Travaux de la commission des finances



- Présidence de M. Denis Badré, puis de M. Jean Arthuis, président.

Union européenne - Diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers - Examen des amendements

La commission a procédé à l'examen des amendements sur le projet de loi n° 432 (2004-2005), modifié par l'Assemblée nationale en première lecture, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a rappelé que la commission, lors de sa réunion du 6 juillet, avait préconisé l'adoption conforme du projet de loi, dans sa rédaction telle qu'adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture. Il a également précisé que les cinq amendements déposés sur ce texte par M. François Marc et les membres du groupe socialiste avaient déjà été examinés en première lecture, le 2 mai 2005.

Après l'intervention de M. François Marc, la commission a émis un avis défavorable sur les amendements n°s 1 à 5 de M. François Marc, tendant respectivement à étendre les facultés de recours en justice des actionnaires contre les dirigeants et les administrateurs, à élargir le champ des instruments financiers concernés par la déclaration d'opérations suspectes introduite par l'article premier du projet de loi, à limiter aux seules personnes morales l'exonération de responsabilité civile pour les déclarations effectuées de bonne foi, à étendre le champ des émetteurs visés par la liste d'initiés prévue par l'article 4 du projet de loi, et à supprimer son article 5.

Union européenne - Diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire

Enfin, la commission a procédé à la désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur projet de loi n° 432 (2004-2005) portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers.

Candidats titulaires : MM. Jean Arthuis, Philippe Marini, Yann Gaillard, Paul Girod, Roland du Luart, François Marc, Thierry Foucaud.

Candidats suppléants : MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Joël Bourdin, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Aymeri de Montesquiou, François Trucy.

Mardi 12 juillet 2005

- Présidence de M. Yann Gaillard, vice-président, puis de M. Jean Arthuis, président.

Contrôle budgétaire - Gestion de la dette en France et à l'étranger - Communication

La commission a tout d'abord entendu une communication de M. Paul Girod, rapporteur spécial, sur la gestion de la dette en France et à l'étranger.

De manière liminaire, M. Paul Girod, rapporteur spécial, a indiqué qu'il avait reçu l'appui, pour ses investigations, de l'Agence France Trésor (AFT), dont il avait d'abord rencontré les responsables, et qu'il avait effectué deux déplacements à l'étranger, l'un auprès du Trésor italien, l'autre auprès du Debt Management Office britannique (DMO), puis qu'il avait procédé à l'audition de gestionnaires français de la dette de l'Etat au sens large : ceux de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), du budget annexe de l'aviation civile et du service annexe d'amortissement de la dette de la SNCF (SAAD).

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, il a tout d'abord présenté la structure institutionnelle des services gestionnaires de la dette dans six Etats européens : en premier lieu, l'AFT française, service à compétence nationale au sein du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, dont il a relevé que les missions étaient définies par le ministre et le programme transmis annuellement au Parlement ; en deuxième lieu, les agences britannique et néerlandaise, comparables à l'AFT sur ce plan institutionnel ; en troisième lieu, l'agence allemande, société anonyme ne relevant pas, juridiquement, du ministère des finances ; enfin, les cas de l'Espagne et de l'Italie, dont la dette se trouvait directement gérée par les ministères des finances respectifs. M. Paul Girod, rapporteur spécial, a signalé que ces structures exerçaient des missions analogues, dans la mesure, notamment, où elles assuraient de manière concomitante une gestion de la dette et une gestion de la trésorerie de l'Etat.

Il a alors indiqué selon quelles problématiques il avait conduit ses travaux, en particulier ses missions en Italie et au Royaume-Uni, cherchant à savoir, dans chaque cas, s'il y avait une gestion centralisée de la dette et de la trésorerie par un opérateur unique, si une seule stratégie était possible pour gérer la dette, si les actions menées par les opérateurs à l'échelle européenne s'avéraient identiques, quelle mesure des objectifs et des performances était mise en oeuvre et, enfin, à qui incombait le contrôle de la gestion de la dette de l'Etat.

Puis il a présenté une série de graphiques. Le premier concernait les émissions nettes de rachat dans cinq pays de zone euro (Allemagne, Espagne, France, Italie, Pays-Bas) : M. Paul Girod, rapporteur spécial, a souligné que le niveau relatif médian occupé par la France (aujourd'hui de l'ordre de 110 milliards d'euros) était désormais nettement orienté à la hausse. Le deuxième graphique représentait le niveau d'endettement public des mêmes Etats, parmi lesquels M. Paul Girod, rapporteur spécial,a mis en évidence le même phénomène d'élévation s'agissant de la courbe française (située au-dessus du niveau de 60 % de PIB). Un troisième graphique précisait la structure de la dette française. A cet égard, M. Paul Girod, rapporteur spécial, a détaillé le profond renouvellement qui s'était produit entre 1913, époque où la dette perpétuelle de l'Etat, qui s'est éteinte en 1982, occupait une place majoritaire, et la période actuelle, où la dette à long terme obligataire constituait la part principale. Il a ainsi souligné que l'Etat français se trouvait désormais, pour la gestion de sa dette, dans une grande dépendance envers le marché.

M. Paul Girod, rapporteur spécial, a alors présenté les cas italien et britannique, tels qu'il avait pu les observer à l'occasion des ses déplacements.

S'agissant du premier, il a d'abord rappelé que la structure chargée de la dette et de la trésorerie constituait une direction au sein de la direction générale du Trésor du ministère des finances italien. Pour les aspects liés à la trésorerie, il a indiqué qu'un solde minimal du compte de l'Etat italien à la Banque d'Italie, de 15 milliards d'euros en fin de mois, était requis, et que la gestion en la matière n'était pas active ; il a également relevé l'existence d'une centralisation des dépôts des collectivités territoriales, de la Poste italienne et de la SACE (l'équivalent italien de la COFACE). Concernant la gestion de la dette, il a mentionné que les objectifs poursuivis étaient comparables à ceux de l'AFT, consistant à faire face aux besoins de financement au moindre coût en présence d'un stock de dette très important à refinancer. Il a cependant insisté sur les caractéristiques de la « signature » italienne, moins favorables que celles d'autres pays, non seulement en raison de la situation économique nationale mais, surtout, à cause de la stratégie adoptée, qui tendait à un financement particulièrement « opportuniste », suivant les occasions du marché, et utilisait à la fois des instruments banalisés et des obligations indexées sur l'inflation, comme de fortes émissions en devises : dollar américain de manière constante, yen, sterling, dollar australien, franc suisse ou encore couronne norvégienne, au gré des opportunités. M. Paul Girod, rapporteur spécial, a précisé qu'un tel système impliquait le recours quasi systématique aux banques, pour placer les titres de la dette italienne, et aux « consultants », et il a souligné la dépendance et le coût qui en résultaient naturellement. Il a ainsi noté que, si l'évolution de la dette italienne était moins mauvaise que celle de la dette française, la cause n'en était pas à rechercher dans la qualité de la gestion de la dette, mais plutôt dans les décisions budgétaires courageuses de l'Etat italien.

M. Paul Girod, rapporteur spécial, a indiqué, en outre, que cette gestion de la dette était déléguée par le Parlement au ministre de l'économie et des finances et que, dans ce contexte, une « note d'orientation » était publiée en début d'année, validée par le ministre et fixant les objectifs souhaités en termes de diminution de la durée de vie moyenne de la dette et de réduction des coûts de celle-ci ; qu'en cours de gestion, un dialogue entre la direction de la dette et la direction générale du trésor permettait la gestion requise ; et qu'en fin d'année, une « évaluation » était réalisée par le ministre, sans indicateurs clairs, le contrôle parlementaire étant possible en théorie, mais demeurant donc, dans la pratique, inexistant.

S'agissant du cas britannique, M. Paul Girod, rapporteur spécial, s'est d'abord attaché à préciser que, si le DMO constituait une structure comparable à l'AFT, il se trouvait quant à lui en dehors du ministère des finances, ses locaux étant volontairement implantés au coeur de la City londonienne afin de symboliser son indépendance et, à la fois, son immersion dans le flux de la vie économique et financière mondiale. Indiquant que le DMO était chargé de la gestion de la dette négociable (soit 455 milliards de livres sterling), il a également détaillé les deux autres entités destinées à la gestion de la dette britannique : d'une part, le NSI (National Savings and Investments), assurant la collecte de fonds auprès des particuliers par un système de garantie en capital auquel est associé un mécanisme de loterie (pour 67,8 milliards de livres sterling) ; d'autre part, la Banque d'Angleterre, réalisant des emprunts en sterling et/ou des « swaps » en devises afin de couvrir les réserves de change (pour 30 milliards de livres sterling). Puis M. Paul Girod, rapporteur spécial, a relevé les points de convergence saillants qui existaient entre la gestion de l'AFT et celle exercée par le DMO : d'abord, des produits similaires, le DMO venant notamment de lancer, après l'AFT, une obligation à 50 ans, mais aussi une interdiction d'émettre en devises, l'AFT, pour sa part, y étant certes autorisée en droit, mais ne l'ayant encore jamais pratiqué. Il a ensuite fait valoir, outre l'absence de dette sociale, les particularités de la gestion de la dette britannique : avant tout, les contraintes liées à l'étroitesse du marché sterling, en comparaison avec celui de l'euro ; par ailleurs, le rôle du DMO comme opérateur de la dette pour les collectivités territoriales, une réflexion étant en cours sur un éventuel financement des partenariats publics privés.

Sur le plan du contrôle de cette gestion, M. Paul Girod, rapporteur spécial, a décrit un système de prise en compte des risques très développé, passant par un audit des comptes, un rapport biannuel du gouvernement publié par le secrétaire au Trésor, et un contrôle du National Audit Office (NAO). Il a également souligné la responsabilité politique encourue devant le Parlement, la commission des finances de la Chambre des communes procédant à des auditions régulières en la matière. Il a cependant mentionné la vision encore prudente du DMO quant à la mesure de la performance, une participation à un groupe de travail de l'OCDE étant en cours sur ce point.

M. Paul Girod, rapporteur spécial, a alors évoqué, en présentant un graphique de l'évolution des « spreads » par rapport à la moyenne des conditions de financement de la zone euro, la mesure des performances relatives des agences de la dette en Europe. Il ressortait de cette présentation que l'Allemagne, l'Espagne et la France, du point de vue du coût réel de la dette, obtenaient les meilleurs résultats, la France et l'Allemagne, d'ailleurs, améliorant les leurs à partir du moment où l'euro avait commencé à s'apprécier par rapport au dollar américain.

Puis M. Paul Girod, rapporteur spécial, a retracé l'approche de la performance retenue par l'AFT, en décrivant les deux indicateurs mis en place par celle-ci : d'une part, un indicateur « temps », destiné à mesurer la performance de l'agence par rapport à un automate qui émettrait la même quantité de dette chaque jour, au lieu de ne le faire que lors des adjudications ; d'autre part, un indicateur « allocation », chargé de mesurer la performance de l'agence par rapport à un automate qui suivrait strictement le calendrier annoncé en début d'année, au lieu de l'adapter au gré des besoins de financement. M. Paul Girod, rapporteur spécial, a en outre évoqué les autres approches possibles de la performance, en particulier l'approche ALM (« Asset Liabilities Management », ou gestion actif/passif), reposant sur l'idée de faire correspondre l'actif au passif en termes de sensibilité aux différents facteurs de risque (taux, change, etc.) et devant, en théorie, permettre de déterminer la composition optimale du portefeuille de dettes (dette nominale, dette indexée, dette en devises), mais se révélant d'un maniement délicat pour l'Etat, car nécessitant une très bonne connaissance de l'actif de ce dernier.

M. Paul Girod, rapporteur spécial, a alors dressé les deux constats qui ressortaient des comparaisons internationales qu'il avait menées. Le premier de ces constats était, en termes de « benchmark » européen, un clair satisfecit pour la stratégie de l'AFT et sa démarche de performance, M. Paul Girod, rapporteur spécial, soulignant avoir recueilli de nombreuses appréciations positives, tant en France qu'à l'étranger, sur la qualité du travail accompli par cette agence. Le second constat tenait aux inquiétudes que suscitait la fragmentation de la dette des administrations centrales françaises.

Rappelant la diversité de statut des dettes que gèrent respectivement la CADES (un établissement public), l'aviation civile (un budget annexe), le SAAD (géré par la salle des marchés de la SNCF), mais aussi ERAP, Réseau ferré de France (RFF) et Charbonnages de France, M. Paul Girod, rapporteur spécial, a fait état des surcoûts suivants, liés la fragmentation de la dette de l'Etat : 9 points de base pour la CADES, 10 pour RFF, 8 pour ERAP, 2 pour le budget annexe de l'aviation civile, 15 pour Charbonnages de France. Il a souligné l'affaiblissement de la position de l'Etat, face aux banques, qui s'ensuivait.

Concernant la dette de la CADES, il a indiqué que le financement des déficits sociaux représentait, aujourd'hui, 50 milliards d'euros de plus que prévu à l'origine, 35 milliards d'euros ayant été transférés en 2004 et les déficits prévisionnels pour 2005 et 2006 étant transférés dans la limite de 15 milliards d'euros ; que, depuis 1996, un total de 110,4 milliards d'euros était à rembourser, par l'affectation du produit de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), et que 83,2 milliards d'euros restaient à amortir, 26,6 milliards d'euros de capital étant déjà amortis et 12,6 milliards d'euros d'intérêts déjà payés ; enfin, qu'une extinction de la dette était possible en 2022 avec un produit de la CRDS en croissance de 2,5 % par an et un taux d'intérêt moyen de 5 % sur la période. Il a souligné que la CADES représentait un gros émetteur sur le marché obligataire, en indiquant que son programme d'émission pour 2005, à raison de 39 milliards d'euros, la plaçait au même niveau que l'Etat espagnol, dont le programme d'émission, pour cette année, s'élevait à 40 milliards d'euros.

Concernant la gestion de cette dette de la CADES, M. Paul Girod, rapporteur spécial, a fait état d'une logique de « boîte étanche », une taxe se trouvant en effet affectée au remboursement d'un stock de dette (et non d'un flux). Il a mentionné que la Caisse constituait une structure légère, très professionnelle, reconnue par les marchés, et que ses produits étaient proches des OAT (obligations de 5, 10 et 15 ans), l'offre étant indexée sur l'inflation française. Il a relevé, cependant, la forte prévalence, au sein de la dette ainsi prise en charge, d'une dette de court terme, en raison du faible niveau des taux actuels, et il a indiqué que la dette à taux variable représentait 35 % du total, et que la CADES procédait à des émissions en devises étrangères pour 8 % du stock (en dollar américain et dollar néo-zélandais). Il a signalé, en outre, que, malgré l'absence d'indicateurs de performance à la CADES, des synergies avec l'AFT existaient, liées à la présence de cette dernière au sein du conseil d'administration de la Caisse, mais également dues à une coordination forte, à des « roadshows » communs et à des produits très proches. Il a néanmoins fait observer les difficultés auxquelles se heurterait une démarche d'intégration de la gestion de la dette de la CADES au sein de la gestion de la dette de l'Etat, dans la mesure où la CADES poursuivait un but d'extinction de la dette, tandis que l'AFT, elle, était animée par une logique de refinancement sur le long terme.

Puis M. Paul Girod, rapporteur spécial, a évoqué la dette du SAAD, dette historiquement contractée par la SNCF et confiée au SAAD pour désendetter cette dernière conformément à la directive 91/440/CEE du 29 juillet 1991 (six ans avant la création de RFF), mais n'apparaissant pas dans les comptes de l'Etat, et représentant, aujourd'hui, 9 milliards d'euros. Il a décrit le mécanisme par lequel la SNCF gérait la dette (avec un « spread » de 5 points de base) et l'Etat « remboursait le remboursement », les engagements de ce dernier étant « figés », à 670 millions d'euros par an, en vertu d'une décision résultant d'une « lettre du ministre ». Il a indiqué, qu'avec ce montant annuel, l'extinction de la dette du SAAD était prévue pour 2025. S'interrogeant sur la manière d'apurer la situation, il a relevé qu'il serait impossible de transférer purement et simplement la dette du SAAD à l'Etat, des titres de dette « SAAD » ne pouvant être repris par un autre débiteur sans accord des créanciers. Il a estimé que la solution consisterait dans la mise en place d'une « créance sur l'Etat » dans les comptes de la SNCF, d'où résulterait, au passif du bilan de l'Etat, une dette vis-à-vis de la SNCF. Il a cependant fait observer le caractère délicat que présenterait une telle opération, qui entraînerait, pour la dette publique, une augmentation mécanique de son montant de l'ordre de 0,6 point de PIB, ainsi que, l'année de ce traitement « comptable », une possible augmentation du déficit, d'un montant équivalent. Il a par ailleurs observé que la solution éventuelle à trouver, en vue du rapatriement de la dette de la SNCF dans le budget de l'Etat, devrait faire l'objet d'une réflexion à l'échelle européenne, d'autres Etats se trouvant dans des situations équivalentes à celle de la France à cet égard. Il a signalé, en outre, que les comptes du SAAD n'avaient pas fait l'objet d'un audit depuis 1994.

Enfin, M. Paul Girod, rapporteur spécial, a évoqué la dette du budget annexe de l'aviation civile. Rappelant que le recours à l'emprunt était autorisé pour les budgets annexes par l'article 18 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) afin de compléter l'autofinancement, constitué de l'excédent du compte d'exploitation, et de faire face aux dépenses d'investissement, il a indiqué que 8 emprunts auprès de 5 établissements bancaires, pour un total de 760 millions d'euros, avaient été contractés hors appels d'offres par la direction générale de l'aviation civile, avec des charges d'intérêts minimes (17 millions d'euros par an), l'AFT, d'ailleurs, rendant un avis formel sur chaque convention conclue avec les banques.

En conclusion, M. Paul Girod, rapporteur spécial, a préconisé que l'AFT soit érigée en véritable pivot de la gestion de la dette de l'Etat, notamment par le transfert à cette agence de la gestion des risques financiers, par exemple s'agissant du risque « pétrole » du ministère de la défense ou de l'examen du risque de change encouru par le budget des affaires étrangères. Il a également souhaité que soit adoptée une stratégie actif/passif dans la gestion de la dette de l'Etat, et qu'en tout cas soit « re-centralisée », autant que possible, cette gestion, notamment les emprunts communs CADES-AFT et les emprunts pour le compte du budget annexe de l'aviation civile. Il a engagé, en outre, à une réflexion sur la possibilité de faire assurer par l'AFT le portage de la dette des collectivités territoriales qui le souhaiteraient, suivant l'exemple britannique, de même que pour les partenariats publics privés. Enfin, il a jugé qu'il conviendrait, au minimum, de déterminer des objectifs cohérents et des indicateurs de performances communs, entre les différents organismes gérant la dette de l'Etat lato sensu.

Un large débat s'est alors instauré.

M. Jean Arthuis, président, a remercié M. Paul Girod, rapporteur spécial, pour l'intérêt de son exposé et l'initiative de ses déplacements en Italie et au Royaume-Uni. Il s'est félicité des appréciations positives reçues par l'AFT et a fait valoir qu'il pourrait être intéressant d'étudier le cas allemand.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a également remercié M. Paul Girod, rapporteur spécial, en soulignant que celui-ci était en charge, avec la dette, non seulement du plus gros budget de l'Etat, mais également d'un budget « stratégique », dans la mesure où la France connaissait une situation médiocre en matière de dette, mais de bons résultats quant à sa gestion. Il a estimé qu'il serait intéressant de réunifier la dette de l'Etat en confiant la gestion de l'ensemble de cette dette à l'AFT en lieu et place des différents organismes actuels, afin d'éviter les différentiels de taux aujourd'hui supportés.

M. Aymeri de Montesquiou est intervenu dans le même sens, ne voyant pas d'obstacle au regroupement de l'ensemble de la dette de l'Etat sous l'autorité de l'AFT. Il a évoqué, en outre, le rapport commandé sur le sujet par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie à M. Michel Pébereau, indiquant qu'il souhaitait une audition de ce dernier par la commission à l'issue de son travail, de même qu'une audition du ministre délégué au budget. Il s'est déclaré « inquiet » quant à l'augmentation du volume de la dette publique.

M. Jean Arthuis, président, ayant fait part de son attente du rapport demandé à M. Michel Pébereau, a indiqué que celui-ci pourrait utilement s'inspirer des travaux de la commission des finances, tout particulièrement le récent rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général, préalable au débat d'orientation budgétaire (« Les sept piliers de la sagesse budgétaire ») ou la communication que venait de présenter M. Paul Girod, rapporteur spécial.

M. Yann Gaillard a estimé que la gestion actuelle de la dette publique justifierait, selon lui, une étude, de type universitaire, qui établirait une comparaison avec les pratiques, à cet égard, du début de la quatrième République.

M. Jean Arthuis, président, a signalé qu'une culture du secret s'était longtemps établie en ce domaine, afin d'éviter toute divulgation d'informations de nature à perturber le cours du franc, problème disparu avec l'entrée en vigueur de l'euro. Il s'est par ailleurs demandé dans quelle mesure « Eurostat » pourrait être, un jour, « tenté » de réintégrer dans la dette publique française la dette d'établissements comme Charbonnages de France, afin d'établir une sincérité faisant actuellement défaut aux documents officiels.

M. Philippe Marini, rapporteur général, échangeant avec M. Paul Girod, rapporteur spécial, s'est montré intéressé par le rôle que remplit au Royaume-Uni le DMO vis-à-vis des collectivités territoriales et s'est interrogé sur la façon dont ce système pourrait être transposé en France.

M. Jean Arthuis, président, pour conclure le débat, a jugé que celui-ci constituait, d'ores et déjà, une manière de préparer la discussion du projet de loi de finances pour 2006.

La commission a ensuite donné acte à M. Paul Girod, rapporteur spécial, de sa communication, et a décidé, à l'unanimité, d'en autoriser la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Audition de M. Jean Bassères, secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Jean Bassères, secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Jean Arthuis, président, a souligné que c'était la première fois que la commission auditionnait le secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, précisant qu'elle avait, néanmoins, entendu M. Bruno Parent, directeur général des impôts, sur la réforme de son administration, le 13 juillet 2004.

Il a indiqué que l'audition de M. Jean Bassères obéissait à la volonté de la commission d'auditionner, au moment de leur prise de fonctions, les principaux responsables de l'administration du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Il a précisé qu'elle s'inscrivait dans le cadre d'un examen attentif des progrès et des difficultés enregistrés dans la réforme de l'Etat et qu'elle visait également, dans la perspective de la LOLF, à souligner l'importance cruciale des responsables administratifs dans la gestion des deniers publics. Il a rappelé que le secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie était responsable de deux programmes importants, intitulés « gestion fiscale et financière de l'Etat et du secteur public local » et « régulation et sécurisation des échanges de biens et services », dont il aurait à rendre compte, régulièrement, devant la commission. Il a ajouté que ce seraient les performances réalisées qui intéresseraient particulièrement les commissaires.

M. Jean Arthuis, président, a noté que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie s'était lancé, depuis plusieurs années, et ce, malgré l'échec de la « réforme Sautter », dans une démarche de modernisation, tournée vers l'usager, qui reposait sur une réorganisation ambitieuse du ministère et sur une informatisation poussée.

Il a rappelé que, compte tenu des succès déjà enregistrés, notamment dans le cas de la direction des grandes entreprises, M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, avait souhaité aller encore plus loin, lors du comité technique paritaire ministériel du 7 juillet 2005, en décidant que le recouvrement de la taxe professionnelle et de la taxe foncière des entreprises, aujourd'hui assuré par la direction générale de la comptabilité publique (DGCP), c'est-à-dire le Trésor public, serait transféré à la direction générale des impôts (DGI) en 2008. Il a relevé que les quelque 800 services correspondants sur le territoire prendraient le nom de « services des impôts des entreprises » au début de l'année 2006. Il a précisé, par ailleurs, qu'il avait été décidé, pour la DGI et pour la DGCP, d'élaborer un programme commun de rapprochement immobilier en zone urbaine, tendant à mettre en place des services d'accueil fiscaux uniques. Il a estimé que ce rapprochement, par ailleurs indispensable, aurait nécessairement des conséquences sur les implantations territoriales des deux directions concernées. Il s'est interrogé sur la manière dont il allait s'opérer, au regard du moratoire annoncé récemment par M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, au sujet de la fermeture des services publics en zone rurale.

M. Jean Arthuis, président, a observé qu'après la création de la direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE), et d'autres regroupements d'administrations centrales du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, un nouveau positionnement du service des domaines était annoncé, ce dernier devant être rattaché à la DGCP, afin de dynamiser la politique immobilière de l'Etat, dont les résultats n'avaient pas été à la hauteur des ambitions. Il a souhaité connaître la manière dont serait menée cette modernisation du service des domaines.

Il a souligné que des nouveaux contrats pluriannuels de performance 2006-2008 devaient être signés avec les « directions à réseau » du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie d'ici à la fin de l'année 2005, précisant que dans le cas de l'Insee, le contrat devait porter sur la période 2007-2009. Il s'est demandé si une contractualisation analogue pourrait être mise en oeuvre par d'autres ministères.

Il a ajouté que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie était celui qui avait le meilleur ratio de non-remplacement de fonctionnaires partant à la retraite, réalisant à lui seul 50 % du total. Il a relevé que M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, avait ainsi annoncé une réduction des effectifs de 2.608 personnes en 2006. Il s'est demandé si le ministère pourrait prolonger cet effort dans les années à venir, voire l'amplifier.

M. Jean Arthuis, président, s'est alors interrogé sur la raison pour laquelle la prime individuelle de performance, annoncée il y a moins d'un an par M. Nicolas Sarkozy, alors ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, avait été abandonnée. Il a noté qu'elle devait être remplacée par un mécanisme d'intéressement de tous les agents du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie aux résultats de leur direction. Il a précisé que, lorsqu'une direction atteindrait ses objectifs, l'ensemble de ses agents bénéficierait d'un intéressement forfaitaire, d'un montant maximum de 150 euros, le premier versement étant effectué en 2006 sur la base des résultats 2005.

Il a souligné que l'informatisation était un chantier majeur du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, qui y consacrait 6 % de ses crédits. Il a ajouté que certains chantiers étaient d'une importance capitale, comme le projet « Copernic », visant à bâtir un système d'information unique pour les administrations fiscales, et a souhaité connaître l'état d'avancement du projet. Il s'est également interrogé sur l'engorgement des serveurs Internet face au succès, en partie non anticipé, de la télédéclaration au titre de la campagne de l'impôt sur les revenus de l'année 2004, et sur les remèdes devant y être apportés. Il s'est aussi demandé si les systèmes d'information auraient la capacité de répondre aux défis de la réforme de l'organisation budgétaire et comptable rendue nécessaire par la LOLF.

M. Jean Bassères, secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, s'est félicité de l'occasion qui lui était donnée de venir s'exprimer devant la commission. Il a rappelé que le ministère avait réalisé d'importantes réformes, dans le cadre des programmes de modernisation « Bercy en mouvement », lancé en 2002, puis « Bercy ensemble », lancé en 2004. Il a indiqué que, le programme « Bercy ensemble » arrivant à échéance en 2005, il était nécessaire de définir de nouvelles orientations, qui avaient été présentées dans le cadre d'un comité technique paritaire ministériel le 7 juillet 2005 par MM. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, et François Loos, ministre délégué à l'industrie.

Il a déclaré que ces orientations tendaient, tout d'abord, à moderniser le ministère, par une politique reposant sur trois « piliers ».

Il a annoncé que le premier « pilier » consistait à assurer un meilleur service aux usagers, en particulier par le développement de la télédéclaration. Il a estimé que celui-ci impliquait de moderniser le système informatique du ministère, afin de lui permettre de traiter 10 millions de télédéclarations en 2005, contre 3,7 millions en 2004. Il a indiqué qu'il était envisagé de moduler, le cas échéant, les délais limites de dépôt de la déclaration « papier » par zone géographique, afin d'éviter un encombrement des télédéclarations.

Il a indiqué que le deuxième « pilier » de la réforme consistait à rendre l'administration plus efficace. Il a rappelé à cet égard que M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, avait présenté, le 17 mai 2005, une « charte du contribuable » et que les orientations définies le 7 juillet 2005 prévoyaient la mise en place d'un interlocuteur fiscal unique. Il a indiqué, sur ce dernier point, que la réforme actuellement envisagée différait, en son principe, de celle tentée en 2000 par M. Christian Sautter, alors ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, puisqu'elle devait passer par la complémentarité entre la DGI et la DGCP, par la valorisation des implantations territoriales actuelles (aucune restructuration territoriale ne devant découler des orientations annoncées le 7 juillet 2005), et par la prise en compte des réalités territoriales. Il a déclaré que plusieurs décisions avaient d'ores et déjà été prises : expérimentation dans le département de l'Ain, dès la fin 2005, d'un numéro de téléphone unique pour joindre les services des impôts et du Trésor public, et expérimentation, en 2006, d'une adresse Internet unique ; élaboration, par la DGI et la DGCP, d'un programme commun de rapprochement immobilier en zone urbaine, pour mettre en place des services d'accueil fiscaux uniques ; expérimentation en 2006, dans plusieurs départements, en milieu rural, d'« échanges croisés de compétence » entre la DGCP et la DGI, afin que chaque contribuable puisse effectuer 80 % de ses démarches fiscales indifféremment, à la trésorerie ou au centre des impôts ; rapprochement des centres des impôts et des centres des impôts fonciers ; transfert en 2008 du recouvrement de la taxe professionnelle et de la taxe foncière des entreprises, aujourd'hui assuré par la DGCP, à la DGI, afin d'achever la mise en place de l'interlocuteur fiscal unique des entreprises.

M. Jean Bassères a indiqué que cette réforme avait notamment pour objet de développer les synergies, en particulier dans le cadre de la LOLF. Il a rappelé à cet égard que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) devaient être plus étroitement associées, par leur réunion dans le programme « régulation et sécurisation des échanges de biens et services » de la mission « développement et régulation économiques », par l'inclusion au début de l'année 2007, dans une structure commune, des laboratoires de la DGCCRF et de la DGDDI, et par une meilleure coordination des contrôles de ces deux directions, des expérimentations étant prévues en 2006 dans le domaine viti-vinicole. Il a considéré que ce rapprochement entre la DGCCRF et la DGDDI pourrait être poursuivi dans les domaines de la lutte contre les contrefaçons et de la sécurité des produits. Il a indiqué que M. François Werner avait été chargé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de lui faire rapidement des propositions de réforme du service de traitement du renseignement et de lutte contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN), actuellement dépendant de la DGDDI, afin qu'il soit mis au service de l'ensemble du ministère au début de l'année 2006. Il a déclaré que, dans le cas de la DGI et de la DGCP, la recherche de synergies passerait notamment par le transfert, en 2007, du service des domaines (aujourd'hui rattaché à la DGI) à la DGCP, et qu'il était également prévu de faire des domaines un acteur central de la dynamisation de la gestion du patrimoine immobilier de l'Etat. Enfin, il a indiqué que les trésoriers payeurs généraux et les directeurs régionaux de l'industrie, de la recherche et de l'environnement devaient créer des synergies, afin notamment d'accompagner la mise en place des pôles de compétitivité, et qu'une « réflexion stratégique » devait être lancée, afin de déterminer, d'ici à la fin de l'année 2005, la manière de renforcer l'efficacité de l'action du ministère en faveur des PME.

Il a déclaré que le « troisième pilier » de la réforme annoncée le 7 juillet 2005 consistait à faire du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie un modèle en matière de performance administrative. Il a indiqué que le ministère avait constitué un « service achats » et souhaitait rationaliser son patrimoine immobilier. Il a rappelé que des contrats pluriannuels de performance, relatifs à la période 2006-2008, devaient être signés avec les « directions à réseau » du ministère d'ici à la fin de l'année 2005. Il a déclaré que le ministère des affaires étrangères envisageait de se doter d'un dispositif analogue. Il a rappelé que, comme l'avait indiqué M. Jean Arthuis, président, la rémunération au mérite prendrait la forme de primes, qui seraient accordées non de manière individuelle, comme ceci avait initialement été envisagé, mais de manière collective, en fonction de l'atteinte d'une quinzaine d'indicateurs, issus des programmes du ministère et des contrats pluriannuels de performance. Il a en outre décrit le programme de modernisation du système informatique du ministère : le système « Copernic », relatif à la fiscalité, permettait en particulier la télédéclaration des revenus ; quant à la comptabilité de l'Etat, elle était assurée par le système « Accord 1 », qui, après l'abandon du programme « Accord 2 », devait être adapté à l'entrée en vigueur de la LOLF par le système « Palier 2006 », destiné à être lui-même remplacé par un nouveau système, dénommé « Chorus », à l'horizon 2008. Il a considéré que cette réforme du système informatique avançait à un rythme satisfaisant. S'agissant des effectifs, il a confirmé leur réduction à hauteur de 2.608 emplois en 2006, en précisant qu'il était normal que le ministère restitue une partie de ses gains de productivité à la collectivité nationale. Il a considéré que la réforme devrait être aussi lisible que possible, afin d'éviter une opposition des syndicats.

Un débat s'est ouvert.

M. Jean Arthuis, président, a estimé qu'il était nécessaire que le gouvernement avise les élus locaux des modalités de la réforme, afin d'éviter, comme cela s'était produit en 2000, qu'ils en soient informés par les seuls syndicats. Il s'est en outre félicité de ce que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ait « mis la main » sur la réforme de l'Etat.

En réponse, M. Jean Bassères a rappelé que la réforme annoncée le 7 juillet 2005 prévoyait de s'appuyer sur le maillage territorial existant. Il a indiqué, en outre, que la stratégie ministérielle de réforme (SMR) était en cours de modification, afin d'être adaptée à la LOLF.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est interrogé sur la possibilité de remplacer la DGI et la DGCP par deux directions, chargées respectivement de la détermination de l'assiette et du recouvrement de l'impôt. Il s'est demandé si le rattachement du service des domaines à la DGCP, annoncé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, suffirait à faire de ce service un véritable outil de gestion du patrimoine de l'Etat. Il a souhaité connaître le coût financier de l'abandon du programme « Accord 2 ». Il s'est étonné, de plus, de ce que le syndicat national unifié des impôts (SNUI) exprime des points de vue en matière de doctrine fiscale.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé à cet égard que le SNUI éditait, chaque année, un « guide pratique du contribuable ». Il s'est demandé, par ailleurs, si une fusion de la DGI et de la DGCP permettrait d'éviter que ces deux directions se contredisent au niveau local.

En réponse, M. Jean Bassères a considéré qu'il ne serait pas opportun de remplacer la DGI et la DGCP par deux directions, chargées respectivement de la détermination de l'assiette et du recouvrement de l'impôt, cette distinction étant peu claire pour les usagers. Il a jugé que, compte tenu de la logique propre du contrôle fiscal, une fusion de la DGI et de la DGCP ne permettrait pas d'éviter d'éventuelles contradictions au niveau local entre comptables publics et agents des impôts, et qu'il serait en revanche utile d'améliorer la formation des comptables publics en matière de fiscalité. Il a estimé, par ailleurs, qu'une telle fusion ne permettrait probablement pas de gains de productivité significatifs, alors qu'une minorité des agents de la DGCP était affectée à des tâches fiscales. Il a déclaré que le service des domaines devait retrouver son « corps de métier », qui était une activité de support des autres administrations. Il a estimé qu'il pourrait être utile d'introduire des « loyers budgétaires » pour les immeubles domaniaux, une expérimentation à cet égard étant susceptible d'être effectuée en 2006. Il a affirmé que le coût de l'abandon d' « Accord 2 » était modique. Enfin, il a souligné que si certains syndicats, comme le SNUI, avaient exprimé leurs points de vue en matière fiscale, les débats sur ces questions restaient à conduire au sein du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Après avoir rappelé qu'elle avait soutenu la réforme proposée par M. Christian Sautter, alors ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et estimé que la crise qui en avait découlé avait joué un « rôle salutaire », Mme Nicole Bricq s'est interrogée sur les modalités de rapprochement des systèmes informatiques de la DGI et de la DGCP, sur les conséquences administratives du remplacement de la redevance audiovisuelle par une « imposition de toutes natures » adossée à la taxe d'habitation et sur les perspectives de mise en place d'une retenue à la source.

Mme Fabienne Keller a jugé souhaitable que les préfets coordonnent, au niveau local, les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Elle a considéré, en outre, que les différents ministères pourraient s'inspirer de l'expérience du ministère de la défense en matière de cessions immobilières aux collectivités territoriales.

En réponse, M. Jean Bassères a estimé que la crise suscitée par la tentative de réforme de M. Christian Sautter avait, en effet, été « salutaire ». Il a rappelé les progrès informatiques effectués grâce au système « Copernic » et a indiqué que son ministère était actuellement en train de développer « Gaïa », afin, notamment, de mettre en place l'interlocuteur fiscal unique, et de renforcer la coopération entre la DGI et la DGCP. Il a indiqué que la suppression de la redevance audiovisuelle devait permettre le redéploiement des agents de l'ancien service de la redevance. Il a rappelé que M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, avait récemment déclaré que la retenue à la source était, avant tout, un choix de société, qui ne pourrait être décidé sans un grand débat public préalable. Par ailleurs, il a considéré que la retenue à la source permettrait seulement d'économiser de l'ordre de 2.000 à 2.500 emplois, ce qui était du même ordre de grandeur que les économies qui découleraient de l'obligation de payer par prélèvement automatique. Il a estimé que le principal avantage de la retenue à la source était de permettre l'imposition sur les revenus de l'année en cours, et donc d'éviter les problèmes liés à une chute brutale des revenus du contribuable, mais que la transition vers un tel système était délicate, du fait de la « perte » d'une année d'imposition.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que M. Jean Bassères devait être responsable de deux programmes, « gestion fiscale et financière de l'Etat et du secteur public local » et « régulation et sécurisation des échanges de biens et services », s'appuyant, respectivement, sur la DGI et la DGCP d'une part, et sur la DGDDI et la DGCCRF d'autre part, et appartenant, respectivement, à la mission « gestion et contrôle des finances publiques » et à la mission « développement et régulation économiques ». Il s'est interrogé, à cet égard, sur l'opportunité de confier à une seule personne la responsabilité de plusieurs programmes, et sur la pertinence de maintenir quatre directeurs, en plus du responsable des deux programmes, ce qui risquait, selon lui, de brouiller les responsabilités.

En réponse, M. Jean Bassères a considéré qu'il était utile, dans un souci de cohérence, de confier la responsabilité des deux programmes à une même personne, et qu'il n'était pas souhaitable de fusionner certaines directions, en particulier la DGDDI et la DGCCRF. Il s'est demandé, en revanche, s'il ne serait pas préférable que ce soit un directeur, plutôt qu'un secrétaire général, qui soit chargé de la responsabilité des deux programmes.

En conclusion, M. Jean Arthuis, président, s'est félicité de cette audition et de la qualité des échanges qui s'en est suivie.

Mercredi 13 juillet 2005

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Contrôle budgétaire - Justice - Mise en oeuvre de la LOLF dans le domaine judiciaire - Communication

La commission a tout d'abord entendu une communication de M. Roland du Luart, rapporteur spécial, sur la mise en oeuvre de la LOLF dans la justice judiciaire.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a expliqué que, dans la perspective de l'élaboration du programme de contrôle budgétaire de la commission des finances, il avait engagé, pour ce qui concernait son secteur de compétence, la justice, trois pistes de réflexion, à savoir, les frais de justice, pour lesquels une enquête avait été demandée à la Cour des comptes, conformément à l'article 58-2 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), la justice à Bobigny et à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle et les contrats d'objectifs entre chancellerie et cours d'appel.

Il a indiqué qu'il lui était clairement apparu, dès le départ, qu'en cette année 2005, le premier sujet de préoccupation des magistrats et greffiers était, globalement, les conditions de mise en oeuvre de la LOLF dans la justice judiciaire et, en particulier, la question des frais de justice, ce qui l'avait conduit à « convertir » en conséquence son « thème d'étude du semestre ».

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a évoqué successivement les quatre préoccupations principales de ses interlocuteurs : l'inquiétude majeure sur les frais de justice, la « sortie » des juridictions administratives de la mission justice, les changements induits par la déconcentration des crédits et la mesure de la performance des juridictions judiciaires.

Abordant tout d'abord la question des frais de justice (expertises, écoutes téléphoniques, interprétariat notamment), il a précisé que ceux-ci étaient les dépenses laissées à la charge du budget de l'Etat, car n'incombant pas à une partie à une procédure. Il a indiqué que ces dépenses, qui incluaient aussi les frais d'enquête des officiers de police judiciaire, les OPJ, connaissaient un taux de progression de plus en plus élevé, soit 30 % en deux ans (entre 2001 et 2003), et de presque 23 % au cours de la seule année 2004, pour laquelle la dépense s'était élevée à 419 millions d'euros.

Il a précisé que les frais de justice, difficiles à évaluer précisément en amont et qui étaient jusqu'ici évaluatifs, allaient devenir limitatifs, précisant que les trois quarts des frais de justice avaient trait à la procédure pénale.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a évoqué, parmi les causes de cette évolution, le besoin croissant de justice de la part de la population, les Français ayant de plus en plus recours à la justice civile pour régler leurs différends, tandis que l'intensification de l'activité des forces de sécurité débouchait logiquement sur un renforcement de celle des juridictions pénales. Il a reconnu que l'exigence des citoyens vis-à-vis de la justice, en particulier des victimes d'infraction et de leurs proches, n'était pas, en soi, condamnable, même si elle débouchait sur une majoration des frais d'enquête.

Il a souligné, par ailleurs, qu'à l'origine des frais de justice, devait aussi être évoquée une législation instable, coûteuse et mal évaluée quant à son impact financier. Il a également évoqué les dérives d'une gestion « aveugle » des frais de justice, le prescripteur ayant pu parfois penser qu'il disposait d'un « droit de tirage » sans limite, puisque les crédits en cause étaient évaluatifs, citant à titre d'exemple les recherches engagées en cas de perte de téléphone portable qui entraînaient souvent des dépenses excessives par rapport à l'enjeu réel de l'affaire.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a indiqué que le champ des expertises et leur coût avaient évolué sensiblement, mais que la gestion des frais de justice pourrait être améliorée, en particulier avec la connaissance des coûts par les magistrats et par l'introduction de l'appel à la concurrence. Après avoir rappelé que la justice bénéficiait généralement d'une priorité budgétaire, il a déploré que, sur l'exercice 2004, pas moins de 90 % de l'augmentation des crédits consommés pour le fonctionnement des services judiciaires avaient été absorbés par la progression des frais de justice. Il en a déduit que la LOLF n'avait fait que révéler l'urgence du redressement de la dérive des frais de justice, qui préexistait donc à celle-ci.

Il a ajouté que les magistrats exprimaient la crainte de ne plus pouvoir diligenter des enquêtes dès lors que l'enveloppe de crédits limitatifs serait épuisée et a précisé qu'une telle perspective devait cependant être écartée, la justice étant due à tous les citoyens, « douze mois sur douze ».

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a ajouté que, selon la chancellerie, la détermination des crédits de frais de justice pour 2006 pourrait se faire de la manière suivante :

- un « socle » limité au niveau des seuls crédits autorisés pour 2005 figurerait en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, pour manifester une volonté de maîtrise de ces dépenses ;

- la différence entre les crédits effectivement consommés en 2004 et ceux autorisés pour 2005 ne serait prévue qu'en autorisation d'engagement afin de garder la capacité effective de répondre aux nécessités.

Il a observé que, pour tenir compte du caractère imprévisible des dépenses de cette nature, par exemple la survenance d'une affaire « surdimensionnée » comme celle de la pédophilie à Angers, des réserves de précaution devraient être constituées au niveau de chaque Cour d'appel et au plan national. Il a précisé, en outre, que la chancellerie ayant engagé un effort de rationalisation louable, les principales orientations du ministère de la justice étaient :

- de diminuer le coût des interceptions téléphoniques, en particulier par la promotion d'une culture de la concurrence et la négociation tarifaire ;

- de formaliser les circuits comptables des frais de justice, en créant une comptabilité des engagements afin de permettre un suivi réel des dépenses, dossier par dossier ;

- de créer un outil de suivi informatique et de sensibiliser les prescripteurs au montant des frais de justice qu'ils prescrivaient, qu'il s'agisse des magistrats (juges d'instruction et « parquetiers », en particulier) ou des officiers de police judiciaire (policiers et gendarmes).

Il a considéré, enfin, que la réflexion sur ce sujet devait impérativement se poursuivre. En particulier, il a confirmé qu'une discussion avait été ouverte sur l'opportunité d'un éventuel partage entre les missions « justice » et « sécurité » des frais de justice aujourd'hui mis à la charge de la seule justice.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, s'est demandé s'il fallait appliquer le principe responsabilisant, selon lequel le prescripteur serait le payeur, et transférer en conséquence à la mission « sécurité » certaines dépenses engagées par les OPJ.

Il a souligné, comme de nombreux magistrats l'avaient observé, qu'il convenait avant tout de préserver l'indépendance de l'autorité judiciaire et qu'il fallait donc se prémunir de tout risque de refus d'exécution de la décision d'un magistrat qui serait motivé par des considérations financières, compte tenu de la hiérarchisation des corps de sécurité publique (police et gendarmerie nationales).

Il a estimé, par ailleurs, qu'il appartenait aux ministres concernés de poursuivre une discussion interministérielle sur le sujet, afin de dégager une solution susceptible de favoriser des économies budgétaires, sans porter atteinte à l'indépendance de l'autorité judiciaire.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, s'est dit soucieux de préserver la liberté de prescription du magistrat, prenant en compte l'accroissement du besoin de justice au sein de la population. Il a souligné l'opportunité de relativiser le « principe de précaution », celui-ci pouvant conduire le magistrat à multiplier les expertises pour être totalement certain de découvrir l'entière vérité et pour se protéger de certaines « pressions médiatiques », parfois excessives, dans les affaires les plus sensibles, voire contre la mise en cause de sa responsabilité en cas d'erreur judiciaire.

Il a considéré que, pour autant, une justice pour tous - un objectif pour la République - impliquait de ne pas consacrer trop de moyens sur les affaires les plus médiatisées, au détriment de dossiers suscitant moins d'attention, alors qu'ils concernaient le plus grande nombre de justiciables.

Il a reconnu que le juste équilibre était difficile à trouver dans ce contexte de médiatisation de la justice et d'aspiration à une plus grande responsabilité des magistrats, estimant cependant que le principe de précaution ne pouvait plus, en toute circonstance, revêtir un caractère absolu.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a souhaité évoquer les incidences sur la justice judiciaire de la « sortie » des juridictions administratives de la mission « justice ».

Il a précisé que, dans la « première mouture » de nomenclature budgétaire qui avait été présentée au Parlement le 21 janvier 2004, la Cour des comptes et les autres juridictions financières constituaient un programme au sein d'une mission « dépendant » du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, et que ces juridictions demeuraient, comme sous l'empire de l'ordonnance de 1959, « sous la coupe » de Bercy. Il a noté que les juridictions administratives figuraient au sein de la mission « justice », sur le même plan que les juridictions judiciaires et que, là encore, il n'y avait pas de changement : les juridictions, tant administratives que judiciaires, relevaient, budgétairement, de la chancellerie.

Il a rappelé que la commission avait demandé que la Cour des comptes, en raison de sa nouvelle fonction de certification des comptes de l'Etat, sorte du « giron » de Bercy, et qu'elle avait donc proposé l'année dernière la création d'une nouvelle mission, « transparence et régulation de l'action publique », constituée de deux programmes, l'un pour les juridictions financières et l'autre pour les autorités administratives indépendantes (AAI), du moins certaines d'entre elles. Il a noté que la commission avait souhaité, en revanche, que juridictions administratives et judiciaires demeurent au sein de la mission « justice ».

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a regretté que les propositions du Sénat n'aient pas été retenues l'an passé, et que la Cour des comptes, dans la deuxième nomenclature présentée par le Gouvernement le 16 juin 2004, soit demeurée dans le « giron » de Bercy, la situation des juridictions administratives, quant à elle, n'évoluant pas. Il a également regretté qu'une telle situation n'ait « pas ému grand monde », en dehors de la commission, et ce jusqu'à ce que M. Philippe Séguin soit installé comme Premier président de la Cour des comptes, en septembre 2004.

Il a souligné que le nouveau Premier président avait alors accompli des démarches « volontaristes » pour que la Cour des comptes ait une place particulière dans la nomenclature budgétaire, témoignant à la fois de son indépendance et de son équidistance entre Gouvernement et Parlement. Il a rappelé que, dans un premier temps, M. Philippe Séguin avait préconisé pour la Cour des comptes un statut de « pouvoir public », qui ne pouvait pas lui être accordé, sa légitimité ne procédant pas du suffrage universel. Il a ajouté, qu'en définitive, un arbitrage avait été donné par le Premier ministre le 9 mai 2005 et confirmé dans la nomenclature budgétaire définitive présentée au Parlement le 30 juin 2005.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a indiqué qu'une mission « conseil et contrôle de l'Etat » avait été créée et rattachée au Premier ministre. Elle était constituée de trois programmes : Cour des comptes et autres juridictions financières, Conseil d'Etat et autres juridictions administratives, Conseil économique et social, qui cessait donc de figurer dans une « mission mono-programme ».

Il a indiqué que les crédits de cette mission, sans bénéficier du régime des dotations réservé aux seuls pouvoirs publics, feraient l'objet de règles particulières pour la détermination concertée de leur budget et de procédures d'exécution dérogatoires, les gels de crédits étant soumis à l'accord des responsables de programme, respectivement le Premier président de la Cour des comptes, le vice-président du Conseil d'Etat et le président du Conseil économique et social. Il a précisé que cet arbitrage, incontestable pour la Cour des comptes, bénéficiait aussi à l'ensemble des juridictions financières (chambres régionales des comptes) et administratives (cours administratives d'appel et tribunaux administratifs).

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a observé que la réunion, dans un même programme, de la Cour des comptes et des autres juridictions financières paraissait devoir être acceptée car leur gestion administrative et financière était commune, assurée par la Cour des comptes, et parce que les textes prévoyaient des missions communes à cette dernière et aux chambres régionales des comptes.

En ce qui concerne les juridictions administratives, il a précisé que leur gestion était assurée par le Conseil d'Etat, ce qui plaidait aussi pour leur regroupement dans un seul programme, mais il a estimé que cela ne justifiait pas, en revanche, que le programme afférent à celles-ci soit « sorti » de la mission « justice » pour être « promu » au sein de la nouvelle mission « conseil et contrôle de l'Etat ». Il lui a semblé que le responsable de ce programme, à savoir le vice-président du Conseil d'Etat, aurait certainement pu obtenir de continuer à négocier directement son budget avec Bercy, comme cela se faisait depuis au moins 1945, dans le cadre du budget du ministère de la justice.

En revanche, il a relevé que les conséquences d'une telle décision sur les juridictions judiciaires ne semblaient pas avoir été sérieusement évaluées, que le risque d'éclatement de la mission « justice » ne pouvait être négligé, le Premier président de la Cour des comptes l'ayant évoqué lui-même. Il a noté que, pour commencer, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) avait demandé à constituer un programme spécifique dans la mission « pouvoirs publics », et que l'Union syndicale des magistrats (USM) avait réclamé le rattachement du programme « justice judiciaire » à la mission « conseil et contrôle de l'Etat ».

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, s'est alors demandé ce que signifierait le maintien de la mission « justice » dans ces conditions. Il a rappelé que la sortie du programme justice administrative de la mission « justice » avait suscité l'ouverture d'un vif débat ou, peut-être, constitué le prétexte de ce débat, entre siège et parquet sur leurs missions respectives au sein des juridictions, et les conséquences qui pourraient en résulter pour la mise en oeuvre de la LOLF.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a précisé que les premiers présidents de cours d'appel faisaient valoir que l'action publique relevait exclusivement du procureur, et que les dépenses afférentes à celle-ci n'avaient pas à être visées par le président. De ce fait, ils demandaient l'éclatement du programme justice judiciaire en deux programmes distincts, correspondant respectivement au siège et au parquet.

Il a ajouté que les procureurs souhaitaient, pour leur part, que le processus judiciaire ne soit pas artificiellement scindé en deux et préconisaient que le principe de la libre prescription de mesures judiciaires lie l'ordonnateur secondaire.

Il a constaté que, dans ce domaine comme dans d'autres, la LOLF était moins la source que le révélateur des problèmes, et, en l'occurrence, de débats récurrents. Il a noté que le problème posé portait sur l'unicité du corps judiciaire et le caractère dyarchique de l'ordonnancement mis en place pour l'administration des juridictions judiciaires, et qu'une telle question ne saurait être tranchée dans le cadre précis de la mise en oeuvre de la LOLF au sein des juridictions, puisqu'elle portait sur les fondements mêmes de l'organisation judiciaire.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a estimé que si l'« exception judiciaire française », à savoir l'unicité du corps judiciaire, devait être un jour remise en question, il ne lui semblait, en revanche, pas opportun et même simplement possible de mettre fin à cette exception avant l'entrée en vigueur complète de la LOLF, donc avant la présentation en septembre 2005 du projet de loi de finances pour 2006.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a cité M. Dominique Perben, alors Garde des Sceaux, ministre de la justice, qui avait indiqué, en réponse à certaines interrogations exprimées au sein des juridictions judiciaires le 23 mai 2005, que le Premier ministre lui avait exprimé son accord « pour poser le principe qu'il n'y ait plus de gel imposé aux juridictions judiciaires, au même titre que pour les juridictions administratives et financières ». Il en a déduit qu'un même régime financier spécifique serait accordé aux trois ordres de juridiction, les protégeant de mesures de gel parfois déstabilisatrices pour la gestion des juridictions, surtout quand le « dégel » intervenait en fin d'exercice.

Il a indiqué que ces assurances ne semblaient pas avoir atténué l'émotion ressentie au sein des juridictions, et que c'était la raison pour laquelle il lui semblait que la situation nouvelle avait « brouillé » quelque peu l'image de la LOLF dans les juridictions judiciaires.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a alors évoqué la déconcentration, certains se demandant si la LOLF n'allait pas parfois conduire à une « reconcentration », ce qui serait alors paradoxal.

Il a souligné que, comme il allait l'indiquer dans son rapport écrit, le processus de gestion des juridictions avait subi des évolutions sensibles depuis 20 ans, et qu'à la suite de la vague de décentralisation du début des années 1980, l'Etat avait « fonctionnarisé » les greffes et pris en charge l'ensemble de l'administration des juridictions, les moyens de fonctionnement des juridictions étant précédemment assurés par les collectivités territoriales. Il a relevé que, s'agissant de fonctions régaliennes, ce mouvement avait sa logique.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a rappelé que le choix d'une gestion déconcentrée des juridictions au niveau des cours d'appel avait été fait en 1996, que les chefs de cours avaient alors reçu l'appui d'une nouvelle structure de gestion, les services administratifs régionaux, communément dénommés SAR et que ceux-ci assistaient donc les chefs de cours dans leurs attributions de gestion et coordonnaient celle des juridictions du ressort de la cour d'appel.

Il a souligné que, dans la perspective de la mise en oeuvre de la LOLF, un décret du 24 mai 2004 avait fait du Premier président et du procureur général les ordonnateurs secondaires conjoints pour toutes les juridictions du ressort de la cour d'appel, en lieu et place des préfets, et que, de plus, les chefs de cour allaient acquérir la qualité de personne responsable de marché (PRM) pour leur ressort.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a indiqué que, pour anticiper l'application de plusieurs dispositions de la LOLF, l'ensemble des ministères avait été invité à engager des expérimentations de globalisation des crédits, et que, pour ce qui est des juridictions judiciaires, l'expérimentation avait porté, dès 2004, sur la cour d'appel de Lyon et avait été étendue en 2005, à huit autres cours d'appel. Il a renvoyé à son rapport écrit concernant les modalités précises de cette expérimentation qui avait porté sur les dépenses de personnel, celles de fonctionnement et sur les frais de justice.

Il a précisé que des dotations globales étaient déléguées aux cours d'appel, qui procédaient ensuite aux répartitions entre les juridictions de leur ressort. Il a noté que, dans un cas comme dans l'autre, les répartitions étaient précédées d'un dialogue de gestion, sous forme de conférences budgétaires et que des réserves de crédits étaient constituées, tant au plan national qu'au niveau des cours d'appel.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a estimé qu'il était possible que le sentiment d'une reconcentration au bénéfice des SAR, exprimé par certains magistrats, corresponde à une insuffisance de capacité de gestion au niveau des tribunaux de grande instance, et il lui a paru nécessaire, pour répondre à cette préoccupation, que ces tribunaux « fassent le poids » en termes de capacité de gestion et puissent ainsi contribuer à un dialogue de gestion renforcée avec les SAR.

Il a précisé qu'il avait tenu à recueillir le sentiment des coordinateurs et personnels exerçant au sein des SAR qu'il avait rencontrés, et qu'il lui semblait que ces acteurs de terrain témoignaient d'une réelle volonté de répondre aux changements de procédure induits par la LOLF, quelle que soit la difficulté de la tâche. En revanche, il a estimé que coordinateurs et personnels exerçant dans ces SAR exprimaient quelques inquiétudes quant aux moyens dont ils disposaient pour répondre au « défi » qui leur était lancé. M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a regretté, en particulier, une information insuffisante et tardive, et que la circulaire de la chancellerie du 30 mai 2005, relative aux modalités de préparation des budgets des cours et juridictions, ait été diffusée effectivement le 7 juin 2005, et ce, sans aucune explication ou commentaire particulier.

Il a constaté que les agents des SAR regrettaient l'insuffisance de leur formation, en particulier pour ce qui était de l'ordonnancement secondaire, précédemment assuré par les préfectures, et qu'ils déploraient les outils informatiques inadaptés aux nouveaux processus, et, en particulier, le défaut de véritable chaîne informatique de gestion depuis les arrondissements judiciaires jusqu'à la chancellerie via les SAR.

En outre, il a noté que les SAR réclamaient, comme les magistrats, un renforcement des moyens de gestion dans les arrondissements judiciaires afin de pouvoir déléguer dans de meilleures conditions à ces derniers, et qu'il ne s'agissait donc pas, pour eux, de chercher à s'immiscer dans la conduite des juridictions.

Il a relevé que les SAR qu'il avait entendus avaient tous fait valoir que le transfert vers eux des charges d'ordonnancement assurées précédemment par les préfectures n'avait pas été accompagné d'un transfert correspondant de personnel, et que, selon les estimations des chefs de cour, ce transfert représentait environ 300 équivalents temps plein. Il a précisé, qu'en réalité, les besoins résultant de ce transfert concernaient surtout les plus grosses juridictions.

Par ailleurs, il a noté que s'ajoutait à ce handicap en termes d'équivalents temps plein (ETP), celui de la formation, les personnels des préfectures connaissant bien le processus, mais pas ceux des SAR.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a estimé que, fort logiquement, les budgets opérationnels de programme (BOP) seraient constitués dans chaque cour d'appel, puisque les chefs de cour constituaient véritablement l'interface entre la chancellerie et les juridictions.

Il a considéré, concernant la fongibilité asymétrique qui permet au gestionnaire de transférer des crédits à l'intérieur d'un programme, sous la réserve de ne pas majorer ceux de personnel, qu'elle serait pratiquée par le responsable du programme justice judiciaire, à savoir le directeur des services judiciaires à la chancellerie, celui-ci ayant, en effet, à répondre de sa gestion, notamment devant le Parlement.

Il a précisé que les responsables de BOP, c'est-à-dire les chefs de cour, pourraient évidemment formuler des demandes auprès du responsable de programme, et a souhaité que le dialogue de gestion puisse remédier à ce qui pourrait apparaître comme une « responsabilisation d'acteurs éloignés du terrain ». Il a souhaité que ce dialogue soit réel, mais qu'il ne contribue pas au développement d'une « bureaucratie lolfienne ».

Il a évoqué, enfin, la mesure de la performance, qui soulevait, pour la justice, des questions spécifiques déjà abordées par le président Jean Arthuis en mars 2005 dans son rapport d'information portant sur la mise en oeuvre de la LOLF et justement intitulé « Culte des indicateurs ou culture de la performance ? ».

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a considéré que les délais de mise en oeuvre de la LOLF expliquaient peut-être une insuffisance de concertation avec les acteurs de terrain quant à la fixation des indicateurs de performance, la chancellerie semblant avoir privilégié l'information, certes indispensable, à la concertation.

Il a souhaité indiquer que les principales questions soulevées par les magistrats portaient sur la difficulté de mesurer finement et objectivement la qualité des décisions juridictionnelles et sur la nature des sanctions possibles en cas de « contre performance ».

Il a rappelé que les objectifs et indicateurs de performance retenus dans la perspective du projet de loi de finances pour 2006 avaient été publiés le 30 juin 2005, et que cinq indicateurs nouveaux apparaissaient par rapport aux propositions figurant dans le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2005. Il s'est félicité de ce que les objectifs et indicateurs de performance correspondaient pour une part effective à des recommandations formulées tant par le président de la commission que par lui-même, même si des marges de progression existaient encore, estimant que l'expérience permettrait, certainement, de les franchir.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a considéré que la LOLF, dans la justice, comme dans d'autres domaines, bousculait les habitudes, mais que les conditions accélérées de sa mise en oeuvre ne permettaient sans doute pas une concertation suffisante ni une bonne circulation de l'information.

Il a considéré qu'il s'agissait, du moins pour une part, de la conséquence d'une volonté politique qui, pour éviter sa dilution dans le temps, se devait de rythmer la réforme.

Il a souligné qu'il ne fallait pas, toutefois, sous-estimer l'importance de l'association étroite des acteurs de terrain pour réussir une « révolution » de cette nature, le risque de bureaucratie centrale étant réel et ne devant pas se substituer à la concertation même si, bien sûr, une coordination et une harmonisation étaient indispensables.

Pour conclure, M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a déclaré qu'à l'issue des contacts noués au cours de sa mission, il avait acquis la conviction que la justice, magistrats et greffiers, commençait à accéder à une culture de gestion, et que la LOLF aurait donc, sans aucun doute, contribué à une certaine ouverture des juridictions et de leur personnel aux questions budgétaires, ce qu'il convenait de souligner et de saluer.

M. Jean Arthuis, président, approuvant les analyses de M. Roland du Luart, rapporteur spécial, et en soulignant sa grande qualité, a considéré que celles-ci pouvaient être assimilées à un hommage à la LOLF, qui a favorisé l'amorce d'une culture de gestion au sein des juridictions judiciaires.

Il s'est interrogé sur l'opportunité qu'il y aurait eu à regrouper les trois hautes juridictions que sont la Cour de cassation, le Conseil d'Etat et la Cour des comptes, au sein de la mission « conseil et contrôle de l'Etat », approuvant en tout état de cause le fait que la Cour des comptes soit sortie de la  « sphère » du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, en raison de sa nouvelle mission de certification des comptes de l'Etat, telle que définie par la LOLF.

M. Jean-Claude Frécon partageant les conclusions de M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a considéré, lui aussi, que le problème posé par la nouvelle mission tenait à l'existence en son sein du programme « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives ».

Il a exposé qu'en sa qualité de rapporteur spécial de la mission « conseil et contrôle de l'Etat », il avait rencontré, au cours du mois de juillet 2005, le Premier président de la Cour des comptes et le Vice-président du Conseil d'Etat, précisant qu'il verrait dans les prochains jours le président du Conseil économique et social. Il a ajouté que les autorités entrevues lui avaient fait part de leur concertation mutuelle en vue de la création de cette mission.

Il a confirmé avoir lui-même entendu les échos des interrogations formulées au sein de la justice judiciaire, sur le « départ » des juridictions administratives de la mission justice.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a réaffirmé l'importance qu'il y avait à ce que les magistrats connaissent les conséquences financières de leurs décisions, sans pour autant que leur « liberté de prescription » soit remise en cause. Il a indiqué que les conséquences pour les juridictions judiciaires de la « sortie » des juridictions administratives de la mission « justice » seraient soulignées dans son rapport d'information, si la commission en autorisait la publication. Il s'est interrogé sur l'opportunité d'une démarche de la commission auprès du Premier ministre au sujet de cette nouvelle configuration, afin de rappeler la position de principe qui avait été adoptée il y a déjà plus d'un an.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, et à M. Joël Bourdin, M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a indiqué que certains dossiers lourds entraînaient des frais d'expertise considérables, inclus dans l'enveloppe budgétaire des frais de justice, comme celui du dossier AZF à Toulouse (1,5 million d'euros), de l'incendie du tunnel du Mont-Blanc (3 millions d'euros), ou encore du renflouage et du rapatriement du chalutier Bugaled-Breizh (5 millions d'euros).

M. Jean Arthuis, président, considérant que ces expertises étaient nécessaires, s'est interrogé sur les économies qui auraient pu être réalisées si toutes les mises à concurrence utiles avaient été entreprises.

M. Aymeri de Montesquiou ayant évoqué les comparaisons possibles avec la situation existant à l'étranger, M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a fait valoir que de telles comparaisons, certes utiles, devraient être relativisées compte tenu de « l'exception judiciaire française » sur les fonctions et positions respectives du siège et du parquet au sein des juridictions judiciaires.

M. Jacques Baudot s'est interrogé sur les incidences de la multiplication des téléphones portables quant à l'évolution du montant des frais de justice.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a considéré que, en cas de vol de téléphone portable, les procédures coûteuses de localisation se justifiaient pleinement dans les affaires de grand banditisme, par exemple, mais que celles-ci devaient être utilisées avec beaucoup plus de parcimonie dans le cas de « simple vol » de ce type d'appareil.

Revenant sur la problématique des frais de justice et sur les moyens d'en limiter le coût, grâce notamment à des procédures d'appel d'offres, M. Jean Arthuis, président, a craint que le recours à la numérisation des pièces comptables n'ait pas fait l'objet de procédures de mise en concurrence.

M. Michel Mercier se référant à titre d'exemple au contentieux des accidents automobiles selon qu'une personne publique soit impliquée ou non, a fait valoir que la complexité des règles de répartition de compétences entre juridictions administratives et juridictions judiciaires, plaidait pour l'inclusion des deux ordres de juridiction au sein d'une même mission, en l'occurrence la mission « justice ».

M. Philippe Marini, rapporteur général, a fait valoir que le suivi par le Gouvernement des propositions formulées par la commission des finances en mai 2004 sur la nouvelle nomenclature budgétaire au format LOLF aurait évité les difficultés concernant le positionnement des juridictions administratives au sein de cette nomenclature. Il a ajouté que l'entrée de ces juridictions dans la mission « conseil et contrôle de l'Etat » ne lui apparaissait pas avoir été décidée dans un esprit conforme à la LOLF. Il s'est par ailleurs interrogé sur le « rapport coût/efficacité » de la mise en place du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a souligné l'importance d'une meilleure répartition des effectifs de greffe entre les juridictions pour y mettre, dans des conditions satisfaisantes, la LOLF en place, précisant que globalement l'effectif actuel des magistrats ne pouvait pas, en revanche, être considéré comme une source de difficulté.

En réponse à une question de M. Jean Arthuis, président, il a indiqué qu'il envisageait de se rendre à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle pour y visiter les salles d'audience spécialisées dans des contentieux particuliers, dans quelques mois, lorsque celles-ci seraient mises en place, précisant que les magistrats du tribunal de grande instance de Bobigny lui avaient fait connaître tout l'intérêt qu'ils portaient au bon aboutissement de ce projet.

Se référant à l'article XV de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789, selon lequel « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration », M. Michel Charasse a souligné que l'indépendance de l'autorité judiciaire, protégée par l'article 64 de la Constitution, ne constituait pas un obstacle aux contrôles budgétaires, en particulier des parlementaires, dans les juridictions judiciaires.

La commission a alors donné acte, à l'unanimité, à M. Roland du Luart, rapporteur spécial, de sa communication et décidé que les conclusions de sa mission feraient l'objet d'une publication sous la forme d'un rapport d'information.

Contrôle budgétaire - Recherche - Valorisation de la recherche universitaire - Communication

La commission a ensuite entendu une communication de M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, sur la valorisation de la recherche universitaire.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, a tout d'abord indiqué qu'il avait engagé, cette année, un contrôle budgétaire, en application de l'article 57 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), sur la valorisation de la recherche universitaire, dont la première phase s'achevait ce jour devant la commission des finances, par la présentation des principaux résultats issus des questionnaires envoyés à l'ensemble des universités françaises. Il a ajouté que ce contrôle se poursuivrait à la rentrée par un cycle d'auditions ad hoc, ainsi que par des déplacements dans certaines universités françaises et à l'étranger.

Il a tenu à préciser qu'il s'était limité aux universités, compte tenu de ses fonctions de rapporteur spécial des crédits de l'enseignement supérieur.

Après avoir souligné les enjeux liés à la recherche et à l'innovation, il a formé le voeu que les futurs pôles de compétitivité puissent être des vecteurs d'évolutions positives en la matière.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, a relevé que la valorisation de la recherche universitaire était à l'ordre du jour des priorités de nombreux pays, dont la France.

Il a indiqué que le questionnaire qu'il avait adressé aux différentes universités avait pour objectif d'étudier l'organisation de cette valorisation, son fonctionnement, ses difficultés et ses réussites, et que sur 86 courriers envoyés, 72 universités avaient répondu, soit un taux de réponse approchant 84 %.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, a tenu à faire savoir qu'il lui avait semblé pertinent d'étudier l'ensemble des universités et ce, d'autant plus, que le ministère lui-même reconnaissait que les remontées d'information étaient insuffisantes et qu'il ne possédait pas une vue d'ensemble satisfaisante de cette question. Dans cette perspective, il n'avait choisi ni de s'adresser directement au ministère ni de ne s'intéresser qu'à un échantillon représentatif d'universités.

Avant d'aborder de manière plus précise les réponses reçues aux questionnaires adressés,M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, a souhaité faire trois remarques générales :

- tout d'abord, s'agissant des systèmes d'information des universités, il a confirmé la remarque faite dans le rapport annuel pour 2004 de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR), selon laquelle « tout est à construire ou à reconstruire dans le domaine de l'information budgétaire, financière et comptable » des universités. Il a précisé que, mises à part quelques exceptions, les universités ne disposaient pas encore d'une comptabilité analytique leur permettant d'identifier les coûts exacts de la valorisation de la recherche. Il a ajouté que la mise en oeuvre de la LOLF exigeant un système d'information solide, elle contribuerait, sans aucun doute, à améliorer cette situation, et qu'il aurait à coeur de suivre cette évolution dans le cadre de ses rapports budgétaires ;

- il a ensuite évoqué la difficulté qu'il pouvait y avoir à établir des comparaisons entre les universités en matière de valorisation de la recherche. En effet, il a rappelé que si la valorisation était une problématique très importante pour les universités dispensant une formation en sciences exactes, cela était moins vrai pour les universités à dominante lettres, sciences humaines et sociales (LHS ou SHS), où la valorisation de la recherche restait à faire, car les indicateurs et les logiques de valorisation avaient d'abord été pensés pour les sciences exactes ;

- enfin, il a précisé que la spécificité de la France, dont l'organisation de la recherche était duale, n'était pas sans conséquence sur la valorisation, notamment lorsqu'étaient en cause des unités mixtes de recherche, puisque se posait la question de savoir qui gérait la valorisation et ses éventuels bénéfices.

Suite à ces remarques générales, il a abordé la question des structures de valorisation présentes dans les universités.

Il a rappelé que depuis la loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation, les universités pouvaient choisir de mettre en place des dispositifs spécifiques de valorisation permettant de structurer leurs activités de valorisation et de répondre à leurs obligations fiscales.

Il a ainsi présenté le modèle du service d'activités industrielles et commerciales (SAIC), créé par la loi de 1999, et le modèle de filiale, dont la création avait été rendue possible dès 1985.

Il a constaté que la structuration de la valorisation était récente dans la majorité des universités, puisqu'elle n'avait réellement été amorcée qu'à partir de l'an 2000, alors que la valorisation était inscrite dans les missions des universités depuis la loi du 26 janvier 1984 relative à l'enseignement supérieur.

Il a souligné que la structuration récente de la valorisation conduisait à des évolutions importantes d'une année à l'autre. Il a ainsi cité la mise en place en 2005 d'un SAIC dans les universités de Nice, d'Angers, de Marne la Vallée, ainsi que la création prochaine d'une filiale à Nantes. Il a également relevé que plusieurs universités menaient des réflexions quant à l'évolution de leur structure, comme l'université de Toulouse 3 ou l'université de Chambéry, qui réfléchissaient à l'instauration d'un SAIC, ou l'université de Dijon-Bourgogne, qui s'orientait davantage vers la création d'une filiale.

Il a ensuite indiqué que, sur 72 universités ayant répondu à son questionnaire, 15 avaient choisi de créer un SAIC et 9 universités de l'ouest de la France avaient créé, en 2004, un SAIC inter-établissement en matière d'édition. Il a précisé qu'en intégrant la situation des universités n'ayant pas répondu au questionnaire, il pouvait être dénombré 19 SAIC sur l'ensemble des universités.

Il a également relevé que parmi les universités ayant répondu, 7 universités avaient choisi de créer une filiale, mais que la majorité des universités possédait un service interne adossé soit à la présidence, soit au service de la recherche. Il a indiqué que certaines universités avaient développé la valorisation avec des structures associatives, mais que cette modalité avait été fortement critiquée par la Cour des comptes pour son manque de transparence. Enfin, il a ajouté que certaines universités cumulaient plusieurs structures ou services.

Il a remarqué que le nombre de filiales était relativement restreint, ce qui pouvait s'expliquer, selon les réponses qu'il avait recueillies, par la crainte des universités de perdre le contrôle de la valorisation de la recherche ou la direction des projets, si elles créaient une filiale.

En outre, il a noté que toutes les universités ne trouvaient pas dans les structures juridiques actuelles les solutions appropriées à leur situation. Il a donné l'exemple des universités qui ne possédaient pas un grand volume d'activités et qui jugeaient la mise en place d'un SAIC trop lourde.

Il a évoqué, de plus, le cas des universités qui souhaitaient mutualiser leurs moyens de valorisation et qui s'inquiétaient de la possibilité de créer des structures inter-établissements.

Il a précisé que, s'agissant par exemple des filiales, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie souhaitait le respect de la règle dite « in house », selon laquelle une filiale ne pouvait être prestataire que d'une université. Concernant les SAIC, il a relevé l'existence d'un SAIC inter-établissement, mais s'est interrogé sur la possibilité d'étendre ce modèle à d'autres structures.

Suite à ces remarques relatives aux structures, il a abordé la question des moyens humains et financiers et la nécessité de développer des outils professionnels de qualité.

Il a indiqué que, de manière générale, la structure type était une cellule de 2 à 3 personnes chargées pour l'ensemble d'une université de mettre en oeuvre l'ensemble de la politique de valorisation : prospection, négociation, rédaction, suivi des contrats...

Il a observé que la valorisation de la recherche supposait des compétences diverses qui nécessitaient des recrutements de qualité : compétences en propriété intellectuelle, en droit des contrats et en négociation, en matière de technologie des différents secteurs économiques, en matière d'analyse du potentiel commercial d'une invention, en communication.

S'agissant des moyens financiers, il a souligné la difficulté d'avoir des chiffres précis et globaux permettant de fournir une image fiable des moyens consacrés à la valorisation. Cependant, compte tenu de la faiblesse des moyens humains dont disposaient les structures de valorisation et des difficultés financières qu'elles pouvaient rencontrer en matière de protection des résultats, il a souligné un problème de financement important.

Enfin, il a abordé la question des rapports des enseignants-chercheurs à la valorisation, en expliquant que la sensibilisation des chercheurs aux différentes problématiques de la valorisation était essentielle : sensibilisation des chercheurs à la nécessité de protéger les résultats et de négocier, dans la mesure du possible, la copropriété sur leurs résultats ; sensibilisation des chercheurs au monde de l'entreprise, à ses logiques ; nécessité d'instaurer des relations systématiques et de confiance entre les chercheurs et le service valorisation...

En conclusion, il a souligné que cet aperçu de la situation des universités en matière de valorisation n'était qu'une première étape et que certains points, s'agissant notamment des informations financières des universités, devaient être approfondis.

Un débat s'est alors instauré.

M. Jean Arthuis, président, a remercié M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, pour la qualité de sa présentation et a souligné qu'il était anormal que l'ensemble des universités n'ait pas répondu au questionnaire.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a insisté sur la nécessité de pouvoir disposer de données chiffrées précises concernant la valorisation de la recherche dans les universités et notamment s'agissant des redevances de propriété intellectuelle ou des chiffres d'affaires réalisés par les différents établissements dans le cadre de leurs activités liées à la valorisation de la recherche.

M. Maurice Blin s'est inquiété du retard de la France en matière de valorisation de la recherche, ainsi que du manque de moyens dans ce domaine. Il a également observé que, depuis la fin des années 1960, les universités avaient dû faire face à un afflux croissant d'étudiants et que la prédominance de cette mission d'accueil et de formation initiale des étudiants avait pu être prioritaire sur la mission de recherche au sein des universités. Dans la perspective d'un rapprochement entre le monde de la recherche et le monde socio-économique, il a enfin souligné la nécessité de développer la coopération entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé en conclusion la vigilance de la commission sur ce dossier important qu'est la recherche et sa valorisation, dans la mesure où il conditionne pour partie l'avenir du pays.