M. Jean-Claude FRECON, rapporteur spécial
II. RETOUR SUR LA GESTION EN 2012 ET 2013
A. UNE REPRISE DES CESSIONS DE PARTICIPATIONS COTÉES
La cession de 3,12 % du capital de Safran, intervenue le 26 mars 2013, était la première opération de ce type réalisée en Bourse depuis la cession en décembre 2007 de 2,5 % du capital d'EDF. L'Etat a également cédé 3,7 % d'EADS, les 16 et 25 avril, et 9,5 % d'Aéroports de Paris (conjointement avec le FSI), le 30 juin.
L'opération sur EADS est intervenue dans le cadre d'un nouvel accord de gouvernance entre les Etats français, allemand et espagnol, alors que les actionnaires privés Lagardère et Daimler avaient fait part de leur intention de se retirer du capital de la société. Au total, les trois Etats détiennent 28 % des droits de vote.
À l'occasion de son audition par la commission des finances, le 27 mars 2013, David Azéma, commissaire aux participations de l'Etat, avait eu l'occasion d'expliquer les raisons qui avaient poussé l'Etat actionnaire à céder des participations au capital d'EADS et de Safran ( cf. encadré).
S'agissant d'Aéroports de Paris, la cession constitue une opportunité financière sans pour autant remettre en cause l'influence de l'Etat puisqu'il conserve 50,63 % du capital.
Extraits de l'audition de David Azéma, commissaire aux participations de l'Etat, devant la commission des finances, 27 mars 2013 M. David Azéma. - L'opération d'EADS se dénoue aujourd'hui et devrait être terminée d'ici le mardi 2 avril. EADS est une entreprise constituée du rapprochement entre DASA, CASA et Aérospatiale-Matra. Elle reposait sur un pacte d'actionnaires mêlant l'Etat français à des actionnaires privés, avec un équilibre conçu comme instable et évolutif, devant conduire à une réduction de la part des actionnaires historiques, ce qui explique qu'il n'était pas permis à l'Etat français, par exemple, sauf exception, de s'opposer à la sortie d'un actionnaire. Suite à l'échec du rapprochement avec BAE Systems, Daimler, principal actionnaire d'EADS, a notifié qu'il sortirait du capital en cédant une première tranche de 7,5 % ; de même, Lagardère avait annoncé son intention de sortir dès lors que la visibilité sur le programme de l'A350 était assurée. Dans ce contexte et afin de maintenir l'influence de l'Etat français dans le fonctionnement d'EADS, nous avons réfléchi à une évolution pour faire émerger un autre concert d'actionnaires ayant des pouvoirs directs moindres mais une stabilité supérieure. Trois Etats participent à ce concert : l'Allemagne via la KfW, l'Etat français et l'Etat espagnol via l'agence SEPI. Au total, ces trois Etats détiennent 28 % du capital d'EADS, puisqu'il ne fallait pas dépasser la barre des 30 % qui rendrait obligatoire le déclenchement d'une offre publique d'achat (OPA). Il s'agit d'un concert défensif pour protéger les règles de gouvernance dont s'est dotée la société. Par exemple, aucun actionnaire ne peut détenir à lui seul plus de 15 %, afin d'éviter notamment les OPA hostiles. Cette règle est statutaire et ne peut être changée que si tous les membres du concert y consentent : c'est l'équivalent d'une golden share, mais statutaire. De même, il existe une règle statutaire stipulant que l'équilibre des nationalités au conseil doit refléter les lieux d'implantation du groupe. Dans ce concert, tout Etat peut s'opposer à un changement des règles statutaires. Aujourd'hui, une fusion avec BAE Systems ne pourrait pas être bloquée s'il y avait divergence d'analyse entre les Allemands et les Français. Un seul Etat ne pourra pas bloquer une telle opération, il faudra qu'il convainque ses partenaires au sein du concert : seul le concert ensemble aura assez de poids pour faire en sorte qu'une opération déplaisante ou stratégiquement menaçante aux yeux des Français ou des Allemands ne puisse pas se produire. Il s'agit donc d'une nouvelle gouvernance où l'axe franco-allemand sera nécessairement très important. Nous allons probablement céder la partie de notre capital entre les 15 % actuels, aujourd'hui placée dans une fondation de droit néerlandais et sans droit de vote, et les 12 % visés par le concert. Dans la mesure où la France était au-dessus du seuil de 15 % au moment de la conclusion du nouveau concert, nous acquérons des droits du « grand-père », c'est-à-dire que la France pourra subsister à nouveau détenir plus de 15 % du capital même si le concert s'éteint. L'Etat allemand, en revanche, n'avait jamais été actionnaire d'EADS auparavant, même si Daimler, actionnaire historique, était proche de l'Etat allemand. Un nouveau conseil va être constitué à cette occasion, avec deux administrateurs formellement approuvés par le Gouvernement français : l'implication de la France dans les choix de gouvernance est donc plus forte qu'auparavant. Pour ce qui concerne Safran, il s'agit d'une opération de toute autre nature. Nous avions un certain nombre de titres inscrits au nominatif. Ce sont des titres qui au bout d'un certain temps donnent un droit de vote double. Le choix était soit de renoncer à acquérir ces droits de vote double pour ne pas dépasser le seuil des 30 %, soit de vendre une partie des titres tout en conservant la même influence au sein de l'assemblée générale. Compte tenu des besoins du compte d'affectation spéciale (CAS) notamment pour le versement à « BPI Fonds propres », il a été décidé de conserver les droits de vote double et de procéder à une cession de titres, qui s'est faite dans des conditions particulièrement favorables, le cours de l'action Safran étant à son plus haut historique en raison des bonnes perspectives de son moteur CFM56 et du secteur aéronautique en général. La commission des participations et des transferts avait été consultée et nous avait fixé une limite de cession qui a été dépassée. L'opération s'est faite très rapidement cette nuit de 19 heures à 9 heures par une procédure de cession de bloc accélérée, qui a permis la vente de l'intégralité des 13 millions d'actions. Nous n'avons pas eu de mal à trouver des clients. Pour une petite moitié ce sont des investisseurs longs et pour une plus grosse moitié des hedge funds qui vont probablement recéder ces titres sur le marché. Je n'ai pas encore la répartition géographique, mais ils devraient être essentiellement britanniques, américains et français. M. Richard Yung. - Combien nous reste-t-il ? M. David Azéma. - 27 % du capital et environ 30 % des droits de vote. La question du niveau de détention a un aspect symbolique. S'agissant d'EADS, le concert d'actionnaires, qui pèse 28 %, autorise « un rendement de pouvoir » supérieur à la participation effective. Que l'on ait 11 %, 12 % ou 13 %, le pouvoir est le même. En dynamique, si le concert cesse, nous sommes les seuls à avoir les droits du grand-père qui nous permettraient de remonter au-delà de 15 %. |
Au total, les recettes pour le CAS PFE de l'ensemble des opérations de cessions s'élèvent à environ 1 626 millions d'euros , comme le montre le tableau ci-dessous.
Les recettes du CAS PFE en 2013
(en euros)
Date de versement |
Société |
Objet |
Produits de cessions de participations financières |
25/02/2013 |
La Poste |
Cession de 2 Bons de souscriptions d'actions |
1 |
03/04/2013 |
Safran |
Cession de 3,46 % du capital de la société |
448 500 000 |
06/05/2013 |
Saphir |
Cession des 370 titres SAPHIR détenus par l'Agence France Développement pour le compte de l'Etat |
90 139 |
29/05/2013 |
EADS |
Cession de l'intégralité de la participation directe de l'Etat |
21 172 796 |
01/07/2013 |
Oseo Industrie |
Cession de l'intégralité de la participation de l'Etat |
4 |
05/07/2013 |
ADP |
Cession de 3,9 % du capital de la société |
303 345 274 |
10/07/2013 |
OSEO SA |
Cession de l'intégralité de la participation de l'Etat |
1 082 |
TOTAL |
773 109 295 |
||
29/05/2013 |
EADS |
Cession de 3,7 % du capital de la société détenue par la holding publique SOGEPA |
853 000 000 |
TOTAL |
1 626 109 295 |
Source : réponse au questionnaire budgétaire
L'opération de cession de 3,7 % du capital d'EADS a été effectuée par la holding publique SOGEPA, détenue à 100 % par l'Etat, pour un montant total d'1,19 milliard d'euros, dont 853 millions ont été « remontés » vers le CAS PFE par le biais d'une réduction de capital de la SOGEPA, le solde étant affecté au paiement des impôts.
B. LA BONNE SANTÉ FINANCIÈRE DES PARTICIPATIONS DE L'ÉTAT ACTIONNAIRE
1. Des indicateurs financiers satisfaisants et globalement stables
L'APE établit les comptes combinés de 58 entités entrant dans son périmètre. Il est alors possible de déterminer un bilan consolidé de l'Etat actionnaire et d'établir une « performance » globale du portefeuille des participations de l'Etat au 31 décembre 2012.
Le montant global des capitaux propres s'établit à 96,3 milliards d'euros à fin décembre 2012, soit un recul de 2,7 milliards d'euros par rapport à fin 2011. Cette diminution s'explique notamment par des écarts actuariels sur l'exercice 2012, principalement chez EDF (- 4 milliards d'euros). Le rapport relatif à l'Etat actionnaire note cependant que « l'ensemble des autres variations sur les capitaux propres demeurent limitées : absence de mouvement significatif sur le capital et le périmètre » de consolidation, en particulier.
L'endettement net est en hausse de 12,4 milliards d'euros à 105,4 milliards d'euros, ce qui a pour effet de faire augmenter le ratio dettes nettes/capitaux propres, qui mesure la solidité du bilan.
Au total, le résultat net combiné s'élève à 5,9 milliards d'euros sur l'année 2012, stable par rapport à 2011 . Il faut cependant relever que la « mise en équivalence », c'est-à-dire la prise en compte des sociétés dans lesquelles l'Etat n'est pas majoritaire et n'exerce pas une influence prépondérante, en particulier les participations du FSI , conduit à dégrader le résultat net combiné de 2,4 milliards d'euros.
Sans rentrer dans le détail de l'analyse financière, votre rapporteur spécial constate que les ratios financiers de l'ensemble combiné connaissent globalement une amélioration par rapport à 2011 , à l'exception du ratio dette nette sur EBITDA, comme rappelé ci-dessus. Ces ratios financiers sont utilisés à titre d'indicateurs de performance du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat », alors que l'APE n'a qu'une maîtrise très indirecte sur leur évolution.
Ratios financiers des comptes combinés de l'Etat actionnaire
Source : rapport relatif à l'Etat actionnaire annexé au PLF pour 2014
2. Une augmentation de la valeur du portefeuille coté
La valorisation boursière des participations cotées de l'Etat représente, au 31 août 2013, un montant d'environ 69 milliards d'euros, contre 60 milliards un an plus tôt, soit une progression d'environ 14 %. Sur la même période, la hausse de l'indice CAC 40 a été proche de 16 % . Pour mémoire, la valeur du portefeuille était de près de 95 milliards d'euros au 1 er septembre 2009 et d'environ 88 milliards d'euros au 1 er septembre 2010.
Le rapport relatif à l'Etat actionnaire relève que « Comme les années précédentes, les variations de la valeur du portefeuille s'expliquent par sa composition très typée et, en particulier, la forte pondération du secteur énergétique et de l'aéronautique. Les gains réalisés sont principalement le fait de six entreprises :
« - EDF (plus de 48 % de la valeur du portefeuille en août 2013) progresse très fortement au cours des huit premiers mois de 2013 (+ 51,65 % contre 8,04 % pour le CAC 40 et 0,69 % pour l'indice sectoriel Stoxx des producteurs d'électricité cotés). Le titre bénéficie de la forte visibilité de ses résultats et de ses tarifs ainsi que d'un effet de rattrapage après plusieurs années marquées par les incertitudes du secteur nucléaire ;
« - les trois sociétés du secteur aéronautique-défense connaissent également une très forte progression, bien au-delà de leur indice sectoriel européen, EADS, Safran et Thales voyant leur cours varier de respectivement 43,82 %, 50,83 % et 81,09 % en un an à comparer aux 30,46 % du Stoxx aéronautique/défense. Les résultats de ces entreprises sont portés par les commandes civiles dans une phase continue d'augmentation et, pour EADS, par les effets bénéfiques de la recomposition de son capital ;
« - Aéroports de Paris voit son cours augmenter de 26,52 % sur la période janvier-août 2013 ;
« - Renault progresse de 45,51 %, bien plus que ses comparables européens (32,38 % pour le Stoxx automobile) en raison des bonnes performances à l'international et de la dynamique de l'alliance avec Nissan.
« En 2013, sur les huit premiers mois, les quatre plus fortes hausses des titres composant le CAC 40 étaient réalisées par des sociétés du portefeuille de l'État : Renault, Safran, EADS et EDF ».
C. DES PRISES DE PARTICIPATION ATTENDUES
En 2013, l'Etat a réalisé des prises de participation à hauteur de 2,3 milliards d'euros , dont 1,6 milliard pour la seule augmentation de capital de la Banque européenne d'investissement. Cette dernière opération a été financée par un versement en provenance du budget général.
Les dépenses réellement supportées par le CAS PFE ne s'élèvent donc qu'à 680,3 millions d'euros .
Les dépenses enregistrées sur le CAS PFE au 31 août 2013
(en euros)
Date de versement |
Société |
Objet |
Montant |
27/03/2013 |
Banque Européenne d'Investissement |
Augmentation de capital |
1 617 003 000 € |
28/03/2013 |
Banque Asiatique de Développement |
3ème annuité de la 5ème augmentation de capital |
12 173 450 € |
15/04/2013 |
La Poste |
Augmentation de capital |
266 666 664 € |
14/06/2013 |
Banque Africaine de Développement |
3 e annuité de la 6 e augmentation de capital |
14 240 296 € |
10/07/2013 |
AFP |
Dernière tranche du prêt |
4 000 000 € |
12/07/2013 |
EPIC BPI-Groupe |
Dotation en capital |
383 250 000 € |
TOTAL |
2 297 333 410 € |
Source : réponse au questionnaire budgétaire
Ces opérations sont en ligne avec les dépenses inscrites dans le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2013. La seule incertitude qui existait alors était le montant de la dotation en capital qui serait effectivement libérée pour la BPI. Elle s'élève à 383,25 millions d'euros, soit le quart de la libération d'une tranche d'augmentation de capital de 3 066 millions d'euros souscrites à égalité par les deux actionnaires de la BPI.
Au total, le solde des opérations de cessions et de prises de participation permet d'établir un gain net pour le CAS PFE de 945 millions d'euros au 31 août 2013 .
D. UN TAUX DE RETOUR EN DIVIDENDES SUPÉRIEUR À LA MOYENNE DU CAC 40
Le tableau ci-dessous retrace l'évolution des dividendes versés à l'Etat actionnaire depuis 2004 :
Dividendes perçus par l'Etat actionnaire
(en milliards d'euros)
Exercice budgétaire |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 (Prévision) |
Dividendes en numéraire |
1,2 |
1,4 |
2,9 |
4,8 |
5,6 |
3,3 |
4,3 |
4,4 |
3,2 |
4,3 |
Dividendes en actions |
- |
- |
- |
- |
- |
2,2 |
0,1 |
0 |
1,4 |
0,2 |
Total |
1,2 |
1,4 |
2,9 |
4,8 |
5,6 |
5,5 |
4,4 |
4,4 |
4,6 |
4,5 |
Source : rapport relatif à l'Etat actionnaire annexé au projet de loi de finances pour 2014
En valeur absolue , le total des dividendes perçus par l'Etat en 2013 est quasiment stable par rapport aux années précédentes, soit environ 4,5 milliards d'euros .
Le rapport relatif à l'Etat actionnaire indique que « les principaux contributeurs concernés sont EDF, GDF Suez, Orange, SNCF, La Poste, Safran et ADP qui représentent près de 90 % du total ».
Le même document précise également que « si l'on concentre l'observation sur les seules entreprises cotées, on observe un rendement de 6 %, correspondant au rapport entre les dividendes reçus, soit 3,7 milliards d'euros en 2012, et près de 60 milliards d'euros de valorisation boursière des titres détenus par l'État. Ce taux se situe au-dessus du taux de rendement du CAC 40 (3,5 %) en raison notamment de la composition sectorielle du portefeuille de l'APE, marquée par une forte présence des secteurs énergie et télécommunication, qui traditionnellement ont des politiques de distributions plus élevées que les autres entreprises ».
Votre rapporteur spécial entend cet argument. Il souligne cependant que, en 2012, l'évolution des capitaux propres (en baisse de 2,7 milliards d'euros) résulte notamment du versement de 4,1 milliards d'euros de dividendes . Compte tenu du contexte économique et financier, il importe que les entreprises puissent mettre en réserve une part importante de leurs bénéfices afin de renforcer leurs fonds propres.