III. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE (LUNDI 24 OCTOBRE 2011)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 83.

AMENDEMENT N° I - 83

Substituer au mot :

« participation »,

le mot :

« contribution ».

La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'amendement n° 83 est un amendement de pure forme. Afin d'éviter que le non-respect du principe de la représentation nationale par les organisateurs de ce débat n'interdise l'expression des députés non inscrits, je ferai quelques brèves remarques.

Je veux d'abord regretter qu'il ait fallu tant de mois pour admettre qu'il n'y avait pas d'autre solution qu'une restructuration pour régler le problème de la dette grecque. Celle-ci aurait dû être décidée dès le départ et accompagnée d'exigences fortes à l'égard de la Grèce, mais aussi d'une solidarité active des Européens, étant précisé que l'on ne sauvegardera pas l'euro sans que cela nous coûte un minimum. Une telle attitude basée sur l'anticipation aurait dissuadé la spéculation bien plus efficacement que la crainte, dans laquelle on nous a maintenus, d'un prétendu défaut grec.

Au-delà, ce sont l'organisation et la régulation des marchés financiers qui demeurent fondamentaux, car c'est en agissant sur ces points que nous pourrons réduire - dans tous les sens du terme - le temps des spéculateurs. Je vous demande, monsieur le ministre, où en est la mise à jour de la directive épargne, à laquelle le Luxembourg continue de se soustraire. Par ailleurs, pouvez-vous nous indiquer quand auront lieu la transposition de la directive AIFM sur les fonds alternatifs et la mise en chantier de la directive MIFID sur les marchés financiers, indispensables si nous voulons lutter efficacement contre les spéculations ? Enfin, après avoir dénoncé si vivement les paradis fiscaux, comment pouvons-nous accepter aujourd'hui que l'attitude de nos partenaires à l'égard du système RUBIK revienne à pactiser ouvertement avec la Suisse ?

M. Charles de Courson. « Pactiser » ? Le mot est un peu fort !

M. Daniel Garrigue. Monsieur le ministre, l'Europe exige une vision et une ambition. Elle exige une stratégie financière, commerciale, industrielle et dans le domaine de la recherche. C'est de cela que nous aurions aimé vous entendre parler.

M. le président. Mon cher collègue, voudriez-vous présenter conjointement votre amendement n° 84 - à moins que vous ne considériez l'avoir déjà défendu ?

M. Daniel Garrigue. C'est un amendement portant sur un sujet complètement différent, monsieur le président, et je le défendrai donc séparément. Comme je l'ai expliqué, l'amendement n° 83 est un amendement de pure forme ayant pour objet de me permettre de m'exprimer, puisque les députés non inscrits ne disposent d'aucun temps de parole dans un débat aussi important que celui relatif au prélèvement européen. C'est là une situation pour le moins surprenante, que je vous demande de rapporter au bureau de l'Assemblée nationale.

M. le président. Très bien.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 83 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean Leonetti, ministre. Défavorable.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Garrigue ?

M. Daniel Garrigue. Je le retire évidemment, monsieur le président, puisqu'il n'avait d'autre objet que de me permettre de m'exprimer,...

M. Jean Mallot. Il a atteint son objectif ! (Sourires.)

M. Daniel Garrigue. ...mais je regrette tout de même que M. le ministre n'ait pas apporté de réponse aux questions que je lui ai posées, car cela pouvait intéresser l'ensemble de notre assemblée.

(L'amendement n° 83 est retiré.)

M. le président. Vous avez maintenant la parole, monsieur Garrigue, pour défendre votre amendement n° 84.

AMENDEMENT N° I - 84

Après le mot :

« européenne »,

insérer les mots :

« et au programme européen d'aide aux plus démunis ».

M. Daniel Garrigue. Il a pour objet d'affirmer la position du Parlement sur la question du plan européen d'aide aux plus démunis - le PEAD -, étant précisé que je ne conteste pas le travail accompli sur ce dossier par le ministre de l'agriculture, Bruno Le Maire, ni celui accompli par la Commission européenne, afin de trouver une solution échappant à la sanction de la Cour de la justice. Je rappelle que ce plan concerne 18 millions de personnes et que les fonds nécessaires à son fonctionnement, de l'ordre de 400 à 500 millions d'euros, sont disponibles.

Il me paraît important que nous montrions à la minorité d'États tentant de bloquer ce programme que l'aspiration générale, au sein de l'Union européenne, est celle d'une Europe ouverte, disposée à faire face à la totalité des enjeux, aussi bien économiques que sociaux.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission est défavorable à cet amendement, qui a trait à une question ayant vocation à être réglée dans le cadre des discussions entre le Parlement européen et la Commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean Leonetti, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. On ne peut pas intervenir, dans le cadre de la contribution nationale au budget européen, sur l'affectation des recettes ou des dépenses. Les pays de la minorité de blocage, notamment la République tchèque et le Danemark, s'appuient sur un arrêt de la Cour européenne de justice, qui a estimé cette année que le PEAD avait dévié de son objectif initial de redistribution des excédents agricoles.

Comme vous le savez, Bruno Le Maire et moi-même avons contacté nos homologues au sujet de ce dossier. Pour le moment, nous n'avons pas encore réussi à faire aboutir notre démarche. Cependant, je rappelle que le Président de la République a considéré que l'aide aux plus démunis était une obligation pour l'Europe, et je ne doute pas que, dans l'hypothèse où nous nous trouverions dans une impasse au niveau européen, la France prendrait ses responsabilités.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je suis sensible à l'amendement de notre collègue Garrigue. Voudrions-nous donner l'image d'une Europe totalement technocratique, qui ne veut rien savoir des difficultés sociales, que nous ne nous y prendrions pas autrement - il faut toutefois reconnaître que le Gouvernement n'y est pour rien et qu'il se bat, comme l'a rappelé M. le ministre, pour que les Tchèques et les Allemands reviennent sur leur position. Dans la mesure où le PEAD a fonctionné pendant des années, l'intelligence de ceux qui l'ont conçu doit pouvoir être à nouveau mise à contribution, cette fois pour le maintenir, en dépit de la décision de justice sur laquelle s'appuie la minorité de blocage.

J'insiste sur le fait que les sommes en question ne représentent qu'un faible pourcentage du budget européen, et qu'il paraît donc bien mesquin de se disputer à ce sujet. Avant que nous ne passions au vote, pourriez-vous nous éclairer, monsieur le ministre, sur l'idée - que vous semblez suggérer - d'une éventuelle substitution de l'État français à l'Union européenne en cas de défaillance de celle-ci ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre. Monsieur de Courson, je ne peux m'engager au nom de l'État sur une question relevant en partie de la compétence du Parlement. Nous en sommes encore au stade des discussions : M. le Premier ministre est intervenu auprès du Premier ministre de la République tchèque et de la Chancelière allemande ; de son côté, le Président de la République a également évoqué le problème avec Angela Merkel. Nous avons étudié la possibilité de maintenir le montant initial de l'aide en proposant d'utiliser deux budgets différents, l'un pour la PAC, l'autre pour la solidarité - en vain pour le moment, car nous n'avons pas encore réussi à lever la minorité de blocage.

Je précise qu'en Allemagne l'aide aux plus démunis relève de la responsabilité des Länder, qui comprennent mal, étant peu bénéficiaires du dispositif, que nous n'appliquions pas sans réserves la décision rendue par la Cour de justice : ils sont favorables à une renationalisation de l'aide, conformément à cette décision. Pour notre part, nous souhaitons que l'Union européenne continue à assumer l'aide aux plus démunis dans les deux années qui viennent, c'est-à-dire en attendant les nouvelles orientations du PEAD pour les années 2014 à 2020, et continuerons à nous battre afin d'obtenir la levée de la minorité de blocage.

Dans l'hypothèse où nous ne parviendrions pas à faire valoir notre position, je n'imagine pas, à titre personnel, que le gouvernement français puisse abandonner les plus démunis dans la période de crise que nous traversons. Je souhaite de tout coeur que nous parvenions à sortir les discussions de l'impasse, mais si cela se révélait impossible, je pense que le Gouvernement prendrait ses responsabilités.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Je rappelle qu'il s'agit là d'une affaire extrêmement sérieuse, qui concerne un grand nombre de personnes en France et dans l'ensemble de l'Union européenne. Nous avons voté une réforme du règlement de notre assemblée, permettant de déposer des résolutions, notamment sur les projets, propositions ou documents de nature européenne. Cette procédure, relativement lourde, est mise en oeuvre assez rarement. Ma proposition, qui s'apparente à une résolution de cette nature, ne me paraît pas susceptible d'affecter gravement les mécanismes budgétaires européens - contrairement à ce que vous semblez sous-entendre, monsieur le ministre. Son adoption constituerait une occasion d'exprimer, sur un problème grave, notre position vis-à-vis d'un petit nombre d'États qui n'ont pas compris que l'Europe est un tout, et que nous devons avancer ensemble.

M. le président. La parole est à M. François Asensi.

M. François Asensi. Je voterai l'amendement de M. Garrigue, et je me félicite que M. le ministre ait finalement répondu à la question que je lui avais posée sur la position qu'adopterait la France en cas de maintien, par la Commission européenne, de sa position sur ce point. Je le remercie de sa réponse, même s'il a attendu, pour la donner, que M. de Courson lui pose à son tour la même question.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre. Loin de moi l'idée, monsieur Asensi, de vous écarter. Dans ma réponse, je m'exprimais au sujet d'un amendement. Je vous associe bien volontiers à cette préoccupation qui, je crois vous l'avoir expliqué de manière tout à fait claire, est majeure pour le Gouvernement. La mission qu'a donnée le Président de la République au Premier ministre et à l'ensemble des ministres concernés est d'arriver à trouver une solution.

M. le président. Monsieur Garrigue, l'amendement n° 84 est-il maintenu ?

M. Daniel Garrigue. Oui, monsieur le président, je le maintiens.

(L'amendement n° 84 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n os 95 et 204, ainsi rédigés :

Substituer au montant :

« 18 878 273 000 € »,

le montant :

« 18 730 755 000 € ».

La parole est à M. Richard Mallié, pour présenter l'amendement n° 95.

M. Richard Mallié. Avant toute chose, je tiens à souligner, au nom de mes collègues cosignataires de cet amendement - nous sommes près d'une cinquantaine - notre soutien le plus fort à la Turquie et au peuple turc suite au terrible séisme qui a frappé ce pays hier matin.

M. Christophe Caresche. M. Mallié veut en provoquer un second !

M. Richard Mallié. Il est de notre devoir d'aider le peuple turc dans cette situation. Mais il est aussi de notre devoir de respecter ce pays et de mettre fin à une certaine hypocrisie européenne.

En effet, chaque année - et vous allez me dire, à cet égard, que mon amendement est devenu traditionnel, mais cela ne m'empêche pas d'y revenir -, la France verse indirectement à la Turquie près de 130 millions d'euros en vue de son adhésion à l'Union européenne,...

M. Christophe Caresche. Très bien ! Excellent !

M. Richard Mallié. ...soit 887 millions d'euros sur sept ans entre 2007 et 2013. Il s'agit bien de crédits de préadhésion : c'est comme cela que les présente le budget européen.

Tous les sondages réalisés en France - mais c'est aussi le cas en Turquie maintenant - vont dans le même sens : oui à un partenariat privilégié, non à une adhésion.

M. Jean Mallot. Il faut dire qu'en ce moment les sondages ne sont pas très favorables non plus à l'UMP !

M. Richard Mallié. C'est pourquoi, avec Claude Bodin, Patrice Calméjane et une cinquantaine de nos collègues,...

M. Jean Mallot. Seulement ? Ce n'est pas beaucoup !

M. Richard Mallié. ...nous avons déposé un amendement de cohérence visant à supprimer ces crédits. De plus, la Cour des comptes européenne épingle chaque année ce pays car il ne réalise qu'une faible partie des objectifs assignés à ces crédits.

À l'heure même où notre État et nos collectivités territoriales font des économies, comme on l'entend répéter depuis le début de l'examen de ce projet de loi de finances, il est nécessaire de mettre fin à cette incohérence politique et budgétaire. Il est important de dire et de répéter que l'Assemblée nationale française n'est pas une simple chambre d'enregistrement concernant le budget européen.

L'adoption de nos amendements serait un signal fort envoyé à la Commission européenne de Bruxelles. Cela lui montrerait que l'Assemblée nationale dispose d'une profonde conviction à ce sujet et qu'elle a toute légitimité à l'exprimer publiquement.

Je sais, monsieur le ministre, que la technocratie française, main dans la main avec la technocratie européenne,...

M. Christophe Caresche. Oh !

M. Richard Mallié. ...vous a préparé un argumentaire tendant à montrer que je dis n'importe quoi. Mais vous ne m'empêcherez pas de voir dans ce problème, comme l'électorat et le peuple français, une certaine incohérence politique. C'est la raison pour laquelle je pense que vous donnerez un avis favorable à cet amendement.

(M. Marc Le Fur remplace M. Louis Giscard d'Estaing au fauteuil de la présidence.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour présenter l'amendement n° 204.

M. Charles de Courson. Le groupe Nouveau Centre n'a jamais été favorable à l'adhésion de la Turquie. Nous souhaitons que ce pays reçoive le statut d'État associé.

Cela fait plusieurs années que nous déposons des amendements similaires, qui ne sont pas du tout contre la Turquie. Il s'agit d'avoir un message clair à l'égard des responsables et du peuple turcs, en leur disant qu'une association est possible et intéressante tant pour l'Union que pour la Turquie, mais qu'il n'y aura pas d'adhésion.

En effet, mes chers collègues, que voulons-nous ? Est-ce une Europe politique, un fédéralisme européen ? Si la réponse est oui, la Turquie ne doit pas adhérer.

Si l'on considère au contraire l'Union européenne comme une zone de libre-échange, aucun problème, que la Turquie adhère. En ce qui nous concerne, nous ne pensons pas que l'Union soit une zone de libre-échange. Nous n'avons pas une conception anglaise de la construction européenne.

M. Christophe Caresche. Pour des libéraux, c'est étonnant !

M. Charles de Courson. C'est pour cela, mais aussi pour d'autres raisons, liées à l'histoire - cela fait partie de l'identité des peuples -, et aux valeurs que nous portons, que nous nous opposons à l'entrée de la Turquie. Le rôle qu'y joue l'armée, par exemple, n'est pas acceptable dans une démocratie européenne ; mais on pourrait développer bien d'autres arguments encore.

Voilà pourquoi nous défendons cette idée, à temps et à contretemps. Nous pensons que, depuis 1963, on trompe la Turquie en lui faisant croire qu'elle va adhérer à l'Union européenne, alors que ce n'est pas la bonne solution, ni pour elle ni pour l'Union.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Défavorable.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes. Cela fait très longtemps que je défends, à titre personnel, la position qui vient d'être exprimée par M. de Courson sur l'entrée de la Turquie dans l'Union.

J'ai toujours considéré que, pour des raisons d'efficacité de l'Europe, les frontières de l'Union européenne doivent aller jusqu'aux Balkans. Après, il faut s'arrêter.

Il n'est déjà pas facile de faire fonctionner L'Europe à vingt-sept. Nous voulons l'Europe politique. À cet égard, l'entrée de la Turquie - au-delà de tous les problèmes qui se posent, que ce soit avec Chypre ou au regard de la condition de la femme -, me paraît totalement invraisemblable. Ce pays compte en effet 80 millions d'habitants. Il aurait donc la prépondérance, en nombre de députés comme à l'intérieur du Conseil européen.

Cela dit, ce n'est pas la première année que nous avons ce débat. Vous savez donc ce que je vais vous répondre.

M. Richard Mallié. Oh, nous vous connaissons, monsieur le président !

M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes. Contrairement à ce qui est écrit dans l'exposé des motifs de l'amendement n° 95, ce qui est proposé ne me paraît pas cohérent avec la politique européenne de la France, conduite par le Président de la République, à l'égard des négociations de l'Union européenne avec la Turquie.

L'adoption de cet amendement signifierait inévitablement, aux yeux de nos partenaires turcs et européens, que la France veut interrompre non seulement l'aide à la Turquie, destinée à rapprocher celle-ci de l'Union européenne,...

M. Patrice Calméjane. Elle ne s'en sert pas !

M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes. ...mais aussi la négociation. Or ce n'est pas la politique de la France exprimée par le Président de la République.

La France se prononce pour que les négociations aboutissent à un partenariat privilégié, comme l'a dit tout à l'heure M. le ministre, et non à une adhésion ; elle est en faveur de l'ouverture de trente chapitres de la négociation sur trente-cinq. Elle s'oppose seulement à l'ouverture de cinq chapitres directement liés à l'adhésion.

La position de la France est donc très claire. Nous avons même fait acter par le Conseil Affaires générales du 10 décembre 2007 la suppression du terme « adhésion » pour qualifier la négociation. Mais la France souhaite maintenir l'aide et progresser dans la négociation pour parvenir à un rapprochement plus étroit que l'union douanière adoptée en 1995 sous présidence française de l'Union européenne.

Nous ne voulons pas de la Turquie dans l'Europe, mais il ne peut être question d'humilier ce grand pays ami, qui participe notamment au G20 en qualité de dix-septième économie mondiale. Ce serait contraire à la politique de la France d'adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean Leonetti, ministre. Monsieur Mallié, je n'ai pas changé d'opinion. Lorsque je siégeais à côté de vous, j'avais dit clairement, et pour les mêmes raisons que celles exposées par M. Lequiller, que l'Europe s'affaiblirait si elle s'élargissait au point de ne plus être qu'une zone de libre-échange. C'est en effet là une conception britannique de l'Europe, alors que la nôtre est celle d'une Europe avec des frontières - j'ose le mot. Ces frontières sont géographiquement et historiquement connues. À l'intérieur de ces frontières, il est nécessaire d'aller vers un approfondissement. Mais ce n'est pas parce qu'il y a des limites que la personne qui est à l'extérieur doit être considérée comme un adversaire ou un ennemi. Au contraire, nous lui reconnaissons cette différence.

J'ai évoqué tout à l'heure le partenariat sud que la France souhaite développer. Aujourd'hui, de l'argent est débloqué par l'Union européenne pour les pays du printemps arabe. Néanmoins, il n'y a aucune ambiguïté : la France n'a jamais dit à la Libye, à la Tunisie ou à l'Égypte qu'elles avaient vocation à entrer dans l'Union européenne. De la même façon, il existe un partenariat oriental avec de grands pays comme l'Ukraine, avec lequel nous essayons, en contrepartie d'efforts en matière d'État de droit et de respect des règles démocratiques, d'avancer vers des possibilités de relations commerciales, voire un libre-échange.

On le voit bien : l'Europe n'est pas isolée dans le monde. Elle a autour d'elle des espaces sur lesquels elle doit s'appuyer et avec lesquels elle doit dialoguer et commercer. En même temps, elle doit développer une politique étrangère, qui commence à être mise en oeuvre grâce au Traité de Lisbonne. Dans cette politique, la Turquie sera un partenaire indispensable pour les négociations, par exemple au Moyen-Orient. Nous avons besoin d'un partenaire qui, sans être destiné à entrer dans l'Union européenne, nous est indispensable pour créer une zone d'apaisement dans ce que le Président de la République appelait de ses voeux, à savoir l'Union pour la Méditerranée. Les ouvertures qui ont lieu aujourd'hui se font donc en vue, non d'une adhésion, mais d'une association. À cet égard, le président Lequiller a raison de rappeler que nous avons fait changer le mot.

Par ailleurs, sur le plan technique, on ne peut pas décider comme vous le proposez l'affectation ou la non-affectation d'une partie des ressources que vote aujourd'hui le Parlement.

Les choses sont claires et il n'y a pas d'ambiguïté. Nous ne conduisons pas la Turquie dans une impasse. La position de la France est sans équivoque. De la même façon, j'ai récemment redit en Pologne aux Ukrainiens et aux Biélorusses, dans le cadre du partenariat oriental, que les échanges que nous avons et les moyens que l'Europe peut mettre à leur disposition ne sont pas un préambule à une adhésion.

L'extension de l'Europe, ça suffit ! Comme l'a très bien dit le président Lequiller, elle doit se limiter à la zone des Balkans. L'Europe est une faiseuse de paix. Nous avons dit à nos amis serbes, qui sont désormais candidats avec l'appui de la France, en échange d'un dialogue renouvelé avec le Kosovo, et à nos amis croates, qui arrivent au bout du processus d'entrée dans l'Union européenne, que l'adhésion est un gage de paix, de sécurité et de prospérité. Cela suppose aussi de respecter l'État de droit et les droits de l'homme. La construction de l'Europe, c'est ça. Voilà pourquoi, en dehors des pays des Balkans, la France n'est pas favorable à l'entrée d'un quelconque pays dans l'Union européenne.

Il faut donc bien comprendre cette contribution comme un prélude à une association, à un partenariat, et non à une adhésion. Je suis très clair ici, de même que l'est la France vis-à-vis de l'ensemble de ses partenaires. En effet, à l'intérieur de l'Union européenne, elle tient exactement le même langage que celui que je viens de tenir devant vous.

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Je n'adhère pas à ces deux amendements.

M. Christophe Caresche. Très bien !

M. Étienne Pinte. Ce n'est pas parce que je suis défavorable, tout comme vous, à l'intégration de la Turquie dans l'Union européenne que je considère qu'il faut donner aux Turcs l'impression que nous les laissons sur le bord de la route, surtout après la catastrophe dont ils ont été victimes hier.

J'ai participé il y a quelques semaines à un séminaire organisé à Istanbul par l'Institut du Bosphore sur la place de la Turquie dans ses relations avec l'Europe, sur son rôle au Proche et au Moyen-Orient - que vient de rappeler M. le ministre - et sur ses initiatives à l'occasion des révolutions arabes.

Avec un taux de croissance de 10 % par an, des exportations vers l'Union européenne représentant 48 % de son commerce, un équilibre budgétaire que les pays européens lui envient, la Turquie est un partenaire très important de l'Europe et de la France, qui, je le rappelle, est son cinquième partenaire économique. Des chantiers communs franco-turcs pourraient s'ouvrir et se concrétiser, par exemple pour la reconstruction de la Libye.

La Turquie peut aussi jouer un rôle important de médiation avec des pays de la région : la Syrie, l'Irak, l'Iran. Le poids, l'influence de la Turquie dans le conflit israélo-palestinien pourront, me semble-t-il, soutenir utilement la reconnaissance d'un État palestinien.

Je souhaite également, à l'inverse, que la Turquie trouve enfin des solutions pacifiques aux problèmes kurde et chypriote.

Pour toutes ces raisons, je pense qu'il ne faut pas donner aux Turcs l'impression de chipoter sur notre aide.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Cet amendement, c'est vrai, n'est pas très bienvenu au moment où la Turquie connaît à nouveau une catastrophe qui fera sans doute de très nombreuses victimes.

S'il s'agit, avec cet amendement, de faire passer un message aux autorités turques, alors je veux rassurer M. de Courson et M. Mallié : ce message est bien passé. La Turquie a bien compris la position de la France quant à son éventuelle entrée dans l'Union européenne ; cette position a d'ailleurs provoqué, je le dis en passant, un affaiblissement préoccupant de la position de la France auprès d'un pays avec qui nous avons entretenu des liens historiques, et auprès d'une population qui aime la France, mais qui se désespère d'une position aussi catégorique et aussi systématique.

Mais je ne crois pas, honnêtement, que M. Mallié ait eu en tête de faire passer un message aux autorités turques ; il a en tête de faire passer un message à certains de ses électeurs. Il pourra rentrer dans sa circonscription avec le sentiment du devoir accompli.

On ne doit pas, je crois, traiter ces problèmes de relations internationales à partir des revendications de certaines communautés, même si ces revendications sont légitimes.

Nous croyons, nous, qu'il faut poursuivre les négociations avec la Turquie, et pas seulement dans la perspective d'un partenariat, mais dans celle d'une adhésion.

M. Richard Mallié. Ah ! Le mot est lâché !

M. Christophe Caresche. Il ne s'agit pas de trancher cette question aujourd'hui. Mais ces négociations doivent demeurer ouvertes, y compris dans la perspective d'une adhésion. Fidèles à ce qui est depuis longtemps la position du parti socialiste, nous voterons contre ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Je voulais d'abord dire à M. Caresche que le parti socialiste n'est pas seul à exprimer cette position. C'était, je le rappelle, celle de la France depuis le général de Gaulle !

M. Jean Mallot. Il reste un gaulliste dans cet hémicycle, un seul ! Il est bien isolé.

M. Daniel Garrigue. Les amendements présentés me paraissent tout à fait regrettables, quand on pense à nos engagements, quand on pense à ce pays dont nous mesurons les évolutions considérables - évolution économique, cela a été dit, mais aussi démocratique. La Turquie sert aujourd'hui de modèle aux pays qui ont la chance de connaître le printemps arabe ; elle a sur eux beaucoup d'influence. C'est un pays qui, aujourd'hui, s'affirme par une politique étrangère indépendante - une indépendance comme celle que la France affirmait encore il y a quelques années, et dont nous aimerions tant qu'elle l'affirme à nouveau !

Il y a un processus : il doit être mené à son terme ; il faut le respecter. L'interrompre, ce serait envoyer à la Turquie le pire des messages. Ce n'est pas parce que le Président de la République adresse un message déplorable que le Parlement doit s'associer à cette attitude. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il s'agissait, à l'occasion de ce débat - et ces occasions sont rares -, de montrer que notre position est claire. Il ne s'agit évidemment pas de réduire les aides à la Turquie, bien au contraire !

Monsieur le ministre, vous nous avez dit qu'on ne parlait plus de préadhésion mais de « préassociation ». Pouvez-vous nous confirmer que c'est bien le terme employé dans les documents budgétaires de l'Union ? Si tel est le cas, je retire immédiatement mon amendement, qui n'a pas pour objectif ce que certains essayent de lui faire dire !

M. Richard Mallié. Nous sommes d'accord !

M. le président. Monsieur Mallié, vous avez la parole.

M. Richard Mallié. Monsieur Garrigue, il faut vivre avec votre temps : nous sommes au XXI e siècle. Je vous donne simplement une information : l'an dernier, Istanbul était capitale européenne de la culture ; pour l'exposition consacrée à Topkapi, il y avait deux files : l'une pour les Européens, où l'on payait l'entrée vingt euros ; l'autre pour les Turcs, où l'on payait vingt centimes.

Monsieur le ministre, j'ai entendu ce que vous avez dit, j'ai entendu ce qu'ont dit les uns et les autres ; j'ai noté avec satisfaction que la gauche est toujours favorable à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. Vous affirmez, monsieur Caresche, que je voudrais faire plaisir à mon électorat.

M. Jean Mallot. Vous aurez du mal à prétendre le contraire !

M. Richard Mallié. Oh, de ce côté-là, nous n'avons pas de leçons à recevoir ! M. Montebourg, avec sa démondialisation, faisait plaisir à l'extrême gauche comme à l'extrême droite : c'est vraiment le grand écart.

M. Jean Mallot. N'essayez pas de noyer le poisson !

M. Richard Mallié. Mais peu importe.

Je voudrais simplement répéter ce qu'a dit Charles de Courson : pourquoi y a-t-il, depuis 2007, des crédits de préadhésion ? Je n'ai toujours pas reçu de réponse à cette question ! Tout le monde me dit que la France est contre l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, mais on continue à donner de l'argent au titre de la préadhésion ! J'estime donc, monsieur Lequiller, ne pas avoir reçu de réponse sur ce point.

M. Jean Mallot. C'est une décision des Vingt-sept !

M. Richard Mallié. En revanche, je voudrais poser une question simple : croyez-vous vraiment qu'aujourd'hui la France a les moyens de dépenser ces crédits ? Si c'est le cas, je n'ai rien compris à ce projet de loi de finances.

M. Jean Mallot. Ce n'est pas invraisemblable. (Sourires.)

M. Richard Mallié. Et je n'ai rien compris non plus à ce qu'on dit nos gouvernants, le Premier ministre, le ministre des finances, la ministre du budget.

Avons-nous encore les moyens ? Alors que nous demandons à nos concitoyens de se serrer la ceinture, on continue à donner de l'argent à la Turquie - mais la Turquie, elle, en a-t-elle besoin ? À écouter M. Pinte, pas du tout ! Il nous parle de 10 % de croissance, d'exportations.

Si la Turquie n'a pas besoin de cet argent, et que nous n'avons pas les moyens de le lui donner, le problème est simple. Nous voterons cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Pour évoquer les relations de la France avec la Sublime Porte, on peut, effectivement, remonter à Louis XIV, voire à François I er .

M. Jean Leonetti, ministre. Ou à Jean sans Terre, comme M. de Courson !

M. Daniel Garrigue. Je proposais seulement de remonter jusqu'à Jacques Chirac ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Bouvard. Le vrai sujet, ce n'est pas celui des considérations électorales locales : on peut, je crois, faire crédit à chacun de nos collègues d'une vision un peu plus haute des intérêts de notre pays et des problèmes politiques.

M. Christophe Caresche. Comme on vient de l'entendre...

M. Michel Bouvard. Le sujet, c'est celui de l'élargissement de l'Europe. Or, aujourd'hui, on voit les difficultés dans lesquelles l'Europe est empêtrée du fait d'un élargissement rapide - et qui devait d'ailleurs l'être - à ceux dont le seul tort était d'être du mauvais côté du Mur, mais qui posent aujourd'hui d'immenses problèmes de gouvernance.

M. Daniel Garrigue. Aujourd'hui, c'est la Grèce qui pose problème !

M. Jean Mallot. De quel côté du Mur était la Grèce ?

M. Michel Bouvard. Aujourd'hui, nous devons nous demander s'il faut continuer à élargir l'Europe en intégrant un pays de 80 millions d'habitants, et qui plus est un pays qui a sans doute, dans l'organisation politique du monde, un rôle à jouer différent de celui qu'il jouerait en intégrant l'Union européenne. La question est là, et il faudra, monsieur le ministre, que les documents budgétaires de l'Union soient clarifiés.

M. Jean Mallot. Il faudrait déjà une clarification à l'UMP !

M. Michel Bouvard. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il faut envoyer à la Turquie un signal négatif, compte tenu de son rôle de partenaire commercial, mais aussi de son rôle politique au sein de l'Union pour la Méditerranée, au sein de l'espace méditerranéen, ou dans les relations avec certaines républiques turcophones d'Asie centrale.

Mais il serait souhaitable, sans voter ces amendements, d'obtenir cette clarification tant attendue. Elle ne pourra pas, nous le savons bien, venir d'une décision française : une décision communautaire est nécessaire. Mais nous devons pouvoir être certains que ce débat, comme le Président de la République l'a souhaité, continuera ; au-delà du périmètre de l'Europe, il faudra aussi évaluer, d'ailleurs, le périmètre des relations privilégiées que doit entretenir l'Europe avec l'Afrique, avec la Turquie, avec la Russie - dont on parle trop peu, mais qui est sans doute le partenaire économique le plus important pour l'avenir du continent européen.

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc.

M. Étienne Blanc. Le moins qu'on puisse dire, monsieur le ministre, c'est que nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation parfaitement ambiguë.

Cette ambiguïté devient tout à fait insupportable pour toutes celles et tous ceux qui considèrent qu'il est de notre intérêt de tisser des coopérations et des liens étroits avec ceux qui sont aux portes de l'Europe, et notamment avec la Turquie, qui de temps immémoriaux a été un indispensable trait d'union avec des régions du monde qui sont instables, et qui posent à l'Europe de véritables problèmes, en particulier de sécurité.

Vous nous demandez aujourd'hui de voter des crédits qui figurent dans une ligne de préadhésion. Plusieurs d'entre nous pensent que si cette ligne de crédits était affectée à un budget qui ne soit pas un budget de préadhésion, mais de renforcement de la coopération avec cette région du monde, il n'y aurait aucune difficulté.

Je m'exprime ici à titre personnel sur ces deux amendements. Vos explications doivent nous permettre de sortir de cette ambiguïté en nous expliquant clairement où est la difficulté - peut-être avec l'Allemagne, ou avec la Grande-Bretagne, qui ne partagent peut-être pas notre conviction sur ce point. Si c'est le cas, je serai favorable au rejet de cet amendement.

Mais si, l'année prochaine, ceux qui siégeront encore sur ces bancs...

M. Jean Mallot. Vous n'avez pas l'air bien sûr de vous, pour l'année prochaine ! (Sourires.)

M. Étienne Blanc. ...posent encore les mêmes questions, dans les mêmes circonstances, c'est l'Europe et sa sécurité qui pâtiront de votre refus de sortir de cette ambiguïté extrêmement préjudiciable à ce que nous croyons et à ce que nous pensons de l'Europe.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre. Il n'y a pas d'ambiguïté, mais passage d'un monde à un autre. N'est-ce pas là la définition d'une crise ?

Nous devons considérer l'Europe telle qu'elle était, et l'Europe telle qu'elle doit devenir : la crise, c'est ce passage d'un modèle qui s'efface à un modèle qui se construit.

Ne vous paraît-il pas logique, aujourd'hui, de réfléchir à cette démocratie qu'évoquait M. Caresche à juste titre, et qui doit permettre, parce que le traité de Lisbonne le permet, que certains pays de la zone euro, dont l'Allemagne et la France, avancent un peu plus vite pour régler des problèmes qui leur sont spécifiques ?

Ne pensez-vous pas que l'Europe a été, pendant longtemps, naïve, pensant que le simple fait de rentrer dans l'Union européenne apportait la prospérité et que le simple fait d'adopter la monnaie européenne apportait aux peuples une qualité de vie, pensant que la Grèce pouvait devenir prospère alors que, nous le voyons aujourd'hui, ses exportations sont très limitées, son économie peu développée, son organisation administrative très faible ?

M. Jean Mallot. C'est dans cette direction que nous conduit la RGPP !

M. Jean Leonetti, ministre. Ne pensez-vous pas que nous devons passer de cette Europe naïve à une Europe réaliste, et que cette Europe réaliste est faite de solidarités entre les peuples - car l'Europe est solidaire de la Grèce - mais aussi de discipline budgétaire, discipline indispensable pour que chacun ait confiance en l'autre ? Dans cette Europe réaliste, l'Allemagne, la France peuvent se porter caution pour d'autres peuples, mais ceux-ci doivent faire l'effort budgétaire nécessaire.

Ne pensez-vous pas qu'après avoir cru que le simple élargissement de l'Europe toujours continué était une fin en soi, vient le moment de se poser la question des frontières, et de constater que ces frontières résultent de notre histoire, de notre géographie, mais aussi de notre projet, qui est plus un projet d'approfondissement que d'élargissement ? Ne devons-nous pas nous demander plutôt comment avancer vers cette Europe qui protège les peuples, tout leur apportant des progrès grâce à des projets comme Galileo ou ITER ?

Cette Europe-là a donné sa parole. Certes, monsieur Mallié et monsieur Blanc, vous n'étiez pas encore là en 1999...

M. Richard Mallié. Vous non plus !

M. Jean Leonetti, ministre. ...mais pensez-vous vraiment que la décision qui a été prise alors ne concerne pas ceux qui siègent ici aujourd'hui ?

Je reviens de Serbie, dont la France soutient la candidature. Mais nous avons bien expliqué que ce n'est pas son évolution qui lui donnait le statut de candidate et qu'elle ne pourra pas adhérer à l'Union européenne tant qu'elle n'aura pas fait la paix avec ses voisins, et notamment retrouvé le dialogue avec le territoire du Kosovo.

Le statut de candidat d'un pays entraîne-t-il obligatoirement son entrée dans l'Union européenne ? Les traités répondent par la négative, et la France a clairement indiqué, par la voix du Président de la République, que la Turquie n'avait pas vocation à entrer dans l'Union européenne.

Cependant, on le voit bien, le monde bouge sur le plan géopolitique, et le printemps arabe auquel nous assistons actuellement montre qu'un certain nombre de peuples n'ont pas le choix qu'entre l'islamisme rétrograde et la dictature brutale. Nous devons les accompagner dans une autre voie, celle de la démocratie. C'est l'action qu'a menée le Président de la République en Libye avec nos partenaires européens, et c'est ce que nous faisons en Tunisie et en Égypte.

L'Union pour la Méditerranée commence à s'imprimer dans les esprits parce que l'Europe considère l'Afrique autrement, et qu'elle l'accompagne avec respect vers le modèle démocratique. Cela modifie nos relations avec l'ensemble de nos partenaires, nos partenaires orientaux comme ceux du sud.

Faut-il donner de l'argent à ces partenaires ? La réponse est oui. Faut-il que le terme de préadhésion soit biffé sur les éléments antérieurs ? Cela ne dépend pas que de la France, vous l'avez vous-même constaté. L'Allemagne est plus réticente que notre pays à ce sujet. Quant à la Grande-Bretagne, elle est favorable à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne.

Je ne peux vous rappeler ici que la position française, qui a été clairement exprimée par le Président de la République et par tous les membres du Gouvernement. Une partie de la contribution que vous votez aujourd'hui ira à la Turquie, une autre à l'Égypte, une autre à la Tunisie, une autre à l'Ukraine, et c'est bien ainsi. Cela veut dire que l'Europe est forte parce qu'elle oblige, dans un échange donnant-donnant, l'ensemble des peuples qui sont autour d'elle à commercer avec elle tout en progressant dans la voie de l'État de droit et de la démocratie.

Faut-il rompre brutalement pour un problème de sémantique qui lèverait je ne sais quelle ambiguïté ? Je ne le crois pas. Aujourd'hui, la position de la France est claire, vous savez que nous n'avons ouvert aucun chapitre et que nous n'en ouvrirons aucun permettant l'adhésion de ce pays à l'Union européenne.

Je ne pense pas que mes propos soient empreints d'ambiguïté, même si les termes sont hérités d'un passé que nous assumons parce que nous sommes fidèles aux traités. Mais notre position a un peu changé compte tenu de la construction européenne, de la crise qu'elle traverse, du problème des frontières et de l'Union pour la Méditerranée, grande ambition développée par le Président de la République.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je retire l'amendement n° 204.

(L'amendement n° 204 est retiré.)

(L'amendement n° 95 n'est pas adopté.)

(L'article 30 est adopté.)

M. le président. Le débat sur le prélèvement européen et l'article 30 étant achevé, nous poursuivons l'examen de la première partie.

http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2011-2012/20120024.asp#P312_101340