Travaux de la commission des finances



- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Banque de France - Audition de M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France

Après avoir salué la présence d'une délégation vietnamienne composée de députés et de hauts fonctionnaires du ministère des finances, M. Jean Arthuis, président, a rappelé que l'audition du gouverneur de la Banque de France répondait à une tradition bien établie et dont il souhaitait qu'elle se poursuive le plus longtemps possible.

M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, a tout d'abord estimé que l'environnement économique mondial était assez favorable, la plupart des économies revenant vers leur potentiel de croissance de long terme. Il a relevé la très grande flexibilité de l'économie américaine, soulignant que toute fluctuation conjoncturelle de la croissance avait un fort impact sur les prix, ce qui requérait des réactions rapides de la Réserve fédérale américaine. Il a indiqué que cette situation ne se retrouvait pas en Europe, en raison de nombreuses rigidités.

Il a observé que la croissance économique de la zone euro s'était élevée en 2004 à 1,8 %, soit un peu moins que la croissance potentielle, et à 2,3 % en France. Il a précisé que la zone euro connaissait une croissance molle depuis le milieu de l'année 2004, puis a indiqué que la hausse des prix du pétrole et des matières premières avait exercé des effets négatifs sur la croissance mondiale, tandis que les politiques macroéconomiques américaines étaient réorientées dans le sens d'une plus grande neutralité.

Il a toutefois estimé que ces changements n'expliquaient pas toutes les difficultés européennes, qui provenaient notamment d'inadaptations structurelles. Il a souligné que les économies européennes peinaient à attirer les investisseurs, ce qui constituait un frein à la reprise d'une croissance forte.

M. Christian Noyer a indiqué que l'inflation dans la zone euro était voisine de 2 % et pourrait être inférieure, au début de l'année prochaine (1,8-1,9 % environ). Il a rappelé que le Conseil des Gouverneurs de la Banque centrale européenne avait maintenu son taux directeur à 2 % et que la situation actuelle était très favorable, les taux d'intérêt étant les plus bas depuis 1945.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité savoir si le référendum français avait eu un impact sur le taux de change de l'euro.

M. Christian Noyer a indiqué que l'on avait observé un léger affaiblissement de l'euro, mais que celui-ci demeurait dans les marges connues depuis deux ans, entre 1,2 et 1,3 euro/dollar.

Il a noté que le potentiel de croissance français se situait, il y a quelques années, autour de 2,5 %, tandis que celui de la zone euro était compris entre 2 % et 2,5 %. Il a toutefois précisé que ce potentiel était actuellement plus faible en raison d'un sous-investissement pendant quelques années et a estimé qu'un redémarrage de la croissance nécessiterait des réformes structurelles « bien ciblées ». Il a suggéré, à cet égard, l'exploration de deux domaines potentiellement créateurs d'emplois : les emplois de proximité et ceux de haute technologie.

Il a observé, en outre, qu'avec 1 % du PIB, l'effort public de recherche et développement (R&D) était comparable en France à celui mené dans d'autres pays, mais que l'effort privé était moindre, puisqu'il ne représentait en France qu'1 % du PIB, contre 2 % chez nos principaux partenaires. Il a plaidé pour une meilleure organisation de la R&D publique, afin qu'elle irrigue davantage la R&D privée.

M. Christian Noyer a ensuite exposé les voies de réforme de la gestion de la Banque de France, qui avait fait l'objet d'une analyse de la Cour des comptes.

Il s'est dit en accord avec le diagnostic général formulé par cette dernière et a souligné les efforts menés par la Banque de France. Il a ainsi rappelé que celle-ci avait ramené son « point mort » de 7 % en 1993 à 1,8 % en 2004 et qu'elle avait maîtrisé ses charges nettes. Il a précisé que les charges nettes (hors fabrication des billets) de la Banque de France avaient été réduites de 1,5 % en euros courants en 2004. Il a indiqué qu'elle poursuivait la réorganisation de la fabrication des billets, ainsi que la restructuration de son réseau, ce qui permettait notamment une réduction des effectifs qui, à l'issue des plans en cours, à fin 2006, auront été diminués d'au moins 27 % par rapport à leur niveau de 1993.

Il a observé que d'autres réformes interviendraient, en particulier dans le domaine des dépenses sociales et culturelles, dont l'efficacité devait être accrue. Il a également indiqué qu'une réforme du régime de retraite des agents de la Banque de France serait menée prochainement, suivant les principes appliqués pour le régime des fonctionnaires de l'Etat, et a précisé que cette évolution était comprise par le personnel.

Il a ensuite détaillé les mesures de valorisation du patrimoine immobilier de la Banque de France, tout en indiquant qu'un certain nombre de logements devraient être conservés pour le personnel, notamment en raison de ses obligations de mobilité.

M. Jean Arthuis, président, a remercié M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, pour son intervention, et a indiqué que la discussion pourrait s'organiser autour de trois thèmes : les perspectives économiques, les marchés financiers et la gestion de la Banque de France.

Un large débat s'est alors instauré.

M. Yves Fréville a indiqué qu'il ne partageait pas les critiques actuelles relatives au taux directeur de la Banque centrale européenne et a considéré que cette dernière, disposant d'un seul instrument, ne devait poursuivre qu'un seul objectif. Il s'est interrogé sur les conséquences d'une baisse des taux d'intérêt, estimant que l'on pourrait se trouver dans une situation de « trappe à liquidités ». Il a ensuite estimé qu'un gouvernement économique au niveau de la zone euro faisait aujourd'hui défaut et a remarqué que les politiques budgétaires nationales n'exerçaient qu'un faible effet sur les taux d'intérêt. Il a ensuite souhaité savoir dans quelle mesure la Banque centrale européenne contribuait au financement des Etats membres de la zone euro, par le biais du refinancement des banques.

M. Christian Noyer a estimé qu'une baisse des taux directeurs de la Banque centrale européenne n'aurait aucun effet sur l'investissement. Il a en revanche attiré l'attention sur les risques potentiels d'une telle baisse, en faisant valoir qu'elle pourrait être perçue comme un relâchement de la vigilance de la Banque centrale européenne au regard de son objectif de maîtrise de l'inflation, qui découle des traités eux-mêmes, ce qui risquerait alors d'entraîner une remontée des taux longs.

S'agissant du refinancement, il a indiqué qu'il était attaché à l'utilisation, à titre de garanties des opérations de politique monétaire, du papier privé aussi bien que des titres d'Etat. Mais il a précisé que, dans de nombreux pays de la zone euro autres que la France, le refinancement se faisait par le biais de titres obligataires et donc, en particulier, d'Etat.

M. Jean Arthuis, président, a estimé qu'une partie du déficit public était ainsi refinancée par la Banque de France.

M. Christian Noyer a indiqué que les autres pays de l'Union européenne enviaient la loi « Dailly ». Il a ensuite fait part d'un désaccord de fond avec le constat émis par la Cour des comptes, dans son rapport sur la Banque de France, qui s'interrogeait sur la pertinence d'un grand nombre de collaborateurs pour noter les entreprises. Il a relevé, notamment, que cela permettait l'élaboration de diagnostics d'entreprises.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité obtenir des précisions sur les différences entre l'action menée à ce titre par la Banque de France et celle conduite par les agences de notation.

M. Christian Noyer a précisé que la Banque de France ne cherchait pas à concurrencer le secteur privé, mais qu'elle intervenait en complément, et notamment sur la cible des PME.

M. Yann Gaillard s'est interrogé sur le niveau actuel de l'euro et a souhaité savoir si des mécanismes de contrôle croisé existaient, au sein du système européen de banques centrales (SEBC), entre banques centrales nationales.

M. Christian Noyer a estimé difficile de porter un jugement général sur le niveau de l'euro, précisant que celui-ci se situait au sein de la fourchette de 1,2 à 1,3 euro/dollar, connue depuis deux ans.

Il a ensuite observé qu'un mécanisme de comparaison systématique des performances des banques centrales existait au sein du SEBC et qu'il exerçait un effet incitatif réel.

M. Marc Massion a relevé la différence de réactivité entre la Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne et a souhaité obtenir des précisions sur ce point. Après avoir noté que plusieurs pays européens connaissaient une croissance inférieure à leur potentiel, il a souhaité savoir quelle serait la réaction de la Banque centrale européenne si des projets de grands travaux devaient voir le jour.

M. Christian Noyer a indiqué que la Réserve fédérale américaine se devait d'être très réactive, dans la mesure où l'économie américaine connaissait des évolutions très vives, ce qui n'était pas le cas de celle de la zone euro.

Il a observé que la plupart des banques centrales poursuivaient des objectifs d'inflation d'environ 2 %, ceci s'expliquant par le risque de dysfonctionnement de l'économie et d'un ralentissement de la consommation au-delà de ce seuil d'inflation.

Il a estimé qu'il n'y avait pas opposition, mais plutôt complémentarité, entre cet objectif d'inflation et l'objectif de croissance. Il a remarqué que les dépenses publiques étaient actuellement trop axées sur les dépenses courantes, et pas suffisamment sur l'investissement. Puis il a indiqué que, dans ce cadre, des programmes d'investissements publics pourraient permettre de renforcer la productivité globale de l'économie.

M. Jean-Jacques Jégou a noté qu'une partie importante de la population était critique à l'égard de l'euro, accusé notamment de favoriser la résurgence de l'inflation, et s'est interrogé sur la réalité de cette perception. Il a également souhaité obtenir des précisions sur les fondements de notre différentiel de croissance par rapport aux Etats-Unis.

M. Christian Noyer a indiqué que l'écart entre le niveau d'inflation perçu par la population française et l'inflation réelle, statistiquement mesurée, atteignait un niveau élevé, qui tendait à se résorber, même si ce mouvement était plus lent en France que dans le reste de l'Europe. Il a précisé que ce décalage pouvait s'expliquer, notamment, par le changement de référentiel, par certaines hausses de prix excessives de produits de consommation courante ainsi que par des circonstances conjoncturelles fâcheuses, comme la sècheresse, qui avait entraîné un renchérissement des produits frais.

S'agissant de la différence de potentiel de croissance entre les Etats-Unis et l'Europe, il a relevé que la croissance potentielle des Etats-Unis s'élevait à 3,5 % par an. Il a toutefois précisé que la croissance de la population active s'élevait à 0,8 % par an en raison d'une forte immigration, ce qui ramenait la croissance par tête à 2,7 %. Il a donc précisé qu'une croissance de 2,3 % en Europe témoignerait d'un écart de gains de productivité de 0,4 % par rapport aux Etats-Unis. Il a noté que le marché du travail américain était moins rigide que le marché du travail européen et que le chômage était donc plus bas, l'Europe ne profitant pas totalement des gains de productivité possibles du fait des nouvelles technologies. Il a ainsi estimé qu'un nouveau modèle européen de croissance restait à inventer.

M. Jean Arthuis, président, après avoir rappelé que la flexibilité d'une économie était l'un des déterminants majeurs permettant d'expliquer sa plus ou moins grande rapidité d'adaptation aux évolutions induites par la globalisation, a noté que le taux d'endettement des ménages français était passé de 49,9 % du revenu disponible brut (RDB) en 1996 à 60,3 % du RDB en 2004, comme le soulignait la Banque de France dans son bulletin du 25 mai 2005. Il s'est interrogé sur les risques suscités par ce phénomène.

Il a ensuite relevé que le nombre de dossiers déposés en commission de surendettement avait augmenté de 13,7 % en 2004. Il a souhaité savoir comment la Banque de France faisait face à cet afflux de dossiers et connaître l'appréciation du gouverneur sur la volonté gouvernementale d'accroître l'endettement des ménages tout en diminuant le surendettement.

Puis il a observé que plusieurs institutions financières, parmi lesquelles la Deutsche Bank et la Banque centrale européenne, avaient récemment exprimé leurs inquiétudes sur le développement de certains dérivés de crédit, en particulier des « credit default obligations » (CDO), qui avaient connu un mouvement de dégradation de leurs notations. Il a considéré que les dérivés de crédit constituaient un instrument utile de protection contre le risque de crédit, mais que leur diffusion, non seulement au sein des « hedge funds », mais encore auprès des assureurs et dans certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) destinés à un public plus large, était susceptible de faire encourir des risques systémiques à l'ensemble de l'industrie financière.

Il a rappelé que, dans plusieurs études réalisées en 2003 et en 2004, la Banque de France avait estimé que les dérivés de crédit, en dépit de leur très forte expansion, présentaient plus d'atouts que de risques. Il a donc souhaité connaître sa position actuelle et s'est demandé si la réglementation de l'Autorité des marchés financiers (AMF), en particulier sur l'utilisation de ces instruments par les OPCVM, était suffisante.

M. Jean Arthuis, président, s'est enfin interrogé sur les liens pouvant exister entre les difficultés à mettre en place un gouvernement économique de la zone euro et celles que l'Europe pouvait rencontrer dans le domaine des parités de change, tout particulièrement face au yuan chinois.

M. Christian Noyer a noté que l'endettement des ménages français, qui consistait, pour 95 %, en des crédits immobiliers, atteignait aujourd'hui un niveau record pour la France, même s'il était moindre que l'endettement des ménages britanniques ou américains. Il a estimé qu'il serait sage que les prix de l'immobilier se stabilisent et a relevé qu'une hausse brutale des taux d'intérêt à long terme pourrait entraîner un risque pour la solvabilité de certains acquéreurs.

Il a observé que les conditions de crédit étaient actuellement très favorables et que la politique monétaire était accommodante. Il a toutefois mis en garde contre les plans d'hypothèques rechargeables, en insistant sur la nécessité de ne pas tenir compte, dans ce cas, de la variation des prix de l'immobilier par rapport au prix d'achat, afin de ne pas accroître l'effet de cycle.

S'agissant des marchés dérivés, il a indiqué que les transferts de risque vers les investisseurs étaient actuellement limités en France et que l'AMF travaillait à la définition précise de règles que devraient suivre les OPCVM dans l'utilisation de ces instruments.

Concernant la politique économique européenne, il a estimé qu'un gouvernement économique était nécessaire et que l'Eurogroupe péchait actuellement par manque d'institutionnalisation.

PLF 2006 - Compte rendu du séminaire de travail et validation de liste des rapporteurs spéciaux

M. Jean Arthuis, président, a ensuite fait le compte rendu du séminaire de travail de la commission qui s'est déroulé, en Mayenne, les 9 et 10 mai 2005.

Il a indiqué que, selon une tradition bien établie, les membres de la commission s'étaient une nouvelle fois retrouvés, très nombreux, et qu'il avait eu le plaisir de les accueillir. Il a rappelé que les travaux avaient porté principalement sur l'adaptation des méthodes de travail de la commission à la LOLF et traité, dans la même perspective, du contrôle budgétaire.

Il a souligné que, dans ce cadre, il avait été procédé à une légère actualisation du guide de méthodologie du contrôle budgétaire qui leur avait été diffusé et, surtout, que cela avait permis à chaque rapporteur spécial de faire part de son expérience, au cours d'échanges fructueux.

Il a indiqué que, sur ce registre, il lui semblait que la « principale nouveauté de l'année » consistait à mieux se préoccuper du suivi des rapports puisqu'après leur publication, « le chantier n'était pas terminé ». Il a donné l'exemple du contrôle portant sur Sopexa, réalisé par MM. Joël Bourdin et Marc Massion en 2004, qui, avait fait l'objet, suite à leur rapport, d'un débat en séance publique, le 29 mars 2005. Il a précisé que les travaux du rapporteur spécial des affaires étrangères, M. Adrien Gouteyron, et ceux de la Cour des comptes sur la politique immobilière du Quai d'Orsay avaient également débouché sur un débat le 10 mai dernier, et rappelé qu'il comptait sur ses collègues et leurs travaux pour institutionnaliser cette pratique lors des séances mensuelles d'ordre du jour réservé.

A propos de la LOLF, il a indiqué que les membres de la commission présents s'étaient interrogés, sans conclure à ce stade, sur ses implications pour la procédure budgétaire, étant précisé que le délai constitutionnel de 20 jours de débats en séance publique au Sénat n'avait pas été modifié. De ce fait, il a précisé qu'il comptait entamer dans les semaines à venir une consultation en ce sens auprès des présidents des différents groupes. Tels étaient d'ailleurs la lettre, mais aussi l'esprit, de la réforme du Règlement du Sénat qu'il avait proposée, avec un certain nombre de ses collègues, et dont ils avaient débattu longuement en séance publique, le mardi 10 mai 2005, à l'issue même du séminaire. Il a observé, à ce titre, que cette révision du Règlement avait été déclarée intégralement conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, et cela, sans aucune réserve d'interprétation, ce qui était, selon lui, « de bon augure ». A l'occasion de ce débat, il avait par ailleurs rappelé toute l'importance qu'il portait, comme eux, à la revalorisation de la discussion du projet de loi de règlement, qui devrait devenir le « moment de vérité budgétaire ». Il a précisé qu'il faudrait, pour cela, en avancer la discussion de l'automne au printemps, ce qui était techniquement faisable, et surtout trouver, en Conférence des présidents, les voies et moyens de rendre les débats beaucoup plus interactifs car, à l'évidence, des marges de progression très significatives existaient par rapport à la situation actuelle.

Il a ajouté que l'article 40 de la Constitution concernant l'irrecevabilité financière des amendements demeurait applicable, même s'il était désormais apprécié au niveau de la mission et qu'il serait donc désormais possible, au sein d'une mission, de majorer les crédits d'un programme, à la condition de réduire, « à due concurrence », ceux d'un ou plusieurs autres programmes.

Il a déclaré qu'au cours de ce séminaire, avaient été examinées les conséquences à tirer de la nouvelle nomenclature budgétaire sur la répartition des rapports et des rapporteurs spéciaux.

A cette occasion, la commission avait confirmé les principes suivants :

- chaque membre de la commission serait en charge d'au moins un rapport spécial ;

- la répartition des rapports demeurerait équilibrée entre l'ensemble des sensibilités politiques représentées au sein de la commission ;

- la commission, qui se devait d'être exemplaire, avait adopté une vision « lolfienne », selon laquelle il y aurait un rapport spécial par mission.

Il a souligné qu'il y aurait un vote par mission et que les amendements seraient possibles par compensation entre programmes d'une mission. Dès lors, il a jugé que l'effort d'adaptation demandé à l'administration au titre de la LOLF, la commission se l'imposait à elle-même et que, grâce à l'implication de l'ensemble des rapporteurs spéciaux, elle avait pu faire du « bel ouvrage ».

M. Jean Arthuis, président, a ajouté que le cas le plus « simple » était celui des missions correspondant à un seul ancien fascicule (action extérieure de l'Etat ou agriculture, par exemple), mais qu'il existait aussi des hypothèses où une mission correspondait à deux ou plusieurs fascicules actuels. Il a fallu faire preuve de souplesse, notamment en prévoyant, pour certaines missions, un rapport spécial, cosigné par plusieurs commissaires.

Il a précisé qu'il avait été prévu le rattachement de certains comptes spéciaux à une mission du budget général, lorsque ledit compte pouvait être considéré comme une « mission miroir ».

Au terme de ces travaux et de manière unanime, il a indiqué qu'avait été élaborée une liste qui, à ce stade, après avoir reçu confirmation des groupes, pouvait être considérée comme définitive, et qu'il appartenait donc aujourd'hui à la commission de statuer définitivement sur cette liste, du moins en ce qui concernait le projet de loi de finances pour 2006.

Il a souligné que, pour les contrôles budgétaires en cours, ils resteraient de la compétence du rapporteur spécial qui les avait engagés, car la nouvelle répartition des rapports spéciaux ne deviendrait effective, comme la LOLF dans sa totalité, qu'à partir de l'exercice 2006, et donc du projet de loi de finances qui serait présenté en septembre 2005.

Il a présenté la liste de répartition des rapports spéciaux pour le projet de loi de finances pour 2006 qui avait été élaborée à l'occasion du séminaire, et cela sous réserve des éventuelles modifications de la maquette définitive que le gouvernement présenterait à l'occasion du prochain débat d'orientation budgétaire (DOB) prévu pour le début du mois de juillet.

Un large débat s'est alors instauré.

M. François Trucy a jugé que le travail mené par la commission avait été indispensable et particulièrement utile. Il s'est cependant interrogé sur le nouveau régime de traitement des amendements dans le cadre défini par l'article 40 de la Constitution, et il s'est demandé s'il ne serait pas, dès lors, pertinent de « filtrer » les amendements en amont de la discussion.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que les règles de dépôt des amendements par les parlementaires suivaient des règles précises, tout en indiquant qu'il serait probablement nécessaire de parvenir à une « norme déontologique » afin d'éviter de trop alourdir le débat.

M. Jean-Jacques Jégou a indiqué qu'il avait constaté des différences de traitement des amendements au regard de l'article 40 de la Constitution entre l'Assemblée nationale et le Sénat, et a émis le souhait que la discussion des amendements sur les missions ne dure pas trop longtemps.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué qu'il convenait de respecter les formes actuelles, mais qu'une concertation avec l'ensemble des groupes politiques était, à ce titre, nécessaire et prévue, afin de préciser les règles qui allaient devoir être appliquées.

M. Jean-Pierre Masseret a fait état, à titre personnel, de sa conviction qu'il serait utile de ne pas discuter en séance des amendements pouvant être considérés comme irrecevables par la commission au regard de l'article 40 de la Constitution, et ce, afin que ce dernier ne soit pas invoqué en « dernier recours », sous la seule pression du calendrier.

M. Yves Fréville a rappelé que l'utilisation de l'article 40 s'avérerait plus souple avec la LOLF. Il a toutefois exprimé la crainte de voir se répandre des gages peu précis, qui allongeraient inutilement la discussion.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que le gouvernement s'était engagé à fournir avec la loi de finances les documents qui détaillaient, par programme et par action, les crédits ouverts, ce qui permettrait à ceux qui désireraient augmenter, par exemple, les montants alloués à un programme, de désigner avec précision les crédits qui devraient en conséquence être diminués sur un autre programme composant la même mission.

M. Jean-Jacques Jégou a indiqué qu'il lui semblerait plus correct et plus clair de ne pas discuter les amendements jugés irrecevables au titre de l'article 40, afin de ne pas dépasser le délai de vingt jours dont le Sénat disposait pour mener la discussion budgétaire.

M. Jean Arthuis, président, a précisé qu'il avait déjà présenté le contenu de la LOLF, ainsi que ses implications pour le travail parlementaire, devant l'ensemble des commissions permanentes et qu'il souhaitait être également entendu par l'ensemble des groupes, avant la discussion budgétaire de l'automne prochain, afin de préciser les règles de la nouvelle discussion budgétaire.

M. Bernard Angels a indiqué que, s'il était utile pour la commission de jouer le rôle de « sas », cela n'était à l'heure actuelle pas possible en vertu du Règlement du Sénat, et que cela pouvait occasionner des « blocages » au moment de la discussion budgétaire. Il a en conséquence exprimé le souhait de voir réduit le temps alloué à la discussion des budgets et de se consacrer plus encore aux missions de contrôle budgétaire, et cela tout au long de l'année.

M. Yves Fréville a rappelé que le Conseil Constitutionnel avait, s'agissant des modalités de compensation d'une baisse des recettes, accepté le gage « à due concurrence », et que cette jurisprudence serait probablement appelée à évoluer.

M. Jean Arthuis, président, a précisé qu'il appartiendrait donc à la commission de faire évoluer, le cas échéant, ses méthodes d'appréciation de l'article 40.

M. François Trucy a fait état de sa conviction que la discipline des parlementaires permettrait d'éviter les situations d'engorgement.

M. Michel Moreigne s'est interrogé sur l'articulation entre les lois de programmation et le contenu, « au format LOLF », de la discussion budgétaire.

M. Jean Arthuis, président, a souligné que les crédits des lois de programmation étaient irréversibles à partir du moment où ils étaient engagés, mais pas avant. Il a précisé le contenu de la notion de « vote au premier euro », rappelant que sur certains budgets, par exemple ceux supportant les charges de fonctionnement, il serait probablement plus difficile de les faire évoluer.

La commission a alors, à l'unanimité, validé la répartition des rapports spéciaux pour le prochain projet de loi de finances qui était désormais ainsi fixée, étant entendu que les crédits consacrés au budget européen continueraient à être traités par M. Denis Badré (UC-UDF, Hauts-de-Seine), dans le cadre de l'examen des articles de la première partie.

Missions du budget général

Action extérieure de l'Etat

Adrien Gouteyron (UMP, Haute-Loire)

Administration générale et territoriale de l'Etat

Henri de Raincourt (UMP, Yonne)

Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales

Joël Bourdin (UMP, Eure)

Aide publique au développement

Michel Charasse (Soc, Puy-de-Dôme)

Conseil et contrôle de l'Etat

Jean-Claude Frécon (Soc, Loire)

Culture

Yann Gaillard (UMP, Aube)

Défense

Yves Fréville (UMP, Ille-et-Vilaine)
et
François Trucy (UMP, Var)

Développement et régulation économiques

Eric Doligé (UMP, Loiret)

Direction de l'action du gouvernement

François Marc (Soc, Finistère)
et
Michel Moreigne (Soc, Creuse)

Ecologie et développement durable

Fabienne Keller (UMP, Bas-Rhin)

Engagements financiers de l'Etat

Paul Girod (UMP, Aisne)

Enseignement scolaire

Gérard Longuet (UMP, Meuse)

Gestion et contrôle des finances publiques

Bernard Angels (Soc, Val d'Oise)

Justice

Roland du Luart (UMP, Sarthe)

Médias

Claude Belot (UMP, Charente-Maritime)

Mémoire et liens avec la Nation

Jacques Baudot (UMP, Meurthe-et-Moselle)

Outre-mer

Henri Torre (UMP, Ardèche)

Politique des territoires

Roger Besse (UMP, Cantal)

Pouvoirs publics

Jean Arthuis (UC - UDF, Mayenne)

Provisions

Jean-Pierre Demerliat (Soc, Haute-Vienne)

Recherche et enseignement supérieur

Philippe Adnot (NI, Aube)
et
Maurice Blin (UC-UDF, Ardennes)

Régimes sociaux de retraite

Thierry Foucaud (CRC, Seine-Maritime)

Relations avec les collectivités territoriales

Michel Mercier (UC-UDF, Rhône)

Remboursements et dégrèvements

Marie-France Beaufils (CRC, Indre-et-Loire)

Santé

Jean-Jacques Jégou (UC-UDF, Val-de-Marne)

Sécurité

Aymeri de Montesquiou (RDSE, Gers)

Sécurité civile

Claude Haut (Soc, Vaucluse)

Sécurité sanitaire

Nicole Bricq (Soc, Seine-et-Marne)

Solidarité et intégration

Auguste Cazalet (UMP, Pyrénées-Atlantiques)

Sport, jeunesse et vie associative

Michel Sergent (Soc, Pas-de-Calais)

Stratégie économique et pilotage des finances publiques

Marc Massion (Soc, Seine-Maritime)

Transports

Alain Lambert (UMP, Orne),
Jean-Pierre Masseret (Soc, Lot),
Gérard Miquel (Soc, Moselle)
et
Yvon Collin (RDSE, Tarn-et-Garonne)

Travail

Serge Dassault (UMP, Essonne)

Ville et logement

Philippe Dallier (UMP, Seine-Saint-Denis)
et
Roger Karoutchi (UMP, Hauts-de-Seine)

Missions hors du budget général

Contrôle et exploitation aériens

Yvon Collin (RDSE, Tarn-et-Garonne)

Journaux officiels

Bernard Vera (CRC, Essonne)

Monnaies et médailles

Bertrand Auban (Soc, Haute-Garonne)

Pensions

Thierry Foucaud (CRC, Seine-Maritime)

Participations financières de l'Etat

Paul Girod (UMP, Aisne)

Cinéma et audiovisuel

Yann Gaillard (UMP, Aube)

Soutien aux médias

Claude Belot (UMP, Charente-Maritime)

Courses et élevage

Joël Bourdin (UMP, Eure)

Accords monétaires internationaux

Michel Charasse (Soc, Puy-de-Dôme)

Prêts à des Etats étrangers

Michel Charasse (Soc, Puy-de-Dôme)

Avances aux collectivités territoriales

Michel Mercier (UC-UDF, Rhône)

Avances à divers services de l'Etat ou organismes gérant des services publics

Bernard Angels (Soc, Val d'Oise)

Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Bernard Angels (Soc, Val d'Oise)

Mercredi 15 juin 2005

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Contrôle budgétaire - Cour des comptes - Audition de M. Jean-Baptiste Gillet, directeur des affaires financières du ministère de la défense, de M. Jean-Marie Poimboeuf, président-directeur général de DCN-SA et de M. Michel Camoin, conseiller-maître de la 2e chambre de la Cour des comptes

La commission a procédé à l'audition conjointe de M. Jean-Baptiste Gillet, directeur des affaires financières du ministère de la défense, de M. Jean-Marie Poimboeuf, président directeur général de DCN-SA, et de M. Michel Camoin, conseiller-maître de la 2e chambre de la Cour des comptes.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que l'audition conjointe à laquelle la commission des finances procédait était la onzième de ce genre, en application de l'artilcle 58-2 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), qui prévoyait la réalisation, par la Cour des comptes, de « toute enquête demandée par les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances sur la gestion des services ou organismes qu'elle contrôle ». Il a précisé que cette audition, eu égard à son objet même, était ouverte aux membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que la Cour des comptes avait transmis à la commission, le 27 février 2005, une « communication » sur les comptes de DCN-Développement pour l'exercice 2002 et DCN-SA pour l'exercice 2003 qui avait été adressée par voie de référé, au ministre de la défense, et à la société anonyme DCN.

Il a souligné que, conformément à la procédure déjà suivie par la commission des finances dans le cadre de l'application de l'article 58-2 précité de la LOLF, une audition conjointe des représentants du ministère de la défense, c'est-à-dire de la direction des affaires financières, de la délégation générale pour l'armement (DGA) et de l'état-major de la marine nationale, des représentants de l'agence des participations de l'Etat d'une part, et de la Cour des comptes d'autre part, était nécessaire.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que cette audition était ouverte à la presse, comme le bureau de la commission en avait décidé, afin d'assurer un débat aussi ouvert et fructueux que possible.

Il a précisé que le rapport communiqué par la Cour des comptes mettait en évidence la nécessité d'examiner de façon approfondie les comptes de DCN-SA, tant leurs caractéristiques paraissaient atypiques au regard des normes de comptabilité. Il a noté que M. Yves Fréville, rapporteur spécial des crédits de la défense, avait déjà relevé ces particularités relatives au niveau de trésorerie et d'actifs financiers, lors de l'examen du projet de loi relatif à DCN, en décembre dernier.

Il a relevé que la communication de la Cour des comptes faisait suite à de nombreux contrôles concernant, directement ou indirectement, DCN, et ne portait pas sur la dernière évolution législative relative à DCN, à savoir la loi n° 2004-1487 du 30 décembre 2004 relative à l'ouverture du capital de DCN et à la création, par celle-ci, de filiales. Il a estimé que si ce décalage correspondait au temps du contrôle, il réduisait considérablement la portée de nombreuses recommandations formulées par la Cour des comptes.

M. Jean Arthuis, président, a ensuite constaté que l'enquête de la haute juridiction financière décrivait et évaluait les différentes étapes de la transformation de la direction des constructions navales de la marine militaire en entreprise publique, évolution prévue par la loi de finances rectificative pour 2001.

Il a invité M. Michel Camoin à présenter brièvement le contenu du rapport de la Cour des comptes relatif aux comptes de DCN-Développement et DCN-SA.

M. Michel Camoin a rappelé que la Cour des comptes avait transmis à la commission des finances plusieurs documents relatifs à DCN. Il a observé que le référé n° 34406, portant sur la mise en oeuvre des synergies entre la direction des constructions navales et la société Thalès, avait été transmis à l'issue du contrôle de la Cour des comptes sur Thomson SA le 20 janvier 2003. Il a précisé que le rapporteur spécial des crédits de la défense, qui était alors M. Maurice Blin, avait demandé des précisions au rapporteur de la Cour des comptes sur l'évolution des chantiers navals allemands Howaldtswerke-Deutsche Werft (HDW).

M. Michel Camoin a ajouté que la communication portant sur l'examen de l'activité, de la gestion et des comptes des sociétés DCN-Développement et DCN-SA avait été remise à la commission des finances le 17 février 2005 selon la procédure prévue par l'article 58-2 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Enfin, il a indiqué que le référé n° 41038, correspondant à l'enquête transmise à la commission des finances du Sénat, avait été adressé le 28 février 2005 au ministre compétent, mais était resté à ce jour sans réponse.

M. Michel Camoin a rappelé que l'enquête de la Cour des comptes avait été réalisée à la demande de la commission des finances, et qu'elle correspondait à une préoccupation de la haute juridiction. Il a noté qu'il avait semblé souhaitable, compte tenu de l'importance de l'apport initial d'actifs et de passifs de l'Etat à la nouvelle entreprise, de contrôler, dès la clôture du premier exercice, l'examen des comptes de DCN, et notamment de son bilan d'entrée, afin que la Cour des comptes connaisse précisément la nouvelle société entrant dans son champ de compétence. Il a ajouté que l'enquête avait porté sur l'avenir du nouveau groupe et n'était pas revenue sur les contrôles rétrospectifs relatifs à l'activité et à la gestion des arsenaux de la marine. Il a souligné, en revanche, que le champ du contrôle avait compris les principales filiales ou participations du groupe DCN, telles que DCN-International et Armaris, ainsi que les actifs et les passifs des constructions navales qui n'avaient pas été transférés à la nouvelle entreprise publique, et qui étaient désignés sous l'appellation de « Service à compétence nationale (SCN) résiduel ».

M. Michel Camoin a ensuite présenté les principales observations de la Cour des comptes, la première d'entre elles concernant les modalités de l'opération initiale d'apport des actifs et passifs du compte de commerce préexistant à la nouvelle société DCN. Il a déclaré que la Cour des comptes avait jugé utile et efficace le recours à une « structure intermédiaire » DCN-Développement, première étape avant la création de la société anonyme DCN, et à la procédure du commissariat aux comptes. Il a relevé que l'acquisition de DCN-International, ainsi que l'apport d'une dotation initiale en capital par l'Etat et la mise en place des organes de gouvernance de la nouvelle entreprise avaient été effectués dans de bonnes conditions.

En ce qui concerne le plan de charge du nouveau groupe public, M. Michel Camoin a rappelé que la marine nationale demeurait le principal client de DCN et que, dans cette perspective, le sort de celle-ci était indissolublement lié au lancement effectif de deux programmes : les frégates multimissions (FREMM) et les nouveaux sous-marins d'attaque, les « Barracuda ». Il a observé que la crédibilité du plan de charge de DCN, notamment dans le cadre d'éventuelles alliances nationales ou européennes, dépendait de la mise en oeuvre de ces chantiers, et que cela avait conduit le ministère de la défense à envisager le recours à des financements dits « innovants » ; ce projet, qui soulevait des réserves de la Cour des comptes, ayant finalement été abandonné au profit d'un financement budgétaire.

M. Michel Camoin a ensuite précisé que la Cour des comptes avait émis trois observations sur les principaux « défis de gestion » du nouveau groupe public DCN. Il a noté le caractère relativement « défensif » du contrat d'entreprise, établi entre l'Etat et DCN-SA pour les années 2003 à 2008, qui restait très en-deçà des premières performances enregistrées par l'entreprise. Il a ajouté que la Cour des comptes avait mesuré les gains de productivité dus à la mise en oeuvre des nouvelles souplesses offertes à DCN en matière de gestion des achats. Enfin, il a rappelé que la Cour des comptes émettait quelques réserves sur la capacité de DCN à maîtriser l'évolution de ses frais de personnel, en raison de la coexistence de personnels sous statuts différents, c'est-à-dire des ouvriers d'Etat mis à disposition de l'entreprise et des personnels sous convention collective. Il a observé qu'un effet d'entraînement, poussant chaque catégorie de personnel à revendiquer les mêmes avantages que l'autre catégorie de personnel, pourrait avoir un effet inflationniste sur la masse salariale à moyen terme.

M. Michel Camoin a indiqué que la Cour des comptes s'était prononcée en faveur de la réalisation du projet « Convergence », élaboré conjointement par Thalès et DCN sous l'égide de l'Etat, en vue d'une collaboration renforcée de ces deux entreprises. Il a cependant noté que cette perspective d'alliance semblait caduque dans les termes qui avaient été examinés et qu'il appartenait à la société et à ses autorités de tutelle de préciser leurs intentions et leurs projets actuels.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que les conclusions de la Cour des comptes étaient globalement positives et validaient les procédures mises en oeuvre par l'Etat pour transformer un service à compétence nationale en entreprise publique. Il a observé que des réserves avaient été émises sur les charges que devrait supporter le SCN résiduel, qui avait fait l'objet d'un contrôle séparé en 2005, confié à M. Jacques Bousquet. Il a proposé d'approfondir cette problématique après avoir entendu M. Jean-Marie Poimboeuf, président-directeur général de DCN-SA.

M. Jean-Marie Poimboeuf a estimé que les modalités prudentes de l'apport en capital étaient validées par les premiers résultats positifs de son groupe. Il a rappelé que l'estimation des risques financiers avait été faite par comparaison avec les entreprises exerçant leur activité dans le même secteur.

En ce qui concerne le plan de charge de DCN-SA, M. Jean-Marie Poimboeuf a observé que si les commandes de la marine nationale représentaient près de 70 % du chiffre d'affaires de DCN, le tiers de l'activité du groupe reposait sur les exportations. Il a précisé que la création d'une filiale commune avec la société Thalès, Armaris, avait pour but de développer le potentiel de DCN sur le marché international.

M. Jean-Marie Poimboeuf a ajouté que le développement de DCN pour les dix prochaines années dépendrait de la réalisation des frégates multi-missions (FREMM) pour la flotte de surface et de six sous-marins d'attaque « Barracuda » pour la flotte sous-marine.

Il a rappelé que le programme de construction des FREMM prévoyait la réalisation de dix-sept frégates pour la France et dix frégates pour l'Italie. Il a noté que les négociations avec la délégation générale pour l'armement (DGA) étaient sur le point d'aboutir, étant précisé que le maître d'oeuvre du projet serait Armaris. Il a indiqué que le contrat, en cours de finalisation, prévoyait une tranche ferme de commande de huit frégates, puis deux tranches conditionnelles de commande de quatre, puis cinq frégates. Il a souligné que la première tranche ferme de commande incluait les dépenses de développement et de réalisation, ainsi que le coût de maintien en conditions opérationnelles, pour les six premières années, des huit frégates.

M. Jean-Marie Poimboeuf a indiqué que le contrat de commande des FREMM devrait être signé courant juillet et être mis en oeuvre à l'automne 2005. Il a rappelé que chaque frégate de 5.500 tonnes représentait deux millions d'heures de travail pour DCN.

M. Jean-Marie Poimboeuf a noté que DCN s'était associé à la société Technicatom pour la réalisation des équipements nucléaires des six sous-marins d'attaque. Il a observé que ce contrat devrait également être signé en juillet prochain, pour un montant global de 100 millions d'euros ; la première tranche ferme fixée à 40 millions d'euros portant sur le développement et la conception des trois premiers sous-marins. Il a noté que ce plan de charge était conforme aux prévisions sur lesquelles se basait le contrat d'entreprise. Enfin, il a ajouté que six sous-marins classiques pourraient compléter le carnet de commandes du groupe, si DCN remportait le marché indien.

M. Jean-Marie Poimboeuf a ensuite rappelé que deux plans à moyen terme avaient été réalisés lors de la création de DCN, l'un relativement ambitieux et l'autre plus prudent, retenu comme hypothèse de travail pour l'établissement du contrat d'entreprise. Il s'est félicité que les résultats des deux premières années d'exercice de DCN correspondent aux projections les plus ambitieuses.

Puis M. Jean-Marie Poimboeuf a abordé les cinq autres défis de gestion analysés par la Cour des comptes.

Il a indiqué que les organes de gouvernance de l'entreprise avaient été rapidement mis en place et qu'ils comprenaient trois comités chargés respectivement du contrôle des comptes, de la fonction commerciale et du recrutement et des rémunérations. Il a ajouté que, dès 2004, les instances de représentation des salariés avaient été mises en place. S'agissant de l'efficacité des nouveaux référentiels d'achat, il a souligné qu'ils avaient induit 90 millions d'euros d'économie, pour un volume d'achat global estimé à 900 millions d'euros.

S'agissant des nouvelles pratiques de management, M. Jean-Marie Poimboeuf a estimé qu'elles avaient fait la preuve de leur efficacité dans la mesure où 85 % des personnels qui devaient choisir, en 2005, entre la signature d'un contrat de droit privé avec DCN ou le retour dans un service de l'Etat avaient opté pour la nouvelle société publique. Il a considéré, par ailleurs, que le recrutement de 1.200 personnes et le départ à la retraite de 2.000 employés avaient permis de réorganiser profondément le fonctionnement de l'entreprise, avec une augmentation nette du taux d'encadrement, passé de 21 % en 2003 à 25 % en 2005, et le renouvellement, voire la création, de certains métiers au sein de l'entreprise, tels que l'expertise juridique, la gestion des achats et la gestion des ressources humaines. Il a estimé, par ailleurs, que la maîtrise des frais de personnel était effective à ce jour.

M. Jean-Marie Poimboeuf a ensuite évoqué l'état du secteur naval dans le domaine de la défense, au volume de 25 millions d'euros par an, dont près de 12 millions d'euros étaient réalisés par quatre industriels et six chantiers américains et 8 millions d'euros par douze industriels et vingt chantiers européens. Il a observé qu'une forte concentration du marché était, sans doute, inéluctable en Europe et qu'elle devrait réduire les coûts de développement des équipements, le développement d'un projet de frégate coûtant, aujourd'hui, aussi cher que la réalisation de deux frégates.

M. Jean-Marie Poimboeuf a rappelé que la rationalisation du marché avait déjà commencé en Allemagne, avec la fusion récente de Thyssenkrupp Werften et HDW, ainsi qu'en Espagne, avec la création d'un groupe autour des chantiers Izar. Il a indiqué que la réflexion était en cours en Angleterre, où Bae Systems envisageait des alliances avec d'autres chantiers navals britanniques. Enfin il a constaté que la création d'Armaris, détenue paritairement par DCN et Thalès, était un premier pas dans le cadre d'un rapprochement des deux sociétés.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité savoir quel ministère exerçait l'autorité de tutelle sur DCN.

M. Jean Marie Poimboeuf a indiqué que les discussions étaient tripartites et qu'une bonne coordination existait entre les deux autorités de tutelle qu'étaient le ministère de la défense et le ministère de l'économie.

M. Jean Arthuis, président, a ensuite donné la parole à M. Denis Samuel-Lajeunesse, directeur général de l'agence des participations de l'Etat (APE).

M. Denis Samuel-Lajeunesse a déclaré que l'agence des participations de l'Etat était satisfaite des modalités de définition et de réalisation du traité d'apports, ainsi que de la rapide mise en place des organes de gouvernance de l'entreprise. Il a noté une nette amélioration des circuits comptables permettant à DCN de rejoindre le droit commun et d'arrêter ses comptes en mars dès 2006. Il a observé que sur les quatre réserves émises par les commissaires aux apports, une seule restait d'actualité, celle relative à l'opacité de certains comptes clients et fournisseurs. Il a précisé qu'il s'agissait, en fait, d'anciens contrats liant DCN et la marine nationale. Enfin, il a indiqué que l'agence des participations de l'Etat coopérait étroitement avec DCN, notamment sur le projet de rapprochement avec Thalès.

M. Jean Arthuis, président, a invité M. Jean-Baptiste Gillet, directeur des affaires financières du ministère de la défense, à présenter ses observations.

M. Jean-Baptiste Gillet a observé que le ministère de la défense était satisfait de la qualité du processus de transformation du service à compétence nationale en entreprise publique.

Il a rappelé que l'hypothèse du recours à un financement dit « innovant », qui avait été étudiée en 2004 pour le programme d'équipement des FREMM, avait été écartée, les avantages procurés par ce type de montage financier n'étant pas suffisants pour en compenser les surcoûts. Il a annoncé que le financement des FREMM serait budgétaire et que les autorisations de programme étaient à un niveau suffisant pour 2005. Il a précisé que les crédits de paiement correspondant au déroulement du programme seraient ouverts en loi de finances initiale au fur et à mesure de la réalisation des équipements.

M. Jean Arthuis, président, a ensuite souhaité entendre M. Philippe Jost, ingénieur général de l'armement, représentant la DGA.

M. Philippe Jost a tout d'abord rappelé que les calendriers de livraison de la première frégate Horizon, du sous-marin nucléaire lanceur d'engin, et du bâtiment de projection et de commandement étaient conformes aux prévisions, DCN respectant les délais fixés. Il a constaté que le maintien en condition opérationnelle était essentiel tant pour la marine nationale que pour DCN et représentait un flux de 500 millions d'euros par an. Il a noté que les contrats internes régissant les rapports entre DCN et la marine nationale devaient céder la place, peu à peu, à des contrats passés dans les conditions de concurrence du marché. Il s'est félicité de la montée en puissance régulière des nouveaux modes de contractualisation.

Il a constaté que l'Italie venait de décider d'inscrire à son budget général le financement des FREMM, tout comme la France, sans toutefois déterminer une tranche ferme de commandes. Il a estimé que la similitude des modalités de financement entre les deux pays devrait faciliter la réalisation de ce projet d'armement commun.

M. Philippe Jost, tout en se déclarant satisfait des résultats des deux premières années d'exercice de DCN, a indiqué rester prudent, rappelant qu'on ne pouvait préjuger, sur deux ans, de l'avenir d'un contrat d'entreprise s'étalant sur six ans.

Il a insisté sur la nécessaire diversification des clients de DCN, remarquant que le développement des exportations et la conclusion d'alliances industrielles en vue de la rationalisation du marché européen permettraient de rompre le « tête à tête » trop exclusif entre DCN et la marine nationale.

M. Jean Arthuis, président, a donné la parole au major général de la marine, levice-amiral Pierre-François Forissier.

M. Pierre-François Forissier a rappelé que l'Etat avait confié deux missions à la marine nationale : l'exercice de la dissuasion nucléaire par le biais des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) d'une part, et la projection des troupes par l'action de la force aéronavale à partir du porte-avions nucléaire, d'autre part. Il a observé que chacune de ces missions ne pouvait être réalisée qu'avec l'appui, pour l'une, des sous-marins nucléaires d'attaque et, pour l'autre, des bâtiments de combat de surface. Il a noté que la construction des FREMM et des « Barracuda » avait été décidée dans cette perspective, alors que cette option était irréalisable à l'époque, compte tenu des mauvaises performances de la direction des constructions navales.

Il a constaté que la modernisation de DCN était indispensable et que la marine nationale avait accepté d'assumer des missions qui grevaient les résultats du service à compétence nationale. Il a rappelé que la marine avait, ainsi, repris à sa charge la gestion des immobilisations des arsenaux, la gestion des pièces de rechange des bâtiments et la gestion des munitions.

M. Pierre-François Forissier a jugé que les efforts consentis par la marine avaient porté leurs fruits, tant au niveau de la construction neuve qu'au niveau de l'entretien programmé des matériels. Il a précisé que le « Mistral » et  le « Tonnerre », nouveaux bâtiments de projection et de combat, seraient livrés sans retard et sans surcoût. En ce qui concerne le maintien en condition opérationnelle, il a fait valoir les progrès considérables qui avaient été réalisés en termes de disponibilité de matériel, souhaitant que les efforts portent désormais sur la diminution des coûts.

M. Jean Arthuis, président, a estimé, au vu de la faiblesse des taux de disponibilité des matériels de la marine nationale, que les marges de progression devaient être considérables.

M. Pierre-François Forissier a rappelé que la disponibilité des matériels de la marine avait atteint des niveaux préoccupants à la fin des années 90, où un seul des six sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) était opérationnel. Il a indiqué que désormais trois SNA sur six étaient désormais disponibles, ce qui restait inférieur au contrat opérationnel de la marine défini par le chef de l'Etat, fixant l'objectif d'activité à 3,5 SNA.

M. Jean Arthuis, président, s'est félicité du redressement de la situation et s'est demandé à quel sacrifice financier l'Etat avait dû consentir pour y parvenir. Il a souhaité entendre à ce sujet M. Jacques Bousquet, rapporteur au sein de la 2e Chambre de la Cour des comptes, qui avait mené une investigation particulière pour la Cour des comptes sur le service à compétence nationale dit résiduel, c'est-à-dire sur les charges revenant à l'Etat aux termes du traité d'apports.

M. Jacques Bousquet a rappelé que le traité d'apports visait à apporter à DCN des actifs utiles sans passifs coûteux, afin de tirer les leçons des expériences passées, notamment celles de GIAT industries et de la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE).

Il a précisé que, dans cette perspective, les risques résultant des activités de la direction des constructions navales, postérieures à la création de la société DCN-SA, étaient laissés à la charge de l'Etat, tels que les risques environnementaux de pollution des sous-sols, les contentieux liés aux activités antérieures à 2003, les risques relatifs aux personnels et les risques d'un montant supérieur à 20 millions d'euros pesant sur les contrats d'exportation. Il a relevé que les risques supportés par la filiale DCN-International sur les contrats d'exportation avaient été provisionnés à hauteur de 20 millions d'euros dans les comptes de DCN-SA et que l'Etat s'engageait à couvrir le dépassement de cette somme, précisant qu'en pareil cas le rachat de DCN-International serait alors réputé nul et non avenu.

Enfin, M. Jacques Bousquet a observé que l'évaluation du coût représenté par les risques environnementaux n'était pas encore disponible lorsqu'il avait diligenté son enquête.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé qu'aux termes de l'article 58-5 de la LOLF, la Cour des comptes devrait, à partir du budget pour 2006, certifier les comptes de l'Etat. Il s'est demandé si l'absence d'évaluation des charges pesant sur l'Etat en vertu du traité d'apports pouvait, le cas échéant, empêcher la certification des comptes.

M. Jean-Baptiste Gillet a fait valoir que l'imputation de certaines charges à l'Etat était une des conditions essentielles de l'évolution et du redressement des comptes de DCN. Il a jugé légitime que l'Etat conserve la responsabilité des risques liés aux activités antérieures à la création de la nouvelle entreprise publique. Il a précisé que l'Etat ne verrait sa responsabilité financière engagée que si le risque était supérieur à la provision inscrite au compte de DCN.

En ce qui concerne l'évaluation des risques environnementaux, M. Jean-Baptiste Gillet a indiqué que l'identification des coûts de pollution était possible, mais que leur évaluation exacte nécessitait des investigations très lourdes et très coûteuses. Il a observé que le risque environnemental n'était effectif qu'à condition que l'activité militaire cesse sur un terrain donné et que la vente de l'immobilisation soit réalisée. Il a proposé que l'évaluation des risques soit bornée au cas où la probabilité de leur réalisation était avérée.

M. Jean Arthuis, président, s'est demandé s'il ne pouvait être envisagé que l'Etat constitue, année après année, une provision permettant de couvrir ces risques environnementaux.

M. Jean-Baptiste Gillet a ensuite énuméré les différentes charges relevant de l'Etat, soit une trentaine de procédures contentieuses évaluées à dix millions d'euros, les risques environnementaux précités, et les charges liées aux maladies professionnelles des agents employés par la direction des constructions navales, 2.500 d'entre eux ayant déclaré une maladie professionnelle liée à l'amiante.

M. Jean Arthuis, président, a ensuite donné la parole à M. Philippe Marini, rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a souhaité obtenir des éclaircissements sur « le risque communautaire » mentionné par la Cour des comptes dans sa communication. Il a rappelé que les commissaires aux apports craignaient que l'opération de capitalisation initiale de DCN par l'Etat ne puisse être requalifiée en aide d'Etat par la Commission européenne, comme cela s'était produit pour l'entreprise espagnole Izar. Il a souhaité savoir comment avait été prise la décision de ne pas notifier à la Commission européenne l'apport réalisé en 2003.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est demandé si le litige ancien relatif à la taxe professionnelle avait été réglé et si la question de la légitimité du plafonnement et des dégrèvements accordés en conséquence avait trouvé une solution satisfaisante à la fois pour l'Etat et pour DCN-SA.

M. Jean-Baptiste Gillet a indiqué que le Gouvernement avait considéré que la société DCN relevait du champ d'application de l'article 296 du traité instituant la Communauté européenne, prévoyant des dérogations à l'application des règles de la concurrence pour le secteur de la défense nationale des Etats-membres et que l'apport initial en capital n'avait donc pas à être notifié.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité savoir si l'application de l'article 296 précité interdisait à la société DCN d'exercer son activité dans le secteur de la construction navale civile.

M. Jean-Marie Poimboeuf a confirmé cette interprétation. Il a toutefois estimé que cette contrainte n'était pas trop pesante pour DCN, puisqu'elle correspondait également à son objet social.

M. Denis Samuel-Lajeunesse a précisé que selon la jurisprudence communautaire établie sur le cas du chantier espagnol Izar, une société exerçant son activité dans le domaine de la défense pouvait recevoir un soutien de l'Etat sans qu'il ne soit requalifié en aide d'Etat, à condition que la part du chiffre d'affaires réalisée dans le secteur civil n'excède pas 20 %.

M. Jean des Courtis, directeur financier de DCN-SA, a observé que le règlement du litige relatif à la taxe professionnelle était intervenu en 2005, exception faite d'une somme de 15 millions d'euros. Il a indiqué que ce dernier litige tenait à une imparfaite conciliation des registres. Il a noté que la contribution versée par DCN au titre de la taxe professionnelle allait augmenter de 50 % en raison de l'amélioration de ses résultats. Il a ensuite indiqué qu'un audit avait été diligenté sur le thème de la taxe foncière et devrait être conclu d'ici à un an.

M. Jean Arthuis, président, s'est étonné que le problème de la taxe foncière n'ait pas été réglé par le traité d'apports.

M. Jean des Courtis a expliqué que le traité d'apports avait bien pris en compte cette question, mais qu'une somme de dix millions d'euros restait en discussion.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial des crédits de la défense, a constaté que la réforme de DCN était en bonne voie. Il s'est demandé si le prix du redressement de la société était acceptable pour le contribuable, estimant que la réforme avait, au total, coûté près de deux milliards d'euros, dont, notamment, 700 millions d'euros pour les plans sociaux, près de 700 millions d'euros pour l'apurement du passif et 560 millions d'euros de capitalisation initiale. Il a considéré que l'Etat avait « fait son devoir » pour que la nouvelle société publique DCN soit rentable.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial des crédits de la défense, s'est réjoui des appréciations favorables de la Cour des comptes sur les modalités de réalisation du traité d'apports. Il a toutefois relevé que les encours non contractualisés de la marine nationale, atteignant 340 millions d'euros, avaient été financés par redéploiement de crédits et il a souhaité savoir quelles implications cela avait eu sur la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008. Il a voulu obtenir confirmation du calendrier de libération des augmentations de capital de DCN prévues par le traité d'apports. Enfin il s'est demandé si les activités de maintien en condition opérationnelle étaient soumises à la taxe professionnelle.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial des crédits de la défense, a observé que les produits d'exploitation des actifs financiers de DCN lui assuraient une sorte de « filet de sécurité » d'un montant de 1,5 milliard d'euros. Dans cette perspective, il a relevé l'incidence des règles de comptabilité conduisant à une augmentation formelle du bilan jusqu'au transfert de propriété des équipements maritimes. Il a noté que ce biais comptable pouvait inciter d'éventuels partenaires commerciaux de DCN à s'interroger sur la valeur industrielle de la société.

En ce qui concerne le nouveau référentiel d'achat de DCN et les gains de productivité afférents, M. Yves Fréville, rapporteur spécial des crédits de la défense, a estimé que DCN avait bénéficié des conditions les plus favorables qui soient dans la répartition des tâches au détriment du service de soutien de la flotte, qui devait, pour sa part, lancer des appels d'offres pour des contrats de maintien en condition opérationnelle, alors même que ce marché restait largement captif au profit de DCN.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial des crédits de la défense, s'est étonné que la construction du deuxième porte-avions n'ait pas été évoquée, alors que son incidence sur le plan de charge de DCN était considérable.

Enfin, M. Yves Fréville, rapporteur spécial des crédits de la défense, a considéré que les projets de partenariat industriel envisagés par DCN devaient être appréhendés dans le contexte global du secteur naval de la défense. Il a précisé que les perspectives de croissance de ce marché étaient quasi-nulles et qu'en cela le contexte n'était pas comparable à celui qui avait permis la création de la société European Aeronautic Defense and Space (EADS). Il a estimé qu'il n'était donc pas raisonnable d'imaginer créer un « EADS naval ». De plus, il a remarqué que les résultats de DCN sur les marchés d'exportation semblaient être remis en cause, et souffrir de la concurrence allemande, selon les informations publiées la semaine dernière dans un quotidien du matin.

M. Jean-Baptiste Gillet a rappelé que les encours non contractualisés étaient une dette de la marine nationale dont l'apurement était nécessaire lors de la création de DCN. Il a observé que le changement de statut de DCN avait eu d'autres impacts sur le budget de la marine et que si les surcoûts de TVA liés à l'évolution de DCN avaient été compensés, les sommes nécessaires à la remise à niveau des installations des bases navales avaient, pour leur part, grevé le budget de la marine. Il a constaté que les coûts de transformation de DCN avaient poussé à réfléchir aux alternatives proposées par les financements innovants avant qu'il ne soit décidé de revenir à un financement budgétaire.

M. Jean Marie Poimboeuf a estimé pour sa part que certaines sommes recensées par M. Yves Fréville, rapporteur spécial des crédits de la défense, n'étaient pas directement liées au changement de statut de DCN. En réponse à M. Jean Arthuis, président, il a indiqué que la remise à niveau des installations des bases navales devait être entreprise indépendamment de la transformation de DCN. Il a précisé par ailleurs que le calendrier de libéralisation du capital était respecté.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial des crédits de la défense, a admis la précision apportée par M. Jean Marie Poimboeuf. Il a toutefois estimé que le coût de remise à niveau des installations était considérable en raison de l'absence d'entretien pendant la décennie précédente.

M. Jean-Marie Poimboeuf a rappelé qu'il était président de la direction des constructions navales lorsqu'elle avait été transformée en DCN-SA et qu'il avait pu constater que les trop fortes contraintes pesant, alors, sur le service à compétence nationale, le condamnaient à court terme.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité savoir si cette situation s'expliquait par un manque de moyens financiers, ou si d'autres causes devaient être considérées.

M. Jean-Marie Poimboeuf a indiqué qu'au manque de crédits devaient être ajoutés des problèmes structurels importants.

M. Jean des Courtis a estimé que DCN-SA apportait désormais de l'argent à l'Etat par le biais de ses impôts, l'estimant, sur deux ans, à 500 millions d'euros, soit au total 140 millions d'euros au titre de l'impôt sur les sociétés, 50 millions d'euros au titre de la taxe professionnelle, et 300 millions d'euros au titre de la TVA. Il a précisé que l'actionnaire de DCN-SA, c'est-à-dire l'Etat, recevrait des dividendes cette année à hauteur de 30 % des résultats, jugeant ce taux de distribution en phase avec celui des autres sociétés comparables du secteur.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité savoir pour quelles raisons les actifs financiers de DCN étaient aussi élevés.

M. Jean-Marie Poimboeuf a indiqué que l'excédent de trésorerie était essentiellement lié à l'activité d'exportations.

M. Jean des Courtis a relevé que le niveau de trésorerie était supérieur d'un milliard d'euros à l'objectif fixé par le contrat d'entreprise. Il a expliqué que le client principal de DCN, c'est-à-dire l'Etat, accusait un retard de paiement de 300 millions d'euros par rapport aux objectifs fixés par le contrat d'entreprise, soit 100 millions d'euros au titre des FREMM, et 200 millions d'euros au titre de la régulation budgétaire. Il a observé, qu'en revanche, les contrats à l'exportation avaient rapporté 600 millions d'euros de plus que prévu, que le niveau des avances et acomptes de l'Etat n'avait pas été diminué de 250 millions d'euros, comme cela avait été anticipé, et, enfin, que la mise en place du nouveau référentiel d'achat et de différents gains de productivité avait permis de dégager 400 millions d'euros supplémentaires.

M. Jean-Marie Poimboeuf, en réponse à M. Yves Fréville, a précisé que les opérations de maintien en condition opérationnelle étaient soumises à la taxe professionnelle. Il a rappelé que le transfert de la gestion des pièces de rechange au service du soutien de la flotte avait eu lieu à la demande expresse de la marine nationale. S'agissant du deuxième porte-avions, il a relevé que l'ampleur financière et industrielle de ce projet le rendait essentiel pour DCN. Il a toutefois estimé qu'il n'existait pas de marge de progression sur ce segment de marché, contrairement à celui des activités de service. Il a noté que DCN-SA avait, d'ailleurs, multiplié par trois la part de son chiffre d'affaires réalisée dans le secteur des services.

M. Daniel Goulet, membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, a souhaité savoir si DCN envisageait de reprendre une activité de création de plates-formes « off-shore », dans la mesure où un marché important devrait être prochainement ouvert à la concurrence. Il s'est demandé si la loi relative à l'ouverture du capital de DCN et à la création, par celle-ci, de filiales, concernait également d'éventuels investisseurs étrangers.

Mme Hélène Luc, membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, a relevé le caractère positif des observations de la Cour des comptes sur les comptes de DCN-Développement et de DCN-SA. Elle a estimé que, si l'évolution des statuts de DCN semblait avoir réussi et permettait à l'entreprise d'avoir, aujourd'hui, des résultats positifs, cela incombait, sans aucun doute, au soutien financier de l'Etat. Elle a considéré qu'en la matière, « l'Etat avait accompli son devoir » afin de créer une structure industrielle performante. Elle a rappelé que la passation des commandes des FREMM et des « Barracuda » était indispensable pour DCN et que la perspective de réaliser des économies ne devait pas masquer le fait que la société était encore en période de consolidation. Elle a marqué son désaccord avec l'intervention de M. Yves Fréville sur les concours de l'Etat qui seraient, selon lui, trop importants.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué qu'il n'était pas question de réduire les dépenses sans tenir compte des réalités économiques, mais qu'il était nécessaire, en fonction des objectifs arrêtés, de réaliser des systèmes d'armes opérants dans un rapport qualité/prix optimal. Il a souhaité que la DGA et l'Etat-major de la marine se soucient de l'efficacité des dépenses publiques.

M. Jean-Marie Poimboeuf a signalé que DCN n'envisageait pas, dans des conditions normales de concurrence, de participer à l'appel d'offres pour la réalisation de plates-formes « off-shore », rappelant que ce n'était pas son coeur de métier et qu'il s'agissait d'un segment d'activité extrêmement concurrentiel, technique et coûteux. Répondant à M. Daniel Goulet, il a précisé que la loi précitée relative à l'ouverture du capital de DCN permettait des prises de participation d'investisseurs étrangers, afin de favoriser des coopérations européennes.

M. Jean Arthuis, président, a remercié tous les intervenants pour la grande qualité des informations données et la richesse du débat.

La commission a ensuite décidé d'autoriser la publication d'un rapport d'information sur la communication de la Cour des comptes relative aux comptes de DCN-Développement pour l'exercice 2002 et DCN-SA pour l'exercice 2003.

Maintien en condition opérationnelle de la flotte - Communication de M. Yves Fréville

M. Jean Arthuis, président, après avoir consulté M. Yves Fréville, rapporteur spécial des crédits de la défense, a proposé de reporter à une date ultérieure, fixée au mercredi 22 juin après-midi, la tenue de sa communication relative au service de soutien de la flotte.