AFFAIRES SOCIALES

Table des matières


Mercredi 15 mars 2000

- Présidence de M. Jean Delaneau, président -

Mission de contrôle sur la gestion des exonérations de charges sociales - Audition de M. Bernard Caron, président, et de M. Jean-Louis Buhl, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS)

La commission a procédé à l'audition de M. Bernard Caron, président de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), et de M. Jean-Louis Buhl, directeur.

M. Jean Delaneau, président,
a indiqué que cette audition s'inscrivait dans le cadre de la mission de contrôle sur la gestion des exonérations de cotisations de sécurité sociale, conduite par MM. Charles Descours, Jacques Machet et Alain Vasselle, rapporteurs des lois de financement de la sécurité sociale.

Il a rappelé que les rapporteurs avaient procédé à un certain nombre d'auditions préparatoires, s'étaient déplacés à l'ACOSS pour y rencontrer ses responsables, et avaient consacré une journée à un contrôle sur place à l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Arras, où ils avaient pu s'entretenir également avec des responsables d'entreprise.

M. Bernard Caron s'est, en préambule, félicité du principe de compensation posé par la loi du 25 juillet 1994, imposant à l'Etat de rembourser intégralement à la sécurité sociale le manque à gagner résultant des exonérations de cotisations. Il a estimé que cette loi avait permis de disposer d'une grille de lecture financière des mesures d'exonération. Il a toutefois regretté que ne soient pas compensées les mesures, prises depuis 1994, d'extension du champ d'application ou de majoration du taux d'exonération de dispositifs existants avant 1994.

Puis M. Bernard Caron a rappelé que les organisations patronales estimaient, depuis fort longtemps, que les charges sur les salaires étaient trop élevées. Il a précisé que la convergence des économies européennes imposait de prêter attention, dans ce domaine, à la compétitivité des entreprises françaises.

M. Bernard Caron a estimé que l'ACOSS appliquait une législation complexe avec professionnalisme. Il a regretté que les concepteurs des mesures d'exonération fassent preuve d'une inventivité sans cesse croissante. Il a souligné que le dispositif d'exonération de cotisations sociales résultait d'une superposition de strates successives et était au total difficile à comprendre, difficile à appliquer et difficile à sécuriser juridiquement. Il a estimé, à cet égard, que les dispositifs liés à la réduction du temps de travail étaient particulièrement complexes, rappelant que la circulaire du 3 mars 2000 sur la réduction du temps de travail ne comportait pas moins de 157 pages. Il a constaté, en outre, que l'efficacité d'un certain nombre de mesures se diluait au fil des ans, et qu'il était à tout le moins très difficile de mesurer leur impact. Il a indiqué que l'informatique des URSSAF était fortement mise à contribution pour gérer les différents dispositifs d'exonération, et il a considéré que la complexité juridique faisait peser, au total, une lourde charge, et un risque non négligeable sur les entreprises.

M. Bernard Caron a estimé qu'au-delà d'un discours incantatoire sur la simplification, il apparaissait désormais nécessaire de regrouper certaines mesures d'exonération et d'assurer la sécurité juridique des assujettis. Il a estimé que le développement d'un contentieux social considérable était significatif des défauts du système actuel, malgré les efforts de l'ACOSS, qui avait diffusé une " Charte du cotisant ".

M. Jean-Louis Buhl a souhaité rappeler la logique, le contenu et les conditions d'application des différents dispositifs d'exonération de cotisations.

Il a souligné que ces dispositifs, qui s'étaient multipliés et diversifiés au cours des dix ou quinze dernières années et avaient fait l'objet de nombreux ajustements et compléments, reposaient sur l'analyse selon laquelle les allégements de charges constituaient un levier pour inciter à l'embauche et assurer une meilleure compétitivité des entreprises.

Il a précisé ainsi que les trente-six mesures, qui étaient aujourd'hui en vigueur, relevaient de logiques multiples, visant différentes catégories de salariés (exonération pour favoriser l'embauche de certaines catégories de travailleurs), d'entreprises (exonération premier salarié), d'activités (exonérations spécifiques au textile et au secteur des hôtels-cafés-restaurants), de zones géographiques (zones de redynamisation urbaine, zones de revitalisation rurale), de niveaux de salaires (exonération bas salaires) ou encore de durées du travail (temps partiel, 35 heures). Il a constaté que ces mesures relevaient principalement de la politique de l'emploi, mais pouvaient poursuivre également un objectif d'aménagement du territoire.

M. Jean-Louis Buhl a précisé qu'environ 150 textes différents, modifiés de manière fréquente, régissaient les différents dispositifs, dont les règles de cumul étaient elles-mêmes particulièrement complexes. Il a estimé qu'en dépit des efforts d'informations réalisés, les risques d'insécurité juridique conduisaient certains employeurs à renoncer au bénéfice d'une mesure.

M. Jean-Louis Buhl a souligné la lourdeur des systèmes de contrôle nécessaire à une application exacte des dispositifs : contrôle sur pièce des déclarations, contrôle interne des processus, contrôle sur place par les inspecteurs des URSSAF. Il a ajouté que les exonérations de charges sociales constituaient désormais un des chefs de redressement les plus importants (28 % en 1999, représentant 20 % en valeur) et, de surcroît, en croissance rapide. Il a observé, au demeurant, que les contrôles aboutissaient également à des régularisations au bénéfice du cotisant.

M. Jean-Louis Buhl a constaté que le suivi et le contrôle des mesures d'exonération liées à la réduction du temps de travail faisaient l'objet d'un " partage incertain " entre les URSSAF et les services déconcentrés de l'Etat, et a précisé que les URSSAF n'avaient pas compétence pour l'application du droit du travail, s'agissant notamment du calcul de sa durée. Il a indiqué que, dans ces conditions, les contrôles des URSSAF nécessiteraient un avis préalable ou un rapport des directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) pour confirmer le bien-fondé des exonérations. Il a considéré qu'un partenariat plus approfondi entre les administrations déconcentrées de l'Etat et la branche du recouvrement devenait ainsi nécessaire.

Estimant à 95 milliards de francs le montant des exonérations de cotisations, dont 15 milliards de francs représentant les exonérations non compensées, il a relevé qu'il s'agissait ainsi d'un mode de diversification des ressources de la sécurité sociale. Il a rappelé que 85 % des recettes du régime général (cotisations et contribution sociale généralisée) restaient assises sur des rémunérations.

M. Jean-Louis Buhl a indiqué que la gestion des exonérations demandait un suivi rigoureux, dès lors que les URSSAF étaient, en quelque sorte, ordonnateurs des dépenses de l'Etat par le biais de la compensation, et qu'il leur revenait d'adresser, à l'Etat, une facturation précise. Il a ajouté que la neutralité des relations de trésorerie entre l'Etat et la sécurité sociale était, dans ce domaine, quasiment atteinte.

M. Jean-Louis Buhl a rappelé que les dispositions du paragraphe 241 de la convention d'objectifs et de gestion Etat-ACOSS pour la période 1998-2001 comportaient des engagements en faveur " de textes clairs et adaptés aux réalités vécues par les employeurs " et d'une " rationalisation des règles d'assiette au sein du régime général et en liaison avec les autres régimes de protection sociale, à une simplification des mesures d'assiette ou de taux dérogatoires en faveur de l'Etat ". Il a constaté que ces engagements n'avaient guère été suivis d'effet.

M. Jean-Louis Buhl a expliqué qu'une véritable simplification des dispositifs d'exonération, notamment par leur regroupement, lui paraissait une démarche probablement trop ambitieuse au regard des difficultés à revenir sur des situations acquises. Il a considéré, en revanche, qu'une démarche " plus modeste " devait être entreprise autour de cinq points :

- une nécessaire stabilisation des règles (cibles et critères) qui, actuellement, sont parfois modifiées tous les ans ;

- la limitation des objectifs poursuivis à l'emploi, d'autres techniques que les exonérations de cotisations pouvant être utilement mises en oeuvre pour d'autres objectifs, comme l'aménagement du territoire ;

- le choix de modalités d'exonération moins nombreuses, privilégiant, par rapport à l'abattement forfaitaire, la modulation des taux ;

- une clarification des règles de cumul actuellement très difficile à maîtriser ;

- des délais raisonnables quant à la date d'application des mesures nouvelles permettant de préparer leur mise en oeuvre, afin d'éviter de devoir procéder à des applications rétroactives.

M. Jean Delaneau a demandé si l'augmentation de la charge de gestion et de contrôle avait nécessité des recrutements supplémentaires.

M. Jean-Louis Buhl a indiqué que la convention d'objectifs et de gestion entre l'Etat et l'ACOSS était placée sous le signe d'une stabilité des effectifs de la branche du recouvrement. Il a toutefois précisé que le réseau de recouvrement avait dû être renforcé par environ 200 personnes depuis deux ans.

M. Charles Descours, rapporteur, a considéré que les petites et moyennes entreprises (PME) étaient particulièrement touchées par la complexité. Il a demandé si le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) allait faire des propositions de simplification, dans le cadre du projet de " refondation sociale ".

Il s'est interrogé sur le suivi de la création d'emplois par les URSSAF, et sur les relations entre les URSSAF et les DDTEFP, dans le cadre de la loi sur la réduction négociée du temps de travail. Il a demandé si toutes les directions du ministère de l'emploi partageaient le désir de simplification exprimé par l'ACOSS.

Observant qu'il avait constaté lors du contrôle de l'URSSAF d'Arras que cinq dispositifs représentaient à eux seuls près de 90 % des exonérations accordées, M. Alain Vasselle, rapporteur, a demandé si les coûts de gestion des différents dispositifs par les URSSAF avaient été évalués.

M. Bernard Caron a confirmé que le problème n'était pas identique dans les PME et dans les grandes entreprises. Il a toutefois estimé qu'il n'était pas sain que les grandes entreprises doivent se résoudre, pour faire face à la complexité administrative, à employer des personnes à des tâches parfaitement improductives. Il a indiqué que le MEDEF avait suscité la création d'un groupement d'intérêt public (GIP) " Modernisation des déclarations sociales " ayant pour but de " masquer la complexité administrative ", par un portail Internet (Net entreprises) permettant aux entreprises de payer leurs cotisations et d'accomplir leurs différentes formalités (déclaration unique d'embauche (DUE), déclaration unifiée de cotisations sociales (DUCS), déclarations annuelles de données sociales (DADS)). Il a ajouté que ce GIP réunissait trente-cinq organismes de protection sociale, en accord avec le ministère de l'emploi et de la solidarité et le secrétariat d'Etat aux PME. Il a rappelé que le MEDEF s'était opposé aux trente-cinq heures, qui ajoutent à la complexité. Il a estimé que les exonérations en vigueur dans les zones franches, relevant de la politique d'aménagement du territoire, étaient particulièrement complexes. Il a regretté l'empilement des dispositifs, sans aucune cohérence d'ensemble selon lui.

M. Jean-Louis Buhl a indiqué que les URSSAF n'étaient pas en mesure de comptabiliser les emplois créés par les différentes mesures. Il a indiqué qu'elles avaient connaissance des effectifs de bénéficiaires des allégements et des effectifs globaux des entreprises, mais qu'il était impossible d'isoler les emplois créés. Il a précisé qu'une convention avait été signée entre l'ACOSS et la direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES) et que cette direction était chargée du suivi statistique des mesures emploi.

S'agissant des relations URSSAF-DDTEFP dans le cadre des allégements de charges liées à la réduction du temps de travail, il a indiqué qu'un comité de liaison national commun à l'ACOSS, la direction de la sécurité sociale et à la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, s'efforçait d'apporter des réponses juridiques aux questions posées par l'application, sur le terrain, des dispositions législatives et réglementaires. Il a indiqué que de nombreuses réunions avaient lieu au niveau départemental. Il a estimé que la coopération n'était certes pas identique dans tous les départements, mais qu'il était clair que l'objectif était d'éviter les divergences d'interprétation entre les services publics.

Répondant à M. Alain Vasselle, il a indiqué qu'il était impossible d'isoler le coût de gestion propre à chaque dispositif d'exonérations de cotisations, ni même à l'ensemble des dispositifs. Il a estimé intuitivement cette dernière charge à un tiers du coût de traitement d'une déclaration. Il a précisé que la gestion d'un cotisant représentait 1.000 francs par an et que le coût de gestion des URSSAF s'élevait à 0,5 % des masses financières recouvrées.

Il a considéré que toutes les directions du ministère de l'emploi et de la solidarité étaient sensibles à la nécessité de la simplification, mais que la délégation générale à l'emploi devait conjuguer cet impératif avec la priorité qui était la sienne, qui est de favoriser l'emploi.

M. Louis Souvet a estimé que la branche du recouvrement était la mieux à même d'effectuer un bilan des différentes mesures emploi, et de proposer des regroupements, autour de " familles " de mesures, ou des rationalisations. Il s'est interrogé sur la possibilité de réaliser des applications informatiques permettant de guider le cotisant pas à pas.

M. Alain Gournac a souhaité une évaluation complète de l'efficacité des différentes mesures. Il a relevé que les PME étaient confrontées à de grandes difficultés pour calculer leurs cotisations. Il a évoqué l'expérience du chèque emploi-service, qui pourrait être étendue aux très petites entreprises.

M. Jean Chérioux a estimé qu'il était nécessaire de disposer d'une répartition, par branches, des différentes recettes de la sécurité sociale.

M. Jacques Machet, rapporteur, a considéré que la construction de l'Europe sociale pourrait permettre des simplifications.

M. Martial Taugourdeau a rappelé que les erreurs des cotisants, de bonne foi, pouvaient se solder par des majorations de cotisations très préjudiciables.

M. Marcel Lesbros a estimé que la complexité des mesures d'exonération mettait également en cause la responsabilité du législateur.

Répondant aux différents intervenants, M. Bernard Caron a évoqué le nombre de pages paraissant annuellement au Journal officiel " Lois et décrets ". Il a estimé que l'adage " nul n'est censé ignorer la loi " était vain. Il a ajouté qu'il était désormais nécessaire de procéder à un " dépoussiérage ", en supprimant toutes les mesures peu utilisées ou en voie d'extinction. Il a douté de la pertinence des études d'impact accompagnant les projets de loi qui doivent pourtant, en principe, évaluer les mesures proposées en termes de formalité et de coût de gestion.

M. Jean-Louis Buhl a confirmé que l'objectif de sécurité et de stabilité juridique était essentiel. Il a considéré que de gros efforts informatiques, à travers le projet " Net entreprises ", étaient engagés. Il a toutefois signalé que le principe du système déclaratif imposait des contrôles a posteriori. Il a précisé que les URSSAF menaient, de plus en plus, des actions de prévention.

S'agissant des chèques emploi-service, il a relevé que cette simplification majeure était liée à une profession particulière, mettant en jeu une seule caisse de retraite complémentaire. Il a indiqué que le projet de loi d'orientation sur les départements d'outre-mer (DOM) comportait une mesure de " titre emploi-service " et que cette expérience serait intéressante à suivre.

Mission de contrôle sur la gestion des exonérations de charges sociales - Audition de Mme Catherine Barbaroux, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle

Puis la commission a procédé à l'audition de Mme Catherine Barbaroux, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle.

Mme Catherine Barbaroux, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle, a considéré que la conduite d'une politique privilégiant les exonérations de cotisations sociales posait trois types de questions respectivement relatives à la pertinence de cet outil par rapport aux objectifs recherchés, à son efficacité comparée à celle des autres outils de la politique de l'emploi, et aux moyens de son suivi et de son amélioration.

Elle a estimé que le Gouvernement avait choisi de conférer la priorité au recours à une gamme d'outils la plus large possible en matière de politique de l'emploi. Elle a déclaré que la politique menée en matière d'exonérations de charges sociales poursuivait plusieurs finalités : modifier l'ordre de la file d'attente au bénéfice des demandeurs d'emploi les plus fragiles (jeunes, chômeurs de longue durée), favoriser le développement dans certaines zones géographiques ou certains quartiers dans le cadre d'une politique d'aménagement du territoire, et abaisser le coût du travail au travers des exonérations généralisées.

Mme Catherine Barbaroux a observé que ces différentes mesures d'exonérations de charges étaient largement utilisées par les petites et moyennes entreprises (PME) et en a conclu qu'elles devaient par conséquent répondre à une attente. Elle a reconnu que ces exonérations de charges sociales pouvaient paraître complexes. Elle a rappelé toutefois que le Gouvernement avait commencé à simplifier ces dispositifs en supprimant l'abattement de charges sociales dont pouvaient bénéficier les emplois à temps partiel.

Mme Catherine Barbaroux a indiqué que le suivi des résultats obtenus par ces différentes mesures d'exonérations s'effectuait au moyen de trois catégories d'instruments : des tableaux de bord budgétaires, des études approfondies élaborées par la Direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES), ainsi que par des sondages effectués sur des échantillons d'entreprises.

Evoquant les modalités de gestion de ces exonérations de charges sociales, Mme Catherine Barbaroux a rappelé que certaines d'entre elles étaient mises en oeuvre par l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) et d'autres par le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA). Elle a précisé que des réunions techniques associant ces organismes et les services du ministère de l'emploi et de la solidarité permettaient d'assurer le suivi des dépenses. Elle a observé, toutefois, qu'il n'y avait pas d'échanges concernant le coût de la gestion des exonérations de charges sociales entre les services du ministère et l'URSSAF.

Mme Catherine Barbaroux a considéré que les entreprises préféraient les mesures d'exonérations de charges sociales à d'autres dispositifs d'aides encore plus complexes, comme les primes et les conventionnements. Elle a précisé que le ministère de l'emploi et de la solidarité continuait à mener des actions d'information à destination des entreprises pour leur expliquer les règles d'attribution de ces différentes aides, ainsi que leur régime respectif. Elle a souligné que les entreprises souhaitaient avant tout une stabilité dans le régime des aides, ce qui expliquait la lente montée en charge des nouvelles mesures mises en place.

M. Charles Descours, rapporteur, a souhaité que la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle puisse communiquer, chaque année, à la commission, le nombre d'emplois créés par chacune des mesures d'exonérations de charges sociales existantes. Il a remarqué que 5 exonérations sur 36 représentaient à elles seules 97 % des crédits consacrés aux allégements de charges sociales ; il s'est interrogé en conséquence sur les possibilités de simplifier l'ensemble du dispositif. Il a observé que la plupart des PME étaient dépourvues de service juridique et se trouvaient dans l'incapacité d'appréhender la complexité des différentes mesures d'exonérations de charges sociales mises en place. Il a souhaité connaître l'état de la coopération entre les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et les URSSAF.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a souhaité connaître quelle pouvait être la mesure de l'effet de levier de la politique d'allégement des charges sociales sur l'emploi et les recettes fiscales.

Mme Catherine Barbaroux a estimé que les résultats en termes d'emplois créés par chacune des mesures étaient plus ou moins disponibles selon la nature du dispositif. Elle a remarqué que les chiffres précis pouvaient être obtenus en matière d'alternance et d'emplois aidés, mais que cela était plus difficile lorsque le dispositif, comme dans le cas de la réduction du temps de travail ou de l'aménagement du territoire, avait une forte dimension macro-économique, sans effet direct sur l'emploi, qui puisse être distinguée clairement des effets d'aubaine ou de ceux de la conjoncture. Elle a néanmoins estimé que la DARES, qui travaillait dans une parfaite transparence et avec un souci reconnu d'objectivité, était en mesure d'obtenir des résultats intéressants.

Evoquant les formalités administratives, elle a souligné qu'il n'y avait pas de réponse simple à des situations complexes, et a précisé que la circulaire d'application des 35 heures, qui comportait plus d'une centaine de pages, s'adressait non pas aux entreprises, mais aux services. Elle a observé, à cet égard, que l'URSSAF avait réalisé, à l'intention de ces dernières, un dépliant de 4 pages remarquablement pédagogique. Elle a rappelé, en outre, que, dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi relative à la réduction négociée du temps de travail, les employeurs avaient pu faire leur déclaration sur papier libre, afin de pouvoir bénéficier des allégements de charges dans les meilleurs délais.

Mme Catherine Barbaroux a considéré par ailleurs que la collaboration entre les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et les URSSAF était satisfaisante. Elle a rappelé qu'un comité national de pilotage avait été mis en place, ainsi qu'un comité technique chargé d'établir des réponses pratiques aux différents problèmes rencontrés par les entreprises.

Mme Catherine Barbaroux a insisté sur le nouveau rôle des agents du ministère de l'emploi dans le cadre de la mise en oeuvre de la seconde loi sur les 35 heures qui se trouvaient désormais dans une " posture " d'accompagnement et non d'agrément ou de contrainte.

Elle a rappelé, en effet, qu'à la différence du régime résultant de la loi du 13 juin 1998, les agents du ministère de l'emploi n'avaient plus à agréer ou à apprécier le contenu des accords signés : la décision du Conseil constitutionnel sur la loi du 19 janvier 2000 avait confirmé ce point sans ambiguïté. Il appartenait à l'administration de surveiller simplement que les partenaires sociaux avaient appliqué correctement les quelques contraintes de la loi en matière de validité des accords.

Répondant à M. Charles Descours, rapporteur, qui souhaitait obtenir davantage de précisions sur la nature des contrôles exercés dans le cadre de la loi du 19 janvier 2000, Mme Catherine Barbaroux a indiqué qu'ils s'exerçaient à plusieurs niveaux.

Elle a confirmé, tout d'abord, que, dès lors que le dispositif était déclaratif, aucun contrôle n'était opéré à son entrée, sauf un contrôle de " bon sens " quant à la forme de l'accord notamment, qui conduisait d'ailleurs à une mise en garde et non à un blocage.

Elle a indiqué que, par la suite, chaque administration disposait de ses pouvoirs propres, l'URSSAF pouvant constater de fausses déclarations ou omissions, la direction départementale du travail, saisie par l'inspection du travail, s'assurant du respect des aspects fondamentaux de l'accord : respect de la durée collective du travail, respect des engagements pris en matière de création d'emplois -sachant qu'un accord pouvait, le cas échéant, ne comporter aucun engagement de création d'emplois-, qualité des personnes mandatées pour négocier l'accord.

Mais elle a considéré que le contrôle le plus efficace restait bien celui qui engageait les partenaires sociaux signataires de l'accord.

Elle a précisé, enfin, qu'il appartenait à la direction départementale du travail de transmettre son rapport à l'URSSAF, seul décideur, et naturellement au chef d'entreprise.

Répondant à M. Alain Vasselle, Mme Catherine Barbaroux a déclaré qu'il subsistait des incertitudes concernant la mesure de l'effet de levier en matière fiscale. Elle a observé que la baisse du chômage, à laquelle on pouvait assister, constituait néanmoins un puissant facteur d'augmentation des recettes fiscales.

En réponse à M. Charles Descours, Mme Catherine Barbaroux a, par ailleurs, déclaré que le nombre d'accords signés suivait une pente ascendante depuis l'entrée en vigueur de la loi. Elle a estimé que 3 millions de salariés étaient aujourd'hui couverts par un accord, et que ce nombre devrait s'élever à 4 millions d'ici la fin de l'année 2000.

Elle a rappelé que 4,3 milliards de francs étaient inscrits sur les crédits du ministère au titre de la participation de l'Etat au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, et a estimé que le manque à gagner, entraîné par la censure, par le Conseil constitutionnel, de la taxation des heures supplémentaires, -soit 7 milliards de francs sur un total de 63 milliards de francs- devait s'apprécier au regard de l'évolution a priori positive des autres lignes de recettes du fonds.

Nomination d'un rapporteur

Puis la commission a nommé Mme Annick Bocandé, rapporteur sur laproposition de loi n° 258 (1999-2000), adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Saisine de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entres les femmes et les hommes

Au titre des questions diverses, M. Jean Delaneau, président, a proposé à la commission, en application du paragraphe III de l'article 6 septies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, de saisir la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de la proposition de loi n° 258 (1999-2000), adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. La commission en a ainsi décidé.

Mission commune d'information - Délocalisations - Communication

M. Jean Delaneau, président, a également informé la commission que M. Jean Arthuis, en qualité de président de l'intergroupe de la majorité sénatoriale, lui avait fait part de son souhait que soit créée une mission commune d'information sur les délocalisations. Il a proposé à la commission de s'associer à la demande adressée au bureau du Sénat par les commissions des affaires étrangères et de la défense, des affaires économiques et des finances. La commission en a ainsi décidé.