M. Dominique De Legge, rapporteur spécial
III. LA BONNE CONDUITE DES RESTRUCTURATIONS
A. LA NÉCESSITÉ D'UNE MEILLEURE VISIBILITÉ SUR LE PROGRAMME DES RESTRUCTURATIONS
La loi de programmation militaire fonde une partie de son équilibre sur les économies à réaliser grâce aux restructurations. La cible comme le cadencement des déflations d'effectif sont connus : les fermetures de bases et les dissolutions d'unités ne sont pas une variable d'ajustement à considérer année par année mais participent d'une manoeuvre générale et pluriannuelle. Il importe que le ministre de la défense fasse connaître, y compris aux armées elles-mêmes, le programme des restructurations sur la période de programmation. La cohérence du format final et la réalisation effective des économies attendues en dépendent.
Les annonces faites par le ministre de la défense le 15 octobre dernier sont de ce point de vue incomplètes, car ne portant que sur les restructurations pour 2015.
Ces annonces sont de plus tardives. Il est en effet de tradition qu'elles soient connues dès l'été, afin de laisser un délai suffisant aux personnels concernés.
La période d'attente est en effet particulièrement anxiogène pour les personnels concernés. Comment envoyer des soldats au combat, loin de leurs familles, tout en les maintenant dans l'incertitude sur des sujets qui affectent de manière aussi fondamentale leur vie et celle de leurs proches ?
Pour l'ensemble de ces raisons, votre rapporteur estime qu'il est indispensable que l'annonce des restructurations permettant le respect de la programmation 2014-2019 intervienne avant la fin de l'année 2015.
B. LA DENSIFICATION DES EMPRISES MILITAIRES
La contrainte pesant sur le budget de la défense oblige malheureusement à des choix douloureux. Le ministère de la défense n'a plus les moyens de contribuer à la politique d'aménagement du territoire de l'État. La priorité doit être de réaliser des économies afin de dégager des ressources pour les investissements et ainsi préserver les capacités opérationnelles de nos forces armées.
Pour cela, les restructurations doivent suivre un principe de densification des emprises militaires, afin d'ajouter des économies de structure et de soutien aux économies sur les dépenses de personnel liées aux dissolutions d'unités.
Il faut résister à la tentation de l' « échenillage », qui consiste à rogner progressivement sur tous les régiments et à maintenir ouvertes des bases avec des effectifs réduits. Cette méthode nuit à l'efficacité opérationnelle des unités concernées sans réduire les coûts de soutien. Il convient de privilégier chaque fois que cela est possible la dissolution d'unités et les regroupements de bases afin rationaliser les emprises militaires tout en conservant des unités pleinement opérationnelles.
C. LA FERMETURE DU VAL-DE-GRÂCE
Particulièrement symbolique, la fermeture de l'hôpital d'instruction des armées (HIA) du Val-de-Grâce, relevant du service de santé des armées (SSA) a été annoncée le 15 octobre dernier comme les autres restructurations prévues en 2015.
Plusieurs facteurs ont contribué à cette décision, qui apparaît justifiée compte tenu des contraintes budgétaires qui s'imposent au ministère de la défense.
La poursuite des soins aurait nécessité de lourds investissements de mise aux normes, notamment de sécurité incendie, alors même que le maintien d'un HIA dans cette partie de Paris ne répond ni aux besoins civils, compte tenu de l'offre hospitalière disponible localement, ni des armées, qui disposent de deux HIA plus modernes en petite couronne : Percy à Clamart (Hauts-de-Seine) et Begin à Vincennes (Val-de-Marne).
Comme l'a expliqué le ministre de la défense dans son message annonçant les restructurations de la défense, « ces sites, performants et récents, disposeront ainsi de moyens renforcés leur permettant de fonctionner dans les meilleures conditions et de s'insérer au mieux dans leur territoire de santé, au profit des populations civiles et militaires. Ainsi en Île-de-France, les moyens opérationnels du SSA pour la prise en charge médico-chirurgicale des blessés de guerre seront renforcés. Cette réorganisation est conforme à la nouvelle stratégie nationale de santé prônant un recours accru à un exercice médical ambulatoire et à la densification des sites. »
Le service de santé des armées s'est en effet engagé dans un processus de transformation à horizon 2020 impliquant la rationalisation de l'échelon central, la réorganisation et la revalorisation de la médecine de premier recours, avec des centres médicaux des armées à dimension régionale, et l'évolution du modèle hospitalier, qui prévoit la mise en place de deux plates-formes hospitalières (Île-de-France, Provence-Alpes-Côte d'Azur) dont la contribution au contrat opérationnel sera distincte de celle des hôpitaux hors plateforme.
Votre rapporteur spécial, attaché à la pérennité du service de santé des armées et à son renforcement, approuve cette stratégie de densification ainsi que le souci de mieux articuler l'offre de soins militaire, ouverte à tous les assurés sociaux mais répondant aux besoins spécifiques des armées, avec le système de soins civil, qui fait lui-même face à d'importantes difficultés. Il souhaite que cette logique soit appliquée avec constance et cohérence.
Or il est à craindre que la fermeture du HIA du Val-de-Grâce ne soit de ce point de vue qu'une demi-mesure qui n'apportera pas tous les gains possibles. En effet, ne seraient en réalité abandonné par le ministère de la défense que le bâtiment le plus récent, datant de 1979, qui abritait le HIA proprement dit. Cela permettrait de céder environ 30 % de la parcelle totale, le service de santé des armées en conservant la partie historique qui correspond à l'ancienne abbaye royale, occupée par l'école du Val-de-Grâce (anciennement école d'application du service de santé des armées), le musée du service de santé des armées et la bibliothèque centrale du service de santé des armées
Le ministre de la défense a ainsi précisé qu'au terme de la restructuration le site du Val-de-Grâce abriterait « un pôle d'excellence réservé aux activités de recherche, de formation académique et de mémoire du Service de santé des armées autour de l'École du Val-de-Grâce et du musée du SSA. Ces activités seront densifiées, en raison de l'attachement historique des Français et de la communauté de défense au site du Val-de-Grâce ».
On peut s'interroger sur la pertinence de maintenir, dans des locaux certes symboliques et porteurs de mémoire pour le service de santé des armées mais très couteux en entretien, une activité de formation déconnectée d'une activité hospitalière reportée vers les hôpitaux de Bégin et Percy .