Table des matières
- Présidence de M. René Garrec, président.
Justice - Amnistie - Examen du rapport
Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Lucien Lanier sur le projet de loi n° 355 (2001-2002) portant amnistie, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence.
Après avoir évoqué les origines de l'amnistie et observé que chaque loi d'amnistie reflétait les préoccupations de la société à un moment déterminé, M. Lucien Lanier, rapporteur, a estimé que la finalité de l'amnistie était moins l'oubli, ou le pardon, que l'apaisement. Il a souligné qu'en la matière, le législateur devait définir un équilibre entre l'indulgence et la rigueur, entre la générosité et les exigences du civisme, cette générosité devant apparaître comme une chance offerte aux contrevenants, et non comme une incitation à récidiver, certaines infractions particulièrement graves ne pouvant échapper à la réprobation de la société.
M. Lucien Lanier, rapporteur, a observé que le projet de loi portant amnistie était le plus restrictif de tous ceux adoptés sous la cinquième République. Après avoir présenté les différentes formes d'amnistie, il a indiqué que le dispositif maintenait le quantum à trois mois pour les peines d'emprisonnement ferme ou accompagnées d'un sursis avec mise à l'épreuve ou d'un sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général, comme dans la loi de 1995, mais réduisait de neuf à six mois le quantum relatif aux peines d'emprisonnement avec application du sursis simple et que l'amnistie des condamnations à une peine d'emprisonnement avec sursis assortie de l'obligation d'effectuer un travail d'intérêt général était désormais subordonnée à l'exécution effective dudit travail d'intérêt général.
Le rapporteur a observé que le projet de loi se distinguait surtout des lois précédentes par le nombre considérable des cas d'exclusion du bénéfice de l'amnistie : quarante et un dans le projet de loi initial, contre vingt-huit dans la loi de 1995, porté à quarante-neuf par l'Assemblée nationale qui avait en particulier ajouté, à la liste, les délits de faux, les délits d'abus de biens sociaux et assimilés, certaines contraventions de stationnement, les atteintes à l'exercice du droit syndical et à la législation sur les conditions de travail ou encore les délits de blanchiment ou les atteintes aux droits des personnes résultant de la constitution ou de l'utilisation de fichiers informatisés.
Concernant les effets de l'amnistie, il a enfin précisé que, de manière novatrice, l'amnistie n'empêcherait plus le maintien dans un fichier de police judiciaire des mentions relatives à des infractions amnistiées.
M. Lucien Lanier, rapporteur, a enfin indiqué que les sommes insusceptibles d'être recouvrées du fait de l'amnistie étaient estimées par le Gouvernement à trois cents millions d'euros.
Constatant, comme le rapporteur, que le champ de l'amnistie défini par la loi tendait de plus en plus à se restreindre, M. Jean-Jacques Hyest a regretté que l'amnistie de fait prenne le relais, de nombreuses peines privatives de liberté restant non exécutées. Tout en reconnaissant que l'amnistie répondait à une tradition ancienne et permettait, pour les petites peines, d'offrir une chance de nouveau départ aux contrevenants, il a cependant estimé qu'en pénalisant doublement les personnes qui avaient acquitté le montant des amendes, elle n'encourageait guère au développement de la citoyenneté. Il s'est déclaré favorable à une amnistie au quantum assortie d'exclusions, à la portée très restreinte, les infractions au code de la route devant être exclues de son bénéfice. Il a enfin indiqué qu'il voterait pour le projet de loi.
Souscrivant aux propos de M. Jean-Jacques Hyest, M. Pierre Fauchon a estimé que les lois d'amnistie étaient de plus en plus illisibles et en contradiction avec leur objet même, c'est-à-dire l'oubli, du fait de la multiplication des cas d'exclusion, l'exercice confinant à l'absurde. Il a déclaré que l'amnistie était particulièrement choquante en matière d'infractions au code de la route et portait atteinte aux intérêts des collectivités locales, dans la mesure où elles percevaient le produit des amendes, produit utilisé pour le financement de la sécurité routière. Il a en outre objecté que l'amnistie ne correspondait pas à l'état de l'opinion publique actuel et était contradictoire avec l'objectif affiché d'impunité zéro. Il a indiqué qu'il ne prendrait pas part au vote.
Observant qu'on avait atteint les limites de l'exercice, M. Jean-Pierre Sueur a approuvé ce changement des mentalités. Souscrivant aux observations de M. Pierre Fauchon, il a souligné que, paradoxalement, le nombre de dispositions énumérant des cas d'exclusion du champ de l'amnistie était bien supérieur à celui des dispositions définissant son régime. Il a estimé nécessaire de mettre fin à ce rituel de l'amnistie présidentielle.
Considérant à son tour que l'amnistie présidentielle était vouée à disparaître, Mme Nicole Borvo a souligné la contradiction entre le vote d'une loi d'amnistie et l'affichage d'un objectif de tolérance zéro, contradiction aggravée par l'instauration du quinquennat conduisant, si la tradition perdurait, à une fréquence accrue des lois d'amnistie. Elle a observé que cette tradition républicaine, réputée généreuse, n'allait pas jusqu'à imposer la réintégration des salariés après des conflits sociaux.
Rappelant l'origine monarchiste de l'amnistie, époque à laquelle elle se caractérisait par la rareté, M. Patrice Gélard a observé que sa fréquence accrue sous la cinquième République avait conduit à sa dénaturation et aboutissait aujourd'hui à s'interroger sur sa remise en cause alors qu'en soi, l'apaisement social qu'elle procurait restait une justification légitime. Il a estimé l'amnistie votée par le Parlement plus démocratique que la grâce présidentielle.
M. Jean-Pierre Schosteck a considéré que les critiques formulées à l'encontre de l'amnistie ne portaient pas sur le principe d'une amnistie, mais résultaient de l'effet d'aubaine créé par l'annonce qui en était faite et son caractère systématique après chaque élection présidentielle, en particulier en matière d'infractions au code de la route.
M. Jean-Claude Frécon a estimé que l'amnistie préjudiciait aux efforts déployés par les élus locaux pour lutter contre les incivilités. Il a rappelé que l'Association des Maires de France, lors de son dernier congrès, s'était prononcée contre l'amnistie.
Après avoir souligné que l'amnistie était une tradition républicaine récente, M. Michel Dreyfus-Schmidt a dénoncé son caractère systématique sous la cinquième République. Il a considéré que la multiplication des exclusions vidait la loi de son sens et que, seule, valait l'amnistie au quantum, permettant de mesurer la gravité de l'infraction.
Exprimant son accord avec les orientations du projet de loi, M. Bernard Saugey a estimé que l'amnistie n'avait plus d'avenir.
Puis la commission a procédé à l'examen des articles et adopté dix-huit amendements proposés par le rapporteur.
A l'article 3 (champ d'application de l'amnistie de droit), elle a adopté un amendement de suppression du dernier alinéa fixant le régime de l'amnistie en cas d'infractions multiples pour le transférer dans un article additionnel après l'article 3 et en faire ainsi une disposition commune à l'ensemble de la section.
Outre un amendement de précision à l'article 4 (amnistie des délits punis d'une peine d'amende), elle a adopté à l'article 5 (amnistie des délits punis de certaines peines) un amendement rédactionnel ainsi que deux autres amendements ayant respectivement pour objet de combler une lacune du dispositif en évitant que la condition d'exécution du travail d'intérêt général puisse être contournée d'une part, et d'exclure de l'amnistie la peine d'interdiction de détenir ou de porter une arme pendant une durée de cinq ans au plus d'autre part.
A l'article 12 (contestations relatives à l'amnistie des sanctions disciplinaires ou professionnelles), la commission a adopté un amendement de suppression du dernier alinéa exigeant l'audition systématique de la victime.
A l'article 13 (Infractions exclues du bénéfice de l'amnistie), la commission a adopté, outre un amendement supprimant une référence inutile et un amendement regroupant des dispositions ayant des objets voisins, trois amendements tendant à élargir le champ des exclusions aux délits constitués par les atteintes à l'intégrité physique ou psychique des personnes particulièrement vulnérables, au délit constitué par l'administration de substances nuisibles à ces mêmes personnes et aux délits et contraventions réprimant la détention et le commerce de chiens dangereux. Sur ce même article, elle a également adopté un amendement pour inclure dans le périmètre des exclusions les abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse commis avant le 13 juin 2001.
Après avoir adopté un amendement de coordination à l'article 15 (neutralité de l'amnistie sur les autorisations administratives), la commission a adopté un amendement insérant un article additionnel après l'article 16 pour prévoir que l'amnistie resterait sans effet sur la procédure de dissolution civile de certaines personnes morales.
A l'article 20 (application de la loi à Mayotte), elle a adopté un amendement supprimant une mention sans portée normative et à l'article 21 (application de la loi aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie) deux amendements tendant, pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, à compléter la grille de lecture de l'article 13 énumérant les exclusions du bénéfice de l'amnistie.
La commission a adopté le projet de loi portant amnistie ainsi modifié.
Justice - Loi d'orientation et de programmation pour la justice - Audition de M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, et de M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice
Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé, lors d'une réunion commune avec la commission des finances, à l'audition de M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, et de M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice, sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a tout d'abord souligné que la justice était au coeur de l'action du Gouvernement pour rétablir l'autorité de l'Etat et garantir la sécurité des Français. Il a constaté que la justice était en proie au désarroi de professionnels surchargés et qu'elle devait faire face à la crise de confiance des citoyens dans la capacité de l'institution à assurer ses missions.
Le ministre a estimé que le changement ne pourrait être conduit que si un outil suffisamment puissant était mis en place et que si des moyens étaient déployés dans la durée, afin d'assurer la continuité de l'action. Il a observé que le projet de loi d'orientation et de programmation était sans précédent parce qu'il comprenait des moyens considérables et visait à un meilleur emploi de ces moyens pour des raisons d'efficacité et d'économie des dépenses publiques.
Evoquant les dispositions de programmation, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué que l'efficacité de la réponse à l'insécurité nécessitait une parfaite cohérence entre l'action de la police et de la gendarmerie, celle de la justice et celle des services éducatifs ou d'exécution des décisions de justice. Il a souligné que le projet de loi prévoyait qu'entre 2003 et 2007, le montant global des crédits affectés au ministère de la justice s'élèverait à 3,65 milliards d'euros en dépenses ordinaires et en capital et qu'une enveloppe de 1,75 milliard d'euros en autorisations de programme était prévue pour les investissements. Il a précisé que ces ressources s'ajouteraient à la reconduction annuelle des moyens prévus en 2002.
Le ministre a ensuite indiqué que 10.100 emplois seraient créés, dont 4.450 pour les services judiciaires, 480 pour les juridictions administratives, 3.740 pour l'administration pénitentiaire, 1.250 pour la protection judiciaire de la jeunesse et 180 pour l'administration centrale de la Chancellerie. Il a observé que ces créations d'emplois étaient supérieures au nombre d'emplois créés pendant la législature précédente. A propos des instruments, le ministre a souligné que le niveau des autorisations de programme mises en place, s'ajoutant aux engagements antérieurs, doublerait l'effort d'investissement du ministère. Il a fait valoir que 11.000 places de prison seront construites, dont 7.000 correspondant à une augmentation de capacité. Il a ajouté que des établissements spécialement réservés aux mineurs seraient créés.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a ensuite indiqué que l'Etat, grâce à des dispositions inscrites dans le projet de loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure, conclurait avec des partenaires privés des contrats de location avec option d'achat ou de crédit-bail. Il a noté que des opérations seraient réalisées en concertation avec les collectivités locales qui pourraient bénéficier d'attributions du fonds de compensation de la TVA. Il a enfin précisé que le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice contenait des dispositions destinées à redonner leur pleine efficacité aux dispositions de la loi de 1987 sur le service pénitentiaire, relatives aux marchés publics.
Abordant les dispositions de fond du projet de loi, le ministre a estimé que l'Etat de droit devait assurer aux citoyens une protection de leurs droits. Il a souligné que le projet de loi prévoyait à cet effet la création d'un juge de proximité, appelé à rendre des décisions juridictionnelles. Il a observé que ce juge devrait disposer de solides qualifications juridiques, mais ne serait pas un magistrat professionnel et a précisé que 3.300 juges devraient être recrutés dans les cinq prochaines années, représentant 330 équivalents temps plein. Il a enfin souligné que, compte tenu des avis émis sur le niveau de la norme juridique requis, le Gouvernement présenterait le 24 juillet en Conseil des ministres un projet de loi organique sur le statut du juge de proximité.
A propos de la compétence du juge de proximité, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué que sa compétence civile serait limitée aux demandes personnelles mobilières d'un montant inférieur à 1.500 €, relatives aux besoins de la vie non professionnelle. Il a noté qu'en matière pénale, la juridiction de proximité serait compétente pour certaines contraventions dont la liste serait fixée en Conseil d'Etat et qu'à l'égard des mineurs, elle ne serait compétente que pour les contraventions des quatre premières classes. Il a précisé que le juge de proximité pourrait également valider les mesures de composition pénale, compétence aujourd'hui dévolue au président du tribunal de grande instance.
A propos des juridictions administratives, le ministre a souligné la nécessité de réduire les délais de jugement. Il a annoncé que les effectifs seraient augmentés, que le recrutement complémentaire serait reconduit pour cinq ans et que des assistants de justice seraient recrutés.
Abordant les dispositions du projet de loi relatives à la procédure pénale, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a estimé qu'après de nombreuses réformes ayant abouti à une complexité croissante des règles applicables, il était indispensable de les simplifier et de les rééquilibrer. Il a indiqué que le projet de loi prévoyait en particulier :
- d'étendre le champ de la procédure de composition pénale au délit de recel, de créer une mesure de suivi d'un stage ou d'une formation professionnelle, enfin de permettre l'inscription des compositions pénales au casier judiciaire ;
- de modifier les règles relatives à la détention provisoire pour fixer à trois ans le seuil de peine encourue à partir duquel le placement en détention provisoire est possible, renforcer le rôle du procureur de la République en obligeant le juge d'instruction à motiver les ordonnances refusant de faire droit à une demande de placement en détention provisoire, prévoir la possibilité de prolongations exceptionnelles des durées maximales de détention provisoire, créer une procédure de référé-détention, enfin augmenter les délais dans lesquels il doit être statué sur une demande de mise en liberté au fur et à mesure qu'évolue la situation pénale de la personne concernée du fait des condamnations successives prononcées contre elle ;
- de modifier certaines dispositions relatives à l'instruction pour étendre le délit consistant, pour un témoin, à refuser de comparaître devant le juge d'instruction au refus de déférer à une convocation d'un officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire, élargir le champ d'application de la procédure du témoin anonyme, supprimer la possibilité, pour l'avocat, d'assister aux actes d'instruction qu'il a demandé au juge de conduire ;
- d'étendre le domaine de la comparution immédiate pour qu'elle puisse être appliquée aux délits punis d'une peine comprise entre six mois et dix ans d'emprisonnement tout en renforçant les droits de la défense ;
- d'étendre la compétence du juge unique aux délits de rébellion et aux délits pour lesquels une peine d'emprisonnement n'est pas encourue, à l'exception des délits de presse.
Le ministre a ensuite évoqué les dispositions relatives aux mineurs, en observant que le titre du rapport de la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs : « La République en quête de respect » avait justement situé le niveau du défi que posait cette délinquance à la société. Il a noté que la justice n'était pas seule concernée par la délinquance juvénile, la famille et l'école devant en particulier assurer une mission de punition. Il a souligné que le Gouvernement entendait combler les insuffisances du dispositif pénal actuel et a précisé que le projet de loi prévoyait :
- de réaffirmer le principe de la responsabilité pénale des mineurs dotés d'un discernement suffisant ;
- de diversifier la gamme des sanctions en créant des sanctions éducatives comprenant un contenu pédagogique, telles que l'interdiction de rencontrer la victime, la confiscation, l'obligation de suivre un stage de formation civique ;
- d'allonger la durée de la retenue judiciaire des mineurs de dix à treize ans ;
- d'assurer la possibilité de placer les mineurs de treize à dix-huit ans dans un centre éducatif fermé dans le cadre d'un contrôle judiciaire ou d'un sursis avec mise à l'épreuve pouvant être révoqué en cas de non-respect de la mesure ;
- de créer une procédure de jugement à délai rapproché permettant de juger rapidement des mineurs pour lesquels il existe déjà un dossier de personnalité.
Le ministre a ensuite indiqué que le Gouvernement entendait développer un dispositif de prise en charge renforcée des mineurs récidivistes, notamment en créant des établissements pénitentiaires spécialisés devant permettre à la direction de l'administration pénitentiaire et à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse de mettre en place une prise en charge adaptée à chaque mineur. Il a estimé que l'intervention éducative auprès des mineurs incarcérés devrait être systématique.
A propos des centres éducatifs fermés, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a précisé qu'ils auraient une vocation éducative et d'insertion professionnelle, qu'ils accueilleraient un petit nombre de jeunes multirécidivistes pendant quelques mois qui devraient suivre un programme intensif d'activités. Il a noté que le placement serait assorti d'une mesure de contrôle judiciaire ou de sursis avec mise à l'épreuve afin de prévenir les fugues, de telle sorte qu'il n'y aurait pas incarcération, mais contrainte juridique et morale.
Le ministre a indiqué que le Gouvernement entendait poursuivre le développement des mesures de réparation et des classes-relais et qu'il souhaitait réduire les délais de prise en charge des mesures de milieu ouvert par la protection judiciaire de la jeunesse.
A propos de la sécurité et du fonctionnement des établissements pénitentiaires, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a souligné que le projet de loi prévoyait plusieurs dispositions tendant à :
- permettre le brouillage des portables en prison, ces derniers pouvant servir à préparer des évasions, des règlements de compte ou des agressions ;
- créer des structures aménagées au sein d'établissements hospitaliers pour accueillir les détenus atteints de troubles mentaux ;
- développer le placement sous surveillance électronique en ouvrant cette possibilité dans le cadre du contrôle judiciaire et en recourant à des personnes de droit privé pour assurer certaines tâches ;
- introduire une plus grande fluidité dans la répartition des détenus dans les établissements pénitentiaires.
Evoquant enfin l'aide aux victimes, le ministre a constaté que celles-ci étaient mal informées et qu'elles se sentaient oubliées, parfois humiliées. Il a indiqué que le projet de loi s'inscrivait dans le cadre d'un plan d'action sur cinq ans destiné à assurer une meilleure prise en charge des victimes et reposant sur cinq piliers : la mise en place d'un accompagnement juridique immédiat ; la diffusion d'une information adaptée tout au long de la procédure ; l'affirmation d'une volonté plus forte dans l'indemnisation des victimes les plus fragilisées ; la recherche d'une réparation plus juste et plus transparente ; la création de dispositifs d'urgence pour faire face aux premiers besoins des victimes, la détermination de véritables plans d'actions en cas de catastrophes collectives.
Le ministre a souligné que le projet de loi prévoyait d'ores et déjà trois mesures :
- la possibilité, pour la victime, de demander, dès sa première audition par les services de police et de gendarmerie, la désignation d'un avocat d'office ;
- la possibilité, pour les victimes d'infractions les plus graves, de bénéficier de l'aide juridictionnelle sans conditions de ressources ;
- la création d'une procédure judiciaire d'enquête ou d'information pour rechercher les causes d'une disparition suspecte.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur au nom de la commission des lois, a constaté avec satisfaction que le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice reprenait certaines préconisations de la commission sénatoriale d'enquête sur la délinquance des mineurs et plusieurs propositions formulées par le Sénat lors de l'examen de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, puis lors de sa révision opérée par la loi du 4 mars 2002.
Qualifiant ce texte de bon projet, il a souhaité savoir :
- quelles étaient les mesures envisagées par le Gouvernement pour améliorer, dans la durée, la situation des victimes d'infractions, rappelant à cet égard les propositions du Sénat destinées à permettre l'enregistrement de leur déposition afin de leur éviter l'épreuve d'un nouveau témoignage en cas d'appel du jugement d'une cour d'assises ;
- quelles suites seraient données à la proposition de la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs de se montrer impitoyable envers les majeurs qui utilisent des mineurs pour commettre des infractions ;
- s'il ne pouvait être envisagé de permettre au contrôle judiciaire des mineurs de s'exercer dans d'autres centres que les centres éducatifs fermés.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, lui a répondu que les dispositions prévues par le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice en faveur des victimes seraient prolongées par d'autres mesures, pour la plupart de caractère réglementaire. Il a prôné le recours à l'expérimentation et annoncé la réactivation du service téléphonique permanent d'aide aux victimes (numéro azur). Il a également jugé nécessaire d'améliorer l'aide aux victimes par une clarification des règles d'indemnisation (peut-être en créant un barème) et d'expertise, mais également par une réforme du fonctionnement des fonds départementaux d'aide aux victimes. Enfin, s'agissant de l'appel des jugements des cours d'assises, il a indiqué, d'une part, que les victimes avaient actuellement le choix de se constituer partie civile, d'autre part, que le projet de loi prévoyait d'élargir les possibilités de témoignage anonyme. Admettant que l'obstacle majeur à l'enregistrement audiovisuel des dépositions tenait à l'absence d'équipement des salles, il s'est déclaré favorable à une expérimentation en vue d'une éventuelle généralisation.
Sans s'opposer à la création de nouvelles incriminations contre les majeurs utilisant des mineurs pour commettre des infractions, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué qu'il n'avait pas souhaité, en raison des délais très brefs d'examen du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice, alourdir, par des dispositions de fond, un texte comportant déjà, outre son volet financier, d'importantes réformes de procédure.
M. Pierre Fauchon, rapporteur au nom de la commission des lois des dispositions consacrées à la justice de proximité, a souligné l'intérêt porté par le Sénat à la création d'une justice de proximité, précisant que celle-ci revêtait une dimension à la fois géographique et surtout psychologique. Il a observé que les dispositions contenues dans le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice, proposant la création, à titre quelque peu expérimental, d'une juridiction de proximité juxtaposée au tribunal d'instance et compétente pour connaître des petits litiges, restaient en-deçà de certaines propositions de réforme plus radicale des tribunaux d'instance visant à permettre au juge d'instance d'encadrer une équipe de juges de paix non professionnels. Saluant toutefois le caractère pragmatique de cette démarche, il a formé le voeu qu'elle réussisse afin d'ouvrir la voie à une réforme de plus grande ampleur.
M. Pierre Fauchon a émis le souhait que le projet de loi organique relatif au statut des juges de proximité soit déposé avant l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice, afin d'éclairer les travaux de la commission et les débats en séance publique sur le rôle et les compétences de cette nouvelle juridiction.
Il a jugé nécessaire, en vue d'assurer l'implication des juges de proximité dans leurs fonctions, de leur permettre de les exercer au moins une journée par semaine, et pas seulement une journée tous les quinze jours.
Enfin, il a souhaité avoir communication de la liste des contraventions soumises au juge de proximité.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, lui a indiqué que le texte du projet de loi organique relatif au statut du juge de proximité serait transmis au Sénat dès que sa rédaction définitive serait arrêtée, peu après son examen par le Conseil d'Etat, de même que la liste des contraventions relevant de la compétence de cette nouvelle juridiction. Il a précisé que le choix du système de la vacation pour rémunérer les juges de proximité répondait à un objectif de souplesse et permettrait à ceux qui le souhaitent, notamment les jeunes retraités, de remplir leurs fonctions plus d'une journée tous les quinze jours. Il a toutefois marqué son attachement au recrutement de juges de proximité exerçant encore une activité professionnelle.
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, s'est félicité de l'élaboration, par le Gouvernement, d'une loi de programmation, indispensable pour accroître la visibilité de l'évolution des moyens de la justice. Il s'est inscrit en faux contre l'argument invoqué par Mme Elisabeth Guigou, lorsqu'elle était garde des sceaux, selon lequel la négociation, année après année, avec le ministère du budget, des crédits de la justice permettrait d'obtenir davantage de moyens. Il a dressé un bilan positif de la loi de programme pour la justice 1995-1999 adoptée à l'initiative de M. Pierre Méhaignerie, alors garde des sceaux, rappelant qu'elle répondait au souhait formulé dès 1991 par la commission sénatoriale de contrôle sur la justice présidée par M. Jean Arthuis et dont il était le rapporteur.
Après avoir souligné la nécessité d'un changement dans la culture administrative des juridictions et de l'administration centrale du ministère de la justice, M. Hubert Haenel s'est interrogé sur l'opportunité d'introduire dans le projet de loi un article additionnel permettant le recours à l'expérimentation.
M. Jean-Jacques Hyest a estimé que la jurisprudence du Conseil constitutionnel s'y opposait.
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, a rappelé que le Gouvernement envisageait de réformer la Constitution pour développer le recours à l'expérimentation locale.
Il a estimé que l'octroi de moyens supplémentaires à la justice devait s'accompagner d'un changement des méthodes de travail des magistrats et des juridictions, conformément aux recommandations de la mission d'information de la commission des lois sur l'évolution des métiers de la justice. Il a souhaité savoir s'il était prévu d'étendre les contrats de juridiction.
M. Hubert Haenel a demandé à M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice, de lui indiquer si un site avait enfin été trouvé pour accueillir le tribunal de grande instance de Paris.
Se félicitant de l'importance du montant des autorisations de programme figurant dans le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice, il s'est toutefois inquiété de la capacité du ministère à consommer ces crédits. Il a également appelé de ses voeux une révision du mode de recrutement et du statut des magistrats de l'administration centrale du ministère de la justice (MACJ).
Enfin, mettant en exergue la nécessité de renforcer les moyens de l'Ecole nationale de la magistrature pour lui permettre d'accueillir les nombreux magistrats supplémentaires, M. Hubert Haenel a appelé de ses voeux une réforme de la formation des magistrats.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, lui a répondu qu'après l'avoir envisagé, notamment s'agissant de la justice de proximité, il avait renoncé à prévoir dans le projet de loi le recours à des expérimentations dans les juridictions, en raison des risques d'inconstitutionnalité pour rupture du principe d'égalité. Il a ajouté que la disposition du projet de loi permettant au juge d'instance de statuer en l'absence de juge de proximité s'efforçait de répondre à cette exigence.
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, a précisé que, dans son esprit, l'expérimentation devait porter sur l'organisation des juridictions.
M. Dominique Perben s'est engagé à étudier cette proposition. Soulignant les progrès réalisés par son ministère en matière de consommation des crédits d'équipement et de fonctionnement, il a indiqué que la loi d'orientation et de programmation permettrait de planifier les opérations d'investissement, les recrutements et les réformes d'organisation.
Il s'est inquiété des difficultés de recrutement liées à l'évolution démographique de la France. Il a déclaré que des moyens importants seraient consacrés à la constitution d'équipes de collaborateurs de haut niveau autour des magistrats. Enfin, il a relevé les difficultés de recrutement de magistrats de l'administration centrale du ministère de la justice liées au caractère dissuasif du coût de la vie à Paris.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a annoncé, d'une part, la nomination prochaine d'un nouveau directeur de l'Ecole nationale de la magistrature, l'actuel directeur devant bientôt prendre sa retraite, d'autre part, la création d'un groupe de travail sur la réforme de la formation initiale et continue des magistrats. Il s'est déclaré attaché à préserver l'acquis d'un recrutement par concours des auditeurs de justice.
Enfin, M. Dominique Perben a souligné que les contrats de juridiction permettaient de responsabiliser les juridictions dans leur gestion et d'améliorer le dialogue social. Il a rappelé que les magistrats et les fonctionnaires des greffes étaient guettés par le découragement, mais conservaient la passion de leur métier.
M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice, a déclaré que le choix d'un emplacement pour le tribunal de grande instance de Paris constituait l'une de ses priorités et revêtait un caractère d'urgence à la fois fonctionnelle, pour permettre aux membres du tribunal de grande instance de travailler dans de bonnes conditions, et foncière, en raison de la diminution du nombre des terrains disponibles. Il a précisé qu'avant la fin de l'automne, l'alternative entre la restructuration d'un bâtiment existant ou la construction d'un nouvel immeuble serait tranchée, soulignant la différence de coût des deux options.
Après avoir remercié le garde des sceaux pour l'ensemble de ses observations, M. Michel Dreyfus-Schmidt s'est prononcé en faveur de la neutralisation des téléphones mobiles dans les établissements pénitentiaires. En revanche, il s'est ému du volume global de ce texte (43 articles au total), déplorant que le Gouvernement ait déclaré l'urgence, ce qui laissait ainsi peu de temps au Parlement pour travailler dans de bonnes conditions et suscitait une regrettable confusion entre vitesse et précipitation.
M. Michel Dreyfus-Schmidt a mis en avant l'impérieuse nécessité de doter la justice de moyens plus importants et, partant, de créer de nouveaux postes de magistrats. Il a rendu hommage au travail accompli par le précédent Gouvernement de M. Lionel Jospin, eu égard à l'effort consenti en faveur du budget de la justice, relevant d'ailleurs que le présent texte se bornait à poursuivre ce mouvement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt s'est interrogé sur l'opportunité de légiférer une nouvelle fois sur des dispositions relatives à la procédure pénale, alors même que le Sénat avait déjà consacré de nombreuses heures de discussion à la loi du 15 juin 2000, jugée trop contraignante, renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes. Il s'est notamment déclaré réservé sur les dispositions relatives à la détention provisoire, soulignant que la loi du 4 mars 2002 avait déjà permis un allègement de la loi du 15 juin 2000, notant au passage que certains dysfonctionnements en ce domaine étaient étrangers à son entrée en vigueur.
Il a relevé le paradoxe selon lequel certaines dispositions du projet de loi risquaient d'alourdir le travail du juge d'instruction, lequel serait désormais contraint de motiver l'ordonnance refusant de suivre les réquisitions tendant à saisir le juge des libertés et de la détention, alors même qu'était dénoncé le formalisme accru pesant sur les magistrats. Il a jugé que la création d'un référé-détention qui permettrait de maintenir en détention une personne remise en liberté en cas d'appel immédiat du parquet, marquait un recul très important au regard des libertés.
Après avoir noté avec satisfaction que certaines dispositions du texte s'étaient directement inspirées du travail, hautement apprécié, de la commission d'enquête du Sénat relative à la délinquance des mineurs, M. Michel Dreyfus-Schmidt a néanmoins porté un jugement plus réservé sur la démarche du Gouvernement limitée aux seules mesures de sanction, alors même que les parlementaires avaient mis en lumière la nécessité de mener une politique plus globale exigeant des mesures économiques et sociales complémentaires.
S'agissant de l'aide aux victimes, M. Michel Dreyfus-Schmidt a fait valoir les mérites du dispositif actuel d'indemnisation par l'Etat, regrettant qu'une amélioration de ce mécanisme en vue d'une indemnisation intégrale des victimes n'ait pas été envisagée, alors qu'elle constituait sans doute l'avancée la plus notable. Il s'est déclaré réservé sur la possibilité de permettre aux victimes de témoigner de manière anonyme, soulignant le danger d'une multiplication des faux témoignages.
Après avoir mis en exergue les mérites des anciennes justices de paix implantées dans chaque canton et supprimées par M. Michel Debré en 1958, il a souligné qu'une simple transposition de ce modèle à l'organisation judiciaire actuelle, qui impliquerait le recrutement de juges de paix suppléants appelés à soutenir le juge d'instance, eût été préférable à la création d'un nouvel échelon de proximité proposée par le présent projet de loi.
Après avoir rappelé qu'il avait récemment publié au nom de la commission des finances un rapport sur le travail dans les prisons, M. Paul Loridant s'est déclaré déçu du manque d'ambition du projet de loi sur cette question. Il s'est interrogé sur l'avenir du compte de commerce de la régie industrielle des établissements pénitentiaires, chargée de la mise en oeuvre du droit au travail des détenus, au regard des nouvelles règles relatives aux comptes du Trésor issues de la loi organique du 1er août 2001. Il a appelé de ses voeux la création d'un établissement public sui generis dédié au travail et à la formation professionnelle des détenus. Il a annoncé le dépôt de plusieurs amendements en ce sens au cours de la discussion du projet de loi.
Après s'être félicité de l'effort substantiel consenti par le Gouvernement en matière budgétaire, M. Jacques Oudin s'est interrogé sur l'articulation entre les nouvelles dispositions issues de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 et le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice. Il a en particulier souhaité savoir comment serait appréciée l'efficacité des moyens engagés par rapport aux objectifs retenus par le Gouvernement. Approuvant le principe d'une évaluation annuelle de la mise en oeuvre de la loi (article 6), il s'est inquiété de la création d'une instance extérieure aux services concernés, et en particulier de la répartition de ses compétences avec celles de la Cour des comptes.
M. Jacques Pelletier a fait valoir le travail remarquable accompli par les conciliateurs de justice et leur rôle essentiel en matière de règlement amiable des conflits sur le terrain. Relevant qu'ils bénéficiaient d'une formation de qualité, il a fait observer qu'ils constitueraient un excellent vivier pour le recrutement des futurs juges de proximité.
S'agissant de la justice de proximité, M. Michel Charasse s'est enquis de la dénomination retenue par la Chancellerie qui semblait avoir hésité entre l'expression « juge de paix » et « juge de proximité ». Il a mis en avant la nécessité de mettre en cohérence les compétences de l'autorité judiciaire avec l'étendue des prérogatives détenues par les parents découlant de l'exercice de l'autorité parentale, soulignant qu'en matière de contrôle judiciaire, l'absence de mise en oeuvre de certaines mesures était souvent imputable aux seuls parents, et non aux enfants. M. Michel Carrasse a par ailleurs suggéré de substituer le terme « appareil de télécommunications mobiles » à celui de « téléphone mobile », susceptible de disparaître rapidement.
M. Michel Carrasse a relevé le paradoxe selon lequel le Gouvernement avait manifesté l'intention louable de réduire les délais de jugement afin d'accélérer le traitement judiciaire, sans pour autant imposer au juge d'instruction une exigence analogue. Il a souscrit à l'objectif du Gouvernement tendant à supprimer la présence des magistrats judiciaires au sein de certaines commissions administratives, jugeant opportun d'éviter un mélange des genres. Il s'est insurgé contre la politique de la Chancellerie tendant à confier à des magistrats des fonctions de gestion, par exemple en matière immobilière.
M. Michel Carrasse a évoqué le problème récurrent de la formation des magistrats judiciaires, mettant en avant la nécessité qu'ils effectuent des stages analogues à ceux prévus par l'Ecole nationale d'administration (en préfecture ou dans les mairies) afin de permettre une ouverture sur l'extérieur. Il a par ailleurs dénoncé la répartition déséquilibrée des officiers de police judiciaire affectés aux enquêtes conduites par les magistrats. Il s'est prononcé en faveur de la création d'un organe spécifique afin de remédier à cette situation.
S'agissant de l'aide aux victimes, il a regretté que ces dernières ne disposent pas de la faculté de récuser les jurés et de faire appel. Il a attiré l'attention du garde des sceaux sur la manne financière susceptible de résulter de l'amélioration du recouvrement des amendes pénales.
M. Jean-Jacques Hyest a expliqué que la mission d'information de la commission des lois sur l'évolution des métiers de la justice s'était efforcée de publier ses travaux rapidement, afin qu'ils puissent être pris en compte pour l'élaboration du projet de loi de programmation et d'orientation pour la justice. Il a fait état des nombreuses recommandations de la mission, notamment en matière de formation des magistrats, ou encore de renforcement du statut des assistants de justice. Il a néanmoins souligné la nécessité d'éviter la création d'un nouveau corps, compte tenu des réticences exprimées par l'ensemble des personnels des greffes. Il a constaté qu'aucune amélioration de la consommation des crédits d'investissement n'était intervenue dans le cadre du dernier programme de construction des prisons. Il a indiqué que la création d'une agence pour la maîtrise d'ouvrage et la nomination d'un secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice permettraient d'accomplir quelques progrès.
S'agissant du volet pénitentiaire, M. Jean-Jacques Hyest a rappelé que la commission d'enquête sur les prisons, qu'il avait présidée, avait formulé de nombreuses propositions de nature législative et réglementaire. Il a fait remarquer que la construction de nouveaux établissements pénitentiaires ne saurait tenir lieu de politique globale et que des efforts méritaient d'être fournis dans les domaines du travail et de la santé. Il s'est déclaré sensible à la démarche du Gouvernement tendant à offrir aux détenus atteints de troubles mentaux un traitement plus humain.
M. Jean-Jacques Hyest s'est prononcé en faveur du maintien de la spécialisation du juge des enfants, indispensable pour que les mineurs puissent bénéficier d'un traitement judiciaire spécifique en matière de détention.
Mme Nicole Borvo a jugé inadmissible qu'un projet de loi modifiant en profondeur l'organisation judiciaire soit examiné par le Parlement dans des délais aussi brefs, voyant dans l'opposition de nombre d'organisations syndicales le signe d'un manque de concertation. Elle a regretté que ce texte s'écarte des propositions formulées dans plusieurs rapports parlementaires, élaborés par les commissions d'enquête du Sénat et de l'Assemblée nationale sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires, la commission d'enquête sénatoriale sur la délinquance des mineurs, la mission d'information de la commission des lois du Sénat sur l'évolution des métiers de la justice, et M. Paul Loridant, au nom de la commission des finances du Sénat, sur le travail en prison.
Soulignant l'exigence d'un juge indépendant et impartial, elle a relevé la difficulté d'examiner les dispositions relatives aux compétences des juges de proximité sans avoir débattu au préalable de celles précisant leur statut, et rappelé que celles-ci avaient dû être disjointes du projet de loi de programmation et d'orientation à la demande du Conseil d'Etat, en raison de la nécessité de les faire figurer dans une loi organique.
Mme Nicole Borvo s'est étonnée du motif invoqué par le garde des sceaux pour refuser de renforcer les sanctions contre les majeurs qui utilisent des mineurs pour commettre des infractions (ne pas inclure des dispositions de fond dans un texte de programmation et de procédure), alors que le volet du projet de loi consacré à la délinquance des mineurs constituait une mise en cause profonde des principes essentiels de la justice des mineurs, en particulier la distinction, d'une part, entre l'enfance en danger et l'enfance délinquante, d'autre part, entre l'éducation et la sanction. Elle a ainsi dénoncé les ambiguïtés entourant la création des centres éducatifs fermés et les dispositions répressives prévues par le projet de loi à l'encontre des mineurs de 13 ans.
S'agissant des conditions de détention dans les prisons, elle s'est opposée à la fusion des centres de détention régionaux, des centres de détention nationaux et des maisons centrales au sein d'une seule catégorie (les établissements pour peine) et à la suppression des dispositions de l'article 717 du code de procédure pénale prévoyant la répartition des condamnés dans l'une de ces trois catégories d'établissement en fonction du quantum ou du reliquat de la peine.
Elle a critiqué les dispositions modifiant la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.
Tout en approuvant les mesures destinées à améliorer l'indemnisation et l'assistance des victimes, elle s'est déclarée préoccupée par un risque d'évolution vers une procédure accusatoire, contraire aux principes actuels du droit français.
Enfin, Mme Nicole Borvo a estimé que l'augmentation des moyens de la justice prévue par le projet de loi d'orientation et de programmation poursuivait l'effort entrepris sous la précédente législature, mais marquait un changement de philosophie puisqu'elle était destinée à financer la création de nouvelles places de prison.
M. José Balarello a souhaité que l'intégration des avocats dans la magistrature soit facilitée. Il s'est déclaré partisan du maintien du juge d'instruction sous réserve de garantir son indépendance à l'égard des magistrats du parquet. Il a souligné la nécessité de prévoir, lors de la formation des auditeurs de justice, des stages en préfecture, en entreprise et en cabinet d'avocat, prônant également le développement de formations communes aux avocats et aux magistrats afin de combler le fossé de plus en plus large qui les séparait.
M. José Balarello a dénoncé l'erreur considérable ayant conduit à la suppression de la justice de paix. Il a souligné la qualité et le faible coût de la justice rendue autrefois par les juges de paix et leurs suppléants, généralement des avocats ou des hauts fonctionnaires à la retraite. Estimant qu'il fallait réinventer ce qui avait été supprimé à tort, il a souligné la nécessité de rattacher les juges de proximité au tribunal d'instance et a mis en garde contre les difficultés que pourrait engendrer l'application des dispositions de l'article 7 du projet de loi autorisant le renvoi des affaires soumises au juge de proximité devant le tribunal d'instance.
M. Christian Cointat a estimé que le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice prenait en compte les aspirations des citoyens. Il s'est toutefois interrogé sur le point de savoir si les justiciables ne seraient pas désorientés par la création d'un seuil de compétence du juge de proximité, fixé à 1.500 euros en matière civile, différent du seuil actuel de 3.800 euros permettant au juge d'instance de trancher en premier et en dernier ressort les conflits, alors qu'ils éprouvaient déjà des difficultés à appréhender la répartition des compétences entre les tribunaux de grande instance et les tribunaux d'instance. Il a rappelé que la mission d'information de la commission sur l'évolution des métiers de la justice, dont il était le rapporteur, avait dressé le constat d'une justice trop complexe, trop lointaine, trop lente aux yeux des citoyens et proposé d'instituer des juges de paix délégués, magistrats non professionnels, placés sous le contrôle du juge d'instance.
Enfin, M. Christian Cointat a souhaité connaître les intentions du Gouvernement sur la question de la responsabilité des magistrats, estimant que celle-ci constituait le corollaire indispensable de leur indépendance.
Mme Michèle André a indiqué que les travaux de la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs avaient mis en lumière le fonctionnement trop centralisé et la crise d'identité des services de la protection judiciaire de la jeunesse. Après avoir souligné les difficultés des centres de placement immédiat, elle a souhaité obtenir des explications, d'une part, sur l'articulation entre les actuels centres éducatifs renforcés et les futurs centres éducatifs fermés, d'autre part, sur le recrutement de personnels qualifiés pour encadrer les mineurs.
M. Laurent Béteille a considéré que le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice correspondait aux préconisations de la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs. Il a souhaité connaître le rôle assigné aux futurs centres éducatifs fermés et leur articulation avec les centres éducatifs renforcés, s'interrogeant sur le bien-fondé du maintien de deux structures différentes. Rappelant les dysfonctionnements mis en lumière par la Cour des comptes, il s'est également interrogé sur l'avenir des centres de placement immédiat.
Enfin, M. Laurent Béteille s'est enquis des mesures envisagées pour traiter la question des multiples demandes de mise en liberté formulées par les détenus à seule fin de pouvoir comparaître devant le juge et, ainsi, de quitter pour quelques heures leur établissement pénitentiaire, soulignant que les demandes avaient pour effet de distraire inutilement de leurs missions les forces de police et de gendarmerie mobilisées pour les escorter.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a salué l'ambition du projet de loi d'orientation et de programmation, mais s'est déclaré sceptique sur la capacité du ministère de la justice de consommer les crédits, multipliés par deux en matière d'investissement, qui lui seront alloués. S'agissant de l'évaluation de la mise en oeuvre de la loi de programmation, prévue par l'article 6 du projet de loi, il s'est interrogé sur la composition de l'instance extérieure chargée de cette tâche et a proposé de reprendre le dispositif d'évaluation prévu par l'article 51 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Enfin, il a souhaité savoir si le Gouvernement envisageait de définir plus précisément la répartition des compétences entre les services étatiques de la protection judiciaire de la jeunesse et les services des conseils généraux chargés de l'aide sociale à l'enfance, ou même de mettre fin à cette dualité en créant un bloc unique de compétence.
En réponse à l'ensemble des intervenants, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a précisé que la dominante pénale du projet de loi, qui ne comptait que huit articles de procédure pénale, devait être relativisée.
Sur la situation des établissements pénitentiaires, il a indiqué que l'évolution de la population carcérale actuelle résultait de la conjugaison de trois facteurs liés à la politique menée par le précédent Gouvernement, à l'entrée en vigueur de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, enfin aux décisions rendues par les magistrats. Il a admis les difficultés actuelles des établissements pénitentiaires, souvent en mauvais état et incapables d'offrir du travail à tous les détenus. Il s'est défendu d'avoir une approche limitée au « tout carcéral », mais a fait part de sa vision humaniste en la matière.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a expliqué que la construction de nouveaux établissements pénitentiaires se justifiait précisément par les conditions inacceptables dans lesquelles se trouvaient les détenus. Il s'est par ailleurs déclaré convaincu de la nécessité d'une pérennisation du dispositif actuel relatif au témoignage anonyme, ajoutant qu'il correspondait à un véritable besoin des justiciables.
Il a apporté quelques précisions relatives à la justice des mineurs en indiquant que l'emprisonnement des mineurs âgés de dix ans n'était pas envisagé par le projet de loi, d'une part, et qu'à partir de treize ans, cette mesure demeurait strictement encadrée compte tenu du champ d'application limité aux mineurs multirécidivistes et de l'intervention obligatoire d'un magistrat.
M. Dominique Perben a souhaité lever toute ambiguïté sur la définition des centres éducatifs fermés en affirmant leur vocation éducative, contrairement à certains systèmes étrangers « mixtes », mêlant sanction et éducation. Il a expliqué qu'il reviendrait à des éducateurs de les faire fonctionner avec des possibilités de prendre des sanctions fortes à l'encontre des mineurs les plus violents.
Il a fait valoir que ces propositions étaient indissociables et complémentaires de la mise en place d'établissements pénitentiaires spécialisés pour les mineurs. Il s'est engagé à légiférer en ce sens dans les années à venir. Il a fait état de visites effectuées récemment, en Belgique et en Grande-Bretagne, dans des établissements spécialisés qui s'apparentaient à de véritables prisons pour mineurs, notant l'existence de philosophies différentes en ce domaine.
Il a indiqué que le débat restait ouvert et que sa réflexion pouvait encore évoluer. Soucieux d'éviter les inconvénients de la prison et notamment l'oisiveté susceptible d'en résulter, il a marqué sa préférence pour la création d'établissements spécialisés permettant un travail éducatif. Il a indiqué qu'un système analogue avait été mis en place en Italie, qui semblait fonctionner de manière satisfaisante. Il a témoigné de son attachement au thème de la délinquance des mineurs, rappelant que ce volet était au coeur du projet de loi.
S'agissant du référé-détention, il a indiqué qu'il était ouvert au débat, notant néanmoins les avantages de cette procédure qui permettait d'éviter des déconvenues face à des libérations intempestives.
Abordant le thème de la justice de proximité, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a souscrit aux propos de M. Jacques Pelletier selon lesquels les conciliateurs de justice offraient un vivier approprié pour le recrutement des futurs juges de proximité.
Sur la dénomination des futurs juges de proximité, il a fait valoir la pertinence du terme choisi, préférable à l'appellation « juge de paix », après avoir considéré l'expression plus compréhensible pour les citoyens et plus conforme à la volonté du Gouvernement d'engager une nouvelle étape en matière d'organisation judiciaire.
Il a indiqué à M. Michel Charasse qu'il appartenait précisément à l'autorité judiciaire d'aménager les relations parents-enfants.
Souscrivant à la remarque judicieuse de M. José Balarello, il a mis l'accent sur l'articulation nécessaire entre le juge de proximité et le juge d'instance, ajoutant que ce dernier serait conduit à apporter un soutien précieux au fonctionnement de la justice de proximité.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, n'a pas souscrit au raisonnement de Mme Nicole Borvo selon lequel la mise en place d'une juridiction de proximité ne pouvait intervenir avant la définition du statut du juge de proximité, ajoutant que ces deux démarches étaient parfaitement compatibles avec le calendrier proposé.
Revenant sur la situation des établissements pénitentiaires, il a souligné que la création de 11.000 places traduisait la volonté du Gouvernement d'apporter une réponse diversifiée aux problèmes posés qui ne saurait être limitée au « tout répressif ». Il a ajouté que l'augmentation de 25 % des effectifs de la protection judiciaire de la jeunesse proposée par le projet de loi démontrait la volonté du Gouvernement de ne pas tourner le dos aux missions éducatives.
Il a jugé intéressante l'idée de M. José Balarello selon laquelle des passerelles devraient être créées afin de faciliter l'intégration des assistants de justice dans la magistrature. Il a reconnu que de nombreuses questions se posaient sur la formation des magistrats et qu'un allongement des stages, de même qu'un développement des formations croisées s'avéraient nécessaires. Il a souscrit aux propos de M. Jean-Jacques Hyest au sujet des assistants de justice, confirmant que la création d'un nouveau corps serait inopportune et susciterait inévitablement des réticences au sein des greffes. A cet égard, il a fait état des difficultés relationnelles entre la Chancellerie et les fonctionnaires des greffes en raison des promesses de revalorisation statutaire du précédent Gouvernement non tenues et de la rupture du dialogue social qui en avait résulté.
Il a souscrit à la proposition de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice tendant à rationaliser les compétences entre le juge des enfants et le juge de l'application des peines, regrettant au passage que le calendrier législatif n'ait pu permettre la prise en compte dans la loi de programmation et d'orientation pour la justice de l'ensemble des préconisations formulées. Il s'est néanmoins engagé à creuser certaines pistes de réflexion abordées dans le rapport.
Revenant sur la création d'un juge de proximité, il a précisé que sa compétence à l'égard des mineurs se limitait aux contraventions des quatre premières classes relevant actuellement du tribunal de police. Il a donc conclu que le projet de loi n'amputait pas les attributions du juge des enfants et n'engendrait aucune « déspécialisation ».
En réponse à M. Christian Cointat qui s'interrogeait sur les intentions du Gouvernement concernant la responsabilité des magistrats, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a expliqué qu'il n'avait pas souhaité aborder cette question complexe au cours de la session extraordinaire de juillet.
Revenant sur la question des centres éducatifs fermés, il a indiqué que la discussion restait ouverte et ne saurait se réduire à un unique dialogue entre la Chancellerie et les représentants des professionnels intéressés, mais au contraire pourrait s'enrichir à l'occasion des débats parlementaires.
Revenant sur la situation de la protection judiciaire de la jeunesse, il a annoncé son intention d'ouvrir une discussion avec les services concernés et de faire le point avec l'Association des départements de France.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a marqué la volonté d'accélérer la consommation des crédits immobiliers et a rappelé que la mise en place d'un secrétariat d'Etat spécialement dédié à cette tâche représentait un réel progrès, notant au passage l'ampleur du défi compte tenu du fait que le ministère de la justice était le premier constructeur de l'Etat.