AFFAIRES SOCIALES
Table des matières
- Mardi 24 octobre 2000
- Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 - Audition de M. Jean-Luc Cazettes, président de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS)
- Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 - Audition de Mme Nicole Prud'homme, présidente de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF)
- Projet de loi de finances pour 2001 - Audition de M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants
- Mercredi 25 octobre 2000
- Jeudi 26 octobre 2000
- Projet de loi de finances pour 2001 - Crédits consacrés aux anciens combattants - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2001 - Crédits consacrés à la politique du logement social - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2001 - Crédits consacrés à la politique de la ville - Examen du rapport pour avis
- Contrôle de l'application des lois (année parlementaire 1999-2000) - Communication du président Jean Delaneau
Mardi 24 octobre 2000
- Présidence de M. Jean Delaneau, président -
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 - Audition de M. Jean-Luc Cazettes, président de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS)
La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-Luc Cazettes, président de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), accompagné de M. Patrick Hermange, directeur, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
M. Jean-Luc Cazettes a rappelé que le conseil d'administration de la CNAVTS avait émis un avis défavorable sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Il a précisé que l'essentiel des critiques avait porté sur la complexité des financements croisés que mettait en place le projet de loi ainsi que sur l'exonération de la contribution sociale généralisée (CSG) sur les bas salaires qui accentuait les risques de " trappe à pauvreté ".
M. Jean-Luc Cazettes a déclaré que l'ensemble du conseil d'administration avait en revanche accueilli favorablement les mesures de revalorisation des pensions et l'engagement de l'Etat de rembourser sa " dette " aux régimes de retraites complémentaires.
M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres généraux et l'assurance maladie, a pris acte du vote du conseil d'administration de la CNAVTS. Il s'est interrogé sur les difficultés rencontrées par les administrateurs du régime devant la complexité sans cesse accrue du financement de la sécurité sociale.
Il a ensuite interrogé M. Jean-Luc Cazettes sur le financement du fonds de réserve pour les retraites. Il lui a demandé si la somme de 1.000 milliards de francs lui semblait suffisante pour faire face aux déséquilibres des régimes de retraite. Il l'a en outre interrogé sur l'utilité de transférer à un fonds de réserve les excédents de la CNAVTS.
En réponse à M. Charles Descours, rapporteur, M. Jean-Luc Cazettes a confirmé que la complexité des circuits financiers et leur modification, chaque année, conduisaient à de grandes difficultés d'analyse.
Estimant que le fonds de réserve était une " solution intéressante ", il a souligné toutefois son " financement hasardeux " dès lors que le fonds ne dispose pas d'une alimentation pérenne. Il a précisé en outre que le fonds lui semblait ne pouvoir constituer qu'un instrument de " lissage " et a fait part de ses interrogations sur la manière dont ses réserves passeraient de 55 milliards en 2001 à 1.000 milliards en 2020.
Rappelant que la CNAVTS n'avait guère eu, par le passé, l'habitude de gérer des excédents, M. Jean-Luc Cazettes a fait état des prévisions du Gouvernement reposant sur un taux de chômage de 4,5 % en 2010 et une croissance de 3,4 %, puis de 3 %. Ces hypothèses conduisent à faire apparaître, en 2010, un excédent cumulé de la CNAVTS de 120 milliards de francs qui serait affecté au fonds de réserve. Il a considéré que cette affectation lui semblait préférable à une situation conduisant à " noyer " l'excédent dans les circuits complexes qui existaient entre les branches du régime général. Il a, par ailleurs, précisé que les excédents actuels étaient gérés par l'ACOSS et généraient des produits financiers à un taux de l'ordre de 4,3 %.
M. Jean-Luc Cazettes a toutefois fait observer que la CNAVTS enregistrait à nouveau des pertes à compter de 2010 et que son déficit cumulé en 2020 était ainsi évalué à 474 milliards de francs.
A la demande de M. Alain Vasselle, rapporteur, M. Jean-Luc Cazettes a précisé que ce déficit cumulé en 2020 incluait les excédents réalisés jusqu'en 2010.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse, a observé que, dès lors que la CNAVTS se serait privée de cet excédent au profit du fonds de réserve, son déficit cumulé atteindrait 600 milliards de francs en 2020.
M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres généraux et l'assurance maladie, a demandé à M. Jean-Luc Cazettes s'il souhaitait une gestion plus dynamique pour le fonds de réserve.
M. Jean-Luc Cazettes s'est déclaré favorable à une gestion plus dynamique mais a fait remarquer que celle-ci passait par une clarification de son statut. Il s'est par ailleurs interrogé sur l'impact que pourrait avoir, sur les modalités de gestion du fonds de réserve, la proposition de directive européenne relative au fonds de retraite par capitalisation.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse, a souligné que le mécanisme pérenne de revalorisation des pensions, attendu depuis 1998, n'était toujours pas fixé.
En réponse à M. Alain Vasselle, rapporteur, M. Jean-Luc Cazettes a fait observer que le conseil d'administration de la CNAVTS était gestionnaire d'un régime dont il ne fixe ni les recettes, ni les dépenses.
Il a souligné que la loi d'août 1993 prévoyait une indexation sur les prix mais ouvrait la possibilité ponctuelle de faire participer les retraités aux " fruits de la croissance ". Il a déclaré que la revalorisation annoncée par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 n'influait guère sur la perspective des régimes de retraite même s'il a rappelé que l'indexation des pensions sur les prix était l'indexation la plus favorable aux équilibres financiers des régimes.
M. Patrick Hermange, directeur, a ajouté que le problème du financement des retraites demeurait entier et ne pouvait être résolu que par des outils législatifs nouveaux.
M. Jean-Luc Cazettes a de nouveau affirmé que l'objectif d'un fonds de réserve de 1.000 milliards de francs nécessitait un financement pérenne.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est interrogée sur les recettes pérennes que préconisait la CNAVTS.
M. Jean Chérioux s'est interrogé sur l'ampleur de la hausse de cotisations nécessaire pour couvrir le besoin de financement de la CNAVTS.
M. Jean-Luc Cazettes lui a répondu qu'une hausse des cotisations échelonnée de 1,5 point en 2015 et de 3,5 points en 2020 était nécessaire pour assurer, toute chose égale par ailleurs, le financement de la CNAVTS, soit une augmentation des cotisations de 25 %.
Se refusant à préconiser des mesures au titre du conseil d'administration de la CNAVTS, il a cependant rappelé que le rapport Foucauld avait formulé plusieurs propositions en ce sens. Il s'est en outre inquiété d'une croissance de la masse salariale inférieure à celle du PIB. Il a souligné l'importance que revêtait cette baisse relative des salaires dans la valeur ajoutée dans les problèmes de financement des régimes de retraite.
M. Guy Fischer, constatant le développement de revendications sur les retraites en Europe, s'est enquis du montant de la perte de pouvoir d'achat pour les retraités résultant d'une indexation des pensions sur les prix.
M. Jean-Luc Cazettes a estimé à 100 milliards de francs pour les régimes de retraite le manque à gagner résultant de la baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée. Il a par ailleurs remarqué que l'évolution de la fiscalité n'avait pas été favorable aux retraités au cours des dernières années, notamment du fait de la CSG.
En réponse au problème de l'évolution moins favorable de l'assiette des cotisations, M. Jean-Luc Cazettes a souligné que le Japon et l'Allemagne avaient réfléchi à un financement des retraites par un prélèvement sur la consommation dont l'évolution est plus proche de celle de la croissance économique.
M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres généraux et l'assurance maladie, a demandé à M. Jean-Luc Cazettes si la CNAVTS ne considérait pas que le transfert de 0,15 point de CSG du FSV vers la CNAMTS risquait d'entamer le financement du fonds de réserve.
M. Jean-Luc Cazettes a rappelé l'avis négatif du conseil d'administration de la CNAVTS sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il a souligné que la mesure d'exonération de CSG avait rencontré une opposition quasi unanime. Il a ajouté que l'Etat s'engageait à compenser la perte de recettes mais mettait néanmoins la neutralité de cette mesure au conditionnel.
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 - Audition de Mme Nicole Prud'homme, présidente de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF)
La commission a ensuite entendu Mme Nicole Prud'homme, présidente de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF).
Mme Nicole Prud'homme s'est réjouie de voir le projet de financement de la sécurité sociale bâti sur les excédents de la branche famille, mais elle a indiqué qu'elle aurait préféré prendre acte de davantage de mesures nouvelles en faveur des familles.
Elle a rendu compte à la commission de l'avis défavorable rendu par le conseil d'administration de la CNAF sur le projet de financement de la sécurité sociale pour 2001. Elle a précisé que 24 voix s'étaient exprimées contre le projet, 5 abstentions et 4 prises d'acte.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour la famille, s'est montré heureux que la commission puisse entendre Mme Nicole Prud'homme et a tenu à rendre hommage à M. Jacques Machet qui avait souhaité être déchargé de son rapport famille. Il a demandé à Mme Nicole Prud'homme l'avis de la CNAF sur le transfert de financement de la majoration de pensions pour enfant à la branche famille qu'il a hésité à qualifier de " mesure nouvelle en faveur des familles ".
En réponse, Mme Nicole Prud'homme a déclaré que ce transfert constituait en réalité une " mesure nouvelle en défaveur des familles ". Elle a rappelé que la majoration de pension pour enfant était à la charge du fonds de solidarité vieillesse (FSV) et que le FSV avait été créé, notamment, pour assurer une solidarité des citoyens à l'égard des parents. Elle a évalué à 20 milliards de francs le montant annuel mis ainsi à la charge de la branche famille. Elle a constaté que la situation des parents retraités n'était pas affectée par ce transfert mais que les excédents de la branche famille ne seront plus disponibles pour des mesures nouvelles.
Elle a rappelé que le Gouvernement avait prévu ce basculement sur sept ans. Elle a formulé toutefois la crainte de voir ce calendrier accéléré en cas d'excédents importants de la branche famille.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour la famille, a demandé à Mme Nicole Prud'homme l'avis de la CNAF sur l'accélération du transfert du financement de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire à la branche famille.
Mme Nicole Prud'homme a dénoncé la méthode choisie par le Gouvernement. Elle a rappelé que la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (MARS), dès lors qu'elle était pérennisée, devenait légitimement une prestation à la charge de la branche famille. Elle a cependant précisé qu'il avait été annoncé, lors de la conférence de la famille de juin 1999, que cette prise en charge serait progressive, sur trois ou quatre ans. Elle a constaté que les excédents dégagés par la branche ont incité le Gouvernement à accélérer le rythme de ce transfert. Elle a également souligné que les 6,6 milliards de francs de cette majoration, qui " plombent les comptes de la branche ", étaient versés dès le premier enfant sous des conditions de ressources restrictives et qu'elle générait des effets de seuil considérables. Elle a indiqué, en outre, qu'une modulation de l'allocation de rentrée scolaire selon l'âge et la scolarisation de l'enfant était à l'étude pour 2001.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour la famille, a demandé à Mme Nicole Prud'homme si la CNAF estimait que l'exonération de CSG sur les bas salaires était équitablement compensée et si la CNAF avait été consultée pour la suppression de sa part du prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine.
Mme Nicole Prud'homme a déclaré ne pouvoir répondre que partiellement aux interrogations du rapporteur. Elle a rappelé que les chiffres communiqués à la CNAF par le ministère de l'économie et des finances faisaient apparaître une affectation de taxe sur les conventions d'assurance équivalente à la perte de CSG. Elle a toutefois précisé que la CNAF ne disposait pas de moyens techniques pour se livrer à des vérifications. Elle a, en revanche, regretté de ne pas avoir été prévenue, lors de ses rencontres avec la ministre déléguée à la famille et à l'enfance, de la suppression de la part du prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine affectée à la CNAF, non plus que du transfert de la majoration de pension pour enfant, qu'elle a donc découverts lors de la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale. Elle a toutefois émis l'hypothèse que la ministre ignorait elle-même ces mesures. Elle a déclaré souhaiter, en tout état de cause, plus de dialogue et de consultation à l'avenir.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour la famille, a demandé à Mme Nicole Prud'homme si les mesures en faveur des crèches et de l'aide maternelle étaient susceptibles de résoudre les problèmes de la garde des enfants, notamment celui des gardes de fin de journée ou de début de soirée.
Mme Nicole Prud'homme a souligné que la garde des enfants était un problème sensible qui a deux volets distincts : la garde d'enfant par un tiers et celle par les parents.
Elle a indiqué que l'allocation parentale d'éducation (APE) s'inscrit dans le principe de libre choix du mode de garde et concerne 530.000 enfants. Elle a rappelé que la suppression de cette possibilité pourrait conduire près de 250.000 femmes à retourner sur le marché du travail, ce qui poserait alors la question de la garde de leurs enfants.
Elle a déclaré, en outre, que les modes de garde de près de 500.000 enfants ne sont pas répertoriés. Elle a précisé que seuls 9 % des enfants sont gardés dans un mode collectif et a rappelé qu'il ressortait des études conjointes de la CNAF et du Centre de recherche et de documentation sur la consommation (CREDOC) une forte demande des familles pour des modes de garde collectifs.
Mme Nicole Prud'homme a ajouté espérer que la réduction de la durée du travail apporte des solutions nouvelles au problème des gardes de fin de journée. Elle a estimé que cette question touchait l'ensemble des femmes actives, tant celles occupant des emplois d'encadrement que celles subissant des temps partiels non choisis. Elle a rappelé que si les équipements existants ne couvraient pas tous les besoins, la femme française avait un taux d'activité supérieur aux autres femmes européennes et que cette particularité devait être mise au crédit de la politique familiale.
Elle a, par ailleurs, souligné que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 prévoyait un prélèvement de 1,5 milliard de francs sur l'excédent de la branche famille en 1999 pour alimenter un fonds d'investissement des crèches. Elle a rappelé le souhait de la CNAF que soient majorées les subventions d'investissement quand ces centres d'accueil élargissent leur amplitude d'horaires. Elle a néanmoins mis en garde contre une trop grande flexibilité des horaires qui bouleverserait les rythmes de vie des enfants.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour la famille, a demandé à Mme Nicole Prud'homme si le projet de loi de financement de la sécurité sociale lui semblait répondre à la question du coût des jeunes adultes et les mesures qui seraient susceptibles d'être prises pour soulager les familles.
Mme Nicole Prud'homme a constaté l'absence de mesures concernant la question des jeunes dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Elle a insisté sur la diversité de cette population et a cité la mise en place d'un groupe de travail au ministère de la famille, de même que la perspective d'un avis du Conseil économique et social qui devraient trouver un écho dans le cadre de la conférence de la famille en 2001.
Elle a, en outre, souligné que la branche famille fournissait un effort considérable en faveur des jeunes adultes, au travers des allocations de logement qu'elle verse à 600.000 étudiants. Elle a indiqué qu'une action spécifique serait possible en 2002 si un excédent sur l'exercice 2001 le permettait.
M. Gilbert Chabroux s'est félicité des excédents enregistrés par la branche famille et a rappelé que ceux-ci n'avaient pas toujours été le lot de la branche. Il a demandé à Mme Nicole Prud'homme l'avis du conseil d'administration de la CNAF sur le congé de présence parentale.
M. Jean Delaneau, président, a tenu à rappeler que le congé de présence parentale avait fait l'objet d'une proposition de loi sénatoriale à laquelle le Gouvernement avait opposé l'irrecevabilité financière.
M. Gilbert Chabroux a fait observer que le Gouvernement s'était alors toutefois engagé à faire aboutir le projet.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse, a interrogé Mme Nicole Prud'homme sur la part respective des prestations de solidarité versées sous condition de ressources et des prestations purement familiales servies universellement.
Il s'est par ailleurs interrogé, les crèches ne couvrant que 9 % de l'accueil des enfants, sur la possibilité de privilégier l'assistance maternelle en milieu rural.
En réponse à M. Alain Vasselle, Mme Nicole Prud'homme a rappelé qu'il était nécessaire de distinguer l'aide sociale et l'action sociale. Elle a souligné que l'inscription de 1,7 milliard de francs par le projet de loi de financement de la sécurité sociale au fonds national d'action sociale donnerait à la CNAF les moyens d'une action sociale dynamique.
Elle a regretté que l'annonce par le Gouvernement du congé et de l'allocation de présence parentale ait eu lieu avant même la saisine du conseil d'administration de la CNAF et a souligné la diligence dont faisait preuve le personnel des caisses d'allocations familiales pour mettre en oeuvre, dans les meilleures conditions, les mesures nouvelles en faveur des familles. Elle s'est toutefois inquiétée de la cohérence entre cette nouvelle mesure et celle existant déjà traitant la question de l'enfant sévèrement malade.
Projet de loi de finances pour 2001 - Audition de M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants
Enfin, la commission a entendu M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants, sur les crédits consacrés à son ministère.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants, a tout d'abord rappelé que le projet de budget des anciens combattants pour 2001 diminuait moins que les budgets des années précédentes mais également dans une moindre proportion que la diminution du nombre d'anciens combattants. Il en a conclu que le montant des crédits budgétaires rapporté au nombre d'anciens combattants avait tendance à augmenter.
Il a également indiqué que le projet de budget apportait des réponses concrètes à plusieurs revendications du monde combattant. A cet égard, il a souligné que, depuis son entrée en fonctions, il s'était principalement efforcé de résoudre le contentieux existant avec les anciens combattants d'Afrique du nord et que des progrès très sensibles avaient été réalisés. Il a observé que le projet de budget pour 2001 apportait deux nouvelles réponses : l'assouplissement des conditions d'attribution de la carte du combattant pour les rappelés et l'extension des dates permettant d'obtenir le titre de reconnaissance de la Nation.
Il a également rappelé que ce projet de budget apportait de nouvelles avancées plus générales : augmentation du plafond majorable de la retraite mutualiste, poursuite du retour à la parité du montant des pensions des plus grands invalides, augmentation des crédits consacrés à la mémoire et soutien accru à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC), notamment pour la mise aux normes des maisons de retraite et pour son action sociale.
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, après avoir reconnu l'action menée par le secrétaire d'Etat dans certains domaines, a pour sa part regretté le faible nombre de mesures nouvelles présentées dans le budget et a déclaré ne pas admettre la diminution des crédits, considérant que si le nombre d'anciens combattants pouvait effectivement diminuer, ils étaient confrontés à une précarité croissante.
Il a alors interrogé le secrétaire d'Etat sur la question de la décristallisation et rappelé le récent avis du Conseil d'Etat laissant espérer la levée de la forclusion pour l'attribution des retraites du combattant.
M. Jean-Pierre Masseret a indiqué que cet avis ne signifiait pas la levée de la forclusion pesant sur la retraite du combattant, même à un taux cristallisé. Il a toutefois considéré que cet avis était important car il pourrait permettre d'avancer dans ce dossier éventuellement au cours de la discussion budgétaire. Il a également précisé qu'il importait de faire d'autres propositions sur la question de la décristallisation, notamment en matière de possibilité de réversion, de reconnaissance des aggravations des invalidités et de revalorisation du montant des pensions et retraites, en particulier pour les pays du Maghreb qui sont les seuls à avoir accumulé un retard en termes de pouvoir d'achat.
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, s'est ensuite interrogé sur la situation des veuves d'anciens combattants et sur les perspectives de réforme des dispositifs en leur faveur.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants, a indiqué qu'il venait d'engager une discussion avec le monde combattant sur ce sujet. Il a fait part de son souci d'améliorer la situation des veuves, en particulier dans trois situations.
S'agissant des veuves des plus grands invalides dont la pension est proche de 4.000 francs par mois et qui n'ont souvent jamais travaillé, il a estimé qu'il fallait réfléchir à un système de cotisation obligatoire dont le financement reste à définir et qui pourrait permettre à la veuve de bénéficier du minimum vieillesse et d'une réversion de la pension de son mari.
S'agissant des veuves de guerre, il a jugé qu'il était possible de moduler le nombre de points de pension pour permettre la revalorisation de leur pension.
S'agissant des autres veuves ressortissantes de l'ONAC, il a considéré que leur situation relevait sans doute plus de la politique de solidarité générale que d'une action spécifique de son département ministériel. Toutefois, il s'est montré favorable à la mise en place d'une aide spécifique sous condition de ressources. Il a ainsi estimé qu'il était possible de réfléchir à un redéploiement des crédits du fonds de solidarité en faveur des veuves mais aussi des anciens combattants en situation de difficulté quotidienne.
Il a jugé qu'en l'état actuel des choses un élargissement du droit à réparation était difficilement envisageable mais qu'il accordait une attention toute particulière à garantir l'absence de toute remise en cause de celui-ci.
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, s'est également interrogé sur l'opportunité d'un abaissement éventuellement progressif de l'âge d'obtention de la retraite du combattant.
M. Jean-Pierre Masseret a indiqué qu'il s'agissait d'une revendication relativement nouvelle du monde combattant souvent présentée comme une compensation à l'absence de retraite anticipée. Il a fait part de sa réserve sur cette mesure à la fois pour des raisons de principe, considérant que l'âge d'obtention de la retraite du combattant avait toujours été de 65 ans et que l'augmentation de l'espérance de vie en faisait un système de plus en plus favorable, et pour des raisons budgétaires, le coût d'une telle mesure étant estimé à 3,4 milliards de francs sur trois ans, dont 1,5 milliard de francs la première année.
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, s'est inquiété alors de la date d'un retour définitif à la parité des pensions des plus grands invalides.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants, s'est engagé à ce que celui-ci soit définitif pour 2002.
Puis, M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, s'est interrogé sur les conditions d'indemnisation des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes.
M. Jean-Pierre Masseret a rappelé que la fondation Entente franco-allemande avait été dotée d'un fonds de 264 millions de Deutsch Mark pour indemniser les incorporés de force, mais que le règlement de la fondation avait exclu les incorporés de force dans les formations paramilitaires. Il a indiqué que seuls pouvaient bénéficier de l'indemnisation ceux qui pouvaient justifier avoir participé à des combats. Il a souligné que le conseil d'administration de l'Entente franco-allemande s'était effectivement engagé à participer à l'indemnisation de ces incorporés de force mais à la condition que des crédits budgétaires y concourent également. Il a alors fait part de sa crainte d'une incompatibilité entre le versement de telles indemnités et le règlement intérieur de la fondation, qui pourrait alors se traduire par un contentieux massif devant les tribunaux entraînant une très forte insécurité juridique pour les bénéficiaires. Il a toutefois précisé qu'actuellement, sur 11.425 dossiers reçus d'incorporés de force dans les formations paramilitaires, 1.582 avaient été rejetés, 7.901 avaient été traités et 1.242 restaient en instance.
Enfin, M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, s'est interrogé sur la position du Gouvernement concernant l'institution d'une date commémorative pour les morts de la guerre d'Algérie.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants, a indiqué qu'il constatait sur ce point une forte division du monde combattant et qu'en tant que responsable ministériel il ne proposait pas au Gouvernement de retenir une date parmi plusieurs dates proposées. Il a en effet précisé que les dates du 11 novembre et du 8 mai avaient fait l'objet d'un vote unanime des parlementaires et que l'unanimité ne serait sans doute jamais réalisée pour une date commémorative de la guerre d'Algérie. Il a en revanche rappelé qu'il avait donné ordre aux représentants de l'Etat dans les départements de participer aux différentes cérémonies commémoratives organisées et qu'il cherchait à avancer rapidement sur le dossier du Mémorial national des morts d'Afrique du nord.
M. Roland Huguet s'est interrogé sur les conséquences d'une possible ouverture de la gestion de la retraite mutualiste du combattant au secteur marchand en application de la prochaine ordonnance portant refonte du code de la mutualité ; il a souhaité obtenir des assurances sur l'avenir du site national de Lorette.
M. Louis Boyer s'est interrogé sur l'amélioration des circuits de paiement des pensions et des retraites versées aux anciens combattants d'outre-mer ainsi que sur le nombre d'anciens déportés politiques encore en vie recensés par les services du secrétaire d'Etat.
M. Guy Fischer a regretté que le retour à la parité des pensions des plus grands invalides ne soit pas effectif en 2001.
M. Alain Hethener a demandé au secrétaire d'Etat quelle était la répartition de l'effort financier prévue entre l'Etat et la fondation Entente franco-allemande pour l'indemnisation des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes. Il s'est également interrogé sur l'éventualité, un moment évoquée par le secrétaire d'Etat, de l'introduction dans le projet de budget d'une mesure ramenant l'âge d'attribution de la retraite du combattant à 60 ans si son bénéficiaire a des ressources inférieures à 5.500 francs par mois.
Mme Gisèle Printz est à son tour revenue sur la situation des anciens incorporés de force des formations paramilitaires allemandes, insistant notamment sur la situation des femmes.
En réponse aux différents intervenants, M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants, a tenu à souligner l'action des parlementaires qui lui avait permis d'obtenir des arbitrages budgétaires favorables pour le projet de loi de finances pour 2001. Il a indiqué que le projet de budget pouvait être encore amélioré lors de son examen à l'Assemblée nationale, notamment sur une décristallisation de la retraite du combattant et sur l'amélioration des dispositifs de solidarité.
S'agissant de la retraite mutualiste, il a reconnu que les organismes mutualistes s'étaient inquiétés de la mise en oeuvre de la réforme par voie d'ordonnances. Il a toutefois fait part de sa vigilance extrême sur ce sujet, précisant que, pour la gestion de la retraite mutualiste du combattant, le Gouvernement devra donner un agrément à chaque organisme gestionnaire et que l'objectif n'était à l'évidence pas d'en confier la gestion au secteur privé.
S'agissant du site de Lorette, il a rappelé qu'il s'agissait de la plus grande nécropole nationale et qu'elle méritait un important effort d'entretien. Il a précisé qu'un partenariat pluriannuel avec les collectivités locales était en cours de négociation pour assurer une amélioration de l'entretien du site.
S'agissant des circuits de versement des pensions outre-mer, il a reconnu que les pensions n'arrivaient effectivement pas toujours à leur destinataire. Il a toutefois déclaré qu'il avait chargé les attachés militaires des Ambassades françaises de veiller à l'effectivité du versement des pensions. Il a également déclaré qu'il n'était pas en mesure de préciser immédiatement le nombre de déportés politiques encore en vie.
S'agissant du retour à parité des pensions des plus grands invalides, il a confirmé qu'elle serait définitive en 2002.
S'agissant des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes, il a précisé que la demande initiale de la fondation Entente franco-allemande était celle d'un partage des coûts à parité entre l'Etat et la fondation. Il a également indiqué que des avancées pouvaient être obtenues à condition d'une réelle sécurisation juridique du dispositif d'indemnisation.
S'agissant de la retraite du combattant, il a reconnu avoir envisagé à un moment de permettre un abaissement de l'âge d'obtention à 60 ans si les bénéficiaires ont des revenus inférieurs à 5.500 francs par mois et avoir obtenu un arbitrage favorable en ce sens. Il a souligné que le coût d'une telle mesure était très raisonnable, l'évaluant à 84 millions de francs. Toutefois, il a observé que cette mesure n'avait pas été relayée par le monde combattant et qu'il avait, en conséquence, renoncé à l'inclure dans le projet de budget.
Mercredi 25 octobre 2000
- Présidence de M. Jean Delaneau, président -
Application des lois de financement de la sécurité sociale - Audition de MM. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des Comptes, Gabriel Mignot, président de la sixième chambre, et Claude Thélot, rapporteur général
La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des Comptes, accompagné de M. Gabriel Mignot, président de la sixième chambre, et de M. Claude Thélot, rapporteur général, sur le rapport annuel de la Cour des Comptes consacré à l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
M. Jean Delaneau, président, a rappelé qu'il avait demandé à la Cour de préciser ou de développer plusieurs points de son rapport annuel et que les réponses écrites à ce questionnaire étaient distribuées aux membres de la commission. Il s'est félicité de la qualité et de l'intérêt des réponses apportées.
M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des Comptes, a indiqué que le rapport de la Cour des Comptes avait été publié cette année plus tôt que d'habitude, ce qui permettait notamment au Sénat de disposer de plus de temps que les années précédentes pour l'examiner. Il a rendu particulièrement hommage au travail du président et du rapporteur général de la sixième chambre qui avait permis d'améliorer le contenu du rapport.
Il a précisé qu'il ressortait d'une enquête réalisée auprès des lecteurs que le rapport n'était pas seulement un document de référence à l'usage des parlementaires, mais que les deux tiers des lecteurs s'étaient procurés le rapport afin de disposer d'une vision générale de la sécurité sociale.
Il a souligné que la sixième chambre, qui avait été créée à la suite de la mise en place des lois de financement de la sécurité sociale, avait fait un travail utile dans un domaine qui avait été auparavant peu approfondi tout en mettant en oeuvre des procédures totalement nouvelles.
Il s'est félicité de la publication, pour la première fois cette année, d'un document de synthèse délibéré par la Cour des Comptes qui présentait une mise en perspective des résultats des enquêtes.
M. Pierre Joxe a indiqué que l'élément marquant en 1999 était le retour à l'équilibre du régime général après dix ans de déficits. Il a précisé que l'amélioration était notable dans toutes les branches et qu'elle était due, en grande partie, à la croissance économique qui a entraîné une augmentation des recettes. Il a considéré, en conséquence, que les efforts devaient être poursuivis.
M. Pierre Joxe a rappelé que lorsque la Cour des Comptes avait entrepris ses travaux sur les finances sociales, la comptabilité des organismes de sécurité sociale n'était pas adaptée au suivi et au contrôle. Il a précisé que les recommandations de la Cour des Comptes en ce domaine avaient été assez largement suivies par les administrations, tout en reconnaissant que beaucoup de progrès restaient à faire pour mettre en oeuvre les mesures adéquates et poursuivre la modernisation engagée.
Puis M. Pierre Joxe a évoqué quelques-uns des sujets que la Cour avait souhaité approfondir dans son rapport.
S'agissant de la politique de santé, la Cour avait, pour la première fois, effectué un examen approfondi de la politique de lutte contre le cancer en matière d'épidémiologie, de prévention de dépistage et d'organisation des soins. Il a souligné que la Cour avait dû s'entourer de l'avis de nombreux experts pour être en mesure de porter un jugement pertinent sur cette politique qui fait appel à des techniques médicales avancées. Il a estimé que le jugement de la Cour était " éclairant ", notamment parce qu'il comportait des éléments de comparaison avec les pays voisins.
S'agissant de la gestion, il a indiqué que la Cour avait procédé à un premier bilan de l'application des conventions d'objectifs et de gestion qui se révélait positif du point de vue des relations entre l'Etat et les différents organismes de sécurité sociale.
Enfin, il a indiqué que la Cour avait présenté une étude sur les inégalités de traitement entre les différentes catégories professionnelles concernant les avantages familiaux (droits ouverts par le nombre d'enfants) et conjugaux (pensions de réversion) dans les systèmes de retraite.
Rappelant que ces inégalités résultaient souvent de l'empilement de mesures successives, il a souligné que la démarche de la Cour n'était pas d'instruire un procès, mais d'exposer une réalité afin de permettre aux responsables politiques et aux partenaires sociaux de prendre des décisions sur l'évolution et l'adaptation de notre système de retraite.
M. Gabriel Mignot, président de la sixième chambre de la Cour des Comptes, a tout d'abord rappelé que la qualité des comptes était déterminante pour permettre aux responsables politiques de prendre des décisions pertinentes.
A cet égard, il a estimé que la qualité des données comptables relatives à la sécurité sociale était, il y a quelques années, " assez mauvaise ", particulièrement si on les compare aux comptes de l'Etat. Parmi les raisons de cette situation, il a souligné que la sécurité sociale devait agréger des comptes établis par de multiples organismes de droit privé.
Il s'est félicité que la situation ait évolué et que les progrès soient aujourd'hui significatifs : ainsi, chacun des organismes de sécurité sociale établit désormais leurs comptes en droit constaté. Il reste que les comptes de la commission des comptes de la sécurité sociale et le projet de loi de financement sont encore présentés en encaissement/décaissement.
M. Gabriel Mignot a toutefois observé que, pour la première fois cette année, tant le rapport de la commission des comptes que le projet de loi de financement de la sécurité sociale comportaient une annexe présentée en droit constaté, prélude à la présentation du projet de loi de financement pour 2002 selon cette norme comptable.
Concernant les délais de production des comptes, M. Gabriel Mignot, président de la sixième chambre de la Cour des Comptes, a indiqué que, pour l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale déposé en septembre de chaque année, il était important de pouvoir disposer des comptes consolidés de l'année précédente dès le mois de juillet de l'année en cours. Il a indiqué que l'ensemble des organismes de sécurité sociale avait adopté les comptes de gestion de l'exercice précédent avant le mois d'avril de l'année en cours, alors que les comptes étaient adoptés auparavant de mai à octobre.
Il a rappelé que la mission interministérielle relative à l'amélioration des comptes de la sécurité sociale, présidée par M. Alain Deniel, aujourd'hui décédé, avait demandé qu'un plan comptable général unique soit adopté pour l'ensemble des organismes de sécurité sociale et appliqué à partir de 2002.
M. Gabriel Mignot, président de la sixième chambre de la Cour des Comptes, a considéré que l'inscription dans la loi de financement d'une " date butoir ", pour l'adoption de ce plan comptable unique, aurait un effet incitatif important pour les administrations compétentes.
Evoquant l'une des questions posées par la commission, concernant l'analyse des écarts entre prévision et réalisation, M. Gabriel Mignot a indiqué que la sixième chambre était bien dans son rôle en s'efforçant de présenter les causes des écarts constatés.
Il a précisé que ces écarts, analysés dans la réponse écrite communiquée à la commission, étaient dus soit à des erreurs de prévisions sur l'évolution d'une donnée macro-économique complexe, telle que la masse salariale, soit d'une mauvaise appréhension des effets d'une mesure.
D'une manière générale, M. Gabriel Mignot a estimé que les moyens de la direction de la sécurité sociale (DSS) consacrés à l'élaboration et à la critique des comptes sociaux n'étaient pas suffisamment importants. Soulignant le contraste avec les moyens dévolus à la direction du budget, il a estimé souhaitable un rattrapage du déséquilibre tout en admettant que celui-ci prendrait du temps.
M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, après avoir rappelé que la Cour des Comptes recommandait de distinguer le débat parlementaire annuel, lié aux sujets figurant dans la loi de financement et un autre débat, pluriannuel, permettant une réflexion à moyen terme sur l'ensemble de la politique de santé, a considéré que le débat sur les orientations de la politique de santé devait nécessairement se situer dans un cadre pluriannuel mais il a insisté sur le souhait exprimé par la commission que soit également organisé, au printemps chaque année, un débat portant sur l'exécution de la loi de financement à mi-parcours et sur les orientations des finances sociales.
Il a évoqué la possibilité d'améliorer la rédaction de l'article 45 du projet de loi relatif à la mise en oeuvre du plan comptable unique et il a rappelé son souhait que le secrétariat général de la commission des comptes de la sécurité sociale dispose de moyens propres plus importants.
Rappelant que la commission des Comptes, qui devait se tenir en mai 2000, avait été repoussée du fait d'un retard dans l'établissement des comptes sociaux, il a estimé que tous les organismes de sécurité sociale devraient être tenus de déposer leurs comptes avant le 31 mars. Il s'est interrogé sur la multiplication des transferts tant en recettes qu'en dépenses entre les différentes branches du régime général et sur la confusion de leurs déficits et de leurs excédents qui lui semblaient porter gravement atteinte au principe de la séparation des branches. Il a souhaité que soit précisée la position de la Cour des Comptes concernant les avantages sociaux des professions de santé et a demandé si la Cour des Comptes envisageait d'étudier le coût de gestion des exonérations de cotisations sociales.
M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des Comptes, a tout d'abord rappelé que la Cour des Comptes était un organe collectif dont les " positions " ne pouvaient être prises que par délibération collective sur un document écrit.
Il a rappelé que le principe de l'agrégation des comptes des différentes branches de la sécurité sociale avait été posé par la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale elle-même. Il a souligné que la loi de finances procédait de même à une agrégation de dépenses de nature très différente.
Il a souhaité une amélioration de la présentation des différents comptes qui permettrait d'obtenir une vision consolidée de tous les comptes publics, y compris les comptes des collectivités territoriales et les financements européens.
Il a estimé que, du point de vue de la Cour des Comptes, la loi de financement de la sécurité sociale constituait un important progrès qui avait permis de faire progresser la comptabilité de la sécurité sociale.
Concernant le coût de gestion des exonérations, il a rappelé que les exonérations fiscales ou de cotisations sociales résultaient souvent d'amendements parlementaires. Il a souligné que l'évaluation du coût de gestion des exonérations ne saurait être un motif suffisant pour interdire l'usage de cette technique aux parlementaires ou au Gouvernement. Il a estimé qu'un travail de la Cour des Comptes sur ce thème ne serait véritablement utile que s'il était accompagné d'une véritable volonté de réforme.
M. Gabriel Mignot, président de la sixième chambre de la Cour des Comptes, a tout d'abord indiqué, s'agissant des délais de production des comptes, qu'il fallait distinguer le moment où les comptes sont déposés par les différents organismes et celui où l'on dispose de comptes consolidés, en rappelant que cette opération était relativement longue en raison précisément de l'absence du plan comptable unique.
Concernant le coût de gestion des exonérations de sécurité sociale, il a estimé qu'il serait utile de présenter à la fois l'impact des dépenses et des non-recettes résultant de ces exonérations. Il a estimé qu'un effort de transparence était souhaitable, mais qu'il serait difficile à conduire.
Concernant la présentation des comptes, il a rappelé qu'il était utile, sur le plan comptable, de disposer à la fois d'un agrégat unique et de comptes de branches, en soulignant que le choix d'affecter une recette à une branche relevait d'une décision politique.
M. Claude Thélot, rapporteur général de la Cour des Comptes, a indiqué que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) était un progrès majeur, mais qu'il serait utile que le Parlement puisse mesurer l'effet du changement du périmètre de celui-ci. Il a souhaité que le Parlement dispose d'éléments sur l'évolution de l'ONDAM, à périmètre constant d'une année sur l'autre, ce qui nécessiterait un renforcement des moyens statistiques de la direction de la sécurité sociale.
Il a estimé, par exemple, que l'augmentation de 2 milliards de francs, décidée, au cours de l'été, au titre de la revalorisation de la rémunération des personnels des hôpitaux publics, aurait dû être réintégrée au sein de l'ONDAM prévu pour 2000.
M. Claude Thélot s'est penché sur l'articulation entre la définition d'une politique de santé et le vote de la loi de financement de la sécurité sociale. Il a rappelé que l'exemple de la lutte contre le cancer, étudiée par la Cour, avait montré que les politiques de santé publique n'étaient pas définies " avec netteté ". Il a estimé que la déconnexion entre les orientations de santé publique et le débat annuel de la loi de financement était inévitable. Il a considéré que le débat sur la politique de santé devrait être un débat à moyen terme.
S'agissant de la prise en charge par la sécurité sociale des cotisations des personnels de santé, il a relevé que la Cour avait considéré dans son rapport que ces avantages devenaient de plus en plus " invisibles ". Il a estimé que cette prise en charge devrait être comprise dans les honoraires, ce qui aurait pour conséquence de " gonfler " l'ONDAM.
Répondant aux interrogations de M. Charles Descours sur la surestimation, deux années de suite, de l'évolution prévisionnelle des prestations de la branche famille, il a noté que les difficultés d'appréciation étaient causées par les modifications récentes de la politique familiale : mise sous condition de ressources, puis retour à l'universalité des allocations familiales, recul des majorations pour âge, extension de l'allocation de rentrée scolaire aux familles ayant un enfant. Il a estimé que la CNAF devait se pencher avec attention sur cette évolution des dépenses de la branche famille. Il a ajouté que le ministère de l'emploi et de la solidarité, à travers la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) devait désormais mener des études poussées.
M. Jean-Louis Lorrain, évoquant le conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie (COTSAM), s'est interrogé sur les outils statistiques disponibles pour éclairer les différents acteurs de santé.
M. Claude Huriet a rappelé que le Conseil de surveillance de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), dont il est président, avait souhaité une simplification des 15.000 règles de droit que doivent appliquer les agents de la CNAF. Il a demandé si la Cour disposait d'éléments évaluant le coût de la complexité de ces règles.
Evoquant ces " rapports d'étape " de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), il s'est interrogé sur la pertinence de mesures d'adaptation conjoncturelle prises sur la foi de données imprécises. Citant l'exemple du coût des médicaments anti-cancer, il a considéré que l'impact de ces nouvelles thérapies était contradictoire avec la maîtrise des dépenses médicamenteuses.
M. Claude Thélot, répondant à M. Jean-Louis Lorrain, a rappelé que le Conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie avait été créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Il a indiqué que le rapport de cet organisme dont il est président, figurait à l'annexe b1 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Il a observé que ce rapport montrait que des progrès indéniables étaient constatés en matière de statistiques. Il a expliqué que la CNAMTS diffusait désormais des statistiques en date de soins, et non plus en date de remboursement.
Il a considéré que le COTSAM qui s'était fixé deux types d'objectifs, l'un à court terme et le second à deux-trois ans, permettait aux " différents partenaires " (Etat, caisses, professionnels de santé) de " travailler ensemble ". Il a observé qu'il serait dommage que ces travaux soient affectés par des prises de position publiques excessives sur la médiocre qualité des statistiques de l'assurance maladie.
Répondant à M. Claude Huriet, il a observé que la complexité des règles appliquées par la branche famille s'expliquait en raison de dispositions législatives et réglementaires, conçues pour mettre en place le système le plus équitable possible. Citant les aides au logement, il a estimé que les règles les définissant étaient les plus complexes, mais que ces aides étaient en même temps les plus efficaces pour lutter contre la pauvreté.
Il a estimé qu'il était cependant souhaitable de réduire la complexité, en raison de son coût financier et social.
S'agissant des rapports d'étape de la CNAMTS, il a considéré que les décisions devaient prendre en compte l'imprécision des données, mais que cet " halo d'imprécision " ne devait pas non plus devenir un prétexte pour empêcher toute décision.
Il a reconnu que le coût des médicaments anti-cancéreux allait contribuer à la hausse des dépenses de médicaments. Il a rappelé que ces traitements donnaient de meilleurs résultats, ce qui entraînait des économies sur d'autres postes des dépenses de santé.
M. Guy Fischer a demandé si la dernière réforme des aides au logement ne remettait pas en cause une certaine efficacité de ces aides, ainsi que le principe d'égalité.
M. Claude Thélot a répondu par la négative. Il a ajouté qu'il avait voulu simplement mettre en garde contre la " précipitation " qui pourrait présider à certaines demandes radicales de simplification.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est interrogée sur la régionalisation de la politique de santé, à travers la transformation éventuelle des agences régionales de l'hospitalisation (ARH) en agences régionales de santé (ARS). Elle a demandé si la Cour, qui diffuse ses rapports sur Internet, envisageait de " vulgariser " ses travaux, en rendant davantage accessible, pour les internautes, le contenu de ses observations et recommandations.
M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des Comptes, a rappelé que la Cour des Comptes des Pays-Bas effectuait une mission d'audit de la Cour des Comptes. Il a précisé que l'exercice était " difficile ", mais " très intéressant ". Il a ajouté que les observations des magistrats hollandais tendaient précisément à faire prendre conscience que les rapports devaient être déclinés sous une version davantage orientée vers le " grand public ". Il a rappelé que M. Claude Thélot, auparavant directeur de l'évaluation et de la prospection du ministère de l'éducation nationale, attachait beaucoup d'importance à cette question.
M. Charles Descours a observé que la complexité croissante des lois de financement ne facilitait pas l'intelligibilité des travaux de la Cour.
Répondant à Mme Marie-Madeleine Dieulangard, M. Gabriel Mignot, président de la sixième chambre, a déclaré ne pas avoir " de sentiment " ni " d'opinion " sur la régionalisation de l'assurance maladie. Il a rappelé que la Cour avait décrit les différentes dispositions de l'ordonnance de 1996. Il a observé que les caisses régionales d'assurance maladie (CRAM) n'étaient pas intégrées dans le dispositif des unions régionales des caisses d'assurance maladie (URCAM), ce qui pouvait apparaître étonnant. A titre personnel, il a douté de la pertinence de définir 25 ONDAM régionaux.
M. Claude Thélot, rapporteur général de la Cour des Comptes, a ajouté que le rapport de la Cour montrait que les différents outils étaient mis en place et qu'il était désormais nécessaire de mieux organiser l'action des différents acteurs plutôt que de changer les périmètres.
M. Roland Huguet a demandé si la Cour s'était penchée sur les établissements à double tarification.
M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des Comptes, a répondu qu'il était possible que la Cour examine cette question, mais que cette dernière nécessitait une coopération étroite avec les chambres régionales des comptes. Il a rappelé que les chambres définissaient, en toute autonomie, leur programme de travail. Il a estimé qu'une demande de la commission des affaires sociales, portant sur le financement de la dépendance, pourrait faciliter un travail commun entre la Cour et les différentes chambres régionales de comptes.
M. Claude Huriet a demandé si la Cour prenait connaissance de la répartition des différentes enveloppes de l'ONDAM.
M. Gabriel Mignot a répondu que ces répartitions faisaient l'objet de commentaires dans le rapport de la Cour. Il a observé que les inégalités régionales dans le domaine de l'accès aux soins posaient un véritable problème pour définir une péréquation équitable.
M Jean Delaneau, président, remerciant les intervenants, s'est félicité du dialogue engagé avec la Cour à l'occasion de cette audition.
Médecine - Contraception d'urgence - Examen du rapport
Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Lucien Neuwirth sur la proposition de loi n° 12 (2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relative à la contraception d'urgence.
M. Jean Delaneau, président, a rappelé que la commission avait souhaité saisir de la proposition de loi la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, et avait demandé à son rapporteur, Mme Janine Bardou, de bien vouloir présenter les recommandations adoptées par la délégation.
Mme Janine Bardou, rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, a indiqué que la délégation avait examiné la veille son rapport et que celui-ci présentait d'abord les raisons qui étaient à l'origine de l'examen de ce texte, ensuite le contexte dans lequel il s'inscrivait, et ses conséquences pratiques. Elle a précisé qu'après un débat très riche, la délégation avait approuvé à l'unanimité, après l'avoir légèrement amendé, le projet de recommandations qu'elle lui soumettait.
Mme Janine Bardou a expliqué que la première partie de son rapport présentait les étapes importantes de l'histoire de la contraception chimique, laquelle était encore très récente -la pilule avait été inventée dans le courant des années 50- et probablement encore inachevée -on espérait ainsi mettre au point dans les prochaines années des vaccins contraceptifs, qui pourraient d'ailleurs concerner autant les hommes que les femmes. Elle a considéré que ces progrès, très rapides, à la mesure de l'histoire humaine, constituaient une étape fondamentale pour l'émancipation des femmes.
Mme Janine Bardou a relevé que la deuxième partie de son rapport examinait le cadre législatif qui régissait actuellement en France le recours à la contraception, ainsi que les politiques publiques en sa faveur. Elle a signalé combien la délégation, de manière unanime, s'était dite consternée par le niveau de sous-information générale que l'on constatait aujourd'hui chez nos concitoyens, jeunes ou moins jeunes, en matière de contraception, alors même que la loi fondatrice, qui remontait maintenant à plus de trente ans, qui avait ouvert aux femmes de France la possibilité de maîtriser leur fécondité en posant comme principe le droit à la contraception et à l'information.
Elle a constaté qu'il y avait encore malheureusement beaucoup trop de grossesses non désirées et, par conséquent, d'interruptions volontaires de grossesse (IVG). Elle a cité trois chiffres, qui lui paraissaient particulièrement inquiétants et significatifs : 60 % des premiers rapports des mineures se dérouleraient sans contraception ; plus de 10 % des femmes de 20 à 44 ans, soit plus d'un million de femmes en âge et en situation de procréer, n'étaient pas protégées par une contraception efficace ; il y avait environ 220.000 IVG chaque année, dont 6.500 chez les mineures.
Mme Janine Bardou a estimé que tous ces chiffres montraient que le dispositif actuel d'information sur la contraception ne fonctionnait pas correctement. Aussi s'est-elle félicitée que la campagne d'information lancée par le Gouvernement le 12 janvier dernier soit reconduite dès l'an prochain, et que le Premier ministre ait accepté le principe d'une campagne régulière, notamment pour qu'elle puisse toucher les nouvelles générations d'adolescents. Dans le même ordre d'idée, elle a approuvé les initiatives prises en milieu scolaire depuis 1996 pour favoriser l'éducation des collégiens à la sexualité, car il est vrai que le problème révélé par l'importance du nombre des IVG (et particulièrement celles qui concernent les mineures) trouve ses racines dans la méconnaissance qu'ont les femmes de la contraception, de ses méthodes et de ses effets. Elle a considéré que, plus il serait remédié tôt à cette méconnaissance, plus la lutte contre les grossesses non désirées serait efficace. Par ailleurs, elle a estimé qu'il fallait aussi agir en direction des jeunes garçons et des hommes, qui devaient être davantage informés et impliqués.
Abordant la troisième partie de son rapport, Mme Janine Bardou a évoqué l'objet même de la proposition de loi. Elle a laissé le soin à M. Lucien Neuwirth, rapporteur, de présenter de manière détaillée les deux initiatives successivement prises par le Gouvernement pour permettre un accès facile et rapide au NorLevo, nouveau contraceptif d'urgence qui ne présentait aucune contre-indication médicale, sauf s'il était utilisé comme une méthode contraceptive répétée et régulière : sa mise en vente libre en 1999 et sa distribution d'urgence par les infirmières scolaires en 2000.
Elle a souligné que le souci premier des pouvoirs publics, et la délégation y souscrivait pleinement, était d'éviter les grossesses non désirées, en particulier chez les jeunes filles, et donc de prévenir les avortements. Elle a observé que, depuis juin 1999, plus de 500.000 boites de NorLevo avaient été vendues ou distribuées -les ventes mensuelles avoisinant aujourd'hui le chiffre de 50.000 : ce produit répondait donc à une attente.
S'agissant de son administration par les infirmières scolaires, et en particulier aux mineures sans autorisation parentale, Mme Janine Bardou a indiqué que la délégation avait longuement débattu sur ce point. Elle a considéré que chacun était attaché à la responsabilité des parents, mais que chacun savait aussi que, dans de trop nombreuses familles, le dialogue était difficile, en particulier à l'adolescence, et tout spécialement sur les questions de sexualité, pour lesquelles ce dialogue n'existait pas toujours. Elle a estimé qu'il était certes souhaitable de renouer des relations de confiance, mais que l'on devait également tenir compte de cette réalité dans l'objectif poursuivi : préserver la santé et l'intégrité des toutes jeunes filles. Elle a souligné que c'était dans cet esprit que la délégation était favorable au rôle reconnu par la proposition de loi aux infirmières scolaires, avec lesquelles les adolescentes pouvaient, sans guère de difficultés, nouer un premier dialogue avec un adulte sur la sexualité.
Mme Janine Bardou a fait valoir que la délégation était néanmoins aussi très attentive à ce qu'au-delà de ce rôle essentiel, les infirmières scolaires interviennent, comme d'ailleurs elles l'avaient fait pendant la période d'application du protocole national avant son annulation par le Conseil d'Etat en juin dernier, comme médiatrices entre l'élève et sa famille, et l'encouragent à être médicalement suivie par le centre de planification, le médecin traitant ou un médecin spécialiste. Enfin, il avait paru à la délégation tout particulièrement indispensable de préciser à la jeune fille que la contraception d'urgence ne pouvait en aucun cas remplacer la contraception habituelle.
Elle a fait observer également qu'il était apparu à la délégation que la proposition de loi ne réglait pas toutes les situations, et que ses conséquences positives seraient étroitement conditionnées par les mesures d'accompagnement qu'il ne fallait pas manquer de lui associer. Ces préoccupations constituaient le " fil rouge " des recommandations que la délégation avait adoptées à l'unanimité et dont Mme Janine Bardou a rappelé la teneur.
Elle a indiqué tout d'abord que la délégation s'était déclarée favorable au dispositif de la proposition de loi relative à la contraception d'urgence, puisqu'elle était convaincue de la nécessité qu'il y avait de diminuer le nombre des grossesses non désirées et, par conséquent, celui des IVG, qui demeuraient encore considérables dans notre pays. Elle a insisté sur le fait que c'était malheureusement le cas s'agissant des jeunes filles, alors même que le recours à la contraception avait été libéralisé il y a plus de trente ans et que des progrès scientifiques significatifs avaient été accomplis en la matière depuis.
Mme Janine Bardou a souligné que, sur un plan plus global, la délégation estimait indispensable de favoriser toujours davantage l'information en général, et celle des adolescentes et adolescents en particulier, sur les droits en matière de contraception, sur les méthodes contraceptives, ainsi que sur les structures d'accueil et les professionnels qui pouvaient faciliter les démarches à entreprendre. La délégation considérait que les pouvoirs publics se devaient de délivrer un puissant message en direction des familles afin qu'elles fassent preuve d'une meilleure écoute et d'une plus grande compréhension à l'égard de leurs enfants : l'essentiel des situations de détresse résultait en effet d'une absence de dialogue dans le cadre familial en ce qui concerne la sexualité ; une amélioration durable de la situation ne saurait être obtenue sans l'établissement d'un tel dialogue.
S'agissant de l'efficacité de la présente proposition de loi, Mme Janine Bardou a indiqué que la délégation considérait qu'elle ne pourrait être obtenue que dans la mesure où un certain nombre de préoccupations auront été prises en compte. Elle a estimé souhaitable que les médecins scolaires soient pleinement associés aux dispositifs mis en oeuvre dans les établissements. Elle a jugé indispensable que des moyens supplémentaires en personnels (infirmières, notamment) et en crédits budgétaires (en particulier, pour la formation initiale et permanente de tous les intervenants éducatifs et médico-sociaux) soient dégagés pour faire vivre les différentes initiatives prises ces dernières années en matière d'éducation à la sexualité et d'accompagnement des situations d'urgence. Elle a estimé nécessaire de favoriser de véritables partenariats entre les établissements scolaires et les centres de planification ou d'éducation familiale. Enfin, elle a souhaité que des solutions adaptées soient recherchées pour permettre aux jeunes filles en situation d'urgence ou de détresse d'accéder rapidement et facilement à la contraception d'urgence pendant les périodes de vacances scolaires.
En conclusion, Mme Janine Bardou a précisé que la délégation recommandait que des bilans soient régulièrement effectués en ce qui concerne tant l'application du présent dispositif législatif que le respect, par les autorités scolaires, des instructions ministérielles relatives à la politique d'éducation à la sexualité.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a tout d'abord précisé que l'examen par le Parlement de la présente proposition de loi trouvait son origine dans l'annulation par le Conseil d'Etat, le 30 juin dernier, des dispositions d'une circulaire du 29 décembre 1999 autorisant la distribution de la pilule contraceptive NorLevo par les infirmières scolaires.
Il a observé que le texte adopté par l'Assemblée nationale s'articulait autour de trois dispositions bien distinctes :
- la suppression de l'obligation d'une prescription médicale pour la délivrance des contraceptifs d'urgence qui n'étaient pas susceptibles de présenter un danger pour la santé dans des conditions normales d'emploi : cette mesure donnait une base législative à la mise en vente libre du NorLevo, seul médicament contraceptif aujourd'hui concerné par cette rédaction ;
- la possibilité, pour les médecins, de prescrire et, pour les pharmaciens, de délivrer ces contraceptifs d'urgence aux " mineures désirant garder le secret ", c'est-à-dire sans autorisation parentale ;
- la possibilité, pour les infirmières scolaires, d'administrer ces contraceptifs d'urgence aux élèves mineures et majeures.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a regretté que le débat sur ce texte se soit engagé dans un climat de polémique peu propice au consensus. Il a rappelé que le Gouvernement avait en effet fait un choix de calendrier particulièrement maladroit en décidant de présenter en Conseil des ministres le 4 octobre dernier, soit la veille de l'examen en séance publique à l'Assemblée nationale de la présente proposition de loi, le projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception qui étendait notamment de 10 à 12 semaines de grossesse le délai-limite pour la pratique d'une interruption volontaire de grossesse (IVG).
Il a jugé, dès lors, qu'il n'était pas surprenant qu'une certaine confusion ait pu voir le jour entre une simple adaptation de la législation sur la contraception -qui faisait l'objet de la présente proposition de loi- et l'allongement du délai légal pour une IVG, qui soulevait, à l'évidence, des questions infiniment plus délicates.
Il a, par ailleurs, considéré que la confusion était encore accrue par l'intitulé et le contenu du projet de loi " relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception " qui mêlait ainsi deux sujets que tout opposait pourtant car l'IVG n'était pas une forme de contraception. Il a regretté d'autant plus ce " mélange des genres " que le volet contraception de ce projet de loi, s'il avait moins attiré l'attention de l'opinion publique, n'en était pas pour autant anodin.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a estimé qu'il n'en restait pas moins que la présente proposition de loi s'efforçait d'apporter une réponse à un problème réel, qu'il appartenait d'examiner avec attention.
Après avoir souligné qu'elle permettait de limiter le recours à l'avortement, il a rappelé que la contraception d'urgence était définie comme l'utilisation d'un médicament ou d'un dispositif permettant d'éviter une grossesse après un rapport sexuel non ou mal protégé.
Distinguant la méthode mécanique - le stérilet - des méthodes hormonales, M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a rappelé que, depuis la fin des années 1980, il existait ainsi, à côté des contraceptifs hormonaux classiques, qui étaient destinés à une utilisation régulière et préventive, d'autres formes de pilules contraceptives, uniquement réservées aux cas d'urgence.
Il a précisé que ces pilules contraceptives parfois dites " du lendemain " étaient destinées à être absorbées après un rapport sexuel. Leur mode d'action était comparable, soit à celui d'un contraceptif hormonal classique, puisqu'elles empêchaient l'ovulation si celle-ci n'avait pas encore eu lieu, soit à celui d'un dispositif intra-utérin qui empêchait la nidation de l'oeuf. Les pilules contraceptives d'urgence intervenaient donc avant le phénomène de nidation : si l'oeuf était implanté dans l'utérus, elles étaient inefficaces et la grossesse se poursuivait.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a souligné que ces contraceptifs d'urgence ne devaient donc pas être confondus avec la Mifégyne, plus connue sous le nom de RU 486, qui n'appartenait pas à la catégorie des contraceptifs mais à celle des produits abortifs, puisqu'elle agissait plusieurs jours après le début de la grossesse, une fois l'oeuf implanté dans l'utérus.
Il a indiqué que la France disposait aujourd'hui de deux médicaments hormonaux ayant pour but la contraception d'urgence : l'un était une association d'oestrogènes et d'un progestatif -il était commercialisé sous le nom de Tétragynon- l'autre n'était composé que d'un progestatif (le lévonogestrel) -il s'agissait du NorLevo qui avait obtenu une autorisation de mise sur le marché en France dans l'indication de contraception d'urgence le 16 avril 1999.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a fait valoir que, contrairement au Tetragynon, le NorLevo n'avait, en raison de l'absence d'oestrogènes et d'une durée d'administration courte, aucune contre-indications médicales, qu'il empêchait l'implantation de l'oeuf fécondé dans l'utérus et devait être absorbé le plus rapidement possible, dans les 72 heures après un rapport sexuel non protégé. L'efficacité décroissait en effet fortement avec le temps : elle était de 95 % lorsque la prise se situait dans les 24 heures, elle diminuait à 85 % lorsque la prise avait lieu entre 24 et 48 heures et à 58 % entre 48 et 72 heures.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a souligné que, compte tenu de l'absence de contre-indications médicales du NorLevo, un arrêté en date du 27 mai 1999, pris par le secrétaire d'Etat à la santé, M. Bernard Kouchner, avait supprimé l'obligation de prescription médicale à laquelle, comme tous les contraceptifs hormonaux, ce médicament était soumis jusque-là et que cette décision autorisait la vente libre en pharmacie du NorLevo.
Il a expliqué que la mise à disposition du NorLevo sans prescription médicale obligatoire visait à permettre aux femmes de recourir à la contraception d'urgence le plus tôt possible après un rapport sexuel non protégé. Il a considéré que la contraception d'urgence constituait en effet un véritable progrès dans la mesure où elle permettait de limiter le recours à l'avortement et qu'elle apparaissait en outre très adaptée à la situation particulière des adolescentes. Il a rappelé que la caractéristique des adolescents était de passer rapidement à l'acte, d'avoir des rapports non prévus, sur un coup de coeur. Ces rapports étaient alors non protégés.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a estimé que, dans tous ces cas, la contraception d'urgence pouvait être d'un grand secours pour éviter les grossesses non désirées et les interruptions volontaires de grossesse. Il a cependant relevé que, si la contraception d'urgence répondait à des situations de détresse et permettait de " réparer un accident ", elle n'avait pas vocation à remplacer une contraception classique et devait rester une méthode d'exception, de " rattrapage ".
Il a estimé que l'accent mis sur la contraception d'urgence était assez révélateur de l'échec relatif des politiques menées depuis 30 ans en faveur du développement de la contraception, particulièrement auprès des jeunes. Il a constaté à cet égard que le nombre des IVG restait presque aussi élevé qu'il y a 25 ans : 220.000 aujourd'hui contre 250.000 en 1976, soit une IVG pour trois naissances ; 30 % des IVG concernent les moins de 25 ans, 10 % les moins de 20 ans. Il a rappelé qu'on recensait aujourd'hui 6.000 IVG par an chez les mineures, 10.000 chez les 18-20 ans, et fait observer que la proportion des mineures enceintes recourant à l'IVG augmentait fortement : elle était de 59,7 % en 1985, de 64 % en 1990 et de 71,8 % en 1995.
Il a considéré que ces données témoignaient des carences de l'information en faveur de la contraception et des efforts insuffisants menés pour promouvoir son utilisation. Il a noté qu'à l'évidence la sexualité restait un sujet sensible, difficile à aborder au sein de la cellule familiale ou de l'institution scolaire.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a considéré que dans ce contexte il ne pouvait que se féliciter que le Gouvernement ait choisi, le 12 janvier dernier, de lancer une campagne d'envergure sur la contraception. Après avoir rappelé que la dernière campagne de communication sur la contraception remontait à 1992 et mettait principalement l'accent sur le préservatif, il a jugé que cette nouvelle campagne était à l'évidence indispensable.
Abordant l'aspect proprement juridique de la contraception d'urgence, M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a considéré qu'une intervention législative était nécessaire. Il a rappelé que la décision prise par le secrétaire d'Etat à la santé, M. Bernard Kouchner, d'autoriser la mise en vente libre du NorLevo reposait sur un raisonnement juridique pour le moins fragile. Il a expliqué que la loi du 28 décembre 1967 soumettait, à son article 3, la délivrance des contraceptifs hormonaux à une double contrainte : d'une part, ceux-ci, comme les autres contraceptifs, ne pouvaient être délivrés qu'en pharmacie ; d'autre part, ils ne pouvaient être délivrés qu'après avoir été prescrits par un médecin.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a considéré que l'arrêté du 27 mai 1999 choisissait donc d'ignorer cette disposition de la loi. Il a expliqué que, pour justifier cette position, le Gouvernement avait estimé qu'en soumettant à prescription médicale obligatoire tous les contraceptifs hormonaux, la loi du 28 décembre 1967 dépassait les objectifs de la directive européenne du 31 mars 1992 concernant la classification en matière de délivrance des médicaments à usage humain.
Il a rappelé que, quelques mois plus tard, en décembre 1999, prenant acte de la décision du secrétaire d'Etat à la santé et considérant que rien ne l'interdisait désormais, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire, avait pris la décision d'autoriser les infirmières scolaires à délivrer elles-mêmes, en cas d'urgence, des comprimés de NorLevo aux collégiennes et aux lycéennes, même mineures. Cette autorisation figurait dans une circulaire intitulée " protocole national sur l'organisation des soins et des urgences dans les écoles et les établissements publics locaux d'enseignement ", publiée au bulletin officiel du ministère de l'éducation nationale le 6 janvier 2000.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a rappelé que la décision avait suscité le dépôt au Conseil d'Etat d'un certain nombre de recours déposés par des associations de défense de la famille et de lutte contre l'avortement visant à annuler pour excès de pouvoir les dispositions de ce protocole relatives à la contraception d'urgence.
Il a indiqué que, dans sa décision du 30 juin 2000, le Conseil d'Etat avait effectivement annulé les passages litigieux de la circulaire attaquée car il avait estimé qu'en confiant le rôle de prescription et de délivrance du NorLevo, contraceptif d'urgence, aux infirmières scolaires, le ministre délégué à l'enseignement scolaire avait méconnu la loi de 1967 qui imposait que les contraceptifs hormonaux soient délivrés en pharmacie sur prescription médicale. Il a noté que le Conseil d'Etat ne s'était pas prononcé sur la légalité de l'arrêté du secrétaire d'Etat à la santé autorisant la mise en vente libre du NorLevo, point sur lequel il n'était en effet pas sollicité.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a rappelé que le soir même de l'annonce de l'arrêt du Conseil d'Etat, le Gouvernement, dans un communiqué de presse, prenait acte de cette décision dont il entendait " tirer toutes les conséquences " et réaffirmait " sa volonté de garantir l'accès libre de toutes les femmes à la nouvelle contraception " en annonçant le prochain examen d'un texte par le Parlement. Ce texte avait pris la forme de la présente proposition de loi sur la contraception d'urgence déposée le 13 septembre 2000 par Mme Danielle Bousquet et les membres du groupe socialiste et apparentés, adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture le 5 octobre 2000.
Il a indiqué qu'outre l'annonce d'une révision législative, le communiqué du Gouvernement en date du 30 juin 2000 comportait l'annonce d'une nouvelle circulaire remplaçant les dispositions invalidées par le Conseil d'Etat. Il a constaté que cette circulaire avait pris la forme d'une instruction du 21 septembre 2000, concernant la mise en place de la contraception d'urgence par les établissements publics locaux d'enseignement (EPLE), signée par M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale, et publiée au bulletin officiel du ministère de l'éducation nationale du 28 septembre.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a fait part des réflexions qui l'avaient conduit à proposer à la commission d'adopter la présente proposition de loi, sous réserve d'un certain nombre de modifications tendant à compléter et à préciser son dispositif.
Il a rappelé qu'il aurait été naturellement préférable que l'usage de la contraception se soit largement répandu chez les adolescents rendant inutile de légiférer en la matière. Il a fait valoir que la réalité était cependant différente et que l'on ne pouvait rester insensible à la détresse de ces adolescentes face à une grossesse non désirée.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a considéré que rien n'était pire pour une jeune fille que de débuter sa vie par une IVG et qu'il convenait de tout faire pour éviter que se produisent de telles situations. Il a estimé que la contraception d'urgence n'était sans doute qu'un pis-aller mais qu'elle pouvait permettre de préserver ces jeunes filles d'une IVG. Il a souhaité par conséquent que l'on fasse en sorte que ces adolescentes puissent accéder le plus rapidement possible à cette forme de contraception, en autorisant la vente libre du NorLevo et sa délivrance aux mineures.
Il a mis l'accent sur la notion d'urgence qui conférait à ses yeux une spécificité très particulière à ces contraceptifs et justifiait, pour une large part, un statut législatif adapté qui permette de sortir de l'imbroglio juridique actuel. Après avoir souligné que les infirmières avaient su faire face avec beaucoup de responsabilité à la nouvelle mission qui leur était confiée, il a considéré que le premier bilan des six mois d'application de la circulaire de Mme Ségolène Royal était satisfaisant.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a donc estimé que, sur le fond, le texte de l'Assemblée semblait donc pouvoir être accepté, mais qu'il gagnerait cependant à être précisé et complété.
Il a ensuite présenté l'amendement qu'il proposait, tendant à une nouvelle rédaction de l'article unique de la proposition de loi.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a expliqué que l'amendement reprenait sans modification le premier alinéa du texte adopté par l'Assemblée nationale selon lequel " Les médicaments ayant pour but la contraception d'urgence et non susceptibles de présenter un danger pour la santé dans les conditions normales d'emploi ne sont pas soumis à prescription obligatoire ". Il a jugé que cette rédaction semblait satisfaisante et ne suscitait pas de difficulté particulière : elle signifiait, a contrario, que la prescription médicale est maintenue, sous la responsabilité du ministre chargé de la santé, pour les contraceptifs d'urgence susceptibles de présenter un danger pour la santé.
S'agissant du deuxième alinéa et de la disposition relative à l'autorisation de prescrire et de délivrer ces contraceptifs d'urgence aux " mineures désirant garder le secret ", M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a considéré qu'il convenait de préciser que cette dérogation au principe du consentement parental ne pouvait se justifier que par un impératif essentiel : préserver les mineures d'une grossesse non désirée et donc d'une interruption volontaire de grossesse.
Afin que la question du coût de ce contraceptif d'urgence ne soit pas un obstacle pour certaines jeunes filles issues de milieux défavorisés, M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a proposé de compléter cet alinéa par une disposition prévoyant que la délivrance en pharmacie de ces contraceptifs aux mineures s'effectuerait à titre gratuit dans des conditions fixées par voie réglementaire. Il a expliqué que cette disposition faciliterait l'accès des mineures à la contraception d'urgence, notamment pendant les vacances scolaires.
Il a indiqué que l'amendement consacrait un alinéa spécifique à la possibilité offerte aux infirmières scolaires d'administrer aux élèves une contraception d'urgence. Il a jugé tout d'abord nécessaire de préciser le champ d'application de cette mesure en substituant à l'appellation pour le moins imprécise et juridiquement douteuse de " milieu scolaire " celle d'" établissements d'enseignement du second degré ", c'est-à-dire les collèges et lycées.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a expliqué qu'il avait ensuite voulu, d'une part, rappeler les principes qui devaient guider les infirmières dans leur action, d'autre part, définir de manière plus précise la procédure d'administration du NorLevo aux élèves. L'amendement reprenait ainsi fidèlement certaines des formulations retenues par la circulaire ministérielle : l'administration d'une contraception d'urgence aux élèves ne pouvait qu'être exceptionnelle et réservée aux cas d'urgence et de détresse caractérisée.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a souligné qu'il avait entendu ainsi rappeler que la contraception d'urgence ne saurait en aucun cas être un substitut à une contraception régulière et responsable et que son usage ne saurait être banalisé. Il a ajouté que l'administration d'une pilule contraceptive d'urgence devait de surcroît se dérouler conformément à un protocole national déterminé par voie réglementaire. Comme cela avait été le cas dans le protocole de Mme Ségolène Royal, partiellement annulé par le Conseil d'Etat, et dans l'instruction de M. Jack Lang, ce protocole mettrait naturellement l'accent sur la responsabilité éducative des parents et sur la nécessité d'inciter l'élève à prendre contact avec sa famille.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a cependant estimé que le souci de prévenir une interruption volontaire de grossesse devait prévaloir sur l'exigence de consentement parental.
S'agissant de la procédure proprement dite, il a indiqué que l'amendement précisait que l'infirmière scolaire, confrontée à une demande de NorLevo, devait s'efforcer en premier lieu d'orienter l'élève vers un médecin ou un centre de planification ou d'éducation familiale. Si un médecin ou un centre de planification familiale n'était pas immédiatement accessible, l'infirmière scolaire pouvait - compte tenu de l'urgence et si elle estimait qu'il s'agissait d'une situation de détresse caractérisée - administrer à l'élève majeure ou mineure une contraception d'urgence.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a souligné que l'amendement inscrivait également dans la loi le nécessaire suivi des élèves à qui l'on administre le NorLevo : l'infirmière scolaire devait ainsi informer a posteriori le médecin scolaire des décisions qu'elle avait prises, s'assurer de l'accompagnement psychologique de l'élève et veiller à la mise en oeuvre d'un suivi médical par un médecin généraliste ou spécialiste ou par un centre de planification familiale. Ce suivi permettrait de s'assurer de l'efficacité de la contraception d'urgence, notamment en conseillant un test de grossesse s'il était constaté un retard de règles, de prévenir les maladies sexuellement transmissibles et le sida et d'entamer, le cas échéant, une contraception relais.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a conclu que la rédaction qu'il proposait se voulait plus précise et plus complète que celle adoptée par l'Assemblée nationale mais qu'elle devrait néanmoins pouvoir être retenue par celle-ci.
Estimant que le rapporteur avait procédé à un exposé objectif du problème, M. Jean Chérioux a souligné le caractère ambigu de la proposition de loi. Il a regretté que le texte ne fasse pas mention de la nécessaire responsabilité des parents et a souhaité que l'on prévoie explicitement que les familles puissent s'opposer à l'administration d'une contraception d'urgence à leurs enfants.
Il a exprimé la crainte d'une banalisation de la contraception d'urgence qui pouvait apparaître comme une solution de simplicité pour certaines jeunes filles. Il s'est inquiété des risques que pouvait susciter, en matière de santé publique, une telle banalisation. Il s'est dit frappé du décalage entre la volonté d'aboutir à un risque zéro, par exemple en matière d'encéphalopathie spongiforme bovine, et les risques sanitaires que l'on prenait en autorisant la mise en vente libre de la contraception d'urgence.
M. Francis Giraud a considéré qu'il s'agissait là d'un véritable débat de société et que le sujet relevait d'une responsabilité collective. Il a jugé que la situation en matière d'information sur la contraception et la reproduction était catastrophique. Constatant que le nombre d'IVG n'avait pas diminué depuis 25 ans, il a souligné l'ignorance totale des bases élémentaires de la physiologie qui caractérisait nombre d'adolescents. Il a considéré qu'il fallait instituer dans les écoles une véritable éducation à la sexualité.
Après avoir rendu hommage aux compétences et au dévouement des infirmières, il s'est demandé néanmoins si l'on n'avait pas choisi de confier l'administration d'une contraception d'urgence aux infirmières scolaires uniquement en raison du nombre insuffisant de médecins scolaires. Estimant que le risque d'une banalisation de la contraception d'urgence existait à l'évidence, il a cependant jugé que rien n'était pire pour une jeune fille qu'une grossesse non désirée. Il a regretté vivement que l'on ne se donne pas les moyens de l'apprentissage de la responsabilité.
M. Louis Souvet a indiqué qu'il ne partageait pas la finalité poursuivie par cette proposition de loi. Il s'est déclaré sceptique quant à l'innocuité réelle de la contraception d'urgence et s'est inquiété des effets à long terme d'une administration répétée de ces produits contraceptifs.
Il s'est interrogé sur l'utilité de faire intervenir les infirmières scolaires alors que le NorLevo était en vente libre. Il s'est également enquis de la manière dont on allait procéder dans les établissements scolaires dépourvus d'infirmières et des conséquences d'un refus par l'infirmière d'accéder à la demande d'un contraceptif d'urgence.
Il s'est demandé si les pharmaciens avaient véritablement les moyens de préserver la confidentialité de l'entretien préalable à la délivrance d'une contraception d'urgence. Il s'est interrogé sur la portée normative de la rédaction prévue par l'amendement précisant que les contraceptifs d'urgence pouvaient être prescrits et délivrés aux mineures afin de prévenir une interruption volontaire de grossesse.
M. Jean-Louis Lorrain a indiqué qu'il voterait l'amendement proposé avec réticence. Il a regretté que l'on évoque le problème de la contraception d'urgence sans l'examiner dans sa globalité. Il a jugé qu'il convenait de dissocier éducation à la contraception et éducation à la sexualité. Il s'est inquiété de la remise en cause de l'autorité parentale et s'est interrogé sur les conséquences d'un refus de l'infirmière scolaire de délivrer le NorLevo. Il s'est enquis de la façon dont la loi pourrait être appliquée dans les établissements de l'enseignement privé.
Il s'est dit sceptique sur la nécessité d'une gratuité en pharmacie, compte tenu du coût relativement modique du NorLevo. Il s'est inquiété du risque de banalisation de la contraception et a craint que ne se développe un phénomène de " tourisme itinérant " entre pharmacies.
M. Charles Descours s'est dit accablé par le constat du nombre toujours trop élevé d'IVG. Il a considéré qu'il s'agissait là d'un échec de notre société. Jugeant qu'il convenait d'aborder ce sujet avec pragmatisme, il a rappelé qu'une interruption volontaire de grossesse était un acte toujours traumatisant et qu'il convenait de tout faire pour l'éviter.
Il a considéré que la loi aurait également vocation à être appliquée dans les établissements scolaires de l'enseignement privé. Il s'est dit défavorable à la possibilité offerte aux parents de s'opposer à l'administration d'une contraception d'urgence à leurs enfants.
Regrettant que l'éducation nationale n'ait pas rempli sa mission d'information des élèves, il a suggéré que l'on inscrive dans le texte de la proposition de loi l'obligation, pour l'éducation nationale, de favoriser l'éducation à la contraception. Il a souhaité obtenir des précisions sur les taux d'échec du NorLevo et sur les raisons expliquant que les ventes de ce contraceptif se soient poursuivies malgré l'arrêt du Conseil d'Etat.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard a estimé que le nombre encore très élevé d'IVG, notamment chez les jeunes, constituait effectivement un véritable problème de société. Considérant que rien n'était pire pour une jeune fille que de commencer sa vie par une IVG, elle a souligné que l'objet de la proposition de loi était de favoriser la diffusion de la contraception d'urgence qui permettait précisément d'éviter les IVG. Elle a estimé que l'utilisation de la contraception d'urgence ne pouvait être que ponctuelle et qu'elle n'avait pas vocation à se substituer à une contraception régulière.
Elle a considéré que les situations de détresse auxquelles étaient parfois confrontées certaines adolescentes mettaient en lumière les carences graves de l'éducation nationale en matière d'éducation à la sexualité. Elle a souhaité un renforcement du nombre des médecins scolaires et a estimé qu'il était plus facile pour une élève d'entamer un dialogue avec une infirmière qu'avec un médecin.
Elle a souligné qu'elle partageait les analyses des deux rapporteurs et a fait valoir que le dispositif de l'amendement proposé méritait d'être examiné attentivement afin de vérifier s'il ne pouvait pas conduire à limiter le champ de la possibilité offerte aux infirmières. Elle a dit partager le souci du rapporteur de faire en sorte que les élèves ne soient pas livrées à elles-mêmes.
Après s'être inquiétée du cas des jeunes non scolarisées, elle a rappelé que le Conseil d'Etat, dans son arrêt, n'avait pas repris l'argumentation selon laquelle le dispositif mis en place par Mme Ségolène Royal était contraire au principe de l'autorité parentale et que la Haute juridiction n'avait pas nié la notion d'urgence médicale, s'agissant d'un rapport sexuel non protégé.
Mme Nelly Olin a regretté que la proposition de loi ne soit accompagnée d'aucun engagement précis quant aux moyens nécessaires à sa mise en oeuvre. Elle a souligné que beaucoup d'établissements scolaires étaient encore dépourvus d'infirmières, ce qui amenait à s'interroger sur la portée réelle du dispositif proposé.
Mme Annick Bocandé s'est inquiétée du risque de banalisation de la contraception d'urgence. Elle s'est interrogée sur l'innocuité réelle du NorLevo, notamment en cas de prises répétées, et a souhaité connaître les éventuelles conséquences de son absorption sur le foetus en cas de poursuite de la grossesse.
Elle a jugé qu'il n'était pas certain que les élèves concernées aillent d'elles-mêmes voir l'infirmière scolaire et a souhaité que l'on réfléchisse à la mise en place d'un adulte référent dans les établissements scolaires. Elle a formulé le souhait que l'on renforce considérablement, à l'occasion de ce texte, les efforts d'information en direction des adolescents.
M. Philippe Darniche a fait part de son opposition à un texte qui conduisait inévitablement au laxisme, à la déresponsabilisation et à l'abandon progressif de nos repères éthiques. Il a regretté que l'on écarte les familles du dispositif et s'est inquiété des effets sur la santé de ce produit contraceptif fortement dosé. Il a jugé que les pharmaciens étaient mieux à même de délivrer le NorLevo aux adolescentes que les infirmières scolaires.
M. Alain Gournac a souligné que certains collèges de sa commune ne disposaient ni d'infirmière, ni de médecin scolaires. Il a souhaité que l'on réaffirme le rôle de la famille et que l'on accentue les efforts en matière d'information des adolescents. Il s'est inquiété d'un risque de banalisation de la contraception d'urgence.
M. Michel Esneu a mis l'accent sur la nécessité d'une éducation à la responsabilité. Il a souligné qu'il convenait d'éviter le recours à l'IVG et a souhaité que l'on fasse davantage référence à la qualité de la relation parentale. Il a jugé que la contraception d'urgence pouvait être l'occasion de renouer le dialogue entre l'adolescent et sa famille.
M. Roland Muzeau a indiqué qu'il avait apprécié les deux rapports qui constituaient des constats objectifs de la situation. Il a jugé que l'amendement proposé par le rapporteur était de nature à rassurer les plus inquiets. Il a mis l'accent sur la nécessité d'une véritable information sur la sexualité et la contraception et a dit partager la conviction du rapporteur que tout devait être fait pour éviter une interruption volontaire de grossesse. Il a souhaité pouvoir examiner attentivement l'amendement mais a précisé d'ores et déjà qu'il en partageait l'esprit.
Mme Gisèle Printz a rejeté l'idée d'une éventuelle banalisation de la contraception d'urgence. Elle a souligné que les jeunes étaient plus responsables qu'on ne le croyait souvent. Elle a considéré que ce texte pouvait être l'occasion, pour les parents, de s'intéresser à la vie sexuelle de leurs enfants.
M. Dominique Leclerc a dit partager les analyses du rapporteur et s'est félicité de ce que le réalisme ait prévalu. Il a jugé qu'il convenait de faire confiance à la fois aux adolescentes et aux professionnels de santé qui seraient chargés de délivrer cette contraception d'urgence. Il a précisé que la délivrance du NorLevo en pharmacie était l'occasion d'engager le dialogue avec les femmes concernées.
M. Claude Domeizel a souligné que l'éducation sexuelle ne devait pas se limiter aux filles et devait également concerner les garçons. Il a considéré que les relations difficiles entre parents et enfants se rencontraient dans tous les milieux. Il a jugé que ce texte posait la question de la majorité sexuelle, laquelle se situait probablement avant 18 ans. Il a souhaité pouvoir réfléchir sur l'idée de la gratuité de la délivrance aux mineures, proposée par le rapporteur.
En réponse aux différents intervenants, M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a souligné qu'il ne croyait pas à un risque de banalisation dans la mesure où le NorLevo n'était pas systématiquement efficace. Dans ces conditions, une femme qui choisirait le NorLevo comme un mode de contraception classique prendrait le risque d'une grossesse non désirée. Il a considéré qu'il convenait de tenir compte de ce qu'était la société d'aujourd'hui et non de ce que l'on voudrait qu'elle fût.
Il a jugé que le problème devait être pris en amont, qu'il provenait d'une méconnaissance absolue des mécanismes de la transmission de la vie et que l'information faite depuis 20 ans en faveur de la contraception avait été très insuffisante.
S'agissant de la proposition de loi, il a jugé qu'il convenait de résoudre le problème que posaient les milliers de grossesses d'adolescentes qui s'achevaient le plus souvent par un avortement. Il a souligné que le protocole national sur lequel s'appuieraient les infirmières devrait naturellement mettre l'accent sur le rôle de la famille. Il s'est dit défavorable à la possibilité pour les parents de s'opposer à l'administration d'une contraception d'urgence à leurs enfants par les infirmières scolaires dans la mesure où il suffirait à ces enfants de se rendre alors à la pharmacie.
Il a souhaité en revanche que l'on mette l'accent sur la mission éducatrice des parents et a regretté le manque d'écoute dont souffraient trop souvent les enfants. Il a ajouté que le dispositif proposé devrait s'accompagner de la nécessaire formation des infirmières à la nouvelle responsabilité qui leur était confiée. Il a conclu en soulignant qu'il s'était efforcé de mettre dans ce texte tout ce qui pouvait protéger les mineures et qu'il avait ainsi notamment prévu un suivi médical et un accompagnement psychologique des élèves.
Mme Janine Bardou a indiqué qu'elle déposerait, au nom du groupe des républicains et indépendants, un amendement prévoyant qu'un rapport, dressant le bilan de la possibilité ainsi offerte aux infirmières scolaires d'administrer une contraception d'urgence, serait déposé au Parlement avant le 31 décembre 2002.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a jugé qu'il s'agirait là d'un complément très utile.
La commission a ensuite adopté l'article unique de la proposition de loi dans la rédaction issue de l'amendement présenté par le rapporteur.
Jeudi 26 octobre 2000
- Présidence de M. Jean Delaneau, président -
Projet de loi de finances pour 2001 - Crédits consacrés aux anciens combattants - Examen du rapport pour avis
La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Marcel Lesbros sur le projet de loi de finances pour 2001 (crédits consacrés aux anciens combattants).
Rappelant que la qualité d'un budget ne se jugeait pas à l'aune des seules évolutions des crédits budgétaires, mais plutôt à sa capacité à résoudre les problèmes concrets, M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, a indiqué que les crédits relatifs aux anciens combattants s'élevaient à 23,8 milliards de francs pour 2001 en diminution de 1,3 % par rapport à 2000.
Observant que cette diminution était sensiblement inférieure aux baisses constatées les années précédentes, il a toutefois fait part de son scepticisme par rapport aux annonces d'une diminution moins rapide que celle des parties prenantes. Il a en effet précisé que si le nombre de pensionnés diminuait régulièrement, le nombre de bénéficiaires de la retraite du combattant augmentait.
Il a observé que la diminution des crédits portait avant tout sur les dépenses liées à la réparation qui constituent le plus gros poste budgétaire avec un peu plus de 20 milliards de francs. A cet égard, il a souligné que les crédits liés aux pensions d'invalidité diminuaient de 4 % en l'absence de toute revalorisation programmée du montant des pensions liée à l'application du rapport constant, mais que les dépenses liées à la retraite du combattant augmentaient fortement, de plus de 17 %, du fait de l'assouplissement progressif des conditions d'attribution de la carte et de l'arrivée massive à 65 ans de la troisième génération du feu.
Il a souligné que la situation de l'Institution nationale des invalides (INI) restait fragile, sa subvention de fonctionnement n'augmentant que de 1,8 % alors même que l'INI subit les conséquences de la fin du service national obligatoire et se lance dans une réforme importante de ses structures dans la perspective d'une participation au service public hospitalier.
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, a ensuite indiqué que les actions relatives à la solidarité et à la mémoire constituaient le deuxième poste de dépenses budgétaires, les crédits pour 2001 s'élevant à 3,3 milliards de francs en diminution de 0,8 %.
Il a constaté que cette diminution était avant tout liée à la baisse des crédits du fonds de solidarité, ceux-ci diminuant de 11 % pour revenir en-deçà du milliard de francs. Il a estimé qu'une telle évolution s'expliquait par la sortie progressive du dispositif des anciens combattants d'Afrique du nord, dans la mesure où les allocations du fonds cessent d'être versées dès que les bénéficiaires atteignent l'âge de 65 ans ou sont en mesure de faire valoir leurs droits à la pension de vieillesse à taux plein.
Il a observé que l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) voyait sa subvention de fonctionnement augmenter de 3 %. En revanche, il a indiqué que les crédits d'action sociale de l'ONAC diminuaient de plus de 10 %, et a jugé cette diminution d'autant plus regrettable que l'action sociale tendait de plus en plus à se substituer aux carences de l'action gouvernementale.
S'agissant de la politique de la mémoire, il a précisé que les crédits budgétaires étaient à peu près stables, leur augmentation apparente ne traduisant, en réalité, que des transferts internes d'imputations budgétaires entre ministères. Il s'est, à ce propos, félicité du rapatriement d'une grande partie des crédits de mémoire vers le budget des anciens combattants, se réjouissant que les observations qu'il avait formulées l'année passée aient été entendues.
Compte tenu de toutes ces évolutions, M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, a alors considéré que la diminution du budget des anciens combattants n'affectait pas le respect du droit à réparation, mais n'assurait pas la poursuite de l'effort de solidarité dans les meilleures conditions.
Abordant les mesures nouvelles, il a regretté que les quatre mesures prévues par le projet de loi de finances restent très en retrait par rapport aux avancées qu'avait laissé espérer M. Jean-Pierre Masseret et par rapport aux attentes du monde combattant. Il a alors déploré que le secrétaire d'Etat ne soit pas parvenu à s'imposer dans les arbitrages interministériels, même s'il a tenu à rendre hommage à son action personnelle qui avait permis quelques avancées non négligeables.
Il a observé que la première mesure nouvelle prévoyait d'assouplir les conditions d'attribution de la carte du combattant aux rappelés en Algérie ; il s'est félicité d'avoir été là encore entendu par le Gouvernement. Il a toutefois regretté qu'une telle mesure ne concerne pas le Maroc et la Tunisie et n'apporte aucune réponse à la situation particulière des maintenus.
Il a ensuite indiqué qu'une seconde mesure nouvelle permettait la revalorisation progressive du plafond donnant lieu à majoration de la retraite mutualiste du combattant, l'indice de référence passant de 105 à 110. Il a estimé que cette revalorisation était souhaitable, mais que son rythme restait lent et ne devrait pas permettre d'atteindre l'indice 130 d'ici 2002.
Il a précisé que la troisième mesure nouvelle permettait de poursuivre, à hauteur de 3 %, la revalorisation des pensions des plus grands invalides, gelées entre 1991 et 1995. Il a toutefois regretté que le retour à la parité ne soit pas définitif en 2001.
Il a enfin indiqué que la dernière mesure nouvelle permettait d'étendre le titre de reconnaissance de la Nation aux anciens combattants ayant servi en Indochine jusqu'au 1er octobre 1957 et en Algérie jusqu'au 1er juillet 1964. Il a alors insisté sur l'importance d'une telle mesure depuis longtemps attendue et sur laquelle il avait tout particulièrement insisté lors du dernier débat budgétaire.
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, a toutefois estimé que ces mesures nouvelles, même si elles allaient dans le bon sens, restaient trop rares et étaient loin de répondre à toutes les attentes du monde combattant.
Il a indiqué que de nombreuses demandes restaient en effet en suspens dont plusieurs lui paraissaient prioritaires et auraient pu trouver une solution dans le budget pour 2001.
S'agissant de la " décristallisation ", il a regretté qu'aucune évolution ne soit intervenue en dépit des engagements passés de M. Jean-Pierre Masseret. Il a, sur ce point, rappelé qu'il avait déposé, l'année dernière, au nom de la commission, un amendement visant à revaloriser les pensions dans les pays où elles ont acquis le plus de retard en matière de pouvoir d'achat et à lever la forclusion sur les demandes nouvelles d'attribution ou de réversion des pensions d'invalidité et d'attribution des retraites du combattant, mais que le Gouvernement s'y était opposé en invoquant l'article 40 de la Constitution.
Il a néanmoins souhaité que le Gouvernement fasse cette année un premier geste en permettant aux anciens combattants d'outre-mer atteignant l'âge de 65 ans d'obtenir la retraite du combattant. Il a estimé qu'il s'agirait là d'un premier pas dans la voie de l'équité et de la reconnaissance pour ceux ayant jadis combattu pour la France.
S'agissant de la situation des veuves, il a estimé qu'elle était très préoccupante et méritait donc une attention toute particulière. Il a regretté qu'après avoir annoncé, l'an passé, une remise à plat du dispositif, le secrétaire d'Etat ne prévoie rien, dans le projet de budget, en faveur des veuves. Il a précisé qu'à l'inverse, ce projet de budget prévoyait même une diminution des crédits d'action sociale de l'ONAC, crédits bénéficiant pourtant très souvent aux veuves. Il a alors insisté sur l'urgence d'une réforme du dispositif en présentant trois pistes de propositions : assouplissement des conditions de réversion de la pension d'invalidité en permettant une réversion automatique à partir de 60 %, revalorisation des pensions de veuves, possibilité de réversion de la retraite du combattant.
S'agissant de la retraite du combattant, il a estimé que la demande d'abaissement de 65 à 60 ans de l'âge ouvrant droit à son bénéfice devait être étudiée attentivement. Rappelant que le coût d'un tel abaissement était significatif (1,5 milliard de francs la première année), il a considéré qu'il était souhaitable d'étudier un abaissement progressif.
S'agissant de la question de l'indemnisation des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes, il a constaté que le projet de budget ne prévoyait pas l'inscription des crédits budgétaires correspondants et a souhaité que cette question soit réglée à l'occasion du débat budgétaire.
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, est ensuite revenu sur la récente mesure en faveur des orphelins des personnes de confession israélite mortes en déportation. Jugeant que celle-ci allait bien évidemment dans le bon sens, il a néanmoins regretté qu'elle ne s'applique pas aux autres catégories d'orphelins de victimes du nazisme.
Il a enfin abordé la question de la date de commémoration des morts de la guerre d'Algérie. Il a souhaité qu'une date, qui ne serait ni fériée, ni chômée, mais qui constituerait une journée du souvenir, soit fixée si possible en recueillant l'unanimité de l'ensemble des parties prenantes. Regrettant qu'un tel débat n'entraîne aujourd'hui que de nouvelles crispations, il a estimé qu'il appartenait au Gouvernement de prendre ses responsabilités en accord avec les partenaires combattants.
En conclusion, il a estimé que le projet de budget ne prévoyait que de trop rares avancées et a alors proposé à la commission d'émettre un avis défavorable sur les crédits relatifs aux anciens combattants, mais un avis favorable à l'adoption des articles 51, 52 et 53 du projet de loi de finances rattaché aux crédits des anciens combattants. Il a souligné que cet avis représentait moins une marque de défiance vis-à-vis de l'action menée par M. Jean-Pierre Masseret qu'une invitation à poursuivre avec vigueur son action en faveur du monde combattant.
M. Gilbert Chabroux, après avoir reconnu que les observations du rapporteur étaient le plus souvent justifiées, a fait part de sa perplexité sur les conclusions du rapporteur pour avis, considérant que celui-ci avait souligné de nombreux points positifs dans le projet de budget. Il a déclaré qu'il avait certes espéré des avancées plus nombreuses dans le projet de budget notamment en faveur des veuves et des plus grands invalides mais qu'il importait d'inscrire ce projet de budget dans la durée, l'action du secrétaire d'Etat ayant permis d'apurer une grande partie du contentieux existant avec les anciens combattants d'Afrique du Nord. Dans ces conditions, il a estimé que ces évolutions favorables ne justifiaient pas le rejet du budget.
M. Guy Fischer a jugé que la " régression budgétaire " était certes plus faible pour 2001, mais qu'il aurait été possible de présenter un budget plus ambitieux dans un contexte de croissance économique. Il a notamment insisté sur l'assouplissement des conditions d'attribution de la carte du combattant pour les rappelés, qui ne règle pas le cas particulier des anciens combattants du Maroc et de Tunisie, l'absence de rattrapage intégral des pensions des plus grands invalides, l'absence d'avancée sur la retraite du combattant et le caractère partiel de la mesure en faveur des orphelins de déportés. Sur ce dernier point, il a considéré qu'il était important d'étendre les critères d'indemnisation dans un souci de non-discrimination. Il a alors déclaré qu'il réservait son vote sur les crédits en l'attente du débat à l'Assemblée nationale.
M. Jean-Louis Lorrain a regretté l'absence de mesures en faveur des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes, soulignant l'urgence à intervenir en ce domaine compte tenu du vieillissement des intéressés. A cet égard, il a considéré qu'il était certes légitime de travailler dans la durée comme le fait le secrétaire d'Etat mais que pour certains cas, la durée était précisément une contrainte majeure.
Mme Gisèle Printz a également abordé la question des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes, soulignant la forte amertume des intéressés face à la non-reconnaissance par l'Etat de leur souffrance passée. Elle a jugé nécessaire d'intervenir rapidement dans ce domaine.
M. Gilbert Chabroux est enfin revenu sur la question de la date de commémoration de la fin de la guerre d'Algérie. Il a souligné les divisions existant au sein du monde combattant. Il a alors déclaré qu'il ne souhaitait pas que la date du 11 novembre soit retenue comme date de commémoration pour ce conflit.
En réponse aux différents intervenants, M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, a rappelé que ce projet de budget contenait certes quelques avancées. Mais il a considéré qu'elles étaient le plus souvent très partielles (revalorisation du plafond majorable de la retraite mutualiste du combattant, remise à niveau des pensions des plus grands invalides). Il a également observé que de nombreux problèmes particulièrement urgents et importants n'étaient pas abordés par ce budget, citant les exemples de la décristallisation, du dispositif en faveur des veuves et de l'indemnisation des orphelins des déportés. Il a alors indiqué que c'était principalement au regard de ces carences qu'il proposait un avis défavorable.
S'agissant de la question des incorporés de force, il a indiqué que le refus du Gouvernement d'avancer en ce domaine s'expliquait sans doute par la crainte de nouvelles revendications pour l'indemnisation des personnes ayant participé au service du travail obligatoire (STO). Il a cependant observé que les souffrances des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes avaient été, dans la plupart des cas, bien plus fortes que celles des anciens du STO.
S'agissant de l'attribution de la carte du combattant aux rappelés, il s'est déclaré en accord avec M. Guy Fischer, observant que la mesure proposée ne réglait pas le cas particulier des rappelés du Maroc et de Tunisie.
A l'issue de ce débat, la commission, sur proposition de M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, a décidé d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits des anciens combattants pour 2001 et d'émettre un avis favorable à l'adoption des articles 51, 52 et 53 rattachés aux crédits des anciens combattants.
Projet de loi de finances pour 2001 - Crédits consacrés à la politique du logement social - Examen du rapport pour avis
Puis la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jacques Bimbenet sur le projet de loi de finances pour 2001 (crédits consacrés au logement social).
M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis, a tout d'abord observé qu'à bien des égards le budget du logement social pour 2001 s'inscrivait dans la continuité des années précédentes, même s'il s'accompagnait de dispositions nouvelles qui, bien qu'intéressantes, ne modifiaient pas fondamentalement la politique du logement menée par le Gouvernement.
Il a indiqué que, dans ces conditions, les remarques qu'il avait formulées l'année dernière restaient, pour l'essentiel, d'actualité, la rationalisation de la politique du logement comme la nécessité d'un plus grand réalisme dans les objectifs affichés demeurant des chantiers d'avenir.
Il a souligné que si le Gouvernement apportait, chaque année, des modifications importantes -l'année dernière à propos du financement du logement social, cette année à propos des aides à la personne-, on ne distinguait clairement ni les effets, ni l'architecture générale de ce qui était proposé, compte tenu, notamment, de l'importance des besoins non satisfaits en matière de logement social.
Il a précisé que le budget du logement pour 2001 s'élevait à 48.755 millions de francs, soit une augmentation de 1,2 % en moyens de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2000. Il a observé toutefois que, compte tenu d'un taux d'inflation qui pourrait atteindre 1,3 % en 2001, les crédits alloués au logement stagnaient en termes réels.
Il a ajouté que l'effort de la Nation en faveur du logement ne se limitait cependant pas au montant des crédits budgétaires.
Il a rappelé que cet effort global, qui s'élevait à plus de 190 milliards de francs en 2001 (en hausse de 1,2 % par rapport à 2000), se subdivisait en plusieurs catégories : les aides budgétaires à la personne (35,7 milliards de francs en 2001), les aides budgétaires à la pierre (13,5 milliards de francs en 2001), les autres aides budgétaires (17,8 milliards de francs en 2001), les dépenses fiscales (56,6 milliards de francs en 2001) et les aides à caractère social (66 milliards de francs en 2001).
Il a constaté que, depuis dix ans, on assistait à une baisse relative des aides à la pierre (- 20 % depuis 1991) et à une forte hausse des aides à la personne (+ 48 % depuis 10 ans).
Il a précisé que le projet de budget pour 2001 confirmait cette tendance puisque les aides à la personne augmentaient de 2 % alors que les aides à la pierre baissaient de 2 %.
Il a indiqué que cette évolution de la politique du logement, que l'on retrouvait dans toute l'Europe, n'avait pas été sans conséquences sur d'autres aspects des politiques sociales.
Il a rappelé une critique importante, qu'il avait déjà formulée les années passées : les aides actuelles à la personne constituent un élément " désincitatif à la reprise d'un emploi ", notamment pour les personnes dont le revenu se limite au RMI.
Il a observé que le Gouvernement avait entendu ce message puisqu'il proposait cette année une réforme des aides au logement consistant à simplifier et à harmoniser les barèmes d'aides personnelles. Il a précisé qu'en supprimant le différentiel d'aide existant pour un même niveau de revenu selon qu'il résultait de transferts sociaux ou d'une activité professionnelle, la réforme avait pour objet de réduire le phénomène de " désincitation " au travail sensible au niveau du RMI.
Il a indiqué que cette réforme se traduisait pour 4,8 millions de ménages par une aide supplémentaire de 1.300 francs par an en moyenne, qu'elle serait mise en oeuvre en deux étapes, au 1er janvier 2001 et au 1er janvier 2002, et qu'elle représentait une augmentation des prestations versées de 6,5 milliards de francs en régime de croisière et de 3,3 milliards de francs en 2001, année de transition (dont 2 milliards de francs pour le budget de l'Etat).
Compte tenu d'un ajustement à la baisse, pour un montant de 1,345 milliard de francs, de la contribution de l'Etat au fonds national de l'habitation et au fonds national de l'aide au logement, consécutif à l'amélioration de la conjoncture économique, il a estimé que la contribution de l'Etat au financement des aides à la personne augmenterait de 655 millions de francs en 2001.
Il a indiqué que le Gouvernement s'était employé à réaliser cette réforme " par le haut ", c'est-à-dire par une augmentation de l'enveloppe globale, rendue possible par la croissance économique qui, à travers la baisse du chômage et la hausse des salaires, réduisait les besoins d'aide des ménages modestes et accroissait les ressources affectées par les employeurs au financement des aides personnelles au logement.
Compte tenu de ses appels répétés à une " remise en ordre " des aides au logement les années précédentes, M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis, a estimé qu'il ne pouvait que saluer la réforme des aides à la personne engagée par le Gouvernement.
Il a rappelé qu'il avait proposé l'année dernière la fusion des trois types d'aides en un barème unique, la prise en compte des ressources des bénéficiaires, l'institution d'un taux d'effort minimal, le recentrage du système, la révision des modalités de versement de l'allocation de logement sociale (ALS) aux étudiants ainsi que la prise en compte rénovée des critères de salubrité.
Il a observé que la réforme initiée par le Gouvernement ne répondait qu'imparfaitement à ses propositions puisqu'elle concernait essentiellement les barèmes qui seraient regroupés en un barème unique et les modalités de prise en compte des revenus de référence.
M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis, a constaté en particulier que le coût de la réforme à terme était loin d'être maîtrisé et qu'un retournement de la conjoncture pourrait faire " s'envoler " le besoin de financement des aides personnelles au logement.
Evoquant la réforme en elle-même, il a regretté qu'elle se limite au seul secteur locatif alors que le régime des aides à l'accession à la propriété demandait également à être simplifié.
Concernant le secteur locatif, il a signalé que cette réforme laissait insatisfaites des demandes importantes des HLM et des associations familiales : les nouveaux loyers plafonds étant ceux de l'APL, le problème de l'écart entre le loyer effectif et le loyer pris en compte restait entier. Il a déclaré que ce problème concernait principalement les ménages modestes dans le secteur conventionné et toutes les catégories de famille dans le secteur libre.
Il a ajouté, par ailleurs, que le forfait de charges restait inchangé par rapport aux barèmes antérieurs (300 francs pour un couple auxquels s'ajoutaient 66 francs par personne à charge). Il a observé que cela posait le problème du niveau du forfait qui était insuffisant pour un logement de taille moyenne. Il a rappelé que l'observatoire des charges de l'Union nationale HLM donnait des valeurs de l'ordre de 10 F/m2 en 1998, soit 650 francs pour un trois pièces occupé par un couple avec un enfant, à comparer à un forfait de 366 francs.
Il a également considéré que l'actualisation du forfait ne semblait obéir à aucune règle précise. Il a remarqué qu'il serait souhaitable de mettre en oeuvre une actualisation en prenant en compte un panier de charges représentatif, constitué par exemple à partir de sous-indices de l'indice des prix à la consommation. Il a estimé que cette disposition permettrait de ne pas aggraver le décalage entre forfait et charges réelles.
Concernant la construction de logements sociaux, il a rappelé le profond marasme du secteur. Alors que le ministère avait annoncé 60.000 logements sociaux pour l'année 2000, il a observé que seuls 11.376 agréments avaient été signés au cours du premier semestre et a évoqué plusieurs raisons parmi lesquelles la hausse du coût horaire de la main d'oeuvre consécutive aux 35 heures, les pénuries de main d'oeuvre dans le secteur du bâtiment, la hausse des taux d'intérêt ou encore la stagnation du pouvoir d'achat des salariés. Il a déclaré que le Gouvernement ne semblait pas tenir compte du décalage observé entre les crédits inscrits et le montant des crédits effectivement consommés.
Il a remarqué que ces crédits, en hausse de 0,5 % en autorisations de programme (ligne fongible), étaient associés à des objectifs physiques inchangés : 120.000 primes à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale (PALULOS), 10.000 prêts locatifs aidés d'intégration, 10.000 prêts locatifs à usage social construction-logement et 50.000 prêts locatifs à usage social. Il a estimé que cette programmation supposait que le prix des opérations n'augmente que de 0,5 %, ce qui lui semblait faible, à moins de considérer que les objectifs physiques ne seront de toute façon pas atteints.
M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis, a rappelé qu'il insistait depuis 1998 sur le décalage existant entre les objectifs de logements budgétés et la proportion de prêts locatifs aidés effectivement mis en chantier, ce rapport étant passé de 73 % en 1994 à 55 % en 1998 et probablement moins en 1999 et 2000. Il a estimé que cela traduisait une crise profonde du secteur de la construction et de la politique du logement social.
Par ailleurs, il a déclaré que, depuis deux ans, une partie des crédits non consommés était transférée vers le financement des primes d'épargne-logement (650 millions de francs en 1998, 780 millions de francs en 1999). Compte tenu du rythme de consommation actuel, il a estimé qu'il y aurait une nouvelle ponction en 2000. Il a regretté que des crédits initialement votés en faveur du logement social soient ainsi détournés de leur objet initial, ceci d'autant plus que la sous-consommation de la ligne fongible pouvait être largement imputée au déséquilibre des opérations de construction. Il a remarqué que ce problème pourrait peut-être trouver un début de solution à travers le doublement du taux de la subvention unitaire.
Par ailleurs, M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis, a observé que le projet de budget prévoyait une augmentation des crédits consacrés au financement des opérations de démolition-reconstruction de logements sociaux. Il a déclaré que ces crédits, qui avaient permis la démolition de 5.000 logements en 1999 et de plus de 6.000 logements en 2000, devaient être portés de 140 à 170 millions de francs, ceci afin de se rapprocher de l'objectif fixé par le Comité interministériel des villes (CIV) du 14 décembre 1999 de passer progressivement à plus de 10.000 démolitions par an.
Il a remarqué que des aides d'un montant de 170 millions de francs pour un objectif de 10.000 démolitions de logements représentaient une aide de 17.000 francs par logement démoli, alors que le coût global d'une démolition, y compris le déficit d'exploitation prévisionnel, était de l'ordre de 100 à 150.000 francs, ce qui laissait deviner l'effort demandé aux collectivités locales.
Il a considéré que si la politique de démolition-reconstruction ne constituait pas la " panacée ", elle représentait la seule solution dans le cas de certains ensembles très dégradés. Il a remarqué que, même dans ces cas, ces logements étaient souvent " rentables " pour les organismes HLM, compte tenu du fait qu'ils avaient fini d'être remboursés. Dans ces conditions, il a souhaité que le Gouvernement prenne la pleine mesure de l'effort financier que représentait cette politique de démolition-reconstruction afin de ne pas aboutir à un effet paradoxal consistant à favoriser le renouvellement du parc au détriment de la santé financière des organismes HLM.
M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis, a déclaré que le projet de budget comprenait également le doublement de l'enveloppe de crédits pour la qualité de service, à hauteur de 100 millions de francs, qui permettait la réalisation par les organismes HLM de travaux de proximité et d'amélioration de la vie quotidienne. Il s'est félicité de cette disposition non sans avoir remarqué que les conditions d'octroi des aides étaient trop limitatives et bénéficiaient à trop peu d'organismes.
Il a déclaré qu'à compter du 1er janvier 2001, dans le cadre du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) devrait intervenir sur l'ensemble du parc privé, qu'il appartienne à des propriétaires bailleurs ou à des propriétaires occupants et qu'à ce titre, elle devrait prendre en charge l'attribution des primes à l'amélioration de l'habitat dont les crédits budgétaires seront intégrés à sa subvention d'investissement. Compte tenu de cette fusion des crédits, il a précisé que la subvention globale d'investissement de l'ANAH inscrite en projet de loi de finances initiale serait de 3 milliards de francs en autorisations de programme et de 2,26 milliards de francs en crédits de paiement consacrés à l'amélioration de l'ensemble du parc privé.
En définitive, M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis, a estimé que le projet de budget présenté n'était pas, en lui-même, un mauvais budget même s'il comprenait de nombreuses insuffisances relatives, notamment, à l'absence de renforcement des aides à l'accession sociale à la propriété et des aides en faveur du logement intermédiaire. Il a observé qu'il s'inscrivait dans un cadre politique plus général qui ne pouvait satisfaire la majorité de la commission. Il a remarqué que la réforme des aides à la personne aurait pu se faire à crédits constants, s'inquiétant que le Gouvernement ait créé une nouvelle " machine à créer des déficits " qu'auront à gérer ses successeurs en cas de ralentissement de la croissance.
Par ailleurs, il a considéré que la solution retenue à travers le projet de loi SRU pour inciter les collectivités locales à construire des logements sociaux, à savoir une taxation pouvant déboucher sur un pouvoir de substitution du préfet, ne pouvait également être considérée comme satisfaisante. Il a observé qu'il s'agissait d'une marque de défiance à l'égard des collectivités locales à laquelle le Sénat s'était opposé fermement à chaque stade de la discussion du projet de loi. En outre, il a ajouté que le Premier président de la Cour des Comptes, M. Pierre Joxe, avait reconnu devant la commission que les aides au logement étaient extrêmement confuses et devaient être remises à plat pour une plus grande clarté et une meilleure efficacité. C'est pourquoi il a proposé, à regret, compte tenu de l'importance qu'il a déclaré accorder à la politique du logement, d'adopter un avis défavorable pour les crédits du logement social en 2001, non sans inviter le Gouvernement à travailler sur des réformes permettant d'accroître véritablement le nombre de logements sociaux construits ainsi que la diversité de l'habitat social.
M. Guy Fischer, après avoir souligné les difficultés rencontrées par la politique du logement, a déclaré ne pas partager la conclusion du rapporteur pour avis. Il a insisté sur l'importance des besoins non satisfaits. Il a cité l'exemple du Rhône où 30.000 demandes de logement étaient en instance. Il a estimé que le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), ayant pour but de favoriser la mixité sociale, constituait un véritable enjeu de société. Il s'est félicité de la réforme des aides au logement engagée cette année. Il s'est inquiété de la faible consommation des crédits votés et du faible nombre des logements construits au premier semestre en estimant que, si cette tendance devait se confirmer, elle pourrait se traduire par un renforcement des inégalités.
M. Louis Boyer a estimé que les nouvelles missions de l'ANAH et le regroupement des crédits relatifs à ces différentes actions rendaient difficiles les comparaisons avec les dotations budgétaires des années précédentes.
M. Gilbert Chabroux a déclaré qu'il ne partageait pas les conclusions du rapporteur pour avis. Il a estimé que ce budget comportait des avancées importantes, notamment à travers la réforme des aides à la personne et l'harmonisation des barèmes. Il a souhaité rendre hommage à l'action du secrétaire d'Etat au logement, M. Louis Besson. Il a considéré que l'augmentation des aides apporterait un élément de réponse à la hausse des charges de chauffage que devront supporter les locataires du fait de la hausse des prix des ressources énergétiques.
En réponse aux différents intervenants, M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis, a rappelé qu'il avait souhaité présenter de manière objective les crédits du logement en insistant en particulier sur les réformes. Il a estimé néanmoins que celles-ci étaient insuffisantes et s'inscrivaient dans un cadre général qui ne pouvait satisfaire la majorité de la commission, ce qui justifiait sa proposition d'émettre un avis défavorable.
M. Jean Delaneau, président, a souligné qu'il était de plus en plus fait appel aux collectivités locales et en particulier aux conseils généraux pour satisfaire la demande de logement social, en particulier dans les petites communes.
A l'issue de ce débat, la commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés au logement social.
Projet de loi de finances pour 2001 - Crédits consacrés à la politique de la ville - Examen du rapport pour avis
La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Paul Blanc sur le projet de loi de finances pour 2001 (crédits consacrés à la politique de la ville).
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a indiqué que le projet de budget de la politique de la ville pour 2001 présentait une progression spectaculaire de 70 % et s'élevait au total à 2,4 milliards de francs.
Il a évoqué tout d'abord les principales orientations définies par le Gouvernement lors du comité interministériel des villes (CIV) du 14 décembre 1999.
Il a indiqué que ce comité avait adopté un programme national de renouvellement urbain qui s'articulait autour de 50 grands projets de ville (GPV) et de 30 opérations de renouvellement urbain.
S'agissant du développement économique des quartiers sensibles, le CIV prévoit la création d'un fonds de revitalisation économique, diverses mesures d'accès à l'emploi et la création de 10.000 postes adultes relais.
Enfin, il a précisé que le CIV prévoyait un volet relatif au renforcement des services publics, des acteurs de la solidarité et du développement urbain.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a considéré que le projet de budget pour 2001 présentait trois aspects positifs. Tout d'abord, le Gouvernement continue à tirer les conséquences financières de la mise en oeuvre du nouveau cycle des contrats de plan Etat-régions et abonde à nouveau le fonds d'intervention pour la ville (FIV).
En second lieu, l'effort engagé au titre des grands projets de ville représente une avancée intéressante, même si les crédits semblent encore faibles par rapport au nombre de sites à restructurer.
Par ailleurs, a observé M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, les dépenses ordinaires de fonctionnement du ministère sont majorées pour assurer le financement des équipes emploi-insertion destinées à faciliter le retour à l'emploi des habitants des quartiers difficiles.
Il a regretté toutefois la stagnation des crédits relatifs aux opérations " ville-vie-vacances " et le montant toujours élevé des dépenses de communication.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a ensuite évoqué les principaux aspects du dernier bilan des zones franches urbaines et des mesures mises en place en 1996 dans le cadre du pacte de relance pour la ville.
Puis il a émis des réserves sur le dispositif des adultes relais, en regrettant la mise en place d'un dispositif de lutte contre le chômage par la création d'emplois parapublics dans le cadre de contrats à durée déterminée (CDD), qui ne présentent aucune garantie pour assurer la formation des personnes recrutées.
Par ailleurs, M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, s'est déclaré sceptique sur les effets du fonds de revitalisation économique dont il a regretté le montant financier encore insuffisant et les incertitudes relatives aux conditions d'attribution des nouvelles subventions. Il a estimé que les entrepreneurs ne souhaitaient pas être considérés comme des " chasseurs de primes " mais qu'ils réclamaient d'abord un allégement des contraintes.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a estimé que le fonds de revitalisation économique ne pouvait être considéré comme une mesure de substitution destinée à compenser la prochaine arrivée à échéance des mesures d'exonération fiscales et sociales du pacte de relance pour la ville ; il a souligné qu'il était important que les acteurs économiques puissent connaître clairement les règles de sortie dès 2001.
Enfin, M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a redouté que le dispositif des adultes relais ou le fonds de revitalisation économique ne finissent par fonctionner comme des " générateurs automatiques de dépenses ".
Il a souhaité que l'avis définitif de la commission sur le budget pour la ville puisse être reporté à une séance ultérieure afin de poursuivre un échange de vues avec les rapporteurs de la commission des finances et de la commission des affaires économiques.
M. Jean Delaneau, président, a fait également observer que la commission entendait le mardi 21 novembre Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur l'ensemble des crédits de son ministère.
M. Gilbert Chabroux a tout d'abord indiqué que le rapport était intéressant parce qu'il permettait de faire le point sur les dispositions déjà prises ou envisagées. Il a souligné que la politique de la ville était animée par une volonté politique dont l'augmentation continue du budget au cours des dernières années était un signe tangible. Il s'est félicité de ce que les crédits évoluent, cette année, dans des proportions considérables. Concernant les exonérations fiscales et de cotisations sociales prévues par le pacte de relance pour la ville, il s'est interrogé sur leur coût global, en indiquant qu'il devrait être rapporté au nombre d'emplois créés. Il a estimé que les 3.000 postes adultes relais financés d'ici la fin 2001 devaient être appréciés par rapport au nombre total de quartiers concernés par la politique de la ville et il a rappelé que l'objectif global de 10.000 postes adultes relais était très éloigné des 240.000 emplois-jeunes aujourd'hui créés. Il a appelé de ses voeux un renforcement de la péréquation financière entre les collectivités territoriales en s'inquiétant d'un risque de stagnation de la dotation de solidarité urbaine (DSU). Il s'est félicité de la démarche de création des équipes emploi-insertion. Il a considéré enfin que ce budget, qui représentait un effort considérable, méritait d'être voté.
M. Jean Chérioux, après avoir souligné le ton objectif du rapport, s'est inquiété des risques de pénurie de main-d'oeuvre et a souhaité que les entreprises puissent entrer en relation plus étroite avec les lycées professionnels pour faciliter l'accès des jeunes, y compris ceux issus des quartiers sensibles, à des formations en entreprise.
M. Guy Fischer a noté l'effort d'objectivité du rapporteur. Il a souligné le caractère positif de certaines innovations apportées dans la nouvelle procédure des contrats de ville (2000-2006) en relevant notamment l'introduction de la notion d'agglomération, la participation accrue des départements à la politique contractuelle et la mobilisation des fonds européens. Il a souligné que la politique de l'emploi dans les quartiers sensibles devait s'attaquer aujourd'hui au " noyau dur " du chômage et que, face à la difficulté, le recours aux adultes relais était justifié. Il a précisé que la mise en place de délégués de l'Etat au titre de la politique de la ville avait été effectuée à titre expérimental avec succès dans la région Rhône-Alpes et a considéré de manière positive le fait que le Gouvernement veuille généraliser cette démarche sur l'ensemble du territoire.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a tout d'abord souligné que, sur le fond, il regrettait que le programme du Gouvernement se traduise souvent par un renforcement de la mainmise de l'Etat et par un manque de confiance envers les collectivités locales ou les entreprises. Il a rappelé que la création d'emplois durables pour les habitants des quartiers difficiles ne pourrait s'effectuer que grâce aux entreprises.
Il a rappelé, s'agissant des zones franches urbaines, que le coût total des exonérations était évalué à 1,88 milliard de francs en 2001 mais que le manque à gagner pour l'Etat devait être apprécié au regard des rentrées de cotisations sociales supplémentaires générées par les emplois nouveaux.
Il a souligné qu'il portait un regard positif sur les équipes emploi-insertion, visant à faciliter l'accès à l'emploi des habitants des quartiers sensibles.
Concernant le caractère insuffisant de la DSU, il a regretté d'une manière générale la volonté du Gouvernement de réduire l'autonomie fiscale des collectivités territoriales et déploré que les suppressions d'impôts locaux soient compensées par des dotations transférées dont l'évolution apparaissait insuffisante au regard de la croissance et des besoins des collectivités territoriales.
S'agissant du fonds social européen (FSE), M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, tout en reconnaissant l'intérêt d'un financement au profit de la politique de la ville, a regretté que celui-ci soit effectué au sein d'une enveloppe commune avec celle consacrée aux zones rurales en situation difficile et redouté que l'effort consenti au titre des quartiers de la politique de la ville se fasse en définitive au détriment de la politique d'aménagement du territoire.
Concernant les relations entre les entreprises et les lycées professionnels, M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a estimé positif que les entreprises s'engagent à financer la formation ou à valider les acquis professionnels des jeunes qu'elles embauchent mais il a estimé dangereux que certaines entreprises proposent à des jeunes d'interrompre leurs études pour prendre un emploi rémunéré dans le cadre d'un contrat à durée déterminée sans garantie de formation.
La commission a décidé de reporter à une séance ultérieure son avis sur les crédits consacrés à la ville dans le projet de loi de finances pour 2001.
Contrôle de l'application des lois (année parlementaire 1999-2000) - Communication du président Jean Delaneau
Enfin, la commission a entendu une communication de M. Jean Delaneau, président, sur le contrôle de l'application des lois pour la période courant du 1er octobre 1999 au 30 septembre 2000.
M. Jean Delaneau, président, a rappelé que, conformément aux instructions du Bureau du Sénat, les commissions permanentes présentaient, chaque année, dans leur domaine de compétences, un bilan de l'application des lois. Il a précisé que les différentes contributions des commissions feraient l'objet d'une communication du président du Sénat lors d'une prochaine Conférence des présidents et d'un document de synthèse dont chacun pourrait prendre connaissance, de même que du bilan détaillé établi par la commission des affaires sociales.
Commentant ce bilan, M. Jean Delaneau, président, a souhaité formuler quelques observations.
Il a rappelé que l'an dernier à la même date, la commission avait mandaté M. Claude Huriet pour s'enquérir auprès de la secrétaire d'Etat à la santé de l'important retard constaté dans la publication de nombreux textes réglementaires d'application des lois dans le domaine sanitaire ; il a précisé que ce dernier avait fait un compte rendu de ces démarches lors de la réunion de la commission du 17 mai dernier. Il a indiqué que ses propres observations sur l'application des lois se faisaient naturellement l'écho des constatations de M. Claude Huriet.
Ainsi en est-il tout d'abord de la question récurrente de la révision de la loi du 29 juillet 1994 dite " loi bioéthique ". Cette loi aurait dû être révisée en juillet 1999 : le projet de loi n'est toujours pas déposé et il semble fort peu probable qu'il soit examiné par le Parlement en 2001. Paradoxalement, à un moment où la loi aurait déjà dû être révisée, le Gouvernement publie encore des décrets d'application : quatre décrets en Conseil d'Etat et plusieurs arrêtés fin 1999-début 2000. M. Jean Delaneau, président, a observé qu'il était évidemment difficile de faire le bilan d'application d'une loi quand elle n'a été que partiellement appliquée.
De même a-t-il souligné que les dispositions de la loi du 28 mai 1996 concernant les thérapies génique et cellulaire n'avaient toujours pas reçu leur décret d'application.
Il a rappelé que la commission était très attachée à une bonne application de la loi du 1er juillet 1998 relative à la sécurité sanitaire ; le volet institutionnel a été mis en place avec son réseau d'agences, d'instituts et d'établissements ; en revanche, les très nombreuses règles de sécurité sanitaire que comportait le texte pour les produits de santé sont encore dépourvues de décret d'application.
Il a constaté que la loi du 27 juillet 1999 portant création de la couverture maladie universelle était désormais applicable grâce à un appareil réglementaire très important. Il a noté une seule exception : le tarif maximum d'adhésion à une couverture complémentaire pour les personnes perdant le bénéfice de la couverture maladie universelle n'a toujours pas été arrêté, faute d'un accord avec les organismes de protection complémentaire. Il a souligné toutefois que le volumineux dispositif de " diverses mesures " qui était venu s'ajouter au volet couverture maladie universelle, était loin d'avoir reçu tous ses textes d'application.
M. Jean Delaneau, président, a souhaité aborder plus particulièrement l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
Il a estimé que ces lois étant annuelles, il était fâcheux qu'au moment où le Parlement vote la loi nouvelle, la précédente ne soit pas encore appliquée. Il a constaté que tel était souvent le cas.
Ainsi, le fonds d'accompagnement social pour la modernisation des établissements de santé, créé par la loi de financement pour 1998 publiée le 19 décembre 1997, n'a vu ses missions précisées que le 29 décembre 1998, soit quelques jours après la promulgation de la loi de financement pour 1999. Sa durée de vie aura été brève au total, puisque le projet de loi de financement pour 2001 propose de lui substituer un autre fonds.
Mais il a souligné que la carence la plus regrettable restait le fonds de financement des trente-cinq heures (FOREC) qui était la mesure centrale de la loi de financement pour 2000 mais également de la loi de janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail.
Cet établissement public qui bénéficie en principe de quatre impôts affectés et bientôt de six, si le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 est voté, et gère près de 100 milliards de francs en recettes comme en dépenses, n'a toujours pas été constitué et est dépourvu a fortiori de tout conseil d'administration et de tout conseil de surveillance.
Il a observé que de nombreuses autres dispositions de la loi de financement pour 2000 restaient inappliquées. Dans le meilleur des cas, s'agissant notamment de l'article 26 relatif au contrôle " des gros consommateurs de soins ", le décret d'application est paru fin octobre, trop tard naturellement pour que puisse être établi un quelconque bilan, même provisoire, d'une mesure qui avait rencontré le scepticisme de la commission.
En outre, certaines dispositions ont été appliquées de façon litigieuse. M. Jean Delaneau, président, a ainsi rappelé que M. Jean-Marie Spaeth, président du conseil d'administration de la CNAMTS, avait précisé, lors de son audition par la commission, qu'un recours avait été déposé à l'encontre du refus d'agrément par la ministre de l'emploi et de la solidarité d'une mesure adoptée par la CNAMTS en application de l'article 24 de la loi.
Enfin, M. Jean Delaneau, président, a salué, en conclusion, la parution récente du rapport d'évaluation de la loi de janvier 1991 dite " loi Evin " (lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme) réalisé par le commissariat général au Plan. Il a rappelé que la loi avait prévu la publication d'un premier rapport pour le 1er janvier 1993 et un second rapport pour le 1er janvier 1995...
M. Jean Chérioux s'est interrogé sur la gestion des exonérations de cotisations et leur financement en l'absence de l'établissement public prévu à cet effet.
M. Jean-Louis Lorrain a souligné les difficultés rencontrées à réaliser un bilan de la loi Evin et l'importance qui s'attache à en tirer toutes les conséquences.
M. Paul Blanc s'est étonné du retard enregistré dans la réforme de la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales, ainsi que de la loi, du même jour, d'orientation en faveur des handicapés.
En réponse aux intervenants, M. Jean Delaneau, président, a indiqué qu'en l'absence d'établissement public, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) se trouvait chargée des opérations relatives aux exonérations de cotisations. Il a précisé que le principe de révision de la loi bioéthique était inscrit dans la loi elle-même mais qu'en revanche, la nécessité d'une réforme de la loi du 30 juin 1975, mise en chantier dès octobre 1996, résultait du besoin d'actualiser un texte fondateur mais ancien.