Travaux de la commission des lois



- Présidence de M. René Garrec, président.

Groupe de travail commun à la commission des affaires économiques et à la commission des lois, chargé de dresser le bilan de l'application de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral - Présentation du rapport d'information

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a entendu la présentation, par son rapporteur M. Patrice Gélard, du rapport d'information du groupe de travail créé en commun avec la commission des affaires économiques afin de dresser le bilan de l'application de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a indiqué que le groupe de travail avait procédé à l'audition d'une quarantaine de personnalités représentatives des usagers de l'ensemble des façades maritimes de la France, accordant une attention toute particulière à la situation des départements d'outre-mer, soumis à la règle spécifique des cinquante pas géométriques, et à la Corse, où le cumul des dispositions de la « loi littoral » et de la « loi montagne » entrave les initiatives en faveur du développement. Il a regretté que les élus du littoral soient moins bien organisés que ceux de la montagne pour faire valoir leurs attentes auprès des pouvoirs publics.

Il a estimé que la « loi littoral », adoptée à l'unanimité il y a dix-huit ans, n'était pas parvenue à atteindre un équilibre entre la protection de l'environnement et le développement des territoires en raison de mesures d'application défaillantes. Il a ainsi dénoncé, d'une part, la piètre qualité, l'élaboration tardive et parfois même l'absence de publication des décrets nécessaires à la mise en oeuvre de ses dispositions, d'autre part, l'incapacité de l'Etat à élaborer les documents d'urbanisme - directives territoriales d'aménagement et schémas de mise en valeur de la mer - censés préciser au plan local certaines de ses notions. Il a également relevé que les gouvernements successifs ne s'étaient acquittés qu'une fois, en 1999, de l'obligation de remettre chaque année au Parlement un rapport d'évaluation. Enfin, il a mis en exergue l'insécurité juridique née de la place importante acquise par la jurisprudence administrative.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a souligné que le groupe de travail préconisait, en premier lieu, de renforcer la concertation, la planification et la décentralisation :

- en soutenant la création du Conseil national du littoral, prévue par le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, et en encourageant sa mise en place rapide ;

- en simplifiant la planification grâce à l'inclusion dans les schémas de cohérence territoriale (SCOT) d'un volet maritime approuvé par le préfet et à la suppression des schémas de mise en valeur de la mer ;

- en utilisant plus systématiquement la possibilité offerte aux communes de demander le transfert de la gestion du domaine public maritime au droit de leur périmètre et en compensant ce transfert par l'affectation d'une part du produit de la redevance pour occupation du domaine public maritime ;

- en enserrant le dépôt du référé-suspension dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l'autorisation au bénéficiaire ;

- enfin, en encourageant les expérimentations tendant à promouvoir une gestion intégrée du littoral, sur le modèle du projet de gestion de la baie de Bourgneuf élaboré à l'initiative de M. Jacques Oudin.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a indiqué que le groupe de travail proposait, en deuxième lieu, d'adapter les règles d'urbanisme afin de permettre un meilleur équilibre entre protection et aménagement :

- en publiant le décret d'application de l'article L. 146-6-1 du code de l'urbanisme, relatif à la reconstruction des bâtiments existants dans la bande des cent mètres, et celui de l'article L. 321-9 du code de l'environnement, relatif aux concessions de plage ;

- en permettant aux SCOT ou, à défaut, aux plans locaux d'urbanisme (PLU), de justifier, avec l'accord du préfet, qu'une urbanisation qui n'est pas située en continuité est compatible avec les objectifs de protection du littoral ;

- en étendant aux espaces proches du rivage l'exception relative aux espaces urbanisés qui s'applique dans la bande des cent mètres ;

- en protégeant plus strictement les espaces les plus remarquables et en permettant aux SCOT et aux PLU de comporter un plan d'aménagement ayant reçu l'accord du préfet après avis de la commission des sites, notamment afin de permettre aux activités économiques traditionnellement implantées de se maintenir ou de se développer ;

- en permettant aux SCOT, pour les quatre plus grands lacs d'une superficie supérieure à 1.000 hectares (Bourget, Serre-Ponçon, Annecy, Léman), d'instituer, en accord avec le préfet coordonnateur de massif et après avis du comité de massif, une limite au-delà de laquelle seule la « loi montagne » s'applique ;

- en appliquant aux autres lacs de plus de 1.000 hectares, au terme d'une période transitoire, la « loi montagne » à l'exclusion de la « loi littoral » ;

- enfin, en étendant aux départements d'outre-mer, par décret en Conseil d'Etat, les dispositions législatives relatives aux servitudes de passage applicables en métropole.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a ajouté que le groupe de travail proposait, en dernier lieu, de réformer le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, dont le rôle et le partenariat avec les collectivités territoriales avaient été unanimement salués lors de ses auditions :

- en accroissant ses moyens humains et financiers ;

- en le plaçant à la tête d'un réseau d'établissements publics agissant pour son compte et sous son contrôle, à la gestion desquels les collectivités territoriales seraient associées ;

- enfin, en étendant à son domaine le régime des contraventions de grande voirie, qui permet au juge administratif de prescrire la remise en état des lieux.

En conclusion, M. Patrice Gélard, rapporteur, a indiqué que les propositions du groupe de travail n'avaient pas pour objet de remettre en cause l'économie générale de la loi du 3 janvier 1986 mais, au contraire, de promouvoir une gestion intégrée du littoral, soulignant que l'absence de possibilité d'aménagement conduisait paradoxalement, faute d'entretien, à la dégradation des espaces naturels.

M. Pierre Jarlier a constaté, pour s'en féliciter, que plusieurs préconisations du groupe de travail tendaient à étendre à la « loi littoral » certaines réformes de la « loi montagne » introduites par la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 relative à l'urbanisme et à l'habitat. Il a rappelé que ce texte avait par ailleurs précisé la notion de « hameaux », en l'étendant aux « groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations ». Aussi s'est-il déclaré favorable aux deux propositions relatives aux lacs de plus de 1.000 hectares, sous réserve de l'adoption définitive des dispositions du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux prévoyant l'assouplissement de la règle d'inconstructibilité dans la bande des trois cents mètres posée par la « loi montagne ».

En réponse à MM. Robert Bret et Michel Dreyfus-Schmidt, M. Patrice Gélard, rapporteur, a indiqué, d'une part, que le rapport du groupe de travail avait été modifié afin d'intégrer les suggestions de Mme Yolande Boyer, de M. Gérard Le Cam, et de M. Nicolas Alfonsi, d'autre part, que ce dernier avait déclaré que les mesures de caractère général proposées ne devaient pas être considérées comme exclusives de mesures spécifiques en faveur de certains territoires. Aussi a-t-il espéré qu'un consensus puisse s'établir autour de ses propositions.

La commission a autorisé la publication du rapport d'information.

Autonomie financière des collectivités territoriales - Examen du rapport en deuxième lecture

Au cours d'une seconde réunion tenue en fin d'après-midi, sous la présidence de M. René Garrec, président, la commission a décidé de reporter au jeudi 22 juillet, à 8 heures, l'examen du rapport en deuxième lecture de M. Daniel Hoeffel sur le projet de loi organique pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales, après avoir constaté que l'Assemblée nationale n'en avait pas achevé l'examen.

M. Jean-Claude Peyronnet a dénoncé les conditions de discussion de ce texte, en particulier le maintien au jeudi 22 juillet, à l'ouverture de la discussion générale, du délai limite fixé par la Conférence des présidents pour le dépôt des amendements extérieurs.

Jeudi 22 juillet 2004

- Présidence de M. René Garrec, président.

Autonomie financière des collectivités territoriales - Examen du rapport en deuxième lecture

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a procédé, sur le rapport oral de M. Daniel Hoeffel, à l'examen en deuxième lecture du projet de loi organique n° 427 (2003-2004) pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a émis une vive protestation contre les conditions d'examen par le Sénat, en deuxième lecture, du projet de loi organique.

MM. René Garrec, président, et Daniel Hoeffel, rapporteur, ont convenu que les délais imposés au Sénat étaient extrêmement brefs, tout en faisant valoir qu'à ce stade de la navette sur ce texte de quatre articles, la position retenue par l'Assemblée nationale était prévisible.

M. Daniel Hoeffel, rapporteur, a ainsi constaté que l'Assemblée nationale avait accepté l'ensemble des modifications introduites par le Sénat en première lecture sous réserve d'une précision à l'article 2, relatif à la définition des ressources propres des collectivités territoriales. Il a rappelé :

- en premier lieu, que la rédaction initiale de cet article, précisée par l'Assemblée nationale en première lecture, considérait comme telles le produit des impositions de toutes natures, que les collectivités territoriales aient ou non la faculté d'en moduler l'assiette ou le taux, les redevances pour services rendus, les produits du domaine, les participations d'urbanisme, les produits financiers ainsi que les dons et legs ;

- en deuxième lieu, que lors de la première lecture au Sénat, la commission des lois et la commission des finances, fondant leur analyse sur la lettre, l'esprit et les travaux préparatoires de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, avaient estimé pour leur part que seules devaient être considérées comme des ressources propres les ressources dont les collectivités territoriales ont la maîtrise et avaient présenté, en conséquence, deux amendements identiques ayant pour objet de ne retenir, parmi les impositions de toutes natures, que les recettes fiscales dont les collectivités territoriales peuvent fixer l'assiette, le taux ou le tarif, le terme de « tarif » semblant plus approprié que celui de taux pour certaines impositions telles que la taxe intérieure sur les produits pétroliers ;

- en troisième lieu, que le Sénat avait finalement adopté, en complément de ces amendements, après que le Gouvernement eut mis en exergue les rares possibilités de transfert aux collectivités territoriales d'impôts modulables autorisées par la réglementation européenne et que la commission s'en fut remise à la sagesse de l'assemblée, un sous-amendement présenté par M. Yves Fréville ayant pour objet d'inclure dans la définition des ressources propres des collectivités territoriales le produit des impositions de toutes natures dont la loi détermine, par collectivité, la localisation de l'assiette ou du taux.

Il a expliqué que cette définition incluait, par exemple, les droits de mutation à titre onéreux, impôts à taux fixe dont l'assiette est localisée, le versement transport dans la région d'Ile-de-France, dont le taux est décliné par département, l'imposition forfaitaire sur les pylônes ou encore la redevance des mines, dont les taux sont fixés forfaitairement par la loi mais dont l'assiette est localisée. Il a estimé que le taux fixé par la loi pour chaque collectivité devrait s'appliquer à l'assiette et non pas au produit de l'impôt partagé.

M. Daniel Hoeffel, rapporteur, a souligné que la rédaction retenue par le Sénat, tout en se situant en retrait par rapport à la définition proposée par les commissions des lois et des finances, avait permis tout à la fois d'imposer une dimension locale à la définition des ressources propres et de confier au Parlement le soin de procéder aux arbitrages nécessaires.

Il a observé qu'en deuxième lecture, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale avait adopté un amendement de précision tendant à considérer comme des ressources propres le produit des impositions de toutes natures dont la loi détermine, par collectivité, le taux ou une « part locale d'assiette » - et non plus « la localisation de l'assiette ».

Après s'être interrogé sur la signification de cette rédaction et la possibilité de considérer comme des ressources propres l'imposition forfaitaire sur les pylônes, il a proposé à la commission, dans un souci de conciliation, d'accepter la rédaction retenue par les députés et d'adopter sans modification le projet de loi organique.

M. Jean-Pierre Sueur a estimé que la part minimale des ressources propres dans l'ensemble des ressources de chaque catégorie de collectivités territoriales retenue par l'article 3 du projet de loi organique, c'est-à-dire le ratio de 2003, ne pouvait être considérée comme déterminante, selon l'expression figurant à l'article 72-2 de la Constitution, et s'avérait en tout état de cause sensiblement inférieure à celle retenue par la proposition de loi constitutionnelle adoptée par le Sénat en octobre 2000.

Soulignant que la part des ressources propres dans l'ensemble des ressources des régions avait chu de 50 % en 1997 à 36 % en 2002, M. Josselin de Rohan a rappelé que la faiblesse des seuils de 2003 résultait de mesures votées sous la précédente législature, en particulier la suppression de la « part salaires » des bases de la taxe professionnelle, et regretté que M. Jean-Pierre Sueur ne les ait pas dénoncées à l'époque. Il a estimé que la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, complétée par le projet de loi organique, apportait une garantie nouvelle et importante aux collectivités territoriales. Enfin, il a invité le rapporteur à interroger le Gouvernement sur la question de l'inclusion de l'imposition forfaitaire sur les pylônes dans les ressources propres des collectivités territoriales.

M. Jean-Jacques Hyest a rappelé qu'en contrepartie d'une définition plus stricte des ressources propres des collectivités territoriales, la commission avait proposé de fixer à 33 % la part minimale qu'elles doivent représenter dans l'ensemble des ressources de chaque catégorie de collectivités, notamment afin de permettre le renforcement de la péréquation. A cet égard, il a souligné l'intérêt des deux rapports sur la péréquation interdépartementale et la péréquation interrégionale, présentés par MM. Jean François-Poncet et Claude Belot au nom du groupe de travail créé en commun par la commission des finances, la commission des affaires économiques et la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire du Sénat.

Il a mis en exergue les rares possibilités de transfert aux collectivités territoriales d'impôts d'Etat modulables localement. Il a jugé critiquable non pas la suppression de la part « salaires » des bases de la taxe professionnelle, qui a permis de favoriser l'emploi et la croissance, mais la compensation de la perte de recettes subie par les collectivités territoriales par une dotation de l'Etat. Enfin, il a estimé que les ressources procurées aux collectivités locales par des fractions non modulables d'impôts nationaux seraient plus évolutives que celles provenant de dotations du budget de l'Etat.

M. Jean-Pierre Sueur a déclaré que la fixation d'une part minimale élevée de ressources propres dans l'ensemble des ressources des différentes catégories de collectivités territoriales ne nuirait pas à la péréquation, cette dernière pouvant en effet être renforcée par une réforme des critères de répartition des dotations de l'Etat et non par une augmentation du montant global de ces dernières. Après avoir rappelé que les ressources procurées aux collectivités territoriales par la taxe professionnelle avaient également été amputées sous le gouvernement de M. Alain Jupé, il a indiqué qu'il avait à de nombreuses reprises, aussi bien en sa qualité de président de l'association des maires des grandes villes de France qu'au sein de la Commission pour l'avenir de la décentralisation présidée par M. Pierre Mauroy, dénoncé les mesures prises sous la précédente législature amputant l'autonomie fiscale locale.

La commission a décidé d'adopter sans modification le projet de loi organique.

Autonomie financière des collectivités territoriales - Examen des amendements en deuxième lecture

Au cours d'une seconde réunion tenue à l'issue de la discussion générale, la commission a procédé, sur le rapport de M. Daniel Hoeffel, à l'examen des amendements au projet de loi organique n° 427 (2003-2004) pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

Elle a donné un avis défavorable à l'amendement n° 1, présenté par M. Bernard Frimat et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, tendant à insérer un article additionnel avant l'article 2 afin de prévoir que la péréquation est un élément constitutif de l'autonomie financière des collectivités territoriales.

A l'article 2 (définition des ressources propres des collectivités territoriales), elle a donné un avis défavorable :

- à l'amendement n° 2, présenté par M. François Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, tendant à prévoir que, parmi les impositions de toutes natures, seules constituent des ressources propres celles dont les collectivités votent le taux ou déterminent le tarif ;

- à l'amendement n° 3, présenté par M. Jean-Claude Peyronnet et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, tendant à prévoir que les ressources propres des collectivités territoriales sont celles dont les collectivités et leurs groupements fixent librement le montant ;

- à l'amendement n° 4, présenté par M. Jean-Claude Peyronnet et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, tendant à supprimer la prise en compte du produit des impositions de toutes natures dont la loi détermine, par collectivité, le taux ou une part locale d'assiette dans la définition des ressources propres des collectivités territoriales ;

- à l'amendement n° 5, présenté par M. Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, tendant à prévoir que les collectivités territoriales peuvent, dans les limites déterminées par la loi, fixer l'assiette et voter le taux des impôts qu'elles perçoivent.

La commission a également donné un avis défavorable aux amendements n°s 6 et 7, présentés par M. Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, tendant à insérer des articles additionnels après l'article 3 afin de prévoir respectivement :

- qu'une loi de programmation fixe pour une durée de cinq ans l'accroissement, pour chaque catégorie de collectivités, de la proportion de la part des dotations de l'Etat aux collectivités donnant lieu à péréquation ;

- que la loi de finances fixe pour chaque année l'accroissement, pour chaque catégorie de collectivités, de la proportion de la part des dotations de l'Etat aux collectivités donnant lieu à péréquation.