II. TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE
Article 65 ter (nouveau)
I. - L'article 244 quater T du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le I et le II sont ainsi rédigés :
« I. - Les entreprises imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies , 44 sexies A, 44 septies , 44 octies , 44 octies A, 44 decies , 44 undecies, 44 duodecies et 44 terdecies , employant habituellement, au sens de l'article L. 1111-2 du code du travail, moins de cinquante salariés et ayant conclu un accord d'intéressement en application du titre I er du livre III de la troisième partie du même code peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des primes d'intéressement dues en application de cet accord.
« II. - Ce crédit d'impôt est égal à 30 % de la différence entre, d'une part, les primes d'intéressement mentionnées au I dues au titre de l'exercice et, d'autre part, la moyenne des primes dues au titre de l'accord précédent ou, si leur montant est plus élevé, les primes d'intéressement dues au titre de l'exercice précédent. » ;
2° Il est ajouté un VI ainsi rédigé :
« VI. - Le bénéfice du crédit d'impôt mentionné au I est subordonné au respect du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis .
« Pour l'application du premier alinéa, les sociétés de personnes mentionnées aux articles 8 et 238 bis L qui ne sont pas soumises à l'impôt sur les sociétés doivent également respecter le règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, précité. Le crédit d'impôt peut être utilisé par les associés de ces sociétés proportionnellement à leurs droits dans ces sociétés s'ils satisfont aux conditions d'application de ce même règlement et sous réserve qu'il s'agisse de redevables soumis à l'impôt sur les sociétés ou de personnes physiques participant à l'exploitation au sens du 1° bis du I de l'article 156. »
III. RAPPORT SÉNAT N° 111 TOME III (2010-2011)
Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de nos collègues députés Jérôme Cahuzac et Gilles Carrez, propose de recentrer le crédit d'impôt en faveur de l'intéressement sur les PME de moins de cinquante salariés. Il modifie également les règles de calcul de l'assiette du crédit d'impôt et relève son taux de 20 % à 30 %.
I. LE CRÉDIT D'IMPÔT EN FAVEUR DE L'INTÉRESSEMENT
A. UN CRÉDIT D'IMPÔT DE 20 % DES PRIMES DUES
Afin d'encourager la pratique de l'intéressement des salariés dans les entreprises, l'article 2 de la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail a créé un mécanisme de crédit d'impôt, codifié aux articles 244 quater T, 223 O, 199 ter R et 220 Y du code général des impôts et qui a fait l'objet d'une instruction fiscale publiée le 13 juillet 2009. Ce crédit d'impôt bénéficie aux entreprises imposées d'après leur bénéfice réel, soit à l'impôt sur le revenu (IR) ou sur les sociétés (IS), qui ont conclu :
- un accord d'intéressement entre le 4 décembre 2008 et le 31 décembre 2014 , dès lors qu'aucun accord n'était en vigueur au titre des quatre exercices précédant celui de la première application du nouvel accord ;
- ou un avenant à un accord en cours, modifiant les modalités de calcul de la prime d'intéressement.
Le montant du crédit d'impôt est fonction des primes d'intéressement dues au titre de chaque exercice et des primes exceptionnelles versées dans les conditions prévues par le VI de l'article 2 de la loi précitée 1 ( * ) . Il est ainsi égal à :
- 20 % du montant total des primes dues en exécution du nouvel accord ;
- ou, en cas d'avenant à un accord existant (considéré comme un nouvel accord pour le calcul du crédit d'impôt), 20 % de la différence entre les primes d'intéressement dues au titre de l'exercice en application de l'accord renégocié et la moyenne des primes dues au titre de l'accord précédent.
Ce crédit d'impôt s'impute sur l'impôt sur les bénéfices (IS ou IR) au titre de l'exercice au cours duquel les primes sont dues, et la fraction excédentaire est immédiatement remboursable. Des modalités spécifiques sont également prévues en cas de restructuration (cession, scission ou fusion).
Le VIII de l'article 2 de la loi en faveur des revenus du travail, précitée, prévoit que le Gouvernement remette un rapport sur l'application de ce dispositif, au plus tard le 31 décembre 2012.
B. UN COÛT QUI POURRAIT ÊTRE EXPONENTIEL
Le montant de cette dépense fiscale est évalué à 50 millions d'euros en 2010 et 100 millions d'euros en 2011 par le tome 2 du fascicule « Voies et moyens » annexé au présent projet de loi de finances, le nombre d'entreprises bénéficiaires n'étant pas déterminé. Son coût pour 2012 n'est plus précisé, mais le fascicule équivalent annexé au projet de loi de finances pour 2010 l'estimait à 1,24 milliard d'euros .
Cette forte augmentation potentielle , qualifié par notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général, de « volcan qui sommeille », est liée à la procyclicité de l'intéressement . Nombre d'accords devraient en effet être adoptés ou renégociés en période de sortie de crise, soit à compter de cette année, et l'intéressement est par définition adossé à des indicateurs liés à l'activité et à la rentabilité des entreprises, qui ont fortement subi l'impact de la crise en 2008 et 2009 (sauf dans les grands groupes).
Nos collègues députés à l'origine du présent article ont également estimé que le taux du crédit d'impôt est peu attractif et crée surtout un effet d'aubaine sur un dispositif peu connu des chefs d'entreprise, sans susciter un « appel d'air » en faveur de l'intéressement.
II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
A l'initiative de nos collègues députés Jérôme Cahuzac 2 ( * ) , président de la commission des finances, et Gilles Carrez, rapporteur général, et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté le présent article, qui modifie l'article 244 quater T du code général des impôts, précité, afin de recentrer ce crédit d'impôt sur les entreprises employant moins de cinquante salariés , tout en renforçant son impact.
Le 1° du I du présent article ( alinéas 2 à 4 ) propose une nouvelle rédaction pour les I et II de l'article 244 quater T, afin de :
- réserver le crédit d'impôt aux entreprises employant habituellement moins de cinquante salariés , soit celles pour lesquelles la participation n'est pas imposée par la législation. Comme dans le droit actuel, il s'agit également des entreprises imposées d'après leur bénéfice réel et ayant conclu (ou révisé) un accord d'intéressement dans les délais exposés plus haut. Le champ est toutefois étendu aux entreprises créées dans les zones de restructuration de la défense, mentionnées à l'article 44 terdecies du code général des impôts ;
- remonter le taux du crédit d'impôt de 20 % à 30 % , pour renforcer l'attractivité du dispositif auprès des PME ;
- modifier le mode de calcul de l'assiette du crédit d'impôt. Celui-ci est déterminé non plus seulement par référence au montant moyen des primes de l'accord antérieur, mais aussi, s'il est plus élevé, au montant des primes dues au titre de l'exercice précédent. Ce mécanisme de « cliquet » permet donc de limiter la hausse de l'assiette des primes d'un exercice à l'autre et d'un accord à l'autre.
Le 2° du I complète l'article 244 quater T par un VI dont le premier alinéa subordonne le bénéfice du crédit d'impôt au respect du règlement de minimis du 15 décembre 2006. Le crédit d'impôt est ainsi plafonné, par entreprise, à 200 000 euros sur trois exercices fiscaux consécutifs .
Le second alinéa du VI précise les règles applicables aux sociétés de personnes qui ne sont pas soumises à l'impôt sur les sociétés et sont mentionnées aux articles 8 et 238 bis L du code général des impôts, soit les sociétés « translucides » (dont les associés sont imposés sur la quote-part des bénéfices leur revenant) et les sociétés créées de fait . Le plafond de minimis s'applique également à ces sociétés. Les associés de ces dernières peuvent utiliser le crédit d'impôt à due concurrence de leurs droits dans la société, s'ils satisfont aux conditions d'application du règlement de minimis et s'il s'agit de redevables soumis à l'IS ou de personnes physiques participant à l'exploitation de la société.
Le II du présent article prévoit que l'ensemble de ces nouvelles dispositions est applicable aux crédits d'impôt acquis au titre des primes versées à compter du 1 er janvier 2011 , et le III précise qu'elles ne s'appliquent qu'aux sommes venues en déduction de l'impôt dû . Il en résulte notamment que l'excédent de crédit d'impôt non imputable n'est pas soumis au plafond de minimis et peut être remboursé à une société de personnes plutôt qu'à ses associés en proportion de leurs droits.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Au-delà du coût potentiel de ce crédit d'impôt, votre rapporteur général estime en premier lieu que l'on peut être fondé à s'interroger sur sa légitimité si l'on considère que la mise en place d'un accord d'intéressement - au demeurant facultatif - relève de l'autonomie de gestion de l'entreprise et est tributaire de son stade de développement comme de sa stratégie d'association des salariés aux résultats. L'immixtion de la fiscalité dans la politique de gestion doit donc être limitée.
On peut également rappeler que les primes d'intéressement sont assez largement exonérées de prélèvements sociaux puisque le salarié est imposé (de manière précomptée) à la CSG et à la CRDS, tandis que l'employeur acquitte simplement un « forfait social », que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 relève de deux points à compter de 2011 pour le porter à 6 % de l'assiette des primes dues.
Les vertus de l'intéressement, en tant qu'outil de fidélisation et de motivation des salariés, peuvent néanmoins justifier une telle dépense fiscale . Il serait également hâtif de supprimer celle-ci sans en tirer un véritable bilan, alors qu'elle a moins de deux ans d'existence et a été introduite au coeur de la crise. On ne peut cependant accepter que cette dépense fiscale prospère jusqu'à dépasser le milliard d'euros , compte tenu de son efficience économique modérée. Les aménagements proposés par le présent article sont donc doublement justifiés :
- le crédit d'impôt est recentré sur sa véritable cible , à savoir les petites entreprises dont les salariés sont peu ou pas associés aux résultats puisqu'elles n'ont pas l'obligation de mettre en place un dispositif de participation et, en vertu des conditions d'octroi du crédit d'impôt, n'ont dans la plupart des cas (sauf révision d'un accord existant) pas mis en place de plan d'intéressement au cours des quatre exercices précédents. Le recentrage trouve sa contrepartie dans un relèvement du taux du crédit d'impôt ;
- outre une restriction de son champ, la dynamique de la dépense fiscale est mieux cantonnée par une application explicite du règlement communautaire de minimis et de nouvelles modalités de calcul permettant de limiter la progression de l'assiette fondée sur le différentiel des primes dues.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
* 1 Soit une prime plafonnée à 1 500 euros par salarié, répartie uniformément et exonérée de cotisations sociales (à l'exception de la CSG et de la CRDS), versée avant le 1 er octobre 2009 par les entreprises ayant conclu un accord d'intéressement ou un avenant à un accord en cours entre le 4 décembre 2008 et le 30 juin 2009.
* 2 Qui a également présenté un amendement de suppression de ce crédit d'impôt, toutefois non adopté.