Travaux de la commission des lois
- Mercredi 3 mars 2004
- Conseil supérieur des Français de l'étranger - Modification de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 - Examen des amendements
- Adoption par le Conseil d'un projet de décision-cadre relative à l'application du principe « non bis in idem » - Communication
- Proposition de règlement portant création d'une Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (E 2447) - Examen du rapport et des amendements
- Nomination d'un rapporteur
- Conseil supérieur des Français de l'étranger - Modification de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 - Examen des amendements
- Présidence de M. Patrice Gélard, vice-président.
Conseil supérieur des Français de l'étranger - Modification de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 - Examen des amendements
La commission a tout d'abord procédé, sur le rapport de M. Christian Cointat, à l'examen des amendements sur les conclusions de la commission des lois sur les propositions de loi n° 128 rectifié (2003-2004), présentée par M. Robert Del Picchia, Mme Paulette Brisepierre, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Christian Cointat, Xavier de Villepin, Hubert Durand-Chastel, Louis Duvernois, André Ferrand et Michel Guerry, et n° 208 (2003-2004), présentée par Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Guy Penne et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, tendant à modifier la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative au Conseil supérieur des Français de l'étranger.
M. Christian Cointat, rapporteur, a constaté qu'un seul amendement avait été présenté, par M. Robert Del Picchia, tendant à modifier l'article 5 du texte des conclusions de la commission, relatif à l'institution d'un contrôle préalable de la recevabilité des déclarations de candidature lors des élections à l'Assemblée des Français de l'étranger, afin :
- de porter de quarante-huit à quatre-vingt seize heures le délai accordé aux candidats pour contester le refus d'enregistrement d'une déclaration de candidature devant le tribunal administratif de Paris ;
- de porter également de quarante-huit à quatre-vingt seize heures le délai accordé à une liste, dans les circonscriptions où l'élection a lieu au scrutin de liste à la représentation proportionnelle, pour se compléter en cas de refus d'enregistrement motivé par l'inobservation des dispositions relatives aux conditions d'éligibilité ou d'inéligibilité ;
- de supprimer la possibilité accordée à une liste de se compléter en cas de refus d'enregistrement motivé par l'inobservation des dispositions relatives à l'interdiction des cumuls de candidatures ;
- d'accorder le même délai à un candidat se présentant dans une circonscription où l'élection a lieu au scrutin majoritaire pour remplacer son suppléant ayant fait l'objet d'une décision de refus d'enregistrement ;
- de prévoir qu'en l'absence de décision du chef de la mission diplomatique ou du tribunal administratif dans les délais qui leur sont accordés pour statuer, la déclaration de candidature doit être enregistrée ;
- d'opérer des modifications d'ordre rédactionnel.
M. Christian Cointat, rapporteur, a indiqué que les élections au Conseil supérieur des Français de l'étranger, transformé en une Assemblée de Français de l'étranger, étaient enserrées dans des délais stricts justifiés par l'étendue des circonscriptions électorales, les difficultés de communication et le recours au vote par correspondance.
Il a estimé que l'allongement des délais accordés pour contester les refus d'enregistrement des déclarations de candidature ou compléter les listes de candidats risquait de nuire au bon déroulement des opérations préparatoires au scrutin. Il a expliqué que les chefs des postes diplomatiques et consulaires devaient, avant de les adresser aux électeurs, vérifier que les professions de foi des candidats ne risquaient pas de compromettre les relations de la France avec les Etats étrangers. Le délai de quatre-vingt seize heures lui paraissant excessif, il s'est déclaré prêt à accepter un délai de soixante-douze heures, sous réserve de l'accord du Gouvernement.
Estimant nécessaire de faire figurer dans la loi l'interdiction des cumuls de candidatures, M. Christian Cointat, rapporteur, n'a pas jugé opportun de supprimer la possibilité accordée à une liste de se compléter en cas de refus d'enregistrement motivé par l'inobservation de cette règle.
Il s'est interrogé sur la nécessité d'accorder un délai à un candidat se présentant dans une circonscription où l'élection a lieu au scrutin majoritaire pour remplacer son suppléant ayant fait l'objet d'une décision de refus d'enregistrement. Après avoir rappelé qu'une telle disposition n'était pas prévue pour les élections législatives et sénatoriales, où les candidats confrontés à cette situation doivent présenter une nouvelle déclaration de candidature, il a indiqué que son intérêt résidait dans l'octroi d'un délai supplémentaire pour effectuer la déclaration de candidature.
Sous réserve d'une rectification corrigeant une erreur de décompte d'alinéas, M. Christian Cointat, rapporteur, s'est déclaré favorable à l'obligation d'enregistrer les déclarations de candidature en l'absence de décision du chef de la mission diplomatique ou du tribunal administratif dans les délais requis, observant qu'une telle disposition était déjà prévue pour d'autres élections, par exemple les élections régionales.
Enfin, il a souligné que la rédaction de l'amendement méritait d'être précisée sur certains points.
M. Patrice Gélard, président, ayant souhaité connaître les conditions actuelles d'enregistrement des déclarations de candidature, M. Christian Cointat, rapporteur, a rappelé que l'article 5 des conclusions de la commission avait pour objet de combler un vide juridique, mis en lumière par un arrêt récent du Conseil d'Etat, en autorisant les chefs des missions diplomatiques, sous le contrôle du juge administratif, à refuser d'enregistrer les déclarations de candidature irrecevables.
Sous réserve d'une rectification prenant en compte les observations du rapporteur, la commission a décidé de s'en remettre à l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1.
Adoption par le Conseil d'un projet de décision-cadre relative à l'application du principe « non bis in idem » - Communication
Puis la commission a entendu une communication de M. Pierre Fauchon sur la proposition de résolution n° 79 rectifié (2003-2004) présentée par lui-même au nom de la délégation pour l'Union européenne, en application de l'article 73 bis du Règlement, sur l'initiative de la République hellénique concernant l'adoption par le Conseil d'un projet de décision-cadre relative à l'application du principe « non bis in idem ».
M. Pierre Fauchon, rapporteur, a tout d'abord rappelé que le principe « non bis in idem » était un principe ancien, interdisant qu'une personne puisse être poursuivie ou condamnée deux fois pour les mêmes faits. Il a souligné que ce principe était consacré dans de nombreux instruments internationaux, en particulier dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il a noté qu'au niveau de l'Union européenne, le principe « non bis in idem » était inscrit à l'article 54 de la Convention d'application de l'accord de Schengen, intégrée au droit de l'Union par le protocole au traité d'Amsterdam relatif à l'acquis de Schengen.
Le rapporteur a indiqué qu'en mars 2003 la présidence grecque de l'Union européenne avait présenté un projet de décision-cadre destiné à doter les Etats membres de l'Union européenne de règles communes pour l'application du principe « non bis in idem », afin de garantir l'uniformité de son interprétation et de son application pratique, et que la délégation pour l'Union européenne du Sénat avait adopté, en novembre 2003, une proposition de résolution sur cette proposition, renvoyée à la commission des lois.
Il a souligné que la présentation de cette proposition de décision-cadre avait conduit à un débat au sein du Conseil de l'Union européenne sur l'opportunité de définir des critères de compétence communs à l'ensemble des Etats membres en cas de concours de poursuites pénales pour les mêmes faits à l'encontre de la même personne dans plusieurs Etats (situation de litispendance). Il a précisé que la plupart des Etats membres avaient estimé que cette question devrait faire l'objet d'une proposition ultérieure.
M. Pierre Fauchon, rapporteur, a alors fait valoir que la principale difficulté soulevée par la proposition de décision-cadre concernait les exceptions au principe « non bis in idem » qui pourraient être invoquées par un Etat membre. Il a rappelé que la Convention d'application de l'accord de Schengen prévoyait la possibilité, pour un Etat, d'être délié du principe « non bis in idem », dans trois cas :
- lorsque les faits visés par le jugement étranger ont eu lieu, en tout ou partie, sur son territoire ;
- lorsque les faits visés par le jugement étranger constituent une infraction contre la sûreté de l'Etat ou d'autres intérêts également essentiels ;
- lorsque les faits visés par le jugement étranger ont été commis par un fonctionnaire, en violation des obligations de sa charge.
Le rapporteur a indiqué que le gouvernement français souhaitait que la décision-cadre prévoie la possibilité d'invoquer les mêmes exceptions que celles prévues par la Convention d'application de l'accord de Schengen et qu'il considérait que la disparition de la possibilité d'invoquer ces exceptions pourrait soulever des difficultés constitutionnelles au regard du respect de la souveraineté nationale. Il a alors observé que la proposition de résolution n° 79 rectifié adoptée par la délégation pour l'Union européenne demandait que les exceptions au principe « non bis in idem » soient les moins nombreuses possibles et que le gouvernement saisisse pour avis le Conseil d'Etat des éventuelles difficultés constitutionnelles qui pourraient résulter d'une renonciation aux exceptions prévues par la convention d'application de l'accord de Schengen.
M. Pierre Fauchon, rapporteur, a souligné que le gouvernement venait de saisir le Conseil d'Etat, conformément à la demande formulée par la délégation pour l'Union européenne du Sénat, et qu'il paraissait souhaitable, en conséquence, que la commission attende l'avis de cette juridiction avant de statuer sur la proposition de résolution.
M. Robert Badinter, tout en approuvant la proposition du rapporteur, a souligné l'importance que revêtirait la mise en oeuvre du principe « non bis in idem » dans l'Europe élargie, observant qu'elle soulèverait inévitablement la question de la qualité de la décision judiciaire rendue.
M. Pierre Fauchon, rapporteur, s'est en outre inquiété de l'enlisement du processus de création de l'espace judiciaire européen. Il a souligné que les propositions de la Convention chargée de proposer une Constitution pour l'Union européenne étaient restées modestes sur ce sujet et que la Commission européenne semblait avoir renoncé aux propositions de création d'un procureur européen et d'harmonisation des législations pénales qu'elle avait formulées dans le passé.
Proposition de règlement portant création d'une Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (E 2447) - Examen du rapport et des amendements
Puis la commission a examiné, sur le rapport de M. Alex Türk, la proposition de résolution n° 180 (2003-2004), présentée, en application de l'article 73 bis du Règlement, par M. Robert Del Picchia au nom de la Délégation pour l'Union européenne, sur la proposition de règlement portant création d'une Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (E 2447).
Le rapporteur a tout d'abord replacé cette proposition de résolution dans son contexte. Il a souligné que la proposition de règlement était la conséquence de la mise en place de l'espace Schengen et de l'élargissement à 25 pays. Il a également rappelé que de nombreuses initiatives visant à développer une gestion intégrée des frontières extérieures avaient été engagées, depuis le Conseil européen de Séville en juin 2002.
Il a ensuite indiqué que le projet de création d'une Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures était né de l'ensemble de ces initiatives. Il a estimé que cette agence devrait les coordonner et leur donner une cohérence qu'elles n'ont pas eue jusqu'à présent.
Il a distingué les six grandes missions de cette agence :
- coordonner les opérations conjointes ;
- améliorer la formation des gardes-frontières ;
- analyser les risques ;
- développer de nouvelles technologies de détection ;
- fournir une expertise aux Etats membres ;
- fournir un appui technique en matière d'éloignement aux fins d'organiser des vols groupés conjoints.
Il a toutefois précisé que l'Agence ne disposerait pas d'un monopole dans toutes ces matières, les Etats membres conservant leur liberté d'initiative et de participation.
A la suite de cette présentation, il a expliqué que les principales difficultés portaient sur l'organisation et la structure de cette agence communautaire indépendante. A cet égard, il a particulièrement mis en garde contre le risque de reproduire le précédent d'Europol.
Après avoir indiqué que la Commission européenne évaluait à trente personnes et un budget de neuf millions d'euros les besoins de l'Agence en régime normal, le rapporteur a douté du réalisme de ces chiffres au vu des auditions effectuées.
Concernant la proposition de résolution de la délégation pour l'Union européenne, il en a approuvé l'économie générale.
Il a ainsi appuyé la réserve exigeant que le Conseil fixe les orientations stratégiques de l'Agence et que son directeur exécutif soit responsable devant lui.
Sur la première partie de la réserve, il a néanmoins indiqué que le groupe de travail « Frontières » du Conseil, le 5 février dernier, avait modifié la proposition de règlement, en précisant, dans un considérant, que la conception de la politique et de la législation en matière de contrôle et de surveillance des frontières extérieures continue de relever de la responsabilité des institutions de l'Union européenne, en particulier du Conseil.
Le rapporteur a jugé que la réserve émise par la délégation pour l'Union européenne serait donc partiellement satisfaite si cette version venait à être adoptée. Sur la seconde partie de la réserve, il a souhaité préciser que le directeur exécutif devrait être nommé et révocable par le Conseil.
Il a ensuite approuvé la proposition de la délégation pour l'Union européenne consistant à créer une commission de contrôle comprenant des parlementaires nationaux, sur le modèle de ce que le Sénat a déjà préconisé pour Europol dans sa résolution n° 13 (2003-2004) du 25 novembre 2003 sur le projet de protocole modifiant la Convention Europol proposée par le Danemark.
Toujours en accord avec la proposition de la délégation pour l'Union européenne, il a appelé de ses voeux la poursuite des réflexions en vue de la création d'une police européenne des frontières composée de contingents nationaux, le cas échéant dans le cadre d'une coopération renforcée.
Le rapporteur a ensuite présenté ses propres recommandations.
Il a soutenu l'idée d'un bureau exécutif, telle que le groupe de travail « Frontières » du Conseil l'a proposée le 5 février 2004, composé de deux représentants de la Commission et de cinq membres nommés parmi les représentants au sein du conseil d'administration, qui superviserait la gestion quotidienne de l'Agence par le directeur exécutif et assisterait le conseil d'administration. Il a indiqué que l'expérience d'Europol démontrait qu'un conseil d'administration pléthorique ne parvenait pas à assumer, seul, sa mission de contrôle du directeur exécutif. Toutefois, le rapporteur a proposé que la Commission européenne ne dispose que d'un seul représentant au sein de ce bureau, la présence des deux représentants n'apparaissant pas utile dans une structure resserrée.
Enfin, il a souhaité que la future agence soit étroitement associée à l'évaluation Schengen, aussi appelée « Scheval». Il a observé que cette évaluation relevait jusqu'à présent du Conseil, et par conséquent des Etats membres, lesquels peuvent s'avérer juges et parties. Il a estimé que le contrôle de la bonne application des normes Schengen par les Etats membres tirerait bénéfice du regard extérieur apporté par l'Agence.
Le rapporteur a proposé à la commission d'approuver la proposition de résolution ainsi précisée et complétée.
M. Daniel Hoeffel, partageant les inquiétudes du rapporteur sur les résultats et le contrôle d'Europol, a demandé s'il était possible d'inclure, dans la proposition de résolution, des recommandations relatives à l'Office européen de police.
M. Alex Türk, rapporteur, a rappelé que la commission s'était déjà prononcée sur Europol, notamment lors de l'examen d'une proposition de résolution devenue la résolution du Sénat n° 13 (2003-2004) du 25 novembre 2003 sur le projet de protocole modifiant la Convention Europol à l'initiative du Danemark. Il a ajouté que la présente proposition de résolution tendait à prévenir une évolution de l'Agence similaire à celle d'Europol.
M. Robert Badinter a approuvé les propositions du rapporteur, après que celui-ci lui eut exposé les raisons de son opposition à la présence de deux représentants de la Commission européenne au sein du bureau exécutif.
Portant une appréciation générale sur la problématique du contrôle des frontières extérieures de l'Union européenne et le défi que représentait à cet égard l'élargissement à dix nouveaux Etats membres, M. Robert Badinter a mis en garde sur les conséquences, en matière de contrôle aux frontières, d'une adhésion future de la Turquie à l'Union.
M. Christian Cointat s'est tout d'abord interrogé sur les effets de l'absence de responsabilité du directeur exécutif vis-à-vis du conseil d'administration, la proposition de résolution demandant que le directeur exécutif soit directement responsable devant le Conseil des ministres. Il a craint que cela n'affaiblisse l'autorité nécessaire du conseil d'administration pour contrôler le directeur exécutif. Il a ensuite approuvé la proposition du rapporteur tendant à ce que la Commission européenne ne dispose que d'un seul représentant au sein du bureau exécutif.
M. Alex Türk, rapporteur, a concédé que l'équilibre institutionnel proposé n'était pas parfait, car il devait concilier l'autonomie de l'Agence et la nécessité de préserver les prérogatives du Conseil dans des domaines éminemment régaliens. Il a estimé que la solution que retiendra le Conseil serait, en tout état de cause, transitoire et appelée à évoluer.
Outre une amélioration rédactionnelle, M. Robert Badinter a proposé que le directeur exécutif de l'Agence soit révocable par le Conseil des ministres, comme le proposait le rapporteur, mais sur la proposition du conseil d'administration. A la suite de M. Christian Cointat, il a fait valoir l'utilité de préserver un lien entre le conseil d'administration et le directeur exécutif, afin de réintroduire une balance des pouvoirs.
Aucun amendement n'ayant été déposé et M. Alex Türk, rapporteur, ayant indiqué être d'accord avec les propositions de M. Robert Badinter, la commission a adopté la proposition de résolution dans le texte proposé par le rapporteur ainsi modifié.
Nomination d'un rapporteur
Enfin la commission a nommé M. Jean-Pierre Schosteck rapporteur du projet de loi n° 227 (2003-2004) de modernisation de la sécurité civile.