MM. Yann GAILLARD et Aymeri de MONTESQUIOU, rapporteurs spéciaux
EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
Article 63
(Art. L. 524-3 du code du patrimoine)
Commentaire : Le présent article prévoit la suppression de l'exonération de redevance d'archéologie préventive des constructions individuelles réalisées pour elle-même par une personne physique.
I. LE DROIT EXISTANT
La redevance d'archéologie préventive (RAP) a été instituée par la loi n°2003-707 du 1 er août 2003.
L'archéologie préventive se distingue de l'archéologie programmée et vise à détecter, en vue de leur sauvegarde, des éléments de patrimoine avant la réalisation d'opérations portant atteinte au sous-sol. Après la réalisation d'un diagnostic - études, prospections et travaux de terrain - destinés à préciser la présence d'éléments de patrimoine, les fouilles permettent de les relever puis de les protéger.
La prescription, le contrôle et l'évaluation des diagnostics et des fouilles relèvent, sur terre, des services régionaux de l'archéologie (SRA) des DRAC et, pour le milieu subaquatique, du Département de recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM), service à compétence nationale de la direction générale des patrimoines, établi à Marseille.
L'essentiel des diagnostics ainsi que les fouilles sont majoritairement réalisées par l'Institut national de recherches archéologiques et préventives (INRAP).
Comme l'avait souligné notre ancienne collègue Nicole Bricq dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2012, « les circuits de financement de l'archéologie préventive et la gestion de la redevance d'archéologie préventive sont complexes ». En effet, si les fouilles préventives sont financées par l'aménageur sur la base d'une prestation contractuelle, les diagnostics sont financés par l'impôt, en l'espèce, au nom du principe « aménageur-payeur », par la redevance d'archéologie préventive.
En pratique, le rendement de la redevance s'est, dès l'origine, révélé insuffisant pour couvrir ne serait-ce que les besoins de fonctionnement courant de l'archéologie préventive. Conjuguée à l'absence de dotation en fonds de roulement de l'INRAP lors de sa création, cette faiblesse a rendu indispensable le versement régulier de subventions budgétaires à l'opérateur, pour un montant total estimé à 154 millions d'euros à fin 2011.
Afin de remédier à ce déséquilibre chronique, source de retards dans l'intervention sur le terrain, une réforme d'ensemble de la redevance a été engagée l'année passée. Ses modalités de calcul et de recouvrement ont été réformées : l'article 79 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 a adossé la RAP à la taxe d'aménagement, tout en procédant à diverses simplifications et mises en cohérence. L'INRAP a également bénéficié d'une recapitalisation par le ministère de la Culture, à hauteur de 21 millions d'euros, qui a compensé les résultats négatifs cumulés de l'établissement, dont la trésorerie était déficitaire depuis 2007.
Comme le soulignaient vos rapporteurs spéciaux dans leur rapport de l'année passée, « l'effort supplémentaire consenti par le contribuable via la recapitalisation et l'aménagement de la RAP doit naturellement s'accompagner de gains de productivité et d'une amélioration de la qualité du service apporté aux aménageurs ». Signé en juillet 2011, le contrat de performance 2011-2013 entre l'Etat et l'opérateur comporte 90 mesures destinées à améliorer la qualité des prestations rendues à ses clients. Son fonctionnement interne fait par ailleurs l'objet d'un effort particulier de maîtrise des dépenses opérationnelles et de suivi de sa gestion.
Si l'on en croit le rapport d'activité de l'INRAP pour 2011, la baisse de l'activité de l'institut, la première depuis sa création, « masque une plus grande efficience dans la réalisation des opérations : le nombre de diagnostics et les surfaces sondées sont en croissance, les recettes et la marge opérationnelle pour les fouilles sont en nette amélioration ; les charges fixes sont en recul ». L'INRAP estime que « ces résultats sont très encourageants et montrent que les efforts accomplis pour moderniser l'institut et son fonctionnement produisent des fruits ». Il est vrai que le rendement exceptionnel de la RAP a permis à l'établissement de dégager un bénéfice, de 5,82 millions d'euros.
Quoi qu'il en soit, les nouvelles règles de calcul de la redevance sont entrées en vigueur au 1 er mars 2012, à l'instar des règles applicables à la taxe d'aménagement sur laquelle elle est désormais intégralement adossée : son assiette est la valeur de l'ensemble immobilier déterminée dans les conditions prévues aux articles L. 331-10 à L. 331-13 du code de l'urbanisme pour la taxe d'aménagement. La valeur de l'ensemble immobilier est la surface de construction.
Les dispositions adoptées l'année passée ont laissé subsister plusieurs exonérations de la redevance. Six d'entre elles peuvent s'appuyer sur une exonération de la taxe d'aménagement :
- les constructions et aménagements destinées à un service public ou d'utilité publique ;
- les constructions de locaux d'habitation et d'hébergement bénéficiant d'un prêt locatif aidé d'intégration ;
- certains locaux ou surfaces des exploitations et coopératives agricoles (plancher des serres de production, locaux destinés à abriter les récoltes...) ;
- les aménagements prescrits par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, des risques technologiques ou des risques miniers ;
- sous certaines conditions, la reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans ;
- les constructions dont la surface est inférieure à 5 m 2 .
Seule l'exonération des constructions de maisons individuelles réalisées pour elle-même par une personne physique n'obéit pas à cette logique. Non prévue dans le texte initial du projet de loi de finances rectificative pour 2011, cette disposition avait été introduite par le Gouvernement lors de l'examen de ce projet par l'Assemblée nationale. Dérogatoire au nouveau régime de la redevance, cette exonération a introduit une complexité alors qu'un des objectifs de la réforme visait justement à en simplifier l'économie générale. Elle heurtait également plusieurs principes généraux :
- l'équité car comment justifier qu'un contribuable logé en logement social soit assujetti alors qu'un propriétaire individuel ne l'est pas ;
- le souci de lutter contre l'étalement urbain , source de gaspillage de terres naturelles disponibles.
Cette exonération avait pour effet de réduire le rendement prévu de la redevance et allait, de ce fait, à l'encontre de l'objectif de procurer une ressource pérenne pour l'archéologie préventive. Tant votre commission que la commission de la culture, saisie pour avis, s'étaient par conséquent opposées à l'institution de cette exonération.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le Gouvernement entend maintenant revenir sur cette disposition . L'article 63 prévoit que la taxe s'appliquera aux constructions pour lesquelles des demandes d'autorisation de construire auront été déposées à compter du 1er janvier 2013.
III. LA POSITION DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX
Sur le plan des principes et de l'équité fiscale, cet article ne parait pas pouvoir encourir de critique. En revanche, quelques points méritent d'être éclaircis :
- le montant de la recette procurée par la redevance est par nature incertain, puisque lié au nombre des demandes d'autorisation de construire déposées au cours de l'année considérée. Notons toutefois que l'estimation de la recette procurée par la suppression de cette exonération , soit 30 millions d'euros, représente près du double du chiffrage présenté l'année dernière par le Gouvernement lors de la discussion de l'amendement tendant à l'instituer (18 millions d'euros) ;
- le rendement attendu de la redevance ainsi n'est-il pas trop élevé par rapport aux besoins annuels de fonctionnement de l'archéologie préventive, évalués à 2010 par l'INRAP lui-même, à 116,5 millions d'euros par an (hors besoins conjoncturels liés à d'éventuels pics d'activité) ;
- la suppression de l'exonération entraînerait un renchérissement du coût de la construction de maisons individuelles . Les contribuables bénéficieront toutefois d'un abattement pour les 100 premiers mètres carrés de la résidence principale, conformément aux dispositions de l'article L 331-12 du code de l'urbanisme. Le Gouvernement a estimé à 277,20 euros en province et à 314 euros en Ile-de-France le renchérissement du coût de la construction d'un pavillon d'une superficie de 150 m 2 . En moyenne, les contribuables devraient acquitter une somme moindre puisque la superficie moyenne des constructions individuelles se situe à 130 m 2 environ.
L'augmentation de la taxe d'aménagement s'élèverait donc à 9 % environ en région et à 7 % en Ile-de-France. Rapporté au coût de la construction, qui serait, toujours dans l'hypothèse d'un pavillon de 150 m 2 , de 300 000 euros, elle représenterait un effort financier supplémentaire marginal pour les personnes intéressées. Reste qu'elle intervient dans un contexte général d'accroissement de la fiscalité des ménages
Décision de la commission : vos rapporteurs spéciaux vous proposent d'adopter cet article sans modification.