Travaux de la commission des finances
- Présidence de M. Alain Lambert, président.
Au cours de sa séance de l'après-midi, la commission, à la demande du président Alain Lambert, a tout d'abord observé une minute de silence en hommage à M. René Ballayer, sénateur de la Mayenne, membre de la commission des finances depuis 1978, décédé le 26 janvier dernier.
Lois de finances - Réforme de l'ordonnance organique n° 59-2 - Information statistique sur les administrations publiques - Examen du rapport
La commission a alors procédé à l'examen du rapport de M. Joël Bourdin, sur l'étude relative à l'évaluation des systèmes d'information statistique sur les administrations publiques, réalisée par Rexecode et présentée par M. Michel Didier, directeur de cet organisme.
M. Joël Bourdin, rapporteur, ayant souligné l'opportunité de l'étude confiée à Rexecode en cette période de réflexion sur le fonctionnement de notre système d'information budgétaire, a invité M. Michel Didier à présenter les conclusions de l'étude de Rexecode.
M. Michel Didier a d'abord rappelé que les hésitations et les incertitudes sur les résultats d'exécution du budget de 1999 avaient démontré la difficulté d'accéder à des données fiables sur les finances publiques et suscité, chez beaucoup de nos concitoyens, une forte attente de transparence, non seulement sur l'exécution du budget en cours d'année, mais aussi sur le fonctionnement de l'ensemble du secteur public.
Il a jugé que le problème de la transparence excédait en effet très largement la seule question de l'exécution du budget et concernait plus généralement la connaissance des moyens et de l'efficacité des administrations publiques. Il a souligné que l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, aux termes duquel tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée, restait trop souvent, en l'absence des informations nécessaires, un objectif dénué de contenu et qu'une meilleure information sur les administrations publiques était une condition d'une bonne réforme de l'Etat et du bon exercice du contrôle parlementaire.
Il a alors précisé que la mission confiée à Rexecode avait consisté à assister le rapporteur de la commission des finances dans l'évaluation du système statistique français sur le secteur des administrations publiques et à suggérer des orientations pour progresser.
Il a indiqué qu'à cet effet il avait été procédé à une comparaison de l'état de l'information disponible sur les administrations publiques pour la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne et les États-Unis.
Dressant l'état des lieux, M. Michel Didier a d'abord observé que les comparaisons internationales montraient un grand décalage entre les États-Unis et les pays européens en matière de transparence publique, les informations disponibles aux États-Unis étant dans pratiquement tous les domaines à la fois beaucoup plus précises et détaillées, plus pertinentes et plus facilement accessibles aux chercheurs et aux citoyens que cela n'est le cas en général dans les pays européens.
Il a ensuite remarqué que si, en Europe, à première vue, la situation française pouvait apparaître comme comparable à celle de nos grands voisins, elle faisait cependant apparaître des lacunes importantes, l'information sur les collectivités locales et sur les administrations sociales étant trop peu fréquente et trop tardivement disponible en France. Il a ajouté que l'organisation même des pouvoirs publics conduisait dans les faits à disposer d'une information plus abondante au Royaume-Uni en raison de l'existence d'agences publiques soumises à une véritable obligation d'information. Il a jugé que la France cumulait les inconvénients d'une forte centralisation et d'une faible conscience du devoir d'informer.
L'intervenant a alors détaillé la situation domaine par domaine.
S'agissant de l'information en cours d'année sur l'exécution des budgets publics, il a estimé qu'elle était très incomplète en France.
Il a notamment souligné l'absence, dans notre pays, de documents infra-annuels présentant l'évolution du solde agrégé de l'ensemble des administrations publiques, rappelant qu'en la matière si les comptes de l'Etat étaient relativement bien suivis, il en allait tout autrement des comptes sociaux et de ceux des collectivités locales.
Il a observé qu'en revanche, au Royaume-Uni, l'information sur l'exécution budgétaire était plus riche et plus précoce que celle de la France, avec des données globales trimestrielles publiées selon un calendrier annoncé à l'avance et que, si la présentation des documents allemands était assez proche de celle des documents français, très comptables et avec une mise en perspective historique réduite, il existait toutefois un effort de présentation fonctionnelle détaillée, la date des publications étant en outre connue environ un an à l'avance.
Il a rappelé qu'aux États-Unis, le " Monthly Treasury Statement " (situation mensuelle du Trésor) présentait de façon très précise l'évolution des dépenses des administrations fédérales et de façon synthétique l'évolution des recettes et des besoins de financement avec, de plus, un état descriptif détaillé des dépenses par programme au sein de chaque ministère.
S'agissant de l'information en matière de recettes publiques, il a indiqué que, si les données annuelles sur les recettes publiques étaient évidemment publiées en France, c'était souvent avec retard et sans souci de présenter des rétrospectives complètes, la situation du Royaume-Uni étant jugée à peu près analogue à celle de la France.
Il a remarqué qu'en Allemagne, la situation apparaissait plutôt meilleure, avec des informations détaillées, tandis qu'aux États-Unis, l'annexe de " l'Annual Report " (rapport annuel sur les recettes et les dépenses effectives) constituait le document le plus complet et le plus détaillée parmi les pays retenus.
S'agissant des dépenses publiques, M. Michel Didier a fait ressortir plusieurs faits saillants :
- de façon générale, l'information sur l'objet de la dépense publique est presque inexistante en France alors qu'elle existe ailleurs, à des degrés divers, avec des nomenclatures fonctionnelles renseignées et des indicateurs associés ;
- en Allemagne, il existe un réel effort de présentation fonctionnelle avec une nomenclature commune pour l'ensemble des administrations ;
- l'initiative française de présentation de critères de performances par l'administration centrale, concrétisée par la publication des comptes rendus de gestion budgétaire en septembre 2000, est trop récente pour pouvoir être appréciée, une proportion importante des indicateurs annoncés n'étant pas encore renseignée ;
- la situation américaine est, de loin, la plus satisfaisante de toutes ;
- en matière de sécurité sociale, la comparaison est plus difficile en raison de différences institutionnelles. La seule source d'information française sur l'exécution des comptes est le rapport bisannuel de la Commission des comptes de la sécurité sociale. Le rapport publié au mois de mai présente notamment les comptes de l'année précédente et celui de septembre fournit une base de travail au projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont le vote intervient en novembre. On ne dispose pas de données de synthèse en dehors de ces deux dates, ce qui a conduit régulièrement à des surprises sur les comptes sociaux ;
- les finances locales sont plutôt moins bien suivies en France, comparativement aux autres pays. Au Royaume-Uni, une information fonctionnelle relative à l'ensemble des administrations publiques est disponible dans les documents publiés par le ministère des finances. En Allemagne, c'est l'office de statistiques qui présente de façon très détaillée l'ensemble des dépenses fonctionnelles de l'ensemble des administrations publiques (y compris les collectivités locales).
S'agissant de l'emploi public, l'orateur a estimé qu'il fallait distinguer l'information en cours d'année et la connaissance de fond.
Il a considéré qu'en cours d'année, l'information française était très en deçà de celle des autres pays étudiés et presque inexistante, alors que l'emploi privé est connu, trimestriellement, par grands secteurs.
Il a rappelé que les informations structurelles sur l'emploi public n'étaient fournies en France que tous les deux ans, globalement et par statut, mais pas par service employeur, par types de formation ou de compétences des agents, le critère dominant étant un critère juridique, la réalité économique de l'emploi public étant dès lors mal connue, comme pour les salaires publics.
S'agissant du patrimoine public, il a estimé que, sur ce point, l'information était de façon générale déficiente, cette déficience étant d'autant plus paradoxale en France que le système foncier y est très centralisé. Il a cependant signalé qu'un effort de prise en compte des données de bilan dans la comptabilité générale de l'Etat était en cours.
Il a conclu cet état des lieux en soulignant que la comparaison entre les statistiques disponibles sur les administrations publiques en France, au Royaume-Uni, en Allemagne et aux États-Unis suggérait que des progrès substantiels étaient possibles dans notre pays.
M. Michel Didier a alors souhaité consacrer quelques développements aux enjeux et moyens d'une amélioration de l'information sur les administrations publiques.
Il a d'abord constaté qu'une absence de progrès, voire, dans certains cas, une régression de l'information avaient jalonné notre histoire. Il a précisé que les rares publications, tardives mais périodiques, qui existaient, telles " Statistiques et Études financières ", avaient disparu, que le dernier rapport économique, social et financier ne donnait même plus les comptes prévisionnels, et qu'aucune analyse de la dépense publique par mission ou programme d'intervention n'était plus disponible depuis une vingtaine d'années.
Il a ajouté que l'information sur les calculs budgétaires restait très peu accessible aux institutions indépendantes et que, dans les domaines où des informations étaient publiées, aucun calendrier prévisionnel précis de diffusion des informations n'était annoncé.
Il a remarqué qu'en matière de données rétrospectives, la dernière initiative prise par le ministère des finances datait de la fin des années soixante-dix, soulignant, à titre de comparaison, que l'administration américaine annexait chaque année au projet de budget un document de 284 pages (les " Historical Tables ") fournissant une information rétrospective large, continue et détaillée sur les finances publiques américaines.
Il a indiqué que, pour les données structurelles, plusieurs économistes interrogés avaient jugé très sévèrement le système d'information sur les coûts et les résultats de l'action publique, estimant qu'un effort énorme d'investissement statistique devrait être accompli afin de pouvoir analyser l'efficacité des administrations publiques.
Il a estimé que l'information statistique ne saurait se limiter à des séries et des tableaux, un minimum d'interprétation étant nécessaire alors que, même dans le cas des comptes nationaux des administrations publiques, aucun document de méthode sur le compte des administrations publiques n'était disponible.
M. Michel Didier a alors jugé la situation préoccupante en raison des enseignements de l'histoire budgétaire qui établissent la réalité de blocages dus à l'insuffisance d'information publique.
A ce propos, citant le rapport d'orientation budgétaire déposé par le gouvernement en mai 2000, il a estimé qu'il posait clairement la question des enjeux de la transparence des finances publiques, en indiquant que cette transparence devait viser deux objectifs : accroître la crédibilité de la politique budgétaire, et donc sa soutenabilité à moyen terme ; éclairer la gestion et les choix de dépense publique par une meilleure mesure des coûts et des performances.
Il a observé que ces deux objectifs étaient déjà très présents au moment de la publication de l'ordonnance organique de 1959, mais a estimé qu'ils avaient été perdus de vue depuis.
Il a souligné en particulier l'abandon de l'effort de " rationalisation des choix budgétaires ", qui s'était révélé plus lourd que prévu, et, surtout, s'était heurté à l'insuffisance de l'information statistique et économique nécessaire à l'éclairage des choix.
Évoquant alors les institutions publiques chargées de l'information statistique, le directeur de Rexecode a rappelé que la Commission des comptes et des budgets économiques de la Nation avait été supprimée et remplacée par une Commission économique de la Nation, nouvelle formule à vocation d'ores et déjà plus interne et moins ouverte que l'ancienne.
Il a ensuite évoqué la création de l'Observatoire de l'emploi public chargé d'assurer la collecte, l'exploitation et la diffusion de l'information sur l'emploi dans les fonctions publiques de l'Etat. Il a jugé que la définition même du champ d'observation de cet organisme s'inspirait d'une approche trop juridique et insuffisamment économique, les concepts de production et de productivité étant pourtant cruciaux.
Examinant alors le rôle de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), il a rappelé qu'il était censé animer et coordonner le système statistique public français composé, outre de l'INSEE, de plusieurs services ministériels chargés d'établir les statistiques concernant leur domaine.
Estimant que l'INSEE était un organisme de grande compétence, il a observé qu'il concentrait son effort sur les ménages et les entreprises, soulignant qu'il ne semblait pas se considérer véritablement en charge d'un programme d'information statistique destiné à éclairer les acteurs économiques, citoyens, monde professionnel, organismes de recherche, sur le secteur des administrations publiques. Il a déploré qu'en conséquence 25 % de l'emploi, et plus de 50 % du produit intérieur brut, échappent à une bonne couverture en termes d'information.
S'agissant des services statistiques ministériels, il a jugé que leur rôle présentait de nombreuses ambiguïtés puisque dans certains cas, il s'agit surtout d'exploiter des données de gestion pour des besoins internes avec peu de diffusion externe, alors que dans d'autres cas, l'accent est mis sur des études dont les résultats sont loin d'être toujours publiés.
Jugeant nécessaire une réflexion en profondeur sur les initiatives à prendre afin d'améliorer le système d'information sur les administrations publiques, M. Michel Didier a alors présenté plusieurs propositions.
Il a d'abord présenté certaines améliorations, possibles immédiatement selon lui :
- une revue mensuelle de statistique sur les finances publiques devrait être créée afin de rendre compte rapidement, régulièrement et de façon documentée de l'évolution des comptes de l'Etat, des collectivités territoriales et de la sécurité sociale. Cette revue devrait comporter des séries rétrospectives longues et des études de comparaison internationales. Elle devrait être accessible par Internet ;
- un calendrier prévisionnel de diffusion des résultats financiers des administrations publiques, tant en cours d'année qu'en fin d'année, devrait être annoncé et respecté ;
- un accès permanent des instituts d'étude et de recherche indépendants aux administrations financières devrait être organisé et officiellement reconnu afin que les chercheurs puissent identifier les sources d'information disponibles, interroger les administrations sur leurs méthodes et demander, le cas échéant, certaines exploitations statistiques particulières ;
- des études d'intérêt général sur les administrations publiques devraient faire l'objet d'un financement sur crédits de recherche publique et être confiées à des équipes universitaires et à des instituts de recherche indépendants, et publiées afin de comparer la situation des administrations publiques françaises avec celle des pays similaires, en termes de coûts et de résultats.
Il a ensuite évoqué les pistes d'une réforme profonde de la collecte et de la diffusion des données :
la fonction de collecte et de diffusion des données sur les administrations publiques devrait être explicitement créée et mise en oeuvre avec une autonomie suffisante par rapport aux tâches de gestion administrative courante ;
deux grands ensembles de données devraient être distingués : les données à caractère comptable (comptabilité financière et comptabilité de gestion), et les données à caractère statistique (résultats et moyens des administrations publiques). A ces deux ensembles pourraient correspondre deux agences publiques d'information ;
la fonction comptable et financière serait mise en oeuvre par une agence chargée de réunir et de diffuser, auprès du public, les comptes financiers de l'ensemble des administrations (État, collectivités locales, organismes sociaux, ainsi que leurs divers et nombreux organismes rattachés) ;
la fonction statistique serait mise en oeuvre par une agence chargée d'organiser, auprès de l'ensemble des acteurs publics, la collecte, le traitement et la diffusion des données statistiques (personnel, moyens matériels, résultats, etc...) et de mener des études économiques sur les administrations publiques ;
de telles agences devraient être dotées d'une certaine autonomie dans leur action et disposer d'un conseil de personnalités indépendantes afin de veiller à la bonne diffusion des données recueillies ;
on pourrait envisager que ces agences relèvent du Parlement. Cependant, dans notre organisation des pouvoirs publics, il peut apparaître plus simple de les rapprocher, d'une part, de la direction générale de la comptabilité publique, d'autre part, de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), structures qui disposent déjà de la compétence technique et humaine pour gérer de telles missions. Encore faut-il que ces missions soient explicitées, effectivement attribuées, mises en oeuvre et évaluées périodiquement, et que ces agences rendent compte de façon régulière au Parlement et à la société civile.
M. Michel Didier a alors conclu sa présentation en soulignant qu'au moment où se discutait une révision de l'ordonnance organique de 1959, il était essentiel de prendre conscience que la réforme de l'Etat ne pourrait pas progresser sans la mise en oeuvre d'un système d'information sur les administrations publiques qui soit efficace, fiable et ouvert au plus grand nombre.
Un large débat s'est alors ouvert en commission.
M. Joël Bourdin, rapporteur, a d'abord rappelé le contexte des réflexions de la commission sur l'information statistique publique sur les administrations, en indiquant qu'il s'agissait d'un enjeu essentiel de la réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959.
Il a souligné, à ce propos, que la " rationalisation des choix budgétaires " menée au début des années 1970, avait échoué à cause, notamment, de l'insuffisance du système d'information public et qu'il importait d'éviter que la révision de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 ne connaisse le même sort.
Évoquant le récent rapport du président Lambert sur la réforme de l'ordonnance organique, il a estimé qu'en jugeant qu'il devrait être mis fin au monopole gouvernemental des ressources statistiques et qu'il conviendrait de permettre une véritable " autonomie des moyens de simulation du Parlement ", celui-ci rejoignait pleinement les préoccupations qui sont les siennes en tant que président de la délégation du Sénat pour la Planification. M. Joël Bourdin a alors rappelé que, présentant annuellement un " Rapport sur les perspectives macroéconomiques à moyen terme " dans le cadre de cette fonction, il était conduit à ne présenter de prévisions que pour quelques grands indicateurs de finances publiques, faute de véritables simulations fiscales.
Il a déclaré approuver pleinement le président de la commission des finances dans son souhait qu'une exigence de mise à niveau de l'information statistique publique soit formulée dans le cadre du débat sur la réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959.
Il a ainsi estimé que, si la situation s'était considérablement améliorée depuis le début des années 1970 - l'affaire de la " cagnotte " de l'année 1999 ayant montré que, dans le cas de l'exécution de la loi de finances, le Parlement disposait d'un pouvoir d'information statistique important - l'étude de Rexecode soulignait l'ampleur du chemin restant à parcourir. Il a ajouté que la commission des finances l'avait expérimenté, puisqu'elle avait dû se constituer en commission d'enquête pour tirer au clair une situation opaque.
Soulignant l'intérêt de l'étude de Rexecode pour apprécier finement les retards pris par la France, il a souhaité insister sur celui de notre culture politique, soulignant que certaines pratiques qui sont la norme dans les autres grandes démocraties n'allaient pas de soi en France, la culture du secret y étant excessivement développée.
Évoquant les propositions avancées par Rexecode, il a rappelé qu'elles appartenaient à cet organisme, mais a souligné, d'ores et déjà, leur utilité pour les réflexions de la commission. Il a observé qu'elles avaient le grand mérite de s'inscrire dans le souci de rendre l'information accessible à tous.
M. Joël Bourdin, rapporteur, a alors souhaité qu'un effort décisif soit entrepris pour améliorer l'information infra-annuelle sur le solde des administrations publiques, cette réforme devant concerner tout d'abord la sécurité sociale pour laquelle l'information, seulement bisannuelle (contre une périodicité trimestrielle en Allemagne, et même mensuelle au Royaume-Uni et aux États-Unis), est très insuffisante.
En conclusion, il a souhaité que la commission propose d'organiser une table ronde réunissant les représentants de l'outil statistique français et les personnes concernées par une meilleure information statistique sur les administrations publiques, experts, universitaires, journalistes afin de vérifier que les réformes envisagées répondent à une véritable demande sociale et d'estimer la capacité des administrations à y faire face.
M. Alain Lambert, président, a interrogé M. Michel Didier sur la responsabilité des facteurs politiques dans les insuffisances du système statistique sur les administrations publiques et sur ses réactions aux différentes propositions formulées dans le cadre de la réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 afin d'améliorer l'information sur les administrations publiques.
En réponse, M. Michel Didier a estimé que si une part des lacunes de notre système d'information statistique pouvait être attribuée, comme ailleurs, aux difficultés techniques rencontrées, il apparaissait sans ambiguïté qu'une autre part d'entre elles résultait de considérations d'ordre politique. Il s'est félicité que l'initiative de la commission des finances permette de porter un débat à forts enjeux démocratiques sur la place publique. Il a alors salué les efforts entrepris dans le cadre de la réforme de l'ordonnance organique pour rénover les bases de l'information budgétaire et économique, insistant sur la nécessité d'opérer, à côté d'une modernisation comptable, d'importants progrès de l'information statistique.
M. Michel Charasse a indiqué que, pour améliorer la situation, une première initiative, politique, pouvait être entreprise, avec une demande résolue de transparence adressée à l'exécutif. Mais il a également fait valoir la nécessité d'entreprendre des progrès techniques. Il a souligné la très grande lenteur de la remontée de l'information sur l'exécution budgétaire, presque exclusivement centrée au demeurant sur la connaissance de la situation de trésorerie de l'Etat.
Évoquant la qualité des prévisions, il a insisté sur le caractère incertain de l'exercice, illustrant son propos par l'apparente déconnexion entre les rentrées fiscales et la situation économique. Il a toutefois souligné que les problèmes d'organisation et de fonctionnement du ministère de l'économie et des finances étaient largement responsables de la grande méconnaissance constatée en matière de dépenses publiques.
Il a conclu en rappelant que si des facteurs techniques avaient pu causer l'échec de la " rationalisation des choix budgétaires ", celle-ci s'était également heurtée à des corporatismes divers.
M. Joël Bourdin, rapporteur, a abondé dans le sens de ces propos, en soulignant que si les difficultés techniques des travaux de modélisation étaient indéniables, la sociologie administrative expliquait aussi beaucoup nos retards.
Ayant rappelé les progrès réalisés au cours des trente dernières années dans la publication des informations relatives aux sociétés commerciales, il a observé le décalage existant en la matière avec les administrations publiques, y voyant un motif d'inquiétude, mais aussi d'espoir pour le futur.
M. Michel Charasse a complété son intervention en regrettant que, trop souvent, l'inquiétude du ministère de l'économie et des finances à l'égard de commentaires fondés sur des données seulement partielles le conduisait à dissimuler toute information. Il a considéré que cette attitude pourrait s'estomper moyennant un effort de pédagogie politique destinée à dédramatiser l'information.
M. Michel Didier a insisté sur la nécessité de faire progresser radicalement l'information sur la sphère publique, de telle sorte qu'elle rejoigne, au minimum, le niveau de celle prodiguée désormais dans le domaine macroéconomique.
Estimant que le type même de questions à résoudre était par exemple de savoir pourquoi la France, avec 5 millions de fonctionnaires, gérait 60 millions d'habitants, tandis que l'Allemagne était capable, avec les mêmes moyens, d'en administrer 80 millions, il a répété que le système statistique français ne permettait pas d'apporter de réponses à de telles interrogations. Il en a conclu que les coûts et les performances des politiques publiques devraient être infiniment mieux connus qu'ils ne le sont.
M. Alain Lambert, président, ayant alors proposé à la commission l'adoption des conclusions du rapporteur spécial, la commission a décidé de publier cette étude sous forme d'un rapport d'information relatif à l'évaluation des systèmes d'information statistique sur les administrations publiques.