Travaux de la commission des finances
- Mercredi 26 mai 2004
- Décentralisation - Autonomie financière des collectivités territoriales - Examen du rapport pour avis
- Contrôle budgétaire - Mission en Mauritanie, Sénégal, Mali et Côte d'ivoire du 10 au 23 février 2004 - Communication
- Décentralisation - Autonomie financière des collectivités territoriales - Suite de l'examen du rapport pour avis
- Décentralisation - Autonomie financière des collectivités territoriales - Examen du rapport pour avis
- Présidence de M. Jean Arthuis, président.
Décentralisation - Autonomie financière des collectivités territoriales - Examen du rapport pour avis
Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'examen du projet de loi organique n° 314 (2003-2004), pris en application de l'article 72-2 de la Constitution, relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales, sur le rapport de M. Michel Mercier, rapporteur pour avis.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a indiqué que les amendements qu'il proposait à la commission étaient, à l'exception d'un amendement rédactionnel, identiques à ceux présentés au même moment, devant la commission des lois, par M. Daniel Hoeffel, rapporteur au nom de cette commission. Il a souligné que le projet de loi organique était nécessaire à l'application du troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, résultant de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République. Il a rappelé que, selon cet alinéa, les ressources propres des collectivités territoriales représentaient, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. Il a estimé que l'importance accordée par les élus locaux à l'autonomie financière des collectivités territoriales provenait, en grande partie, de leur faible autonomie de gestion. Il a indiqué que le projet de loi organique comportait quatre articles, les deux premiers définissant respectivement les notions de catégories de collectivités territoriales et de ressources propres, le troisième définissant les notions d'« ensemble des ressources » et de « part déterminante », et le quatrième fixant les modalités de mise en oeuvre de la garantie.
Il a considéré que l'article qui posait le plus de difficultés était l'article 2, relatif à la définition des ressources propres. Il a estimé que les élus locaux et le gouvernement n'avaient pas la même conception de celles-ci, les premiers les définissant, dans le cas des ressources fiscales, par la possibilité de fixer l'assiette ou le taux, alors que le gouvernement les assimilait aux impositions de toutes natures, y compris les impôts d'Etat partagés avec les collectivités territoriales sur lesquelles ces dernières ne disposaient d'aucune faculté de modulation. Soulignant le faible nombre d'impôts susceptibles d'être intégralement transférés de l'Etat aux collectivités territoriales, il a envisagé la mise en place d'une « co-responsabilité fiscale », par le transfert partiel d'impôts d'Etat aux collectivités territoriales, sur le modèle de ce qui se faisait en Espagne.
Il a donc proposé à la commission d'adopter deux amendements, le premier tendant à prévoir que les ressources propres étaient constituées du produit des impositions de toutes natures, dont la loi autorisait les collectivités territoriales à fixer l'assiette, le taux ou le tarif, et le second ayant pour objet de prévoir que la part des ressources propres dans l'ensemble des ressources des différentes catégories de collectivités territoriales ne pourrait descendre en dessous de 33 %. Il a envisagé, en outre, d'exclure les dégrèvements des ressources propres.
Un large débat s'est alors instauré.
En réponse aux interrogations de MM. Yann Gaillard, Yves Fréville et Jean-Philippe Lachenaud, M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a indiqué que les ressources propres ainsi définies excluraient, en particulier, dans le cas des départements, la fraction de tarif de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), dont les départements ne pouvaient fixer ni l'assiette, ni le taux. Il a en revanche estimé que la taxe sur les conventions d'assurance, qui devait prochainement être transférée aux départements, constituerait une ressource propre, selon la définition qu'il proposait de retenir, dès lors qu'ils pourraient en moduler le taux.
M. Jean Arthuis, président, a considéré que la taxe sur les conventions d'assurance ne pourrait constituer une ressource propre que si les compagnies d'assurance parvenaient à en localiser les bases. Il a en outre jugé que l'article 72-2 de la Constitution était d'application délicate.
M. Aymeri de Montesquiou, en revenant aux principes mêmes de la décentralisation, a estimé que le renforcement de la démocratie locale était un enjeu essentiel de la réforme des finances locales et impliquait une responsabilité fiscale des élus locaux.
M. Paul Girod s'est demandé si l'amendement proposé par le rapporteur pour avis relatif à la définition des ressources propres impliquait de considérer un impôt comme une ressource propre, dès lors que la loi autoriserait uniquement les collectivités territoriales à en réduire l'assiette, auquel cas cet amendement risquait, selon lui, de perdre une grande partie de sa portée. Il s'est, en outre, interrogé sur l'opportunité de fixer la part minimale des ressources propres à 33 %, ce taux présentant, selon lui, le double inconvénient d'être peu élevé et identique pour toutes les catégories de collectivités territoriales.
M. Jean-Philippe Lachenaud a souhaité savoir si la position de la commission des finances était compatible avec celles du gouvernement et de la commission des lois, et a estimé que l'article 72-2 de la Constitution était loin d'être parfait. Il a déclaré partager les interrogations de M. Paul Girod sur le taux minimal de ressources propres de 33 % pour l'ensemble des catégories de collectivités territoriales, craignant, en particulier, que le Conseil constitutionnel ne considère qu'un tel taux soit contraire à la libre administration des collectivités territoriales.
En réponse, M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a indiqué que les amendements proposés étaient identiques à ceux présentés, au même moment, devant la commission des lois par M. Daniel Hoeffel, rapporteur au nom de cette commission. Il a jugé que ces amendements pourraient ne pas obtenir l'accord du gouvernement. Il a estimé que si le taux-plancher de 33 % pourrait être modulé selon les catégories de collectivités territoriales, il devait être nettement inférieur aux taux actuellement observés, afin de ne pas empêcher des réformes ultérieures de la fiscalité locale. Il a en outre déclaré que l'amendement qu'il proposait dans le cas de la définition des ressources propres était peu restrictif, puisque, pour qu'un impôt soit considéré comme une ressource propre, il suffirait que les collectivités territoriales puissent en modifier l'assiette ou le taux, même si c'était seulement à la baisse.
M. Yves Fréville a jugé que la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République plaçait le Sénat dans une situation délicate, compte tenu des difficultés de mise en oeuvre du nouvel article 72-2 de la Constitution. Il a estimé qu'un impôt localisé devait être considéré comme une ressource propre, même si son taux était fixe. Il a souligné les limites de la définition des ressources propres proposée par le rapporteur pour avis, dans la mesure où la possibilité qu'auraient les collectivités territoriales de réduire l'assiette ou le taux d'un impôt ne favoriserait pas forcément leur libre administration. Il a jugé que les dégrèvements devaient être exclus des ressources propres, afin de ne pas compliquer la mise en oeuvre des réformes de la fiscalité locale et en particulier, la prochaine réforme de la taxe professionnelle.
En réponse, M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a souligné que si le deuxième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution permettait aux collectivités territoriales de recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures, seul le troisième alinéa se référait explicitement aux ressources propres, ce qui impliquait, selon lui, que les impositions de toutes natures n'étaient pas toutes des ressources propres.
M. François Marc a estimé que la référence, par l'article 72-2 de la Constitution et par le projet de loi organique, aux catégories de collectivités territoriales, et non aux collectivités territoriales elles-mêmes, avait l'inconvénient de ne pas prendre en compte les disparités au sein d'une même catégorie. Il a en outre considéré qu'il n'était pas possible de se prononcer en connaissance de cause sur le projet de loi organique, faute de vision d'ensemble de la réforme des finances locales.MM. François Marc et Michel Moreigne ont considéré que, la péréquation ne pouvant pas être mise en oeuvre au travers des impôts dont les collectivités territoriales fixeraient l'assiette ou le taux, le projet de loi organique rendait difficile un renforcement de la péréquation.
En réponse, M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a indiqué que le projet de loi organique ne pouvait aborder les sujets évoqués par M. François Marc, l'article 72-2 de la Constitution fixant pour seul objet à la loi organique de déterminer les conditions de mise en oeuvre de son troisième alinéa. Il a ajouté que si le seuil minimal de ressources propres qu'il proposait d'instaurer était inférieur aux taux actuellement pratiqués, c'était notamment pour permettre le développement de dispositifs de péréquation.
M. Roger Karoutchi a estimé que la fixation de ce seuil à 33 % empêcherait le transfert aux régions de compétences supplémentaires, le taux actuellement pratiqué par les régions étant en moyenne de l'ordre de 36 %. Il en a déduit que ce seuil devait être modulé selon les catégories de collectivités territoriales. M. Roland du Luart a souhaité connaître l'état de la discussion avec le gouvernement.
En réponse, M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a considéré que, dans le cas des régions, ce taux de 36 % devait prochainement augmenter, le gouvernement ayant indiqué qu'elles pourraient voter le taux de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP). Il a en outre indiqué qu'il avait examiné plusieurs pistes avec le gouvernement, parmi lesquelles la fixation de deux planchers distincts, l'un concernant le taux d'autonomie financière, l'autre relatif au taux d'autonomie fiscale, ainsi que la possibilité de recourir à la notion d'assiette localisable, proposée par M. Yves Fréville.
Il a toutefois considéré que la localisation de l'assiette des impositions ne constituait pas un critère pleinement satisfaisant, compte tenu de leur inégale répartition, s'agissant par exemple de la TIPP.
M. Jean-Philippe Lachenaud a indiqué qu'il partageait l'analyse du rapporteur pour avis s'agissant de la distinction entre le deuxième et le troisième alinéas de l'article 72-2 de la Constitution, rappelant toutefois que le projet de loi organique avait pour objet de fixer la « part déterminante » des ressources propres prévue au troisième alinéa.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a salué les propositions constructives du rapporteur pour avis et souligné, pour s'en féliciter, l'unité de vues entre les rapporteurs des deux commissions.
Il a indiqué qu'il avait obtenu de la Commission européenne l'information selon laquelle, pour la fraction de TIPP que le gouvernement envisageait d'attribuer aux régions, seule pourrait être modulée la part non professionnelle de la consommation de carburant, soit environ un quart du total.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que le seuil minimal de ressources propres proposé par le rapporteur pour avis, de 33 %, était trop bas, et devrait être modulé par catégorie de collectivités territoriales. Il s'est, en outre, demandé si l'amendement tendant à définir les ressources propres comme le produit des impositions de toutes natures dont la loi autorisait les collectivités territoriales à fixer l'assiette, le taux ou le tarif, permettrait la « co-responsabilité fiscale », par le transfert partiel d'impôts d'Etat, que le rapporteur pour avis appelait de ses voeux. Jugeant nécessaire de parvenir à une unité de vues avec le gouvernement et avec la commission des lois, il a estimé que la commission n'était pas encore en mesure de se prononcer définitivement sur les amendements proposés par le rapporteur pour avis.
En réponse, M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a rappelé qu'il proposait de fixer le seuil minimal de ressources propres à 33 %, pour conserver des marges de manoeuvre en matière de réforme de la fiscalité locale. Il a confirmé que ce seuil pouvait, selon lui, être modulé par catégorie de collectivités territoriales.
Au vu des différentes interventions, M. Jean Arthuis, président, a considéré que la commission ne pouvait pas encore se prononcer sur le projet de loi organique. Il a exprimé ses réserves quant à la référence éventuelle à un seuil chiffré de ressources propres, craignant qu'il n'en découle une rigidité excessive. Il a estimé que l'objectif poursuivi lors du vote de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, qui était de permettre aux collectivités territoriales d'être essentiellement financées par des impôts dont elles pourraient moduler le taux, était difficilement réalisable, compte tenu du faible nombre d'impôts susceptibles de leur être transférés. Il s'est interrogé sur la possibilité d'améliorer, de manière significative, le projet de loi organique, et a jugé que la commission devrait donc veiller à adopter des positions identiques à celles de la commission des lois.
La commission a alors décidé de reprendre l'examen du projet de loi organique lors de sa réunion de l'après-midi.
Contrôle budgétaire - Mission en Mauritanie, Sénégal, Mali et Côte d'ivoire du 10 au 23 février 2004 - Communication
Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a entendu une communication de M. Michel Charasse, rapporteur spécial, sur la mission qu'il a effectuée en Mauritanie, au Sénégal, au Mali et en Côte d'Ivoire du 10 au 23 février 2004.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial, a tout d'abord rappelé que la politique étrangère de la France demeurait une prérogative du pouvoir exécutif, et que le contrôle parlementaire de ce domaine d'action gouvernemental ressortissait, en premier lieu, aux commissions des affaires étrangères et de la défense de chaque assemblée. En tant que rapporteur spécial de la commission des finances, sa mission ne consistait donc pas à porter un jugement sur l'opportunité de cette politique, mais sur la régularité de sa mise en oeuvre budgétaire, et plus particulièrement des crédits de coopération de l'ensemble des ministères.
Parmi les difficultés qu'il avait relevées dans les quatre pays et qui justifiaient que son rapport comporte une partie intitulée « observations communes », il a souligné la situation d' « étranglement budgétaire » du Fonds de solidarité prioritaire (FSP). Il a rappelé que le Président de la République, en rupture avec le gouvernement précédent, avait inscrit parmi les priorités gouvernementales un relèvement sensible du montant de l'aide au développement, qui devait atteindre un objectif de 0,5 % du PIB d'ici 2005, et qui s'était effectivement traduit par une hausse des autorisations de programme en 2002 et 2003, au profit notamment du FSP. Il a néanmoins déploré que les crédits de paiement n'aient pas suivi la même évolution, et que le Quai d'Orsay ne se soit pas montré capable de gérer cette discordance croissante entre autorisations de programme et crédits de paiement. Il en est résulté une situation de cessation de paiements, particulièrement prononcée au Sénégal, se traduisant par l'accumulation en 2003 de factures impayées au titre des projets en cours, et par l'arrêt de nombreuses actions de coopération. Il a ajouté que les crédits de paiement notifiés début 2004 seraient très majoritairement ou totalement absorbés par l'acquittement de ces impayés et des engagements correspondant au maintien a minima des projets existants, empêchant le financement de tout nouveau projet programmé au titre de 2004.
Selon M. Michel Charasse, rapporteur spécial, la complexité de cette situation budgétaire était aggravée par le double régime comptable transitoire affectant la gestion des projets, l'Agence française de développement (AFD) demeurant le payeur des projets initiés sous « l'ancien régime » du Fonds d'aide et de coopération (projets dits « hors réforme »), tandis que les dépenses afférentes aux projets du FSP étaient, depuis 2001 et selon une montée en puissance progressive, acquittées par le réseau du Trésor public à l'étranger. Il a indiqué que ce régime complexe avait donné lieu à des incohérences en Côte d'Ivoire : 900.000 euros avaient été notifiés en octobre 2003 pour des projets « en réforme » mais avaient dû être restitués quelques semaines plus tard faute de projets vivants, alors qu'il manquait une somme équivalente à l'AFD pour acquitter des factures au titre des projets « hors réforme ».
M. Michel Charasse, rapporteur spécial, a précisé que les autorités locales se montraient de plus en plus conscientes des défaillances budgétaires de la France, et que le fait que notre pays ne soit pas en mesure de respecter ses engagements financiers l'avait, en particulier, placé dans une posture inconfortable lors de son entretien avec M. Abdoulaye Wade, Président de la République du Sénégal. Il s'est néanmoins félicité de ce que M. Jacques Chirac, qui avait été notamment sensibilisé par un courrier qu'il lui avait adressé au cours de sa mission, ait obtenu que les crédits d'aide publique au développement soient « sanctuarisés » dans les mesures de régulation budgétaire, et que le FSP bénéficie d'un abondement de 50 millions d'euros de crédits de paiement, par voie de prélèvement sur les résultats de l'AFD.
Au-delà de ce soulagement temporaire, il importait, selon lui, que le Quai d'Orsay accomplisse d'importants efforts de rigueur et de recentrage de ses priorités, et que les services centraux d'une Direction générale de la coopération et du développement devenue « ingouvernable » fassent preuve de moins de désinvolture, alors même que la coopération française était aujourd'hui confrontée à un contexte beaucoup plus concurrentiel et à la prééminence de nouveaux bailleurs bilatéraux dans sa sphère traditionnelle d'influence. Il a relevé l'exemple de la gestion des missions de coopération militaire et de défense, dont les dotations avaient beaucoup décru au cours des dernières années, mais qui s'étaient attachées à rénover leurs priorités en préservant les actions de formation, et partant, la visibilité comme l'influence de la France dans ce domaine. Il a également dénoncé l' « acharnement thérapeutique » des services de coopération et d'action culturelle (SCAC) sur certains projets anciens et dont l'état d'avancement était peu satisfaisant, et a considéré que les SCAC devaient, à cet égard, faire montre de davantage de sévérité, en annulant les projets dont les taux de décaissement étaient durablement faibles. Il a, en outre, admis que le ministère des affaires étrangères ne devait pas nécessairement être soustrait aux mesures de régulation budgétaire, mais que ces dernières ne devaient pas contribuer à mettre en péril les engagements de la France.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial, a constaté que l'AFD, en tant qu'établissement de crédit, n'était pas confrontée à la même crise de trésorerie, du fait de la plus grande diversité de ses ressources et de sa capacité de refinancement sur le marché, et a souligné la situation spécifique de l'Agence en Côte d'Ivoire, dont la mise sous sanctions internationales et l'application de la « doctrine d'Abidjan » depuis 2000 contribuaient à suspendre la grande majorité des concours que l'AFD lui octroie. Il résultait notamment de ces sanctions que les nécessaires travaux de modernisation du réseau d'adduction d'Abidjan, dont la situation sanitaire devenait très préoccupante et dont près du tiers de la population n'avait pas accès à l'eau potable, ne pouvaient être entrepris. Il s'est félicité de ce que l'Agence ait mis en oeuvre une démarche structurée et rigoureuse d'évaluation interne de ses projets, et a souhaité que ces notations lui soient systématiquement communiquées lors de ses prochaines missions. Cette démarche pouvait, selon lui, utilement inspirer les SCAC, qui disposaient également d'une notation interne, mais selon des critères moins précis.
Il a déploré que les universités françaises assimilent trop souvent la coopération à une « agence de voyages » et sollicitent auprès des SCAC le financement de missions dont l'intérêt pour les pays hôtes était parfois réduit, et a indiqué qu'il avait à plusieurs reprises constaté que de tels financements étaient accordés sans que figurent dans les dossiers de paiements des pièces justificatives essentielles, telles que le compte rendu de mission des universitaires concernés. Il a exprimé le voeu que les postes fassent preuve d'une plus grande rigueur, et n'hésitent pas à alerter la hiérarchie universitaire le cas échéant.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial, a estimé que la capacité d'absorption de l'aide par les pays récipiendaires était souvent insuffisante au regard des moyens mis en oeuvre par les bailleurs, et entravée par les lacunes d'une administration locale mal organisée et manquant de moyens. Il a souligné les progrès récemment accomplis par l'Union européenne s'agissant des versements annuels d'aide, et a indiqué que les délégations européennes devraient, dans chaque pays, pouvoir disposer d'une « réserve d'urgence » susceptible d'être mobilisée immédiatement pour des actions ponctuelles. Il a enfin évoqué l'inégale qualité des prestations effectuées par un bureau d'étude pour l'AFD, et la relative concentration de l'offre qui rendait difficile une diversification des prestataires.
Il a ensuite évoqué certaines caractéristiques propres à chacun des quatre pays qui avaient fait l'objet de la mission. S'agissant de la Mauritanie, il a souligné le volume considérable d'aide publique au développement (qui représentait le quart du PIB) et d'annulations de dettes dont ce pays avait bénéficié - trop rapidement aux yeux de certains bailleurs - et qui se traduisait au plan bilatéral par la mise en oeuvre d'un contrat de désendettement-développement avec la France, l'arrivée à échéance en 2006 de l'accord de pêche signé avec l'Union européenne, et les espoirs nés de l'exploitation de la rente pétrolière à compter de 2005, au sujet de laquelle il s'était permis de formuler certaines recommandations à ses interlocuteurs mauritaniens, afin d'éviter qu'ils ne reproduisent les erreurs commises par d'autres Etats africains. Rappelant que la coopération française se montrait souvent trop polyvalente et mal hiérarchisée sur le continent africain, il a néanmoins relevé le désengagement de la coopération française de certains secteurs jugés non prioritaires en Mauritanie, et les difficultés subsistant sur certains projets du FSP. Il a également évoqué les doléances formulées par les entrepreneurs français, notamment au regard des fluctuations de change et de la concurrence déloyale née des exportations clandestines en Europe de produits de la pêche ne répondant pas aux normes sanitaires, ainsi que l'examen sur pièces auquel il avait procédé et qui portait sur un marché de 20 kilomètres de voirie, contracté par l'AFD.
Abordant le contrôle qu'il avait réalisé au Sénégal, il a présenté la réorganisation de la présence culturelle de la France et plaidé pour que le futur institut franco-sénégalais soit baptisé du nom de « Académicien Léopold Sédar Senghor ». Il a également évoqué la possibilité de renforcer l'équipement de l'hôpital principal de Dakar, qui demeurait dirigé par un médecin-général français et faisait figure d'établissement de référence dans l'ensemble de la région. Il a ainsi déploré le manque de clarté des objectifs, méthodologies et résultats des recherches menées à Dakar par l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), ainsi que les pratiques contestables de l'AFD dans l'attribution des avant-projets sommaires et avant-projets définitifs.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial, a conclu par un aperçu de la situation spécifique de la Côte d'Ivoire, où la crise politico-militaire avait provoqué une interruption de nombre d'actions de coopération de la France. Il a insisté sur le fait que la reprise des relations de l'Etat ivoirien avec les institutions financières internationales était largement conditionnée par l'établissement d'une réelle transparence sur les importants flux financiers - environ 210 milliards de francs CFA selon les conclusions d'un audit réalisé à la demande des bailleurs internationaux - nés des prélèvements sur la filière stratégique du café et du cacao, et dont l'utilisation demeurait inexpliquée. Il a également fait part de sa vive inquiétude quant aux perspectives d'application des accords de Linas-Marcoussis et de désarmement effectif des soldats de la zone nord, et a salué l'efficacité et le rôle déterminant des troupes françaises de l'opération Licorne.
Un large débat s'est alors instauré.
Au vu de la présentation ainsi faite, M. Jean Arthuis, président, s'est demandé comment il convenait d'apprécier l'efficacité réelle de la coopération française en Afrique, et a exprimé le souhait que M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie, puisse être prochainement auditionné par la commission.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial, a indiqué qu'il n'avait pas relevé de sources importantes de gaspillage ou de manquements graves à la réglementation financière et comptable lors de ses dernières missions, mais que le rapport coût-efficacité était parfois insuffisant. Il a également approuvé le principe d'une audition par la commission de M. Xavier Darcos.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a constaté que la rigueur budgétaire demeurait nécessaire et que si la parole de la France était malheureusement parfois remise en question, l'aide au développement n'en apparaissait pas moins dispersée et sans vraies priorités. Il a également reconnu que l'aide au développement pouvait constituer un « alibi pratique » pour des utilisateurs français, sans que l'on sache vraiment dans quelle mesure leurs interventions servaient le développement. Il s'est dès lors demandé si la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) ne constituait pas le cadre approprié pour promouvoir des indicateurs pertinents des performances et de l'efficacité de la coopération française. Il a relevé, en outre, que les ressortissants français en Côte d'Ivoire étaient de plus en plus susceptibles d'être pris en otage dans un climat croissant de crise, et que les méthodes de négociation proposées par le gouvernement en place n'étaient pas acceptables pour notre pays. Il convenait dès lors de s'interroger, selon lui, sur les moyens économiques d'influence propres à faciliter un règlement de la situation.
En réponse, M. Michel Charasse, rapporteur spécial, a indiqué que la LOLF fournirait effectivement un cadre approprié pour assurer un meilleur suivi des performances de l'aide publique au développement, et qu'il devrait être possible d'accentuer la surveillance de certaines rubriques budgétaires. S'agissant de la communauté française en Côte d'Ivoire, il a indiqué que la quasi-totalité de nos ressortissants étaient à présent à Abidjan, mais que tous n'entretenaient pas nécessairement de mauvaises relations avec le pouvoir en place. Il a ajouté que les moyens de pression d'ordre économique dont disposait la France demeuraient limités, compte tenu de l'application déjà effective des sanctions et de l'influence déterminante des bailleurs multilatéraux. Il a enfin regretté que la France ait failli dans son soutien aux anciens combattants natifs de Côte d'Ivoire, dans la mesure où 1.300 d'entre eux, soit plus du tiers des pensionnés, ne percevaient pas leur pension de l'Etat français, faute de pouvoir se déplacer à la paierie ou de fournir les pièces justificatives.
M. Yann Gaillard a fait référence à une mission qu'il avait réalisée en Côte d'Ivoire en 1999 dans le cadre du groupe d'amitié France-Afrique de l'ouest, au cours de laquelle il avait déjà été conduit à redouter une dégradation de la situation. Il a fait part de sa grande inquiétude sur l'évolution actuelle, et a considéré que la France adoptait une attitude trop passive, susceptible de faire courir de grands risques à sa réputation dans la région.
M. Jacques Baudot a indiqué que les propos de M. Michel Charasse l'incitaient à la prudence et à l'attentisme concernant la mise en oeuvre d'un projet de construction d'un parc d'exposition à Abidjan, auquel le conseil général de Meurthe-et-Moselle devait participer.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a rappelé qu'un journaliste français avait disparu en Côte d'Ivoire dans des circonstances troublantes.
M. Michel Mercier s'est demandé si la crise en Côte d'Ivoire et dans d'autres pays francophones n'était pas révélatrice d'une rupture dans la formation des élites locales, qui tendaient à se tourner davantage vers les établissements anglo-saxons, en particulier, depuis la mise en place d'une politique plus restrictive de visas.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial, a considéré que la stratégie de la France en Côte d'Ivoire n'était pas claire, et que les restrictions sur les visas avaient effectivement exercé un impact négatif sur la formation en France des élites africaines, mais que les flux d'étudiants avaient lentement repris depuis les assouplissements permis il y a 3 ans. Il a néanmoins reconnu que les nouvelles générations de dirigeants n'avaient souvent plus les mêmes affinités intellectuelles avec la France que par le passé. Il a enfin corroboré les propos de M. Maurice Blin, qui estimait que dans les pays déstructurés et sans avenir, la présence parfois importante de l'armée française permettait encore d'assurer un minimum d'ordre et de service publics.
La commission a alors donné acte à M. Michel Charasse, rapporteur spécial, de sa communication.
Décentralisation - Autonomie financière des collectivités territoriales - Suite de l'examen du rapport pour avis
La commission a ensuite repris l'examen du projet de loi organique n° 314 (2003-2004), pris en application de l'article 72-2 de la Constitution, relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales, sur le rapport de M. Michel Mercier, rapporteur pour avis.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a indiqué que la commission des lois, réunie le matin même, avait adopté plusieurs amendements identiques à ceux qu'il avait lui-même alors proposés à la commission, tendant notamment à prévoir respectivement que les ressources propres étaient constituées du produit des impositions de toutes natures dont la loi autorisait les collectivités territoriales à fixer l'assiette, le taux ou le tarif, et que la part des ressources propres dans l'ensemble des ressources des différentes catégories de collectivités territoriales ne pourrait descendre en dessous de 33 %.
MM. Jean Arthuis, président, et Philippe Marini, rapporteur général, ont alors estimé que, dans un souci d'efficacité, la commission devait donc adopter une position identique à celle de la commission des lois.
M. François Marc a indiqué que, s'il était favorable à l'amendement définissant les ressources propres, il était défavorable à celui relatif au seuil de 33 %.
Puis la commission a procédé à l'examen des amendements présentés par M. Michel Mercier, rapporteur pour avis.
A l'article premier (définition de la notion de catégorie de collectivités territoriales), la commission a adopté un amendement de précision rédactionnelle.
A l'article 2 (définition de la notion de ressources propres), la commission a adopté à l'unanimité un amendement prévoyant que les ressources propres étaient constituées du produit des impositions de toutes natures dont la loi autorisait les collectivités territoriales à fixer l'assiette, le taux ou le tarif.
A l'article 3 (définition des notions d'« ensemble des ressources » et de « part déterminante »), la commission, après les interventions de MM. Paul Girod et Yves Fréville, a adopté deux amendements, le premier tendant à exclure les flux financiers entre collectivités territoriales ou entre communes et établissements publics de coopération intercommunale au titre d'un transfert expérimental ou d'une délégation de compétences du dénominateur du ratio d'autonomie financière des différentes catégories de collectivités territoriales, et le second ayant pour objet de prévoir que la part des ressources propres dans l'ensemble des ressources des différentes catégories de collectivités territoriales, définie à l'article 2, ne pourrait descendre en dessous de 33 %.
A l'article 4 (mécanisme de mise en oeuvre de la garantie), la commission a adopté trois amendements, le premier ayant pour objet d'avancer du 1er septembre au 1er juin de la deuxième année suivant l'année de référence le délai de remise du rapport du gouvernement au Parlement présentant le taux d'autonomie financière des collectivités territoriales, le deuxième prévoyant que le rapport du gouvernement au Parlement devait présenter les parts des ressources propres dans l'ensemble des ressources des différentes catégories de collectivités territoriales, ainsi que ses modalités de calcul et son évolution, le troisième étant rédactionnel.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a rappelé qu'à l'exception de ce dernier amendement de nature rédactionnelle, tous les amendements qui venaient d'être adoptés par la commission des finances étaient identiques à ceux adoptés le matin même par la commission des lois.
La commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption de l'ensemble du projet de loi organique ainsi amendé.