VI. DÉBATS SÉNAT PREMIÈRE LECTURE DU 4 DÉCEMBRE 2010
Article 100
M. le président. « Art. 100. - I. - Les pensions militaires d'invalidité, les pensions civiles et militaires de retraite et les retraites du combattant servies aux ressortissants des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France sont calculées dans les conditions prévues aux paragraphes suivants.
II. - La valeur du point de pension des pensions militaires d'invalidité et des retraites du combattant et du point d'indice des pensions civiles et militaires de retraite visées au I est égale à la valeur du point applicable aux pensions et retraites de même nature servies en application du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et du code des pensions civiles et militaires de retraite aux ressortissants français.
III. - Les indices servant au calcul des pensions militaires d'invalidité, des pensions civiles et militaires de retraite et des retraites du combattant concédées au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et du code des pensions civiles et militaires de retraite et visées au I sont égaux aux indices des pensions et retraites de même nature servies aux ressortissants français tels qu'ils résultent de l'application des articles L. 9 et L. 256 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et des articles L. 15 et L. 16 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
Les pensions en paiement mentionnées au précédent alinéa sont révisées, à compter de la demande des intéressés, présentée dans un délai de trois ans à compter de la publication du décret mentionné au VIII et auprès de l'administration qui a instruit leurs droits à pension.
IV. - Les indices servant au calcul des pensions servies aux conjoints survivants et aux orphelins des pensionnés militaires d'invalidité et des titulaires d'une pension civile ou militaire de retraite visés au I sont égaux aux indices des pensions des conjoints survivants et des orphelins servies aux ressortissants français, tels qu'ils sont définis en application du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et du code des pensions civiles et militaires de retraite.
Les pensions en paiement mentionnées au précédent alinéa sont révisées, à compter de la demande des intéressés, présentée dans un délai de trois ans à compter de la publication du décret mentionné au VIII et auprès de l'administration qui a instruit leurs droits à pension.
V. - Les demandes de pensions présentées en application du présent article sont instruites dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et par le code des pensions civiles et militaires de retraite.
VI. - Le présent article est applicable aux instances en cours à la date du 28 mai 2010, la révision des pensions prenant effet à compter de la date de réception par l'administration de la demande qui est à l'origine de ces instances.
VII. - Avant la concession des nouvelles pensions résultant de la révision prévue aux seconds alinéas du III et du IV, les indices ayant servi au calcul des pensions concédées et liquidées jusqu'à cette date sont maintenus.
VIII. - Un décret fixe les modalités d'application du présent article, notamment les mesures d'information des bénéficiaires ainsi que les modalités de présentation et d'instruction des demandes mentionnées aux III, IV et V.
IX. - Chaque année, avant le 1 er octobre, le Gouvernement établit et transmet au Parlement un bilan de la mise en oeuvre de la présente loi.
X. - 1. L'article 170 de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959, l'article 71 de la loi de finances pour 1960 (n° 59-1454 du 26 décembre 1959) et l'article 14 de la loi de finances rectificative pour 1979 (n° 79-1102 du 21 décembre 1979) sont abrogés.
2. L'abrogation de l'article 100 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 résultant de la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010 ne peut avoir pour effet de placer les intéressés, à compter du 1 er janvier 2011, dans une situation moins favorable que celle qui serait résultée de l'application des dispositions abrogées.
XI. - Le présent article entre en vigueur au 1 er janvier 2011.
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, sur l'article.
Mme Claudine Lepage. L'article 100 du projet de loi de finances pour l'année 2011 constitue un progrès, ce dont il faut se féliciter. Cependant, il est largement perfectible.
Avec Richard Yung et Monique Cerisier-ben Guiga, mes collègues socialistes représentant les Français établis hors de France, nous avions déposé un amendement visant à améliorer la rédaction de cet article. Mais, comme trop souvent malheureusement, l'interprétation de l'article 40 de la Constitution vient contrecarrer notre bonne volonté.
Les pensions d'invalidité ou de retraite versées aux militaires des territoires anciennement sous souveraineté française ont été, comme vous le savez, gelées à la suite aux indépendances. La valeur du point, l'indice et les règles juridiques permettant de calculer le montant d'une pension sont restés figés.
Cette cristallisation a conduit à une différence de traitement injuste entre les Français et les ressortissants des territoires devenus indépendants, mais aussi entre ces derniers, du fait de dates de cristallisation différentes selon les territoires.
En 2002 et en 2007, différentes réformes devant conduire à une égalité de traitement entre tous ont été mises en place, sans succès.
Dans son rapport public annuel de février dernier, la Cour des comptes a pointé du doigt l'existence persistante d'un régime dérogatoire au droit commun. L'alignement et la revalorisation des pensions cristallisées n'ont, en effet, été que partiels pour 18 000 pensionnés d'invalidité et 32 000 pensionnés militaires de retraite. La Cour des comptes a, en conséquence, recommandé l'abrogation définitive de tous les textes de cristallisation et la rédaction d'un texte unique de nature à clarifier les situations juridiques en cours.
De même, dans une décision du 28 mai dernier, le Conseil constitutionnel avait déclaré inconstitutionnelles toutes les dispositions législatives conduisant à la cristallisation, car étant contraires au principe d'égalité. Les Sages ont, cependant, laisser du temps au Parlement pour légiférer. Cette déclaration d'inconstitutionnalité prend ainsi effet à compter du 1 er janvier 2011.
Le présent article vient donc combler le vide qui existera l'an prochain. Il prévoit, enfin, un alignement de la valeur du point de pension, mais conditionne l'alignement de l'indice à une demande explicite des intéressés : anciens combattants, conjoints survivants et orphelins.
Cette exigence est inacceptable. L'alignement doit être intégral et automatique ; aucun préalable ne devrait exister.
Tel était l'objet de notre amendement fantôme : un alignement automatique !
M. le président. L'amendement n° II-33, présenté par M. Auban, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
IX. - Le rapport sur les pensions de retraite, annexé au projet de loi de finances de l'année en application du II de l'article 113 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007, présente, chaque année, un bilan de la mise en oeuvre des dispositions du présent article.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, je me permets de présenter cet amendement rédactionnel et de simplification au nom de notre excellent rapporteur spécial, Bertrand Auban.
Chaque année, un rapport sur le bilan de la mise en oeuvre de la décristallisation des pensions civiles et militaires doit être remis au Parlement.
Outre une modification purement rédactionnelle, cet amendement vise à simplifier et à rationaliser le travail d'information du Parlement. Le souci de rendre compte annuellement de la mise en oeuvre de la décristallisation des pensions est à la fois louable et nécessaire.
Toutefois, j'attire votre attention sur le fait que la réussite pleine et entière des mesures de décristallisation dépendra, en premier lieu, des conditions d'application de ces dernières. Il faudra que l'administration fasse une publicité suffisante auprès des bénéficiaires et qu'elle produise des formulaires de demande les plus clairs et simples possible.
Néanmoins, la demande de remise d'un rapport spécifique nous semble inutile, le Gouvernement étant déjà tenu par ailleurs de publier, en annexe du projet de loi de finances de l'année, un rapport sur les pensions de retraite. Il suffit donc que celui-ci comporte une section consacrée au bilan de la mise en oeuvre de la décristallisation.
Au bénéfice de ces explications, je demande d'ores et déjà aux auteurs de l'amendement n° II-70, nos collègues du groupe CRC-SPG, prévoyant la remise d'un rapport supplémentaire relatif à l'alignement des mesures de revalorisation de ces pensions, qui va venir en discussion, de bien vouloir se rallier à notre position, leur demande se trouvant, de fait, satisfaite par l'adoption de l'amendement de la commission des finances.
M. le président. L'amendement n° II-70, présenté par M. Fischer, Mmes Pasquet et David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
XII. - Le Gouvernement dépose dans les deux mois suivant l'adoption de la présente loi un rapport relatif à l'alignement des mesures de revalorisation des pensions civiles et militaires servies aux ressortissants des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France, dans les mêmes conditions que celles actuellement servies aux ressortissants français en application du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et du code des pensions civiles et militaires de retraite.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le rapporteur général, je ne saurais prendre cette décision sans vous avoir, au préalable, exposé l'argumentaire que notre collègue Guy Fischer a préparé.
L'article 100 du projet de loi de finances pour 2011 reste au milieu du gué, puisqu'il soumet l'alignement des mesures de revalorisation de ces pensions civiles et militaires à la demande des intéressés.
Rappelons brièvement que, au moment de l'indépendance des territoires de l'ancien empire colonial français, les pensions attribuées aux militaires originaires de ces territoires qui n'avaient pas fait le choix de la nationalité française avaient été gelées.
En 2002, une première loi de décristallisation, partielle, était votée : les pensions cristallisées furent réévaluées sur la base d'un critère de niveau de vie sans atteindre - loin de là ! - les montants alloués aux anciens combattants français.
En 2006, une deuxième loi revalorisait la retraite du combattant et les pensions militaires d'invalidité. La loi exigeait - déjà ! - que les intéressés en fassent la demande, mais cette condition aurait dû au moins « aller de pair avec une communication adéquate permettant aux bénéficiaires de prendre connaissance de leurs nouveaux droits », comme l'avait souligné, à l'époque, la Cour des comptes.
À la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 28 mai 2010, le Gouvernement fut mis dans l'obligation de soumettre au Parlement un nouveau projet de loi avant le 1 er janvier 2011.
Aujourd'hui, le choix opéré par le Gouvernement d'exiger de nouveau une demande des intéressés pour procéder à l'alignement du niveau de l'indice nous place dans la même impasse qu'en 2006 et est contraire à ce fameux principe d'égalité exigé par le Conseil constitutionnel.
Notre administration, monsieur le ministre, pèche vraiment par son incapacité à évaluer. Or, aujourd'hui, on ne peut pas voter un budget si celui-ci n'est pas évalué.
Dans cet objectif, nous devons impérativement améliorer le document de politique transversale, qui non seulement sera le résultat du schéma stratégique, mais aussi permettra d'améliorer l'information du Parlement.
Ce choix appelle en effet plusieurs objections.
La première est « la nécessité de vérifier la réalité du droit à pension ». Les intéressés sont des anciens combattants dont les dossiers ont déjà été instruits par le service des pensions des armées à La Rochelle et dont le paiement des pensions a été ordonné par le service des retraites de l'État dépendant du ministère du budget à Nantes.
Pourquoi invoquer la prétendue nécessaire vérification de la réalité du droit à pension, alors que ces pensions sont actuellement régulièrement versées au taux « cristallisé » ?
Quant à la « manière pragmatique » invoquée dans l'exposé des motifs de l'article 100, suppose-t-elle qu'il faudrait vérifier si ces anciens combattants sont encore en vie ? Outre le fait qu'une telle démarche est assez choquante, il faut savoir que les procédures de paiement des pensions mises en place dans les pays étrangers par les services consulaires ou les services des anciens combattants auprès des ambassades de France avec les services de paierie de ces ambassades sont aujourd'hui remarquablement fiables.
Enfin, le rapport de la Cour des comptes 2009 prouve que ces conditions imposées ont pour objet une recherche d'économies pour le moins inconvenante au détriment des anciens combattants.
Il ressort en effet de ce rapport que, sur 9 594 ayants droit, seulement 510 se sont fait connaître et que, sur 8 489 ayants cause, seules 417 demandes ont été déposées et ont abouti en 2007 et en 2008.
M. Fischer et nos collègues demandent un rapport spécifique pour accélérer le délai, très long, de mise en oeuvre de ces mesures par le Gouvernement, car, monsieur le rapporteur général, si le rapport sur les pensions de retraite n'est présenté qu'en octobre, où est la rapidité ?
Voilà pourquoi Guy Fischer propose un dépôt dans les deux mois qui suivent l'adoption de la loi de finances.
M. le président. Madame Beaufils, acceptez-vous de vous rallier à l'amendement n° II-33, comme vous y invite M. le rapporteur général ?
Mme Marie-France Beaufils. Non, monsieur le président.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Ollier, ministre. Après avoir entendu les deux intervenants, le Gouvernement trouve le développement du rapporteur général plein de bon sens.
Madame Beaufils, il est déjà prévu à l'article 100 que, chaque année, avant le 1 er octobre, ...
Mme Marie-France Beaufils. Entre le 1 er janvier et le 1 er octobre, il s'écoule beaucoup de temps !
M. Patrick Ollier, ministre. ... le Gouvernement établit et transmet au Parlement un bilan de la mise en oeuvre de la présente loi. Deux mois après l'adoption du projet de loi de finances pour 2011, il sera trop tôt pour faire un premier bilan de ces modalités de mise en oeuvre.
Mme Marie-France Beaufils. Quand même, depuis le temps !
M. Patrick Ollier, ministre. C'est une question de bon sens, madame le sénateur. Mais un délai de deux mois... J'en appelle à votre bon sens ! Je comprends votre intention, elle est légitime, mais pas avec un délai aussi restreint.
Je ne m'étendrai pas sur les indices de pensions et la revalorisation automatique ; le Gouvernement s'est déjà longuement expliqué sur ces sujets.
L'article 100 prévoit explicitement que les mesures d'information des bénéficiaires seront fixées par décret ; je ne suis pas sûr que vous l'ayez noté.
Mme Marie-France Beaufils. Mais les décrets...
M. Patrick Ollier, ministre. Madame le sénateur, le décret sera publié dans les premières semaines de 2011.
Mme Marie-France Beaufils. On vérifiera !
M. Patrick Ollier, ministre. Laissez quand même au Gouvernement le temps de l'écrire !
Ce dernier complétera également votre information, conformément à ce que vous demandez.
En définitive, même si ce n'est pas de la manière que vous souhaitez, vous avez satisfaction. Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement afin, dans un élan consensuel, de vous rallier à l'amendement n° II-33, cette proposition étant, elle, tout à fait cohérente.
Cela dit, monsieur le rapporteur général, je m'interroge sur un point.
Vous proposez d'intégrer les éléments d'information dans le rapport annuel sur les pensions de retraite qui est remis au Parlement. C'est très bien, mais je précise qu'il existe des différences de nature entre les informations.
En effet, le rapport annuel ne porte que sur les pensions civiles et militaires de retraite de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. La décristallisation s'applique bien à ces pensions, mais elle concerne également les pensions militaires d'invalidité et les retraites du combattant, qui suivent des règles spécifiques.
Par conséquent, ce rapport est-il le bon vecteur ? Je m'interroge...
Compte tenu du débat qui vient d'avoir lieu, je m'en remets à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-33.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° II-70 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 100, modifié.
(L'article 100 est adopté.)