AFFAIRES SOCIALES
Table des matières
- Mardi 26 octobre 1999
- Mercredi 27 octobre 1999
- Projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail - Examen du rapport
- Contrôle de l'application des lois - Communication
- Application des lois de financement de la sécurité sociale - Rapport annuel de la Cour des Comptes - Audition de MM. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des Comptes, Gabriel Mignot, président de la sixième chambre, et Claude Thélot, rapporteur général de la Cour des Comptes
- Projet de loi de finances pour 2000 - Crédits consacrés à la politique de la ville - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2000 - Crédits consacrés au logement social - Examen du rapport pour avis
- Mission d'information en Guyane - Communication
Mardi 26 octobre 1999
- Présidence de M. Jean Delaneau, président -
PJLF pour 2000 - Audition de M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville
La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, sur les crédits consacrés à la ville (crédits du logement social), dans le projet de loi de finances pour 2000.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, a indiqué que le budget de son ministère était celui qui augmentait le plus en 2000, consacrant ainsi la priorité nouvelle et durable de la politique de la ville dans la politique gouvernementale.
Il a noté, qu'en plus d'une augmentation de près de 10 % à structure constante, le budget regroupait plus de 300 millions de francs de crédits auparavant dispersés dans de nombreux ministères ; il a souligné que cette volonté de simplification se retrouverait au plan local dans la mesure où 90 % des crédits du fonds interministériel pour la ville (FIV) étaient délégués en préfecture avec des procédures allégées d'instruction des dossiers.
Il a précisé que sur un budget global de 1,4 milliard de francs, les moyens de fonctionnement de la délégation interministérielle à la ville (DIV) étaient stables, tandis que les crédits d'études diminuaient et que les crédits de communication étaient identifiés et dotés.
Il a rappelé que l'essentiel des moyens du ministère et des mesures nouvelles financerait les contrats de ville pour lesquels 8,6 milliards de francs avaient été prévus lors du comité interministériel des villes du 2 septembre dernier.
Il a noté que la priorité forte donnée par le Gouvernement à la politique de la ville ressortait également des budgets des différents ministères, s'agissant notamment des emplois-jeunes dans les quartiers, de la police de proximité, des réseaux d'éducation prioritaire et des opérations de reconstruction-démolition de logements sociaux.
Il a souligné également le rôle des prêts de la caisse des dépôts et consignations (CDC) aux collectivités locales et aux organismes d'habitations à loyer modéré (HLM), dont les taux ont été récemment à nouveau abaissés.
Il a souligné que le " changement d'échelle " de la politique de la ville susciterait une participation financière des collectivités locales ; il a mis l'accent sur l'augmentation très forte de la dotation de solidarité urbaine (DSU) qui bénéficiait d'un abondement supplémentaire de 700 millions de francs. Il a observé que les fonds structurels européens, malgré leur diminution globale, profiteraient davantage à la politique de la ville, notamment dans la région d'Ile-de-France et dans le Rhône.
Il s'est félicité que les quartiers en difficulté soient pour la première fois inscrits dans les objectifs de la prochaine génération de fonds structurels européens.
Il a souligné que l'effort global en faveur de la politique de la ville dépasserait, dès 2000, les 35 milliards de francs auxquels faisait référence le rapport de M. Jean-Pierre Sueur, alors qu'il atteignait 31 milliards de francs en 1999 et 22 milliards de francs en 1998.
Il a indiqué que les contrats de ville bénéficieraient d'un doublement de leurs moyens au cours des sept prochaines années, avec 8 milliards de francs de crédits spécifiques du ministère de la ville, qui permettraient de faire de ces contrats un outil de développement social et d'intégration des quartiers à la ville.
Il a déclaré que le Premier ministre avait décidé un ambitieux programme de rénovation urbaine et de solidarité pour les dix prochaines années qui se traduirait par le lancement d'un grand programme de renouvellement urbain.
Il a précisé qu'il s'agissait de " réinscrire dans la normalité " de nombreux grands ensembles devenus largement obsolètes qui concentraient les personnes qui n'avaient plus le choix de leur lieu d'habitation et qui constituaient un premier signe de " ghettoïsation ". Une cinquantaine de ces opérations de renouvellement urbain seront qualifiées de grands projets de ville (GPV).
Il a indiqué que le grand programme de renouvellement urbain nécessiterait de nouveaux outils législatifs qui seraient inscrits dans un titre spécifique du futur projet de loi sur l'urbanisme, l'habitat, les transports et la politique de la ville.
Il a indiqué que le ministre de la fonction publique préparait différentes mesures pour renforcer la présence et la qualité des services publics afin d'améliorer le service rendu aux populations, de motiver les agents publics et d'ouvrir le recrutement dans les services publics aux habitants des quartiers.
S'agissant du volet relatif à l'économie et à l'emploi, il s'est inquiété du risque important que l'embellie économique s'arrête aux portes des quartiers en difficulté, dont les habitants sont peu qualifiés et écartés du marché du travail depuis longtemps.
Il a déclaré que le Gouvernement avait décidé une mobilisation exceptionnelle de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) pour que chaque chômeur de ces quartiers puisse se voir proposer une solution de formation ou d'insertion professionnelle. En outre, un programme de lutte contre les discriminations à l'embauche sera mis en oeuvre. Enfin, à l'instar des emplois-jeunes, le Gouvernement proposera des mesures spécifiques pour développer l'activité dans les quartiers sensibles.
Il a ajouté que le programme de renouvellement urbain comprendrait différentes mesures en faveur de l'implantation d'entreprises et des services et qu'un programme d'aménagement foncier et d'investissements publics serait mis en oeuvre pour améliorer les dessertes, les services et la sécurité. Il a souligné que des aides, notamment fiscales, pourraient être accordées aux entreprises sur la base " d'un véritable projet partagé ".
Il a précisé enfin que l'épargne populaire, notamment le livret A et les fonds propres de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), serait mobilisée.
Indiquant que les mesures en préparation seraient annoncées au cours du comité interministériel des villes du 2 décembre, il a souligné que ces outils devraient être utilisés dans le cadre d'une stratégie collective de développement solidaire.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, s'est demandé en quoi les GPV se différencieraient des grands projets urbains (GPU) lancés en 1995 et quel montant de crédits leur serait alloué. Il s'est interrogé sur le terme de la poursuite des exonérations prévues au titre du pacte de relance pour la ville. Il s'est également interrogé sur le bilan de l'application en 1999 du plan de lutte contre l'insécurité urbaine décidé en janvier dernier, ainsi que sur le contenu des mesures économiques qui seraient mises en place pour assurer le développement des quartiers. Faisant référence aux déclarations du président de l'Association SOS Racisme, il s'est demandé si les opérations " ville vie vacances " ne risquaient pas de développer " un esprit d'assistanat ". Il s'est interrogé sur la mise en oeuvre des mesures de simplification de la politique de la ville décidées en décembre 1998.
En réponse, M. Claude Bartolone a précisé que les GPV seraient plus nombreux que les GPU et qu'ils correspondaient à un projet plus global, pensé comme une grande opération d'urbanisme et non comme un projet de ville. En outre, le GPV prendra en compte, à la fois, les problèmes internes aux quartiers en matière de restructuration du bâti et des espaces extérieurs et les mécanismes d'exclusion à l'échelle de l'agglomération.
Il a précisé que les financements des GPV, variables selon les sites, oscilleraient entre 10 millions de francs et 30 millions de francs par site, ce qui, compte tenu de l'effet de levier, devrait dégager entre 300 millions de francs et 1 milliard de francs sur le prochain plan.
Il a souligné que le GPV aurait une dimension forte de renouvellement urbain, mais cette transformation serait mise au service d'une reconquête de la citoyenneté pour les habitants des quartiers en difficulté et viserait à garantir une plus grande attractivité de ces quartiers pour les entreprises.
Concernant le pacte de relance pour la ville, il a indiqué que les dernières exonérations interviendraient le 31 décembre 2002 pour les zones de redynamisation urbaine (ZRU) et au 31 décembre 2006 pour les zones franches urbaines (ZFU). Pour ce qui concerne les ZFU, le Gouvernement présentera des mesures législatives de moralisation qui pourraient être effectives dès le 1er janvier 2000.
S'agissant du conseil de sécurité intérieure de janvier 1999, il a précisé que, avant la fin de l'année, 700 gendarmes et 1.200 policiers seraient redéployés dans les départements les plus sensibles, que 64 sites de police de proximité seraient mis en place, que 8.500 fonctionnaires assureraient l'îlotage et que neuf nouvelles maisons de la justice et du droit (MJD) seraient ouvertes. Par ailleurs, il a fait état de la création de huit nouvelles " sûretés départementales " et de quinze brigades de prévention de la délinquance juvénile, de la programmation de dix unités éducatives renforcées et de quinze centres de placement immédiat et du recrutement de 250 éducateurs et de 22 enseignants en milieu pénitentiaire. Sur le plan scolaire, il a noté le recrutement de 5.000 aides-éducateurs et le développement de 250 classes-relais.
Concernant le développement économique, il a souligné que la priorité était d'améliorer l'accès à l'emploi par une mobilisation exceptionnelle de l'ANPE, la lutte contre les discriminations à l'embauche et les emplois-jeunes. Il a ajouté que le programme de renouvellement urbain comprendrait différentes mesures en faveur de l'implantation d'entreprises et de services dans les quartiers en difficulté ou à proximité et prévoirait des aides notamment fiscales qui seraient annoncées en fin d'année.
S'agissant des opérations " ville vie vacances ", il a indiqué que celles-ci ne s'inscrivaient pas dans une " logique de consommation " dans la mesure où le bilan de 1999 montrait une forte progression des projets axés sur l'insertion professionnelle ou d'utilité collective.
Concernant les mesures de simplification, il a précisé que le dossier unique était entré en vigueur, que les prochains contrats de ville prévoiraient un interlocuteur unique au sein des services de l'Etat, que le FIV était d'ores et déjà renforcé et que beaucoup de collectivités locales envisageaient la mise en place d'un fonds de participation des habitants dans le cadre du contrat de ville.
M. André Jourdain a estimé que le recrutement des emplois-jeunes devrait être complété par des mesures spécifiques qui inciteraient les entreprises du secteur privé à embaucher des salariés issus des quartiers difficiles.
M. Gilbert Chabroux s'est félicité de la forte augmentation du budget en rappelant que la politique de la ville avait besoin de cet effort car la croissance n'avait pas atteint les quartiers sensibles dans lesquels le taux de chômage n'avait pas baissé. Il a estimé que la rallonge budgétaire prévue pour la dotation de solidarité urbaine devrait être reconduite les années suivantes. Il a souhaité que les GPV soient mis en place " sans perdre de temps " et a souligné les difficultés du maintien des services publics dans les quartiers. Il a indiqué qu'il espérait un signe fort du Gouvernement sur la politique de la ville.
M. Guy Fischer a souligné l'importance d'un renforcement de la présence des services publics dans les zones sensibles, notamment en matière d'aide médicale, d'éducation ou dans les services de la poste. Se déclarant " attentif " aux mesures prises pour la politique de la ville, il a souhaité que la mise en place des GPV aille de pair avec une réponse aux problèmes quotidiens des habitants des quartiers. Constatant que 5 à 15 % des jeunes dans les quartiers posaient de véritables problèmes, il a estimé que les outils d'insertion étaient encore insuffisants.
Mme Gisèle Printz s'est demandée si des crédits étaient prévus pour les communes touchées par les effondrements miniers.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard a souligné qu'il fallait préparer les effets du passage aux 35 heures en termes de loisirs et d'activité pour les habitants des quartiers sensibles. Elle a souhaité que les contrats de ville incluent un volet relatif à l'amélioration de la desserte des quartiers en transports urbains.
Mme Nelly Olin a estimé important que le ministre précise que les zones franches urbaines iraient à leur terme, en admettant que des mesures correctives pouvaient être apportées aux dispositions du pacte de relance pour la ville lorsque des abus étaient constatés. Elle a souhaité une réforme de la législation sur les copropriétés pour faciliter la rénovation de certains immeubles dégradés et elle a souligné l'utilité des opérations de démolition-construction.
M. Louis Souvet, évoquant l'expérience de communauté d'agglomération engagée à Montbéliard, a constaté que, dans l'hypothèse de la création d'une communauté d'agglomération, les communes-membres disposaient de ressources limitées à la taxe d'habitation pour faire face aux problèmes des quartiers sensibles.
En réponse, M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, a tout d'abord souligné, que dans un contexte de reprise de la croissance, les entreprises privées, souvent conscientes de leur intérêt commercial à maintenir une présence dans les quartiers difficiles, étaient à même d'agir d'elles-mêmes pour embaucher des personnes issues de ces quartiers. En revanche, il a considéré qu'un dispositif analogue à celui des emplois-jeunes mériterait d'être développé pour recruter des " adultes médiateurs " dans les zones sensibles.
Prenant l'exemple des Yvelines, il a rappelé que le taux de chômage moyen du département était revenu de 9 % à 7 % au cours des deux dernières années, mais qu'il s'était maintenu à 35 % dans les quartiers en difficulté.
Il a souligné en outre que le retour de la croissance pouvait entraîner l'embauche puis le départ des quartiers, de personnes aujourd'hui très actives dans l'animation des associations qui jouent un rôle structurant.
Il a rappelé que le développement économique passait par une régulation sur un territoire plus vaste que celui de la commune où se situait le quartier sensible.
S'agissant de la DSU, il a considéré que ce dossier devrait être ouvert à nouveau afin d'assurer une plus grande solidarité entre communes, car il était inadmissible que certaines communes soient " assises sur des trésors " tout en ayant peu de difficultés sociales, alors que d'autres cumulaient les handicaps avec peu de ressources.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, a tenu à souligner que dans son esprit il n'était pas question d'opposer le monde rural et le monde urbain en faisant valoir que si les zones rurales se dépeuplaient, il en résultait un développement désordonné de ce que l'on appelle le monde " rurbain " porteur de nombreuses difficultés.
S'agissant de la présence des services publics, il a rappelé qu'une convention avait été conclue avec la direction de la poste afin de permettre que la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail aille de pair avec une présence et une ouverture accrues des bureaux de poste dans les quartiers difficiles. Il a souligné la détermination de la poste à faire avancer ce dossier malgré les difficultés rencontrées.
Concernant le chômage des jeunes, il a considéré que ce problème devait être abordé sous plusieurs angles : amélioration de la formation, lutte contre la ségrégation à l'embauche, diminution de l'échec scolaire, amélioration de la qualification professionnelle au regard des besoins du marché.
Il a précisé que le régime des subventions aux communes victimes d'un effondrement minier ne relevait pas du budget de son ministère mais il a indiqué, en revanche, qu'un programme spécifique avait été élaboré pour les anciennes cités minières du nord classées au titre de la politique de la ville.
Concernant la réduction du temps de travail, il a considéré qu'il était important de dégager du " temps bénévole " pour les quartiers en soulignant que sans l'activité militante des associations, la politique de la ville ne pourrait pas se déployer.
S'agissant du développement économique, M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, a souligné que les ZFU ne pouvaient pas être l'instrument unique de développement des quartiers.
Il a remarqué que les zones urbaines les plus en difficulté étaient celles qui faisaient apparaître un parc privé très dégradé. Il a souligné que le problème des copropriétés nécessitait à la fois de revoir le cadre juridique actuel pour rendre compatible la politique de la ville avec le respect des droits du propriétaire ainsi que de prévoir des actions de réhabilitation spécifique sur les 15 à 30 sites qui posaient le plus de problème.
En matière de démolition-reconstruction, il a souligné que ces opérations devaient s'inscrire dans une perspective de réaménagement urbain global de quartiers au sein des agglomérations et qu'il fallait éviter les opérations symboliques de destruction spectaculaires de tours sans réflexion préalable sur le devenir du quartier.
Concernant les GPV, il a souligné que ce dispositif s'adresserait aux 50 sites " les plus dégradés ", sans autre critère de choix pour fixer la liste. Il a insisté sur l'importance de l'engagement des collectivités locales pour la réussite des GPV.
S'agissant de l'intercommunalité, il a rappelé que la taxe professionnelle transférée aux communautés d'agglomération avait pour objet de leur permettre de faire face à certaines des obligations assumées par les communes-membres et que la création de la communauté n'avait pas pour objet de créer des dépenses nouvelles mais d'utiliser plus efficacement les fonds disponibles.
Il a rappelé son souhait de pouvoir associer à la politique de la ville des catégories de collectivités locales qui jusqu'alors n'y participaient pas ou très peu, en se félicitant à cet égard que les départements aient fait part de leur volonté d'intervenir plus fortement en ce domaine.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, a souligné que la politique de la ville ne pouvait reposer seulement sur la mobilisation de crédits mais qu'elle demandait aussi une mobilisation plus importante des habitants.
Commission d'enquête - Sécurité sanitaire et alimentaire des produits destinés à la consommation animale et humaine en France et dans l'Union européenne - Examen du rapport
La commission a ensuite entendu le rapport de M. Claude Huriet sur la proposition de résolution n° 447 (1998-1999) de Mme Odette Terrade et ses collègues,tendant à créer une commission d'enquête sur la sécurité sanitaire et alimentaire des produits destinés à la consommation animale et humaine en France et dans l'Union européenne.
M. Claude Huriet, rapporteur, a indiqué que la commission était saisie de la proposition de résolution n° 447 (1998-1999), présentée par Mmes Odette Terrade, Nicole Borvo, M. Guy Fischer et leurs collègues tendant à créer une commission d'enquête sur la sécurité sanitaire et alimentaire des produits destinés à la consommation animale et humaine en France et dans l'Union européenne.
Il a rappelé qu'aux termes de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, les commissions d'enquête étaient formées pour recueillir des éléments d'information, soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises, en vue de soumettre leurs conclusions à l'assemblée qui les avait créées.
Il a également indiqué qu'il ne pouvait être créé de commission d'enquête sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites étaient en cours.
M. Claude Huriet, rapporteur, a observé que l'exposé des motifs de la proposition de résolution montrait que ses auteurs attendaient des travaux du Sénat moins une véritable " enquête " qu'une étude approfondie et des propositions.
Il a ainsi estimé qu'ils ne souhaitent pas en effet " enquêter " sur la gestion de l'affaire du poulet à la dioxine, verbe qui n'était à aucun moment employé dans l'exposé des motifs de la proposition de résolution, mais " prendre appui sur cet exemple " pour " formuler des propositions ", " indiquer les moyens nécessaires pour prévenir des risques ", " indiquer les moyens de renforcer les contrôles ", " étudier les possibilités nouvelles de débouchés " et " proposer des pistes de réflexion ".
M. Claude Huriet, rapporteur, a constaté que les dispositions de l'article 21 du règlement du Sénat, qui prévoyaient que le Sénat pouvait, sur leur demande, octroyer aux commissions permanentes ou spéciales l'autorisation de désigner des missions d'information sur les questions relevant de leur compétence, apparaissaient plus adaptées que celles de son article 11 pour parvenir au résultat recherché par les auteurs de la proposition de résolution.
Il a cependant affirmé qu'établir un bilan du fonctionnement de l'agence française de sécurité sanitaire des aliments moins de six mois après son installation serait prématuré.
Il a estimé nécessaire que la commission poursuive le travail entrepris au cours des années 1996 à 1998 afin de promouvoir l'idée selon laquelle le renforcement des pouvoirs et des moyens financiers et humains de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, à travers la mise à disposition de laboratoires de contrôle, l'institution d'un financement et d'un pouvoir d'investigation autonome et le transfert de pouvoirs de sécurité sanitaire, serait de nature à renforcer la sécurité sanitaire des produits alimentaires en France.
C'est pourquoi il a proposé que la commission prenne une initiative sur le thème de la sécurité sanitaire des aliments avec, par exemple, l'organisation d'une série d'auditions publiques ou la constitution d'une mission d'information.
Pour ces raisons, M. Claude Huriet, rapporteur, a indiqué qu'il n'était pas favorable à la constitution de la commission d'enquête proposée par la proposition de résolution n° 447.
M. Guy Fisher a rappelé son attachement à la proposition de résolution qu'il avait signée avec Mme Odette Terrade et ses collègues et observé que l'Assemblée nationale avait désigné une commission d'enquête consacrée à la sécurité sanitaire des aliments. Il a regretté que M. Claude Huriet, rapporteur, n'ait proposé à la commission d'organiser une journée d'auditions publiques ou de mettre en place une mission d'information. Il a toutefois reconnu qu'il était un peu tôt pour dresser un bilan du fonctionnement de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments. Il a indiqué qu'il ne s'opposerait pas à une telle initiative, car il souhaitait continuer à participer au débat sur la sécurité sanitaire des produits alimentaires. Il a enfin rappelé que, si des divergences de vues l'avaient conduit à s'abstenir lors du vote de la loi du 1er juillet 1998 issue des travaux de la commission, ces divergences ne portaient que sur les solutions mises en oeuvre, et non sur le constat des insuffisances du contrôle de la sécurité sanitaire des produits alimentaires.
M. Charles Descours a rappelé que, lors de la discussion de la proposition de loi sur le renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme, le Sénat avait souhaité donner à l'Agence des pouvoirs et des moyens supérieurs à ceux qui avaient finalement été retenus en commission mixte paritaire. Il a souhaité qu'un peu de temps soit laissé à l'Agence française de sécurité sanitaire avant de dresser un premier bilan de son fonctionnement. Il a toutefois constaté que, concernant la gestion de l'affaire dite de " la vache folle ", l'Agence avait montré, sur ce premier grand dossier, sa capacité à s'entourer d'avis d'experts et qu'elle avait proposé aux pouvoirs publics de surseoir à la levée de l'embargo sur les viandes bovines britanniques demandée par la Commission européenne.
Estimant qu'il conviendrait, le moment venu, de renforcer les pouvoirs de l'Agence, il n'a pas jugé opportun d'" enquêter " sur une institution qui venait d'être installée.
M. Jean Delaneau, président, a indiqué qu'il n'était pas partisan d'un " suivisme " sénatorial par rapport aux initiatives de l'Assemblée nationale. Il a affirmé que son refus de créer une commission d'enquête ne faisait pas écho à des considérations partisanes, puisqu'il avait apporté semblable réponse à des demandes formulées par d'autres groupes politiques du Sénat. Informant la commission qu'il s'était entretenu de cette question avec le président de la commission des affaires économiques et du plan, il a estimé qu'il serait opportun que la commission organise une journée d'auditions publiques sur la sécurité sanitaire.
M. Guy Fisher a observé que plusieurs sujets d'actualité concernant, par exemple, les organismes génétiquement modifiés, comme le contenu du rapport établi à la suite de l'enquête réalisée par des inspecteurs de la Commission européenne dans certaines entreprises fabriquant des produits destinés à l'alimentation animale, incitaient à poursuivre une réflexion sur la sécurité sanitaire des aliments. Il a indiqué que, si la commission décidait de l'organisation d'une journée d'auditions publiques, il appuierait cette démarche, même si elle ne remplaçait pas la création d'une commission d'enquête.
M. Jean Delaneau, président, a confirmé vouloir organiser une telle journée d'auditions, dont M. Claude Huriet, rapporteur, pourrait être le maître d'oeuvre afin de garantir la continuité des travaux de la commission sur ces questions.
M. Bernard Cazeau a également estimé que l'actualité imposait une vigilance permanente de la commission sur la sécurité sanitaire des aliments. Estimant qu'il ne fallait pas confondre " vitesse et précipitation ", il a considéré qu'il convenait de laisser un peu de temps à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments avant d'établir le bilan de son fonctionnement. Il s'est déclaré très intéressé par la perspective de l'organisation d'une journée d'auditions publiques consacrée à la sécurité sanitaire des aliments.
En conclusion, M. Claude Huriet, rapporteur, a estimé qu'il ne fallait pas non plus confondre " enquête " et information, et observé que les remarques formulées par M. Guy Fischer traduisaient son souci d'une meilleure information du Parlement plutôt qu'une volonté d'enquêter sur des faits précis. Rappelant que le travail du législateur ne s'arrêtait pas avec le vote de la loi, il a estimé qu'il appartenait au Sénat, sans empiéter sur les prérogatives de l'exécutif, de s'assurer que la volonté du législateur était bien respectée dans la mise en oeuvre de la loi du 1er juillet 1998. Moins d'un an après l'installation des agences de sécurité sanitaire, il a affirmé que l'organisation d'une journée d'auditions publiques témoignerait de la vigilance et de la motivation de la commission des affaires sociales pour continuer à améliorer le contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme.
Nomination de rapporteur
Enfin, la commission a nommé M. Guy Fischer, rapporteur sur laproposition de loi n° 489 (1998-1999), présentée par Mme Marie-Claude Beaudeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, relative à l'amélioration du recouvrement des créances des salariés en cas de défaillance de leur entreprise.
Mercredi 27 octobre 1999
- Présidence de M. Jean Delaneau, président -
Projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail - Examen du rapport
Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Louis Souvet sur le projet de loi n° 22 (1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la réduction négociée du temps de travail.
M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé que le Gouvernement avait déposé, le 28 juillet dernier, un projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail et que ce projet de loi, sensiblement amendé et complété par une quinzaine d'articles supplémentaires, avait été adopté par l'Assemblée nationale le 19 octobre dernier.
Il a observé que la discussion de ce texte intervenait dix-huit mois après celle d'un premier texte déjà relatif à la réduction du temps de travail, en soulignant l'existence d'une différence essentielle entre ces deux textes : la loi du 13 juin 1998 fixait le principe d'un abaissement de la durée légale du travail à 35 heures par semaine à compter du 1er janvier 2002 et dès le 1er janvier 2000 pour les entreprises dont l'effectif est de plus de vingt salariés, alors que le nouveau projet de loi met en oeuvre ce principe.
Il a souligné que l'abaissement de la durée légale du travail ne se traduisait pas mécaniquement par une baisse de la durée effective du travail, son effet indirect étant un renchérissement du coût du travail pour les entreprises qui ne réduiraient pas la durée collective du travail.
Il a considéré que le débat ne portait pas aujourd'hui sur le principe de la réduction du temps de travail. Il a estimé en effet que l'opposition actuelle avait beaucoup oeuvré pour favoriser une réduction du temps de travail négociée en considérant que, dans un contexte de chômage massif, aucune piste ne devait être négligée.
Il a rappelé que la commission avait toujours été en pointe dans cette démarche, notamment lors de la discussion de la loi du 11 juin 1996 dite " loi de Robien " qui incitait les entreprises à réduire la durée collective du temps de travail, ainsi que lors de la discussion de la première loi Aubry, il y a dix-huit mois. Le Sénat avait alors voté les propositions de la commission qui privilégiaient une nouvelle fois une réduction volontaire du temps de travail selon un barème révisé de la " loi Robien " afin de maîtriser le coût budgétaire du dispositif, de préférence à un abaissement de la durée légale du travail.
M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé qu'il avait déclaré à cette occasion que " librement négociée, associée à une souplesse indispensable à la compétitivité de l'économie, la réduction du temps de travail pouvait sans doute créer des emplois ou en préserver dans certaines entreprises, en fonction du contexte qui est propre à chacune, contexte économique, contexte social, contexte psychologique également, c'est-à-dire volonté commune ".
M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré que, depuis deux ans, la France était le seul pays au monde à avoir engagé une démarche de réduction de la durée légale du travail, cette question étant même devenue l'alpha et l'omega du débat économique et de la négociation collective. Il a observé qu'aucune autre réforme d'envergure n'avait été menée, que ce soit en termes d'allégements de cotisations sociales, de flexibilité, de réforme du marché du travail ou encore de formation professionnelle.
Il a estimé, dans ces conditions, que la comparaison du bilan de la loi du 13 juin 1998 d'une part et des résultats obtenus par les autres grands pays européens d'autre part, dans la lutte contre le chômage, devait permettre de porter un premier jugement sur la validité de l'option choisie par le Gouvernement.
M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré que bilan de la loi du 13 juin 1998, en termes de créations d'emplois, ne pouvait pas être considéré comme satisfaisant.
Il a rappelé que le Gouvernement avait annoncé début septembre que les accords avaient donné lieu à environ 120.000 engagements de créations d'emplois, dont près de 18.000 emplois préservés et près de 19.000 créés par le secteur public, ce qui lui a semblé bien peu compte tenu des moyens mis en oeuvre par le Gouvernement pour inciter l'ensemble des entreprises françaises à signer un accord.
Il a remarqué que 98,8 % des entreprises occupant au moins un salarié n'avaient pas signé d'accord de réduction du temps de travail et que 90 % des salariés du secteur marchand n'étaient pas couverts par un accord.
Il a noté que les 120.000 créations ou préservations d'emplois ne représentaient que 0,58 % des effectifs actuels du secteur marchand.
Il a rappelé que la croissance à elle seule avait généré la création de 500.000 emplois dans le secteur marchand en deux ans.
M. Louis Souvet, rapporteur, a estimé que le bilan présenté par le Gouvernement n'était donc pas à la hauteur des enjeux : 3 millions de chômeurs, un chômage de longue durée qui se maintient, une segmentation du marché du travail qui se confirme, alors même que la présentation des résultats de la loi du 13 juin 1998 n'était pas exempte de tout reproche.
M. Louis Souvet, rapporteur, a considéré qu'il était aujourd'hui démontré que les 85.000 créations d'emplois annoncées (hors secteur public et hors emplois " préservés ") ne constituaient que des promesses d'embauches qui restaient encore à réaliser comme l'avait reconnu Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, lors de son audition par la commission. Il a observé qu'on ne pouvait dire, aujourd'hui, précisément combien d'emplois avaient été effectivement créés du fait de la loi du 13 juin 1998 et que ce fait à lui seul légitimait sa perplexité sur le dispositif dans son ensemble.
Par ailleurs, M. Louis Souvet, rapporteur, a souligné que 6 des 15.000 accords concernaient à eux seuls près de 600.000 des 2,2 millions de salariés couverts par un accord d'entreprise ou d'établissement, soit 27,5 % du total des effectifs concernés. Il a déclaré que ces accords avaient été signés par Electricité de France (EDF), Télédiffusion de France (TDF), la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), le Conseil général de la Nièvre, les Mines de potasse d'Alsace et La Poste, en remarquant que la prise en compte de ces structures publiques pouvait biaiser sensiblement le bilan.
Il s'est interrogé sur la véritable signification des 85.000 créations d'emplois annoncées dans le cadre des accords aidés, considérant qu'un certain nombre de ces emplois correspondait à des effets d'aubaine.
M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé que le Gouvernement estimait à 15.000 les créations d'emplois relevant des effets d'aubaine. Il a estimé que ce chiffre ne pouvait être rapporté aux 120.000 engagements de créations ou de préservations d'emplois, compte tenu des 18.800 emplois relevant du secteur public et des 16.300 emplois créés ou préservés par des entreprises qui n'avaient pas reçu une aide financière.
Il a constaté que ces 15.000 emplois devaient être rapprochés des 85.000 emplois créés ou préservés par des entreprises ayant signé un accord aidé, ce qui représentait déjà un effet d'aubaine d'environ 18 %. Il a observé à ce stade que ce chiffre de 18 % ne distinguait pas entre emplois créés ou préservés, sachant toute l'ambiguïté que comportait la notion d'emploi " préservé ". Dans ces conditions, il a estimé que les chiffres du rapport préparé par le Gouvernement illustraient que les accords signés en vertu de la loi du 13 juin 1998 avaient permis 70.000 promesses d'embauches (82 % des 85.000 emplois prévus par les accords aidés) et non 120.000 comme on pouvait le croire en écoutant des lectures plus accommodantes.
M. Louis Souvet, rapporteur, a considéré, néanmoins, que ce chiffre de 70.000 créations d'emplois ne pouvait, lui aussi, constituer une bonne approximation du nombre d'emplois créés, compte tenu de la technique retenue par le Gouvernement pour mesurer les effets d'aubaine.
Il a rappelé que le rapport présenté par le Gouvernement le 20 septembre dernier expliquait, en effet, que la mesure de l'effet d'aubaine avait été obtenue en comparant les entreprises ayant signé un accord Aubry avec celles qui, appartenant à un même secteur et ayant une taille comparable, n'avaient pas signé d'accord. Il a observé que les experts du ministère de l'emploi estimaient que la rupture observée dans l'évolution des effectifs de ces entreprises constituait une mesure de l'effet sur l'emploi de la réduction du temps de travail. M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré que le raisonnement, développé à la page 13 du tome I du bilan, serait correct si l'on ne constatait pas avec étonnement à la page 6 du tome II, dans les annexes, un graphique tout à fait intéressant, et bien peu mis en valeur, qui expliquait que l'évolution des deux catégories d'entreprises examinées par les services du ministère différait déjà entre 1990 et 1996, c'est-à-dire avant le vote de la loi Robien et bien avant celui de la première loi Aubry.
M. Louis Souvet, rapporteur, a estimé que cela signifiait que, bien qu'appartenant à un même secteur et ayant la même taille, les entreprises ayant signé un accord n'étaient pas comparables à celles qui n'en avaient pas signé, l'évolution de l'emploi dans les entreprises signataires étant spontanément plus favorable.
Il a considéré que, paradoxalement, les données rassemblées dans les annexes du rapport publié le 20 septembre par le Gouvernement démontraient que l'effet d'aubaine jouait à plein et que les entreprises qui avaient signé un accord en promettant d'embaucher étaient celles qui avaient déjà tendance à embaucher, c'est-à-dire celles qui bénéficiaient d'un avantage compétitif.
M. Louis Souvet, rapporteur, s'est interrogé sur la véritable mesure de l'effet d'aubaine. Il a rappelé que le Centre des jeunes dirigeants (CJD) estimait que 50 % des emplois créés relevaient de l'effet d'aubaine, que les chambres de commerce et d'industrie estimaient ce chiffre à 70 % tandis que M. Bernard Brunhes considérait que la " quasi-totalité " des embauches réalisées relevait de l'anticipation, c'est-à-dire littéralement de l'effet d'aubaine. M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré que ces estimations ramenaient entre 25.000 et 43.000 le nombre d'emplois créés en vertu de la loi du 13 juin 1998.
Observant que 6,7 milliards de francs avaient été inscrits au budget en 1998 et 1999 pour financer la loi du 13 juin 1998, il a noté que si l'on retenait la fourchette haute de l'estimation, soit 43.000 vrais emplois créés, chaque emploi créé aurait été financé par l'Etat à hauteur de 156.000 francs (268.000 francs par emploi si l'on retenait l'hypothèse basse de 25.000 emplois créés hors effet d'aubaine). Il s'est interrogé sur le fait de savoir si cet argent n'aurait pas été mieux employé à réduire le coût du travail ou à développer la formation professionnelle.
M. Louis Souvet, rapporteur, a souligné que l'ensemble des pays européens avait bénéficié d'un retour de la croissance depuis 1997.
Il a observé que le taux de chômage français, supérieur à 11 % en 1999, était parmi les plus élevés de l'Union européenne, ce taux étant aujourd'hui de 7 % en Suède, 6,5 % en Irlande et au Royaume-Uni, 4,5 % au Portugal, en Autriche et au Danemark, 3,3 % aux Pays-Bas. Il a estimé que cette comparaison n'était pas à l'avantage de la politique de l'emploi menée par le Gouvernement, la France étant, en effet, le pays, parmi ceux qui avaient les plus hauts taux de chômage en 1997, à avoir obtenu les moins bons résultats depuis deux ans en termes de réduction du chômage.
Il a observé, que, depuis deux ans, la Suède, l'Irlande et la Finlande, trois pays qui avaient un taux de chômage compris entre 10 et 12 %, avaient réduit celui-ci de 20 à 33 % contre seulement 11 % pour la France. Il a remarqué que seule l'Italie avait obtenu des résultats moins favorables que la France, en termes de baisse du taux de chômage, soulignant qu'elle était le seul pays également à avoir manifesté un intérêt pour les 35 heures, bien qu'elle ait, depuis, renoncé à mener une politique d'abaissement généralisé de la durée du travail.
M. Louis Souvet, rapporteur, a conclu, aux termes de cette analyse du bilan réalisé par le Gouvernement, que les emplois n'étaient pas au rendez-vous de la loi du 13 juin 1998.
Il a cependant reconnu que la loi du 13 juin 1998 n'avait pas été sans conséquence, la centaine d'accords de branche et les 15.000 accords d'entreprise étant une réalité. Il a souligné que, sous la contrainte exercée par la perspective de la seconde loi, les partenaires sociaux avaient été amenés à négocier ce dont les entreprises avaient besoin : la flexibilité. Il a estimé que cette loi avait fait " tomber des tabous " sur l'organisation du travail, les salariés ayant dû accepter un accroissement de la flexibilité contre une amélioration des conditions de travail et une réduction du temps de travail. Il a remarqué que les accords signés avaient prévu, dans plus de 42 % des cas, une fluctuation des horaires, dans 25,2 % un redéploiement des qualifications des salariés et dans 21 % une augmentation de l'amplitude des horaires d'ouverture. Par comparaison, il a noté que seuls 18 % des accords avaient prévu une augmentation de la durée d'utilisation des équipements. Il a souligné que, selon les chiffres communiqués dans le bilan du 20 septembre, 12 % des salariés concernés par le nouveau temps de travail avaient une durée annuelle du travail supérieure à 1.600 heures et 21 % des accords prévoyaient une durée du travail hebdomadaire maximale supérieure à 44 heures.
Il a insisté sur ces deux points, compte tenu du fait que le second projet de loi avait prévu que le plafond de l'annualisation serait abaissé à 1.600 heures et la durée maximale du travail à 44 heures.
M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré que les partenaires sociaux étaient peu nombreux à considérer le bilan de la loi du 13 juin 1998 comme satisfaisant.
Il a observé que le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) restaient résolument opposés à ce texte. Evoquant le Centre des jeunes dirigeants d'entreprises (CJD), il a observé que 200 de ses 500 adhérents, qui avaient décidé de mettre en oeuvre la loi Aubry, avaient renoncé en cours de route à négocier la réduction du temps de travail compte tenu de la complexité et de la rigidité des procédures, de l'absence d'interlocuteurs du côté salarié et des difficultés à mettre en oeuvre la modulation du temps de travail.
M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé que M. Jean Delmas, président de l'Union professionnelle artisanale (UPA) avait déclaré, lors de son audition, que la loi du 13 juin 1998 s'était révélée impossible à appliquer pour la majorité des toutes petites entreprises du fait notamment de leur déficit d'expertise juridique.
Il a observé que, globalement, les syndicats de salariés redoutaient qu'à une première loi Aubry " réformant " la négociation collective, à travers une certaine pratique du mandatement, succède une seconde loi réorganisant le paysage syndical, à travers, par exemple, la pratique des " accords majoritaires ".
Il a souligné que les désaccords entre le Gouvernement d'une part et les partenaires sociaux d'autre part, portaient sur cinq points : la capacité de ce dispositif à créer des emplois, l'ouverture inopinée d'un débat sur la représentativité syndicale, l'articulation du second projet de loi avec les accords déjà signés, la question du financement et l'application des 35 heures aux trois fonctions publiques qui posait un problème de coût considérable.
Il a rappelé que l'article 2 de la loi du 13 juin 1998 appelait les partenaires sociaux à " négocier d'ici les échéances fixées à l'article premier (2000 ou 2002 selon la taille de l'entreprise), les modalités de réduction effective de la durée du travail adaptées aux situations des branches et des entreprises ".
Il a observé que les employeurs estimaient que les entreprises avaient " joué le jeu " et respecté la loi, " chacun ayant négocié selon les exigences de sa profession dans un dialogue parfaitement classique " et qu'ils considéraient, maintenant, que les accords étendus ne seraient pas opérationnels, compte tenu du refus du Gouvernement de reprendre les dispositions des accords concernant notamment le régime des cadres, la durée du travail en cas d'annualisation, le développement de la formation en dehors du temps de travail ou encore le nombre d'heures supplémentaires effectivement applicable.
Examinant le contenu des accords de branche, M. Louis Souvet, rapporteur, a constaté qu'ils prenaient en compte des exigences communes. Il a observé que plusieurs branches avaient retenu un contingent élevé d'heures supplémentaires, citant la métallurgie et le bâtiment et les travaux publics (BTP) (180 heures), les services de l'automobile (182 heures), la propreté (190 heures), le textile et l'habillement (175 heures). Concernant l'annualisation, il a observé que les durées annuelles retenues étaient souvent supérieures à 1.600 heures par an, comme pour le BTP (1.645 heures) ou la métallurgie, les services à l'automobile ou les industries chimiques (1.610 heures).
M. Louis Souvet, rapporteur, a indiqué que certains accords prévoyaient qu'une partie importante de la formation aurait lieu en dehors du temps de travail (services à l'automobile).
Concernant la compensation de la baisse de salaire en cas de réduction d'horaire, il a observé que les accords de branche se partageaient entre ceux qui renvoyaient aux accords d'entreprise et ceux qui posaient le principe d'une compensation sur les salaires réels.
M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré que la procédure d'extension avait déjà constitué une première occasion de remise en cause des accords, leur examen s'étant fait à partir du cadre légal actuel, c'est-à-dire du droit existant. Il s'est demandé s'il ne fallait pas comprendre que la loi du 13 juin 1998 ouvrait un droit à l'expérimentation pour autant que les dispositions adoptées n'étaient pas sans lien avec l'objet de la loi et rejoignaient sur la forme la procédure des ordonnances législatives qui habilite le Gouvernement à adopter des actes de portée législative à " durée déterminée ".
Il a déclaré que les dispositions qui avaient fait l'objet d'une exclusion au motif d'une absence de base légale n'avaient rien de scandaleux, citant l'annualisation individuelle, le décompte en jours du forfait annuel de la durée du travail, la prise en compte des salariés à temps partiel dans la modulation, le remplacement de la rémunération des heures complémentaires par du repos, l'abondement par les repos compensateurs légaux et les majorations pour heures supplémentaires du compte épargne-temps ou encore la non-assimilation à du temps de travail effectif du temps consacré aux actions de formation prévues par le plan de formation.
M. Louis Souvet, rapporteur, a estimé que l'étendue des réserves et des exclusions illustrait le fait que le Gouvernement ne souhaitait pas encourager l'innovation dans le contenu des accords, ce qui était contradictoire avec l'esprit même de la loi du 13 juin 1998. Il a observé que les employeurs pouvaient tout à fait, dans ces conditions, dénoncer le " double-jeu " du Gouvernement qui exerçait un droit de regard sur le contenu des accords tout en précisant que les dispositions étendues " ne préjugeaient pas du contenu de la seconde loi ".
M. Louis Souvet, rapporteur, a constaté que la négociation sur la réduction du temps de travail avait donc été sérieusement " encadrée " par l'absence de possibilité d'innover et qu'il apparaissait aujourd'hui que, non seulement les partenaires sociaux n'avaient pu négocier ce qu'ils souhaitaient, c'est-à-dire " les modalités de réduction effective de la réduction du temps de travail adaptées aux situations des branches et des entreprises " mais qu'il leur faudrait renégocier certains accords sur des clauses fondamentales comme l'annualisation du temps de travail, le régime des heures supplémentaires, la formation professionnelle, le temps de travail des cadres ou les salaires, compte tenu des dispositions figurant dans le présent projet de loi.
M. Louis Souvet, rapporteur, a estimé, en conséquence, que le projet de loi ne reprenait pas le contenu des accords signés, mais qu'il se limitait à tenir compte des " enseignements des accords conclus ", ce qui lui semblait très différent. Il a remarqué que si la loi du 13 juin 1998 avait pu être présentée comme une loi-cadre sur la réduction du temps de travail, ce nouveau texte constituait un recadrage brutal compte tenu notamment des amendements souvent très contraignants adoptés à l'issue de la première lecture à l'Assemblée nationale.
M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé les principales dispositions du projet de loi.
Il a déclaré que l'article premier était sans doute le plus emblématique puisqu'il confirmait le principe de la réduction de la durée légale à 35 heures au 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de vingt salariés et au 1er janvier 2002 pour les autres. Il a remarqué que l'article 2 modifiait le régime des heures supplémentaires pour tenir compte de l'abaissement de la durée légale prévu par l'article premier. Il a souligné que l'article 3 unifiait et simplifiait le régime des modulations autour des 35 heures, tandis que l'article 4 pérennisait la possibilité d'organiser la réduction du temps de travail sous forme de journées ou de demi-journées de repos. Il a observé que l'article 5 distinguait trois catégories de cadres et que l'article 6 modifiait le régime du temps partiel.
M. Louis Souvet, rapporteur, a insisté sur l'article 11 du projet de loi, relatif aux allégements de cotisations sociales pour les entreprises ayant conclu un accord de réduction du temps de travail. Il a observé que le paragraphe XVI de cet article prévoyait que ces allégements seraient financés par les régimes de protection sociale, d'assurance chômage et par l'Etat. Il a déclaré que l'article 12 définissait le barème d'allégement de cotisations sociales. Il a souligné que l'article 14 validait les accords conclus avant l'entrée en vigueur de cette nouvelle loi mais seulement pour un an, tandis que l'article 15 traitait des conséquences du refus par un salarié d'accepter une modification de son contrat de travail consécutive à la réduction du temps de travail. Il a observé que l'article 16 garantissait les revenus des salariés rémunérés au niveau du SMIC et passés aux 35 heures.
M. Louis Souvet, rapporteur, a considéré que l'étendue des dispositions du projet de loi comme leur complexité, notamment en ce qui concernait le régime des heures supplémentaires, illustrait bien le " recadrage " opéré par le Gouvernement à l'occasion de l'examen de ce projet de loi. Il a déclaré qu'il ne s'agissait plus seulement d'abaisser la durée légale du travail mais aussi de renforcer l'encadrement du pouvoir de gestion des chefs d'entreprise.
M. Louis Souvet, rapporteur, a considéré que le débat à l'Assemblée nationale avait pris un tour très idéologique, l'objectif de création d'emplois étant clairement passé au second rang derrière la dimension sociale du projet de loi.
Il a cité Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, déclarant, au début de sa présentation du projet de loi à l'Assemblée nationale, que " les enjeux de la loi étaient clairs : non seulement rechercher un meilleur équilibre quantitatif entre le temps de travail, le temps pour soi, le temps pour les autres, mais aussi améliorer la qualité de la vie de travail comme de la vie personnelle" à travers le sport, le bricolage, le jardinage, la culture, la flânerie... Il a rappelé que la discussion avait inscrit le projet de loi " au coeur des grandes luttes sociales de notre pays pour l'amélioration des conditions de vie, pour la défense et le développement de l'emploi ".
M. Louis Souvet, rapporteur, a considéré que l'adoption de nombreux amendements présentés quelquefois conjointement par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, les membres du groupe socialiste et les membres du groupe communiste, avait sensiblement durci le texte. Par ailleurs, il a souligné que des articles additionnels avaient été adoptés sans rapport direct avec la réduction " négociée " du temps de travail, ceux-ci réécrivant de nombreuses dispositions du code du travail.
M. Louis Souvet, rapporteur, a estimé que le plus emblématique de ces ajouts " idéologiques " était sans doute l'amendement à l'article premier, déposé par la commission et les membres du groupe socialiste, qui imposait aux employeurs projetant un plan social d'engager préalablement une négociation tendant à la conclusion d'un accord sur la réduction du temps de travail (amendement " Michelin ").
Il a considéré que ces durcissements étaient perceptibles tout le long du texte, la définition du travail effectif (article premier ter) ayant été modifiée pour inclure le temps nécessaire à la restauration, les temps consacrés aux pauses ainsi que certains temps d'habillage et de déshabillage.
Il a observé que les horaires d'équivalence avaient été strictement encadrés (article premier quater) de même que les astreintes (article premier quinquies). Il a souligné que le délai de prise du repos compensateur avait été réduit de six mois par un amendement à l'article 2.
Il a remarqué que la durée maximale du travail hebdomadaire avait été abaissée à 44 heures par un article additionnel 2 bis et qu'un repos hebdomadaire de 35 heures avait été créé par un article additionnel 2 ter, sans possibilité de dérogation, contrairement à ce que prévoyait la directive européenne.
Il a noté que le régime unique de modulation de l'article 3 avait été durci par un amendement qui prévoyait que l'accord devait préciser les données économiques et sociales justifiant le recours à la modulation, qu'un article 4 bis avait renforcé les modalités de contrôle du repos dominical.
Il a souligné que la catégorie des cadres dirigeants de l'article 5 avait été strictement délimitée.
Par ailleurs, il a observé que des conditions supplémentaires pour obtenir le bénéfice des allégements de cotisations sociales prévus à l'article 11 avaient été introduites.
M. Louis Souvet, rapporteur, a estimé que les modifications apportées par l'Assemblée nationale avaient toutes privilégié le renforcement et le durcissement de " l'ordre public social " de préférence àl'élargissementdu champ d'intervention des partenaires sociaux. Il a remarqué que " l'ancrage à gauche " du texte revendiqué par Mme Martine Aubry et M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour l'Assemblée nationale, avait donc été confirmé et accentué par la première lecture à l'Assemblée nationale.
M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré que les auteurs du projet de loi avaient souhaité le situer dans la lignée des " grandes lois de gauche " sur le renforcement des garanties accordées aux salariés.
Il a observé que les effets de ces " grandes " lois contredisaient souvent leurs objectifs, en considérant qu'elles avaient, non seulement tendance à privilégier l'amélioration des conditions de travail des salariés en place au détriment des perspectives d'emploi pour les chômeurs, mais aussi à faire que les contraintes imposées aux chefs d'entreprise les amènent à augmenter encore la productivité, la substitution du facteur capital au facteur travail, et donc à pénaliser l'emploi salarié.
M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré qu'au-delà d'un principe, la réduction du temps de travail, et d'une méthode, l'abaissement de la durée légale du travail, il existait donc une véritable rupture entre la vision de la société qui portait ce projet de loi et les convictions profondes que partageait la majorité des membres de la commission. Il a remarqué que, bien que les " 35 heures " aient constitué la 23ème des 110 propositions de M. François Mitterrand en 1981, elles n'avaient pas été appliquées, la durée légale ayant simplement été ramenée de 40 à 39 heures. Toutefois, il a observé que l'idée était restée, notant qu'en 1982, deux des inspirateurs du présent projet de loi, MM. Yves Barou et Jacques Rigaudiat, écrivaient déjà que la réduction du temps de travail était la seule voie permettant d'éviter la solution néo-libérale. Il a observé que ces deux auteurs considéraient alors que " travailler deux heures par jour, et 40.000 heures tout au long de sa vie ", ce vieux rêve de " l'humanité était aujourd'hui à notre portée " en concluant que " le droit à la paresse était d'abord une conquête à réaliser avant que d'être une jouissance à savourer ".
Sans dénier l'importance des loisirs pour les salariés, M. Louis Souvet, rapporteur, a souhaité réaffirmer combien le travail restait aujourd'hui pour lui un principe de liberté indispensable à la cohésion de la société. Il a rappelé ce qu'avait expliqué Max Weber, à savoir que la division du travail qui caractérisait nos économies contraignait chaque individu à travailler pour les autres et constituait ainsi un puissant facteur d'unité et de solidarité.
M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré préférer penser avec Hannah Arendt que " la condition humaine du travail est la vie elle-même " plutôt que de considérer le travail comme une aliénation. Il a rappelé à cet égard les termes de la première phrase du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : " Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi ".
Il a estimé que la commission ne pouvait pas accepter ce texte en l'état. Il a remarqué que ses objections se trouvaient aujourd'hui renforcées par les incertitudes qui entouraient le financement du dispositif.
M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé que le 29 juin 1998 lors du débat sur la proposition de loi relative à l'allégement des charges sur les bas salaires dont le premier signataire était M. Christian Poncelet alors président de la commission des Finances, Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, avait déclaré au Sénat que le Gouvernement n'avait pas souhaité poursuivre cette politique d'allégement des charges sociales pour trois raisons : le niveau des charges ne constituait pas selon lui un obstacle certain à l'emploi, l'efficacité des allégements de charges lui semblait relative et le financement d'un tel dispositif lui apparaissait comme difficile.
M. Louis Souvet, rapporteur, a remarqué que le Gouvernement était aujourd'hui revenu sur ses deux premières objections, reconnaissant que le coût du travail constituait bien un obstacle à l'emploi et que les allégements de charges étaient efficaces, mais il a observé que le troisième point relatif au financement continuait à lui poser un problème.
M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé que le Gouvernement avait en effet prévu dans ce projet de loi un allégement de cotisations sociales spécifique pour les entreprises signataires d'un accord de réduction du temps de travail ayant abaissé la durée collective du travail à 35 heures au plus. Il a observé que tout emploi inscrit dans ce cadre donnerait droit, à partir de l'an 2000, à un abattement de cotisations patronales compris entre 21.500 francs par an au niveau du SMIC et 4.000 francs à 1,8 SMIC et au-delà. Il a souligné que les entreprises qui ne seraient pas éligibles au nouveau dispositif continueraient de bénéficier de la ristourne dégressive sur les bas salaires (" ristourne Juppé ").
M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré qu'à plusieurs reprises, le Gouvernement avait fait état d'une estimation d'une baisse de 4 à 5 % du coût salarial pour un salarié à 1,6 SMIC, une fois pris en compte l'effet " négatif " des 35 heures.
Il a souligné que le financement des allégements de cotisations sociales était assuré par un fonds de financement créé par l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale auquel se référait le paragraphe XVI de l'article 11 du présent projet de loi.
Il a déclaré que ce fonds avait un double objectif : financer les aides accordées aux entreprises passant aux 35 heures et financer les allégements de charges sociales sur les bas salaires. Il a observé que ce fonds était alimenté par des recettes d'origines diverses : une fiscalité affectée (pas moins de trois prélèvements : droits sur tabacs, contribution sociale sur les bénéfices, taxe générale sur les activités polluantes) et, dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, examinée présentement, une contribution de l'Etat, de l'UNEDIC et des régimes de sécurité sociale.
M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré que pour l'an 2000, le financement de la ristourne " Juppé " sur les bas salaires actuelle était assuré par 85,5 % des droits sur les tabacs dans la limite de 39,5 milliards de francs.
Il a observé que l'extension de la ristourne " Juppé " actuelle sur les bas salaires serait financée par le conglomérat improbable de la taxe générale sur les activités polluantes (3,2 milliards de francs) et de la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés (4,3 milliards de francs).
Il a remarqué que les 17,5 milliards de francs résultant directement des 35 heures devaient être financés en 2000 par une contribution de l'Etat à hauteur de 18 %, une contribution des régimes de protection sociale à hauteur de 32 % et une contribution de l'UNEDIC à hauteur de 50 %.
Il a également rappelé que le produit de la contribution de 10 % sur les quatre heures supplémentaires entre 35 et 39 heures, payée par les entreprises dont la durée collective du travail n'aurait pas été abaissée à 35 heures, serait affecté au fonds.
Concernant le financement du fonds " à terme ", M. Louis Souvet, rapporteur, a observé que l'exposé des motifs de l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale indiquait que " les dépenses seraient de l'ordre de 100 à 110 milliards de francs par an ". Il a remarqué que le coût proprement dit des 35 heures atteindrait alors 40 milliards de francs et l'extension de la " ristourne Juppé " 25 milliards de francs, les 40 premiers milliards de francs d'allégements devant être toujours financés par les tabacs et les 25 milliards supplémentaires par la taxe générale sur les activités polluantes et la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés. Il a observé que la contribution des organismes sociaux et de l'Etat était estimée à 40 milliards de francs.
M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré que la majorité des membres de la commission ne pouvait qu'être très défavorable à ce plan de financement.
Il a estimé que l'affectation des droits sur les tabacs à un fonds de financement mélangeant allégements et aides pérennes à la réduction du temps de travail ne répondait en rien à un impératif de santé publique.
Il a considéré que la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés, dont l'affectation au fonds de financement était proposée à l'article 3 du projet de loi de financement de la sécurité sociale constituait, en réalité, une majoration déguisée de l'impôt sur les sociétés, le produit de la taxe générale sur les activités polluantes étant détourné de son objet qui devrait être la réparation des dommages causés à l'environnement.
Par ailleurs, M. Louis Souvet, rapporteur, a estimé que demander des contributions à la sécurité sociale et à l'UNEDIC pour financer des allégements de charges et la réduction du temps de travail constituait un détournement de la finalité des ressources de ces régimes, compte tenu notamment des ambiguïtés qui entouraient la notion de " recyclage " des bénéfices à attendre des créations d'emplois dans le cadre des 35 heures.
Il a observé que les gestionnaires des régimes sociaux et les partenaires sociaux avaient réaffirmé en juillet et en septembre leur opposition totale à cette contribution.
M. Louis Souvet, rapporteur, a considéré qu'en maintenant son dispositif jusqu'au terme de la première lecture à l'Assemblée nationale, le Gouvernement avait pris le risque de mettre fin au paritarisme dans les régimes sociaux, ce qui lui semblait très grave.
Au surplus, M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré que ces contributions présentaient le caractère d'impositions, le législateur étant seul compétent pour fixer les règles concernant " l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature ", comme le précisait l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958.
M. Louis Souvet, rapporteur, a souligné que l'annonce par le Gouvernement de l'abandon du principe d'une contribution de la part des régimes sociaux et de l'assurance chômage, si il devait être salué comme un " retour à la raison ", ne laissait pas moins la question du financement en suspens.
Il a observé que le Gouvernement avait annoncé que cette contribution serait remplacée par une fraction des droits de consommation sur les alcools. Ce faisant, il a considéré qu'en privilégiant le financement des allégements de charges et la réduction du temps de travail au détriment du financement futur des retraites, le Gouvernement semblait contredire lui-même sa priorité de " sauvegarder les régimes par répartition " par l'intermédiaire du fonds de réserve.
M. Louis Souvet, rapporteur, a considéré qu'en dépit des annonces faites par le Gouvernement, le financement des 35 heures pour 2000 n'était pas assuré à hauteur de 8 milliards de francs et qu'à terme, le plan de financement montrait un " trou " d'une vingtaine de milliards de francs.
M. Louis Souvet, rapporteur, en a conclu que le projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail n'était toujours pas financé.
M. Louis Souvet, rapporteur, a pris acte des reculs et des hésitations du Gouvernement. Il a souhaité proposer une solution radicale aux problèmes posés par ce projet de loi en le modifiant selon quatre principes.
Il a souhaité supprimer les dispositions relatives à l'abaissement de la durée légale du travail, et notamment l'article premier (abaissement de la durée légale du travail), l'article 2 (régime des cadres), l'article 11 (allégement de charges subordonné à la réduction du temps de travail), l'article 12 (barème de l'allégement), l'article 16 (double-SMIC) et l'article 17 (35 heures dans le secteur agricole).
Il a présenté des corrections aux dispositions adoptées à l'Assemblée nationale pour durcir le texte en supprimant ou en amendant notamment les articles premier bis (contreparties à l'aménagement du temps de travail), premier ter (modification de la durée du travail effectif) et 4 bis (renforcement du contrôle du travail dominical).
Il a proposé d'enrichir les dispositions non liées à l'abaissement de la durée légale du travail par des amendements importants, notamment sur les articles 3 (régime unique de modulation), 6 (travail à temps partiel), 9 (compte épargne-temps).
Il a souhaité développer la négociation collective et garantir l'application des accords à travers l'adoption de quatre amendements créant des articles additionnels : le premier appelle les partenaires sociaux à participer à une conférence nationale sur le développement de la négociation collective, le deuxième valide pour cinq ans les clauses des accords conclu en application de la loi du 13 juin 1998, le troisième valide l'accord signé par les partenaires sociaux le 8 avril 1999 qui reconduit le mandatement tel qu'il avait été défini par l'accord interprofessionnel de 1995 et, enfin, le quatrième prévoit que les établissements du secteur sanitaire, social et médico-social pourront bénéficier de l'aide prévue par la première loi Aubry jusqu'en juin 2000 afin de tenir compte des contraintes spécifiques auxquelles doivent faire face ces établissements du fait de la procédure d'agrément.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard a considéré que les conclusions du rapporteur sur le bilan de la loi du 13 juin 1998 étaient sombres et sans nuance. Elle a estimé que le nouveau projet de loi, en associant étroitement la loi et le recours à la négociation collective, permettait d'affirmer des garanties pour les salariés et d'assurer une application sur le terrain au plus près des réalités. Elle a constaté que la première loi avait permis une reprise du dialogue social dans les entreprises. Rappelant que les simples incitations à la négociation n'avaient pas donné beaucoup de résultats après avoir cité l'accord interprofessionnel de 1995 et la loi du 11 juin 1996, elle a réaffirmé la nécessité d'une loi pour promouvoir la réduction du temps de travail.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard ayant observé que M. Louis Souvet, rapporteur, considérait que le projet de loi privilégiait dorénavant un projet de société et un renforcement des garanties sociales des salariés, s'est félicitée que la dimension sociale ne soit pas absente de ce texte.
Elle a observé que le projet de loi proposait un dispositif dégressif d'allégement des cotisations sociales dont pouvait bénéficier l'essentiel des entreprises françaises.
M. André Jourdain a déclaré qu'il aurait préféré que la commission propose d'adopter une exception d'irrecevabilité. Il a rappelé que les organisations d'employeurs considéraient que les dispositions des accords n'avaient pas été reprises entièrement par le second projet de loi.
M. André Jourdain, évoquant le financement du dispositif, a observé que le montant de la contribution de 10 % liée aux heures supplémentaires étant estimé à 7 milliards de francs, cela signifiait qu'un milliard d'heures supplémentaires était pris en compte. Il a estimé que ce milliard d'heures supplémentaires entre 35 et 39 heures correspondait au fait que dix millions de salariés n'étaient pas passés à 35 heures, ce qui illustrait l'échec du dispositif.
M. Guy Fischer a exprimé la volonté du groupe communiste républicain et citoyen de clarifier nombre de points de ce projet de loi et de sécuriser certains articles afin d'affirmer un objectif de créations d'emplois. Il a déclaré que les allégements de cotisations sociales opérés depuis une dizaine d'années n'avaient pas donné de résultats tangibles et a estimé que les nouveaux allégements prévus devaient être subordonnés à des engagements de la part des entreprises bénéficiaires. Il a considéré que la France n'était pas le pays où le coût du travail était le plus élevé et qu'au contraire le rapport entre le capital et le travail s'était dégradé.
M. Guy Fischer a déclaré que les propositions du rapporteur revenaient à supprimer l'essentiel du texte adopté par l'Assemblée nationale et illustraient l'existence de deux philosophies complètement opposées sur la réduction du temps de travail. Il a considéré qu'une loi était nécessaire afin de libérer du temps pour les salariés. Il a affirmé que son groupe s'opposerait aux propositions de la commission des affaires sociales.
M. Jean Chérioux a déclaré que la question de la réduction du temps de travail n'était pas au centre du débat et que les différences d'appréciation reposaient plutôt sur les modalités à retenir. Il a considéré qu'il n'était pas réaliste de s'en remettre à la loi et qu'il convenait de laisser une plus grande latitude aux partenaires sociaux. Il a observé que la négociation sur la réduction du temps de travail aurait tout intérêt à trouver sa place dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire.
Mme Annick Bocandé a souligné les faibles résultats en termes d'emplois de la loi du 13 juin 1998. Elle s'est inquiétée des modalités de financement de ce dispositif et notamment du fait que la taxe générale sur les activités polluantes soit détournée de son objectif premier, c'est-à-dire la réparation des dommages causés à l'environnement.
M. Serge Franchis a estimé que le projet de loi était moins moderne que ne le pensaient ses auteurs. Il a considéré que si l'objectif de créations d'emplois n'était pas atteint cela signifierait qu'une occasion avait été manquée. Il a souhaité connaître les modalités d'articulation des différentes aides relatives à la réduction du temps de travail.
M. Philippe Nogrix a fait part de son désaccord sur la vision qui sous-tendait ce projet de loi qui a tendance à ne pas tenir compte des modalités d'application et des oppositions qui se manifestaient, y compris sur le terrain. Concernant le financement, il s'est étonné que des ressources soient détournées de leur objet, notamment en ce qui concernait la taxe générale sur les activités polluantes. Il a évoqué la question de l'application des 35 heures dans le secteur public qui demeurait une inconnue. Il a souligné les problèmes que posait l'abaissement de la durée légale pour les établissements du secteur social compte tenu des contraintes spécifiques liées à la procédure d'agrément.
M. Claude Domeizel a considéré que les conclusions du rapporteur étaient très catégoriques et s'est interrogé sur la contradiction qu'il y avait à supprimer l'essentiel des dispositions du texte tout en prônant le développement de la réduction du temps de travail.
M. Claude Huriet a souligné les conséquences de l'abaissement de la durée légale du travail sur l'augmentation des coûts salariaux des entreprises. Il a déclaré que de nombreuses entreprises avaient déjà des problèmes pour recruter des salariés possédant les qualifications requises.
En réponse aux différents intervenants, M. Louis Souvet, rapporteur, a souligné les difficultés qu'il avait pu rencontrer dans l'examen d'un texte dont le Gouvernement avait changé l'ensemble des modalités de financement en cours d'examen. Il a considéré que le Gouvernement avait semé ainsi un grand désordre dans l'organisation de la procédure d'examen du projet de loi.
Il a déclaré qu'aux termes de ses nombreuses auditions, la majorité de ses interlocuteurs s'interrogeaient sur la façon dont ce projet de loi pourrait être appliqué. Il a estimé que l'application des 35 heures dans le secteur public poserait d'énormes difficultés, notamment au niveau local.
M. Louis Souvet, rapporteur, a réaffirmé qu'il existait des visions différentes de l'évolution de la société et que cette opposition reposait notamment sur la place qui devait être accordée au travail. Il a rappelé que le projet de loi ne tenait pas les engagements pris en 1998 concernant la reprise des clauses des accords signés.
Il a observé que l'intérêt d'une motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité avait perdu de son intérêt depuis que le Gouvernement avait renoncé à mettre à contribution les régimes sociaux et l'assurance chômage.
Concernant la question des allégements de charges, M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé que Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat, avait déclaré en 1998 que les allégements de charges ne constituaient pas une priorité du Gouvernement ; il a salué la récente volte-face du Gouvernement sur ce sujet.
M. Louis Souvet, rapporteur, a considéré qu'il n'y avait pas de contradiction entre les dispositions proposées et le souhait de favoriser une réduction du temps de travail étant donné la place qui était réservée aux partenaires sociaux dans le cadre du nouveau dispositif.
Concernant les articulations des différentes aides à la réduction du temps de travail, M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré qu'il avait demandé par écrit à Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, un récapitulatif de ces aides. Il a précisé qu'il n'avait pas encore reçu de réponses à ce questionnaire bien qu'il avait souhaité les obtenir avant le 27 octobre.
M. Jean Delaneau, président, a souhaité rappeler les termes du huitième alinéa du Préambule à la Constitution du 27 octobre 1946, selon lesquels " tout travailleur participe par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ". Il a considéré que telle était la philosophie du dispositif d'amendements proposés par le rapporteur.
Ensuite la commission a procédé à l'examen des articles et des amendements proposés par le rapporteur.
Elle a adopté un premier amendement tendant à insérer un article additionnel avant l'article premier prévoyant que les partenaires sociaux seraient appelés à participer à une conférence nationale sur le développement de la négociation collective.
Elle a adopté ensuite un second amendement tendant également à insérer un article additionnel avant l'article premier validant, dans la limite de cinq ans, les clauses des accords conclu en application de la loi du 13 juin 1998.
La commission a adopté un amendement de modification de l'article premier du projet de loi supprimant les paragraphes I, II et IV de cet article et coordonnant ces suppressions avec les dispositions de l'article premier de la loi du 13 juin 1998 au regard de la suppression de l'abaissement de la durée légale du travail.
Elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel avant l'article premier bis afin de valider l'accord signé par les partenaires sociaux sur le renouvellement du dispositif relatif au mandatement.
Elle a adopté un amendement tendant également à insérer un article additionnel avant l'article premier bis pour prévoir que les établissements du secteur sanitaire, social et médico-social pourront bénéficier de l'aide prévue à l'article 3 de la loi du 13 juin 1998 jusqu'au 1er juin 2000.
Elle a adopté un amendement de suppression de l'article premier bis (affirmation des contreparties pour le salarié de l'aménagement du temps de travail).
Elle a adopté un amendement qui propose une nouvelle rédaction de l'article premier ter, prévoyant que le temps nécessaire à l'habillage et au déshabillage, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé, est rémunéré selon des modalités fixées par convention ou accord collectif de travail.
Elle a adopté un amendement qui propose une nouvelle rédaction de l'article premier quater tendant à prévoir, en l'absence de décret, la possibilité pour les partenaires sociaux de définir des durées d'équivalence.
Elle a adopté un amendement qui propose une nouvelle rédaction de l'article premier quinquies relatif à la définition de l'astreinte.
Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 2 relatif au régime des heures supplémentaires dans le cadre de l'abaissement de la durée légale du travail.
Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 2 bis relatif à l'abaissement de la durée maximale du travail hebdomadaire.
Elle a adopté un amendement qui propose une nouvelle rédaction de l'article 2 ter afin de prendre en compte les dispositions d'une directive sur le repos hebdomadaire minimal.
Elle a adopté un amendement qui propose une nouvelle rédaction de l'article 3 relatif à un régime unique de modulation des horaires de travail.
Elle a adopté un amendement qui propose une nouvelle rédaction de l'article 4 relatif à la réduction du temps de travail par l'attribution de journées ou de demi-journées de repos.
Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 4 bis qui renforce le contrôle et l'interdiction du travail hebdomadaire.
Elle a adopté un amendement qui propose une nouvelle rédaction de l'article 5 relatif à la durée et à la rémunération du travail des cadres.
Elle a adopté une nouvelle rédaction de l'article 6 relatif au travail à temps partiel, comportant huit modifications aux différents paragraphes de cet article.
Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 6 bis relatif à l'abrogation d'un dispositif d'exonération de charges sociales pour les contrats de travail à temps partiel.
Elle a adopté conformes les articles 7 (travail intermittent) et 8 (dispositions relatives aux congés) du projet de loi.
Elle a adopté un amendement qui modifie plusieurs dispositions de l'article 9 (compte épargne-temps).
Elle a adopté un amendement qui modifie plusieurs dispositions de l'article 10 relatif à la possibilité d'organiser des périodes de formation pour partie en dehors du temps de travail.
Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 10 bis portant sur la transposition de certaines dispositions d'une directive européenne du 22 juin 1999 relative à la protection des jeunes au travail.
Elle a adopté trois amendements de suppression des différents paragraphes de l'article 11 relatif à un allégement de cotisations sociales pour les entreprises signant un accord de réduction du temps de travail et prévoyant ses modalités de financement.
Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 11 bis prévoyant des dispositions relatives au SMIC pour les salariés des entreprises créées postérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi.
Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 12 qui définit le nouvel allégement de cotisations sociales lié à la réduction du temps de travail.
Elle a adopté un amendement de modification de l'article 12 ter relatif à la réduction du temps de travail par étapes des entreprises de moins de vingt salariés.
Elle a adopté un amendement comportant plusieurs modifications de l'article 12 quater relatif aux formalités administratives imposées aux entreprises de moins de vingt salariés applicables pour bénéficier de l'aide financière à la diminution du temps de travail.
Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 12 quinquies relatif à l'adaptation de certaines dispositions du projet de loi à la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Elle a adopté un amendement de modification de l'article 13 relatif aux groupements locaux d'employeurs.
Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 14 relatif à une validation partielle des accords signés en application de la loi du 13 juin 1998.
Elle a adopté un amendement modifiant l'article 15 relatif au licenciement d'un salarié refusant les conséquences de l'application d'un accord de réduction du temps de travail.
Elle a adopté un amendement modifiant l'article 15 bis qui exonère du paiement de la contribution Delalande l'entreprise ayant licencié un salarié refusant la modification de son contrat de travail consécutive à la mise en place d'un accord de réduction du temps de travail.
Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 16 garantissant la rémunération des salariés payés au SMIC en cas de réduction du temps de travail au motif que cet article était intrinsèquement lié à la baisse de la durée légale du travail, supprimée par la commission à l'article premier.
Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 17 qui abaisse à 35 heures par semaine la durée légale du travail des salariés agricoles.
Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 18 relatif à la présomption de salariat qui constitue un " cavalier législatif ".
Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 19 relatif à l'information du comité d'entreprise sur les aides reçues par l'entreprise, dépourvu de portée normative.
Elle a adopté un amendement qui propose une nouvelle rédaction de l'article 20 relatif à un rapport sur la mise en oeuvre de l'allégement de cotisations prévu par le projet de loi.
La commission a approuvé à sa majorité le projet de loi ainsi amendé.
Contrôle de l'application des lois - Communication
Au cours d'une deuxième séance tenue dans l'après-midi, la commission a entendu une communication de M. Jean Delaneau, président sur le contrôle de l'application des lois pour la période courant du 1er octobre 1998 au 30 septembre 1999.
M. Jean Delaneau, président, a rappelé que, conformément aux instructions du Bureau du Sénat, chaque année, les commissions permanentes présentaient, dans leur domaine de compétences, un bilan de l'application des lois. Il a précisé que les différentes contributions des commissions feraient l'objet d'une communication du président du Sénat lors d'une prochaine Conférence des présidents et d'un document de synthèse dont chacun pourrait prendre connaissance, de même que du bilan détaillé établi par la commission des affaires sociales.
Commentant ce bilan, M. Jean Delaneau, président, a souhaité formuler quelques observations.
Evoquant la loi du 29 juillet 1994, dite loi bioéthique, qui avait été rapportée par M. Claude Huriet, il a constaté que le Gouvernement encourait deux griefs : celui d'abord d'avoir laissé sans application certaines dispositions importantes de cette loi, faute de décret, celui ensuite de n'avoir pas respecté les prescriptions de l'article 21 de cette loi qui prévoyait une révision de la loi bioéthique avant le mois de juillet 1999.
M. Jean Delaneau, président, a indiqué que ce défaut d'application était à mettre en relation avec la non-application des dispositions de la loi du 28 mai 1996 concernant les thérapies génique et cellulaire, issues d'amendements sénatoriaux.
Il a souligné de même, que quatre ans et demi après la publication de la loi du 4 février 1995, son article 28 relatif au contrôle des installations de radiothérapie n'était toujours pas applicable, faute de décret, alors que le Gouvernement avait présenté cette mesure, incluse dans un texte portant diverses dispositions d'ordre social, comme très urgente.
S'agissant de la loi du 1er juillet 1998 sur la sécurité sanitaire à laquelle la commission est particulièrement attachée puisqu'elle résulte d'une initiative de MM. Charles Descours et Claude Huriet, M. Jean Delaneau, président, a regretté le retard enregistré pour les décrets relatifs à la mise en place des différentes agences de l'Institut de veille qui n'ont été publiés que fin mars 1999, alors que la loi elle-même avait mis un butoir au 31 décembre 1998.
Pour ce qui est des dispositions figurant dans la loi du 1er juillet 1998, relatives aux principales règles de sécurité sanitaire concernant les dispositifs médicaux, les produits cosmétiques et autres, le président a indiqué que les décrets n'étaient toujours pas parus, ce qui était difficilement acceptable s'agissant de règles conditionnant la sécurité sanitaire.
Abordant l'application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, il a constaté qu'au terme de la période sous revue, les décrets d'application relatifs au fonds de réserve pour les retraites n'étaient pas parus et que les sommes qui devaient l'alimenter à hauteur de 2 milliards de francs n'avaient pas été versées, ce qui était fâcheux pour un fonds de réserve qui doit produire des fonds.
Il a souligné en revanche qu'il y avait un décret dont le Parlement ne souhaitait pas la parution et qui pourtant était pris chaque année par le Gouvernement : celui qui majore le plafond des avances de trésorerie aux régimes sociaux, fixé par le Parlement ; pour la troisième fois consécutive, en octobre 1999, le Gouvernement a en effet majoré ce plafond par la voie réglementaire.
Enfin, M. Jean Delaneau, président, s'est inquiété qu'aucun décret d'application n'ait été pris pour la loi du 27 juillet 1999 portant création de la couverture maladie universelle (CMU) alors que cette réforme doit être effective le 1er janvier 2000.
Il a constaté que, même si l'enjeu n'était pas de même nature, la situation était identique pour les nombreux articles de diverses dispositions d'ordre sanitaire et social qui se sont greffés sur cette loi.
M. François Autain a souligné l'urgence qui s'attachait à la publication rapide du décret nécessaire à l'application de l'article de la loi du 27 juillet 1999 relatif aux médecins de nationalité ou à diplôme étrangers.
M. Claude Domeizel s'est félicité de la parution, le 24 octobre dernier, du décret relatif au fonds de réserve pour les retraites.
M. Claude Huriet a déploré à son tour que de nombreux décrets d'application de la loi dite bioéthique du 29 juillet 1994 n'aient pas été publiés, citant à titre d'exemple le sort des embryons surnuméraires.
Considérant qu'il s'agissait d'une question qui était naturellement hors de tout clivage politique, il s'est interrogé sur les moyens dont pouvait disposer la commission pour interpeller le Gouvernement.
M. François Autain a souligné les difficultés qui pouvaient être rencontrées dans la rédaction des décrets d'application de la loi dite bioéthique. Il a considéré que la perspective d'une modification de cette loi à compter de 1999 avait pu également constituer un frein pour la mise en place des décrets nécessaires à son application.
M. Jean Chérioux a rappelé que la loi comportait un dispositif expérimental pour 5 ans et a considéré au contraire que l'expérimentation était biaisée dès lors que la loi n'avait pas été appliquée dans toutes ses dispositions, faute de décret.
M. Francis Giraud a fait état également des difficultés rencontrées, dans leur activité, par les laboratoires de recherche du fait de l'absence de décret d'application.
M. Jean Delaneau, président, a souhaité que M. Claude Huriet puisse saisir le Gouvernement du problème récurrent de la non-parution des décrets d'application des dispositions de la loi du 28 mai 1996 concernant les thérapies génique et cellulaire, et plus largement des difficultés que semblait rencontrer le Gouvernement pour appliquer les dispositions législatives dès lors qu'elles résultaient d'une initiative parlementaire.
Il a proposé, et la commission l'a approuvé, que la démarche de M. Claude Huriet s'accomplisse au nom de la commission.
Application des lois de financement de la sécurité sociale - Rapport annuel de la Cour des Comptes - Audition de MM. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des Comptes, Gabriel Mignot, président de la sixième chambre, et Claude Thélot, rapporteur général de la Cour des Comptes
Puis la commission a procédé à l'audition de MM. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des Comptes, Gabriel Mignot, président de la sixième chambre, et Claude Thélot, rapporteur général de la Cour des Comptes, sur le rapport annuel de la cour consacré à l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
M. Jean Delaneau, président, a souligné l'importance de l'audition annuelle du Premier président de la Cour des Comptes, sachant la mission qui est celle de la haute juridiction d'assister le Parlement dans le contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale. Il a indiqué qu'en application de l'article L. 132-3-1 du code des juridictions financières, la commission avait envoyé à la Cour un premier courrier le 19 mars 1999, demandant à la haute juridiction de recenser les freins ou obstacles s'opposant à une remise accélérée des comptes des organismes de sécurité sociale, et un second courrier, le 25 septembre 1999, sur le rapport de la Cour sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 portant sur l'impact effectif en 1998 des différentes mesures prises par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 et l'analyse de la décomposition définitive de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) 1998.
M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des Comptes, a observé que le rapport de la Cour rendu public le 15 septembre 1999 était le cinquième rapport rendu au Parlement sur la sécurité sociale et le deuxième rendant compte de l'application d'une loi de financement, en l'occurrence celle de 1998. Il a indiqué que la Cour avait réduit ses délais d'un mois par rapport à l'an dernier. Il a déclaré que la Cour n'avait pas seulement pour mission de contrôler les comptes, mais également d'évaluer les politiques publiques. Il a expliqué que la Cour s'attachait à suivre avec attention les suites données aux recommandations des rapports précédents. Il a précisé que 75 % des recommandations avaient été mises en oeuvre, ce qui constituait un pourcentage intéressant. Il a toutefois noté qu'une des recommandations de la Cour, particulièrement fondamentale, n'était pas mise en oeuvre. Il a ainsi regretté l'impossibilité de suivre l'application des lois de financement à travers les " grandeurs fondamentales de la loi " (objectifs de dépenses par branche, prévisions de recettes par catégorie, ONDAM).
M. Gabriel Mignot, président de la sixième chambre de la Cour des Comptes, a présenté les thèmes abordés par le rapport 1999. Il a rappelé que la première partie de ce rapport était relative à l'exécution des mesures de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998. Il a indiqué que ses deuxième et troisième parties traitaient plus particulièrement de la gestion du risque maladie par la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et de la politique de ressources humaines et de l'informatique des organismes de sécurité sociale. Il a ajouté que la quatrième partie de ce rapport présentait les résultats des travaux des comités départementaux d'examen des comptes des organismes de sécurité sociale (CODEC).
Il a ensuite présenté les réponses écrites aux questions posées par la commission en mars et en septembre 1999.
S'agissant de l'impact des mesures de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, il a observé que la Cour disposait d'un faible délai, de l'ordre de quarante-huit heures, pour commenter les comptes. Il a considéré qu'un chiffrage des mesures avait néanmoins été réalisé dans le rapport pour toutes les mesures de loi de financement de la sécurité sociale, en dehors de la substitution entre contribution sociale généralisée et cotisations d'assurance maladie. Il a expliqué que ce chiffrage était très difficile à faire, l'année 1998 ayant été la première année d'entrée en vigueur du système RACINE, mis en place au niveau des Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) pour ventiler à la source les imputations comptables. Il a regretté que l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale n'ait pas été pour l'instant en mesure de présenter des comparaisons entre l'ancien et le nouveau système. Il a noté que le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale avait chiffré l'opération de substitution à un gain de 5,2 milliards pour les régimes d'assurance maladie.
S'agissant de l'ONDAM, il a noté que la Cour s'était fondée sur les prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociale de mai 1999, qui s'étaient révélées à peu près exactes. Il a considéré que le commentaire consacré à cette question dans le rapport de septembre 1999 restait valable.
Concernant " les freins à l'accélération de la remise des comptes ", il a rappelé que la construction des comptes de la sécurité sociale s'opérait en trois étapes. La première étape est marquée par la production des comptes des organismes de base. La seconde étape est constituée par l'élaboration, par la Direction de la sécurité sociale, des comptes de l'ensemble des organismes de sécurité sociale. La troisième étape consiste à construire les agrégats de la loi de financement de la sécurité sociale.
Il a considéré que la première étape, autrefois très longue, avait tendance à s'accélérer, au moins pour le régime général. Il a rappelé que les caisses nationales avaient eu, en 1999, six semaines d'avance sur le calendrier 1998. Il a constaté que les difficultés se concentraient désormais sur les deuxième et troisième étapes, puisque trois mois étaient nécessaires à la Direction de la sécurité sociale pour passer de la réception des comptes à la construction des agrégats de la loi de financement.
Concernant la mission interministérielle de réforme de la comptabilité des organismes de sécurité sociale (MIRCOSS), il a observé que les travaux de cette mission, placée sous la responsabilité de M. Alain Déniel, avaient pour objectif d'aboutir à l'adoption d'un plan comptable unique pour les organismes de sécurité sociale. Il a précisé que les propositions de la MIRCOSS seraient connues courant 2000. Il a expliqué que le plan comptable unique, ainsi que les moyens nécessaires pour suivre son application par les organismes de sécurité sociale, nécessiteraient des dispositions législatives, qu'il serait souhaitable de prendre dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Dans l'hypothèse où ces dispositions législatives seraient mises en oeuvre en 2001, il faudrait donc attendre 2002 pour pouvoir bénéficier de leurs effets. Il a précisé que la mise à disposition des comptes définitifs de l'année n-1 en mai de l'année n aurait probablement pour conséquence la présentation au début de l'été du rapport de la Cour des Comptes sur l'application de la loi de financement.
A la demande de M. Jean Delaneau, président, M. Gabriel Mignot a précisé que la commission des comptes de la sécurité sociale ne statuait pas sur ces comptes, mais prenait acte des comptes présentés par la Direction de la sécurité sociale. Il a précisé, en outre, que le compte tendanciel de l'année n + 1 présenté lors de la réunion de septembre de la commission des comptes de la sécurité sociale, recouvrait deux notions différentes : une évolution spontanée des comptes, mais également des anticipations quant aux mesures annoncées par le Gouvernement.
M. Claude Thélot, rapporteur général de la Cour des Comptes, a indiqué que l'année 1998 avait été marquée par le basculement de grande ampleur des cotisations d'assurance maladie vers la contribution sociale généralisée (CSG). Il a noté que ce basculement s'était effectué dans de bonnes conditions et que la structure du financement de la sécurité sociale avait été profondément modifiée. Il a précisé que le prélèvement sur les ménages avait été accru, en raison de la charge plus lourde pesant sur les revenus du patrimoine et sur les revenus de remplacement.
M. Claude Thélot a ensuite insisté sur les difficultés de l'information comptable de la sécurité sociale. Faisant référence aux propos de M. Déniel retranscrits en annexe du rapport de M. Charles Descours " Les lois de financement : un acquis essentiel, un instrument perfectible ", il a considéré que de véritables incertitudes pesaient sur les estimations d'excédents et de déficits, variant considérablement selon qu'elles étaient effectuées en encaissements/décaissements ou en droits constatés. Il a indiqué que si le système RACINE représentait un réel progrès, son effet immédiat avait été de diminuer la compréhension des comptes. Il a considéré que les comptes de la sécurité sociale se trouvaient " au milieu du gué " et que deux à trois années seraient nécessaires pour parvenir à de réelles améliorations. Il a considéré que l'opposabilité d'une information comptable d'une qualité moyenne posait problème. Il a insisté sur les moyens quantitatifs et qualitatifs indispensables à toute réforme dans le domaine de l'information comptable et statistique.
Il a considéré que les outils d'évaluation présentaient une problématique tout à fait similaire. Citant l'exemple de l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES), il a estimé que de réels espoirs pouvaient être fondés sur cette agence, mais que du temps serait nécessaire pour que ses travaux prennent de l'importance.
M. Claude Thélot a présenté les grandes lignes du rapport 1999 sur l'assurance maladie. Il a expliqué que ce rapport constituait l'étape d'un travail d'ampleur de la Cour sur ce sujet, s'étalant sur plusieurs années. Il a indiqué que le thème abordé par le rapport 1999 était relatif au comportement, en tant qu'assureur, de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Il a estimé qu'une réflexion sur un nouveau dispositif de relations entre les régimes d'assurance maladie et les professionnels de santé était nécessaire. Il a douté de la pertinence de reconduire le système conventionnel. Il a considéré que la CNAMTS n'effectuait pas une gestion du risque. Il a précisé que le régime des sanctions n'était pas adapté.
Abordant la troisième partie du rapport, il a indiqué que la Cour s'était intéressée à l'action sociale menée par les caisses du régime général. Rappelant que les dispositifs en vigueur avaient pour objectif de compléter les prestations légales, il a observé que la conciliation entre la nécessité, d'une part, de s'adapter à la situation particulière des assurés et, d'autre part, le principe d'équité minimale, était une question très importante. Il a noté que cette conciliation pouvait être atteinte par l'intermédiaire des conventions d'objectifs et de gestion signées entre l'Etat et les caisses.
Il a également abordé le problème de la gestion prévisionnelle des effectifs du régime général. Rappelant que 160.000 personnes étaient concernées, il a noté que les personnels devaient faire face à l'évolution extrêmement rapide du progrès technique et à la nécessité de répondre aux besoins des usagers. Il a expliqué que la sécurité sociale avait besoin de personnels qualifiés et d'une meilleure formation de ses agents. Il a regretté que la gestion prévisionnelle des effectifs soit quasiment embryonnaire.
M. Claude Huriet a demandé si la Cour des Comptes était en mesure d'évaluer les effets attendus des mesures inscrites dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale. Il a souhaité connaître le sentiment de la Cour des Comptes sur le système des points ISA, la notion de " région sous-équipée" en matière d'équipements hospitaliers et le rôle dévolu à l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES).
Relevant l'observation de la Cour des Comptes selon laquelle l'inadéquation était grande entre l'état actuel des systèmes d'information de la CNAMTS et l'ambition de rendre opposables les données qu'ils produisent, M. Claude Huriet aconsidéré que le manque de fiabilité des informations disponibles expliquait pour partie le climat de défiance qui caractérisait les relations entre les professionnels de santé, l'Etat et la sécurité sociale. Il a jugé que le système envisagé par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, dans lequel la CNAMTS modifiait tous les quatre mois les conditions applicables aux professionnels de santé, ne pouvait guère améliorer la qualité des relations entre les différents acteurs.
En réponse à M. Claude Huriet, M. Gabriel Mignot a rappelé que l'évaluation des effets attendus de mesures inscrites dans la loi n'entrait pas dans la compétence de la Cour des Comptes, laquelle était chargée d'assister le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale. Il a rappelé que l'impact des mesures votées en loi de financement était analysé dans l'annexe b du projet de loi de financement de l'année suivante.
M. Gabriel Mignot a fait observer que le système de sécurité sociale traduisait une masse considérable d'informations, pas toujours de bonne qualité. Il a considéré qu'il n'était pas possible de concevoir un système où les enveloppes globales seraient l'agrégation des opérations individuelles. Il a souligné la nécessité de réfléchir à d'autres modes de relations contractuelles entre les professionnels de santé et la sécurité sociale.
M. Claude Thélot, rapporteur général, a dit partager l'analyse de M. Claude Huriet sur l'ANAES. Il a jugé que cet organisme accomplissait un travail de bonne qualité et qu'il convenait de le laisser poursuivre sa mission d'évaluation et d'accréditation, en prenant garde à ne pas multiplier les tâches qui lui étaient confiées. Evoquant la question des points d'indice synthétique d'activité (ISA), il a considéré que les fortes disparités entre hôpitaux au sein de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) nécessitaient une étude approfondie, que la Cour des Comptes s'apprêtait d'ailleurs à lancer. S'agissant de la répartition des dotations hospitalières entre régions, il a constaté l'extrême diversité des situations, et a souligné que les modalités concrètes de répartition des moyens ne favorisaient pas la réduction des coûts et la recherche d'une plus grande équité entre les régions.
M. Jean Chérioux a souligné à son tour la très grande diversité de situations existant entre les différents établissements de l'AP-HP. Il a craint une déstabilisation de certains services de pointe de l'AP-HP par l'application de la méthode des points ISA et s'est interrogé sur la pertinence de cet indicateur.
M. Jean Chérioux a considéré que la mission de la Cour des Comptes était difficile par sa nature même puisque l'appréciation portée sur l'impact des mesures votées conduisait souvent à émettre un jugement sur des décisions politiques approuvées par le Parlement.
En réponse à M. Jean Chérioux, M. Pierre Joxe a souligné qu'il était facile de faire l'évaluation d'une politique en comparant les résultats obtenus par rapport aux objectifs assignés et aux moyens affectés. Après avoir rappelé que la Cour des Comptes n'avait aucune légitimité à accomplir une autre tâche que ce qui lui était demandé par le Parlement, il a souligné que les études parfois controversées de la Cour, notamment celle portant sur l'allocation de garde d'enfant à domicile, s'étaient généralement bornées à constater que l'objectif affiché par le législateur n'avait pas été respecté.
M. Pierre Joxe a jugé qu'il y avait un travail important de pure comptabilité à accomplir en matière de finances sociales. Il a fait valoir que ces dernières étaient encore loin d'avoir atteint la qualité et la fiabilité des finances de l'Etat, en raison notamment de l'absence de normes. Il a considéré que le système était aujourd'hui hybride, puisqu'il reposait en partie sur la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de finances.
En réponse à M. Jean Chérioux, M. Gabriel Mignot a souligné qu'une étude sur la validité des points ISA constituait un travail comptable très complexe, qui nécessitait un examen détaillé et des moyens très lourds. Il a considéré que le problème soulevé par M. Jean Chérioux était réel et que la Cour des Comptes s'était pour le moment limitée à constater que les établissements de l'AP-HP étaient globalement mieux dotés que les autres.
M. Pierre Joxe a rappelé que les moyens de la Cour des Comptes étaient limités : cette juridiction ne comportait au total que 200 personnes dont 35 pour la sixième chambre en charge du contrôle des finances sociales.
M. André Vézinhet s'est félicité que la CSG soit allée dans le sens d'une plus grande justice sociale. Il a souhaité connaître les recommandations de la Cour sur la répartition de la dotation globale hospitalière entre régions et au sein même des régions. Notant que la Cour s'était prononcée en faveur du Programme de médicalisation du système d'information (PMSI), il a fait part de son expérience de vingt-cinq ans de président de conseil d'administration d'un centre hospitalier universitaire (CHU) : le PMSI est unanimement critiqué dans les CHU, la correction des points ISA ne s'avérant pas suffisante. Il a considéré que le véritable problème était de donner les moyens aux CHU pour développer leurs actions de recherche. Enfin, il s'est interrogé sur la possibilité, par la Cour des Comptes, de chiffrer les économies qu'apporterait le développement des actions de prévention des soins.
M. Gabriel Mignot a confirmé qu'il était tout à fait nécessaire de développer les actions de prévention. Il a regretté que peu d'études soient menées en France aujourd'hui sur le sujet. Il a reconnu que le PMSI était un outil perfectible, mais que ce programme représentait néanmoins un progrès par rapport à l'absence de toute unité de mesure. Il a considéré que le problème des CHU ne pouvait pas être distinct de celui de la formation médicale, actuellement trop concentrée.
M. François Autain a douté de la pertinence de l'affectation au budget de l'Etat des droits sur les tabacs. Il a considéré que le produit de ces droits devait financer le coût sanitaire occasionné par le tabagisme. Evoquant un rapport récent montrant l'importance du coût social de l'alcoolisme, il s'est interrogé sur les transferts financiers entre l'Etat et la sécurité sociale.
M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des Comptes, a estimé qu'il était désormais nécessaire d'établir un budget consolidé des collectivités publiques, correspondant à l'ensemble des prélèvements obligatoires. Il a considéré que la question de l'affectation des droits sur les tabacs à l'Etat ou à la sécurité sociale était finalement secondaire. Il a observé que la définition d'une véritable politique de santé publique était, en revanche, essentielle. Il a estimé qu'il était impossible de " répondre à toutes les demandes " et qu'il était nécessaire d'effectuer des choix, ce qui pose des problèmes éthiques. Il a précisé que cette politique de santé publique était, pour l'instant, définie de manière implicite.
Faisant part de son attachement à la régionalisation de la politique de santé, M. Claude Huriet s'est interrogé sur le rôle joué, dans ce cadre, par les chambres régionales des comptes.
M. Pierre Joxe a estimé qu'il était tout à fait envisageable de donner aux chambres régionales des comptes le soin de contrôler les agences régionales de l'hospitalisation (ARH).
En conclusion, il a considéré qu'il faudrait encore beaucoup de temps pour disposer de comptes sociaux précis et fiables.
Projet de loi de finances pour 2000 - Crédits consacrés à la politique de la ville - Examen du rapport pour avis
La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Paul Blanc, sur le projet de loi de finances pour 2000 (politique de la ville).
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a tout d'abord indiqué que le budget de la ville, d'un montant de 1,40 milliard de francs, faisait apparaître une hausse apparente de 40 % qui devait néanmoins être nuancée par l'existence de deux mouvements de transfert des crédits qui expliquaient qu'à structure constante, la progression n'était que de 10 %.
Après avoir commenté la ventilation de ces crédits, il a présenté trois observations.
Tout d'abord, il s'est félicité de l'augmentation des crédits regroupés au sein du fonds interministériel de la ville (FIV), créé en 1995 pour simplifier les procédures de délégation et d'engagement de crédits déconcentrés.
Il s'est déclaré déçu par la stagnation des crédits des opérations " ville vie vacances ", en rappelant que la réussite de ces opérations supposait un engagement des collectivités locales en dépenses de personnel pour assurer des tâches d'encadrement, de surveillance, voire de médiation.
Il s'est demandé si le maintien des crédits aux collectivités locales pouvait aller de pair avec les mesures annoncées par le Gouvernement pour ramener de 13 à 11 ans l'âge minimum des bénéficiaires des opérations et augmenter la dotation des départements.
Il s'est étonné de l'afflux soudain de crédits sur les dépenses de communication, se traduisant par la création d'une ligne spécifique ainsi que par la fusion de la ligne budgétaire relative aux projets publics de quartier avec celle concernant les dépenses locales d'animation.
Evoquant le jaune budgétaire récapitulant l'ensemble de l'effort public consacré à la ville, il a précisé que celui-ci s'élèverait à 35 milliards de francs en 2000 comprenant les dépenses de l'Etat, des collectivités territoriales et des autres partenaires.
Il a observé que la progression de 10 % de l'effort était largement due à la montée en puissance des nouveaux contrats de ville (2000-2005).
Il a rappelé que les crédits inscrits au titre des dépenses non contractualisées des ministères reposaient parfois sur une base conventionnelle difficile à vérifier, citant l'exemple des emplois-jeunes.
Il a souhaité un effort statistique pour mieux connaître les dépenses des collectivités locales consacrées aux quartiers sensibles, mais non inscrites dans les contrats de ville.
Abordant la politique de la ville, il a tout d'abord observé que depuis deux ans cette politique, au-delà de diverses initiatives ministérielles, semblait toujours à la recherche d'un axe fort.
Après avoir rappelé les dispositions législatives spécifiques relatives aux agglomérations adoptées en 1999, il a indiqué que l'action du ministère délégué semblait focalisée sur la préparation des contrats de ville dont on devrait connaître plus clairement le contenu à mesure qu'ils seraient signés à la fin de cette année.
Il a observé que l'effort annoncé au titre des grands projets de ville (GPV) portait sur des opérations relativement lourdes et que le dispositif ne pourrait être jugé qu'au vu de la réalité des crédits qui seraient engagés.
En second lieu, il a souligné qu'en matière de sécurité le Gouvernement apportait des amorces de réponses, en termes de police de proximité, de prévention de la délinquance et de médiation par les emplois-jeunes dont l'efficacité restait à prouver.
Rappelant la dégradation des statistiques relatives à la délinquance et à la criminalité en 1998, il a évoqué le phénomène des violences urbaines, en soulignant le développement des phénomènes de bandes, ainsi que la prolifération d'armes dans les quartiers en difficulté.
Il a souligné que si les mesures annoncées lors du conseil de sécurité intérieure de janvier dernier présentaient un effet d'annonce important, la mise en oeuvre pratique du dispositif en 1999 était encore trop partielle pour permettre d'apprécier si des conséquences positives étaient perçues par les habitants du quartier.
Il a souhaité que la réforme des conseils communaux et départementaux de prévention de la délinquance annoncée en mars dernier entre rapidement en vigueur.
Enfin, il a noté que la conclusion des contrats locaux de sécurité ainsi que la mise en place des agents locaux de médiation sociale et des correspondants de nuit permettaient de faire largement appel aux efforts des collectivités locales et des organismes d'HLM.
En matière économique, M. Paul Blanc a regretté que M. Claude Bartolone ait confirmé ses réticences à l'égard du dispositif d'exonération spécifique prévu par le pacte de relance pour la ville, sans dessiner en contrepartie de véritables alternatives.
Commentant le rapport d'évaluation remis au Parlement en mars dernier, il a rappelé que les résultats des zones franches étaient très contrastés suivant les régions et qu'en outre, les effets en termes d'emploi devaient se renforcer dans l'avenir, de nombreuses collectivités locales ayant réalisé des aménagements permettant d'attendre de nouvelles activités et emplois.
Il a observé que si le développement économique était considéré apparemment comme " la priorité des priorités ", le contenu concret des mesures à prendre était reporté au conseil interministériel des villes de décembre prochain.
Estimant que la politique de la ville était toujours à la recherche d'une " ligne claire ", il a fait part de l'impatience des élus sur le terrain et a donc proposé un avis défavorable à l'adoption des crédits du budget de la ville pour 2000.
M. Claude Domeizel a estimé que la progression des crédits du budget de la ville ne méritait pas un avis défavorable qu'il a estimé difficile à justifier.
M. André Jourdain a fait part de sa déception à l'égard de la politique de la ville en matière de développement économique des quartiers en appelant de ses voeux un mécanisme de soutien spécifique à l'embauche de jeunes des quartiers pour les entreprises du secteur.
M. Guy Fischer a fait part de son approbation du budget en rappelant la progression très sensible des crédits. Il a estimé que les difficultés actuelles constatées dans les grands ensembles nécessitaient de rechercher de nouvelles mesures et de faire preuve d'imagination. Il a estimé prioritaire d'améliorer l'accès à l'emploi et de développer la présence des services publics dans les quartiers. Il a considéré que les grands projets d'aménagement devaient aller de pair avec le développement des politiques de proximité.
M. Jean-Louis Lorrain s'est vivement inquiété de l'existence de zones sensibles dans lesquelles les forces de l'ordre admettaient ne pas pouvoir intervenir durant la nuit, en soulignant que ce point avait été évoqué lors de la préparation de certains contrats locaux de sécurité.
M. Alain Gournac a regretté l'absence d'évaluation sérieuse des sommes parfois considérables engagées sur le terrain. Il s'est inquiété de la jeunesse et du manque de formation des policiers nouvellement déployés dans les zones sensibles. Evoquant les instructions parfois données aux forces de police de ne pas intervenir dans certains quartiers, il a estimé inadmissible l'existence de " zones de non-droit ".
La commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs à la politique de la ville.
Projet de loi de finances pour 2000 - Crédits consacrés au logement social - Examen du rapport pour avis
Puis la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jacques Bimbenet, sur le projet de loi de finances pour 2000 (crédits du logement social).
M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis, a indiqué, à titre préalable, qu'il était difficile d'évaluer le budget du logement social sans examiner parallèlement les autres réformes en cours ou les propositions de réforme de la politique du logement.
S'agissant de l'évolution des crédits budgétaires, il a constaté que les crédits inscrits dans le " bleu " budgétaire " urbanisme et logement " augmentaient en apparence de 6 % pour atteindre 48,2 milliards de francs. Il a néanmoins jugé cette présentation artificielle. Il a en effet considéré qu'une analyse rigoureuse des crédits budgétaires devait se faire à structure constante et donc prendre en compte la rebudgétisation de deux comptes d'affectation spéciale (fonds d'aménagement de la région Ile-de-France et fonds pour le financement pour l'accession à la propriété).
Il a alors indiqué que, si on prenait en compte cette rebudgétisation, le budget du logement diminuerait d'environ 1,2 milliard de francs en 2000 soit une baisse de 2,4 %.
Mais il a considéré que cette évolution n'était pas a priori critiquable. Il a ainsi constaté que cela permettrait de rapprocher le montant des crédits votés et celui des crédits effectivement consommés, les crédits inscrits en loi de finances initiale n'étant pas tous consommés ; il a ainsi précisé qu'en 1998 environ 94 % seulement des dotations disponibles pour les dépenses en capital avaient été effectivement mandatées. Il a également observé que l'effort budgétaire en faveur du logement tendait de plus en plus à prendre la forme de dépenses fiscales et non plus de crédits budgétaires. Il a enfin rappelé que la commission était par principe plus favorable à une rationalisation de la politique du logement qu'à une augmentation inconsidérée des dépenses.
S'agissant de la répartition des crédits budgétaires, M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis, a d'abord indiqué que les aides à la personne diminuaient légèrement en 2000. Il a précisé que la contribution de l'Etat au financement des aides à la personne baissait de 0,8 % pour ne plus atteindre que 34,3 milliards de francs, estimant que cette évolution s'expliquait avant tout par l'amélioration du contexte économique. Il a également indiqué que la participation de l'Etat au logement des personnes défavorisées augmentait de 5 % en 2000, après une hausse de 51 % en 1999, pour atteindre 720 millions de francs.
Il a ensuite observé que les aides à la pierre supportaient l'essentiel de la diminution des crédits budgétaires même si les objectifs quantitatifs étaient globalement maintenus.
Il a ainsi observé, s'agissant du parc social, que la ligne fongible diminuait de 11 % pour ne plus atteindre que 2,6 milliards de francs. Il a souligné que cette diminution répondait en réalité à une faible consommation des crédits.
Il a fait part de son inquiétude devant la persistance de la crise de construction de logements sociaux, constatant qu'en 1998, seuls 44.300 logements sociaux avaient été mis en chantier contre 45.600 en 1997. Observant une légère hausse de 3 % des agréments délivrés sur les 8 premiers mois de l'année 1999, il a néanmoins rappelé qu'en 1994 plus de 70.000 logements sociaux avaient été mis en chantier.
En revanche, il a observé que les programmes restaient dynamiques en matière de réhabilitation. Il a ainsi précisé que 139.000 logements sociaux avaient été réhabilités en 1998 et que l'objectif de 120.000 réhabilitations en 2000 devrait être réalisé.
Abordant le parc privé, il a indiqué que les dotations budgétaires en matière de réhabilitation étaient en très légère augmentation : 3 milliards de francs pour la prime à l'amélioration de l'habitat (PAH) et pour l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH). Il a estimé que le nombre de réhabilitations devrait se maintenir à ce niveau en 2000, la baisse du taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les travaux contribuant sans doute à accompagner l'activité dans ce secteur.
Il a également constaté que le projet de budget affichait une croissance de 2,7 milliards de francs pour les financements des prêts à taux zéro, même si cette hausse masquait la fin de la rebudgétisation du fonds de financement de l'accession à la propriété. Il a alors exprimé la crainte que les dotations budgétaires se révèlent insuffisantes du fait du succès non démenti du prêt à taux zéro, constatant que, sur les six premiers mois de l'année 1999, le nombre de ces prêts mis en place avait augmenté de 20 %.
Abordant les mesures fiscales en faveur du logement, il a souligné que celles-ci représentaient un allégement d'impôts de l'ordre de 28 milliards de francs.
A ce propos, il a rappelé que la baisse du taux de TVA applicable aux travaux portant sur les locaux à usage d'habitation prolongeait la mesure adoptée lors du projet de loi de finances pour 1999 qui appliquait ce taux réduit aux travaux subventionnés par l'ANAH.
Il a estimé que cette mesure généralement bien accueillie souffrait de certaines imperfections : impact incertain sur le travail illégal, coût fiscal de près de 20 milliards de francs très élevé et mesure profitant surtout aux ménages les plus aisés. Il a notamment insisté sur le fait qu'il n'était pas sûr que cette mesure intervienne au bon moment, observant que la situation actuelle du bâtiment était bonne. Il a jugé qu'une telle mesure aurait été plus adaptée, il y a deux ans, lorsque la conjoncture était défavorable et qu'elle risquait de se traduire par un risque de " surchauffe ".
Il a indiqué que le projet de loi de finances prévoyait également la suppression de la contribution annuelle représentative du droit de bail et la poursuite de la réduction des droits de mutation à titre onéreux.
Elargissant son propos au cadre général de la politique du logement, M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis, a rappelé qu'il avait tout particulièrement insisté, l'année passée, sur la situation très préoccupante du logement social. Il a alors constaté que cette tendance inquiétante se confirmait.
Après avoir rappelé qu'il avait organisé au printemps une série d'auditions sur le thème des aides à l'investissement locatif social, il a indiqué qu'il avait déjà suggéré dans son dernier avis budgétaire trois pistes de réformes pour favoriser la construction de logements sociaux : diminution du coût de la ressource, simplification des aides et plus grande décentralisation du logement social.
Il s'est alors réjoui que le Gouvernement ait annoncé le 21 juillet dernier une réforme significative du financement du logement social correspondant en grande partie aux propositions de la commission, même s'il a déploré que le Gouvernement ait perdu deux ans à complexifier le financement des habitations à loyer modéré (HLM) au lieu de le simplifier.
Il a précisé que cette réforme avait pris plusieurs formes : diminution sensible des taux d'emprunts des organismes HLM passant de 4,3 % à 3,45 %, réaménagement de la dette des organismes avec une baisse de 5,7 % à 3,8 % du taux applicable à l'encours, allongement à 50 ans de la durée des prêts pour le foncier et l'acquisition-amélioration, mise en place du prêt locatif à usage social (PLUS) destiné à se substituer au prêt locatif aidé (PLA). Il a également rappelé que les organismes avaient décidé, en contrepartie de cette réforme, de geler les loyers HLM pour une période de deux ans.
Il a alors jugé que le PLUS devait apporter une simplification nécessaire à un système de financement particulièrement complexe et opaque en permettant une unification de la plupart des aides existantes. Il a souligné que seuls subsisteraient les PLA d'intégration et les PLA construction-démolition parallèlement au PLUS.
Il a néanmoins estimé qu'il était loin d'être évident que ces mesures suffisent à relancer durablement la construction de logements sociaux. Il a indiqué à ce propos que plusieurs obstacles subsistaient : contraintes de programmation imposées par l'administration notamment en termes de mixité sociale, réticence de certaines collectivités locales à voir des logements sociaux se réaliser sur leur territoire que ce soit pour des raisons financières liées aux garanties d'emprunt ou pour des raisons liées à l'équilibre du tissu social de la commune, instabilité chronique des règles de financement n'incitant pas les organismes HLM à se lancer dans des opérations de construction, incertitudes continuant à peser sur l'avenir du 1 % logement et limitant les perspectives de financement complémentaire et enfin, concurrence forte de l'accession à la propriété.
M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis, a ensuite attiré l'attention de la commission sur la question de la fiscalité locale applicable aux logements HLM. Il a observé qu'en l'absence d'une révision des valeurs locatives cadastrales, les logements sociaux voyaient pour la plupart leur valeur locative surévaluée. Il a indiqué qu'en conséquence les locataires et les organismes HLM devaient s'acquitter d'impôts locaux supérieurs à ceux qui seraient normalement exigibles si l'on prenait en compte l'état actuel du parc. Il a jugé qu'une telle situation était difficilement acceptable, tant pour les locataires dont les ressources sont très modiques que pour les organismes qui connaissent des difficultés financières. Il a alors déploré le report perpétuel de la révision des valeurs cadastrales pourtant régulièrement annoncée par le Gouvernement et, en violation de la loi, l'absence de réponses de la part de l'administration fiscale aux demandes particulières de révision.
Revenant au projet de budget du logement pour 2000, M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis, a estimé qu'il ne s'agissait pas d'un mauvais budget. Il s'est en particulier félicité d'un début d'effort de maîtrise des dépenses. Toutefois, il a regretté que les mesures fiscales proposées, allant pourtant dans le bon sens, n'arrivent pas forcément au bon moment et risquent de provoquer une " surchauffe " dans le secteur du bâtiment. Il a également souligné que de nombreuses incertitudes persistaient, insistant notamment sur la faiblesse de la construction de logements sociaux sur l'absence d'effort en faveur du logement intermédiaire et sur les difficultés du bouclage du prêt à taux zéro.
Pour ces raisons, il a proposé à la commission d'émettre un avis de sagesse sur ce projet de budget.
M. André Jourdain s'est interrogé sur l'explication du fort taux de non-consommation des crédits. Il s'est demandé s'il fallait en rechercher la cause principale dans la complexité des aides, dans la situation financière des organismes HLM ou dans les réticences de certaines collectivités locales.
M. Guy Fischer a insisté sur les modifications profondes de la politique du logement depuis deux ans. Il s'est en particulier réjoui de ce que les locataires verront, pour la première fois, leur loyer baisser en 2000, notamment grâce au gel des loyers. Il s'est également félicité des mesures prises en matière de construction-démolition. Mais il a également estimé que certaines difficultés persistaient. Il a, à ce propos, observé que dans certains départements plus de 50 % des crédits n'étaient pas consommés. Il a proposé deux explications à ce phénomène : la rareté et le coût des disponibilités foncières, les réticences de nombreux élus.
En réponse aux intervenants, M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis, a illustré la faible consommation des crédits au travers de l'exemple de la maîtrise d'oeuvre urbaine et sociale (MOUS). Il a souligné que cet instrument, permettant aux collectivités locales de rechercher des logements pour le compte des organismes HLM afin que ceux-ci puissent les acheter et y loger les personnes en grande difficulté, fonctionnait difficilement dans son département. Il a indiqué qu'il rencontrait de nombreuses difficultés pour acquérir ces logements, les organismes HLM répondant parfois avec beaucoup de retard et les élus étant parfois réticents.
A l'issue de ce débat, la commission, sur proposition de son rapporteur, a décidé d'émettre un avis de sagesse sur les crédits du logement social pour 2000.
Mission d'information en Guyane - Communication
La commission a alors entendu une communication du président sur la mission d'information de la commission en Guyane.
A titre liminaire, M. Jean Delaneau, président, a rappelé qu'une délégation de la commission avait effectué, du 23 au 30 juillet dernier, une mission d'information en Guyane, afin de dresser un bilan de la situation sanitaire et sociale de ce département. Il a précisé que le rapport d'information devrait être publié au début du mois de janvier prochain, mais qu'il avait jugé utile de faire un bref compte rendu de cette mission avant que la commission n'examine le budget de l'outre-mer le mercredi 10 novembre prochain.
Revenant sur l'objectif de la mission, il a précisé qu'elle s'inscrivait dans le cadre de la préparation de l'examen, par le Parlement, du projet de loi d'orientation sur les départements d'outre-mer annoncé par le Gouvernement. Il a indiqué à ce propos que la commission ne manquerait pas de se saisir pour avis de ce texte, rappelant qu'elle avait toujours été très attentive à la situation de l'outre-mer, où les difficultés sociales sont tout particulièrement exacerbées.
M. Jean Delaneau, président, a souligné qu'au terme d'un programme de travail particulièrement dense et varié, la délégation était en mesure de dresser un état des lieux de la situation sanitaire et sociale de la Guyane. Il a ainsi observé qu'en dépit de nombreux atouts, la Guyane connaissait actuellement une crise de développement tout particulièrement sensible sur le plan sanitaire et social.
Abordant la question démographique, il a insisté sur la croissance particulièrement rapide de la population. Il a constaté que le dernier recensement évaluait la population à 157.000 personnes, soit une croissance de 37 % entre 1990 et 1999. Mais il a précisé que beaucoup des interlocuteurs de la délégation avaient estimé ce chiffre à 200.000 habitants. Il a rappelé que, pendant trois siècles et jusqu'en 1946, la population guyanaise avait stagné autour de 25.000 habitants.
Il a observé que deux causes principales étaient à l'origine de cette augmentation : une forte natalité et une immigration très importante, la population immigrée atteignant 70.000 personnes, soit près de 40 % de la population.
Mais il a également insisté sur les deux particularités de cette population, à savoir sa jeunesse, 45 % des habitants ayant moins de 20 ans, et sa diversité ethnique.
Sur le plan sanitaire, M. Jean Delaneau, président, a estimé que la situation était préoccupante comme en témoignaient certains indicateurs : un taux de mortalité périnatale qui atteint 26 , la persistance du paludisme, la propagation du virus du Sida, les ravages de la toxicomanie, les menaces pesant sur la chaîne alimentaire.
Sur le plan de l'emploi et de l'insertion, il a rappelé que le chômage touchait 13.000 personnes, soit environ le quart de la population active. Constatant qu'il faudrait créer 25.000 emplois d'ici 2006 pour seulement stabiliser le taux de chômage du fait des évolutions démographiques, et observant que le nombre d'emplois avait diminué en 1998, il s'est inquiété du risque d'une dégradation de la situation de l'emploi. Il a également insisté sur la structure particulière de l'emploi dans ce département, où 56 % des emplois salariés relèvent du secteur public.
Il a jugé d'autant plus inquiétante la situation de l'emploi que le niveau de formation était faible. A cet égard, il a indiqué que 60 % des demandeurs d'emploi avaient un niveau de formation inférieur ou égal au niveau V bis.
Observant une croissance du nombre d'allocataires du revenu minimum d'insertion (RMI), il a souligné que celui-ci concernait directement ou indirectement 10 % de la population du département.
Face à ce constat d'une situation sanitaire et sociale très dégradée, M. Jean Delaneau, président, a estimé que l'action publique restait très en retrait.
Il a ainsi observé que les structures sanitaires locales étaient saturées du fait d'un nombre insuffisant de lits et de personnels médicaux.
Il a également estimé que les résultats de la politique d'insertion étaient faibles. Soulignant l'absence de formation en alternance, il a indiqué que l'organisation du service public de l'emploi connaissait un certain retard avec l'absence de mission locale et d'entreprises d'insertion. Il s'est étonné de l'orientation de la politique de l'emploi dans ce département où l'on demande aux entreprises d'embaucher des personnes non qualifiées et où le secteur public et parapublic se réserve les personnes les plus qualifiées, notamment par l'intermédiaire des emplois-jeunes.
Au regard de ce bilan qu'il a qualifié de sombre, M. Jean Delaneau, président, a considéré que la mission d'information avait d'ores et déjà permis de dégager deux enseignements principaux.
En premier lieu, il a insisté sur la nécessité de mettre en oeuvre un plan de rattrapage pour la Guyane, notamment en matière sanitaire et sociale. Il a indiqué que ce plan devait avoir trois objectifs prioritaires : mise à niveau de certaines infrastructures car il existe toujours des communes sans eau potable, électricité et téléphone, mise à niveau des structures sanitaires par une augmentation des moyens matériels et humains, effort très important en matière de formation face au risque d'une explosion du chômage.
En second lieu, il a estimé nécessaire d'adapter la réglementation applicable en Guyane aux spécificités locales pour pouvoir résoudre les problèmes avec souplesse. Il a jugé qu'une application automatique des normes métropolitaines ne pouvait apporter des réponses efficaces et pouvait même avoir des effets pervers.
A cet égard, il a cité quatre exemples d'inadaptation des normes métropolitaines dans le domaine de la santé : le non-remboursement des anti-paludéens qui sont considérés comme des " médicaments de confort " en métropole, le regroupement des activités de maternité alors que, dans certains cas, il est préférable de garder cette activité dans les centres de santé, l'application de la couverture maladie universelle dans un département où plus de 20 % de la population relève de l'aide médicale, le passage aux 35 heures dans le secteur sanitaire et social où il existe des difficultés de recrutement alors que les aides financières ne prennent pas en considération les spécificités des DOM.
Il a alors proposé d'inscrire, dans le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, les crédits relatifs à l'action sanitaire et sociale, figurant pour l'instant au budget du ministère de l'emploi et de la solidarité. Il a observé que cette opération permettrait une plus grande adaptation des politiques publiques aux besoins, soulignant qu'un tel transfert avait déjà eu lieu en matière d'emploi et de logement.
M. Alain Gournac a déclaré partager le souci d'adaptation de la réglementation. Il a cité l'exemple du statut de l'hôpital de Saint Laurent du Maroni, où plus de la moitié des naissances étaient le fait de mères étrangères. Il a alors proposé de doter l'hôpital d'un statut international pour prendre en compte cette spécificité. De la même manière, il a souligné l'inadaptation des règles de remboursement des médicaments.
M. Philippe Nogrix a estimé que l'on avait sans doute péché par orgueil en voulant faire de la Guyane l'image de la métropole. Il a rappelé les spécificités de ce département, plus proche du continent sud-américain que des Caraïbes avec lesquelles il est trop souvent assimilé.
Il a observé que la situation guyanaise exigeait la mise en place de structures de formation de base, notamment en matière de lutte contre l'illettrisme. Il a indiqué que l'expérience des H'mongs prouvait qu'une politique ambitieuse de développement pouvait réussir.
Il s'est néanmoins inquiété des conséquences de la politique actuelle, estimant que les aides budgétaires à la personne, et notamment le RMI, risquaient de pousser les Guyanais à perdre leurs traditions.
En conclusion, M. Jean Delaneau, président, a indiqué qu'il souhaitait que chaque membre de la délégation puisse lui adresser ses observations pour la préparation du rapport d'information. Il a insisté, une nouvelle fois, sur la nécessité de prendre en compte les spécificités guyanaises, et notamment l'appartenance au continent amérindien, pour l'application des politiques publiques.