Travaux de la commission des lois
- Mardi 29 mars 2005
- Mercredi 30 mars 2005
- Nomination d'un rapporteur
- Droit des affaires - Sauvegarde des entreprises
- Audition de Mme Perrette Rey, présidente de la Conférence générale des tribunaux de commerce
- Audition de M. Jean Courtière, président de la commission juridique, M. Francis Lemor, conseiller du président, Mme Anne Outin-Adam, directeur des développements juridiques, et Mme Sandra Bienvenue, juriste de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris
- Audition de M. François Moutot, directeur général de l'Assemblée permanente des chambres de métiers
- Audition de M. André Marcon, premier vice-président, et M. Jean-Christophe de Bouteiller, directeur général de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie
- Audition de M. Bernard Field, président de la commission juridique, Mme Joëlle Simon, directeur juridique, et Mme Karine Grossetête, chargée des relations avec le Parlement, du Mouvement des entreprises de France (MEDEF)
- Audition de M. Jean-François Roubaud, président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, et M. Pascal Labet, directeur de son service économique et fiscal
- Nomination d'un rapporteur
- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.
Violences envers les femmes - Lutte contre les violences à l'égard des femmes et au sein des couples - Examen des amendements
La commission a d'abord procédé, sur le rapport de M. Henri de Richemont, à l'examen des amendements sur les propositions de loi n° 62 (2004-2005) tendant à lutter contre les violences à l'égard des femmes et notamment au sein des couples par un dispositif global de prévention, d'aide aux victimes et de répression, présentée par M. Roland Courteau et plusieurs de ses collègues, et n° 95 (2004-2005) relative à la lutte contre les violences au sein des couples, présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et plusieurs de ses collègues.
Avant l'article premier, la commission a examiné les amendements n°s 3, 5 rect., 23 et 37, respectivement présentés par Mme Joëlle Garriaud-Maylam et plusieurs de ses collègues, M. Roland Courteau et plusieurs de ses collègues, Mme Gisèle Gautier et les membres du groupe de l'union centriste-UDF, et Mme Josiane Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à insérer un article additionnel afin d'aligner l'âge du mariage des femmes, actuellement fixé à 15 ans, sur celui des hommes, soit 18 ans.
La commission a donné un avis favorable à l'amendement n° 3, tout en invitant les auteurs de l'amendement n° 5 rect. à revoir sa rédaction pour la rapprocher de celle du code civil. Elle a par ailleurs donné un avis défavorable aux amendements n°s 23 et 37 proposant en outre d'abroger les articles du code civil prévoyant l'autorisation des parents pour le mariage de leur enfant mineur, M. Henri de Richemont, rapporteur, ayant observé qu'en raison du maintien de la possibilité d'accorder des dispenses d'âge, des mariages de mineurs perdureraient, d'où l'intérêt de ces dispositions.
Le rapporteur ayant souligné leur caractère réglementaire, la commission a ensuite donné un avis défavorable aux amendements n°s 10 rect. et 30, présentés respectivement par M. Roland Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et Mmes Muguette Dini et Gisèle Gautier, tendant à insérer un article additionnel après l'article 5 afin de prévoir une formation pour les professionnels concernés par la lutte contre les violences conjugales, ainsi qu'à l'amendement n° 33 ayant le même objet présenté par Mme Josiane Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, avant l'article premier.
Pour la même raison, elle a donné un avis défavorable aux amendements n°s 35 et 25, respectivement présentés par Mme Josiane Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et Mme Gisèle Gautier, tendant à insérer un article additionnel avant l'article premier, afin de prévoir dans les établissements primaires et secondaires une formation sur le respect des autres et la violence, ainsi qu'à l'amendement n° 12 rect. ayant le même objet présenté par M. Roland Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, avant l'article 5.
Avant l'article premier, la commission a ensuite donné un avis défavorable à l'amendement n° 24, présenté par Mme Muguette Dini, visant à insérer un article additionnel afin d'interdire le regroupement familial lorsque le demandeur est mineur, ainsi qu'à l'amendement n° 34, présenté par Mme Josiane Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à insérer un article additionnel afin d'instituer un plan national d'action contre la violence à l'égard des femmes.
Elle a souhaité connaître l'avis du gouvernement s'agissant de l'amendement n° 36, des mêmes auteurs, tendant à faire établir par le ministère de l'intérieur des statistiques sexuées dans le recensement des crimes et délits.
A l'article 1er (principe général d'aggravation de la peine pour les infractions commises au sein du couple), la commission a débattu de l'opportunité de limiter l'application dans le temps de la circonstance aggravante pour les faits commis par l'ancien conjoint, concubin ou partenaire de PACS, l'amendement n° 1, présenté par M. Jean-René Lecerf, visant à limiter cette circonstance aggravante à une durée de cinq ans suivant le divorce ou la rupture du concubinage ou du PACS, le sous-amendement n° 26 à cet amendement, présenté par M. François Zocchetto, portant la durée de cette application à sept ans, tandis que l'amendement n° 2, présenté par M. Jean-René Lecerf, tendait à prévoir l'application de cette circonstance aggravante jusqu'à la majorité du plus jeune enfant du couple, le sous-amendement n° 27 à cet amendement, présenté par M. François Zocchetto, visant à permettre son application jusqu'à sept ans après la rupture en l'absence d'enfant commun.
Rappelant l'assassinat récent d'une jeune femme par son ancien conjoint sept ans après leur séparation, M. Jean-Jacques Hyest, président, s'est prononcé contre la limitation de l'application dans le temps de cette circonstance aggravante, estimant que quel que soit le délai dans lequel elle était commise, la violence était perpétrée en raison du lien passé, MM. Christian Cointat et Richard Yung abondant dans son sens. Il a de plus souligné qu'une telle limitation de durée concernant une circonstance aggravante serait inédite.
M. Henri de Richemont, rapporteur, a estimé que les violences postérieures à la rupture étaient limitées dans le temps en l'absence d'enfant, les problèmes de garde d'enfant et de pension alimentaire pouvant en revanche alimenter des tensions jusqu'à la majorité du dernier enfant commun, et s'est prononcé en faveur de l'amendement n° 2.
M. René Lecerf s'est inquiété de la possibilité de retenir après plusieurs décennies une circonstance aggravante en raison d'un PACS ancien et bref, et s'est prononcé en faveur d'une application limitée à la majorité du dernier enfant du couple, tandis que M. François Zocchetto déplorait que le mariage et le PACS, même dissous, puissent se voir conférer des effets illimités dans le temps en matière pénale.
Mme Michèle André a cependant souligné que les tensions entourant l'éducation des enfants pouvaient perdurer après la majorité des enfants, certains parents séparés refusant de financer leurs études.
M. Patrice Gélard s'étant inquiété de l'inclusion de l'ancien concubin dans ce dispositif, Mme Michèle André a rappelé que le concubinage était également susceptible de créer des liens, près de la moitié des enfants naissant hors mariage, tandis que M. Jean-Jacques Hyest, président, soulignait que le juge ne retiendrait cette circonstance aggravante que si l'infraction était liée à la qualité d'ancien concubin.
M. Henri de Richemont, rapporteur, ayant rappelé que les peines moyennes prononcées en matière de violences dans le couple ne dépassaient pas six mois d'emprisonnement ferme, alors même qu'en raison de la circonstance aggravante, des peines de cinq ans d'emprisonnement ferme étaient encourues, la commission a donné un avis favorable à l'amendement n° 2 et un avis défavorable à l'amendement n° 1 ainsi qu'aux sous-amendements n°s 26 et 27 aux amendements n°s 1 et 2.
La commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 6 rectifié, présenté par M. Roland Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à insérer un article additionnel après l'article 1er, afin de compléter l'article 41-1 du code de procédure pénale pour donner au procureur de la République, préalablement à sa décision sur l'action publique, la possibilité de demander à l'auteur des violences de se soumettre à un suivi psychologique spécifique.
Elle a également donné un avis défavorable à l'amendement n° 28, présenté par Mmes Muguette Dini et Gisèle Gautier, tendant à insérer un article additionnel après l'article 1er, afin d'incriminer spécifiquement les violences psychologiques au sein du couple, le rapporteur ayant indiqué qu'elles étaient prises en compte par la jurisprudence au titre des violences.
La commission a souhaité recueillir l'avis du gouvernement sur l'amendement n° 16, présenté par Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues, tendant à insérer un article additionnel après l'article 2, afin de sanctionner la privation des pièces d'identité ou relatives au titre de séjour par le conjoint, le concubin ou le pacsé.
Elle a donné un avis défavorable à l'amendement n° 18, présenté par les mêmes auteurs, tendant à créer un article additionnel après l'article 2, afin de créer une infraction spécifique de harcèlement en vue du mariage.
Elle a également donné un avis défavorable aux amendements n°s 19, 20 et 21, présentés par Mme Dominique Voynet et plusieurs de ses collègues, tendant à créer trois articles additionnels après l'article 2, afin, respectivement, d'insérer dans le code pénal l'obligation de faire bénéficier de l'aide sociale à l'enfance les mineurs victimes de harcèlement en vue du mariage, de compléter l'article 371-2 du code civil afin de prévoir l'application automatique de l'obligation d'entretien et d'éducation pour tous les enfants majeurs ayant été victimes d'un harcèlement en vue du mariage de la part de leurs parents et poursuivant des études et, enfin, à prévoir que la solidarité nationale peut se substituer à la carence des parents.
La commission a donné un avis défavorable aux amendements n°s 8 et 9, présentés par M. Roland Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à insérer deux articles additionnels après l'article 3, afin, d'une part, d'étendre le bénéfice de l'aide juridictionnelle sans condition de ressources aux victimes de toutes les violences, y compris celles n'ayant pas entraîné une interruption totale de travail, lorsque ces violences s'accompagnent de circonstances aggravantes, et, d'autre part, d'instituer une antenne de psychiatrie et de psychologie légales au sein de chaque tribunal de grande instance, à l'exemple des initiatives prises par les parquets de Paris et de Nîmes.
La commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 17, présenté par Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues, visant à insérer un article additionnel après l'article 3, afin d'élargir le bénéfice de la solidarité nationale aux victimes de violences commises au sein du couple lorsque ces violences entraînaient une incapacité totale de travail supérieure à trois mois.
La commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 40, présenté par Mme Josiane Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à insérer un article additionnel après l'article 5, prévoyant une aide financière spécifique pour les victimes de violences au sein du couple dont les revenus sont inférieurs à 75 % du SMIC.
Elle a donné un avis défavorable à l'amendement n° 7, présenté par M. Roland Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à insérer un article additionnel après l'article 3, afin d'élargir l'incrimination spécifique des violences habituelles, actuellement prévue par l'article 222-14 du code pénal pour les mineurs et les personnes vulnérables, aux victimes des violences conjugales.
A l'article 4 (viol au sein du couple), la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 46, présenté par M. Philippe Goujon et plusieurs de ses collègues, tendant à supprimer cet article.
A l'article 5 (éloignement du domicile du couple de l'auteur des violences dans le cadre des obligations du sursis avec mise à l'épreuve et du contrôle judiciaire), la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 39, présenté par Mme Josiane Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à prévoir une obligation de soins spécifique, dans le cadre du contrôle judiciaire, pour les auteurs de violences commises au sein du couple.
Elle a également donné un avis défavorable aux amendements n°s 11 et 13, présentés par M. Roland Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à insérer un article additionnel après l'article 5, afin, respectivement, de soumettre les auteurs de violences au sein du couple à une obligation de soins spécifique, dans le cadre du sursis avec mise à l'épreuve et du contrôle judiciaire, et de viser spécifiquement cinq infractions pour lesquelles il serait possible d'obtenir la réparation intégrale des dommages prévue à l'article 706-3 du code de procédure pénale lorsque ces infractions sont commises par le conjoint de la victime.
La commission a également donné un avis défavorable à l'amendement n° 41, présenté par Mme Josiane Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, visant à insérer un article additionnel après l'article 5, afin d'étendre le bénéfice de la réparation intégrale du préjudice à plusieurs infractions nouvelles.
Elle a donné un avis défavorable à l'amendement n° 29, présenté par Mmes Muguette Dini et Gisèle Gautier, visant à insérer un article additionnel après l'article 5, afin d'exclure la médiation pénale pour les infractions commises au sein du couple.
Elle a demandé l'avis du gouvernement sur l'amendement n° 22, présenté par Mmes Dominique Voynet, Alima Boumediene-Thiery, Marie-Christine Blandin et M. Jean Desessard, visant à insérer un article additionnel après l'article 5, afin de prévoir le renouvellement automatique du titre de séjour lorsque l'étranger est victime de violences conjugales.
La commission a donné un avis défavorable aux amendements n°s 42 et 43, présenté par Mme Josiane Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à insérer deux articles additionnels après l'article 5, afin, d'une part, de prévoir l'automaticité de l'aide juridictionnelle pour les mineurs victimes sans considération des ressources dont disposent leurs parents ou leurs tuteurs légaux et, d'autre part, de garantir à la victime l'assistance d'un avocat formé aux questions des violences sexuelles.
La commission a donné un avis de sagesse sur les amendements n° 14, présenté par M. Roland Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et n° 44, présenté par Mme Josiane Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à insérer un article additionnel après l'article 5, afin d'inviter le gouvernement à présenter un rapport au Parlement sur la lutte contre les violences au sein du couple.
Elle a décidé de demander l'avis du gouvernement sur l'amendement n° 15, présenté par Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues, tendant à insérer un article additionnel avant l'article 6, afin d'éviter l'application aux étrangers résidant habituellement en France de leur loi nationale en matière d'état et de capacité des personnes lorsque celle-ci est contraire à l'ordre public français.
La commission a donné un avis défavorable aux amendements n° 4, présenté par Mme Joëlle Garriaud-Maylam et plusieurs de ses collègues, n° 38, présenté par Mme Josiane Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, n° 31, présenté par Mmes Gisèle Gautier et Muguette Dini, et n° 32, présenté par Mme Gisèle Gautier et les membres du groupe union centriste-UDF, tendant à compléter l'intitulé de la proposition de loi.
Écologie - Environnement - L'eau et les milieux aquatiques - Examen du rapport pour avis
La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport pour avis deM. Pierre Jarlier sur le projet de loi n° 240 (2004-2005) sur l'eau et les milieux aquatiques.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis, a relevé que ce texte, attendu depuis l'abandon du projet de loi portant réforme de la politique de l'eau, adopté par l'Assemblée nationale au mois de janvier 2002, avait fait l'objet d'une longue concertation en 2003 et 2004, dans le cadre d'un débat national sur l'eau organisé par le ministère de l'écologie et du développement durable.
Il a indiqué que plusieurs objectifs lui étaient assignés : lutter contre les pollutions diffuses, reconquérir la qualité écologique des cours d'eau, simplifier et renforcer la police de l'eau, donner des outils nouveaux aux communes et à leurs groupements pour gérer les services publics de distribution d'eau et d'assainissement dans la transparence, renforcer la gestion locale et concertée des ressources en eau, rénover les comités de bassin et les agences de l'eau, réformer l'organisation de la pêche.
Il a précisé que le projet de loi, renvoyé à la commission des affaires économiques, comprenait 50 articles répartis en 4 titres, respectivement consacrés à la préservation des ressources en eau et des milieux aquatiques, à l'alimentation en eau et à l'assainissement, à la planification et à la gouvernance, ainsi qu'à des dispositions transitoires et diverses.
Il a rappelé que la commission des lois avait décidé de se saisir pour avis des dispositions intéressant les collectivités territoriales et relevant de son champ de compétences, c'est-à-dire : des articles 22 à 27, tendant à réformer les services de distribution d'eau et d'assainissement, de l'article 28, visant à étendre les missions des services départementaux d'assistance technique à l'exploitation des stations d'épuration (SATESE), et des articles 35 et 36, ayant pour objet de modifier la composition des comités de bassin, de renforcer leur rôle et d'étendre les missions des agences de l'eau.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis, a ensuite mis en exergue trois enjeux majeurs pour la réforme des services de l'eau et de l'assainissement : l'amélioration de la qualité de l'eau, la poursuite de l'effort d'assainissement et le renouvellement des installations.
Il a ainsi souligné que la qualité de l'eau distribuée, eu égard aux normes strictes fixées par la directive du 3 novembre 1998 relative à l'eau alimentaire et transcrites en droit interne par un décret du 20 décembre 2001, imposait des travaux de mise en conformité des réseaux d'un montant estimé à 11,3 milliards d'euros avant 2013.
Il a également indiqué que la mise aux normes européennes des réseaux d'assainissement des agglomérations de plus de 2.000 équivalent-habitants devrait se traduire par des travaux d'un montant de 9,15 milliards d'euros à partir de 2000, après une dépense d'environ 7 milliards d'euros depuis 1992.
Enfin, il a relevé que le besoin en matière d'assainissement était évalué entre 0,8 et 1,5 milliard d'euros par an.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis, a expliqué que les dispositions du projet de loi soumises à l'avis de la commission avaient pour objet : en premier lieu, de faciliter la gestion des services publics de distribution d'eau et d'assainissement, en deuxième lieu, de la rendre plus transparente, en troisième lieu, de modifier la composition et de renforcer le rôle des comités de bassin et d'étendre les missions des agences de l'eau.
Evoquant le premier volet de réformes, il a indiqué que le projet de loi tendait à :
- renforcer les instruments juridiques permettant à la commune ou au groupement de collectivités territoriales de contrôler les dispositifs d'assainissement non collectif, les branchements au réseau d'assainissement collectif et d'autoriser les déversements d'eaux usées non domestiques dans le réseau ;
- préciser les compétences des communes en matière d'assainissement et les habiliter à intervenir, à la demande des particuliers, pour faire des travaux de mise aux normes des installations d'assainissement non collectif ;
- étendre les compétences des SATESE, ces nouvelles interventions étant soumises au code des marchés publics, à la différence des prestations d'expertise technique, d'ores et déjà autorisées ;
- donner aux communes ou à leurs groupements la possibilité d'instaurer une taxe sur les volumes d'eau pluviale et de ruissellement entrant dans les systèmes de collecte pour financer les travaux en matière d'assainissement pluvial ;
- autoriser le financement par le budget général du fonctionnement des services publics d'assainissement non collectif pour une période de quatre ans suivant leur création ;
- donner aux services de distribution d'eau et d'assainissement la possibilité de voter en excédent la section investissement du budget afin de permettre la constitution de provisions ;
- encadrer par décret les modalités d'établissement des redevances pour occupation du domaine public.
Abordant le deuxième volet de réformes,M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis, a indiqué que le projet de loi tendait à améliorer l'information des usagers, à encadrer la tarification de l'eau et à clarifier les relations entre les communes ou groupements de collectivités territoriales et leurs délégataires.
Il a expliqué que les mesures proposées consistaient à :
- rendre obligatoire l'élaboration et la mise à disposition du public d'un règlement de service définissant, en fonction des conditions locales, les prestations assurées, ainsi que les obligations respectives de l'exploitant, des abonnés, des usagers et des propriétaires ;
- interdire les pratiques de livraison gratuite d'eau à des administrations ou des bâtiments publics, sauf pour les besoins de la lutte contre les incendies ;
- préciser les règles d'établissement des redevances de distribution d'eau et d'assainissement et interdire les demandes de caution solidaire ou de dépôt de garantie ;
- confirmer le principe de la tarification de l'eau en fonction du volume consommé, tout en maintenant la possibilité d'une part forfaitaire représentative des charges fixes ;
- autoriser les tarifs uniformes, progressifs et dégressifs, la dégressivité tarifaire ne pouvant toutefois plus être pratiquée, à compter de 2010, en zone de répartition des eaux ou en cas de mauvais état quantitatif des eaux ;
- permettre aux communes de mettre en oeuvre une tarification saisonnière ;
- exiger l'élaboration d'un programme pluriannuel des travaux confiés à un délégataire des services de distribution d'eau et d'assainissement et la restitution par ce dernier au délégant, en fin de contrat, d'une somme correspondant aux coûts actualisés des travaux non réalisés.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis, a indiqué que les mesures proposées dans le troisième volet des dispositions du projet de loi soumises à l'avis de la commission des lois tendaient, d'une part, à modifier la composition et à renforcer le rôle des comités de bassin, d'autre part, à étendre les missions des agences de l'eau.
Il a expliqué que le comité de bassin serait désormais composé à parts égales de représentants des collectivités territoriales ou de leurs groupements, de représentants des usagers de l'eau et du monde associatif, ainsi que de représentants de l'Etat, et participerait à la définition des orientations stratégiques de l'agence de l'eau en donnant un avis conforme sur les délibérations du conseil d'administration approuvant le programme pluriannuel d'intervention et les taux des redevances.
Il a relevé que la composition des agences de l'eau demeurerait inchangée, mais que leurs missions seraient élargies, ces missions restant exercées dans le cadre de programmes pluriannuels d'intervention. Il a indiqué que, pour la période 2007-2012, le montant total des dépenses des agences de l'eau serait plafonné à 12 milliards d'euros, leur contribution annuelle à l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) ne pouvant excéder 108 millions d'euros.
Tout en souscrivant à l'économie générale de cette réforme, M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis, a jugé nécessaire : en premier lieu, de renforcer davantage la transparence des services de distribution d'eau et d'assainissement ; en deuxième lieu, de faciliter les interventions des collectivités territoriales et de donner davantage de liberté aux communes ; en troisième lieu, de garantir une solidarité envers les communes rurales. Il a ensuite présenté l'économie générale des principaux amendements qu'il avait élaborés à ces fins.
A l'article 22 (contrôle par les communes des raccordements des immeubles aux égouts, des déversements d'eaux usées et des installations d'assainissement non collectif), la commission a adopté un amendement ayant pour objet de préciser que les groupements de collectivités territoriales compétents en matière d'assainissement collectif peuvent, à l'instar des communes, fixer des prescriptions techniques pour la réalisation des raccordements des immeubles au réseau public de collecte des eaux usées.
Outre un amendement rédactionnel, elle a adopté un amendement ayant pour objet de prévoir que toute promesse de vente, tout acte authentique de vente de tout ou partie d'un immeuble à usage d'habitation à un acquéreur non professionnel comprend un diagnostic du respect, par cet immeuble ou cette partie d'immeuble, des prescriptions techniques applicables aux installations d'assainissement non collectif, ce diagnostic devant avoir été établi depuis moins d'un an à la date de la promesse de vente ou de l'acte authentique de vente.
M. Patrice Gélard a exprimé la crainte que cette obligation n'aggrave les charges des vendeurs.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis, a observé que la mise aux normes des installations d'assainissement non collectif constituait une obligation légale et qu'il était donc normal que l'acquéreur d'un immeuble soit informé de leur état. Il a observé qu'en pratique, les notaires demandaient déjà de tels diagnostics lors des ventes d'immeubles en milieu rural.
A l'article 25 (possibilité de financer les services publics d'assainissement non collectif sur le budget général de la commune), la commission a adopté un amendement tendant à préciser que, seuls, les établissements publics de coopération intercommunale, et non les syndicats mixtes dont aucune commune membre n'a plus de 3.000 habitants, peuvent déroger à l'interdiction de financer sur leur budget général les dépenses des services de distribution d'eau et d'assainissement.
Elle a adopté un amendement tendant, à l'inverse, à permettre à l'ensemble des groupements de collectivités territoriales, y compris les syndicats mixtes fermés, de bénéficier de la possibilité de prendre en charge sur le budget général, pour une durée limitée, les dépenses afférentes au service public d'assainissement non collectif.
A l'article 26 (compétences des communes en matière de distribution d'eau et d'assainissement), la commission a adopté un amendement ayant pour objet de prévoir que le régime des redevances susceptibles d'être perçues par les régions et l'Etat en raison de l'occupation de leur domaine public par des ouvrages de distribution d'eau et d'assainissement est fixé par décret en Conseil d'Etat, à l'instar de celui des redevances des communes et des départements.
Elle a adopté deux amendements ayant pour objet d'exiger du délégataire d'un service public de distribution d'eau ou d'assainissement ayant accepté de prendre en charge des renouvellements et des grosses réparations à caractère patrimonial, dans le cadre d'un programme pluriannuel de travaux, de fournir une estimation des dépenses, de rendre compte de l'exécution du programme dans le rapport qu'il remet chaque année au délégant et de dresser à la fin du contrat un inventaire du patrimoine du délégant.
Outre un amendement corrigeant une erreur matérielle, elle a adopté un amendement ayant pour objet d'interdire la modulation des aides publiques versées aux communes et groupements de collectivités territoriales compétents en matière de distribution d'eau ou d'assainissement en fonction du mode de gestion du service.
Enfin, elle a adopté un amendement ayant pour objet de préciser les informations devant figurer dans le rapport annuel du délégataire d'un service public local.
A l'article 27 (règlement de service - régime des redevances de distribution d'eau et d'assainissement - interdiction des demandes de caution solidaire ou de dépôt de garantie - fixation des tarifs de l'eau), la commission a adopté un amendement ayant pour objet de préciser les conditions d'opposabilité du règlement de service de distribution d'eau ou d'assainissement, en garantissant l'information des abonnés.
Elle a adopté deux amendements ayant respectivement pour objet de n'interdire la pratique des tarifs dégressifs que dans les zones de répartition des eaux, où la ressource est rare, et d'instituer un délai pour permettre aux communes et aux groupements de collectivités territoriales de se mettre en conformité avec cette interdiction.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis, ayant expliqué que l'article 27 du projet de loi tendait à obliger les usagers raccordés ou raccordables au réseau d'assainissement d'installer un dispositif de comptage de l'eau qu'ils prélèvent sur d'autres sources que le réseau de distribution dans des conditions définies par décret, la commission a adopté un amendement ayant pour objet de confier à ce décret le soin de fixer également les conditions dans lesquelles la consommation d'eau constatée au moyen de ce dispositif serait prise en compte dans le calcul de la redevance d'assainissement due par les usagers.
Afin d'inciter les communautés de communes à exercer les compétences de leurs communes membres en matière d'assainissement, la commission a adopté deux amendements tendant à insérer deux articles additionnels après l'article 27 et ayant pour objet :
- d'une part, de leur permettre d'exercer à titre optionnel tout ou partie de cette compétence, en particulier de ne prendre en charge que l'assainissement autonome ;
- d'autre part, de faire figurer l'intégralité de la compétence « assainissement » dans la liste des compétences optionnelles ouvrant droit à la dotation globale de fonctionnement bonifiée.
M. Jean-Jacques Hyest, président, a observé que le transfert à une communauté de communes de la compétence « assainissement » se heurtait souvent aux refus de ses communes membres de financer les charges du réseau d'assainissement collectif de la ville centre. Aussi a-t-il approuvé la possibilité de dissocier l'exercice de cette compétence.
A l'article 28 (extension du champ de l'assistance technique fournie par les départements aux communes dans les domaines de l'eau et de l'assainissement), la commission a adopté un amendement ayant pour objet de permettre aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale qui ne disposent pas, du fait de leur taille et de leurs ressources, des moyens humains et financiers nécessaires à l'exercice de leurs compétences, de bénéficier, sans devoir appliquer les dispositions du code des marchés publics, d'une assistance technique des services du département dans les domaines de l'alimentation en eau potable, de la collecte, du transport et de l'épuration des eaux usées, des eaux pluviales et des eaux de ruissellement, de l'élimination des boues produites et de l'entretien des rivières.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis, a expliqué qu'il s'agissait de sécuriser les interventions des SATESE en transposant le dispositif retenu au bénéfice des services déconcentrés de l'Etat par la loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier.
La commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 28 afin de permettre aux conseils généraux qui le souhaitent de créer un fonds départemental pour l'alimentation en eau et l'assainissement pour financer leurs interventions en faveur des communes rurales, ce fonds étant alimenté par une redevance sur les consommations d'eau, distribuée dans les communes, dont le taux serait plafonné à 5 centimes d'euros par mètre cube.
En réponse à M. Charles Guené, M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis, a expliqué que cet amendement n'avait pas pour objet de transférer aux départements la charge des missions autrefois dévolues au Fonds national pour le développement des adductions d'eau (FNDAE), reprises par les agences de l'eau, mais de leur donner les moyens financiers d'exercer leur mission de solidarité envers les communes rurales dans les domaines de l'eau et de l'assainissement. Il a ajouté qu'un autre amendement avait pour objet d'obliger les agences de l'eau à consacrer chaque année au moins 150 millions d'euros à la solidarité envers les communes rurales, c'est-à-dire le niveau maximum des aides requis par le FNDAE.
M. Simon Sutour a approuvé cet amendement, tout en souhaitant l'institution d'une clause d'indexation du montant minimal consacré par les agences de l'eau à la solidarité envers les communes rurales. Il a également rappelé que le FNDAE avait permis une péréquation au niveau national.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis, a précisé qu'un amendement était destiné à assurer une péréquation entre agences de bassin par une modulation de leurs contributions à l'ONEMA en fonction du potentiel économique et de la population rurale du bassin. Il a souligné qu'ainsi, la péréquation serait assurée au niveau des départements, au niveau des bassins et au niveau national.
A l'article 35 (composition et missions des comités de bassins et des agences de l'eau), la commission a adopté un amendement ayant pour objet de prévoir que les représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements et ceux des usagers et des associations détiennent respectivement 40 % du nombre total des sièges au sein du comité de bassin.
Elle a adopté un deuxième amendement tendant à prévoir, d'une part, que les représentants de l'Etat ne participent pas à l'élection du président du comité de bassin, d'autre part, que ce dernier est élu parmi les représentants des élus locaux.
M. Patrice Gélard s'est demandé si l'interdiction faite aux représentants de l'Etat de participer à l'élection du président du comité de bassin n'était pas contraire à la Constitution.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis, a indiqué qu'en pratique les représentants de l'Etat ne prenaient déjà pas part à l'élection du président du comité de bassin. Il a justifié la mesure proposée en rappelant que la participation des représentants de l'Etat à la dernière élection du président du Comité des finances locales avait suscité de vives critiques.
Evoquant à son tour le précédent de l'élection du président du Comité des finances locales, M. Simon Sutour a approuvé cette interdiction.
La commission a adopté un amendement ayant pour objet de prévoir qu'un arrêté des ministres chargés de l'environnement et des finances ne fixe pas, comme le prévoyait l'article 36 du projet de loi, mais encadre simplement le montant pluriannuel global des dépenses de chaque agence et leur répartition par grands domaines d'intervention.
La commission a adopté un amendement ayant pour objet de prévoir que le montant de la contribution des agences de l'eau à l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques :
- d'une part, est fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de l'environnement et des finances et non par décret, par coordination avec les dispositions prévoyant qu'un arrêté de ces ministres encadre le montant pluriannuel global des dépenses et leur répartition par grands domaines d'intervention ;
- d'autre part et surtout, est calculé sur la base du potentiel économique du bassin hydrographique et de l'importance relative de sa population rurale.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis, a expliqué que cet amendement permettrait d'assurer une péréquation entre les agences de bassin, qui ne disposent pas toutes des mêmes ressources, non pas par une augmentation des dépenses de l'office qui aurait contribué à alourdir les contraintes de gestion de cet établissement, mais par une modulation du prélèvement opéré à son profit sur les recettes de chaque agence.
La commission a adopté un amendement ayant pour objet de prévoir que, pour l'exercice des missions autrefois dévolues au FNDAE, l'agence de l'eau détermine le montant global des subventions versées sur le territoire des départements situés dans le bassin et, lorsqu'un département participe au financement de travaux d'alimentation en eau potable et d'assainissement dans les communes rurales, passe avec lui une convention par laquelle elle lui confie la répartition et le versement de ce montant en fonction de critères déterminés dans la convention.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis, a expliqué que cet amendement permettrait aux départements et aux agences de l'eau de coordonner leurs interventions et aux communes de bénéficier d'un « guichet unique » auquel adresser leurs demandes de subventions.
A l'article 36 (orientations prioritaires des programmes pluriannuels d'intervention des agences de l'eau pour les années 2007 à 2012), la commission a adopté deux amendements ayant pour objet de prévoir que la solidarité envers les communes rurales et la participation à l'élaboration et au financement des contrats de rivière, de baie ou de nappe font partie des orientations prioritaires des programmes pluriannuels d'intervention des agences de l'eau pour les années 2007 à 2012.
Elle a adopté un amendement ayant pour objet d'éviter que la contribution des agences de l'eau à l'ONEMA ne réduise leur capacité d'intervention, en prévoyant que cette contribution n'est pas prise en compte dans le plafond de 12 milliards d'euros imposé à leurs dépenses pour la période 2007-2012.
Elle a adopté un amendement ayant pour objet de prévoir que les agences de l'eau devront consacrer au moins 150 millions d'euros chaque année entre 2007 et 2012 à la solidarité envers les communes rurales et leurs groupements.
Enfin, elle a adopté un amendement de coordination.
Sous le bénéfice de ces amendements, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des dispositions du projet de loi dont elle s'est saisie.
Mercredi 30 mars 2005
- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.
Nomination d'un rapporteur
La commission a tout d'abord nommé M. Bernard Saugey rapporteur de la proposition de loi n° 11 (2003-2004) de M. Philippe Marini relative à la société européenne et de la proposition de loi n° 152 (2003-2004) de MM. Jean-Guy Branger et Jean-Jacques Hyest portant sur la mise en oeuvre des dispositions de renvoi en droit interne contenues dans le règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 complétant le statut de la société européenne pour ce qui concerne l'implication des travailleurs.
Droit des affaires - Sauvegarde des entreprises
Puis la commission a procédé aux auditions sur le projet de loi n° 235 (2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, de sauvegarde des entreprises.
Audition de Mme Perrette Rey, présidente de la Conférence générale des tribunaux de commerce
Elle a tout d'abord entendu Mme Perrette Rey, présidente de la Conférence générale des tribunaux de commerce.
A titre liminaire, Mme Perrette Rey s'est réjouie de la prise en compte, par le projet de loi, de l'anticipation des difficultés des entreprises. Elle a expliqué que les effets de la législation actuelle étaient très contrastés, les procédures collectives s'achevant pour 95 % des dossiers par une liquidation judiciaire, les procédures préventives -mandat ad hoc et règlement amiable- parvenant, au contraire, à assurer la survie des entreprises.
Rappelant les enjeux considérables soulevés par le droit des entreprises en difficulté, Mme Perrette Rey a jugé nécessaire de remédier au gâchis économique et social inhérent aux procédures collectives, notamment s'agissant de l'emploi. Elle a précisé qu'en 2004, l'ouverture de 49.000 procédures collectives avait concerné 300.000 emplois, parmi lesquels 150.000 avaient été supprimés. Elle a en revanche noté l'impact positif des 1.400 mandats ad hoc et règlements amiables qui avaient permis, selon les chefs d'entreprises, de sauver 150.000 emplois.
Evoquant le premier volet du projet de loi, relatif à la prévention et à la détection des difficultés des entreprises, elle a jugé que trois points méritaient d'être améliorés.
Après s'être félicitée du renforcement des pouvoirs du président du tribunal de commerce qui disposerait du pouvoir d'enjoindre sous astreinte au dirigeant de déposer ses comptes annuels et d'obtenir toute information utile sur la situation comptable de l'entreprise, Mme Perrette Rey a souhaité que l'obligation de déclaration du privilège des organismes sociaux et fiscaux ne soit plus subordonnée à un seuil déterminé par référence au montant des créances sociales et fiscales impayées au dernier jour du trimestre, actuellement fixé à 12.200 euros. Elle a expliqué que cette déclaration apportait une information précieuse au président du tribunal et constituait un indicateur permettant de détecter les difficultés d'une entreprise. Tout en se félicitant que les députés aient maintenu la référence au « trimestre » contrairement au projet de loi initial qui mentionnait le « semestre », elle a fait valoir que la référence à un seuil contenait une part d'arbitraire et ne permettait pas d'appréhender la situation réelle des entreprises, dès lors qu'il était sur-dimensionné pour les petites et moyennes entreprises et sous-dimensionné pour les grandes. Elle a jugé plus significatif de faire référence à un trimestre de cotisations impayées, quel que soit son montant.
D'autre part, elle a jugé nécessaire que le président du tribunal de commerce soit informé le plus en amont possible à l'occasion de la procédure d'alerte des commissaires aux comptes. Elle a rappelé que le projet de loi prévoyait cette information au cours de la phase 1 de cette procédure, dans la seule hypothèse où le chef d'entreprise n'a pas répondu au commissaire aux comptes ou lorsque sa réponse n'est pas de nature à assurer la continuité de l'exploitation. Elle a cependant jugé préférable de prévoir soit une information du président dès le déclenchement de la phase 1, soit le maintien de la procédure d'alerte actuelle accompagnée d'une suppression de la phase 1 lorsqu'une nouvelle procédure d'alerte est engagée dans un délai d'un an. Elle a expliqué que cette seconde solution, qui lui semblait la meilleure, permettrait de faire l'économie de la phase 1 et d'informer le président dès le déclenchement de la phase 2.
Enfin, elle a insisté sur le rôle des greffes des tribunaux de commerce. Elle a regretté que le projet de loi n'ait pas retenu une disposition, pourtant prévue dans l'avant-projet de loi, qui consacrait le rôle d'assistance du greffier auprès du président du tribunal, dans le cadre de sa mission de prévention. Elle a souligné que les greffiers détenaient des informations précieuses, par exemple grâce à la tenue du registre du commerce et des sociétés, susceptibles d'éclairer le président du tribunal. Elle s'est félicitée de l'implication du conseil national des greffiers des tribunaux de commerce dans le soutien logistique des présidents de tribunaux de commerce en matière de prévention. Elle a cependant relevé l'hétérogénéité des pratiques, certains greffiers considérant qu'il n'entrait pas dans leur mission de détecter les difficultés des entreprises en l'absence de toute rémunération prévue à cet effet, jugeant que cette situation portait atteinte à l'égalité des citoyens devant la justice. Rappelant que les présidents de tribunaux de commerce avaient développé des instruments pour exercer pleinement leur mission de détection-prévention, notamment grâce à la rédaction d'un vademecum ou à la mise en place d'un module de formation à la disposition des quinze centres régionaux de formation, la mobilisation de tous les praticiens du droit commercial et au premier chef les greffiers des tribunaux de commerce lui a semblé cruciale. Elle a donc souhaité que la loi ou, à tout le moins, le décret soit complété en ce sens.
S'agissant de la prévention-traitement, Mme Perrette Rey a tout d'abord rappelé que la procédure de conciliation reposait sur le rétablissement de la confiance du débiteur et des créanciers ainsi que sur le principe de confidentialité.
Après avoir indiqué que les mandats ad hoc ne conduisaient que dans 20 % des cas au règlement amiable, elle a précisé que le chef d'entreprise recourait rarement de sa propre initiative à une procédure de conciliation, mais plus généralement sur la suggestion de ses conseils ou créanciers.
Regrettant que le projet de loi ait préféré favoriser la sécurité juridique au détriment de la confidentialité, cette dernière lui paraissant pourtant la clé de cette procédure, elle s'est interrogée sur l'impact que pourrait avoir sur les chefs d'entreprise un jugement d'homologation de l'accord qui se déroulerait en chambre du conseil et en présence du ministère public et des représentants du personnel, avant de souligner la difficulté pour ces derniers de respecter l'obligation de confidentialité qui s'impose à eux, tout en étant simultanément les mandataires des salariés.
Elle a également craint que les créanciers non parties à l'accord exercent des recours en tierce-opposition contre les jugements d'homologation afin de s'assurer de la garantie de leurs droits, affaiblissant ainsi la procédure de conciliation et anéantissant les efforts déployés par le juge pour convaincre les parties d'aboutir à un accord viable.
Elle a enfin souhaité que, s'agissant de la conciliation soumise à la confidentialité, l'accord soit soumis à homologation, et non à simple constatation par le président du tribunal.
En réponse à M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, qui souhaitait connaître son opinion sur la place respective de l'administrateur judiciaire et du mandataire judiciaire au cours des procédures collectives, Mme Perrette Rey a indiqué que, depuis la séparation de ces deux professions, les administrateurs judiciaires, désormais moins nombreux, jouaient un rôle important dans le sauvetage économique des entreprises, les mandataires judiciaires ayant quant à eux pour mission principale de représenter au mieux les créanciers. Constatant qu'en pratique certains tribunaux de commerce confiaient des fonctions d'administrateurs judiciaires à des mandataires judiciaires, elle a souhaité que chaque profession puisse conserver sa mission propre.
M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, ayant souhaité savoir si les modifications apportées aux sanctions par le projet de loi lui paraissaient pertinentes, Mme Perrette Rey a regretté que la discussion en séance publique à l'Assemblée nationale se soit focalisée sur les sanctions personnelles et patrimoniales. Tout en saluant les améliorations apportées par le projet de loi dans ce domaine, elle a toutefois déploré que les débats relatifs aux sanctions aient lieu en audience publique, craignant que cette publicité porte préjudice aux chefs d'entreprise, alors même que de telles procédures aboutissent la plupart du temps à un non-lieu, faute de preuve, et rappelant que la Cour européenne des droits de l'Homme avait considéré que la tenue des débats en chambre du conseil dans le cadre de procédures disciplinaires ne constituait pas une violation de la Convention européenne des droits de l'Homme.
Audition de M. Jean Courtière, président de la commission juridique, M. Francis Lemor, conseiller du président, Mme Anne Outin-Adam, directeur des développements juridiques, et Mme Sandra Bienvenue, juriste de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris
Elle a ensuite entendu M. Jean Courtière, président de la commission juridique, M. Francis Lemor, conseiller du président, Mme Anne Outin-Adam, directeur des développements juridiques, et Mme Sandra Bienvenue, juriste de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris.
Interrogé par M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, sur son appréciation du projet de loi et des modifications apportées par l'Assemblée nationale, M. Jean Courtière a jugé ce texte très positif. A cet égard, il s'est félicité de la collaboration de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris à l'élaboration du texte, réaffirmant son souci de défendre les entreprises et de faire évoluer les esprits.
Partageant la satisfaction de M. Jean Courtière, Mme Anne Outin-Adam l'a assortie de plusieurs observations.
Admettant que ces questions ne relevaient pas exactement du projet de loi, elle s'est félicitée que l'Assemblée nationale ait prévu qu'un décret en Conseil d'Etat déterminerait les tribunaux compétents pour appliquer l'ensemble des procédures de traitement des entreprises en difficulté, estimant que ce décret devrait s'attacher à supprimer la compétence d'au moins trente tribunaux de commerce.
M. Jean Courtière a tenu à rappeler que la Chambre de commerce et d'industrie de Paris soutenait depuis longtemps l'idée de tribunaux de commerce dont le ressort équivaudrait au département.
Approuvant cette idée, M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, a estimé qu'une justice de proximité n'était pas nécessairement adaptée à la complexité de certains contentieux et, notamment, des procédures collectives.
En matière de prévention - détection, Mme Anne Outin-Adam a indiqué que la Chambre de commerce et d'industrie de Paris n'était pas favorable à un amendement qui tendrait à imposer aux experts-comptables l'obligation d'alerter le président du tribunal en cas de découverte de difficultés financières.
M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, a relevé que les experts-comptables, liés contractuellement au débiteur, n'avaient pas nécessairement pour mission d'établir les comptes et que d'autres mécanismes d'alerte pouvaient sembler plus efficaces, évoquant notamment le rôle de l'URSSAF en cette matière.
M. Jean Courtière estimant que, en tant que conseils de l'entreprise, les experts-comptables devraient alerter des difficultés le chef d'entreprise, M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, a jugé qu'il ne serait, dans ces conditions, pas nécessaire d'en faire spécifiquement mention dans la loi.
Mme Anne Outin-Adam a ensuite proposé que, dans le cadre de la procédure de conciliation, le terme de « débiteur » soit remplacé par celui de « représentant légal de l'entreprise », évoquant l'impact symbolique et psychologique de la terminologie employée.
Concernant le problème de l'exercice abusif du recours en tierce-opposition au cours de la conciliation, elle a jugé positive la limitation à dix jours de la période au cours de laquelle un recours pouvait être exercé, relevant qu'une autre possibilité aurait été de prévoir l'exécution provisoire de l'accord homologué.
M. Jean Courtière a déclaré que la procédure de sauvegarde se devait d'être pragmatique si elle voulait s'imposer.
Complétant ces propos, M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, a expliqué que la procédure de sauvegarde était la seule réelle innovation de ce projet de loi, les autres dispositions tendant plutôt à rénover le droit en vigueur.
M. Francis Lemor a estimé qu'il fallait concevoir des procédures offrant le maximum de souplesse aux entreprises.
M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, a estimé que l'une des questions posées par le projet de loi était celle de l'intervention de l'Association pour la gestion du régime d'assurance des créances des salariés (AGS). A défaut, il a craint que les chefs d'entreprise n'aient aucun intérêt à aller jusqu'au bout de la procédure de sauvegarde. Il s'est toutefois interrogé sur le point de savoir s'il conviendrait que cette intervention s'effectue selon des modalités identiques à celles du redressement judiciaire.
Tout en reconnaissant l'exactitude du raisonnement suivi, M. Francis Lemor a posé la question du financement de l'AGS si une telle possibilité était maintenue.
En matière de redressement judiciaire, Mme Anne Outin-Adam a souhaité que la procédure de vérification des créances soit encore simplifiée, le dispositif proposé par l'Assemblée nationale lui apparaissant encore trop lourd sur ce point.
Enfin, après s'être félicitée de plusieurs autres dispositions du texte et notamment de la déductibilité fiscale des abandons de créances, elle s'est inquiétée de savoir si la nouvelle procédure de sauvegarde pouvait être considérée comme une procédure d'insolvabilité au sens du règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité. Remarquant que certains dispositifs étrangers semblables à cette procédure n'avaient pas soulevé de problèmes, elle a estimé qu'il devrait en être de même pour cette nouvelle procédure.
Audition de M. François Moutot, directeur général de l'Assemblée permanente des chambres de métiers
Puis la commission a entendu M. François Moutot, directeur général de l'Assemblée permanente des chambres de métiers.
Après avoir émis un avis positif sur le projet de loi, il a souligné l'importance d'un dispositif d'alerte très en amont afin de faire apparaître les difficultés des entreprises, la plupart des procédures collectives s'achevant par la disparition des entreprises.
Par ailleurs, il a préconisé que les experts intervenant auprès des entreprises artisanales dans le cadre de ces procédures, quoique nommés par les tribunaux de commerce, soient validés par les chambres de métiers, afin que ces entreprises soient traitées par leurs pairs comme pour les entreprises commerciales.
M. François Moutot a également souhaité que les tribunaux de commerce comptent en leur sein des membres des chambres de métiers. Il a rappelé qu'après s'être interrogée sur une éventuelle compétence du tribunal de grande instance, déjà compétent pour les entreprises agricoles, l'Assemblée permanente des chambres de métiers s'était finalement prononcée en faveur des tribunaux de commerce, à condition que ceux-ci intègrent les spécificités des entreprises artisanales.
En réponse à M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, qui souhaitait savoir si le projet de loi prenait suffisamment en compte les spécificités des entreprises artisanales,M. François Moutot a déploré l'absence de dispositif d'alerte pour les entreprises artisanales. Sur le point de savoir si le non-dépôt des comptes au greffe du tribunal de commerce constituerait un signal d'alerte adéquat, il a rappelé que cette obligation de dépôt ne concernait qu'une minorité d'entreprises artisanales par ailleurs immatriculées au registre du commerce et des sociétés, relevant que pour certaines d'entre elles, cette immatriculation ne correspondait qu'à leur structure, leur gestion demeurant celle d'un fonds artisanal, tandis que pour d'autres, l'activité commerciale n'était qu'accessoire.
Afin d'améliorer la procédure d'alerte, M. François Moutot a proposé de permettre aux chambres de métiers de saisir le ministère public lorsqu'elles ont connaissance de difficultés rencontrées par une entreprise. Il a souhaité que les artisans en difficulté puissent faire davantage appel aux chambres de métiers afin d'obtenir une assistance. Il a indiqué que celles-ci devraient être déclarées dans le cadre des procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire.
M. François Moutot a en outre préconisé de créer des commissions départementales des entreprises artisanales en difficulté afin de proposer une aide aux entreprises artisanales très en amont.
M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, ayant observé que toutes les procédures existantes étaient applicables aux entreprises artisanales, mais que leur mise en oeuvre était encore trop tardive, M. François Moutot a convenu de l'importance d'une alerte précoce.
Audition de M. André Marcon, premier vice-président, et M. Jean-Christophe de Bouteiller, directeur général de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie
La commission a ensuite entendu M. André Marcon, premier vice-président, et M. Jean-Christophe de Bouteiller, directeur général de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie.
M. André Marcon s'est d'abord félicité du projet de loi et des améliorations apportées par l'Assemblée nationale en première lecture. Il a souligné que les dispositifs actuels ne permettaient pas au chef d'une entreprise rencontrant des difficultés d'identifier aisément les interlocuteurs pertinents. Estimant que ce défaut d'information pouvait expliquer en partie le nombre excessif des dépôts de bilan en France, il a indiqué que les chambres de commerce et d'industrie réalisaient un important travail de prévention, afin de dédramatiser les difficultés des entreprises. Il a rappelé que, face à de telles difficultés, susceptibles de frapper toutes les entreprises, les dirigeants devaient s'entourer de conseillers capables de leur suggérer des solutions adaptées.
Il a déclaré que les chambres de commerce et d'industrie s'attachaient à développer des solutions en amont, au sein de centres d'information et de prévention où le chef d'une entreprise en difficulté pouvait être orienté vers le tribunal de commerce ou le Comité départemental d'examen des difficultés de financement des entreprises (CODEFI).
M. André Marcon a ensuite estimé que le projet de loi confiait opportunément au chef d'entreprise l'initiative du mandat ad hoc et des procédures de conciliation ou de sauvegarde. Il a considéré que la confidentialité nécessaire de la procédure de conciliation devrait s'appliquer également à l'information du personnel, susceptible d'entraîner une publicité néfaste pour l'entreprise. Jugeant positives les mesures du projet de loi relatives au mandat ad hoc et à la procédure de conciliation, il s'est interrogé sur le coût de ces dispositifs pour les très petites entreprises (TPE) et a suggéré la mise en place d'un système de forfait pour leur en faciliter l'utilisation.
M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, s'est félicité des outils de prévention des difficultés des entreprises mis en place depuis plusieurs années par les organismes socio-professionnels, estimant cependant qu'ils ne devaient pas être inscrits dans le projet de loi, dont l'objet essentiel était la création d'une nouvelle procédure collective.
Il s'est ensuite interrogé sur l'effet que pourrait avoir, à l'égard des tiers, la constatation de l'accord de conciliation par le président du tribunal de commerce, cette décision n'étant pas soumise à publication, à la différence de l'homologation de l'accord par un jugement du tribunal.
En réponse, M. Jean-Christophe de Bouteiller a indiqué que les parties pouvaient préférer la procédure de constatation lorsque la conciliation ne visait qu'un nombre limité de partenaires de l'entreprise, le choix de l'homologation et de la publicité paraissant plus adapté à une multiplicité d'acteurs.
M. André Marcon a salué les dispositions du projet de loi visant à rendre fiscalement déductibles les abandons de créances consentis ou supportés dans le cadre d'un plan de sauvegarde, et à permettre aux créanciers publics d'effectuer des remises de créances, sous réserve d'efforts parallèles des autres créanciers.
M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, rappelant que les procédures de redressement connaissaient un taux d'échec très élevé, la liquidation étant prononcée dans près de 95 % des cas, a souligné l'utilité de la procédure de sauvegarde pour traiter les difficultés en amont de la cessation des paiements. Relevant que les TPE pourraient rencontrer des difficultés à assumer le coût des experts intervenant dans le cadre de la procédure de sauvegarde, il a souhaité connaître l'appréciation des chambres de commerce et d'industrie sur la pertinence de cette procédure par rapport à la taille des entreprises.
M. Jean- Christophe de Bouteiller a considéré que pouvaient être distinguées trois situations : celle des grandes entreprises, dont les difficultés conduisaient en général à un règlement de nature politique, celle des petites et moyennes entreprises (PME), pour lesquelles la procédure de sauvegarde paraissait adaptée compte tenu du nombre important de leurs fournisseurs et clients, et celle des TPE, pour lesquelles la sauvegarde paraissait moins pertinente. Il a jugé que, ces dernières se situant dans une problématique spécifique caractérisée par un petit nombre de partenaires, leur survie était extrêmement délicate lorsqu'elles perdaient leurs relations avec leurs clients ou fournisseurs. Il a estimé plus adéquat de régler leurs difficultés dans le cadre d'une procédure non judiciaire, aidées par leurs conseils.
M. Charles Gautier a demandé des précisions sur les moyens de concilier l'information du personnel des entreprises et la confidentialité des procédures.
M. André Marcon a jugé que l'information du personnel à l'égard de la procédure pouvait être de nature à fragiliser l'entreprise face à ses clients et fournisseurs. Il a jugé qu'il fallait distinguer les entreprises rencontrant de grandes difficultés, susceptibles d'avoir des répercussions sur le personnel et nécessitant par conséquent son information, et les entreprises confrontées à des difficultés moindres, où l'information du personnel ne paraissait pas indispensable.
M. Jean-Christophe de Bouteiller a déclaré que le non-respect, par les représentants du personnel, de la confidentialité pouvait présenter un risque supplémentaire pour l'entreprise en difficulté.
M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, considérant que l'information du personnel devait être adaptée aux différentes procédures, a estimé qu'elle se révélait nécessaire dans la procédure de sauvegarde, destinée à réorganiser l'entreprise en procédant, le cas échéant, à des licenciements.
Soulignant que les mesures d'assouplissement des conditions de licenciement économique prévues pour le redressement étaient exclues dans le cadre de la sauvegarde, il s'est demandé si cette situation n'inciterait pas le chef d'entreprise à choisir le régime du redressement, alors que l'objectif du projet de loi était de rendre son utilisation résiduelle.
M. Jean-Christophe de Bouteiller a répondu que le chef d'entreprise devrait opérer un choix responsable, mettant en balance la discrétion de la procédure de sauvegarde et les garanties de simplicité du redressement. Il a considéré que la question des licenciements économiques pouvait, le cas échéant, être revue afin d'éviter des détournements de procédure.
Il a mis en avant le travail de pédagogie réalisé par les chambres de commerce et d'industrie à l'intention des chefs d'entreprise, afin de les inciter à mettre en oeuvre des mécanismes de prévention des difficultés.
M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, déplorant que la prévention des difficultés des entreprises fasse intervenir un nombre élevé d'organismes pour un résultat souvent médiocre, a déclaré que la disparition des entreprises était un processus normal, lié à la viabilité des projets. Considérant que le redressement judiciaire mettait en cause la gestion de l'entreprise, il s'est interrogé sur le choix des personnes pouvant décider la cession partielle ou totale de celle-ci.
M. Jean-Christophe de Bouteiller a estimé que le chef d'entreprise devait être en mesure, avec l'aide de conseillers compétents, de déterminer les unités susceptibles d'être cédées dans le cadre du redressement.
M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, a demandé s'il existait des statistiques différenciées concernant les taux de disparition respectifs des PME et des TPE.
M. André Marcon a déclaré que le nombre très important des TPE pesait fortement dans les statistiques relatives aux dépôts de bilan, alors qu'elles faisaient souvent l'objet d'investissements réduits. Il a estimé que les enjeux financiers des difficultés rencontrées par les TPE, faibles dans l'absolu, mais parfois vitaux pour le chef d'entreprise, rendaient en général inappropriée la mise en oeuvre d'une procédure de sauvegarde. Il a rappelé que l'expertise des projets de création de petites entreprises était un art difficile, faisant intervenir des facteurs humains. Il a enfin souligné le rôle des experts-comptables et des chambres de commerce et d'industrie pour alerter les chefs de ces entreprises dès l'apparition des premières difficultés.
Audition de M. Bernard Field, président de la commission juridique, Mme Joëlle Simon, directeur juridique, et Mme Karine Grossetête, chargée des relations avec le Parlement, du Mouvement des entreprises de France (MEDEF)
Puis la commission a entendu M. Bernard Field, président de la commission juridique, Mme Joëlle Simon, directeur juridique, et Mme Karine Grossetête, chargée des relations avec le Parlement, du Mouvement des entreprises de France (MEDEF).
M. Bernard Field s'est déclaré globalement satisfait des modifications apportées au projet de loi par l'Assemblée nationale.
En ce qui concerne la procédure de conciliation, il s'est félicité que le débiteur et les créanciers puissent proposer au président du tribunal de désigner le conciliateur de leur choix. Il a approuvé la suppression des dispositions prévoyant l'information systématique du ministère public lors de la désignation d'un mandataire ad hoc. Il a estimé que les dispositions retenues par l'Assemblée nationale pour l'homologation de l'accord de conciliation prenaient en compte des intérêts contradictoires. Il a approuvé les modifications apportées aux dispositions instituant un privilège de paiement pour les nouveaux apports de trésorerie consentis dans le cadre de l'accord homologué et limitant les cas susceptibles d'engager la responsabilité du financeur pour soutien abusif. Enfin, il a souscrit à l'extension du devoir de confidentialité au mandat ad hoc.
Concernant la procédure de sauvegarde, il a réaffirmé le souhait du MEDEF que les relations entre le débiteur et ses créanciers prennent un caractère plus réellement contractuel au cours de la procédure de sauvegarde sur le modèle du Chapitre 11 américain, relatif à la réorganisation de l'entreprise en difficulté. Aussi s'est-il félicité de la référence aux comités de créanciers introduite par l'Assemblée nationale dans le premier article du code de commerce relatif à la procédure de sauvegarde. Il a jugé la procédure de vérification des créances trop lourde et a souhaité sa suppression, tout en notant le progrès induit par la suppression de l'exigence d'une vérification des créances lorsque les montants déclarés par le débiteur et le créancier membre d'un comité sont identiques. Il s'est réjoui de l'élargissement des possibilités offertes aux créanciers publics d'accorder des remises de créances sur tout ou partie des impôts directs, tout en regrettant que les remises en principal ne puissent porter ni sur les impôts indirects perçus au profit de l'Etat et des collectivités territoriales, ni sur les cotisations sociales salariales.
M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, a cependant rappelé que les dettes fiscales afférentes aux impôts indirects représentaient en principe des sommes dues par le débiteur en tant que collecteur d'un impôt supporté par un tiers.
Evoquant la procédure de redressement,M. Bernard Field s'est félicité que l'Assemblée nationale ait autorisé les cessions globales dans le cadre du plan de redressement et pas seulement en cas de liquidation.
En ce qui concerne la liquidation, il a approuvé le principe de l'extension aux ventes d'actifs de l'exigence d'une publicité préalable, tout en estimant qu'une telle mesure n'aurait guère d'incidences en pratique.
M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, a toutefois indiqué que, selon les greffiers des tribunaux de commerce, certains matériels utilisés par une entreprise pouvaient parfois être vendus à un bon prix à l'occasion d'une procédure collective.
En ce qui concerne les sanctions,M. Bernard Field s'est félicité, en premier lieu, que les délais de prescription des actions pour la faillite personnelle, les sanctions patrimoniales et la banqueroute soient harmonisés à trois ans, en deuxième lieu, que la faillite personnelle ne puisse être prononcée en cas de recours à la procédure de sauvegarde. Il s'est également déclaré satisfait que les abandons de créances intervenus dans le cadre d'un plan de sauvegarde puissent être fiscalement déductibles pour les créanciers qui les ont consentis.
Il a estimé que l'Assemblée nationale avait mieux protégé les créanciers, en particulier les banques, contre les risques de condamnation pour soutien abusif, en limitant leur responsabilité aux cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de garanties disproportionnées par rapport aux concours accordés. Il a cependant estimé que cette protection pouvait encore être améliorée.
M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, a souhaité savoir, d'une part, s'il convenait d'étendre à la procédure de sauvegarde les assouplissements au régime de droit commun des licenciements prévus en cas de redressement judiciaire, d'autre part, si l'intervention de l'association pour la gestion du régime d'assurance des créances des salariés (AGS) devait être maintenue dans cette procédure.
Mme Joëlle Simon a marqué l'opposition du MEDEF à l'intervention de l'AGS dans la procédure de sauvegarde, estimant que cette dernière pourrait être efficace même sans cette intervention. Elle a mis en exergue les difficultés financières de l'association, dont l'équilibre a été récemment rétabli au moyen d'une augmentation de 0,5 % des cotisations patronales, et le risque qu'elle soit conduite, par un détournement de la procédure, à financer des restructurations d'entreprises en définitive in bonis.
Elle a exprimé sa crainte que la procédure de sauvegarde s'apparente à un simple redressement judiciaire anticipé avant de déplorer l'empilement des procédures de traitement des difficultés des entreprises qui nuirait à la lisibilité du droit applicable.
M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, a jugé souhaitable que l'AGS puisse, dans certains cas, financer la restructuration d'une entreprise. Mme Joëlle Simon a cependant estimé que la rédaction du projet de loi devrait alors être précisée sur ce point.
En ce qui concerne les sanctions, elle a souligné la nécessité de reconnaître aux entrepreneurs un droit à l'erreur et a dénoncé l'hétérogénéité des sanctions prononcées par les tribunaux de commerce. Pour y remédier, elle a appelé de ses voeux la suppression de tout plancher et l'institution d'un plafond, par exemple en limitant à dix ans l'interdiction d'exercer une profession commerciale.
Elle a jugé nécessaire qu'une action en comblement d'insuffisance d'actif ne puisse conduire à la mise en cause de la responsabilité de l'ensemble des administrateurs, mais uniquement de celle des personnes ayant participé à la faute de gestion.
En conclusion, M. Bernard Field a souligné la nécessité de laisser toute latitude aux entreprises en difficulté de négocier avec leurs créanciers sous le regard du juge, avant la cessation des paiements, d'améliorer la sécurité juridique des créanciers ayant décidé d'apporter leur soutien à une entreprise en difficulté, et d'atténuer le régime des sanctions, afin de reconnaître à l'entrepreneur un droit à l'erreur, tout en réprimant les fraudes.
Audition de M. Jean-François Roubaud, président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, et M. Pascal Labet, directeur de son service économique et fiscal
La commission a enfin entendu M. Jean-François Roubaud, président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, et M. Pascal Labet, directeur de son service économique et fiscal.
M. Jean-François Roubaud a indiqué que la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) était globalement satisfaite des modifications apportées par l'Assemblée nationale au projet de loi, en précisant que celles-ci étaient susceptibles de simplifier et d'accélérer les procédures de traitement des difficultés des entreprises.
Relevant que l'examen du texte par les députés avait permis de diminuer le nombre de ses dispositions tout en en améliorant la rédaction, il a insisté sur les progrès apportés à la confidentialité des procédures, sur l'intérêt de la réforme de la conciliation, qui laissait désormais une option intéressante aux entreprises entre une procédure de constatation confidentielle et une procédure d'homologation soumise à publicité. Il s'est félicité de la réintroduction de la cession globale de l'entreprise dans le cadre d'un redressement judiciaire et a salué l'institution de mécanismes de déduction fiscale au profit des abandons de créances consentis au cours des procédures.
Il a estimé que des interrogations subsistaient au sein de la CGPME sur la lisibilité du projet de loi et sur la pertinence de plusieurs dispositifs, comme le traitement anticipé des procédures, la suspension provisoire des poursuites et le recours à la garantie de l'Association pour la gestion du régime d'assurance des créances des salariés (AGS) au cours de la procédure de sauvegarde.
Estimant que la diversité des situations des petites et moyennes entreprises devait être prise en considération par le législateur, M. Pascal Labet a estimé que la lisibilité des dispositions du projet de loi par l'Assemblée nationale pouvait encore être améliorée.
Il a constaté que le traitement anticipé des procédures pouvait être fragilisé par la réticence des chefs d'entreprise à se rendre au tribunal lorsqu'ils connaissent des difficultés, en raison des problèmes de confidentialité posés par le nouveau dispositif de la conciliation, tout en notant les apports réels de la réforme opérée par le projet de loi.
M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, a observé qu'une telle procédure pourrait sauver une entreprise en difficulté et que la CGPME pourrait avoir un rôle d'information auprès de ses adhérents pour en faire connaître les avantages.
M. Jean-François Roubaud a rappelé que la CGPME était favorable à toute mesure facilitant l'alerte précoce, en particulier des administrations sociales, sur les difficultés rencontrées par une entreprise.
M. Pascal Labet a jugé que le recours à l'AGS pour assurer la prise en charge des salaires impayés lors d'une procédure de sauvegarde menaçait l'équilibre financier actuel et constituait une cause d'inquiétude majeure pour la CGPME, dans la mesure où la sauvegarde pourrait être utilisée comme un simple outil de gestion par certains débiteurs.
Il a constaté que si l'idée de l'Assemblée nationale avait été, dans un premier temps, de rapprocher la procédure de sauvegarde de celle du redressement judiciaire en matière de licenciement, les règles prévues en la matière applicables au cours de la sauvegarde s'inscriraient finalement dans la procédure de licenciement économique de droit commun.
Il a ensuite souligné la préoccupation de la CGPME sur le risque d'exclusion de nombreux sous-traitants ou fournisseurs, qui sont souvent de petites et moyennes entreprises, de la procédure des comités de créanciers instituée dans le cadre de la procédure de sauvegarde.
Il a considéré que les sanctions prévues devaient distinguer précisément le cas des responsables de bonne foi ayant commis de simples erreurs de gestion de celui des chefs d'entreprise réellement fautifs.
M. Jean-François Roubaud a observé que la procédure de sauvegarde devait constituer une seconde chance pour les entreprises concernées.
M. Pascal Labet a insisté sur la sévérité du délai de quarante-cinq jours fixé pour choisir la conciliation dès lors qu'une entreprise est en cessation de paiement, avant de rappeler qu'un tel dispositif s'inscrivait dans la logique de la réforme proposée.
M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, a indiqué qu'il n'y avait pas de divergence profonde entre le Sénat et l'Assemblée nationale sur la réforme proposée, mais que la cohérence de cette dernière pouvait encore être améliorée. Il a insisté sur la nécessité de donner toutes ses chances à la procédure de sauvegarde en la rendant plus attractive. Il a jugé préférable pour une entreprise en difficulté qui ne serait pas en cessation de paiement, de recourir à la sauvegarde, rappelant que la procédure de redressement judiciaire aboutissait dans 95 % des cas au prononcé de la liquidation. Il a également relevé la pertinence de l'existence d'une cession partielle de l'entreprise au cours d'un redressement judiciaire.
M. Pascal Labet a observé que le caractère innovant de la sauvegarde était atténué par la persistance de certaines pesanteurs dans le dispositif adopté par les députés et que ce dernier était perfectible. A cet égard, il a noté qu'il pourrait être intéressant de substituer à l'état de déclaration des créances une simple certification comptable, ce qui pourrait constituer un progrès supplémentaire pour les chefs d'entreprise. Il a insisté sur la nécessité de ne pas exclure les créanciers lors du redressement d'une entreprise.
Observant que le problème de la place des créanciers dans les procédures collectives était depuis longtemps l'objet d'un débat, M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, a souligné que les créanciers d'une entreprise n'avaient pas tous la même importance au regard de son activité et que le législateur devait proposer des solutions pragmatiques pour régler les difficultés constatées.
Rappelant que le texte issu de l'Assemblée nationale prévoyait de limiter les sanctions pour soutien abusif à l'encontre des banques, aux seuls cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur, ou de prise de garanties disproportionnées, M. Pascal Labet s'est interrogé sur le caractère par trop restrictif de la définition proposée.
M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, a alors insisté sur la nécessité de ne pas décourager les investisseurs.
M. Pascal Labet a rappelé que des discussions similaires avaient eu lieu lors de l'élaboration de la loi pour l'initiative économique à propos du déplafonnement du taux de l'usure, et que l'adoption de ce dernier, demandée par les banques pour favoriser la diffusion du crédit, n'avait pas facilité, en pratique, l'obtention de prêts bancaires par les entreprises.