LOIS CONSTITUTIONNELLES, LEGISLATION, SUFFRAGE UNIVERSEL, REGLEMENT ET ADMINISTRATION GENERALE
Table des matières
- Mercredi 21 juin 2000
- Projet de loi constitutionnelle relatif à la durée du mandat du Président de la République - Audition de Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice
- Sécurité civile - Sécurité du dépôt et de la collecte des fonds par les entreprises privées - Examen du rapport
- Sécurité civile - Prolongation du mandat et date de renouvellement des conseils d'administration des services d'incendie et de secours - Examen du rapport
- Justice - Délits non intentionnels - Echange de vues
- Projet de loi constitutionnelle relatif à la durée du mandat du Président de la République - Examen du rapport
- Présidence de M. Jacques Larché, président.
Projet de loi constitutionnelle relatif à la durée du mandat du Président de la République - Audition de Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice
La commission a tout d'abord procédé à l'audition de Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, sur le projet de loi constitutionnelle relatif à la durée du mandat du Président de la République.
Rappelant qu'en application de l'article 89 de la Constitution l'initiative de la révision constitutionnelle avait été prise par le Président de la République sur proposition du Premier ministre, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué que l'instauration du quinquennat se justifiait, avec le souci d'accroître le caractère démocratique des institutions, par la volonté de donner la possibilité aux citoyens de se prononcer plus souvent sur la désignation du chef de l'Etat.
Elle a observé que le septennat constituait un héritage historique issu d'un concours de circonstances, le refus du Comte de Chambord d'accepter le drapeau tricolore ayant conduit à investir le Maréchal de Mac Mahon d'un mandat de sept ans. Elle a rappelé que le septennat n'avait depuis lors jamais été remis en cause et que ce sujet n'avait d'ailleurs fait l'objet d'aucun débat lors de l'élaboration de la Constitution de 1958.
Après avoir souligné que la question du quinquennat avait été évoquée en 1962, lors du débat sur l'élection du Président de la République au suffrage universel, par le Club Jean Moulin et par Gaston Defferre, elle a rappelé que la réduction à cinq ans du mandat présidentiel qui avait fait l'objet d'un projet de loi adopté par le Parlement en 1973 figurait dans le programme commun de 1972 et parmi les propositions du candidat François Mitterrand en 1981 ainsi que dans le programme de gouvernement de Lionel Jospin de 1995 et avait été mentionnée dans sa déclaration de politique générale de juin 1997.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a observé que le quinquennat devait permettre de rapprocher le système français de ceux en vigueur dans les autres pays de l'Union européenne, aucun d'entre eux ne connaissant une durée de mandat du chef de l'exécutif aussi longue que celle du mandat du Président de la République française. Elle a en outre estimé que la correspondance des mandats parlementaire et présidentiel devrait favoriser un meilleur ordonnancement des relations entre les deux pôles de l'exécutif et l'Assemblée nationale.
Après avoir souligné que le dépôt d'un nouveau projet de loi tendant à l'instauration du quinquennat attestait d'une communauté de vue du Président de la République et du Premier ministre, elle a estimé que cette réforme se suffisait à elle-même, tout ajout risquant d'empêcher son aboutissement. Considérant comme infondées les craintes exprimées par certains de dérive vers l'avènement d'un régime présidentiel ou le retour à un régime d'assemblée, elle a indiqué que la modification proposée s'inscrivait dans le cadre institutionnel de la Ve République, des réformes ultérieures n'étant pas pour autant exclues. Elle a estimé en conclusion que le choix entre la procédure référendaire et la réunion du Congrès appartenait au seul Président de la République.
Après avoir exprimé son adhésion au schéma général de la réforme à laquelle le Parlement se trouvait confronté, M. Jacques Larché, président, a rappelé qu'à l'Assemblée nationale le projet de loi constitutionnelle avait été adopté par 466 voix et 28 voix contre sur 494 suffrages exprimés, avec au total 504 votants sur 577 sièges de députés. Il a indiqué que par rapport aux suffrages exprimés, la majorité des trois cinquièmes serait de 296 voix. Il a observé que plusieurs amendements, dont certains non dépourvus d'intérêt, avaient été déposés lors du débat à l'Assemblée nationale mais repoussés en commission comme en séance. Partant du constat selon lequel la réforme ponctuelle de 1962 avait profondément modifié l'équilibre institutionnel bien qu'il n'y ait pas eu formellement de changement de Constitution, il s'est interrogé sur les évolutions susceptibles de découler de l'instauration du quinquennat.
A une observation de M. Nicolas About soulignant qu'une des justifications avancées en faveur du quinquennat était l'harmonisation des durées de mandat des chefs d'Etat des pays de l'Union européenne, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a précisé qu'il s'agissait d'harmoniser la durée des mandats des chefs de l'exécutif. M. Jacques Larché, président, ayant souligné que le terme du mandat exécutif était par définition incertain en Grande-Bretagne, M. Robert Badinter a observé qu'une durée maximale était néanmoins fixée.
Après avoir souligné la longévité exceptionnelle du régime de la Ve République, M. Daniel Hoeffel a indiqué que cela n'empêchait pas de procéder aux adaptations qui s'imposaient naturellement.
M. Robert Badinter ayant rappelé que le projet de Constitution girondine rédigé par Condorcet prévoyait une révision tous les dix ans, M. Patrice Gélard a observé que la Constitution portugaise de Salazar instaurait aussi un tel mécanisme.
Estimant qu'il fallait distinguer dans l'histoire constitutionnelle les morts apparentes des morts réelles, M. Jacques Larché, président, a rappelé que la IIIe République ne s'était pas relevée du premier conflit mondial.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a fait valoir que la Constitution de la Ve République s'était caractérisée par sa souplesse et sa capacité d'adaptation. Elle a observé que la réforme du quinquennat avait été mûrement réfléchie, qu'elle devrait conduire à une plus grande proximité entre le Président de la République et sa majorité politique mais que, comme pour toute autre modification, ses effets sur le fonctionnement des institutions dépendraient essentiellement de la façon dont il serait mis en oeuvre. Rappelant que le maintien du droit de dissolution faisait obstacle à une dérive vers un régime présidentiel, elle a estimé que ce type de régime n'était pas adapté à l'organisation étatique française et a observé que même dans un Etat fédéral comme les Etats-Unis, il présentait l'inconvénient d'aboutir parfois à des blocages.
En réponse à Mme Nicole Borvo qui soulignait le caractère insuffisant de la réforme proposée, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué que cette réforme n'excluait pas d'envisager ultérieurement un renforcement des prérogatives du Parlement.
A une question de M. Pierre Fauchon relative au calendrier électoral en 2002, elle a répondu que la volonté du Gouvernement, en marquant sa préférence pour un texte non amendé qui ne s'appliquerait qu'à compter de la prochaine élection présidentielle, était de ne pas peser sur le calendrier à venir afin que la réforme soit examinée sans arrière-pensées. Admettant qu'intellectuellement la question pouvait être posée des dates respectives des élections législatives et présidentielles, elle a rappelé que la date de cette dernière résultait de celle du décès du Président Pompidou. Elle n'a pas exclu qu'une modification ultérieure de la Constitution ou de la loi organique règle différemment ces échéances.
Sécurité civile - Sécurité du dépôt et de la collecte des fonds par les entreprises privées - Examen du rapport
La commission a ensuite procédé, sur le rapport de M. Jean-Pierre Schosteck, à l'examen du projet de loi n° 380 (1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la sécurité du dépôt et de la collecte de fonds par les entreprises privées.
Après avoir rappelé le contexte dramatique dans lequel s'inscrivait l'examen de ce projet de loi tendant à limiter la phase piétonnière du transport de fonds, M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a précisé que, compte tenu de l'urgence, ce texte avait été extrait d'un projet de loi, déposé sur le bureau du Sénat le 17 mai dernier, tendant à réglementer l'exercice de l'ensemble des activités de sécurité privée.
Notant que le dispositif réglementaire de protection du transport de fonds avait été refondu par le décret du 28 avril dernier, il a souligné qu'il était, comme auparavant, applicable à tout transport de fonds, de bijoux ou de métaux précieux d'une valeur supérieure à 200.000 F et qu'il autorisait deux modes de convoyage :
- le convoyage par véhicule blindé avec un équipage de trois personnes armées, les normes de blindage étant déterminées par arrêté ;
- le convoyage par véhicule banalisé comprenant une seule personne non armée avec utilisation obligatoire d'un dispositif garantissant que les fonds seront détruits ou maculés en cas d'attaque (système " hold down system " du type de celui actuellement commercialisé par la société Axytrans et utilisé dans 5 % des cas).
Après avoir fait ressortir les risques encourus par les convoyeurs de fonds, quatre d'entre eux ayant été tués et douze autres blessés entre le 1er janvier 1999 et le 27 mai 2000, il a évoqué le profond malaise régnant dans la profession ayant conduit à la grève générale du mois de mai 2000.
Après avoir regretté qu'il ait fallu un tel mouvement de grève pour que le Parlement soit saisi de mesures législatives, M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a donné un avis favorable aux dispositions du projet, estimant qu'il était justifié d'autoriser le maire à déterminer des emplacements sur la voie publique pour favoriser le stationnement et la circulation des véhicules de transport de fonds et qu'il était légitime de contraindre les donneurs d'ordres à réaliser les aménagements de sécurité nécessaires. Il a également approuvé les dispositions pénales introduites par l'Assemblée nationale.
Il a estimé que la date butoir du 31 décembre 2002 prévue par l'Assemblée nationale pour la mise en conformité des locaux des donneurs d'ordre était justifiée par une contrainte particulière de sécurité.
Il a souhaité que les dispositions réglementaires prévoyant les aménagements de sécurité à réaliser fassent preuve d'un maximum de souplesse pour tenir compte de la multiplicité des situations sur le terrain, soulignant à cet égard le rôle que pouvaient jouer les commissions départementales de la sécurité des transports de fonds récemment instituées et semblant être des lieux de dialogue appréciés de l'ensemble des intervenants.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a en outre observé que de nouveaux protocoles de sécurité devraient être mis en place entre les donneurs d'ordres et les entreprises de convoyage, notamment s'agissant de la suppression des tournées à heures fixes. Il a estimé qu'en tout état de cause il était difficile de dissocier la réflexion sur les risques du convoyage de fonds de celle sur l'aménagement des flux de monnaie fiduciaire, évoquant à cet égard le souhait des banques de pouvoir recycler elles-mêmes les billets de banque.
Il a enfin tenu à affirmer avec force que l'intervention des acteurs privés ne devait pas exonérer l'Etat de ses responsabilités en matière de sécurité.
En conséquence, le rapporteur a proposé l'adoption sans modification du projet de loi.
En réponse à M. Jacques Larché, président, M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a indiqué que le retour obligatoire des billets à la Banque de France était notamment justifié par la détection des faux billets mais il a considéré qu'il convenait de poursuivre la réflexion en la matière.
En réponse à M. Daniel Hoeffel, M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a précisé que le projet de loi devrait permettre, dans la mesure du possible, d'effectuer les livraisons et les retraits de fonds directement à l'intérieur des établissements par l'intermédiaire de sas dans lesquels les véhicules pourraient pénétrer.
M. Lucien Lanier a rappelé que la mise en service de tels sas était pratiquée de longue date par certains établissements bancaires et grands magasins.
En réponse à M. Raymond Courrière, qui s'interrogeait sur les raisons pour lesquelles le système de convoyage en voiture banalisée n'était pas davantage développé, M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a indiqué qu'il se heurtait à une vive opposition de la part des personnels, ces derniers faisant notamment ressortir tant la vulnérabilité du conducteur seul et non armé que l'absence d'efficacité à cent pour cent du système de destruction des billets ne le rendant pas assez dissuasif et craignant les effets négatifs sur l'emploi.
M. Raymond Courrière a considéré qu'il était inutile de faire courir des risques mortels à des hommes pour convoyer de vieux billets. Il a estimé en conséquence, approuvé par M. Jean-Claude Peyronnet, que les commerçants devraient pouvoir détruire sur place les billets après les avoir comptabilisés sous le contrôle de la banque de manière à ce que leur compte puisse être directement crédité de la valeur correspondante.
M. Maurice Ulrich a émis des doutes sur l'adhésion de la Banque de France à cette solution.
M. Nicolas About a considéré que la mise en oeuvre du système HDS était une nécessité absolue, y compris dans les fourgons blindés. Après avoir noté que les attaques tendaient à se déplacer vers les centres de dépôt intermédiaires, il a estimé que le projet de loi devait être adopté mais qu'il était insuffisant, en lui-même, pour supprimer réellement les risques du convoyage de fonds.
M. Robert Badinter a considéré que la réglementation n'était pas adaptée au transport de bijoux et qu'il fallait, en revanche, s'interroger sur son application au transport d'oeuvres d'art.
M. Robert Bret, après avoir souligné les risques encourus par les convoyeurs de fonds et la précarité des conditions d'exercice de la profession, a considéré qu'il était légitime que les donneurs d'ordre soient contraints de prendre des mesures de sécurité. Evaluant le chiffre d'affaires du secteur de la sécurité privée à 15 milliards de francs, il a noté que l'extension de cette activité rendait indispensable, au-delà du présent projet de loi, une réflexion d'ensemble sur la sécurité privée, sachant que l'Etat ne devait pas abandonner ses prérogatives régaliennes en la matière.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission a décidé, à l'unanimité, d'adopter sans modification le projet de loi transmis par l'Assemblée nationale.
Sécurité civile - Prolongation du mandat et date de renouvellement des conseils d'administration des services d'incendie et de secours - Examen du rapport
La commission a ensuite procédé, sur le rapport de M. Jean-Jacques Hyest, à l'examen de la proposition de loi n° 405 (1999-2000), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la prolongation du mandat et à la date de renouvellement des conseils d'administration des services d'incendie et de secours ainsi qu'au reclassement et à la cessation anticipée d'activité des sapeurs-pompiers professionnels.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a exposé que la proposition de loi initiale tendait à proroger jusqu'après les élections locales de mars 2001 les fonctions des membres actuels des conseils d'administration des services départementaux d'incendie et de secours, afin d'éviter un renouvellement de la plupart de ces conseils avant les prochains scrutins locaux, compte tenu de leur première installation entre le printemps 1997 et le printemps 1998 pour une durée fixée à trois ans par la législation en vigueur.
Il a précisé que l'Assemblée nationale avait ajouté des dispositions de caractère plus général, afin que le renouvellement des conseils d'administration intervienne quatre mois après les élections municipales et quatre mois après un renouvellement des conseils généraux.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a précisé que, dans les faits, la durée d'exercice des fonctions au sein des conseils d'administration des services d'incendie et de secours resterait de trois ans, sous réserve d'un éventuel ajustement ponctuel du calendrier des élections locales.
Il a exposé que l'Assemblée nationale avait aussi adopté un amendement du Gouvernement concernant la cessation anticipée d'activités opérationnelles des sapeurs-pompiers professionnels âgés d'au moins cinquante ans.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a exposé, qu'à la suite de mouvements sociaux portant sur l'abaissement à cinquante ans de l'âge de la retraite des sapeurs-pompiers professionnels, actuellement fixé à soixante ans ou à cinquante-cinq ans pour ceux qui justifient de quinze années de service actif, un protocole d'accord avait été conclu en décembre 1999 avec la plupart des organisations syndicales.
Il a ajouté que le texte adopté par l'Assemblée nationale avait pour objet de traduire dans la loi, selon les engagements du Gouvernement, les dispositions de cet accord, prévoyant pour les sapeurs-pompiers professionnels âgés d'au moins cinquante ans et rencontrant des difficultés médicalement constatées pour l'exercice de leurs activités opérationnelles, soit un aménagement des conditions de reclassement dans la fonction publique territoriale, soit un congé avec le bénéfice d'un revenu de remplacement égal à 75 % du traitement perçu avant ce congé.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a considéré justifiée, en particulier au regard des risques sérieux d'accidents, la prise de dispositions spécifiques pour les sapeurs-pompiers professionnels rencontrant, en fin de carrière, des difficultés pour l'accomplissement de leurs missions opérationnelles.
Il a rappelé que, dans ce cas, les services d'incendie et de secours avaient déjà recours à la formule du reclassement dans la fonction publique territoriale, lorsqu'il existait des emplois disponibles et a ajouté que la départementalisation des services d'incendie et de secours était de nature à favoriser cette formule.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a considéré souhaitable, malgré le comportement excessif de certains sapeurs-pompiers lors du conflit et en dépit de certaines imperfections de la rédaction proposée, d'adopter les mesures prévues par le protocole d'accord, qui avait contribué à apaiser quelque peu la crise.
Il a proposé à la commission d'adopter sans modification la proposition de loi.
Approuvant les conclusions du rapporteur, M. Jacques Peyrat a souligné le caractère difficile et dangereux des missions opérationnelles des sapeurs-pompiers, particulièrement dans certains départements, qui avait provoqué, par exemple, quatre décès en trois ans dans la seule ville de Nice.
En réponse à M. Jacques Larché, président, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a précisé que, selon l'étude d'impact établie par le ministère de l'intérieur, le reclassement aux conditions nouvelles prévues par le texte d'un agent dans la fonction publique territoriale entraînerait, en moyenne, pour les services d'incendie et de secours, une charge financière annuelle supplémentaire de 8.500 F, au cours des deux premières années du détachement.
Il a ajouté que, les années suivantes, la mesure n'impliquerait théoriquement plus de dépenses supplémentaires pour ces services, les charges patronales de l'agent reclassé étant alors supportées par les collectivités d'accueil.
En réponse à M. Yves Fréville, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a confirmé que le renouvellement des conseils d'administration après chaque élection municipale et après chaque élection cantonale serait intégral.
La commission a adopté sans modification la proposition de loi.
Justice - Délits non intentionnels - Echange de vues
La commission a ensuite procédé à un échange de vues sur la proposition de loi tendant à préciser la définition des délits non intentionnels.
M. Jacques Larché, président, a rappelé qu'il avait été conduit à demander le retrait de l'ordre du jour de la proposition de loi face à la volonté du Gouvernement d'imposer au Sénat, par une demande de vote bloqué, trois amendements dont l'un d'entre eux remettait en cause l'équilibre du texte.
M. Pierre Fauchon, rapporteur, a précisé qu'en examinant cette proposition de loi, l'Assemblée nationale avait souhaité qu'en cas de lien indirect entre une faute et un dommage, la responsabilité d'une personne physique puisse être engagée en présence d'une faute d'une exceptionnelle gravité exposant autrui à un danger que cette personne ne pouvait ignorer. Il a rappelé que la commission des lois avait accepté cette rédaction qui respectait l'esprit du texte adopté par le Sénat en première lecture. Il a fait valoir que le Gouvernement avait déposé trois amendements dont l'un tendait à faire référence à une " faute caractérisée en ce qu'elle expose autrui à un risque " que la personne ne pouvait ignorer.
Le rapporteur a indiqué que cette rédaction modifiait substantiellement le texte. Il a observé que le texte de l'Assemblée nationale imposait, d'une part, une faute d'une exceptionnelle gravité, d'autre part, l'exposition d'autrui à un danger que l'on ne pouvait ignorer. Il a souligné que le texte du Gouvernement tendait à faire du risque le seul critère d'appréciation de la faute, tout en supprimant la référence à l'exceptionnelle gravité.
M. Pierre Fauchon, rapporteur, a indiqué que les deux autres amendements du Gouvernement apportaient des précisions sans dénaturer la proposition de loi. Il a déclaré qu'après que le Gouvernement eut indiqué en conférence des Président qu'il envisageait de réinscrire la proposition de loi à l'ordre du jour prioritaire dont il l'avait préalablement retirée, il avait repris lui-même contact avec le rapporteur de l'Assemblée nationale afin de rechercher un accord sur la définition de la faute permettant la mise en cause de la responsabilité pénale en cas de lien indirect entre la faute et le dommage. Il a fait valoir qu'il paraissait possible de faire référence à " une faute d'une particulière gravité exposant autrui à un danger " qu'on ne pouvait ignorer ou à " une faute grave exposant autrui à un danger " qu'on ne pouvait ignorer. Il a rappelé que la commission présidée par M. Massot avait proposé de faire référence à la faute grave.
M. Jacques Larché, président, a estimé qu'il serait inacceptable juridiquement de caractériser une faute par ses conséquences.
M. Robert Badinter a indiqué que la faute grave était une notion connue de la jurisprudence et ne poserait pas de difficultés d'interprétation, de même que la faute d'une particulière gravité.
Evoquant le projet de loi concernant les convoyeurs de fonds précédemment examiné par la commission, il s'est demandé si un maire ne pourrait pas être mis en cause en cas d'agression de convoyeurs pour ne pas avoir usé de son pouvoir de réserver des emplacements spécifiques aux fourgons de transport de fonds.
M. Jacques Larché, président, a alors indiqué qu'il était souhaitable que le rapporteur recherche les moyens de parvenir à une adoption définitive de la proposition de loi avant la fin de la session, sans toutefois accepter sa dénaturation.
Projet de loi constitutionnelle relatif à la durée du mandat du Président de la République - Examen du rapport
La commission a enfin procédé, sur le rapport de M. Jacques Larché, et sous la présidence de M. Pierre Fauchon, à l'examen du projet de loi constitutionnelle n° 423 (1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la durée du mandat du Président de la République.
M. Jacques Larché, rapporteur, a dès l'abord indiqué qu'il proposerait d'adopter conforme le projet de loi constitutionnelle, voté la veille à une majorité substantielle par l'Assemblée nationale.
Après avoir rappelé que l'architecture institutionnelle avait très longtemps été au coeur du débat politique français, les régimes de la IIIe puis de la IVe République ayant fait l'objet de contestations récurrentes à droite comme à gauche, il a souligné qu'après avoir été qualifié de coup d'Etat permanent, le régime de la Ve République avait suscité un large consensus après l'alternance. Il a estimé que le quinquennat pouvait ainsi être abordé comme une modification technique dans un contexte d'acceptation par une grande partie de l'opinion sans remise en cause du système existant.
Soulignant que la réforme ponctuelle de 1962 avait en réalité constitué une évolution majeure, M. Jacques Larché, rapporteur, s'est interrogé sur les incidences que pourrait avoir l'instauration du quinquennat, le refus de cette réforme exprimé par certains s'expliquant par le fait qu'ils considéraient le septennat comme un élément déterminant de l'équilibre institutionnel.
Il a rappelé que le septennat n'avait suscité aucun débat jusqu'en 1962 et résultait d'un concours de circonstances, sept ans correspondant à l'origine à l'estimation du temps laissé à Dieu pour qu'il daigne fermer les yeux d'un prince, le Comte de Chambord, auquel il n'avait pas su les ouvrir. Constatant que la IIIe République avait consacré la prééminence de fait du président du conseil non prévu à l'origine, il a observé que l'approche institutionnelle d'Alexandre Millerand, André Tardieu et Michel Debré s'inscrivait dans une même filiation. Il a rappelé qu'après le départ du Général de Gaulle en 1969, Georges Pompidou avait très vite perçu la nécessité de réduire la durée du mandat présidentiel et avait présenté un projet de loi à cet effet en 1973.
Considérant que le mandat présidentiel s'analysait comme une délégation de souveraineté accordée au chef de l'Etat, M. Jacques Larché, rapporteur, a estimé nécessaire de l'examiner sous l'angle de sa portée, de sa durée et de son contrôle. Il a observé qu'une durée de sept ans pouvait paraître longue eu égard à la nature et à l'importance de la délégation de pouvoir ainsi concédée et au fait que celle-ci ne faisait l'objet d'aucun contrôle. Il a indiqué que la réforme de 1973 n'avait pu aboutir, le vote à l'Assemblée nationale n'ayant pas permis de réunir une majorité suffisamment large, et a rappelé qu'Etienne Dailly, rapporteur au nom de la commission des lois, avait permis d'emporter l'adhésion plus large du Sénat. Il a précisé qu'à l'époque Georges Pompidou n'avait pas eu pour objectif de remettre en cause l'équilibre institutionnel de la Ve République.
M. Jacques Larché, rapporteur, s'est déclaré hostile à toute mesure tendant à interdire le renouvellement du mandat présidentiel. Considérant essentiel de ménager la souplesse nécessaire, il s'est référé à l'exemple du président Roosevelt qui, contrairement à une coutume bien établie, avait été conduit à briguer un troisième mandat.
Rappelant que la France était un pays de droit écrit, il a souligné le rôle essentiel joué par la coutume dans son histoire institutionnelle. Il a cité l'apparition de l'institution du président du conseil et la désuétude du droit de dissolution sous la IIIe République, l'instauration de la double investiture sous la IVe République reprochée par Vincent Auriol à Paul Ramadier et, sous la Ve République, l'apparition d'un droit de révocation du Premier ministre.
Evoquant les évolutions envisagées par certains soit en faveur d'un rééquilibrage des pouvoirs au profit du Parlement, soit dans le sens de l'instauration d'un régime présidentiel, il a estimé, à l'instar du garde des sceaux, que ce dernier type d'organisation institutionnelle était incompatible avec une conception unitaire de l'Etat. Il a souligné que même dans un Etat fédéral comme les Etats-Unis, ce type de régime multipliait les occasions de conflit entre le Président et le Congrès. Citant le droit du divorce et la peine de mort, relevant de la compétence des Etats fédérés, il a marqué que le domaine de décision du Congrès était plus restreint que celui du Parlement français.
Après avoir rappelé l'objet des amendements qui avaient été déposés à l'Assemblée nationale, il a suggéré que la commission s'en tienne à la seule modification tendant à instaurer le quinquennat.
Estimant que la demande de ne pas amender le projet de loi constitutionnelle revenait à bafouer les droits du Parlement, Mme Nicole Borvo a souligné que les communistes continuaient à désapprouver le régime institutionnel de la Ve République tel que modifié en 1962, accordant une prééminence disproportionnée à l'exécutif. Elle s'est prononcée en faveur d'une démocratisation des institutions et d'une revalorisation des prérogatives du Parlement, sujets qui feraient l'objet d'amendements du groupe communiste. Elle a estimé que la réduction de la durée des mandats et la limitation du cumul des mandats s'inscrivaient dans cette évolution nécessaire mais a souligné les risques de bipolarisation de la vie politique susceptible de résulter de la coïncidence du mandat présidentiel et du mandat de député.
Après avoir pleinement souscrit à la conclusion du rapporteur, M. Daniel Hoeffel a observé que le quinquennat, s'il était de nature à réduire les dysfonctionnements institutionnels ne permettrait pas de les faire disparaître complètement. Estimant possible un rééquilibrage des pouvoirs sans basculer dans le régime d'assemblée, il s'est déclaré favorable à une clarification de la structure de l'exécutif, la structure actuelle étant peu lisible pour nos partenaires européens. Après avoir considéré qu'il n'était pas envisageable de revenir sur l'élection du Président de la République au suffrage universel, il a souligné qu'une coïncidence entre mandat présidentiel et mandat des députés risquait à terme de poser la question du maintien du droit de dissolution.
Après avoir déclaré que le groupe socialiste approuvait la préconisation du rapporteur, M. Guy Allouche a estimé qu'en dépit des tentations d'aller au-delà, la présente réforme devait se borner à ramener de sept à cinq ans la durée du mandat présidentiel.
En réponse à Mme Nicole Borvo, M. Jacques Larché, rapporteur, a estimé que les droits du Parlement n'étaient pas bafoués dans la mesure où le droit d'amendement subsistait. Il a précisé que la revalorisation du rôle des assemblées constituait un vaste sujet dont la traduction concrète butait rapidement sur ses effets sur l'équilibre institutionnel.
Dans le prolongement de l'intervention de M. Daniel Hoeffel sur le bicéphalisme de l'exécutif et la situation de cohabitation à laquelle la France était confrontée depuis plusieurs années, il a observé que le régime américain s'accommodait d'une situation semblable, la majorité élisant le Président de la République différant fréquemment de celle du Congrès. Il a précisé que si le droit de veto présidentiel, qui ne pouvait être surmonté que par un vote à la majorité des deux tiers des membres du Sénat, était peu utilisé, la procédure du " veto de poche " l'était en revanche fréquemment, le Président Roosevelt y ayant eu recours à trois cent cinquante reprises.
Souscrivant à la conclusion du rapporteur, M. Robert Badinter a indiqué qu'il ne partageait cependant pas entièrement son analyse.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter conforme le projet de loi constitutionnelle relatif à la durée du mandat du Président de la République.