il a jugé que si l'augmentation, chaque année, des dépenses de santé dans un pays comme le nôtre n'avait a priori rien d'anormal, l'enjeu du débat parlementaire devait être de pouvoir répondre à plusieurs interrogations : à quel rythme ? pour répondre à quels besoins de la population ? pour servir quelle politique de santé publique ?
M. Jean-Marie Spaeth a souligné qu'entre la première loi de financement de la sécurité sociale, votée à la fin de l'année 1996, avec un ONDAM de 590 milliards de francs, et celle que le Parlement s'apprêtait à examiner, la collectivité avait décidé d'injecter plus de 100 milliards de francs dans le système de soins. Il s'est interrogé sur le bénéfice tiré par la population de cet investissement de 100 milliards de francs, alors même que des besoins mal couverts, par exemple sur les soins dentaires, voire non couverts, subsistaient.
M. Jean-Marie Spaeth a ensuite évoqué le " rebasage " de l'ONDAM, qui consiste à fixer un objectif à partir des dépenses effectives de la branche maladie, et non des dépenses prévues par le Parlement en début d'année. Il a considéré qu'à première vue cette méthode était une simple démarche de bon sens, dès lors que les objectifs de début d'année se révélaient inférieurs aux dépenses réelles. Il est difficile en effet d'ignorer les dépassements constatés et de fixer des objectifs qui s'éloigneraient chaque année davantage de la réalité. Il n'était pas admissible en revanche que l'on remette les pendules à l'heure, chaque année, sans se préoccuper du fonctionnement du mécanisme de la pendule et de ses aiguilles. Pourquoi l'objectif des dépenses serait-il davantage respecté l'an prochain ? Et quel était alors le sens du vote du Parlement ?
M. Jean-Marie Spaeth a jugé qu'il était de plus en plus indispensable que le vote du Parlement soit assorti à la fois de choix de politique de santé, de leurs traductions dans la loi elle-même, et de la définition d'un dispositif de régulation des dépenses qui puisse à la fois être efficace et porteur des évolutions nécessaires du système de soins, tant pour les assurés sociaux que pour les professionnels de santé.
Il a considéré que tel n'était pas le cas, comme on pouvait le craindre, du dispositif instauré par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Dès le débat parlementaire, la CNAMTS, qui pourtant appelle de ses voeux une clarification des rôles de l'assurance maladie et des pouvoirs publics, avait fait part de ses craintes quant au dispositif de régulation des dépenses proposé par le Gouvernement. La CNAMTS s'interrogeait en effet sur les conséquences de ce dispositif sur les relations entre l'assurance maladie et ses partenaires professionnels de santé et, plus largement, sur son efficacité en termes d'évolution et de régulation du système de santé.
S'agissant des relations avec les professions de santé, M. Jean-Marie Spaeth a souligné que l'actualité confirmait les craintes exprimées l'an passé : comment, en effet, construire des relations conventionnelles porteuses de projets de réforme à moyen terme, si les termes de l'équilibre trouvé entre les partenaires peuvent, tous les quatre mois, être remis en cause en raison des obligations économiques qui pèsent sur l'assurance maladie ? Comment des syndicats de professionnels de santé peuvent-ils s'engager sans visibilité ?
M. Jean-Marie Spaeth a rappelé que la CNAMTS avait proposé l'année passée des amendements qui auraient permis de marquer une différence claire et apparente entre les professions qui s'engagent dans la voie conventionnelle et celles qui s'y refusent. Il a estimé que ces questions restaient d'actualité.
Il a jugé nécessaire de redonner des perspectives claires aux professionnels de santé, qui ressentaient aujourd'hui un malaise certain. Il a considéré que la collectivité, si elle apportait des revenus en hausse à ces professionnels, ne leur apportait pas en revanche de réponse claire sur le rôle qu'elle leur assignait, sur leur place, sur la reconnaissance collective de leur fonction.
M. Jean-Marie Spaeth a estimé que les modalités, selon lesquelles le rapport d'équilibre présenté par la CNAMTS en juillet 2000 avait été approuvé par les pouvoirs publics, avaient semblé ouvrir une brèche dans l'entreprise de clarification des rôles entre l'assurance maladie et les pouvoirs publics, en mettant à mal le principe de l'unicité des interlocuteurs des professions de santé libérales.
Il s'est demandé par conséquent dans quelles conditions et avec quels objectifs la CNAMTS pouvait préparer et élaborer avec ses partenaires le rapport d'équilibre qu'elle doit remettre au Parlement et au Gouvernement avant le 15 novembre prochain. Il a rappelé que le conseil d'administration, le 26 septembre dernier, avait exprimé sa désapprobation sur le projet de loi de financement et avait souhaité interpeller le Gouvernement sur la pertinence et l'intérêt des mesures qui devaient être prises le 15 novembre à l'encontre de certaines professions de santé.
M. Jean-Marie Spaeth a en effet expliqué que la CNAMTS et les autres caisses nationales étaient censées proposer à cette occasion des mesures permettant d'assurer le respect de l'objectif des dépenses d'honoraires tel qu'il avait été fixé en début d'année, par déclinaison de l'objectif global voté par le Parlement. Dans le même temps, le Gouvernement, en proposant un objectif rebasé pour 2001, affirmait clairement avoir renoncé au respect des objectifs fixés pour 2000.
M. Jean-Marie Spaeth s'est demandé quelle devait être, dans ces conditions, l'attitude de la CNAMTS : respecter la loi en vigueur et prendre des mesures qu'aucune profession ne peut comprendre ni admettre ? Ou anticiper sur une loi qui ne sera pas encore adoptée ? Il a considéré pour sa part que les pouvoirs publics avaient dispensé de fait la CNAMTS de l'obligation de résultat économique que la loi de financement pour 2000 lui confiait.
S'agissant de la contribution sociale généralisée (CSG), M. Jean-Marie Spaeth a fait part de sa totale désapprobation quant aux abattements institués par le projet de loi. Il a expliqué que la CSG, qui s'appliquait jusqu'à maintenant à l'ensemble des revenus, matérialisait l'universalité de la sécurité sociale. Ce mode de financement consacrait cette universalité, en étendant l'assiette du financement de l'assurance maladie au-delà des seuls revenus du travail et donnait corps au principe fondamental de l'assurance maladie : chacun paie selon ses revenus, et reçoit selon ses besoins.
M. Jean-Marie Spaeth a considéré qu'en choisissant d'exonérer totalement une partie de la population, le Gouvernement remettait en cause ce principe. Il a estimé que revaloriser les revenus des populations les moins favorisées était un enjeu réel, mais qu'il existait d'autres solutions pour y répondre qui ne mettent pas à mal cet élément de citoyenneté qu'il avait fallu tant d'années pour bâtir.
M. Jean Delaneau, président, a constaté le caractère insatisfaisant de l'évolution des lois de financement de la sécurité sociale depuis 1997 et s'est interrogé sur le sort des déficits cumulés de l'assurance maladie en 1999 et 2000.
M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres généraux et l'assurance maladie, a constaté que M. Jean-Marie Spaeth avait en partie répondu, par avance, à deux questions qu'il entendait lui poser : l'une portant sur le bilan que dressait la CNAMTS de la gestion déléguée d'une partie de l'enveloppe " soins de ville ", l'autre sur la signification que pouvait désormais revêtir le rapport d'équilibre du 15 novembre dans la mesure où le Gouvernement avait décidé de " rebaser " l'ONDAM 2001.
Il a souligné que les conseils d'administration de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) et de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) avaient tous émis un avis défavorable sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 et qu'il ne s'était trouvé qu'une seule personne, au sein de ces quatre conseils d'administration, pour approuver ce texte.
Il a estimé que la décision de procéder à un abattement de CSG sur les bas salaires avait été inspirée par le ministère de l'économie et des finances, contre l'avis du ministère de l'emploi et de la solidarité. Il s'est inquiété de voir ainsi disparaître le principe de l'universalité de la CSG et a exprimé sa crainte de voir se multiplier à l'avenir les exonérations de CSG.
Constatant, d'une part, que le Parlement avait voté depuis 1996 une augmentation de 50 milliards de francs de l'ONDAM et que les dépenses réelles avaient progressé parallèlement de 100 milliards de francs, d'autre part, que le Gouvernement s'apprêtait à " rebaser " l'ONDAM pour la deuxième année consécutive, M. Charles Descours, rapporteur, a jugé que la volonté du Parlement était bafouée et a appelé de ses voeux le vote en cours d'année d'une loi de financement rectificative de la sécurité sociale.
Estimant que le dispositif de régulation des dépenses de soins de ville institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 ne pouvait pas fonctionner et avait échoué de manière assez prévisible, il a déclaré qu'il proposerait au Sénat de supprimer ce système qui mettait fin à toute politique conventionnelle.
M. Charles Descours, rapporteur, a enfin souhaité connaître le sentiment de la CNAMTS sur l'article 31 du projet de loi, relatif aux procédures de règlement des litiges entre les caisses et les professionnels de santé.
En réponse à M. Charles Descours, rapporteur, M. Jean-Marie Spaeth a indiqué qu'il avait toujours été favorable à ce que le Parlement retrouve ses prérogatives en matière de sécurité sociale. Il a jugé nécessaire de sortir de l'implicite pour exprimer des choix explicites déterminant les biens et services qui avaient vocation à être couverts par la sécurité sociale.
Il a considéré que le système des " lettres-clés flottantes " n'était pas satisfaisant et ne pouvait constituer un mécanisme de régulation permanent. Il a jugé qu'en refusant d'approuver certaines des mesures proposées par la CNAMTS en juillet 2000, dans le cadre des prérogatives qui lui ont été accordées par la loi, le Gouvernement n'avait pas respecté le texte de la loi, lequel l'autorisait à rejeter le plan proposé par la CNAMTS mais ne lui permettait pas de choisir parmi les mesures proposées. Il a confirmé que la CNAMTS avait formé un recours devant le Conseil d'Etat contre la décision du Gouvernement.
S'agissant de l'article 31 du projet de loi, M. Jean-Marie Spaeth a précisé que la CNAMTS ne pouvait que se féliciter de l'intention du Gouvernement de restaurer la capacité juridique de caisses à pouvoir prendre des mesures à l'issue des contrôles des professionnels de santé qu'elles mènent. Cette capacité avait été progressivement réduite à néant, au fur et à mesure des décisions du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat et de la paralysie des instances compétentes. M. Jean-Marie Spaeth s'est cependant interrogé sur le dispositif prévu, qui n'avait, à sa connaissance, fait l'objet d'aucune concertation, ni avec les caisses, ni avec les professionnels.
M. Claude Huriet a souligné le coût élevé des traitements anticancéreux et s'est interrogé sur la façon dont on pouvait tenir compte de cet élément dans la progression des dépenses. Il s'est interrogé sur la fiabilité des données fournies par la CNAMTS, sur lesquelles reposait le rapport d'équilibre publié tous les quatre mois. Il s'est demandé si la séparation des enveloppes entre soins de ville et hôpital était pertinente et si le système actuel pouvait être simplement " replâtré " ou devait être profondément réformé.
M. Bernard Cazeau a souhaité connaître la répartition entre les différents postes de dépenses de l'augmentation de 100 milliards de francs de l'ONDAM intervenue depuis 1996. Il a considéré que la forte croissance des dépenses d'assurance maladie provenait probablement d'une forte demande liée à la croissance économique et des progrès thérapeutiques qui entraînaient une augmentation des coûts. Il s'est interrogé sur la part de ces deux facteurs dans l'augmentation de l'ONDAM.
M. Guy Fischer s'est dit inquiet de la détérioration des relations entre les caisses et les professionnels de santé. Après s'être interrogé sur les modalités du passage des hôpitaux aux 35 heures, il a jugé que l'on sentait se manifester des attentes et des mécontentements chez les professionnels de santé.
En réponse aux différents intervenants, M. Jean-Marie Spaeth a indiqué qu'il communiquerait ultérieurement à la commission la ventilation par poste de dépenses de l'augmentation de l'ONDAM depuis 1996. Après avoir considéré qu'une croissance forte pouvait vraisemblablement entraîner une augmentation de la demande de soins, il a souligné qu'une diminution de la croissance devrait a contrario induire une diminution des besoins, ce qui était rarement le cas. Il a estimé qu'il était légitime que les citoyens sachent à quels besoins et à quels droits correspondait le prélèvement qu'on leur imposait.
M. Jean-Marie Spaeth a jugé indispensable de définir des critères de prise en charge et s'est interrogé, à titre d'exemple, sur le caractère prioritaire, pour la collectivité, du remboursement des cures thermales. Il a jugé que l'accès aux soins était aujourd'hui profondément inégalitaire, avec des files d'attente pour certaines interventions chirurgicales, et que le système profitait avant tout à ceux qui en connaissaient les rouages. Il a souligné qu'il n'appartenait pas aux caisses de définir les priorités de santé publique de la collectivité.
Evoquant le médicament, M. Jean-Marie Spaeth a souhaité que l'on définisse des règles claires en matière de remboursement, qui mettent fin aux critères arbitraires aujourd'hui en vigueur. Il a regretté que l'on continue à rembourser des médicaments dont le service médical rendu s'avérait insuffisant. Il a cité à cet égard l'exemple des veinotoniques qui n'étaient vendus qu'en France et dans certains pays d'Afrique noire. Il a rappelé que notre pays se caractérisait par une consommation particulièrement élevée de médicaments, ce qui n'était pas nécessairement une bonne chose.
M. Claude Huriet a considéré que le médicament constituait l'exemple type de l'échec des politiques visant à freiner la croissance de la consommation par l'augmentation des prix.
M. Jean-Marie Spaeth a indiqué que la CNAMTS soumettrait au Parlement une proposition d'amendement permettant aux médecins de prescrire des molécules, et non plus uniquement des spécialités. Il a souhaité l'institution d'un prix de référence pour les médicaments les plus courants.
Abordant les relations avec les professionnels de santé, M. Jean-Marie Spaeth a évoqué l'exemple du plan de soins infirmiers (PSI) qui permettrait de recentrer l'activité de ces professionnels sur le coeur de leur métier. S'agissant des masseurs-kinésithérapeutes, il a souligné que ceux-ci s'étaient engagés à respecter un certain volume d'actes et qu'il n'était pas étonnant, par conséquent, qu'ils soient sanctionnés s'ils ne respectaient pas cet engagement.
M. Jean-Marie Spaeth a considéré que l'Etat ne jouait pas suffisamment son rôle, qui consistait avant tout à donner un contenu médical aux dépenses de santé et à définir des priorités, élément indispensable à la préservation d'un système fondé sur la solidarité. Il a considéré que les professionnels de santé avaient aujourd'hui conscience de la nécessité d'une rénovation de leurs statuts.
M. Charles Descours, rapporteur des équilibres financiers généraux et de l'assurance maladie, s'est dit favorable à l'organisation d'un véritable débat sur les orientations de santé publique.
S'agissant de la fiabilité des données fournies par la CNAMTS, M. Jean-Marie Spaeth a expliqué que les dépenses d'assurance maladie étaient toujours calculées en encaissements-décaissements. Cette méthode avait conduit, en raison de la régularisation d'arriérés au début de l'année 2000, à sous-estimer les dépenses de la branche en 1999 et à les surestimer en 2000.
M. Jean-Marie Spaeth a précisé que la CNAMTS n'avait pas appliqué strictement la loi, dans la mesure où elle s'était uniquement fondée, pour proposer des mesures correctrices, sur les dépenses réellement prescrites en 2000, et non sur les dépenses effectives enregistrées. Répondant aux interrogations de certains syndicats médicaux quant à la fiabilité des statistiques de la CNAMTS, il a expliqué que les données sur lesquelles s'appuyait la caisse résultaient de l'agrégation des chiffres d'honoraires des médecins à l'attention du fisc, qui n'étaient pas contestés par les intéressés.
M. Jean-Marie Spaeth a reconnu que l'on pouvait certes observer des mécanismes de transfert entre les différentes enveloppes et que la CNAMTS menait actuellement des études pour déterminer quel était véritablement l'impact de ce phénomène. Il a jugé à cet égard qu'il conviendrait probablement de mettre en place une certaine fongibilité des enveloppes, par exemple au niveau régional.
Après avoir fait part de sa préoccupation quant à la nécessité de garantir un accès de tous aux soins, M. Dominique Leclerc s'est dit inquiet des phénomènes de pénurie de chirurgiens spécialisés qui commençaient à se manifester dans certaines zones géographiques. Il s'est interrogé sur la volonté réelle des caisses locales de sanctionner les fraudeurs. Il a considéré que la politique d'encouragement du médicament générique constituait un travail de longue haleine, souvent difficile pour les pharmaciens, et qu'il convenait par conséquent de réfléchir à une éventuelle obligation pour les médecins de prescrire des génériques.
M. Jean-Marie Spaeth a estimé que les caisses locales avaient les moyens de constater les fraudes et les abus, mais qu'elles manquaient d'outils juridiques pour poursuivre et sanctionner les contrevenants.
Mercredi 18 octobre 2000
- Présidence de M. Jean Delaneau, président -
Loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 - Audition de M. Marc Brodin, président de la Conférence nationale de santé
La commission a procédé à des auditions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
Elle a tout d'abord entendu M. Marc Brodin, président de la Conférence nationale de santé.
M. Marc Brodin, président de la Conférence nationale de santé, a tout d'abord présenté les trois membres du Bureau de la Conférence nationale de santé (CNS) qui l'accompagnaient : MM. Louis Serfaty et Francis Peigne, appartenant au collège des représentants des institutions et établissements publics et privés de santé, M. Michel Pinson, représentant la région de Bretagne.
Puis il a indiqué que la Conférence nationale de santé de mars 2000 avait été construite sur deux orientations majeures : d'une part, capitaliser les acquis des dix priorités définies en 1996, des conférences régionales et des programmes régionaux de santé et, d'autre part, tracer des lignes pour des travaux futurs sur plusieurs années. Il a précisé que la Conférence nationale de santé s'était attachée à réexaminer les dix priorités formulées par la première conférence et à mettre en exergue celles qui n'avaient pas été suffisamment prises en compte, telles que la relation entre nutrition et état de santé et la prévention des accidents.
S'agissant de la prévention, M. Marc Brodin a souligné que les Français disposaient, à l'âge de 65 ans, de la meilleure espérance de vie d'Europe et, jusqu'à cet âge, de la plus mauvaise en raison de la part importante de décès prématurés provoqués par des accidents.
Il a indiqué que la Conférence nationale de santé s'était, depuis sa création, attachée à l'étude d'un certain nombre de thèmes : les inégalités de santé intra et interrégionales, le vieillissement et la prise en charge de la dépendance, la santé mentale et les phénomènes addictifs... Il a ajouté que les priorités qui n'avaient pas pu être abordées par la conférence avaient souvent été néanmoins prises en compte par les pouvoirs publics, comme en témoignait l'institution de la couverture maladie universelle.
Il a expliqué que la Conférence nationale de santé de mars 2000 s'était saisie de nouveaux sujets qui allaient être étudiés pendant plusieurs années, tels que la prise en charge des maladies chroniques, qui soulevait la délicate question du panier de soins. La Conférence nationale de santé avait également étudié le thème de la prévention et mis l'accent sur l'éducation sanitaire, la prévention en direction des personnes malades, le dépistage et les enjeux éthiques que ces questions soulevaient. Elle avait également abordé la question de la vie régionale et de l'éventuelle institution d'une autorité régionale en matière de santé.
M. Charles Descours, rapporteur des équilibres financiers généraux et de l'assurance maladie, a demandé à M. Marc Brodin s'il pensait que le rapport de la Conférence nationale de santé avait eu une quelconque influence sur la détermination de l'ONDAM. Il a regretté qu'il n'y ait aucune prise en compte des problématiques de santé pour le calcul de l'ONDAM.
Il a cité le rapport sur la sécurité sociale de septembre 2000 de la Cour des comptes selon lequel la Conférence nationale de santé négligeait " de facto la dimension financière de ses attributions - alors qu'elle a explicitement pour mission de proposer des orientations pour la prise en charge des soins " et qu'elle " s'était cantonnée à une mission d'expertise, terrain sur lequel sa contribution n'apporte qu'une faible valeur ajoutée par rapport aux travaux du Haut comité (de la santé publique) ". Il a souhaité connaître les commentaires de la Conférence nationale de santé sur cette analyse a priori sévère.
M. Charles Descours, rapporteur, a ajouté que la Cour des comptes considérait également que la Conférence nationale de santé n'était pas " parvenue à nouer de réelles relations avec les conférences régionales de santé ". Il a souhaité connaître l'analyse de la Conférence nationale de santé sur ce point.
Après avoir considéré que les travaux de la Conférence nationale de santé étaient excellents, M. Charles Descours, rapporteur, a constaté que le problème résidait dans l'utilisation de ces travaux et leur articulation avec la loi de financement de la sécurité sociale.
En réponse à M. Charles Descours, rapporteur, M. Marc Brodin a souligné les différences structurelles séparant la Conférence nationale de santé des conférences régionales de santé. Il a rappelé que le président de la Conférence nationale de santé était élu par les membres de cette institution tandis que les conférences régionales de santé étaient pilotées par l'administration et présidées par les préfets ou les directeurs régionaux des affaires sanitaires et sociales.
Il a expliqué que les flux d'échanges entre la Conférence nationale de santé et les conférences régionales de santé étaient pour le moment plutôt descendants, dans la mesure où la direction générale de la santé du ministère de l'emploi et de la solidarité donnait des instructions aux conférences régionales de santé pour qu'elles appliquent les travaux de la Conférence nationale de santé. Il a considéré que les travaux des conférences régionales de santé étaient insuffisamment exploités, et s'est dit convaincu de la nécessité de les valoriser. Il a indiqué à cet égard qu'une circulaire avait été envoyée aux directeurs régionaux des affaires sanitaires et sociales, dès avril 2000, afin de préparer la Conférence nationale de santé de 2001.
Il a jugé que la Conférence nationale de santé pouvait avoir un rôle de médiation et de construction de consensus entre deux cultures aujourd'hui opposées : celle de la CNAMTS reposant sur des notions de coût et d'efficacité et celle de la direction générale de la santé reposant sur la notion de sécurité sanitaire. Il a considéré que les membres de la Conférence nationale de santé, issus d'horizons très divers, avaient aujourd'hui appris à se connaître et à communiquer.
M. Marc Brodin a estimé que les travaux de la Conférence nationale de santé n'avaient pas eu d'impact direct et que certaines recommandations telles que celle relative à la création d'une incitation géographique à l'installation des médecins, n'avaient pas été suivies d'effet. Il a précisé que la Conférence nationale de santé avait toujours procédé par autosaisine et n'avait jamais été sollicitée par le Gouvernement sur un dossier. Il a indiqué que le projet de loi de modernisation du système de santé, actuellement en préparation, prévoyait une coopération formalisée entre le Gouvernement et la Conférence nationale de santé.
S'agissant de l'ONDAM, M. Marc Brodin a souligné que les propositions de la Conférence nationale de santé couvraient un champ plus vaste que celui de l'ONDAM, qui ne portait que sur une partie du système de soins. Evoquant la notion de panier de soins, il a constaté qu'on raisonnait depuis 25 ans de manière marginale en ajoutant des biens et services chaque année, sans jamais procéder à un réexamen d'ensemble du contenu du panier.
M. Charles Descours, rapporteur, a regretté que l'ONDAM ne fasse pas l'objet d'un travail qualitatif et qu'il n'existe aucune articulation entre l'évaluation des besoins de santé et la détermination de cet objectif. Il s'est interrogé sur la façon dont on pourrait, par exemple, prendre en compte dans l'ONDAM les thérapeutiques nouvelles.
M. Marc Brodin a indiqué que la Conférence nationale de santé avait cette année décidé de faire travailler les représentants des établissements de santé sur l'utilisation de l'ONDAM.
M. Francis Peigné a constaté que la dimension financière n'avait pas été prise en compte dans les travaux de la Conférence nationale de santé, lesquels n'avaient eu aucune influence sur la détermination de l'ONDAM. Il a expliqué que la Conférence nationale de santé était d'abord un lieu de rencontres entre médecins libéraux, représentants des établissements de santé et syndicats de salariés.
Précisant que la Conférence nationale de santé s'était efforcée de se rapprocher des conférences régionales de santé, il a néanmoins reconnu que les relations entre ces entités étaient encore insuffisantes. Il a jugé que la Conférence nationale de santé n'était pas là pour donner des directives aux conférences régionales de santé et qu'elle n'avait pas assez tenu compte de leurs contributions.
M. Francis Peigné a rappelé brièvement l'historique de la Conférence nationale de santé. Il a souligné que le rôle de cette instance avait évolué en fonction de la personnalité de ses présidents successifs. Il a indiqué que le premier président de la conférence, M. Joël Ménard, avait souhaité faire de cette instance un lieu d'expertise : on avait alors défini dix priorités sans tenir compte de la dimension financière. Lors des deux premières années, le rapport de la Conférence nationale de santé n'avait été qu'un " super rapport " du Haut comité de la santé publique, sans réelle valeur ajoutée. Sous l'influence de M. François de Paillerets, deuxième président, la Conférence nationale de santé avait commencé à travailler sur l'organisation sanitaire et le panier de soins, de façon à pouvoir fournir des éléments pour le débat parlementaire.
M. Louis Serfaty a considéré que la Conférence nationale de santé n'avait pas les moyens d'éclairer ou d'influencer l'ONDAM. Il a estimé qu'il revenait à la Conférence nationale de santé de définir son rôle et a jugé nécessaire qu'elle alerte le Parlement sur ce que devrait être demain une véritable politique de santé et sur ce qu'étaient les besoins de santé.
M. Michel Pinson a constaté que la Conférence nationale de santé donnait la part belle aux institutions et aux organisations représentatives. Il a expliqué que les représentants des régions n'étaient pas mandatés par les conférences régionales de santé, lesquelles n'avaient pas su s'organiser pour faire remonter les résultats de leurs travaux. Il a jugé nécessaire de mettre en place des politiques plus affirmées au niveau régional. Il a souligné que les priorités de santé définies par les conférences régionales de santé avaient eu un impact important sur les programmes régionaux de santé. Il a jugé sévère le diagnostic porté par la Cour des comptes sur l'activité de la Conférence nationale de santé.
Après avoir comparé la Conférence nationale de santé à un " Parlement de la santé ", M. Lucien Neuwirth s'est interrogé sur l'existence d'un exécutif de la santé. Il a regretté que notre pays n'ait pas de politique globale de la santé et a considéré que cette carence provenait de l'absence d'un véritable ministère de la santé.
Evoquant les inégalités entre régions, M. Francis Giraud a souhaité savoir si la Conférence nationale de santé avait pu mesurer d'éventuels progrès dans la correction de ces inégalités. Il a considéré que la démographie médicale présentait des évolutions inquiétantes, dans la mesure où certaines spécialités apparaissaient durablement sinistrées.
M. Claude Huriet a jugé qu'il n'était pas possible d'avoir une politique nationale de santé mais des politiques de santé thématiques. Il a considéré que les conférences régionales de santé avaient bien du mérite de continuer à fonctionner dans la mesure où il n'existait pas de politique régionale de santé. Il s'est interrogé sur l'utilité de la multitude d'organismes travaillant sur les problématiques de santé et sur la pertinence d'une réunion annuelle de la Conférence nationale de santé. Evoquant les cancers recto-coliques, il a demandé si la Conférence nationale de santé avait les moyens de suivre les effets de ses recommandations.
M. Jean Chérioux a considéré qu'il convenait que la Conférence nationale de santé définisse les priorités possibles dans le cadre de l'ONDAM.
M. Guy Fischer a considéré que la définition du panier de soins était au coeur du débat. Il a exprimé sa crainte que le souci de rentabilité et d'efficacité ne fasse perdre de vue les enjeux de santé publique.
Evoquant les textes en cours d'examen au Parlement relatifs à la contraception et à l'interruption volontaire de grossesse, M. Jean-Louis Lorrain a regretté que l'on oublie trop souvent la dimension santé dans les problèmes de société.
M. Marcel Lesbros s'est inquiété du problème de l'avenir des médecins étrangers qui travaillent aujourd'hui dans les hôpitaux.
Evoquant les nouvelles formes de pathologies, M. Louis Souvet s'est interrogé sur les moyens de les prévenir, plutôt que de les guérir.
En réponse aux différents intervenants, M. Marc Brodin a fait valoir que la Conférence nationale de santé disposait de très peu de moyens matériels avec, en tout et pour tout, une attachée principale d'administration et une dotation de 300.000 francs pour l'organisation de la conférence annuelle. Il a souligné que le fonctionnement du Haut comité de santé publique reposait également sur le bénévolat.
Il a indiqué que la Conférence nationale de santé avait souhaité travailler dorénavant avec un éventail d'interlocuteurs plus vaste que le seul Haut comité de la santé publique. Il a expliqué que certains dossiers seraient préparés par exemple par le Centre de recherche, d'étude et de documentation en économie de la santé (CREDES) pour la conférence de l'année 2001. Il a reconnu que cela revenait en réalité à travailler grâce aux moyens d'autres structures.
M. Marc Brodin a indiqué que l'on observait parallèlement une réduction dans les inégalités relatives à l'accès aux soins et une augmentation des inégalités en matière d'état de santé des populations. S'agissant des cancers recto-coliques, il a précisé que les recommandations de la Conférence nationale de santé étaient désormais inscrites dans les orientations de la direction générale de la santé.
Il a considéré que le rôle de la Conférence nationale de santé devait être aussi de réfléchir aux évolutions qui voyaient progressivement le marché, l'individu et le droit entrer dans le domaine de la santé. Il a regretté que l'on confonde trop souvent dans notre pays santé et soins, prévention et soins. S'agissant de la démographie médicale, il a souligné que ce n'était pas une question de quantité, mais de qualité.
S'agissant de la périodicité des réunions de la Conférence, M. Francis Peigné a fait observer qu'il fallait généralement plusieurs années pour élaborer un rapport sérieux. Il a jugé qu'une réunion de la Conférence nationale de santé tous les deux ans serait suffisante si on l'accompagnait d'une communication annuelle de l'état d'avancement des travaux de la Conférence. Il a considéré que la Conférence nationale de santé devait être un creuset d'élaboration des politiques de santé.
M. Louis Serfaty s'est félicité de ce que l'on ne parle plus seulement de maîtrise des dépenses, mais aussi de la façon dont on allait soigner les Français.
Loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 - Audition de M. Bernard Caron, président de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS)
Puis la commission a procédé à l'audition de M. Bernard Caron, président du Conseil d'administration de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).
M. Bernard Caron a tout d'abord observé que les recettes de la sécurité sociale représentaient désormais 1.970 milliards de francs, soit un montant supérieur à celles de l'Etat. Il a ajouté que leur complexité croissait encore plus vite que leur volume. Il a estimé que les " croisements " entre loi de finances et loi de financement finissaient par rendre la lecture des comptes sociaux " particulièrement opaque ". Il a rappelé, en outre, que le champ des objectifs de dépenses et celui des prévisions de recettes votés par le Parlement ne coïncidaient pas. Evoquant le taux d'évolution des recettes affectées à la sécurité sociale (5,7 %), il a considéré que le discours sur la baisse des prélèvements obligatoires apparaissait en conséquence " douteux ".
M. Bernard Caron a estimé que les dépenses de la sécurité sociale avaient une tendance naturelle à la hausse et constaté que si cette évolution se poursuivait, l'intégralité du produit intérieur brut ne suffirait pas à couvrir ces dépenses. Aussi a-t-il plaidé pour la nécessité de " rendre des arbitrages ". Il a considéré que la France était arrivée à la limite de " l'exercice consistant à chercher l'intérêt général sans toucher à un seul intérêt particulier ".
M. Charles Descours, rapporteur, a souhaité connaître la teneur de l'avis du conseil d'administration de l'ACOSS sur l'avant-projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Il s'est interrogé sur la manière dont l'ACOSS avait été associée à l'élaboration du dispositif du projet de loi créant un mécanisme de " ristourne dégressive " de la CSG sur les revenus d'activité. Il a souhaité connaître le chiffrage de cette mesure, ainsi que les conséquences de cette mesure sur les entreprises. Il s'est interrogé également sur le financement du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC) et sur la manière dont étaient traités les déficits cumulés de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).
M. Bernard Caron a indiqué que le vote du conseil d'administration de l'ACOSS avait été très majoritairement négatif, comme dans les autres branches du régime général. Il a rappelé qu'une délégation syndicale ne prenait pas part traditionnellement au " vote " (Force ouvrière - FO) tandis qu'une délégation syndicale s'était abstenue (Confédération générale du travail - CGT). Il a estimé que la complexité croissante et le changement de logique du financement de la sécurité sociale étaient le dénominateur commun des opinions négatives. Rappelant que les réformes législatives récentes en matière de sécurité sociale avaient visé à séparer les branches de la sécurité sociale, il a considéré que les " opérations de tuyauterie ", modifiant de manière permanente les affectations de recettes et de dépenses, aboutissaient à un " immense bazar " et ne permettaient pas d'effectuer des comparaisons pertinentes d'une année sur l'autre. Il a considéré que le conseil d'administration de l'ACOSS n'arrivait plus à distinguer la finalité des prélèvements affectés aux différentes branches de la sécurité sociale.
M. Bernard Caron a précisé que l'ACOSS n'avait été associée en aucune façon à l'élaboration du mécanisme de ristourne dégressive de la contribution sociale généralisée (CSG). Rappelant que cette imposition avait pour objectif de créer un prélèvement universel et à la source sur tous les revenus, il a considéré que la démarche visant à instaurer une réduction sur la CSG sur les revenus d'activité des personnes à " faibles revenus " tendait à réinventer un impôt progressif sur le revenu. Il a estimé qu'il était de plus en plus difficile d'expliquer aux citoyens la finalité des prélèvements et que cette évolution mettait en cause le débat démocratique.
S'agissant des difficultés d'application de la " ristourne dégressive ", il a observé que l'ACOSS appliquerait scrupuleusement la loi votée et tenterait de " faire face ". Il a indiqué que les moyens informatiques de l'ACOSS étaient en perpétuel chantier et que les investissements informatiques de la branche du recouvrement s'élevaient déjà à 200 millions de francs pour permettre le passage du système national de production sur le système d'exploitation Unix. Il a considéré que le bulletin de paie devenait de plus en plus illisible et que le mécanisme de ristourne dégressive créerait une ligne supplémentaire sur le bulletin de paie, dont le fondement et le calcul seraient incompréhensibles pour le salarié. Il a indiqué que la branche du recouvrement essaierait d'expliquer l'application de la mesure aux entreprises et que celles-ci devraient modifier de manière considérable leurs logiciels de paie, " faisant la fortune des producteurs de ces logiciels ". Il a considéré que cette mesure renforcerait l'insécurité juridique des entreprises et que, dans le cas d'un redressement social portant sur les trois années précédentes, cette insécurité juridique pourrait remettre en cause la survie même des entreprises redressées. Il a estimé que la branche du recouvrement arriverait probablement à s'adapter, mais que des questions très importantes restaient en suspens. Il a rappelé que la prise en compte des revenus globaux, dans le cadre des pluriactifs, était très difficile. Il a considéré que l'ACOSS était pour le moment incapable de préciser comment la mesure serait applicable aux personnes payées par le mode du chèque emploi-service. Il a observé en outre qu'un des effets pervers de la mesure serait de désinciter à la majoration des salaires. Il a enfin constaté que cette mesure, décidée sans concertation technique, était applicable dès le 1er janvier 2001.
Concernant le chiffrage de la mesure, il a confirmé qu'elle était estimée initialement à 7 milliards de francs en 2001, 16 milliards de francs en 2002 et 25 milliards de francs en 2003.
M. Bernard Caron a indiqué que les dépenses prises en charge par le FOREC devraient atteindre 67 milliards de francs en 2000 et 85 milliards de francs en 2001. Il a estimé que le financement de la réduction du temps de travail n'était pas assuré. Rappelant que les branches de la sécurité sociale devaient à l'origine financer les trente-cinq heures par des contributions, il a considéré que le Gouvernement avait " réinventé " un autre type de contributions, " moins visibles ", par des réaffectations de recettes. Il a ajouté que le résultat était " calamiteux " et qu'il n'y avait aucune logique à financer le FOREC par les droits sur les alcools et les droits sur les tabacs. Il a rappelé que le principe d'un équilibre branche par branche était la première des conditions pour assurer une véritable politique de redressement des comptes sociaux.
Concernant l'exonération de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), non compensée pour la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), il a rappelé que cette caisse avait été créée pour " faire payer aux générations futures les insuffisances des générations passées ". Il a considéré que si cette Caisse était en avance sur son plan de remboursement, le plus simple aurait été de diminuer sa durée de vie, et non de diminuer le produit du prélèvement qui lui est affecté.
Estimant que la pérennité des régimes de sécurité sociale, " appartenant au patrimoine français ", était une nécessité absolue, il a considéré qu'il fallait éviter de prélever toujours davantage sur les actifs. Il a observé que la construction européenne et la mondialisation rendaient nécessaire une comparaison des différents systèmes de protection sociale, afin d'éviter une fuite des capitaux et des actifs les plus qualifiés, " épouvantail " qui pourrait finir par se concrétiser.
Répondant à la question de M. Charles Descours sur les déficits de la CNAMTS, il a indiqué que ces déficits étaient " escamotés " et que le régime général était revenu à une situation où les branches excédentaires permettaient de financer les pertes des branches déficitaires.
M. Jean Delaneau, président, a observé que chaque caisse du régime général devait normalement bénéficier de produits financiers ou supporter des frais financiers en conséquence de ses excédents ou de ses déficits.
M. Bernard Caron a indiqué que les déficits de la CNAMTS n'avaient pas de conséquence réelle. Il a constaté que le dépassement de l'ONDAM n'était assorti d'aucune sanction, en raison du " rebasage " consistant à anticiper le dépassement de l'année en cours dans la prévision de l'année suivante. Il a observé qu'il n'y avait pas de mécanisme de régulation des dépenses. Il a estimé que " les dérapages ne cesseraient pas tout seuls " et qu'il fallait " cesser de dire qu'ils allaient s'arrêter tout seuls ".
M. Jean Delaneau, président, a rappelé que, pour cette raison mais également suite à la mise en oeuvre d'une " nouvelle étape " pour la politique hospitalière et au refus de la conformité, à la Constitution, par le Conseil constitutionnel de la taxation des heures supplémentaires, la commission des affaires sociales avait demandé la discussion d'une loi de financement rectificative.
M. Marcel Lesbros a évoqué Mme Nicole Questiaux, qui, dans ses cours professés à l'Institut d'études politiques de Grenoble, indiquait que la notion de déficit de la sécurité sociale était contestable et qu'il fallait parler d'un simple " besoin de financement ". Il a estimé qu'il était nécessaire de tenir compte des besoins de santé.
M. Charles Descours a rappelé l'évolution des dépenses d'assurance maladie depuis 1996 et s'est interrogé sur les réels " progrès " en matière de satisfaction des besoins de santé.
M. Francis Giraud a considéré que si l'aspect financier n'était pas unique, les sommes injectées dans le financement de l'assurance maladie pourraient certainement mieux être employées.
M. Bernard Caron a considéré que les besoins de santé étaient " incommensurables ", de même que ceux liés à la dépendance, et qu'il était désormais nécessaire de rendre des arbitrages.
M. Jean-Louis Lorrain a indiqué qu'il participait aux travaux du Conseil de transparence des statistiques de l'assurance maladie, présidé par M. Claude Thélot. Il a observé qu'il était très difficile de développer des outils d'analyse convaincants. Il a regretté qu'une approche exclusivement comptable ne permette pas d'associer les professionnels de santé. Il s'est déclaré partisan d'une véritable maîtrise médicalisée des dépenses de santé, permettant de transformer les professionnels en " acteurs " du système.
M. Bernard Caron a rappelé qu'il était également membre du conseil d'administration de la CNAMTS. Il a considéré qu'il ne s'agissait pas uniquement de la responsabilité des médecins, mais d'une responsabilité politique. Il a évoqué trois questions, montrant que peu de progrès avaient été enregistrés depuis plusieurs années : l'allocation des ressources (certaines régions ayant des dépenses de santé infiniment supérieures à d'autres régions), l'accréditation (les travaux de l'ANAES n'ayant pas avancé) et la tarification par pathologie, restant au stade des balbutiements. Il a estimé que d'autres pays, comparables à la France, affichaient de meilleurs résultats. Il a ajouté que l'objectif n'était pas de " moins soigner ", mais au contraire de " mieux soigner ", à travers une optimisation des ressources.
M. Bernard Cazeau a dénoncé une vision excessivement technocratique de la maîtrise des dépenses de santé. Il a considéré qu'il n'était pas recevable de rejeter sur les " politiques " la responsabilité d'un éventuel échec du système d'assurance maladie. Il a indiqué que les organismes de sécurité sociale disposaient de pouvoirs de contrôle. Il a appelé à un dialogue positif avec l'ensemble des organisations professionnelles.
M. Bernard Caron a répondu qu'il n'entendait pas mettre en cause la responsabilité des " politiques ", mais qu'il appartenait à la collectivité, à travers des choix " politiques au sens noble ", de décider d'affecter des ressources à des besoins. Il a indiqué que la CNAMTS ne disposait d'aucune marge de manoeuvre concernant ses recettes et ses dépenses, à part celles de sa gestion administrative. Il a expliqué que certaines erreurs avaient été faites, comme de ne pas rendre obligatoire le système SESAM-VITALE.
M. Bernard Cazeau a demandé à M. Bernard Caron s'il rencontrait des professionnels de santé et s'il leur tenait le même discours.
M. Bernard Caron a répondu qu'il intervenait fréquemment dans des réunions organisées par les professionnels de santé et qu'il tenait le même discours. Il a indiqué que le mécanisme même de l'assurance maladie n'incitait pas en France à la rationalité. Il a considéré que les professionnels de santé étaient certes des " professions libérales ", mais dont le chiffre d'affaires était assuré par la collectivité. Il a estimé que leurs prestations devaient relever en conséquence d'un cahier des charges.
Loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 - Audition de M. François Monier, secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale
Enfin, la commission a procédé à l'audition de M. François Monier, secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale.
M. François Monier a indiqué qu'il était secrétaire général de la commission des comptes depuis 1999. Il a rappelé que la commission des comptes examinait deux rapports par an, le premier au mois de mai, concernant le seul régime général, et le second au mois de septembre, concernant l'ensemble des régimes de base de sécurité sociale. Il a précisé que le dernier rapport, présenté lors de la réunion du 21 septembre 2000, était relatif aux comptes définitifs de l'année n-1 (1999), aux comptes prévisionnels de l'année n (2000) et aux comptes " tendanciels " de l'année n+1 (2001). Il a ajouté que ces comptes étaient appelés " tendanciels " parce qu'ils n'incluaient pas, par construction, les mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Il a estimé toutefois que ces comptes " tendanciels " n'étaient pas tout à fait " spontanés ", puisque la progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) -de 3,5 % sur les dépenses prévues pour 2001- retenait l'objectif figurant dans le projet de loi.
M. François Monier a précisé que la réforme dite des " droits constatés ", introduite dans le régime général en 1996 et dans les autres régimes en 1997, franchissait cette année un nouveau cap, puisque les comptes de la sécurité sociale étaient pour la première fois présentés également selon ce mode de comptabilisation, et non plus seulement en " encaissements-décaissements ", conformément à l'engagement pris par Mme Martine Aubry, alors ministre de l'emploi de la solidarité, lors de la discussion devant le Parlement de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Le rapport et les annexes des projets de loi de financement resteront toutefois en encaissements-décaissements jusqu'en 2002.
Il a fait part d'une seconde innovation, relative aux statistiques d'assurance maladie : la CNAMTS présente désormais des " statistiques en dates de soins ", et non plus des " statistiques de remboursement ", ce qui est très utile pour analyser les dépenses d'assurance maladie.
M. François Monier a également précisé qu'il avait essayé d'orienter davantage le rapport, par l'intermédiaire d'un " petit chapitre ", vers une analyse de la situation de l'ensemble des régimes, alors que le rapport était traditionnellement centré sur les comptes du seul régime général. Rappelant que l'homogénéisation des pratiques comptables n'était pas encore assuré, en raison de l'inexistence d'un plan comptable unique des organismes de sécurité sociale, il a estimé cependant qu'il était de plus en plus nécessaire de présenter des comptes agrégés. Il a constaté que les contraintes du calendrier, lors de la réunion de septembre, mettaient les rédacteurs du rapport " à rude épreuve " et limitaient ainsi les " innovations ". Il a ainsi indiqué que des arbitrages ministériels avaient été rendus dans les deux jours qui précédaient la réunion de la commission des comptes.
M. Charles Descours, rapporteur, a considéré que les questions du mode de comptabilisation et du plan comptable unique étaient très importantes. Evoquant les propos tenus par M. Jean-Marie Spaeth lors de son audition du mardi 17 octobre 2000, il a rappelé que les médecins contestaient souvent les chiffres de la CNAMTS. Il a observé que la commission des affaires sociales avait appelé depuis de nombreuses années à un renforcement des moyens de la direction de la sécurité sociale, chargée de préparer le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il a précisé que la commission des comptes de la sécurité sociale du mois de mai était également préparée en urgence, comme le montrait le report de date qui avait été décidé au printemps dernier, imputable selon certains à la direction de la sécurité sociale et pour d'autres aux régimes sociaux.
Puis M. Charles Descours, rapporteur, s'est interrogé sur les raisons de l'absence, dans le rapport présenté à la commission des comptes de la sécurité sociale, des comptes du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), alors que l'article L. 114-1 du code de la sécurité sociale fait notamment obligation à la commission de prendre connaissance d'un " bilan relatif aux relations financières entretenues par le régime général de la sécurité sociale avec l'Etat et tous autres institutions ou organismes ". Citant l'avant propos du rapport de septembre 2000, rédigé par le secrétaire général de la commission des comptes, selon lequel " la modification des règles d'affectation des recettes ", effectuée par le Gouvernement, " faisait perdre une grande partie de leur signification aux soldes des branches du régime général ", il s'est interrogé, en conséquence, sur la pertinence du maintien d'une commission des comptes de la sécurité sociale. Il a demandé pourquoi les comptes prévisionnels de l'année 2000 de la branche famille incluaient une accélération de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, par rapport à la provision inscrite dans la loi de financement pour 2000 votée par le Parlement, cette accélération devant être en principe décidée dans le collectif budgétaire de fin d'année, non encore déposé et a fortiori non encore voté. Il a rappelé que le Sénat avait adopté, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, un amendement de la commission visant à donner au secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale un mode de nomination et des moyens propres lui permettant une réelle autonomie d'analyse. Il s'est demandé si la création, évoquée dans le rapport de la commission des comptes mais ne figurant pas dans le projet de loi, d'un " Haut conseil des organismes de sécurité sociale ", n'allait pas dans le sens souhaité par le Sénat. Enfin, il a demandé à M. François Monier si, ses fonctions de secrétaire général de la commission des comptes lui semblaient compatibles avec sa participation, en tant que magistrat de la cour, au vote du rapport annuel de la haute juridiction consacrée à la sécurité sociale.
M. François Monier a reconnu que les comptes du FOREC auraient dû faire partie du rapport présenté à la commission des comptes, au même titre que ceux du fonds de solidarité vieillesse (FSV), mais qu'ils n'avaient pas été inclus, en raison des incertitudes sur le volet recettes. Il a précisé qu'ils seraient détaillés dans la version définitive du rapport, édité par la Documentation française.
Il a considéré que l'avant-propos était une façon pour le secrétaire général de formuler des observations plus personnelles qui, compte tenu du peu de temps laissé à l'analyse, pouvaient être considérées comme insuffisamment fondées. Il a reconnu que la modification des affectations de recettes était " une affaire l'ayant frappé ". Il a ajouté que ces modifications lui paraissaient justifiées, comme l'affectation des excédents de la CNAVTS au fonds de réserve pour les retraites.
M. Charles Descours a demandé si ces modifications étaient conformes à la loi du 25 juillet 1994, posant le principe de la séparation comptable des branches.
M. François Monier a indiqué qu'il n'était pas " un juriste ", mais que ces modifications étaient au bout du compte adoptées par le Parlement. Il a expliqué que, pour ces raisons, la présence de comptes agrégés était de plus en plus nécessaire, ce qui ne remettait pas en cause l'existence d'une commission des comptes de la sécurité sociale.
S'agissant de l'accélération de la prise en charge de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire par la branche famille, il a reconnu que cette option était discutable. Il a expliqué que l'option de retenir un ONDAM tendanciel progressant au même rythme que celui de l'ONDAM du projet de loi avait été retenue avant son arrivée. Il a précisé que, pour la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, le choix de retenir une telle accélération faisait partie des éléments notifiés deux jours avant la réunion de la commission des comptes. Il a ajouté que les comptes n'étaient pas établis par le secrétaire général, mais par la Direction de la sécurité sociale. Il a estimé que le rôle du secrétaire général, outre la rédaction d'un avant propos, était de veiller à ce que toutes les hypothèses ou options retenues soient expliquées de manière claire. Il a relevé que l'administration de la sécurité sociale considérait qu'il était préférable, pour des raisons de simplicité, de retenir ses propres prévisions. Concernant l'ONDAM, il a reconnu que, compte tenu du taux de progression retenu dans le projet de loi, la prévision retenue dans le compte pour 2001 le mettait " moins mal à l'aise " que celle des années précédentes.
M. François Monier a indiqué que l'autonomie du secrétaire général était " grande " et que sa parole était " libre ". S'agissant des moyens, il a reconnu être seul, puisque l'intégralité du travail est réalisé par la direction de la sécurité sociale. Il a estimé disposer d'un " rôle d'animation " et que le rapport du mois de mai était le moyen de présenter des analyses quelque peu différentes d'une simple présentation des comptes par l'administration, comme le montre la publication des éléments statistiques fournis par la CNAMTS sur la consommation médicale dans le rapport de mai 2000. Il a considéré que la réforme des droits constatés et la mission interministérielle de réforme des organismes des sécurité sociale (MIRCOSS), ayant à charge de définir un plan comptable unique, avaient absorbé l'intégralité des forces de la direction de la sécurité sociale. Il a indiqué que cette direction devait en outre rebâtir l'intégralité de ses moyens informatiques.
Revenant sur l'article de l'avant projet de loi de financement de la sécurité sociale créant un " Haut conseil de l'information comptable ", il a indiqué que sa disparition dans le projet de loi s'expliquait pour des raisons juridiques, la création d'une telle instance relevant du pouvoir réglementaire. Il a précisé que ce Haut conseil était d'une nature différente de celle de la commission des comptes de la sécurité sociale, puisqu'il aurait pour fonction de dégager une " méthodologie des comptes " et de suivre la mise en oeuvre du plan comptable unique de sécurité sociale. Il a ajouté que la création d'une mission permanente était en outre envisagée et que cette mission centraliserait tous les comptes des différents organismes, afin de les diffuser auprès des destinataires institutionnels, dont la commission des comptes de la sécurité sociale et le Parlement.
M. François Monier a précisé qu'il faisait partie auparavant de la sixième chambre de la Cour des comptes et qu'il l'avait quittée à la suite de sa nomination au poste de secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale. Il a reconnu que sa participation au vote sur le rapport de la Cour pouvait être critiquée, mais qu'il partageait totalement les appréciations de ce rapport sur les moyens de la direction de la sécurité sociale.
Jeudi 19 octobre 2000
- Présidence de M. Jean Delaneau, président -
PJLF pour 2001 - Audition de M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer
La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, sur les crédits consacrés à l'outre-mer (aspects sanitaires et sociaux) dans le projet de loi de finances pour 2001.
M. Jean Delaneau, président, a tenu à saluer M. Christian Paul, auditionné pour la première fois par la commission, ainsi que M. Philippe Nogrix, nouveau rapporteur de la commission sur les crédits de l'outre-mer.
M. Christian Paul a indiqué que le projet de budget de l'outre-mer pour 2001 était un bon budget, en augmentation de 6,9 %, pour atteindre 6,8 milliards de francs. Il a observé que cette progression constituait le troisième taux de progression des budgets ministériels, tous ministères confondus. Il a également souligné que l'effort budgétaire propre au secrétariat d'Etat était conforté par les budgets d'autres ministères, citant notamment le budget de l'emploi. Il a ensuite insisté sur l'importance du volet fiscal du projet de loi de finances concernant l'outre-mer, indiquant que celui-ci prévoyait la mise en place d'un nouveau dispositif d'aide fiscale à l'investissement devant se substituer à la loi " Pons ". A cet égard, il a estimé que cette nouvelle mesure serait à la fois plus juste et plus efficace, tout en étant neutre pour les finances publiques.
Abordant les principales priorités du budget de l'outre-mer, il a insisté sur les mesures de soutien à l'emploi et au développement économique. Il a ainsi indiqué que le chapitre budgétaire relatif au fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer (FEDOM) augmenterait de 25 % pour s'élever à 2,6 milliards de francs. Il a observé que le FEDOM devrait représenter en 2001 près de 40 % du total des crédits du secrétariat d'Etat.
Il a rappelé que cette augmentation des crédits du FEDOM s'expliquait d'abord par la prise en compte des mesures nouvelles prévues par le projet de loi d'orientation sur l'outre-mer actuellement en cours d'examen par le Parlement, observant qu'une enveloppe de 290 millions de francs y était affectée. Il a précisé que cette enveloppe devrait permettre de financer 10.000 projets initiative-jeunes (PIJ), 3.000 départs en préretraite, 10.000 allocations de retour à l'activité (ARA) et 1.200 primes à la création d'emplois. Il a, en outre, indiqué que les crédits du FEDOM seraient augmentés de 50 millions de francs, afin de compenser la baisse de la créance de proratisation consécutive à l'alignement progressif du revenu minimum d'insertion (RMI) et d'assurer le financement des agences départementales d'insertion (ADI).
Il a déclaré que ces mesures nouvelles s'ajouteraient aux 63.800 solutions d'insertion déjà prévues pour 2000 et que ce serait en définitive quelque 88.000 solutions individuelles qui seraient financées par le FEDOM en 2001.
M. Christian Paul a rappelé que l'ambition du Gouvernement était de faire baisser le niveau du chômage, en particulier chez les jeunes. Il a considéré que le mécanisme d'exonération de cotisations patronales de sécurité sociale prévu par le projet de loi d'orientation allait concerner 112.000 salariés, soit la moitié des effectifs du secteur privé outre-mer, et tous les travailleurs indépendants. Il a souligné le coût budgétaire de cette mesure, l'exonération se traduisant par une dépense de 3,5 milliards de francs inscrite sur le budget de l'emploi et de la solidarité.
Il a également indiqué que le budget du secrétariat d'Etat consacrait d'importants moyens consacrés au service militaire adapté (SMA). Rappelant le rôle majeur du SMA dans l'insertion des jeunes -il a ainsi précisé qu'il y avait 5 candidatures pour un poste-, il a observé que le Gouvernement avait fait le choix d'accueillir, malgré une dépense accrue, un nombre de volontaires équivalent à celui des appelés et proposait, en conséquence, la création de 900 postes supplémentaires en 2001.
M. Christian Paul a ensuite rappelé que le logement constituait le deuxième poste de dépenses du budget, avec 950 millions de francs en crédits de paiement pour 2001, soit une hausse de 3,5 %. Il a déclaré que les engagements de l'Etat, en matière de logement, seraient maintenus et que la baisse du montant de la créance de proratisation, du fait du relèvement partiel du RMI dès 2001, serait compensée par un montant équivalent en autorisations de programme. Il a précisé que les crédits d'aide au logement permettraient de financer la réhabilitation ou la construction d'environ 16.500 logements et la résorption de l'habitat insalubre pour 2.300 familles.
S'agissant de l'action sociale et culturelle, il a indiqué que celle-ci constituait un autre volet important de ce budget, les crédits lui étant consacrés augmentant de 23,5 % pour atteindre 230 millions de francs afin d'assurer notamment l'application des mesures prévues par le projet de loi d'orientation.
S'agissant des dépenses en capital, il a précisé que celles-ci progresseraient également dans le budget pour 2001, notamment du fait de la prise en compte de la part incombant à l'Etat dans le financement des contrats de plan 2000-2006. A cet égard, il a précisé que les montants de la subvention attribuée au fonds d'investissement des départements d'outre-mer (FIDOM) augmentaient de 15 % en crédits de paiement et que ceux de la subvention attribuée au fonds d'investissement et de développement économique et social (FIDES) progressaient de 1,4 % en crédits de paiement.
M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis, a considéré que le projet de budget de l'outre-mer prenait certes en compte les futures mesures nouvelles prévues par le projet de loi d'orientation, mais que l'effort budgétaire aurait pu être plus significatif si le Gouvernement avait suivi les propositions du Sénat en ce domaine. Il s'est inquiété néanmoins du faible taux de consommation des crédits.
Soulignant l'insuffisance des qualifications, il s'est interrogé sur les principales actions en faveur de la formation professionnelle prévues en 2001 et sur les moyens de relancer les formations par alternance.
Observant que le projet de loi d'orientation prévoyait un alignement en trois ans du RMI et en sept ans de l'allocation de parent isolé (API), il a demandé des précisions sur le calendrier d'alignement et les implications budgétaires de ces mesures. A cet égard, il s'est interrogé sur la réalité de la compensation intégrale de la créance de proratisation et sur la prise en charge de l'augmentation des dépenses d'insertion des départements liée à l'alignement progressif du RMI.
Revenant sur la récente mission de la commission en Guyane, il a jugé la situation sanitaire de ce département préoccupante et s'est interrogé sur la politique de santé publique outre-mer et en particulier sur les conditions de mise en oeuvre de la couverture maladie universelle (CMU) dans les départements d'outre-mer (DOM). Il a enfin demandé des précisions sur les conditions d'application de la réduction du temps de travail et des emplois-jeunes dans les DOM.
M. Christian Paul a estimé que l'effort budgétaire du Gouvernement en application du projet de loi d'orientation était, d'ores et déjà, considérable. S'agissant du taux effectif de consommation des crédits inscrits en loi de finances initiale, il a reconnu que des améliorations étaient possibles, notamment sur les crédits du titre IV relatif aux interventions publiques. Il a néanmoins observé que les crédits disponibles en fin d'année étaient très proches de l'objectif fixé par le contrat de gestion signé entre son prédécesseur et le ministère des finances et que les crédits étaient globalement bien consommés. A cet égard, il a indiqué que, pour 1999, alors que 60.000 solutions d'insertion étaient prévues par la loi de finances initiale, 71.000 actions avaient été effectivement réalisées.
S'agissant de la formation professionnelle, il a rappelé que celle-ci relevait largement de la compétence propre des conseils régionaux. Il a toutefois indiqué que l'Etat y était très attentif et avait suivi, par exemple, avec la plus grande attention, les récents travaux de " l'université de la formation professionnelle " qui s'était récemment tenue en Guyane et qui visait à étudier comment assurer l'adaptation du dispositif de formation professionnelle à l'outre-mer. Il a également souligné l'effort de l'Etat en la matière, insistant sur le maintien du SMA, sur le rôle de l'Agence nationale pour l'emploi à la formation des travailleurs d'outre-mer (ANT) qui permet, chaque année, à 5.000 jeunes de venir se former en métropole et sur le projet initiative-jeunes prévu par le projet de loi d'orientation. Il a reconnu que l'illettrisme était un problème majeur et constituait, à ce titre, une des priorités du contrat de plan.
S'agissant de l'alignement du RMI, il a indiqué que le calendrier exact de l'alignement du RMI serait défini à la fin de l'année. Toutefois, il a précisé que le budget pour 2001 prévoyait déjà un rattrapage d'un tiers et que le coût de l'alignement pouvait être évalué à 1 milliard de francs en année pleine. Il a observé que la baisse de la créance de proratisation était compensée à hauteur de 50 millions de francs par de nouveaux crédits de paiement en matière d'insertion et à hauteur de 250 millions de francs par de nouvelles autorisations de programme sur la ligne budgétaire unique (LBU). Il a reconnu qu'il y avait certes une diminution des crédits de paiement sur le logement par rapport à une compensation intégrale, mais il a considéré que cette diminution apparente était en fait compensée par l'existence de reports de crédits de paiement du budget pour 2000 vers le budget pour 2001. Il a en outre indiqué que 30 % des autorisations de programme étaient effectivement couvertes en crédits de paiement.
S'agissant des dépenses d'insertion des départements, il a indiqué que leur augmentation débuterait en 2002 et durerait trois ans pour un coût, en année pleine, de 160 millions de francs. Il a néanmoins estimé que les mesures prévues par le projet de loi d'orientation (mise en place de l'ARA, institution du revenu de solidarité) permettraient de compenser cette hausse et qu'au total, les départements devraient constater une légère diminution de leurs dépenses d'insertion.
S'agissant de l'alignement de l'API, il a déclaré que la revalorisation de l'allocation serait progressive pour un coût de 320 millions de francs, en année pleine, à partir de la septième année.
Revenant sur la politique de la santé, il a reconnu que l'état de santé des populations d'outre-mer restait précaire. Il a toutefois estimé que la mise en place de la CMU constituait un progrès. A cet égard, il a indiqué que 540.000 personnes (affiliées ou ayants droit) en étaient bénéficiaires, soit 30 % de la population des DOM. Il a également indiqué que la mise en place de la CMU s'était réalisée dans de bonnes conditions, grâce, notamment, à l'ouverture de nombreux points d'accueil et à la mobilisation du tissu associatif.
S'agissant de la réduction du temps de travail et des emplois-jeunes, il a déclaré que ces mesures avaient contribué à une diminution du nombre de chômeurs de 11.000 personnes en un an. Il a indiqué que la réduction du temps de travail avait permis de créer ou de préserver 2.250 emplois et qu'il existait, à la fin 1999, 10.242 emplois-jeunes, recrutés pour les trois quarts par des associations ou des collectivités locales.
M. Alain Gournac a insisté sur la dégradation de l'état de santé de la population guyanaise, soulignant notamment les graves difficultés des centres de santé et le développement rapide de la toxicomanie. Il a jugé nécessaire d'adapter la politique de santé aux réalités ultra-marines. Il a enfin indiqué que les jeunes domiens, sous contrat emplois-jeunes, s'inquiétaient de leur avenir professionnel face aux incertitudes existantes pour la sortie du dispositif.
M. Lylian Payet a considéré que ce budget n'était qu'un budget de transition destiné à assurer la mise en oeuvre du projet de loi d'orientation. Regrettant que l'alignement du RMI ne soit pas immédiat, il a déclaré avoir cru comprendre que ce délai serait néanmoins inférieur aux trois années prévues par le projet de loi d'orientation. Il a estimé que ce budget restait néanmoins intéressant pour les Réunionnais.
M. Claude Domeizel s'est interrogé sur les difficultés, notamment financières, rencontrées par les hôpitaux publics des DOM et sur les moyens d'y remédier.
M. Paul Vergès, après avoir dressé un vaste panorama des difficultés économiques et sociales auxquelles sont aujourd'hui confrontés les DOM et souligné le rôle de la pression démographique, a insisté sur la nécessité de pérenniser les emplois créés dans le secteur privé par une baisse du coût du travail et de favoriser l'intégration des DOM dans leur environnement régional. Il a considéré qu'au regard de ces nécessités, le budget de l'outre-mer pour 2001 allait dans le bon sens.
M. Christian Paul a reconnu les difficultés particulières rencontrées par la politique de santé dans les DOM. S'agissant des centres de santé, il a précisé qu'ils étaient repris en charge par l'Etat et rattachés à l'hôpital de Cayenne. S'agissant des hôpitaux guyanais, il a indiqué que le centre hospitalier de Cayenne avait fait l'objet d'un audit de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et bénéficiait de 35 millions de francs de budget supplémentaire et que le centre hospitalier de Saint-Laurent-du-Maroni faisait actuellement l'objet d'une mission d'évaluation qui serait suivie de mesures visant notamment à une meilleure coopération avec le Surinam. Il a considéré qu'en tout état de cause, il n'y avait pas d'abandon de ces hôpitaux et qu'à la politique hospitalière devait également s'ajouter un important effort de prévention.
Il a indiqué qu'il veillerait à assurer une bonne application du projet de loi d'orientation, notamment en s'engageant à publier, dans les meilleurs délais, les textes d'application et à travailler en étroite relation avec l'ensemble des partenaires concernés.
Il a enfin reconnu qu'il était nécessaire d'alléger le coût du travail dans la mesure où les DOM peuvent être très compétitifs dans certains secteurs.
Union européenne - Habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire - Examen du rapport pour avis
Puis la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. André Jourdain sur le projet de loi n° 473 (1999-2000) portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire.
M. André Jourdain, rapporteur pour avis, a indiqué que vingt des soixante et un textes ou décisions communautaires concernés par le projet de loi d'habilitation touchaient, de près ou de loin, aux compétences de la commission des affaires sociales. Il a précisé que le rapport écrit examinerait dans le détail chaque directive.
M. André Jourdain, rapporteur pour avis, a présenté trois observations générales montrant la " particularité " de ce projet de loi.
Il a noté qu'il serait présenté par M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, malgré un " contenu social " très affirmé.
Il a souligné ensuite qu'il n'y avait pas un seul projet de loi mais deux projets de loi d'habilitation : le premier vise à transposer des directives communautaires ; le second va au-delà puisqu'il tend à refondre le code de la mutualité. En conséquence, le titre du projet de loi est incomplet. Il a observé qu'il s'agissait dans les deux cas de répondre à une défaillance, celle des administrations qui restent très en retard dans le domaine de l'adaptation du droit national au droit communautaire, et à une négligence qui relève du Gouvernement maître de l'ordre du jour du Parlement. Il a rappelé que le dépôt d'un projet de loi portant diverses mesures d'ordre social (DMOS) était attendu depuis avril 1996. Il a précisé que le Gouvernement n'avait pas jugé bon d'inscrire à l'ordre du jour le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine social, pourtant adopté au Conseil des ministres du 10 mai 2000.
M. André Jourdain, rapporteur pour avis, a observé enfin qu'un certain nombre de projets d'ordonnances semblaient déjà connus, comme les dix-huit dispositions communautaires dont l'adaptation était prévue par le projet de loi précité portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine social, les deux dispositions présentes dans le projet de loi de modernisation sociale mais également le " projet de loi relatif au code de la mutualité et portant modification du code de la sécurité sociale et du code des assurances ", texte soumis au Conseil d'Etat, en instance d'adoption au Conseil des ministres le 1er août 2000 et auquel fut substituée in extremis une " communication " de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Abordant le choix de la procédure, M. André Jourdain, rapporteur pour avis, a cité le compte rendu du Conseil des ministres du 5 septembre 2000 : " concernant des textes pour l'essentiel techniques, ce projet de loi d'habilitation préserve les droits du Parlement en allégeant son programme de travail ". Il a estimé, non sans ironie, que le recours aux ordonnances relevait d'un souci qui ne saurait laisser indifférent. Il a observé que cette procédure présentait toutefois le risque de demander au Parlement d'entériner, en quelque sorte selon la formule du vote bloqué, le texte largement diffusé du code de la mutualité. Il a précisé que la commission n'avait pas à approuver ou à désapprouver le contenu de la refonte du code de la mutualité, de toute façon susceptible de modifications par le Gouvernement jusqu'à la parution de l'ordonnance. Il a considéré que la commission ferait part de ses propositions, de ses observations et de ses éventuelles critiques à l'occasion du débat sur la ratification de l'ordonnance, qu'il espérait le plus rapide possible.
Revenant sur la genèse de cette refonte du code de la mutualité, M. André Jourdain, rapporteur pour avis, a indiqué que les directives communautaires de 1992, dites directives assurances, s'appliquaient aux mutuelles à la demande même du mouvement mutualiste. Il a précisé que ces directives posaient le " principe de spécialité ", imposant aux " entreprises d'assurance communautaires " de gérer dans une personne morale distincte les activités qui ne découlent pas de leurs opérations d'assurances. Il a observé que la grande majorité des mutuelles ne se limitaient pas aujourd'hui au seul remboursement des dépenses non prises en charge par la sécurité sociale puisqu'elles gèrent par exemple des centres d'optique, des centres dentaires et des établissements de soins. Il a ajouté que les directives harmonisaient également les règles prudentielles applicables à l'ensemble des entreprises d'assurance, en les obligeant principalement à disposer d'une marge de solvabilité et de fonds propres.
M. André Jourdain, rapporteur pour avis, a rappelé que la France devait transposer ces directives dans le droit national avant le 31 décembre 1993 et que ces directives avaient été transposées aux sociétés d'assurance en janvier 1994 et aux institutions de prévoyance en août 1994. Il a observé que la transposition de ces directives aux mutuelles avait été un processus beaucoup plus complexe. Il a précisé que la Cour de justice des communautés européennes avait condamné pour non-transposition la France en décembre 1999. Il a ajouté que le versement d'astreintes n'était désormais plus très éloigné.
M. André Jourdain, rapporteur pour avis, a estimé que le projet de code de la mutualité était directement issu des orientations du rapport de M. Michel Rocard, rendu en mai 1999. Deux atténuations sont apportées au principe de spécialité :
- tout d'abord, les mutuelles assurance pourront créer des " mutuelles soeurs " ; l'assemblée générale sera unique, même si les conseils d'administration seront différents. Les transferts financiers entre la mutuelle " santé " et la mutuelle " oeuvres sociales " devront respecter les règles prudentielles ;
- ensuite, les mutuelles santé pourront conserver leurs " opérations sociales ", si et seulement si elles présentent un " caractère accessoire " et si elles sont réservées aux membres de la mutuelle.
M. André Jourdain, rapporteur pour avis, a précisé que ces deux atténuations avaient été -semble-t-il- négociées avec la Commission européenne. Il a indiqué que la transposition des directives s'accompagnait d'une refonte complète du code de la mutualité, permettant de le " moderniser ". Les principes mutualistes sont réaffirmés et explicités : absence de sélection des risques, absence de sélection à l'entrée, absence de questionnaire médical, absence de modulation en fonction du risque, caractère viager de la garantie. Le rôle de l'assemblée générale, élément démocratique essentiel d'une mutuelle, est mis davantage en valeur. Le statut de l'élu est revu, pour le rapprocher de celui du militant syndical. Des règles de cumul et des limites d'âge des administrateurs sont posées. Par ailleurs, le texte prévoit de contrôler la qualification professionnelle et l'honorabilité des dirigeants de la mutuelle. La notion tout à fait nouvelle de " contrat mutualiste " est introduite dans le code. Elle est formalisée par la signature du contrat d'adhésion et constituée des droits et obligations figurant dans les statuts et règlements. Les fédérations de mutuelles voient leur rôle renforcé. Elles pourront créer un " système fédéral de garanties ", auquel se substituera, de manière complémentaire, un " fonds de garantie " spécifique aux mutuelles. Le Conseil supérieur de la mutualité voit son rôle rénové, par la tenue d'un registre des mutuelles.
M. André Jourdain, rapporteur pour avis, a considéré que le texte dépassait à l'évidence un contenu " pour l'essentiel technique ".
Il a observé que la procédure de recours aux ordonnances présentait un certain nombre de risques : la transposition de directives communautaires par voie d'ordonnances n'est pas le meilleur moyen de faire reculer l'euro-scepticisme ; le Parlement, et par là même les citoyens, seront exclus de tout " un débat de société ", selon la formule de M. Daniel Hoeffel, rapporteur de la commission des lois.
M. André Jourdain, rapporteur pour avis, a estimé que le projet était certainement perfectible. Il a rappelé que l'objet même de la discussion législative était d'enrichir un projet de loi. Il a considéré que le projet était imparfait par ses ambiguïtés comme le montre l'exemple des " opérations accessoires ". Il a ajouté que le projet était imparfait en raison de ses absences, la question du statut fiscal des mutuelles n'étant toujours pas réglée. Il a observé qu'un risque sérieux pesait sur les " petites mutuelles " alors qu'une disposition des directives de 1992 -qui n'est pas utilisée par le projet de code- prévoit que les Etats membres peuvent les exclure de leur champ d'application.
M. André Jourdain, rapporteur pour avis, a proposé toutefois de privilégier l'impératif de rapidité, la question de la transposition des directives assurances aux mutuelles n'ayant que trop duré.
Il a indiqué, en conclusion, avoir tenu compte de l'urgence qui s'attache à la transposition des directives communautaires et de la position particulière de la France qui préside l'Union européenne au cours de ce second semestre 2000.
Il a proposé, à l'article premier, d'écarter deux directives du champ de l'habilitation. Pour celle du 19 octobre 1992 concernant la mise en oeuvre de dispositions relatives à " la sécurité et à la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail ", le Gouvernement semble avoir oublié, dans son projet d'ordonnance, un certain nombre de points importants. Pour celle du 29 juin 1998 relative à la sauvegarde des droits à pension complémentaires, qui doit être transposée avant le 1er juillet 2001, il a estimé que le Parlement avait le temps de discuter, par exemple dans le cadre du projet de loi de modernisation sociale, de sa transposition avant toute condamnation par les autorités bruxelloises.
M. André Jourdain, rapporteur pour avis, a considéré que la transposition " simple " des directives assurances apparaissait difficilement dissociable de la refonte du code de la mutualité. Il a proposé cependant, par la voie d'un amendement à l'article 5, d'enserrer le Gouvernement dans un délai beaucoup plus court pour prendre l'ordonnance : trois mois au lieu de six mois. Il a estimé que le projet de loi de ratification pourrait ainsi faire l'objet d'un débat approfondi avant la fin de la session parlementaire.
M. Guy Fischer a annoncé que le principe même du recours aux ordonnances ferait l'objet d'une opposition du groupe communiste républicain et citoyen (CRC). Il a déploré l'excessive complexité des textes communautaires. Il a considéré qu'il était impossible, pour un " simple parlementaire ", dans les délais impartis, de les étudier en détail. Il a estimé que la refonte du code de la mutualité aurait certainement mérité un débat. Il a rappelé que les mutuelles se trouvaient confrontées à des réalités financières de plus en plus difficiles. Il a ajouté que la situation des mutuelles et des compagnies d'assurances n'était pas comparable, en raison des principes mutualistes. Aussi a-t-il précisé que le groupe communiste républicain et citoyen était favorable à l'article 3 du projet de loi.
Mme Nelly Olin a approuvé les orientations présentées par le rapporteur.
M. Claude Domeizel a estimé que le recours aux ordonnances n'était jamais bien perçu par les parlementaires. Il a considéré que l'urgence expliquait cette formule. Il a rappelé que les responsables mutualistes en étaient demandeurs. Il a précisé que le groupe socialiste ne souscrivait pas aux amendements présentés par le rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain a évoqué le danger, souligné par le rapporteur, de réveiller l'euro-scepticisme. Il a comparé ce projet de loi à une " session de rattrapage ". Il a noté qu'un très grand nombre de secteurs, et pas seulement le mouvement mutualiste, étaient concernés. Il a indiqué qu'il n'était pas tout à fait normal que les présidents des deux grandes fédérations de mutuelles considèrent l'intervention du Parlement comme superfétatoire.
M. Alain Gournac a approuvé l'analyse et les conclusions retenues par le rapporteur. Il a regretté la négligence et la défaillance des administrations et du Gouvernement. Revenant sur l'euro-scepticisme, il a constaté qu'il était très difficile d'expliquer sur le terrain les bienfaits de la construction européenne.
M. Philippe Darniche a considéré " en tant qu'euro-sceptique déclaré " que la voie des ordonnances pour transposer les directives communautaires était particulièrement détestable. Il a estimé que les dispositions ne feraient que renforcer le fossé entre les citoyens et la construction d'une certaine Europe. Il a indiqué que, malgré l'excellence des analyses présentées par le rapporteur, il n'en partageait pas les conclusions.
M. Jean Delaneau, président, a rappelé qu'il existait encore des directives communautaires à transposer. Il a observé que le versement d'astreintes n'était assorti d'aucun dispositif exécutoire, ce qu'avait confirmé M. Pierre Moscivici, ministre délégué aux affaires européennes, lors de l'audition organisée par la commission des lois le 17 octobre dernier.
M. André Jourdain, rapporteur pour avis, a confirmé qu'il n'existait pas de " huissier européen " et par là même qu'il n'y avait pas de dispositif obligeant les Etats à s'acquitter de leurs astreintes.
Répondant aux différents intervenants, il a réaffirmé que le fait que la France préside l'Union européenne au cours du second semestre de l'année 2000 était un argument fort pour justifier une transposition rapide, à travers le recours aux ordonnances. Il a évoqué les risques d'insécurité juridique auxquels les mutuelles sont soumises. Il a précisé que M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire, s'était engagé, en ce qui concerne la refonte du code de la mutualité, au dépôt et à la discussion d'un projet de loi de ratification.
Puis la commission a abordé l'examen des articles et des amendements proposés par le rapporteur pour avis.
A l'article premier (habilitation à transposer par voie d'ordonnances cinquante directives ou parties de directives), la commission a adopté deux amendements visant à supprimer du champ de l'habilitation la transposition par voie d'ordonnances de la directive 92/85/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (14° du I de l'article premier) et de la directive 98/49/CE du Conseil du 29 juin 1998 relative à la sauvegarde des droits à pension complémentaire des travailleurs salariés et non salariés qui se déplacent à l'intérieur de la communauté (24° du I de l'article premier). Elle a donné un avis favorable à l'article premier ainsi amendé. Elle a donné également un avis favorable à l'adoption des articles 2 (habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour permettre l'application de certaines dispositions du droit communautaire) et 3 (habilitation à procéder par ordonnance à la refonte du code de la mutualité).
A l'article 5 (délais pour prendre les ordonnances et déposer les projets de loi de ratification), la commission a adopté un amendement tendant à réduire de six à trois mois le délai laissé au Gouvernement pour prendre l'ordonnance visée à l'article 3 et donné un avis favorable à l'adoption de l'article 5 ainsi amendé.
Puis la commission a décidé de donner un avis favorable aux dispositions du projet de loi ainsi amendées.