Travaux de la commission des lois
- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.
Nomination d'un rapporteur
La commission a nommé M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur sur le projet de loi n° 2352 (AN, XIIe lég.) relatif aux concessions d'aménagement (sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale et de sa transmission) et sur les propositions de loi n° 278 (2004-2005) présentée par M. Jean-Pierre Bel et plusieurs de ses collègues et n° 279 (2004-2005) présentée par M. Paul Blanc et plusieurs de ses collègues, relatives aux concessions d'aménagement.
Justice - Procédures accélérées de jugement en matière pénale - Audition de M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice
La commission a procédé à l'audition de M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, dans le cadre des travaux de la mission d'information sur les procédures accélérées de jugement en matière pénale.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a mis en avant le double impératif auquel était confrontée l'institution judiciaire, tant à l'égard du criminel que de la victime : être juste et être plus rapide. Il a souligné que les justiciables acceptaient et comprenaient d'autant mieux une décision de justice que celle-ci était rendue rapidement après la commission de l'infraction.
Il a rappelé les principales réformes qui ont enrichi la procédure pénale pour remédier à la lenteur de la justice, citant l'ancienne procédure de flagrant délit, devenue en 1981 la procédure de comparution immédiate, la convocation par officier de police judiciaire, la convocation par procès-verbal, l'ordonnance pénale contraventionnelle étendue au domaine délictuel, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).
Il a également évoqué les procédures spécifiques aux mineurs prévues par l'ordonnance du 2 février 1945 (la convocation par officier de police judiciaire aux fins de mise en examen ou de jugement par le juge des enfants, la procédure de convocation à délai rapproché, la procédure de jugement à délai rapproché), ajoutant que ce texte avait été modifié à plusieurs reprises pour intégrer l'exigence de célérité, sans pour autant remettre en cause la spécificité du traitement judiciaire de l'enfance délinquante.
Il a considéré que loin d'être une justice hâtive et arbitraire, les procédures rapides ne méconnaissaient ni les droits de la défense ni ceux des victimes, celles-ci étant informées systématiquement par les services enquêteurs ou par le parquet. Il a ajouté en outre que la question des intérêts civils des victimes était abordée dans un temps distinct de la décision sur l'action publique.
Le garde des sceaux a jugé nécessaire de maintenir les voies de poursuites classiques (citation directe, ouverture d'information judiciaire, requête auprès du juge des enfants), convaincu de leur pertinence pour les affaires complexes, de nature criminelle ou qui n'apparaissent pas en état d'être jugées à l'issue de l'enquête.
Parallèlement à ces différents modes de poursuites, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a évoqué le développement des alternatives aux poursuites encore dénommées « troisième voie » -la médiation pénale, le rappel à la loi, la réparation pénale, l'injonction thérapeutique, les stages de citoyenneté, la composition pénale- destinées à répondre à une demande croissante de justice pénale. Il a considéré ces innovations comme adaptées à un nombre non négligeable d'affaires de gravité modeste ou moyenne, dans lesquelles l'auteur primo-délinquant reconnaît l'infraction et où la réparation du préjudice ne soulève pas de difficultés.
Il a indiqué que les procureurs de la République s'appuyaient sur différents acteurs pour mettre en oeuvre ces nouveaux outils (officiers de police judiciaire, associations habilitées ou délégués du procureur). Il a rappelé les nombreuses circulaires -soit générales, soit dédiées au traitement d'un contentieux particulier- publiées par le ministère de la justice pour guider les juridictions face à la diversification des modes de poursuites et des alternatives possibles.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a illustré l'évolution significative des pratiques judiciaires en mentionnant l'augmentation très forte des poursuites rapides (convocation par officier de police judiciaire, convocation par procès-verbal du procureur de la République, comparution immédiate), passées de 30 % dans les années 90 à 74 % en 2003, d'une part, et l'amélioration de la qualité des procédures grâce à la présence de l'avocat, lorsque le prévenu le souhaite, aux enquêtes sociales (42.000 ordonnées en 2004 dans le cadre de la permanence d'orientation pénale, contre 22.000 environ en 2003) et grâce à l'intérêt marqué pour la sauvegarde des intérêts des victimes, d'autre part.
Il a cependant fait part d'un infléchissement du recours aux procédures rapides en 2004, qu'il a expliqué par deux phénomènes : d'une part, l'augmentation des citations directes, au nombre de 108.253 (+ 5.000 par rapport à 2003), davantage utilisées que les convocations par officier de police judiciaire, au nombre de 240.910 (+ 1.700 par rapport à 2003), et les comparutions immédiates, au nombre de 43.099 (+ 1.100 par rapport à 2003) et, d'autre part, surtout la montée en puissance des procédures simplifiées -ordonnance pénale délictuelle (+ 45.000 par rapport à 2003, soit au total 58.822), CRPC- qui évitent de renvoyer les affaires ne nécessitant pas un débat judiciaire en audience correctionnelle classique.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué que ces chiffres démontraient que les parquets utilisaient largement toute la palette de procédures mises à leur disposition pour apporter une réponse prompte aux actes délinquants.
Enfin, il a noté la forte progression des alternatives aux poursuites hors composition pénale (+ 60.000 par rapport à 2003, soit au total 388.916) et celle de la composition pénale (+ 11.000 par rapport à 2003, soit au total 25.777), l'interprétant comme le signe du développement d'une justice diligente et de qualité associant le prévenu à la peine.
A l'instar de son prédécesseur, il a mis en avant sa volonté de poursuivre la politique de diversification des modes de réponses pénales, tout en veillant à ce que ces instruments soient utilisés de façon cohérente et harmonisée sur le territoire national. Il a toutefois admis la nécessité de tenir compte des spécificités locales et de la taille des juridictions. Il a souhaité que le groupe de travail « organisation des parquets », constitué par la chancellerie, formule des propositions pour définir un vade-mecum sur les différentes réponses pénales et leur cadre d'utilisation.
Il a évoqué les pistes de réformes qui lui semblaient envisageables, notamment en matière de procédures accélérées.
Le garde des sceaux a souligné la nécessité d'une pause législative, après avoir expliqué que les lois du 9 septembre 2002 et du 9 mars 2004 avaient mis en oeuvre les grandes réformes qui s'imposaient -en matière de procédures accélérées comme dans bien d'autres domaines- afin que notre système pénal soit à même de répondre aux nouveaux défis de la délinquance et de la criminalité modernes.
Il a toutefois précisé que ce temps de pause législative ne devait pas être interprété comme une interdiction faite au gouvernement et au Parlement d'améliorer ponctuellement les textes existants pour en faciliter la mise en oeuvre et procéder à quelques ajustements techniques à la demande des acteurs du terrain.
Le garde des sceaux s'est déclaré impatient de prendre connaissance des conclusions de la mission d'information sur les procédures accélérées de jugement en matière pénale, convaincu qu'elles constitueraient une base de propositions pour améliorer encore le fonctionnement de la justice pénale. Il lui a semblé que des modifications ne relevant pas du domaine législatif pouvaient d'ores et déjà être pressenties en ce qui concerne les méthodes de travail dans les juridictions ou une meilleure répartition des moyens et que d'autres réformes, plus limitées, appelleraient sans doute des clarifications législatives.
A cet égard, il a soutenu la proposition de loi déposée par M. Laurent Béteille précisant le déroulement de la procédure de CRPC. Après avoir estimé que la CRPC constituait l'une des innovations les plus marquantes de la loi du 9 mars 2004, il a indiqué que cette procédure était un succès, tant d'un point de vue quantitatif, comme en attestent les statistiques (10.302 CRPC ordonnées en 2004, taux d'homologation supérieur à 80 %), que qualitatif en particulier s'agissant de l'exécution des sanctions pénales. Il a expliqué que la CRPC permettait de rapprocher la date du prononcé de la peine de celle de son exécution, citant en exemple le tribunal de grande instance de Valence qui avait homologué une CRPC ayant donné lieu au prononcé d'un sursis avec mise à l'épreuve, mis à exécution quelques jours plus tard par le juge d'application des peines.
Il s'est réjoui de ce que les acteurs de la procédure, parfois en dépit des difficultés liées à sa nouveauté, soient satisfaits des conditions de sa mise en oeuvre. Il a ajouté que ce constat serait sans doute confirmé par la mission d'information du Sénat, et avait été corroboré lors d'un récent colloque organisé à Paris par le Conseil national des barreaux.
Il est revenu sur les difficultés de mise en oeuvre de la procédure de CRPC posées par l'imprécision du texte adopté par le Parlement sur la présence ou non du parquet lors de l'audience d'homologation devant le juge du siège. Il a indiqué que le silence de la loi sur ce point avait conduit la Cour de cassation, dans un avis d'avril 2005, puis le Conseil d'Etat, dans une décision de mai 2005 suspendant les circulaires d'application de la chancellerie, à estimer obligatoire la présence du parquet. Il a précisé que les juridictions -qui avaient adopté des pratiques diverses- étaient dans l'attente d'une clarification législative.
Il a constaté l'hétérogénéité de pratiques sur ce point. Il a expliqué que dans les tribunaux où les magistrats du siège avaient exigé la présence du ministère public, celui-ci avait majoritairement choisi d'assister à l'audience d'homologation, une petite minorité ayant renoncé à l'utilisation de la CRPC, tandis que dans les autres cas, les pratiques antérieures (absence totale du ministère public ou présence du parquet uniquement à la lecture des décisions d'homologation) perduraient.
Il a souligné que la proposition de loi de M. Laurent Béteille permettrait de consacrer clairement, dans le code de procédure pénale, le caractère sui generis de la procédure et de lever les ambiguïtés sur l'intention du législateur quant au caractère facultatif de la présence du parquet. Il a jugé que l'aménagement proposé serait utile pour conserver l'intérêt pratique de la procédure de CRPC pour les magistrats du parquet et favoriser son extension dans les juridictions dans des conditions homogènes et satisfaisantes.
Il lui a semblé que les autres pistes de réformes législatives concernant les procédures accélérées seraient plus limitées. Ainsi, l'extension du domaine de la CRPC à d'autres infractions lui est apparue prématurée. Il a indiqué réfléchir aux prolongements législatifs qui pourraient être donnés à la suite de la publication de deux rapports remis à son prédécesseur, celui du groupe de travail sur la « célérité et qualité de la Justice » (rapport Magendie) et celui de la commission Viout, chargée d'analyser le traitement judiciaire de l'affaire d'Outreau.
M. Laurent Béteille, président de la mission d'information sur les procédures accélérées de jugement en matière pénale, s'est inquiété des fortes disparités entre les juridictions dans l'utilisation des procédures, estimant qu'elles risquaient de porter atteinte à l'égalité des citoyens devant la justice. Il s'est à cet égard demandé si la composition pénale et la CRPC n'étaient pas redondantes, allant jusqu'à évoquer une possible substitution de la seconde à la première. Il s'est par ailleurs interrogé sur l'opportunité d'étendre le champ des infractions visées par la CRPC à d'autres types de contentieux à caractère répétitif, ainsi qu'aux affaires ayant fait l'objet d'une information judiciaire. Constatant que ni les effectifs des greffes, ni leurs moyens matériels ne paraissaient, à l'heure actuelle, à la hauteur des besoins liés à la mise en oeuvre des procédures rapides, il a appelé de ses voeux un effort particulier dans ce domaine.
M. Laurent Béteille, président de la mission d'information sur les procédures accélérées de jugement en matière pénale, a attiré l'attention du ministre sur l'augmentation prévisible des frais de justice destinés à financer l'intervention de plus en plus fréquente des délégués du procureur tant dans le cadre de la composition pénale que de l'ordonnance pénale, voire dans le cadre de la CRPC. Après avoir noté la nette progression des procédures de jugement rapide, l'exécution des peines lui a paru moins satisfaisante, ce qui l'a conduit à demander au ministre comment il comptait remédier à cette situation. Il l'a interrogé sur le délai dans lequel le décret de l'inscription au casier judiciaire des mesures de composition pénale prévue par la loi du 9 mars 2004 pourrait être publié.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a tout d'abord mis en avant le caractère complémentaire de la composition pénale et de la CRPC. Il a expliqué que les réponses pénales apportées aux infractions étaient distinctes, les mesures de composition pénale s'apparentant à des quasi-sanctions, à la différence de la CRPC qui permettait de prononcer des peines d'emprisonnement ferme. Il a ajouté que la CRPC était plus complexe à utiliser que la composition pénale, compte tenu de la présence de l'avocat requise à toutes les phases de la procédure et de l'obligation de présenter l'auteur des faits devant un juge de siège. Il a en outre souligné que ces deux procédures n'étaient pas utilisées pour les mêmes infractions.
Le garde des sceaux a exposé les différentes mesures mises en place pour améliorer le traitement et les délais d'exécution des peines, citant la mise en place à titre expérimental -dans dix juridictions- d'un bureau d'exécution immédiate des peines (BEX). Il a appelé de ses voeux une généralisation de ce service dans tous les tribunaux. Il a annoncé la publication prochaine d'un décret pour inciter les personnes condamnées à exécuter leur peine sans délai par le biais d'une réduction de 20 % du montant de l'amende. Il a ajouté que des moyens de paiement électronique, à l'instar de l'expérience menée au tribunal de grande instance de Bobigny, seraient mis en place pour faciliter le paiement immédiat de l'amende.
M. Laurent Béteille, président de la mission d'information sur les procédures accélérées de jugement en matière pénale, a indiqué que lors des déplacements de la mission d'information, les personnels des greffes avaient souhaité une extension des compétences des régies en matière de recouvrement des amendes.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué comprendre les réticences des greffes à exercer des responsabilités en ce domaine.
Il a précisé que l'augmentation exponentielle des dépenses au titre des frais de justice n'était pas liée à la prise en charge de la rémunération des délégués du procureur, qui représentait 4 % seulement de l'enveloppe totale des frais de justice, en s'élevant à un million d'euros. Il a imputé la montée en puissance de ce poste budgétaire aux interceptions téléphoniques et aux analyses génétiques. Il a ajouté qu'un magistrat était plus particulièrement chargé de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour maîtriser la croissance exponentielle de ces frais.
Le garde des sceaux a jugé indispensable d'amplifier le renforcement des greffes. Il a expliqué que les difficultés actuelles sur le terrain étaient conjoncturelles, car liées au décalage entre les créations de postes et l'arrivée effective des fonctionnaires compte tenu de l'allongement -de 12 à 18 mois- de la scolarité des greffiers. Il a annoncé que les effectifs s'étofferaient de 250 greffiers supplémentaires au mois de mars 2006, qui viendront s'ajouter aux 100 greffiers achevant leur formation en juillet prochain. Toutes catégories confondues, près de 900 fonctionnaires des greffes supplémentaires seront affectés dans les juridictions sur les neuf prochains mois, a-t-il ajouté.
Il a souligné les efforts du ministère de la justice pour harmoniser les pratiques des juridictions en matière de procédure de jugement. Il a d'ailleurs mentionné qu'un guide méthodologique détaillant le mécanisme de la nouvelle procédure de CRPC avait été publié en mars 2004 à cet effet.
Le garde des sceaux a indiqué que le décret d'application prévoyant l'inscription au casier judiciaire des mesures de composition pénale était entré en vigueur depuis quelques jours (articles 4, 7 et 12 du décret n° 2005-627 du 30 mai 2005).
Après avoir relevé que si la loi du 15 juin 2000 créant le juge des libertés et de la détention lui avait interdit de juger le prévenu qu'il avait placé en détention provisoire en cours d'instruction judiciaire, cette règle n'avait pas été reprise pour la procédure de comparution immédiate, M. François Zocchetto, rapporteur de la mission, s'est interrogé sur la compatibilité de cette situation avec la notion de procès équitable au sens de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme.
Il a également jugé paradoxal que l'obligation d'aménagement ab initio des peines inférieures ou égales à un an d'emprisonnement ne bénéficie qu'aux personnes comparaissant libres, alors même que la comparution immédiate est une grande pourvoyeuse de peines d'emprisonnement inférieures à un an.
M. François Zocchetto, rapporteur de la mission, s'est ensuite inquiété de la situation des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP), du fait des nouvelles charges pesant sur eux depuis la loi du 9 mars 2004, qui leur a confié une responsabilité accrue en matière d'application des peines et a rendu obligatoires les enquêtes de personnalité en matière de comparution immédiate et de CRPC. Il s'est interrogé sur les moyens d'améliorer la qualité de ces enquêtes, afin de véritablement permettre un aménagement des peines, ainsi que sur l'opportunité du recours à des associations.
Rappelant que de nombreuses personnes entendues par la mission avaient déploré le déséquilibre entre les droits des victimes et des prévenus (notamment en termes d'accès rapide à un médecin et à un avocat), il s'est interrogé sur l'opportunité d'exclure les homicides involontaires de la procédure de comparution immédiate, par respect pour les familles des victimes.
En outre, il a préconisé de permettre le jugement en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité d'affaires venant de l'instruction ou de dossiers de falsifications de chèques.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a tout d'abord indiqué que l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme « Sainte Marie contre France » de 1992 permettait au juge des libertés et de la détention de juger en comparution immédiate une personne après s'être prononcé sur sa détention provisoire.
Par ailleurs, il a estimé que le fait même qu'un magistrat condamne une personne à une peine d'emprisonnement ferme de moins d'un an signifiait qu'il s'opposait à l'aménagement de la peine ab initio.
En outre, il a rappelé que les associations pouvaient effectivement procéder à des enquêtes de personnalité dans la mesure où elles relevaient du domaine pré-sentenciel.
S'agissant de l'opportunité d'exclure les homicides involontaires de la procédure de comparution immédiate, il a estimé que les avocats des familles des victimes avaient toujours la possibilité de demander un renvoi de l'affaire.
Il a estimé, par ailleurs, qu'il était prématuré d'envisager une extension du champ d'application de la CRPC, alors même que cette procédure se mettait progressivement en place.
En revanche, il s'est félicité de la proposition de loi déposée par M. Laurent Béteille relative à la présence facultative du parquet à l'audience d'homologation des peines proposées dans le cadre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
En réponse à M. Jean-Jacques Hyest, président, qui s'interrogeait sur les conséquences de la loi organique sur les lois de finances, il a estimé que les juridictions judiciaires avaient vocation à demeurer rattachées au budget du ministère de la justice, une autre solution risquant de provoquer un démembrement de la justice. S'agissant du rattachement du Conseil d'Etat et des juridictions administratives à la mission « Conseil et contrôle de l'Etat », il a rappelé que cette décision était antérieure à sa nomination à la chancellerie.
M. Robert Badinter s'est ensuite interrogé sur la viabilité de la pause législative souhaitée par le garde des sceaux au regard des annonces de réforme du régime de la multirécidive par le ministre de l'intérieur. Après avoir rappelé qu'il avait été à l'origine d'une mission d'information consacrée à la récidive, à l'issue de laquelle avait été déposée une proposition de loi, déjà discutée en première lecture à l'Assemblée nationale et au Sénat, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué avoir demandé au Premier ministre son inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale à l'automne.
M. Jean-Jacques Hyest, président, s'étant enfin enquis du sort réservé à la proposition de loi consacrée à la violence au sein des couples et à l'âge du mariage des femmes, le garde des sceaux a indiqué que le principe d'une pause législative ne s'opposait pas à la poursuite des textes en cours, ni à l'examen de nécessaires ajustements.
Justice - Déroulement de l'audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité - Examen du rapport
Puis la commission a procédé, sur le rapport de M. François Zocchetto, à l'examen de la proposition de loi n° 358 (2004-2005), présentée par M. Laurent Béteille, précisant le déroulement de l'audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
Le rapporteur a d'abord rappelé que la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), parfois désignée de manière impropre par l'expression « plaider coupable », constituait, sans doute, la principale innovation de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Cette procédure, a-t-il poursuivi, permet au procureur de la République de proposer à une personne qui reconnaît avoir commis un délit une peine qui, en cas d'accord de l'intéressé, pourra être homologuée par le président du tribunal. Il a souligné qu'au regard des préventions suscitées par ce nouveau dispositif et des modifications profondes qu'il impliquait dans les pratiques judiciaires force était de constater que la CRPC avait été mise en place rapidement dans un climat apaisé. Ainsi, aujourd'hui, 147 tribunaux de grande instance sur 181 utiliseraient cette procédure qui aurait concerné plus de 10.000 affaires.
Ce premier bilan positif, a relevé M. François Zocchetto, rapporteur, s'expliquait par l'intérêt suscité par cette procédure, conformément au double objectif poursuivi par le législateur, d'une part, pour favoriser une justice plus humaine et mieux comprise et, d'autre part, pour alléger les audiences correctionnelles classiques des contentieux les moins complexes et les plus répétitifs. Selon le rapporteur, la logique du dispositif visait à établir une alternative à la procédure traditionnelle de jugement des infractions pénales et, en conséquence, l'homologation de la proposition du procureur, même si elle devait se dérouler en public, comme l'avait demandé le Conseil constitutionnel, demeurait une audience sui generis marquée par la simplicité et la rapidité. Il a considéré que dans l'esprit du législateur le parquet n'était donc pas tenu d'y participer.
Le rapporteur a rappelé que cependant, sur le fondement de l'article 32 du code de procédure pénale selon lequel le procureur de la République « assiste aux débats des juridictions de jugement », la Cour de cassation, par un avis en date du 18 avril 2005, puis le Conseil d'Etat statuant en référé le 11 mai dernier, s'étaient prononcés pour la présence obligatoire du ministère public. Il a estimé qu'une telle obligation serait de nature à freiner, voire à compromettre, le développement de la CRPC et qu'il apparaissait aujourd'hui nécessaire, comme le suggérait la présente proposition de loi, de poser explicitement le caractère facultatif de la présence du parquet lors de l'audience d'homologation.
M. Pierre Fauchon a souligné que la CRPC, qui constituait le prolongement de la composition pénale, n'avait pas seulement pour objectif de permettre un gain de temps mais aussi de substituer à la culture de la confrontation celle de la compréhension. Il a regretté néanmoins que cette procédure confère sans doute au parquet un rôle excessif. Il a estimé que si la mise en place de ce nouveau dispositif soulevait des difficultés d'interprétation, il était douteux que la proposition de loi examinée par la commission permette d'y répondre.
Sur la forme du texte, M. Pierre Fauchon a critiqué le choix du terme « formalités » pour désigner les modalités d'homologation de la peine par le juge du siège. Sur le fond, il s'est demandé quels inconvénients soulevait en pratique la présence du procureur lors de l'audience d'homologation. Il a indiqué que le caractère facultatif de la présence du ministère public lui paraissait contradictoire avec les principes de notre procédure pénale. Il a jugé que, si une exception devait être introduite au principe de la présence du parquet à une audience de jugement pénal, une telle disposition devrait être inscrite à la suite de l'article 32 du code de procédure pénale.
M. José Balarello a rappelé que les tribunaux étaient confrontés à un stock d'affaires considérable et que les délais de jugement s'étaient beaucoup allongés, conduisant d'ailleurs la France à être condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l'homme. Dans ce contexte, il a estimé préférable de ne pas imposer une présence obligée du parquet lors de l'audience d'homologation -présence qui, selon lui, ne présenterait d'ailleurs aucune réelle utilité-. Cependant, ainsi que M. Pierre Fauchon, il a regretté l'emploi de l'expression « formalités » et suggéré que lui soit substitué le terme « procédure ».
M. Jean-Claude Peyronnet a rappelé l'opposition du groupe socialiste à une proposition de loi qui contredisait les positions prises successivement par le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation et le Conseil d'Etat. Il a relevé en outre que le garde des sceaux venait d'affirmer à la commission sa volonté d'observer désormais une « pause législative ».
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a observé que s'il était vrai que l'opinion publique attendait une justice plus rapide, il importait que la représentation nationale veille au respect des garanties fondamentales d'une justice équitable. Elle a également rappelé l'opposition du groupe communiste républicain et citoyen à la proposition de loi.
M. Jean-René Lecerf a d'abord observé que les avocats semblaient désormais réserver un accueil favorable à la CRPC. Par ailleurs, tout en approuvant la teneur de la proposition de loi, il a regretté que l'on procède par une réforme ponctuelle alors même que les ajustements rendus nécessaires par la mise en oeuvre de la loi du 9 mars 2004 mériteraient sans doute une approche d'ensemble. Il a fait part à cet égard des objections suscitées par la possibilité de proposer une CRPC à une personne placée en garde à vue alors même que celle-ci n'est pas assistée d'un avocat et peut être soumise à différentes pressions. Il a souhaité connaître le sentiment du rapporteur sur ce sujet.
M. François Zocchetto, rapporteur, a indiqué qu'il partageait les préoccupations exprimées par M. Jean-René Lecerf qui, toutefois, dépassaient le seul cadre de la CRPC. Il a relevé qu'il était, à titre personnel, partisan de la présence de l'avocat le plus en amont possible de la procédure.
M. Robert Badinter a relevé que les avocats s'étaient résignés à la mise en oeuvre de la CRPC plutôt qu'ils ne l'avaient acceptée et qu'en tout état de cause, ils souhaitaient la présence obligatoire du parquet lors de l'audience d'homologation.
M. Laurent Béteille a souligné qu'il avait constaté, au cours de la mission d'information de la commission relative aux procédures accélérées de jugement en matière pénale, une évolution de la position des avocats sur la CRPC et que l'opposition de principe de départ avait fait place à l'expression d'un réel intérêt pour cette procédure.
La commission a alors, à l'initiative de M. Jean-Jacques Hyest, président, modifié la rédaction de la proposition de loi pour substituer au terme « formalités » le mot « procédure ».
La commission a adopté des conclusions ainsi rédigées.
Mercredi 22 juin 2005
- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.
Justice - Adaptation au droit communautaire dans le domaine de la justice - Examen des amendements
La commission a procédé, sur le rapport de M. François Zocchetto, à l'examen des amendements sur le projet de loi n° 330 (2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la justice.
A l'article premier (régime de l'aide juridique accordée dans le cadre de litiges transfrontaliers), la commission a demandé le retrait de l'amendement n° 1 présenté par Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à étendre à la matière pénale le champ d'application des nouvelles règles d'aide juridictionnelle applicables aux litiges transfrontaliers.
La commission a donné un avis défavorable aux amendements identiques n°s 2 et 3 présentés respectivement par Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues rattachés au groupe socialiste, apparentés et rattachés, et par Mme Josiane Mathon et ses collègues du groupe communiste républicain et citoyen tendant à étendre aux étrangers en situation irrégulière le bénéfice du nouveau régime d'aide juridictionnelle en matière de litiges transfrontaliers.
La commission a demandé le retrait des amendements n°s 4 et 5, présentés par Mme Josiane Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à insérer avant l'article 5 (émission et exécution des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve), deux articles additionnels prévoyant respectivement la confiscation des biens du proxénète et la mise en oeuvre de saisies conservatoires en matière de proxénétisme et de traite des êtres humains.
M. Laurent Béteille a observé qu'aucun amendement n'avait été déposé afin de remplacer, à l'article 5 du projet de loi, le terme de « gel » par celui de « saisie ». M. Robert Badinter a précisé que le concept de gel utilisé dans le projet de loi était précisément défini par la décision-cadre du 22 juillet 2005.
Justice - Déroulement de l'audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité - Examen des amendements
La commission a enfin procédé, sur le rapport de M. François Zocchetto, à l'examen des amendements sur les conclusions de la commission sur la proposition de loi n° 358 (2004-2005) précisant le déroulement de l'audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
La commission a donné un avis défavorable à la motion n° 1, présentée par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, à la motion n° 5, présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à opposer la question préalable, ainsi qu'à la motion n° 2, présentée par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant au renvoi en commission.
Par ailleurs, la commission a donné un avis défavorable aux amendements n° 3, présenté par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et n° 6, présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à supprimer l'article unique de la proposition de loi.
La commission a également donné un avis défavorable à l'amendement n° 7, présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à abroger les dispositions du code de procédure pénale relatives à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
Elle a enfin donné un avis défavorable à l'amendement n° 4, présenté par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à prévoir la présence obligatoire du parquet à l'audience lorsqu'une peine d'emprisonnement est proposée.
MM. Robert Badinter et Pierre-Yves Collombat ont estimé que la présence du parquet devait être obligatoire dès lors que des peines d'emprisonnement étaient proposées. M. Jean-Jacques Hyest, président, a précisé qu'en tout état de cause, la décision appartenait au juge du siège chargé de l'homologation. M. Robert Badinter a relevé que cette question n'engageait pas seulement les droits de la défense, mais les principes mêmes du procès équitable. M. François Zocchetto, rapporteur, a relevé que le juge du siège pouvait toujours renvoyer une affaire à l'audience correctionnelle s'il l'estimait nécessaire.
M. Laurent Béteille a relevé que les préoccupations exprimées par les auteurs de l'amendement n° 4 traduisaient une opposition de fond à la logique même de la CRPC qui distingue clairement deux phases successives, la première consacrée à la proposition de peine par le procureur, et la seconde à l'homologation par le président du tribunal.
M. Robert Badinter s'est interrogé sur les conditions dans lesquelles le parquet serait conduit à participer à l'audience d'homologation dans l'hypothèse où, comme la proposition de loi le prévoyait, cette présence ne serait pas obligatoire. M. François Zocchetto, rapporteur, a indiqué que la rédaction retenue ménageait la souplesse nécessaire afin que le parquet puisse, à son initiative ou à la demande du juge du siège, participer à l'audience d'homologation. M. Laurent Béteille a estimé pour sa part que la mise en oeuvre de la procédure s'inscrivait dans l'esprit d'un accord général entre les magistrats. M. Jean-Jacques Hyest, président, a indiqué que ce point devrait être précisé par le Gouvernement dans le cadre des débats en séance publique.