AFFAIRES SOCIALES
Table des matières
Mardi 30 mai 2000
- Présidence de M. Jean Delaneau, président -
Outre-mer - Loi d'orientation pour l'outre-mer - Audition de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer
La commission a procédé à l'audition de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, sur le projet de loi n° 342 (1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer.
M. Jean Delaneau, président, a rappelé que la commission avait souhaité se saisir pour avis du volet social du projet de loi, soit près d'une vingtaine d'articles, et a salué la présence de MM. José Balarello, rapporteur au fond de la commission des lois, Jean Huchon et Victor Reux, rapporteurs pour avis respectivement des commissions des affaires économiques et des affaires culturelles.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre mer, a rappelé que le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer était le fruit d'une longue concertation avec les élus, les responsables socio-économiques et les forces vives du département d'outre-mer sur la base notamment des rapports élaborés par MM. Claude Lise, sénateur de la Martinique, et Michel Tamaya, député de la Réunion, et par M. Bertrand Fragonard, conseiller-maître à la Cour des comptes. Il a souligné que l'essentiel des propositions du Gouvernement en matière économique et sociale avait reçu, certes sous bénéfice d'améliorations souhaitées, un accueil favorable.
Il a déclaré que le premier objectif poursuivi par le Gouvernement était d'accroître fortement la compétitivité des entreprises dans les départements d'outre-mer afin de tenir compte des handicaps structurels, reconnus par l'article 299-2 du traité de l'Union européenne, qui nuisent gravement à leur développement. Il a indiqué que, pour les sept années à venir, l'effort public global (Etat, Union européenne et collectivités territoriales) en faveur de l'économie de ces départements atteindrait 37 milliards de francs.
Tout en reconnaissant que cet effort budgétaire était indispensable pour jeter les bases d'un développement durable, il a estimé que celui-ci reposait néanmoins principalement sur l'action des entreprises. Il a, à cet égard, rappelé que, conformément aux engagements du Premier ministre, un nouveau dispositif de soutien à l'investissement, devant se substituer au dispositif de défiscalisation actuel appelé à disparaître en 2002, serait mis en place d'ici la fin de l'année, soit par voie d'amendement au présent projet de loi, soit par insertion dans le projet de loi de finances pour 2001.
Mais il a également estimé que l'amélioration de la compétitivité des entreprises passait principalement par une diminution de leur coût d'exploitation et notamment du coût du travail. Il a précisé que l'article 2 du projet de loi dépassait et englobait l'ancien dispositif d'exonération de charges sociales patronales, introduit par la loi du 25 juillet 1994, sous réserve des observations qui pourraient être faites par les instances communautaires auxquelles il a été notifié. Il a alors insisté sur les particularités du système d'exonération proposé par le projet de loi : pérennisation dans la durée, suppression de la condition d'être à jour de ses cotisations, élargissement du champ des secteurs dits protégés à celui du tourisme, des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) et du bâtiment et des travaux publics (même si, pour ce dernier secteur, l'exonération n'est que partielle), augmentation du montant de l'exonération de 1 à 1,3 salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC).
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a en outre souligné que le projet de loi proposait d'étendre le champ des exonérations à toutes les petites entreprises de moins de 11 salariés, quel que soit leur secteur d'activité, et d'alléger très sensiblement les cotisations sociales des employeurs et travailleurs indépendants. Il a estimé que ces mesures constituaient une réponse adaptée à la réalité du tissu socio-économique des départements d'outre-mer dont 95 % des entreprises ont moins de 11 salariés, l'effectif moyen étant à peine de 2 salariés.
Il a indiqué qu'au total ce serait environ 115.000 salariés qui seraient concernés par les exonérations, contre 44.000 aujourd'hui, et l'ensemble des 55.000 employeurs et travailleurs indépendants qui seraient visés par les allégements de charges. Il a précisé que ce nouveau dispositif représenterait un coût annuel de l'ordre de 3,5 milliards de francs, soit quatre fois le coût du dispositif actuel. Il a également rappelé que le projet de loi prévoyait une incitation supplémentaire qui serait fixée par décret à 9.000 francs par salarié et par an pour toutes les entreprises ayant conclu un accord de réduction du temps de travail en application de la loi du 19 janvier 2000.
Précisant que ces mesures seraient financées par la solidarité nationale et non par un relèvement du taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), comme cela avait pu être le cas en 1994, il a également insisté sur l'aide apportée aux entreprises diversifiant leurs débouchés commerciaux, en particulier dans leur environnement régional. Après avoir rappelé que le précédent dispositif réglementaire en ce sens avait été si restrictif qu'il n'avait concerné qu'une dizaine d'entreprises, il a indiqué que le projet de loi prévoyait de donner une valeur législative à un nouveau dispositif de primes à la création d'emplois pour les entreprises exportatrices. Il a jugé que ce nouveau dispositif serait plus efficace, le montant des primes étant fortement revalorisé et le champ d'application concernant les entreprises réalisant 20 % (et non plus 70 %) de leur chiffre d'affaires à l'exportation.
Constatant que l'endettement fiscal et social des entreprises les empêchait bien souvent d'investir, d'accéder aux crédits bancaires ou au marché public, il a indiqué que les articles 5 et 6 du projet de loi visaient à remédier à cette situation en prévoyant la possibilité de mise en place d'un apurement des dettes sociales et fiscales.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a ensuite déclaré que le deuxième objectif de ce projet de loi était de favoriser la création d'emplois outre-mer où les taux de chômage restent très élevés en dépit d'une récente amélioration. Rappelant l'ampleur du défi que constituait l'emploi des jeunes, 35 % des habitants des départements d'outre-mer (DOM) ayant moins de 20 ans, il a jugé nécessaire de prévoir un dispositif spécifique pour l'outre-mer, les mesures plus générales, comme les emplois-jeunes par exemple, ayant été efficaces mais restant insuffisantes.
A cet égard, il a indiqué que l'article 9 du projet de loi instituait le projet initiative-jeunes, une aide financière de l'Etat fixée par décret et pouvant atteindre près de 50.000 francs qui sera accordée à tous les jeunes âgés de 18 à 30 ans créant ou reprenant une entreprise ou poursuivant à l'extérieur de leur département une formation professionnelle proposée par l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer (ANT) ou par un établissement agréé de formation dans le cadre de la coopération régionale.
Il a également rappelé que, lors du débat à l'Assemblée nationale, le Gouvernement avait présenté un amendement instituant le congé solidarité permettant, par le départ en préretraite des salariés les plus âgés, une embauche de jeunes en contrat à durée indéterminée. Il a insisté sur l'effort budgétaire consenti par l'Etat mais aussi par les employeurs et par les collectivités territoriales, rappelant qu'en 1994, le Gouvernement de l'époque avait renoncé à instaurer un tel dispositif. Il a précisé que, pour éviter tout effet d'aubaine, seules les entreprises s'étant engagées à maintenir leurs effectifs et ayant réduit leur temps de travail effectif à 35 heures hebdomadaires étaient éligibles.
Rappelant que 126.000 foyers étaient attributaires du revenu minimum d'insertion (RMI) dans les DOM, soit 16 % de la population contre 3,3 % en métropole, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a insisté sur la nécessité de renforcer la lutte contre les exclusions, tout en observant que le RMI jouait bien souvent le rôle d'un substitut aux allocations de chômage.
Il a précisé qu'en ce domaine l'objectif du Gouvernement était à la fois de permettre le retour à l'activité des attributaires du RMI, d'encourager le travail déclaré et de lutter plus efficacement contre les fraudes. A cet égard, il a insisté sur la mise en place de l'allocation de retour à l'activité permettant aux bénéficiaires des minima sociaux de cumuler, pendant deux ans, le bénéfice de cette allocation avec une activité rémunérée et sur la création du titre de travail simplifié se substituant aux chèques emploi-service dans les DOM et visant à enrayer le développement des activités informelles. Mais il a également jugé que ces dispositions ne seraient véritablement efficaces que si elles s'accompagnaient de mesures permettant d'améliorer le contrôle du RMI et de clarifier le rôle des organismes chargés de la politique d'insertion, et en premier chef, des agences départementales d'insertion (ADI).
Abordant le thème de l'égalité sociale, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a rappelé que cette revendication, qui s'était tout particulièrement exprimée à la Réunion, était centrée sur la question de l'alignement du RMI. Déclarant que le Gouvernement jugeait légitime cette revendication, il a rappelé que la proposition initiale d'un alignement du RMI en cinq ans et de l'allocation de parent isolé (API) en sept ans reposait sur le souci d'améliorer parallèlement l'efficacité de l'insertion. Il a alors indiqué que le Gouvernement s'était en définitive rangé à l'avis des députés qui avaient souhaité ramener le délai d'alignement du RMI à trois ans pour répondre aux demandes locales. Il a précisé que cet alignement se ferait en maintenant le montant actuel des crédits budgétaires affectés au logement social jusqu'à présent inclus dans la créance de proratisation du RMI. Il a rappelé que le souci du Gouvernement de poursuivre également l'effort en faveur du logement social prendrait la forme d'une unification des barèmes de l'allocation logement applicable au secteur locatif, comme le prévoit l'article 15 du projet de loi.
Il a enfin précisé que les dispositions économiques et sociales du projet de loi s'appliqueraient à Saint-Pierre-et-Miquelon, l'Assemblée nationale ayant par ailleurs étendu à cette collectivité d'importantes dispositions sociales notamment en faveur des handicapés.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis, s'est interrogé sur l'impact du dispositif d'exonération des charges sociales et patronales, compte tenu de l'importance du travail illégal et des difficultés de recouvrement des cotisations, sur la pertinence du critère d'effectifs retenu par le projet de loi pour le dispositif d'exonération, sur les intentions du Gouvernement s'agissant d'une éventuelle mise en place d'un recouvrement unique des cotisations sociales dues par les employeurs et les travailleurs indépendants, sur l'absence de toute amélioration du système de formation professionnelle dans le projet de loi, sur le décalage existant entre le délai d'alignement du RMI et celui de l'API et sur l'absence de réforme du complément familial.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a reconnu que les nouvelles exonérations de charges sociales n'étaient juridiquement liées à aucune contrepartie. Il a souligné que le Gouvernement avait pour objectif de conclure " un pacte pour l'emploi ". Mais il a précisé que ce pacte reposait sur la confiance et non sur des contraintes pour les employeurs. Il a indiqué, à cet égard, que le projet de loi ne prévoyait aucune mesure de contrôle spécifique, hormis la disposition issue de l'amendement déposé à l'Assemblée nationale par M. Ernest Moutoussamy. Cette disposition, dont la valeur juridique est toutefois incertaine, prévoit la suppression des allégements et exonérations en cas de condamnation pénale pour travail dissimulé ou fraude fiscale. Il a néanmoins rappelé que la mise en place de plans d'apurement ne signifiait en aucun cas l'effacement pour l'avenir des obligations fiscales et sociales.
Il a également rappelé que le Gouvernement avait retenu le seuil de 10 salariés pour ouvrir droit aux exonérations dans la mesure où l'extension à 20 salariés se traduirait par un coût budgétaire supplémentaire significatif (de l'ordre de 400 millions de francs) pour des effets incertains en matière de création d'emplois. Estimant nécessaire de cibler l'effort sur les très petites entreprises, dont la santé est fragile, et qui sont parfois à la limite du travail non déclaré, il a rappelé que le dispositif intégrait des mesures visant à lisser l'effet de seuil.
S'agissant des modalités de recouvrement des cotisations sociales des employeurs et travailleurs indépendants, il a précisé que le Gouvernement s'était orienté vers la mise en place d'un système de recouvrement unique mais que, face aux réserves des organismes concernés, le Gouvernement jugeait désormais préférable de favoriser un système de recouvrement coordonné.
S'agissant de la formation professionnelle, il a rappelé que le projet de loi prévoyait deux mesures visant à son amélioration : la mise en place d'un " parrainage " et l'ouverture du bénéfice du projet initiative-jeunes aux stagiaires de l'ANT. Il a en outre indiqué que le Gouvernement prévoyait d'introduire un amendement visant à renforcer ces mesures dans le cadre de la coopération régionale. Il a en outre observé que les améliorations possibles au système de formation professionnelle relevaient avant tout du domaine réglementaire.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a estimé que l'alignement en trois ans du RMI avait pour avantage de permettre un lissage du coût de la mesure tout en laissant le temps de renforcer les contrôles. Rappelant que le système des prestations familiales restait sensiblement différent dans les DOM, les allocations familiales étant par exemple versées dès le premier enfant, il a considéré qu'un alignement automatique de l'ensemble de ces prestations ne serait pas forcément favorable à l'outre-mer.
Considérant que ce projet de loi présentait des avancées significatives pour la Réunion, M. Lylian Payet a jugé que le respect du principe d'égalité impliquait un alignement immédiat du RMI.
M. Louis Souvet s'est interrogé sur la possibilité d'encourager les entreprises métropolitaines à investir dans les DOM plutôt que dans les pays voisins, en les faisant par exemple bénéficier d'aides et d'exonérations spécifiques.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a souligné que l'alignement du RMI avait un coût pour l'Etat de l'ordre de 900 millions de francs ce qui rendait son amortissement très difficile en un seul exercice budgétaire, mais avait aussi un coût pour les finances locales, les crédits d'insertion étant à la charge des départements.
Prenant l'exemple de la Réunion et de l'Ile Maurice, il a rappelé que le différentiel du coût du travail allait de 1 à 3, ce qui rendait à l'évidence les investissements à Maurice très attractifs. Il a néanmoins considéré que le " modèle mauricien " n'était pas forcément à suivre. Il a alors jugé que le développement économique durable des économies domiennes passait avant tout par la pénétration des marchés régionaux. Il a estimé que, dans ces conditions, les exonérations de charges et la prime à l'exportation créaient un contexte favorable.
Mme Gisèle Printz s'est interrogée sur l'existence de statistiques sexuées concernant les allocataires du RMI d'outre-mer.
En réponse, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a précisé que 52.000 des 126.000 allocataires du RMI étaient des femmes.
Insistant sur le poids des évolutions démographiques, M. Jacques Vergès a considéré que celles-ci expliquaient en grande partie les difficultés sociales de l'outre-mer. Il a ainsi rappelé que malgré la baisse progressive de la natalité, la jeunesse de la population entretenait, par un phénomène inertiel, une forte croissance démographique, la Réunion devant par exemple atteindre une population de 1 million d'habitants en 2025. Il a ainsi rappelé que la Réunion avait connu une croissance économique annuelle moyenne de l'ordre de 5 % ces dernières années mais il a constaté que cette croissance ne permettait de créer que 3.500 emplois par an alors que chaque année 10.000 jeunes entrent sur le marché du travail. Il a alors jugé que le projet de loi d'orientation ne serait guère en mesure de répondre à cet enjeu démographique.
Soulignant le caractère passionnel du débat sur l'égalité des droits, il a également considéré que la part croissante des emplois publics et l'impact des surrémunérations dans la fonction publique pouvaient contribuer à déséquilibrer les économies des départements d'outre-mer. Il a néanmoins considéré que le développement des DOM restait envisageable à la condition d'un renforcement des coopérations régionales et d'une amélioration des qualifications, la jeunesse de la population pouvant alors devenir un atout et non plus une contrainte.
M. Dominique Larifla a estimé pour sa part qu'une meilleure compétitivité des entreprises passait notamment par une révision des conditions de l'activité bancaire qu'il a jugée trop restrictive.
Considérant qu'il importait désormais de sortir du cycle du pessimisme et de l'assistance pour entrer dans celui du développement, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a jugé que le présent projet de loi en fournissait les moyens. Il a ainsi observé que l'apurement des dettes sociales et fiscales permettrait de remettre à niveau les entreprises mais que la question de leurs difficultés de financement devait être également intégrée.
Organisme extraparlementaire - Conseil d'orientation des retraites - Désignation de candidats proposés à la nomination du Sénat
Puis la commission a proposé les candidatures de MM. Claude Domeizel et Alain Vasselle à la nomination du Sénat pour siéger au sein du conseil d'orientation des retraites.
Nomination d'un rapporteur
La commission a nommé M. Lucien Neuwirth, rapporteur sur sa proposition de loi n° 348 (1999-2000) instituant un congé et une allocation favorisant l'exercice de la solidarité familiale en cas de maladie d'un enfant ou de fin de vie d'un proche.
Mercredi 31 mai 2000
- Présidence de M. Jacques Bimbenet, vice-président-
Loi de finances rectificative pour 2000 - Examen du rapport pour avis
La commission a procédé à l'examen du rapport pour avis oral de M. Charles Descours sur le projet de loi n° 351 (1999-2000) de finances rectificative pour 2000.
M. Jacques Bimbenet, vice-président, a formulé, au nom du président de la commission, des souhaits de bienvenue à M. Alain Hethener, nouveau commissaire.
M. Charles Descours, rapporteur pour avis, a tout d'abord précisé que la commission n'avait pas demandé à être saisie pour avis du collectif budgétaire en raison des quelques ajustements de crédits opérés sur les budgets sociaux, soit environ 500 millions de francs hors financement de l'hôpital.
Il a rappelé qu'il n'était pas d'usage, en effet, que les commissions pour avis sur le projet de loi de finances initiale se saisissent d'un projet de loi de finances rectificative, hormis le cas très particulier de la commission des affaires étrangères et de la défense pour les collectifs dits militaires.
Il a observé, d'ailleurs, qu'un tel avis aurait été présenté par les différents rapporteurs pour avis de la commission sur le projet de loi de finances.
Il a considéré que la commission n'avait pas davantage souhaité se saisir du projet de loi pour examiner les crédits budgétaires mobilisés par la " nouvelle étape hospitalière " décidée par le Gouvernement en mars dernier.
Il a rappelé, à cet égard, que 2 milliards de francs étaient inscrits en dépenses ordinaires dans un chapitre nouveau " aide exceptionnelle au service public hospitalier " et avaient vocation à financer les remplacements de personnels dans les établissements hospitaliers.
Par ailleurs, 100 millions de francs complétaient la dotation en crédits de paiement du fonds d'aide à l'adaptation des établissements hospitaliers (FIMHO) de même qu'une enveloppe de 600 millions de francs d'autorisations de programme.
M. Charles Descours a observé que ce chapitre budgétaire comportait, en début d'exercice, un important montant de crédits disponibles, dû notamment aux reports de l'exercice 1999.
Il a rappelé que ces crédits budgétaires n'étaient que la partie d'un tout. Parallèlement, le Gouvernement a en effet décidé une dépense supplémentaire de près de 2 milliards de francs à la charge de l'assurance maladie, qui majore du même montant l'objectif de dépenses de cette branche de la sécurité sociale, et dont plus d'un milliard de francs s'impute sur l'objectif national de dépense d'assurance maladie (ONDAM), le reliquat abondant le fonds d'accompagnement pour la modernisation des établissements de santé (FASMO) et constituant une dépense de l'assurance maladie non incluse dans l'ONDAM.
Constatant que, lors de la discussion du collectif budgétaire à l'Assemblée nationale, ni la ministre de l'emploi et de la solidarité ni la secrétaire d'Etat à la santé n'avaient souhaité intervenir, il a considéré que le projet de loi de finances rectificative pour 2000 n'était effectivement pas le cadre qui convenait pour débattre de la nouvelle étape de la politique hospitalière décidée par le Gouvernement ; il a estimé qu'il aurait été hautement souhaitable que ce dernier présente un " collectif social ".
A cet égard, il a observé que prévalait, dans le domaine social, une curieuse conception du rôle du Parlement.
Ainsi, le Gouvernement modifiait, de son propre chef, les objectifs de dépenses votés solennellement par le Parlement, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, que ce soit l'objectif de dépenses de la branche maladie arrêté par l'article 39 de cette loi ou l'objectif national de dépenses d'assurance maladie fixé par son article 40.
Par ailleurs, cette loi créait un fonds de financement des trente-cinq heures et prévoyait la présence de parlementaires à son conseil de surveillance. Ce fonds est en principe opérationnel depuis le 1er janvier 2000, mais le Gouvernement n'a toujours pas demandé au Parlement de désigner ses représentants, chargés pourtant de contrôler la gestion des flux financiers considérables transitant par ce fonds.
En revanche, le Gouvernement a décidé, de son propre chef, le 21 mars dernier, de créer un Conseil d'orientation des retraites. Le décret a été publié dès le 10 mai ; dans la foulée, le président de ce conseil -un haut fonctionnaire- a été désigné et la date de la première réunion fixée tandis qu'il était demandé au Parlement de désigner d'urgence ses représentants dans cette instance chargée de conseiller le Premier ministre et de lui présenter des rapports.
M. Charles Descours, rapporteur pour avis, a fait part de son intention de demander, non au ministre de l'économie et des finances, mais à l'ancien président de l'Assemblée nationale, son sentiment sur cette conception particulière de la hiérarchie des normes, de l'ordre des priorités et du rôle du Parlement.
Il a indiqué que la commission s'était, en définitive, saisie pour avis du collectif budgétaire parce qu'elle s'inquiétait de la cohérence des comptes de l'Etat avec ceux de la sécurité sociale.
Il a rappelé que la branche famille versait une allocation de rentrée scolaire, prestation familiale de l'ordre de 430 francs, et que le Gouvernement avait pris l'habitude depuis 1993 de décider une majoration substantielle de cette allocation, majoration qui, naturellement, était à la charge du budget de l'Etat.
Cette majoration n'étant pas automatique, le Gouvernement se réservait de prendre cette décision en cours d'année. Aussi, les crédits nécessaires ne figuraient pas dans la loi de finances initiale mais dans la loi de finances rectificative et, de fait, dans le collectif de fin d'année. La caisse nationale des allocations familiales (CNAF) faisait l'avance des sommes versées en septembre et n'était remboursée généralement qu'avec quatre mois de retard.
M. Charles Descours, rapporteur pour avis, a rappelé que lors de la conférence de la famille en juillet 1999, le Gouvernement avait annoncé solennellement la pérennisation de cette majoration.
Mais cette bonne nouvelle pour les familles s'était accompagnée d'une moins bonne nouvelle pour la sécurité sociale : le Gouvernement avait annoncé que la branche famille prendrait progressivement en charge cette majoration d'un montant de 7 milliards de francs.
A titre de contrepartie très partielle, la branche famille devait être déchargée des dépenses du fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leur famille (FASTIF), soit un milliard de francs.
Dès la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, une première tranche de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire avait été mise à la charge de la branche famille, soit 2,5 milliards de francs.
Mais ni le reliquat de cette majoration pérennisée, ni les crédits du FASTIF, soit au total 5,5 milliards de francs, n'avaient été symétriquement inscrits en loi de finances pour 2000.
M. Charles Descours, rapporteur pour avis, a considéré que cette situation pouvait à la rigueur s'expliquer pour des raisons techniques.
En revanche, il lui a semblé proprement incompréhensible que cette prestation, qui sera versée en septembre 2000, ne soit pas inscrite dans le collectif budgétaire de printemps.
Il a constaté dès lors une insincérité soit dans les comptes de l'Etat, soit dans les comptes de la sécurité sociale, voire encore dans le discours tenu aux familles.
Avançant une première hypothèse, qui lui a semblé la plus probable, celle qui conduirait le Gouvernement à n'inscrire ces 5,5 milliards de francs que dans le collectif de fin d'année, M. Charles Descours a considéré qu'elle comportait deux conséquences.
En premier lieu, la branche famille, en septembre prochain, devra faire l'avance de cette somme au prix peut-être d'une majoration par décret des plafonds d'emprunt autorisés par le Parlement et, en tout état de cause, d'une charge de trésorerie totalement injustifiée, dès lors que le Gouvernement dispose de l'instrument qu'est le collectif budgétaire de printemps et peut donc mobiliser les fonds nécessaires en temps utile.
En second lieu, les comptes de l'Etat pour 2000, tels que présentés au Parlement, ne sont pas sincères, car ils n'intègrent pas une dépense certaine.
La deuxième hypothèse serait que le Gouvernement a décidé de transférer à la charge de la branche famille, dès 2000 et sans compensation, l'intégralité de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire.
Rappelant les propos de M. le Président de la République qui, le 6 avril 2000, prenait la défense d'une politique familiale ambitieuse, il s'est vivement élevé contre la tentation qui pourrait être celle du Gouvernement d'opérer, dès 2000, une nouvelle ponction de 5,5 milliards de francs sur la branche famille.
Il a constaté que, dans cette hypothèse, les comptes sociaux tels que présentés à la commission des comptes de la sécurité sociale, le 22 mai dernier, seraient erronés : l'excédent de la branche famille pour 2000, évalué à 4,5 milliards, recouvrirait en réalité un déficit de 1 milliard de francs ou encore l'ensemble du régime général ne serait pas en excédent mais à nouveau en déficit.
Il s'est en revanche refusé à croire, à la veille de la conférence de la famille, à une troisième hypothèse qui verrait les familles pénalisées par une forte diminution de l'allocation de rentrée scolaire, ramenée au seul montant déjà inscrit dans les comptes de la branche famille.
M. Charles Descours, rapporteur pour avis, a conclu son propos en indiquant que l'objet de l'avis qu'il présenterait au nom de la commission serait en définitive de poser une question simple au ministre de l'économie et des finances : entendait-il par amendement -lui seul peut le faire- majorer les crédits budgétaires de 5,5 milliards de francs pour lever toute ambiguïté quant à l'avenir de la branche famille.
Il a rappelé que cet avis oral s'appuierait naturellement sur le rapport d'information n° 356 (1999-2000) que MM. Jacques Machet, Alain Vasselle et lui-même avaient présenté à la commission le 24 mai dernier.
M. François Autain a relevé que le rapporteur procédait par procès d'intention et a considéré que les lois de financement de la sécurité sociale n'avaient pas le même caractère normatif que les lois de finances, comme en témoignait la possibilité ouverte au Gouvernement de majorer par décret le plafond des autorisations d'emprunts accordées aux différents régimes de sécurité sociale.
Il a observé que les objectifs de dépenses figurant en lois de financement avaient donné lieu, par le passé, à de lourds dépassements sans que le Gouvernement ait déposé de projet de loi rectificatif.
Il a souligné en outre que la branche famille, qui était fortement déficitaire en 1997, disposait désormais d'excédents substantiels.
De façon plus générale, M. François Autain s'est félicité du retour à l'équilibre de la sécurité sociale qui permettait d'aborder dans de bonnes conditions les réformes structurelles nécessaires.
M. Bernard Cazeau a jugé que les critiques formulées par le rapporteur étaient excessives.
M. Charles Descours, rapporteur pour avis, prenant l'exemple des retraites, a émis des doutes quant à la volonté du Gouvernement d'avancer dans la voie des réformes structurelles. Il a rappelé que la disposition la plus normative de la loi de financement de la sécurité sociale était précisément la fixation des plafonds d'emprunts et qu'il était très regrettable que le Gouvernement ait systématiquement utilisé la possibilité de procéder, par décret, à la majoration de ces plafonds, notamment pour permettre à la branche famille de faire l'avance de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire. Il a estimé qu'en 2000, le Gouvernement, grâce au collectif budgétaire de printemps, pouvait demander au Parlement les fonds nécessaires permettant d'éviter une charge de trésorerie indue pour la branche famille et le recours, dans l'urgence, à un décret majorant le plafond des emprunts du régime général.
De façon plus générale, il s'est élevé contre une conception des lois de financement de la sécurité sociale qui dépouillerait ces dernières de toute valeur normative. Il a considéré que, certes, les objectifs de dépenses pouvaient ne pas être atteints, sans conséquence immédiate pour les assurés sociaux, mais qu'il appartenait au Gouvernement de s'attacher à prévenir les dérives éventuelles et non de décider, de son propre chef, des dépenses supplémentaires.
A l'issue de ce débat, la commission, à la majorité, a adopté l'avis oral présenté par M. Charles Descours.