M. Roger KAROUTCHI, rapporteur spécial
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. Malgré la suppression, en 2010, du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, et en dépit du changement de majorité intervenu à l'issue des élections de mai 2012, l'existence de la mission « Immigration, asile et intégration » n'a pas été remise en cause . Au regard de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), il est satisfaisant de constater que la maquette budgétaire et son pilotage administratif par un secrétariat général à l'immigration et à l'intégration (SGII), sous l'autorité du ministre de l'intérieur, sont préservés. 2. Les dotations de la mission sont en forte hausse en 2013 par rapport à 2012, année elle-même marquée par une augmentation importante. Les crédits de paiement passent ainsi de 593,5 millions d'euros en 2012 à 670,9 millions d'euros en 2013, soit une progression de plus de 13 % . Par rapport à la loi de finances initiale pour 2011, la hausse s'établit, à périmètre constant, à 30 %. 3. Cette augmentation se reflète dans le plafond de la loi de programmation triennale pour 2013-2015, porté à 670 millions d'euros pour 2013 , contre 535 millions dans le triennal 2011-2013. Votre rapporteur spécial relève que la prévision de réduction progressive des dépenses, pour atteindre 637 millions d'euros en 2015, est peu crédible à flux de demandes d'asile constant. 4. La hausse des crédits est le fait des dépenses liées à l'asile (traitement des demandes et soutien aux demandeurs d'asile), comprises dans l'action n° 2 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » du programme n° 303 « Immigration et asile ». Les crédits de cette action progressent de 22,5 % par rapport à 2012, pour atteindre 501 millions d'euros. Ainsi, l'asile représente désormais 75 % des dépenses totales de la mission . 5. La subvention pour charges de service public de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) , financée par l'action n° 2 « Garantie de l'exercice du droit d'asile », est portée à 37,1 millions d'euros , soit une hausse de 8 % par rapport à 2012, permettant le recrutement de dix contractuels. A cet égard, le recrutement de 30 officiers de protection supplémentaires en 2011 et 2012 n'a pas encore entraîné de réduction des délais inquiétants de traitement , qui s'établissent en moyenne à 179 jours au 30 juin 2012. 6. La dotation pour le financement des centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) est fixée à 198 millions d'euros en 2013 . La légère augmentation des crédits par rapport à 2012 correspond à la création de 1 000 places supplémentaires , permettant de porter le parc de CADA à 22 410 places à la fin de l'année 2013. 7. Les crédits pour l'hébergement d'urgence et l'allocation temporaire d'attente (ATA) connaissent une hausse respective de 37,4 % et de 56,1 % par rapport à 2012 , qui devrait permettre de sortir la mission de l'insincérité budgétaire. Toutefois, les dotations, inférieures aux prévisions d'exécution en 2012, pourraient se révéler insuffisantes dans un contexte de maintien d'une forte demande d'asile. 8. Les crédits destinés à la lutte contre l'immigration irrégulière sont en diminution de 11 % par rapport à 2012 . La réduction porte sur deux postes principaux : le fonctionnement des centres de rétention administrative, grâce à une rationalisation des coûts, et les frais d'éloignement des migrants en situation irrégulière. 9. Le programme n° 104 « Intégration et accès à la nationalité française », qui représente moins de 10 % des dépenses de la mission, voit ses crédits diminuer de 5,4 millions d'euros par rapport à 2012 (- 7,5 %) . Cette diminution est partiellement compensée par une hausse des fonds de concours en provenance des fonds européens. 10. La subvention pour charge de service public versée à l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) se contracte de 1,7 million d'euros (- 12,7 %) par rapport à 2012. Cette baisse, combinée à la réduction du plafond des taxes affectées à l'opérateur, pose la question des missions devant être conservées ou abandonnées par l'office. Elle interdit d'envisager le relèvement du niveau de langue visé dans le cadre des formations linguistiques, préconisé par votre rapporteur spécial. A la date limite de réponse du 10 octobre, prévue par l'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), le ministère de l'intérieur avait répondu à 54 des 54 questions formulées par votre rapporteur spécial, soit un taux de réponse de 100 % . |
I. LA MISSION « IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION » : UNE ARCHITECTURE PRÉSERVÉE, DES CRÉDITS PARTIELLEMENT REDIMENSIONNÉS
A. LE MAINTIEN JUSTIFIÉ D'UNE MISSION DÉDIÉE À LA POLITIQUE D'IMMIGRATION, D'ASILE ET D'INTÉGRATION
1. Une mission conservée sous le pilotage du Secrétariat général à l'immigration et à l'intégration
En 2007, la création de la mission « Immigration », à l'occasion du projet de loi de finances pour 2008, a accompagné celle d'un ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Dans ce cadre, une nouvelle administration consacrée au pilotage et au suivi de cette politique a été mise en place, regroupant des personnels des ministères du travail, de l'intérieur, des affaires étrangères, de l'économie et des finances et du budget.
Suite à la disparition du ministère dédié en novembre 2010, cette administration a été conservée sous le titre de Secrétariat général à l'immigration et l'intégration (SGII) sous la tutelle du ministre de l'intérieur. Le décret d'attribution du 24 mai 2012 a confirmé cette autorité du ministre de l'intérieur sur le SGII s'agissant du nouveau Gouvernement mis en place à l'issue des élections de mai 2012 1 ( * ) .
Ce transfert de tutelle, pas plus que le changement de gouvernement intervenu en 2012, n'ont donc remis en question l'existence du SGII ni modifié son architecture et son rôle dans la conduite de la politique nationale d'immigration. D'un point de vue budgétaire, la responsabilité unique du secrétaire général permet en effet d'assurer la cohérence des actions et la simplicité de la gestion des crédits entre l'ensemble des dispositifs d'immigration, d'accueil et d'intégration dont il a la responsabilité. Le SGII souligne ainsi, en réponse au questionnaire budgétaire, que « le responsable de programme peut gérer de façon plus souple des crédits qui, par ailleurs, peuvent avoir des interactions entre eux (par exemple entre les ressources allouées à l'OFPRA et les dépenses d'hébergement des demandeurs d'asile) ».
Au total, comme votre rapporteur spécial s'en félicitait déjà lors de l'examen du projet de loi de règlement des comptes de l'année 2011, le maintien d'une mission et de son cadre unique de pilotage par le SGII « permettra d'assurer un suivi pérenne de la politique d'immigration, dont la mission budgétaire, depuis cinq ans, a illustré la cohérence » 2 ( * ) . Au-delà des orientations politiques et des objectifs stratégiques fixés par le nouveau Gouvernement, son utilité en termes d'information et de contrôle du Parlement sur la politique menée justifie pleinement le maintien d'une mission dédiée au sein du budget général.
2. L'immigration et l'intégration, une politique interministérielle et transversale
La mission « Immigration, Asile et Intégration » ne représente qu'une part mineure des dépenses de l'État liées à la politique d'immigration. D'après le document de politique transversale (DPT) « Politique française de l'immigration et de l'intégration » annexé au présent projet de loi de finances, dix-neuf programmes concourent au total à cette politique publique , dans des domaines très divers : enseignement supérieur, politique sanitaire, sécurité, accès à la culture, etc. Outre le ministère de l'intérieur, responsable à titre principal de la politique d'immigration, sept autres ministères y contribuent :
- le ministère des affaires étrangères ;
- le ministère de la justice ;
- le ministère de l'économie et des finances ;
- le ministère des affaires sociales et de la santé ;
- le ministère de l'égalité des territoires et du logement ;
- le ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;
- le ministère de la culture et de la communication.
Au total, le DPT évalue à 4,475 milliards d'euros les crédits consacrés en 2013 à la mise en oeuvre de la politique d'immigration et d'intégration, soit une augmentation de 3,8 % par rapport à la loi de finances pour 2012.
On peut cependant regretter que certains programmes ne figurent toujours pas dans le DPT, en particulier :
- le programme n° 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » , au titre des crédits des personnels en charge de la délivrance des visas ;
- le programme n° 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » , au titre des dispositifs d'hébergement d'urgence de droit commun.
3. La préservation de la maquette budgétaire
Comme l'année dernière, la maquette budgétaire est caractérisée par sa stabilité , que contribue à expliquer l'existence du SGII comme état-major de tutelle bien identifié.
Les deux programmes de la mission, le programme n° 303 « Immigration et asile » et le programme n° 104 « Intégration et accès à la nationalité française » , sont conservés dans leur ancienne architecture, comportant quatre actions chacun. Ils se caractérisent par un fort déséquilibre en termes de crédits budgétaires, avec un poids prépondérant des dépenses liées à la garantie du droit d'asile et au soutien des demandeurs d'asile , regroupés au sein de l'action n° 2 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » du programme n° 303, qui concentre à elle seule 74,7 % de l'ensemble des crédits de la mission dans le présent projet de loi.
La seule modification notable par rapport au projet de loi de finances pour 2012 est le transfert des crédits de titre 2 (charges de personnel) du SGII depuis le programme n° 303 vers le programme n° 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » . L'action n° 4 « Soutien » du programme n° 303 ne comporte donc plus de crédits de personnel et retrace désormais principalement les dotations de support liées à l'immobilier et aux systèmes informatiques. A cet égard, il n'est pas interdit de voir dans ce transfert des crédits de personnel une forme de pérennisation de l'intégration du SGII au sein du ministère de l'intérieur.
Le maintien de l'architecture du programme est un vrai motif de satisfaction, car il facilite le suivi de l'évolution des dotations budgétaires , particulièrement dans un contexte de forte hausse des crédits, comme proposée pour l'exercice 2013.
B. DES DÉPENSES RÉÉVALUÉES DANS LE CADRE DE LA PROGRAMMATION TRIENNALE
La loi de finances pour 2012 marquait déjà une rupture avec les lois de finances initiales des années précédentes, avec une augmentation conséquente des crédits (+ 12,6 % en crédits de paiement), concentrée sur les dépenses liées à l'asile du programme n° 303. Cette rupture est confirmée et accentuée par le présent projet de loi de finances, qui procède en particulier à un nouveau rebasage des crédits liés aux demandeurs d'asile .
1. La forte augmentation du plafond triennal lié à la réévaluation de l'asile
Le plafond triennal 2011-2013 prévoyait une baisse progressive des dépenses de la mission de 552 millions d'euros en 2011 à 535 millions d'euros en 2013 . Toutefois, dans un contexte de forte hausse de la demande d'asile, les plafonds du triennal ont été systématiquement dépassés lors des deux premières années de l'exercice (2011 et 2012). En particulier, pour 2012, les crédits prévus en loi de finances initiale ont dépassé de 84,3 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 77,5 millions d'euros en crédits de paiement (CP) les plafonds fixés par la loi de programmation, soit un dépassement de respectivement 15,3 % et 14 %.
La nouvelle loi de programmation triennale pour 2013-2015 procède à une augmentation significative des plafonds de crédits de la mission. Pour l'année 2013, le plafond est fixé à 670 millions d'euros , contre 535 millions d'euros dans la loi de programmation 2011-2013 (+ 25,2 % ). Le triennal prévoit cependant une forte baisse lors des prochaines années, pour parvenir à 637 millions d'euros en 2015.
A périmètre et flux de demandeurs d'asile constants, une telle réduction, s'agissant de dépenses essentiellement contraintes, semble peu crédible . Pour être effective, elle devrait nécessiter à la fois une amélioration des dispositifs de garantie du droit d'asile pour en limiter structurellement le coût, et une forte réduction des dépenses d'intervention dites « pilotables », notamment celles destinées aux actions d'intégration des étrangers.
Plafonds des crédits de paiement des programmations pluriannuelles
(en millions d'euros)
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
|
Plafond des crédits du triennal 2011-2013 |
552 |
546 |
535 |
||
Crédits LFI |
561 |
625 |
670 |
||
Plafond des crédits du triennal 2013-2015 |
670 |
659 |
637 |
Source : Commission des finances, d'après les projets annuels de performances
2. Des dépenses d'intervention « pilotables » en baisse
Dans le rapport préparatoire au débat d'orientation des finances publiques, il a été fixé un double objectif de réduction de 7 % des dépenses de fonctionnement et des dépenses d'intervention pilotables .
S'agissant des dépenses de fonctionnement, la situation apparaît contrastée. Certaines actions connaissent une baisse significative, en particulier la subvention pour charges de service public (SCSP) de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII, - 13 %) et les crédits de fonctionnement de la sous-direction des naturalisations (- 7 %) .
En revanche, le poids des loyers budgétaires au sein des dépenses de fonctionnement du SGII explique une diminution plus faible des crédits de fonctionnement globaux (- 4 %) . De ce point de vue, les objectifs de réduction de ces derniers ne pourront, à terme, être tenus qu'au prix de la mise en oeuvre d'une politique de rationalisation immobilière cohérente.
Par ailleurs, l'objectif de réduction des délais de traitement de la demande d'asile explique l'augmentation des crédits destinés à l'OFPRA , ainsi que celle de son plafond d'emploi (cf. infra ).
S'agissant des dépenses d'intervention pilotables , c'est-à-dire hors dépenses de guichet, « l'objectif global est dépassé avec une baisse globale de 8 % en 2013 par rapport à la LFI 2012 », comme l'indique le ministère dans ses réponses au questionnaire budgétaire. Il convient de souligner que ces dépenses couvrent principalement les actions d'intégration du programme n° 104.
Dès lors, l'augmentation des crédits de la mission est le fait des dépenses d'intervention non pilotables, qui correspondent aux dépenses de l'hébergement d'urgence et de l'allocation temporaire d'attente (ATA) . Ces deux derniers dispositifs représentent à eux seuls, en 2013, une augmentation de 85 millions d'euros, soit 47 %, par rapport aux dotations pour 2012.
3. Une mission de plus en plus tournée vers les dépenses d'intervention en faveur de l'accueil des demandeurs d'asile
Le présent projet de loi de finances est marqué par la réévaluation des dépenses liées à l'asile , contenues dans l'action n° 2 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » du programme n° 303 « Immigration et asile ». Cette réévaluation explique la progression des crédits globaux de la mission, qui s'établissent, pour 2013, à 670,9 millions d'euros en CP contre 593,5 millions en 2012, soit une augmentation globale de 13 % .
Le rebasage des dépenses d'asile, conduit dans un objectif de sincérité budgétaire , impacte l'ensemble des sous-actions, mais plus particulièrement les deux dispositifs traditionnellement sous-budgétés que sont l'hébergement d'urgence et l'ATA .
Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2013 poursuit la diminution des crédits du programme n° 104, en particulier des actions d'intégration , déjà engagée depuis plusieurs années, ainsi que celle des dépenses de fonctionnement de l'administration. Il opère également une diminution des dépenses liées à la lutte contre l'immigration irrégulière , à travers une baisse des crédits de fonctionnement des centres de rétention administration (CRA) et des frais d'éloignement des étrangers.
Au total, ces évolutions, combinées à l'évolution de la maquette budgétaire qui voit le transfert des crédits de personnel du SGII vers le programme n° 216, accentue encore, par rapport à 2012, la forte orientation de la mission sur les dépenses liées à l'exercice du droit d'asile . Comme le montre le graphique ci-dessous, ces dernières représentent près de 75 % des dépenses totales, contre moins de 65 % en 2012.
Évolution des crédits de paiement des
programmes de la mission
« Immigration, asile et
intégration »
(en milliers d'euros)
Source : Commission des finances, à partir du projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2013
Répartition des crédits de paiement de la
mission
« Immigration, asile et
intégration »
Source : Commission des finances, à partir du projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2013
* 1 Décret n° 2012-771 du 24 mai 2012 relatif aux attributions du ministre de l'intérieur.
* 2 Contribution de Roger Karoutchi, rapporteur spécial, au sein du rapport général n° 658 (2011-2012) de François Marc, rapporteur général, tome II, p. 256.