ARTICLE 59 QUATER : INTRODUCTION DE LA REDEVANCE SPÉCIALE D'ENLÈVEMENT DES ORDURES MÉNAGÈRES DANS LA NOTION D'EFFORT FISCAL

I. DÉBATS SÉNAT PREMIÈRE LECTURE DU 6 DÉCEMBRE 2010

Article additionnel après l'article 59 (précédemment réservé)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-309 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.

L'amendement n° II-444 est présenté par M. Reiner et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 59, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'avant-dernier alinéa de l'article L. 2334-6 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« e) La redevance spéciale prévue à l'article L. 2333-78. »

La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° II-309.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je rappelle que la notion d'effort fiscal des communes prend aujourd'hui en considération la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, la TEOM, ou, le cas échéant, la redevance d'enlèvement des ordures ménagères, la REOM, mais non la redevance spéciale d'enlèvement des déchets « assimilés » aux déchets ménagers.

Or la mise en place de cette redevance spéciale est obligatoire pour les collectivités qui optent pour la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.

Il en résulte une rupture d'égalité entre, d'une part, les communes ayant institué la redevance - qui porte notamment sur les déchets « assimilés » - et pour lesquelles l'intégralité du produit de ladite redevance est incluse dans le calcul de l'effort fiscal, et, d'autre part, les collectivités ayant opté pour le régime de la taxe d'enlèvement, qui sont dans l'obligation de mettre en place une redevance spéciale sur les déchets « assimilés », sans que le produit de celle-ci soit intégrée dans le calcul de l'effort fiscal.

Notre amendement a pour objet de remédier à cette rupture d'égalité entre collectivités territoriales, ce qui aurait dû être fait depuis longtemps.

M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour présenter l'amendement n° II-444.

Mme Michèle André. Nous avions déjà déposé cet amendement, dont l'initiative revient à notre collègue Daniel Reiner, l'année dernière, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2010. Il n'avait malheureusement pas été adopté. Nous nous réjouissons donc de voir cette année notre proposition reprise par M. le rapporteur général et nous espérons qu'elle connaîtra un sort plus heureux.

Je voudrais rappeler brièvement les raisons qui nous avaient conduits à demander que puisse être prise en compte la redevance spéciale d'enlèvement des ordures ménagères pour le calcul de l'effort fiscal.

En effet, l'exclusion de la redevance à ce titre a, pour certaines collectivités, des conséquences financières lourdes, puisqu'elle leur fait perdre le bénéfice de la dotation nationale de péréquation. L'effort fiscal est, avec le potentiel fiscal, l'un des critères d'éligibilité d'une commune à cette dotation de péréquation.

Ainsi, il existe une inégalité de traitement entre les collectivités qui perçoivent la taxe ou la redevance « générale » d'enlèvement des ordures ménagères, toutes deux prises en compte pour le calcul de l'effort fiscal, et celles qui ont institué la redevance spéciale.

Or ce n'est pas toujours la commune qui choisit l'une ou l'autre option. Lorsque la compétence est transférée à l'intercommunalité, la décision d'instaurer la TEOM ou la REOM relève non plus de la commune, mais du groupement de communes dont elle est membre. Si ce dernier a fait le choix de la TEOM, il peut éventuellement choisir de compléter ce dispositif par une redevance spéciale. Néanmoins, si l'intercommunalité regroupe plus de 10 000 habitants, il lui est alors difficile, pour des raisons techniques, d'instituer une redevance spéciale.

L'année dernière, le refus du Gouvernement était motivé par le fait que la redevance spéciale s'applique aux entreprises et que, par conséquent, elle ne pourrait être prise en compte dans le calcul de l'effort fiscal, qui n'a pas vocation à inclure la fiscalité reposant sur les professionnels.

Néanmoins, je tiens à souligner que lorsque la REOM « générale » est incluse dans l'effort fiscal, il n'est pas fait de distinction entre la part payée par les ménages et celle qui est acquittée par les professionnels. Il me semble que, cette année, le Gouvernement pourrait revoir sa position et qu'il serait légitime de prendre en compte l'intégralité de la redevance spéciale.

Encore une fois, au-delà de la simple question du calcul de l'effort fiscal, c'est le problème de la perte de la dotation nationale de péréquation par la collectivité locale qui est essentiel. Notre collègue Daniel Reiner cite l'exemple de la commune de Faulx, en Meurthe-et-Moselle : elle subit une perte de plus de 20 000 euros par an, ce qui est considérable pour une commune de 1 200 habitants, dont le budget est déjà fortement contraint. Dans le cas de cette commune, c'est bel et bien la non-prise en compte de la redevance spéciale qui la prive de la dotation nationale de péréquation.

Par conséquent, nous proposons, par cet amendement, de tenir compte de la redevance spéciale pour le calcul de l'effort fiscal.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. L'effort fiscal, qui est utilisé dans le calcul de la plupart des dotations de péréquation, a pour objet de mesurer la capacité d'une commune à mobiliser les ressources fiscales de sa population.

L'effort fiscal, véritable indicateur de pression fiscale, permet ainsi de majorer, dans des limites strictement encadrées, le montant de certaines dotations en fonction des marges de manoeuvre de la commune en matière de fiscalité ménages. Cela explique que les seuls impôts, taxes et redevances pris en compte dans le calcul de l'effort fiscal soient ceux acquittés par les ménages.

Or, monsieur le rapporteur général, madame André, vos amendements visent à ce que soient pris en compte dans le calcul de l'effort fiscal une redevance qui n'est pas acquittée par les ménages. Les redevables sont principalement des entreprises commerciales, artisanales, industrielles, de services et des administrations.

Vous comprendrez qu'il me soit difficile de donner un avis favorable. C'est la raison pour laquelle je m'en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n os II-309 et II-444.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 59.