Travaux de la commission des lois



- Présidence de M. Jacques Larché, président.

Territoire d'outre-mer - Polynésie et Nouvelle-Calédonie- audition de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer

La commission a procédé à l'audition de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

M. Jacques Larché, président, a indiqué que la délégation de la commission des lois partie sous sa présidence pour douze jours en mission en Guyane et aux Antilles au mois de septembre, avait participé à quarante-quatre réunions de travail, qui lui avaient permis de rencontrer environ deux cent quatre vingts personnes.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a tout d'abord présenté l'économie du projet de loi constitutionnelle relative à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie adopté en première lecture à l'Assemblée nationale. Sur l'article premier relatif à la définition du corps électoral admis à participer aux élections aux assemblées de province et au congrès de la Nouvelle-Calédonie, il a rappelé que la loi organique du 19 mars 1999 s'était attelée à traduire en termes juridiques l'accord de Nouméa approuvé à une large majorité lors de la consultation du 8 novembre 1998 et dont le paragraphe 2.2.1. visait trois catégories d'électeurs pour ces élections locales. Après avoir indiqué que la définition de deux de ces trois catégories faisait référence à la notion de tableau annexe, notion susceptible d'interprétations divergentes pour désigner soit le tableau arrêté en 1998, soit le tableau s'enrichissant au fil du temps des personnes entrant en Nouvelle-Calédonie, même après 1998, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a déclaré que seule la première interprétation réservant aux personnes installées en Nouvelle-Calédonie avant la consultation de 1998 la possibilité d'accéder à la qualité d'électeur correspondait à l'intention des signataires de l'accord de Nouméa. Il a observé qu'à la date de signature de cet accord, soit le 5 mai 1998, la référence au tableau annexe ne pouvait concerner que le document existant alors et que les rapports de l'Assemblée nationale et du Sénat étaient sans ambiguïté sur ce point. Ayant rappelé que la décision du Conseil constitutionnel du 15 mars 1999 concluait, au contraire, à l'intégration dans le corps électoral restreint de toute personne justifiant de dix ans de résidence en Nouvelle-Calédonie, quelle que soit la date de son arrivée, il a indiqué que le Gouvernement avait souhaité clarifier la situation, en complétant l'article 77 de la Constitution, conformément aux engagements pris lors de la mise en place des nouvelles institutions calédoniennes tendant au respect de la lettre et de l'esprit de l'accord de Nouméa.

Après avoir indiqué que les premiers transferts de compétence interviendraient au 1er janvier 2000, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'État à l'outre-mer, a souhaité que l'esprit de responsabilité et de partage qui avait prévalu au cours de l'élaboration de l'accord de Nouméa soit pérennisé pour l'application de cet accord.

Présentant la deuxième partie du projet de loi constitutionnelle consacré à la Nouvelle-Calédonie, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a rappelé que la notion d'autonomie était au coeur de l'évolution statutaire polynésienne, en particulier depuis 1984, un point d'aboutissement ayant été atteint avec le statut du 12 avril 1996. Il a estimé que le moment était venu de franchir une nouvelle étape dans l'affirmation de l'identité et de l'autonomie de la Polynésie française et a indiqué que le texte du projet de loi constitutionnelle avait été élaboré en étroite concertation avec les autorités locales et avait recueilli l'avis favorable de l'assemblée de la Polynésie française. Il a observé que le nouvel article 78 introduit dans la Constitution consacrait tout à la fois l'autonomie gouvernementale de la Polynésie française et le maintien de son rattachement à la République française. Après avoir rappelé que la Polynésie française, cessant d'appartenir à la catégorie des territoires d'outre-mer, deviendrait un pays d'outre-mer, il a précisé que la loi organique organiserait les transferts de compétence - certaines matières, de nature régalienne, devant continuer à relever de l'Etat, sous réserve, toutefois, des attributions déjà dévolues à la Polynésie française. Il a souligné qu'en dépit de l'absence de mention du caractère irréversible des transferts de compétence à l'article 78, les transferts effectués ne pourraient être remis en cause, une loi du pays pouvant revenir sur un éventuel empiètement résultant d'une loi nationale. Puis il a rappelé les autres questions relevant de la loi organique : les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions et, en particulier, la définition des actes qui, constituant des lois du pays, auront valeur législative et pourront être soumis avant leur publication au contrôle du Conseil constitutionnel ; les compétences du délégué du Gouvernement ; la définition de la citoyenneté polynésienne et de ses conséquences sur l'accès à l'emploi et l'accession à la propriété foncière ; les conditions dans lesquelles la Polynésie française pourra de sa propre initiative négocier, dans son domaine de compétence, des accords internationaux avec les Etats du Pacifique, être membre d'organisations internationales et disposer d'une représentation auprès de ces Etats.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a souligné qu'à la différence de la citoyenneté calédonienne, la reconnaissance d'une citoyenneté polynésienne n'aurait aucune incidence en matière électorale et que, destinées principalement à préserver l'emploi local, les mesures prises sur son fondement devraient être justifiées au cas par cas et la durée de résidence exigée rester raisonnable, la durée de cinq ans prévue à l'article 12 de la loi organique du 12 avril 1996 pour l'accession aux fonctions de membre du gouvernement pouvant être retenue comme référence. Il s'est par ailleurs félicité des nouvelles possibilités offertes à la Polynésie française en matière de relations internationales, de nature à lui permettre de s'intégrer encore davantage dans son environnement régional, et a observé que l'ensemble formé par les collectivités françaises du Pacifique contribuait activement au rayonnement de la France dans cette zone dominée par la culture anglo-saxonne.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, s'est enfin félicité que des solutions originales, évitant des ruptures dommageables, aient pu être imaginées pour favoriser une évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française respectant leurs spécificités.

Après avoir regretté que le projet de loi constitutionnelle porte à la fois sur la Nouvelle-Calédonie et sur la Polynésie française, alors qu'il était initialement consacré à la définition du nouveau statut constitutionnel de la seule Polynésie, M. Lucien Lanier, rapporteur, a souhaité connaître le calendrier d'examen du projet de loi organique devant mettre en oeuvre la réforme constitutionnelle. Il s'est interrogé sur la possibilité, pour le Gouvernement, de s'engager à remettre en cause le système du corps électoral restreint en Nouvelle-Calédonie à l'expiration de la période transitoire de quinze à vingt ans et a souhaité que le ministre confirme le caractère irréversible des transferts de compétence consentis à la Polynésie française en dépit de l'absence de mention expresse sur ce point dans la rédaction proposée pour l'article 78 de la Constitution. Il s'est enfin inquiété de la dénomination statutaire qui serait réservée au délégué du Gouvernement en Polynésie française.

Après avoir estimé cohérent de joindre des dispositions concernant respectivement la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française dans un même projet de loi constitutionnelle alors que l'évolution statutaire polynésienne avait été annoncée dès l'examen de la réforme constitutionnelle relative à la Nouvelle-Calédonie, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a observé que la réforme constitutionnelle consacrée à la Polynésie française avait offert l'occasion de lever l'ambiguïté relative à la définition du corps électoral admis à participer aux élections aux assemblées de province et au congrès de la Nouvelle-Calédonie. Il a indiqué que le projet de loi organique fixant le nouveau statut de la Polynésie française serait déposé, après son élaboration en concertation avec les autorités locales, dès que la modification de la Constitution serait définitivement adoptée, l'examen du projet de loi organique relative aux communes polynésiennes déposé à l'automne 1997 devant suivre immédiatement.

Concernant la définition du corps électoral restreint et son éventuelle remise en cause au terme de la période transitoire, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a considéré que nul ne pouvait dire aujourd'hui le sort qui lui serait réservé, ce sort étant étroitement lié à l'issue qui serait choisie par les Calédoniens. Après avoir souligné que les perspectives d'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française obéissaient à des logiques différentes et avoir rappelé que l'accord de Nouméa prévoyait expressément l'irréversibilité des transferts de compétence, il a estimé qu'en dépit de l'absence de mention spécifique dans la Constitution les transferts opérés au bénéfice de la Polynésie française ne pourraient être remis en cause.

M. Guy Allouche s'est félicité que des avancées statutaires soient imaginées en faveur de l'outre-mer avant que des réformes ne s'imposent pour gérer des situations d'urgence. Après avoir estimé que l'article premier du projet de loi constitutionnelle permettait de résoudre une difficulté d'interprétation en assurant le respect de l'accord de Nouméa, il a rappelé que la définition ainsi proposée coïncidait avec celle explicitée dans le rapport établi au nom de la commission des lois pour l'examen de la récente loi statutaire relative à la Nouvelle-Calédonie. M. Guy Allouche s'est par ailleurs interrogé sur le point de savoir si un bilan avait été dressé du fonctionnement des institutions polynésiennes résultant du statut de 1996 et s'est inquiété de la capacité de la Polynésie française à assumer les nouveaux transferts de compétence envisagés.

M. Jacques Larché, président, a souligné le manque de dynamisme de l'énumération de restrictions figurant dans la rédaction de l'article 4 du projet de loi constitutionnelle, s'inquiétant en particulier des limitations de la capacité d'initiative de la Polynésie française dans le domaine des relations internationales.

M. Patrice Gélard a estimé malvenu de consacrer dans la Constitution les notions d'autonomie, inspirée du droit anglo-saxon, et de pays d'outre-mer. Il a considéré que les liens unissant désormais la Polynésie française à la France seraient en réalité de nature fédérale et qu'il eût été préférable de les qualifier ainsi. Il a en outre observé que la définition du corps électoral restreint résultant de l'article premier ne pouvait se justifier que si l'on admettait sa caducité au terme de la période transitoire de quinze à vingt ans.

M. Michel Duffour, après avoir estimé que l'article premier du projet de loi constitutionnelle permettait de garantir le respect de l'accord de Nouméa, s'est interrogé sur la situation politique en Nouvelle-Calédonie, depuis l'installation des institutions à la mi-juin.

M. Gaston Flosse a réfuté la qualification d'Etat fédéral, en soulignant que la Polynésie française se situait dans une logique d'autonomie, pas d'indépendance. Il a par ailleurs confirmé que la Polynésie française était parvenue à un degré de maturité institutionnelle lui permettant d'envisager de nouveaux transferts de compétence.

Après avoir confirmé que la définition du corps électoral admis à participer aux élections aux assemblées de province et au congrès résultant de l'article premier du projet de loi constitutionnelle correspondait à celle figurant dans le rapport du Sénat sur la loi statutaire calédonienne, M. Jean-Jacques Hyest a estimé nécessaire la clarification proposée, s'agissant d'un aspect essentiel de l'accord de Nouméa.

M. Jacques Larché, président, considérant que l'outre-mer avait besoin d'un changement qui ouvre une période de stabilité, a observé que le dispositif proposé par l'article 4 du projet de loi constitutionnelle pour la Polynésie française n'était pas suffisamment audacieux eu égard à l'éloignement et à la spécificité de cette collectivité et risquait dès lors de devoir être reconsidéré dans un proche avenir. Il s'est en particulier interrogé sur les raisons justifiant l'interdiction faite à la Polynésie française de signer les accords internationaux négociés par elle dans son domaine de compétence avec les Etats du Pacifique.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a rappelé que la notion d'autonomie avait une valeur politique et symbolique forte en Polynésie française et était au coeur de l'évolution institutionnelle polynésienne depuis la loi-cadre Defferre de 1956. Après avoir observé que la structure de l'Etat fédéral était étrangère à la culture institutionnelle française, il a souligné la nécessité d'accompagner l'évolution des collectivités d'outre-mer en imaginant une solution adaptée pour chacune, de nature à favoriser son développement en évitant les ruptures. Concernant le dispositif proposé pour l'article 78 de la Constitution, il a souligné qu'il affirmait la compétence de droit commun de la Polynésie française, l'Etat ne conservant qu'une compétence d'attribution dans les matières régaliennes limitativement énumérées. Il a par ailleurs observé que la signature d'un accord international constituait un acte de souveraineté qui ne pouvait donc être confié aux autorités polynésiennes que sur délégation des autorités de l'Etat.

M. Maurice Ulrich a indiqué que rien n'interdirait au Président de la République de déléguer le pouvoir de signature à l'autorité polynésienne ayant pris l'initiative et mené la négociation d'un accord international.

M. Lucien Lanier, rapporteur, a rappelé que les partenaires de la Polynésie française dans le Pacifique étaient pour la plupart de culture anglo-saxonne et jouissaient d'une plus grande liberté de négociation dans un cadre juridique plus souple. Il a estimé nécessaire de prendre garde à ne pas enfermer la Polynésie française dans des carcans juridiques.

M. Luc Dejoie ayant observé que les pays de droit anglo-saxon se tournaient de plus en plus vers le droit écrit, M. Jacques Larché, président, a cependant souligné que la technique de la " common law " avait tendance à s'imposer au sein des institutions européennes.

Sur la mise en place des institutions calédoniennes, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a indiqué que le gouvernement installé à la mi-juin comptait onze ministres. Il a estimé que la période de rodage devait désormais s'achever pour faire place à un fonctionnement collégial, prévu par l'accord de Nouméa.

Sur le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a rappelé que la précédente habilitation avait permis l'adoption de vingt ordonnances pour lesquelles quatre projets de loi de ratification seraient examinés par le Sénat courant novembre. Après avoir brièvement présenté les douze points de la nouvelle habilitation demandée, il a précisé, en réponse à M. Jean-Jacques Hyest, que le rapprochement de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM) avec la Banque de France, imposé par le Traité d'Amsterdam, passerait par la création d'un établissement public placé sous le contrôle de la banque centrale, mais conservant une autonomie de gestion.

Mercredi 6 octobre 1999

- Présidence de M. Jacques Larché, président.

Administration - Droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations - Examen du rapport en deuxième lecture

La commission a tout d'abord procédé sur le rapport de M. Jean-Paul Amoudry, à l'examen du projet de loi n° 391 (1998-1999), modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur, a rappelé que ce projet de loi s'inspirait du projet de loi relatif à l'amélioration des relations entre les administrations et le public, présenté par M. Dominique Perben en 1997.

Il a mis en évidence les orientations retenues par le Sénat en première lecture, à savoir la suppression des dispositions dépourvues de contenu normatif, l'affirmation de la transparence administrative et financière, l'amélioration de la cohérence du texte, le renforcement des droits des tiers dans les procédures administratives, l'approfondissement du rôle du Médiateur de la République, la clarification du cadre législatif proposé pour les maisons des services publics et la lutte contre les recours abusifs devant la juridiction administrative.

Puis il a présenté les travaux de l'Assemblée nationale. Il a insisté sur les cavaliers législatifs relatifs à la fonction publique, introduits à l'initiative du Gouvernement, tendant en particulier à traduire dans la loi la jurisprudence du Tribunal des conflits sur la notion d'agent de droit public, mais aussi à valider ou régulariser la situation de certains fonctionnaires.

M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur, a ensuite présenté les orientations de son rapport. Il a estimé souhaitable d'améliorer la cohérence du projet de loi avec le droit existant, d'inclure en tant que de besoin les services publics industriels et commerciaux dans le champ de la loi, de concilier, d'une part le droit à la transparence et l'exigence de bon fonctionnement des services publics, d'autre part, la sécurité juridique et les droits des tiers, et de lutter contre les recours abusifs. S'agissant des articles nouveaux relatifs à la fonction publique, il a proposé d'accepter ceux d'entre eux qui améliorent la situation des agents, mais d'interroger le Gouvernement sur les conséquences juridiques et pratiques de la jurisprudence " Berkani ", ainsi que sur le cumul d'emplois entre activité publique et activité privée.

La commission a adopté un amendement de suppression de l'article 2 relatif à l'accès simple aux règles de droit.

A l'article 3 (Codification des textes législatifs), la commission a adopté un amendement supprimant le rapport du Gouvernement au Parlement sur l'état d'avancement de la codification, dont elle a estimé qu'il ferait double emploi avec celui de la commission supérieure de codification. M. Patrice Gélard a remarqué que le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à procéder par ordonnances à l'adoption de la partie législative de certains codes ne visait que neuf codes, tandis que cet article 3 avait une portée générale. M. Jacques Larché, président, a noté l'attachement de la commission des lois au principe de la codification à droit constant.

A l'article 4 (Personnalisation des relations entre les agents des services publics et les citoyens), la commission a adopté un amendement tendant à étendre la levée de l'anonymat à l'ensemble des services publics, y compris à caractère industriel et commercial. M. Jacques Mahéas a marqué son opposition à cet amendement.

La commission a adopté un amendement rétablissant l'article 5 bis, tendant à limiter les recours abusifs des associations requérantes devant la juridiction administrative, en le rendant applicable à l'ensemble des associations.

A l'article 8 (Définition de la notion de document administratif, régime applicable à la communication de ces documents, attributions de la commission d'accès aux documents administratifs), la commission a adopté sept amendements. Elle a décidé de ne pas généraliser l'obligation, pour une administration qui détient un document sans en être l'auteur, de le communiquer aux demandeurs et de ne pas multiplier les procédures spéciales pour lesquelles l'intervention de la Commission d'accès aux documents administratifs deviendrait un préalable obligatoire avant tout recours contentieux.

A l'article 8 bis (Rapports de vérification et avis des comités départementaux et régionaux d'examen des comptes des organismes de sécurité sociale), la commission a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 10 (Consultation par le public des comptes des autorités administratives et organismes aidés ou subventionnés), la commission a adopté un amendement tendant à ce que la mise à la disposition du public des comptes des autorités administratives s'applique aussi aux établissements publics industriels et commerciaux, et à tenir compte des obligations pesant déjà sur les entreprises et les associations.

Aux articles 13 bis et 13ter (Actions contentieuses du département et de la région), la commission a adopté deux amendements rédactionnels.

A l'article 14 (Définition des autorités administratives), la commission a adopté deux amendements, l'un supprimant une disposition inutile, l'autre maintenant la spécificité des procédures régies par le code des marchés publics en matière de date limite de transmission de documents à l'administration.

La commission a adopté un amendement rétablissant l'article 16 A, relatif au régime juridique des décisions administratives.

A l'article 20 (Décisions implicites d'acceptation), la commission a adopté un amendement rétablissant la position adoptée par le Sénat en première lecture limitant l'établissement par voie réglementaire de régimes implicites d'acceptation.

A l'article 21 (Retrait pour illégalité des décisions implicites d'acceptation), la commission a adopté un amendement limitant à quatre mois le délai pendant lequel l'administration peut, à la demande d'un tiers dont les intérêts sont lésés, retirer pour illégalité une décision implicite d'acceptation n'ayant fait l'objet d'aucune mesure de publicité à l'égard des tiers.

A l'article 22 (Procédure contradictoire en cas de reversement de prestations sociales indûment perçues), la commission a adopté un amendement maintenant la position de première lecture du Sénat. A l'article 22 bis, relatif à la procédure applicable en cas de prestations sociales indûment perçues, la commission a adopté un amendement prévoyant que la procédure contradictoire soit postérieure à la réception par l'assuré social de l'ordre de reversement des sommes indûment perçues.

La commission a adopté trois amendements insérant les articles 24 à 26, définissant les maisons des services publics, dans la loi du 4 février 1995 relative à l'aménagement et au développement du territoire.

A l'article 26 bis (Changement de dénomination des secrétaires généraux des communes), la commission a adopté un amendement limitant à un an l'application concurrente des appellations " secrétaire général de mairie " et " directeur général des services ".

La commission a adopté deux amendements supprimant les articles 26 quater et 26 quinquies tendant à tirer les conséquences de la jurisprudence " Berkani " du Tribunal des conflits, qui redéfinit la notion d'agent public. Après un débat auquel ont participé MM. Jacques Larché, président, Jean-Paul Amoudry, rapporteur, Jean-Pierre Schosteck, Pierre Jarlier et Jacques Mahéas, la commission a estimé qu'il convenait de ne pas perdre toute souplesse en matière de gestion des emplois territoriaux. La commission a décidé de renvoyer le débat à une étape ultérieure de la navette, afin d'obtenir du Gouvernement des explications sur la notion de contrat de droit public à durée indéterminée.

A l'article 27 (Application de certaines dispositions en Nouvelle-Calédonie, dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte), relatif à l'application outre-mer du projet de loi, la commission a adopté un amendement de coordination.

Puis la commission a approuvé l'ensemble du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

Territoire d'outre-mer - Polynésie française et Nouvelle-Calédonie - Examen du rapport

Puis la commission a procédé, sur le rapport de M. Lucien Lanier, à l'examen du projet de loi constitutionnelle n° 425 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie.

M. Lucien Lanier, rapporteur, après avoir indiqué que le projet de loi constitutionnelle comportait deux aspects distincts, le premier tendant à préciser la définition du corps électoral admis à participer aux élections aux assemblées de province et au congrès de la Nouvelle-Calédonie, le second ayant pour objet de fonder un nouveau statut constitutionnel de la Polynésie française, a regretté qu'une disposition concernant la Nouvelle-Calédonie ait été ajoutée à un texte initialement consacré à la seule Polynésie française.

Il a rappelé que l'accord de Nouméa, signé conjointement le 5 mai 1998 par le RPCR, le FLNKS et le Premier ministre et approuvé à une majorité de 72 % des suffrages exprimés lors de la consultation du 8 novembre 1998, avait ouvert une période transitoire de quinze à vingt ans et définissait les règles relatives à la citoyenneté et en particulier la composition du corps électoral restreint admis à participer aux élections locales. Il a observé qu'après l'adoption de la loi organique du 19 mars 1999, transposant les orientations de l'accord de Nouméa en application de la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998, une difficulté d'interprétation était apparue concernant la définition du corps électoral spécial, en précisant que si tous les partenaires s'accordaient à reconnaître son caractère restreint, une incertitude subsistait sur l'identification du tableau annexe visé. Il a estimé que la loi organique du 19 mars 1999 n'avait pas levé cette ambiguïté, deux interprétations pouvant être soutenues, la première correspondant à un corps électoral fixe se référant au tableau annexe arrêté en vue de la consultation du 8 novembre 1998, la seconde faisant référence au tableau annexe courant mis à jour annuellement et correspondant à un corps électoral évolutif intégrant toute personne justifiant de dix ans de résidence en Nouvelle-Calédonie quelle que soit la date de son arrivée. Après avoir observé que le rapport du Sénat sur la loi statutaire du 19 mars 1999 avait opté pour la première de ces définitions, il a constaté que l'interprétation différente résultant de la décision du Conseil constitutionnel du 15 mars 1999 avait rendu nécessaire une nouvelle modification de la Constitution. Il a indiqué que l'article premier du projet de loi constitutionnelle opérait cette clarification, en précisant que le tableau annexe visé dans la définition du corps électoral restreint était celui qui avait été arrêté en 1998.

M. Lucien Lanier, rapporteur, a considéré qu'il convenait de relativiser la portée pratique de cette divergence d'interprétation. Il a ainsi rappelé que la restriction du corps électoral ne valait que pour les élections aux assemblées de province et au congrès, que, compte tenu de l'obligation de justifier de dix ans de résidence, la différence de définition ne serait sensible sur la composition du corps électoral qu'à compter des élections de 2009 et que l'achèvement possible de la période transitoire à partir de 2014 permettrait de reconsidérer cette question.

Rappelant que la définition résultant de l'article premier du projet de loi constitutionnelle coïncidait avec l'interprétation déjà approuvée par le Sénat, il a estimé nécessaire de s'y conformer, toute remise en cause d'un point aussi essentiel de l'accord de Nouméa risquant de compromettre un équilibre difficilement acquis en Nouvelle-Calédonie et d'empêcher incidemment l'avènement d'un nouveau statut constitutionnel au bénéfice de la Polynésie française.

Puis M. Lucien Lanier, rapporteur, a présenté le second aspect du projet de loi constitutionnelle consacré à la Polynésie française. Indiquant que le nouveau titre XIV, composé d'un article 78 unique, proclamait la possibilité désormais offerte à la Polynésie française de se gouverner librement et démocratiquement au sein de la République et consacrait dans la Constitution la notion d'autonomie qui avait constitué le fil conducteur de l'évolution statutaire polynésienne depuis 1956, il a estimé que le moment était venu de franchir une nouvelle étape nécessitant une révision constitutionnelle. Il a observé que le dispositif proposé, tout en s'inspirant de l'article 77 de la Constitution consacré à la Nouvelle-Calédonie, s'en démarquait sur des points essentiels tels que la création d'une nouvelle catégorie juridique de collectivité, le pays d'outre-mer, ou l'ancrage réaffirmé de la Polynésie française au sein de la République française.

Après avoir souligné que les transferts de compétences devaient s'entendre comme étant irréversibles, bien que cela ne soit pas expressément mentionné,M. Lucien Lanier, rapporteur, a énuméré les matières qui continueraient à relever de l'Etat sans pouvoir être transférées, sous réserve des attributions déjà exercées par la Polynésie française. Il a indiqué que la loi organique devrait par ailleurs définir les règles d'organisation institutionnelle, les catégories d'actes constitutifs de lois du pays ayant valeur législative, les missions du délégué du Gouvernement, les règles relatives à la citoyenneté et ses effets sur l'accès à l'emploi et à la propriété foncière, les conditions dans lesquelles la Polynésie française pourra négocier des accords dans son domaine de compétence avec les Etats du Pacifique, la signature de ces accords et leur ratification restant soumises aux procédures actuelles.

Formulant le souhait que le projet de nouveau statut pour la Polynésie française soit soumis au Parlement dans les meilleurs délais, M. Lucien Lanier, rapporteur, a observé que la nécessité de ne pas rompre le consensus concrétisé par l'accord de Nouméa devait inciter à adopter une attitude pragmatique en adoptant conforme le texte proposé.

M. Simon Loueckhote ayant exprimé son opposition à l'article premier du projet de loi constitutionnelle, M. Guy Allouche a affirmé pleinement partager la conclusion du rapporteur. Il a indiqué que l'insertion d'une disposition relative à la Nouvelle-Calédonie dans un texte initialement consacré à la Polynésie française s'expliquait par la nécessité de clarifier la définition du corps électoral spécial pour assurer le respect de l'accord de Nouméa. Après avoir exprimé sa conviction que la Nouvelle-Calédonie resterait au sein de la République française, il s'est déclaré favorable à une autonomie renforcée de la Polynésie française.

Après avoir indiqué qu'il partageait l'ensemble des observations précédemment formulées, M. Jacques Larché, président, a rappelé que la commission des lois avait toujours été à l'écoute des représentants de l'outre-mer et avait encouragé les évolutions institutionnelles originales en cours.

Indiquant qu'il souscrivait entièrement à la présentation et aux conclusions du rapporteur, M. Daniel Hoeffel a estimé que l'article 4 du projet de loi constitutionnelle fondait un statut constitutionnel durable pour la Polynésie française et de nature à favoriser son évolution.

Approuvant sans réserve le statut proposé pour la Polynésie et déplorant le caractère anti-démocratique de la définition du corps électoral restreint résultant de l'article premier, M. Patrice Gélard a cependant reconnu la nécessité de ne pas remettre en cause l'équilibre institutionnel calédonien. Il a estimé que cette définition du corps électoral restreint deviendrait caduque à l'issue de la période transitoire de quinze à vingt ans.

M. Robert Bret ayant souscrit à son tour à la présentation du rapporteur et ayant approuvé le dispositif proposé par le projet de loi constitutionnelle, M. Gaston Flosse a indiqué qu'il ne déposerait pas d'amendement.

M. Jean-Jacques Hyest a confirmé la coïncidence entre la définition du corps électoral restreint résultant de l'article premier et celle qui avait été entérinée par le Sénat lors de l'examen de la loi organique statutaire.

M. Pierre Fauchon, après avoir salué la présentation du rapporteur, s'est interrogé sur l'utilisation du verbe se gouverner concernant la Polynésie française.

M. Jacques Larché, président, a estimé que l'évolution irréversible en cours ne devait être interprétée ni comme un abandon, ni comme une renonciation mais comme une marque de confiance en soi. Il a souligné que la commission porterait le plus grand soin à l'examen du statut organique de la Polynésie française afin qu'elle bénéficie des meilleures conditions d'insertion dans son environnement géographique.

Suivant le rapporteur, la commission a approuvé sans modification, le projet de loi constitutionnelle relatif à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie.

Codification - Habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnance, à l'adoption de la partie législative de certains codes - Examen du rapport

Puis la commission a procédé, sur le rapport de M. Patrice Gélard, à l'examen du projet de loi n° 438 (1998-1999) portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes.

A titre liminaire, M. Patrice Gélard, rapporteur, a rappelé que la commission avait constamment appuyé le processus de codification, notamment grâce au rôle joué par M. Michel Rufin au sein de la commission supérieure de codification.

Puis il a exposé que l'Assemblée nationale avait marqué son opposition à deux projets de code qui lui étaient soumis et que l'encombrement de l'ordre du jour législatif n'avait pas permis l'adoption par le Parlement d'un certain nombre d'autres codes élaborés par la commission supérieure de codification. Constatant que le processus de codification était désormais bloqué, il a indiqué que le Conseil d'Etat s'était montré réticent à examiner de nouveaux projets de code, dès lors que les précédents déjà élaborés, n'avaient pu aboutir.

Le rapporteur a considéré que le Gouvernement était en partie responsable de ce blocage, dans la mesure où il n'avait pas veillé à inscrire les projets de code à l'ordre du jour des assemblées.

Soulignant que l'effort de codification intéressait au total quarante codes, M. Patrice Gélard, rapporteur, a fait valoir que l'aboutissement de ce processus permettrait à la France d'être le seul pays au monde dont le droit serait entièrement codifié. Il a considéré que cette situation aurait une valeur exemplaire au plan international.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a indiqué que le projet de loi habilitait le Gouvernement, sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, à procéder par ordonnances à l'adoption de la partie législative de neuf codes d'ores et déjà élaborés. Il a précisé que la codification devrait s'opérer à droit constant sous réserve de quelques aménagements rendus nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes. Il a noté que le projet de loi prévoyait une ratification globale de l'ensemble des ordonnances.

Le rapporteur a estimé que le recours à la procédure des ordonnances pouvait permettre de débloquer la procédure de codification et qu'elle n'empêcherait pas le Parlement d'exercer son contrôle à l'occasion de l'examen du projet de loi de ratification.

M. Jean-Jacques Hyest s'est interrogé sur l'opportunité de refondre le code de commerce, alors même que différentes réformes intéressant notamment le droit des sociétés étaient susceptibles d'intervenir dans un bref délai.

En réponse, M. Patrice Gélard, rapporteur, a estimé qu'il serait plus facile de prendre en compte ces réformes dans le cadre d'un code de commerce réactualisé. Il a rappelé que le Sénat avait adopté le projet de code de commerce en 1993 et que ce projet n'avait pu aboutir en raison de l'opposition de la commission des lois de l'Assemblée nationale.

Après avoir fait valoir que beaucoup d'évolutions étaient intervenues dans ce domaine depuis 1993, M. Jacques Larché, président, a jugé nécessaire le dépôt rapide des projets de loi permettant de moderniser le droit commercial. Il a à son tour considéré qu'il serait plus facile d'opérer cette modernisation sur la base d'un nouveau code.

Puis la commission a procédé à l'examen des articles du projet de loi.

A l'article premier (champ d'application de l'habilitation et modalités de codification), après avoir adopté un amendement de précision rédactionnelle, la commission a adopté un amendement habilitant le Gouvernement à procéder aux modifications nécessaires des dispositions en vigueur pour harmoniser l'état du droit ainsi qu'un amendement permettant l'extension des dispositions codifiées à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.

A l'article 2 (délais d'habilitation et de ratification), après que le rapporteur eut fait valoir qu'une telle solution limiterait les risques d'instabilité juridique et permettrait aux commissions compétentes d'examiner les différents codes, la commission a adopté un amendement prévoyant le dépôt d'un projet de loi de ratification pour chaque ordonnance dans un délai de deux mois à compter de sa publication.

La commission a approuvé l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

Outre-mer - Habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer - Nomination de rapporteur et examen du rapport 

Puis la commission, après avoir nommé M. Jean-Jacques Hyest comme rapporteur du projet de loi n° 424 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer, a procédé à l'examen de ce texte.

Après avoir rappelé que les départements d'outre-mer et la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon d'une part, les territoires d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et la collectivité territoriale de Mayotte d'autre part, obéissaient à des régimes législatifs différents, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a regretté que l'applicabilité à l'outre-mer de dispositions législatives nouvelles soit rarement prévue par les auteurs des projets de loi. Il a constaté que les avancées législatives nécessitant soit une mesure d'extension soit des adaptations pour s'appliquer outre-mer faisaient dès lors périodiquement l'objet de projets de loi portant dispositions diverses relatives à l'outre-mer ou de projets de loi d'habilitation permettant de procéder par ordonnances.

Tout en soulignant que le recours aux ordonnances n'était pas propice à un contrôle efficace du Parlement, il a estimé nécessaire de ne pas retarder davantage l'actualisation du droit outre-mer. Après que le rapporteur eut énoncé les douze points constituant le champ de l'habilitation demandée, trois d'entre eux ayant été insérés à l'Assemblée nationale, et qu'il eut observé que le dispositif proposé répondait aux exigences résultant de l'article 38 de la Constitution, la commission a approuvé sans modification le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.

Jeudi 7 octobre 1999

- Présidence de M. Jacques Larché, président.

Justice - Action publique en matière pénale - Audition de M. Guy Canivet, Premier président de la Cour de cassation

La commission a procédé à des auditions sur le projet de loi n° 470 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'action publique en matière pénale et modifiant le code de procédure pénale.

Elle a tout d'abord entendu M. Guy Canivet, Premier président de la Cour de cassation.

M. Guy Canivet
a indiqué que ses observations sur le projet de loi, qui concerne principalement les relations du Parquet avec la Chancellerie, auraient essentiellement trait aux répercussions du texte sur le fonctionnement des juridictions de jugement.

Il a fait valoir que l'indépendance du Parquet aurait une certaine incidence sur celle des juridictions de jugement, dans la mesure où on reprocherait moins facilement aux magistrats du siège de suivre, le cas échéant, les réquisitions d'un ministère public plus indépendant.

M. Guy Canivet a considéré que le projet de loi renforcerait la transparence des orientations générales de la politique pénale, puisque celles-ci seraient définies publiquement par le ministre de la justice et que leur exécution serait contrôlée par le Parlement, destinataire d'un rapport annuel.

M. Guy Canivet a souligné que les procureurs généraux, indépendants du ministre de la justice, disposeraient parallèlement d'une autorité renforcée sur les procureurs de la République de leur ressort, évoquant en particulier leur pouvoir d'instruction, et se demandant si un équilibre satisfaisant avait été trouvé.

Il s'est interrogé sur l'autorité qui resterait au garde des sceaux, réduite aussi bien pour la nomination que pour le déroulement de la carrière des magistrats du Parquet, son pouvoir étant alors essentiellement limité aux questions disciplinaires.

M. Guy Canivet a estimé que le renforcement du contrôle du procureur de la République sur la police judiciaire serait une conséquence logique de son rôle dans la mise en oeuvre de la procédure pénale, relevant cependant que l'absence de tout pouvoir de sanction limiterait la portée de cette innovation.

M. Guy Canivet, évoquant ensuite la possibilité de mise en mouvement de l'action publique qui serait reconnue au ministre de la justice, a estimé que cette disposition, conséquence logique de l'indépendance du Parquet, n'aurait qu'un impact limité à certaines affaires, en cas de carence du ministère public dans la mise en oeuvre de la politique pénale.

Evoquant ensuite les dispositions relatives aux classements sans suite des poursuites, contraignant le procureur de la République à motiver sa décision, M. Guy Canivet a souligné que, dans la plupart des cas, cette obligation aurait une portée limitée, les classements résultant le plus souvent de l'absence d'identification de l'auteur de l'infraction.

Il a fait valoir, à ce sujet, que la question centrale non traitée par le projet de loi portait sur l'accueil du plaignant dans les services de police, dont les dépositions restaient trop fréquemment sans suite.

M. Guy Canivet a considéré que la procédure de recours contre les classements sans suite, si elle pouvait contribuer à tempérer le renforcement de l'autonomie du Parquet, risquait cependant d'être à la source d'un alourdissement de la procédure judiciaire dans son ensemble.

Enfin, il a évoqué le risque de redondance des commissions de recours, composées de magistrats des ministères publics des cours d'appel du ressort.

En réponse à M. Pierre Fauchon, rapporteur, M. Guy Canivet a considéré que la juridictionalisation du recours contre les décisions de classement sans suite n'aurait pas une influence excessive sur les décisions des juridictions de jugement, car les magistrats du siège sauraient sauvegarder leur indépendance habituelle.

Il a souligné, en revanche, que cette nouvelle procédure pourrait susciter une confusion pour les justiciables, qui ne distingueraient pas toujours clairement la procédure sur le classement du jugement au fond.

Il a aussi estimé qu'il n'était pas nécessaire d'ouvrir aux personnes ayant qualité pour se constituer partie civile une possibilité de recours contre les classements sans suite.

M. Jacques Larché, président, s'est interrogé sur l'impact de la procédure de recours contre les classements sans suite, 75 à 80 % de ces classements étant, en fait, motivés par l'encombrement des juridictions. M. Pierre Fauchon, rapporteur, a estimé que l'absence d'identification d'une personne susceptible d'être mise en cause provenait généralement d'une recherche insuffisante.

En réponse à M. Maurice Ulrich, M. Guy Canivet a constaté que l'influence du Conseil supérieur de la magistrature concernant la nomination des magistrats du Parquet résultera de l'impossibilité pour le ministre de la justice de procéder à une nomination sans l'avis conforme de ce conseil.

Justice - Action publique en matière pénale - Audition de Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la jutice

Puis la commission a entendu Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou
a tout d'abord souligné que le projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale avait pour premier objet de garantir l'impartialité de la justice. Elle a fait valoir que, ces dernières années, le sentiment s'était répandu que l'égalité des citoyens devant la loi n'était pas assurée. Elle a indiqué que le projet de loi tendait donc à consacrer la fin des instructions individuelles du garde des sceaux et qu'elle-même n'avait donné aucune instruction depuis son arrivée à la Chancellerie, sans que l'Etat se soit pour autant trouvé démuni malgré l'existence d'affaires sensibles et de situations de crise. Elle a indiqué que les magistrats avaient dû abandonner une " culture de soumission " consistant à demander en toutes circonstances des instructions de la Chancellerie.

Mme le garde des sceaux a observé que les instructions individuelles n'avaient pas permis la conduite d'une véritable politique pénale. Elle a indiqué qu'un tri était effectué entre les affaires afin de déterminer celles qui appelaient de telles instructions individuelles et que, si le tri se faisait parfois en utilisant des critères respectables, il pouvait également se faire sur la base d'intentions moins avouables.

Mme Elisabeth Guigou a estimé que la conduite d'une politique pénale impliquait la mise en oeuvre de directives générales précises et explicites adressées au Parquet ainsi qu'une information réciproque entre la Chancellerie et les parquets. Elle a indiqué qu'elle avait adressé 5 circulaires au Parquet en 1997, 26 en 1998 et 8 en 1999. Elle a précisé que ces circulaires étaient moins volumineuses que par le passé, mais plus précises et explicites. Elle a ainsi fait valoir qu'elle avait notamment adressé au Parquet des circulaires relatives aux mineurs délinquants, à l'aide aux victimes, à la lutte contre le racisme et la xénophobie, aux contrats locaux de sécurité, à la lutte contre la drogue, aux sectes, à la sécurité dans les transports publics et aux violences urbaines. Elle a également observé que l'information du garde des sceaux par les parquets était une pratique tombée en désuétude qu'elle s'efforçait de remettre en vigueur. Elle a précisé que le rôle des parquets généraux s'était renforcé depuis son arrivée à la Chancellerie et qu'elle réunissait fréquemment les procureurs généraux.

Soulignant que les deux dernières années avaient été marquées par un certain nombre de situations de crise, par exemple des manifestations d'agriculteurs ou de routiers, des violences urbaines, la délinquance des mineurs ou l'organisation de la coupe du monde de football marquée par des menaces terroristes, Mme le garde des sceaux a indiqué que la disparition des instructions individuelles avait conduit à anticiper ces situations de crise et à innover dans les réponses qui leur étaient apportées, par exemple en organisant la présence des procureurs sur les stades. Elle a fait valoir que la politique pénale serait désormais rendue publique, qu'elle pourrait donner lieu à une évaluation précise et que le Parlement serait informé de manière très complète.

Mme le garde des sceaux a ensuite présenté les dispositions les plus importantes du projet de loi. Elle a indiqué que le ministre de la justice ne pourrait plus donner d'instructions individuelles, mais qu'il continuerait à adresser aux parquets des directives générales de politique pénale, et qu'il serait informé par eux de la conduite de la politique pénale. Elle a précisé que le garde des sceaux se verrait reconnaître un droit d'action propre lui permettant de saisir une juridiction dans des cas où l'intérêt général le commanderait et où le Parquet n'aurait pas engagé de poursuites. Elle a souligné que cette action du garde des sceaux serait subsidiaire, encadrée, personnelle et que le ministre devrait en rendre compte devant le Parlement, de sorte que sa responsabilité politique serait engagée.

Mme le garde des sceaux a fait valoir que les procureurs généraux assureraient la coordination de l'action des procureurs et qu'ils seraient garants de l'application de la politique pénale. Elle a précisé qu'ils pourraient, pour leur part, donner aux procureurs des instructions écrites, motivées et versées au dossier, de mettre en mouvement l'action publique.

Mme Elisabeth Guigou a alors observé que les procureurs auraient de nouvelles obligations, en particulier celle d'informer les victimes des motifs ayant conduit à un classement sans suite de leur plainte. Elle a souligné que les personnes n'ayant pas qualité pour se constituer partie civile pourraient former un recours contre les classements sans suite devant le procureur général, puis devant une commission régionale composée de membres des parquets.

Evoquant le contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire,Mme le garde des sceaux a indiqué qu'elle avait écarté l'idée de rattacher la police judiciaire au ministère de la justice compte tenu du caractère irréaliste d'un tel projet. Elle a précisé que les magistrats seraient davantage associés à la définition des moyens nécessaires pour la conduite des enquêtes.

Concluant son propos, Mme Elisabeth Guigou, a fait valoir que les projets de loi qu'elle présentait au Parlement auraient pour effet de renforcer la responsabilité des magistrats. Elle a ainsi précisé que les procureurs seraient tenus de motiver les décisions de classement sans suite et a rappelé que le projet de loi relatif à la présomption d'innocence contenait des mesures importantes, telles que la présence d'un avocat en garde à vue ou la création d'un juge de la détention provisoire, distinct du juge d'instruction.

M. Pierre Fauchon, rapporteur, observant que les procureurs généraux allaient voir leurs pouvoirs accrus, s'est interrogé sur les moyens de coordination de leurs actions au niveau national. Il a demandé quand le ministre de la justice serait conduit à exercer le droit d'action propre prévu par le projet de loi.

M. Christian Bonnet a indiqué que, si aucune instruction individuelle n'était plus donnée depuis juin 1997, cette pratique avait également été celle de M. Pierre Méhaignerie entre 1993 et 1995.

Mme Dinah Derycke a souligné la nécessité que la justice soit plus impartiale et ressentie comme telle par les citoyens. Elle a rappelé que quelques affaires, certes peu nombreuses, avaient accrédité l'idée de l'existence d'une justice à deux vitesses. Elle a fait part de son accord et de celui du groupe socialiste sur les orientations du projet de loi, tout en observant que ce projet tendait à modifier des pratiques anciennes et qu'il suscitait encore des interrogations sur le fonctionnement du nouveau système. Elle a souhaité savoir jusqu'à quel point les directives générales de politique pénale pourraient faire l'objet d'adaptations et a demandé des précisions sur les commissions de recours en matière de classements sans suite.

M. Robert Bret a observé que l'application de ce projet de loi était tributaire de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature et a demandé des précisions sur la date de réunion du Parlement en Congrès. A propos du contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire, il a indiqué que le projet de loi suscitait des inquiétudes chez les officiers de police judiciaire, qui redoutaient de passer sous le contrôle organique des magistrats. Il a enfin demandé si le droit d'action propre du ministre de la justice était conforme au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs.

M. Jacques Larché, président, observant que la ministre avait fait allusion à la responsabilité politique du garde des sceaux dans l'exercice de son droit d'action propre, a rappelé qu'il n'existait aucun moyen de mettre en cause la responsabilité politique personnelle d'un ministre et que le droit d'interpellation avait disparu. Il a indiqué, en outre, que l'article du projet de loi permettant aux parlementaires de visiter les établissements pénitentiaires paraissait pour le moins curieux, dans la mesure où les parlementaires visitaient, depuis bien longtemps, ces établissements, sans avoir attendu que la loi les y autorise.

Mme Elisabeth Guigou a tout d'abord précisé que le ministre de la justice assurait la coordination de l'action des procureurs généraux et continuerait à le faire. Elle a indiqué qu'elle adressait des directives aux procureurs généraux et qu'elle leur demandait des rapports, mais que les magistrats du Parquet conduisaient l'action publique. Elle a alors observé que la commission de réflexion sur la justice avait envisagé la création d'un procureur général de la nation, mais qu'elle avait, à juste titre, rejeté cette idée. Elle s'est demandé comment il serait possible de faire mener une partie de la politique pénale par une personne substituée au garde des sceaux et qui ne détiendrait aucune légitimité. Elle a rappelé qu'un exemple récent aux Etats-Unis avait démontré le risque qu'il y avait à mettre en place des procureurs spéciaux et a noté que le Gouvernement américain avait décidé de ne pas proroger la loi sur les procureurs spéciaux. Elle a enfin noté qu'il existait une autorité de ce type en Espagne et que le ministre de la justice espagnol lui avait indiqué que ce système présentait bien des inconvénients.

Evoquant le droit d'action propre du ministre de la justice prévu par le projet de loi, elle a indiqué que ce droit d'action pourrait être utilisé, par exemple, lorsqu'un procureur refuserait de poursuivre des commandos ou des fonctionnaires qui détiendraient des documents classés secret défense en dehors des règles prévues, lorsqu'un procureur refuserait de poursuivre une entreprise pratiquant des ventes d'armes illégales, enfin pour l'application du nouveau délit de bizutage. Elle a fait valoir qu'il n'existait certes pas de possibilité de mettre en cause la responsabilité personnelle d'un ministre, mais que l'utilisation par le garde des sceaux de son droit d'action propre serait rendue publique et qu'une utilisation abusive de cette prérogative poserait naturellement des difficultés au Gouvernement.

Mme le garde des sceaux a donné acte à M. Christian Bonnet que M. Pierre Méhaignerie s'était en effet interdit de donner des instructions individuelles. Evoquant l'adaptation des directives générales de politique pénale, elle a souligné qu'elle était destinée à faire en sorte que chaque procureur général puisse tenir compte des circonstances locales. Elle a ainsi constaté que la législation sur la protection des animaux coexistait avec des traditions locales d'organisation de corridas ou de combats de coqs. Elle a souligné que ces adaptations ne pourraient naturellement pas consister en une application fortement divergente de directives relatives à des sujets aussi importants que la lutte contre le racisme. A propos des commissions régionales de recours contre les classements sans suite, elle a indiqué que le ressort de compétence n'était pas déterminé et qu'il convenait qu'un équilibre soit trouvé entre la nécessité que ces commissions ne soient pas trop éloignées des justiciables et la nécessité qu'elles ne soient pas trop proches des magistrats du Parquet ayant pris la décision de classement.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a ensuite indiqué qu'elle n'avait pas d'informations sur la date de réunion du Parlement en Congrès, mais a précisé que le Président de la République avait fait savoir que la réunion du Congrès serait possible lorsque chaque assemblée aurait examiné en première lecture le projet de loi sur la présomption d'innocence et le projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale. Elle a rappelé que le dépôt de deux projets de loi organique était conditionné par l'adoption du projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature et a souligné que l'un des projets de loi organique contiendrait des dispositions importantes relatives à la responsabilité des magistrats. Elle a noté qu'une concertation était en cours sur des dispositions, telles qu'une limitation de la durée d'exercice des fonctions de chef de juridiction et la possibilité pour les citoyens de saisir des commissions de recours, afin de dénoncer des comportements professionnels inadmissibles des magistrats.

Evoquant les craintes des officiers de police judiciaire, Mme le garde des sceaux a rappelé que le code de procédure pénale prévoyait déjà explicitement que le procureur dirigeait l'activité des officiers et agents de police judiciaire dans le ressort du tribunal. Elle a souligné l'importance de la formation donnée aux officiers de police judiciaire pour l'exercice de leur mission de police judiciaire. Elle a indiqué que dans nombre de cas, la coopération entre autorité judiciaire et police judiciaire fonctionnait de manière satisfaisante.

A propos du droit d'action propre du garde des sceaux, Mme Elisabeth Guigou a estimé qu'il ne porterait pas atteinte au principe de séparation des pouvoirs, dans la mesure où il ne concernait que la poursuite et non l'instruction ou le jugement. Elle a rappelé que le juge administratif sanctionnait régulièrement le Gouvernement, sans que personne ne s'en scandalise, et a souligné que certains fonctionnaires pouvaient mettre en mouvement, d'ores et déjà, l'action publique et qu'il n'existait pas de raison de refuser ce droit au garde des sceaux.

Enfin, à propos des visites de parlementaires dans les établissements pénitentiaires, Mme le garde des sceaux a rappelé qu'elle s'était opposée à cet amendement présenté à l'Assemblée nationale, mais qu'elle était favorable au développement d'un regard extérieur sur le fonctionnement des établissements pénitentiaires. Elle a estimé qu'une telle mesure pourrait avoir des effets positifs si chacun respectait un code de bonne conduite, dans la mesure où toute visite dans un établissement pénitentiaire impliquait une réorganisation de la détention.

M. Jacques Larché, président, s'est interrogé sur le calendrier d'adoption de la réforme constitutionnelle, des projets de loi ordinaire en cours de discussion et des projets de loi organique non encore déposés. Il a souligné qu'il existait au Parlement une tradition forte consistant à s'efforcer de parvenir à un accord sur certains projets de loi très importants. Il a rappelé que cela avait été le cas sur des textes tels que la réforme du code pénal ou l'abolition de la peine de mort et a fait valoir que les projets de loi sur la présomption d'innocence et sur l'action publique en matière pénale méritaient également qu'un accord soit recherché entre les deux assemblées. Il s'est toutefois interrogé sur les chances du Sénat de voir retenues dans une proportion suffisante ses propositions pour qu'un tel accord soit effectivement envisageable. Il s'est inquiété du fait que la deuxième lecture du projet de loi relatif à la présomption d'innocence n'aurait lieu qu'à la fin du mois de janvier à l'Assemblée nationale.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué qu'elle souhaitait que les projets de loi qu'elle avait déposés fassent l'objet du plus large accord possible et a indiqué qu'elle ferait tout pour que ces textes soient approuvés par l'Assemblée nationale et le Sénat. Elle a toutefois indiqué que le Gouvernement ne pourrait accepter certains des amendements adoptés par le Sénat sur le projet de loi relatif à la présomption d'innocence. Elle a ainsi estimé que la responsabilité pénale des élus locaux était un sujet fondamental, mais qu'il convenait d'éviter de régler cette question en donnant le sentiment d'un rétablissement des privilèges de juridiction. Elle a souhaité que des solutions innovantes soient recherchées.

M. Jacques Larché, président, a alors indiqué que les amendements adoptés par le Sénat à propos de la responsabilité pénale des élus locaux n'avaient en aucun cas pour objet d'établir une immunité des élus puisque des poursuites demeureraient possibles, et qu'on ne pouvait parler de privilège de juridiction, cette expression visant exclusivement le recours à des juridictions spéciales.

M. Christian Bonnet a alors souligné que l'ancien maire d'Ouessant venait d'être traîné devant les tribunaux parce qu'un enfant s'était tué à vélo il y a quelques années sur un sentier côtier. Il a constaté que la mise en cause de cet élu était ressentie par une large fraction de la population comme incompréhensible.

Mme Elisabeth Guigou a déclaré partager l'inquiétude de M. Christian Bonnet, mais a souhaité que des solutions applicables à tous les justiciables soient recherchées. Elle a rappelé qu'elle avait mis en place une commission, présidée par M. Jean Massot et chargée de réfléchir à cette question, et a indiqué que des problèmes similaires se posaient pour d'autres catégories de personnes, par exemple les enseignants, pour qui elle avait mis en place une mission de réflexion spécifique.

M. Maurice Ulrich a alors fait valoir que le texte adopté par le Sénat sur la présomption d'innocence devait naturellement être amélioré au cours de la navette. Il a toutefois exprimé le regret que la seconde lecture de ce projet de loi ne soit envisagée que tardivement à l'Assemblée nationale. Il a souhaité que des indications concernant le résultat des travaux de la commission sur la responsabilité pénale des élus locaux puissent être données avant la fin de l'année et a fait valoir qu'il serait utile que le Sénat puisse savoir rapidement si les amendements les plus importants qu'il a adoptés sur le projet de loi relatif à la présomption d'innocence avaient quelques chances de retenir l'attention du Gouvernement, particulièrement sur la garde à vue, la mise en examen et la détention provisoire.

M. Nicolas About a indiqué que les situations des élus et des enseignants ne pouvaient être comparées. Il a estimé qu'un enseignant accompagnant un groupe d'élèves n'était pas dans la même situation que des élus tenus pour responsables globalement de tous les événements survenant sur un territoire.

M. Pierre Fauchon, rapporteur, a rappelé que l'Assemblée nationale avait remplacé dans le projet de loi les orientations générales de politique pénale par des directives générales de politique pénale. Rappelant que la notion de directive évoquait directement le droit communautaire, il s'est interrogé sur la portée normative de ces textes et a souhaité connaître les conséquences du non-respect de ces documents.

Mme Elisabeth Guigou a indiqué que la commission présidée par M. Massot devrait rendre son rapport avant la fin de l'année. Elle a souligné qu'il existait au moins un point commun entre la situation des élus locaux et celle des enseignants, à savoir le recours excessif à la mise en cause de la responsabilité pénale plutôt qu'à d'autres formes de responsabilité.

A propos des orientations ou directives de politique pénale, le garde des sceaux a indiqué qu'elles n'avaient pas de caractère normatif et ne participaient pas du pouvoir réglementaire. Elle a rappelé que les procureurs généraux pouvaient les adapter. Elle a estimé qu'en cas de non-respect de ces orientations, le pouvoir disciplinaire pourrait s'exercer, mais qu'il serait sans doute difficile de le mettre en oeuvre lorsqu'un procureur ne respecterait pas pour la première fois un texte, dans la mesure où le non-respect d'une circulaire générale pourrait sans doute être justifié, par exemple en invoquant les circonstances locales. Elle a observé que dans l'ancien système, le garde des sceaux était démuni face à un procureur refusant d'obéir à une instruction individuelle.

En concluant, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a estimé que la pratique des instructions avait été dévoyée dans des cas rares, mais spectaculaires, et qu'il convenait expressément de dissiper tout soupçon. Elle a souligné que la disparition des interventions politiques dans le fonctionnement de la justice légitimerait un renforcement du contrôle interne et externe de la magistrature.