Table des matières




- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Budget 2003 - Exécution - Communication



La commission a entendu une communication de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur l'exécution du budget pour 2003.

En préambule, M. Jean Arthuis, président, a indiqué que cette communication correspondait au souci constant de la commission des finances de développer la fonction de contrôle de l'exécution des textes votés par le Sénat, et en premier lieu, du budget. Il a donc salué la manière transparente, conforme à la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, dont le gouvernement avait procédé pour prendre ses mesures de régulation budgétaire.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite présenté le nouveau contexte macro-économique où s'inscrivait l'exécution du budget 2003. Il a déclaré que la croissance pour 2003, revue désormais à la baisse par le gouvernement, à 1,3 %, dépendrait du moment de l'année où interviendrait le retournement de conjoncture, et donc la reprise. Il a observé qu'il fallait mettre en perspective cette prévision de croissance avec les incertitudes liées à la crise irakienne et les phénomènes de défiance constatés sur les marchés financiers. Il a expliqué que la perte de recettes fiscales correspondant à la décélération de la croissance serait, en 2003, de l'ordre de 4,2 milliards d'euros, à hypothèse d'élasticité inchangée. Il a souligné que la révision à la baisse de la prévision de croissance aurait également des conséquences automatiques sur certains postes de dépenses liés à la politique de l'emploi et de solidarité du gouvernement, celui-ci ayant déjà annoncé une « rallonge budgétaire » de 300 millions d'euros correspondant à une relance du contrat initiative emploi, à une augmentation du nombre de contrats emploi-solidarité et à un renforcement du dispositif Eden, qui apporte une aide, sous forme de prime et d'un « droit de tirage » sur des prestations de conseil ou d'accompagnement, aux personnes en difficulté. Il a souligné que, si la nouvelle hypothèse de déficit des administrations publiques, issue de la révision des perspectives économiques, de 3,4 % contre 2,9 % dans le projet de loi de finances initiale, semblait offrir des marges de manoeuvre budgétaires de l'ordre de 7,5 milliards d'euros, celles-ci risquaient d'être, en réalité, préemptées par les régimes sociaux. Il a noté par ailleurs qu'un deuxième critère du pacte de stabilité serait dépassé en 2003 et 2004, puisque le taux d'endettement public serait supérieur à 60 % du PIB, comme la commission des finances l'avait prévu à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2003.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a noté que le gouvernement avait réagi rapidement face à la dégradation de la situation économique et budgétaire en prenant, dès le 4 février, des mesures de gel de crédits, d'un montant de 4 milliards d'euros et en annulant par décret, le 14 mars, une partie de ces crédits, à concurrence de 1,4 milliard d'euros. Il a expliqué que ces mesures de régulation budgétaire respectaient les priorités du gouvernement, certaines lignes budgétaires (sécurité routière, lutte conte le cancer, action dans le domaine du handicap) étant sanctuarisées et une partie des dépenses liées aux autres priorités gouvernementales (aide publique au développement, sécurité, justice, défense) étant gagées pour faire face à des dépenses supplémentaires éventuelles. Il s'est félicité que le gel et les annulations de crédits s'efforcent de ne pas faire peser l'effort uniquement sur les crédits d'investissement, relevant que les mesures de régulation budgétaire concernaient plus les dépenses de fonctionnement et d'intervention que l'investissement. Pour les annulations de crédit, qui représentent plus de 36 % des crédits gelés, mais seulement 0,52 % des crédits votés en loi de finances initiale, il a indiqué que les efforts pesant sur les différents ministères étaient inégalement répartis, le ministère de la culture étant même, pour le moment, totalement épargné par les annulations. En revanche, le pourcentage de dépenses annulées par rapport à la dotation initiale atteint presque 7 % sur les crédits de l'outre-mer et de l'aménagement du territoire.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a tiré deux enseignements du dispositif mis en place par le gouvernement pour maîtriser les dépenses, dans un contexte économique général incertain.

Il a souligné, d'une part, que les mesures prises par le gouvernement confirmaient l'opportunité des premières mesures d'économie adoptées par la commission des finances lors du vote du budget 2003, à hauteur de 30 millions d'euros. Il a remarqué que si ces économies apparaissaient limitées, leur utilité avait été justifiée a posteriori par les annulations de crédit du gouvernement, qui touchaient souvent, dans des proportions plus importantes, les mêmes chapitres budgétaires. Citant les cas du ministère de la santé, avec la mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie, et de l'aide au développement, il a relevé que les réticences exprimées au cours de la discussion budgétaire, tant par les ministres que par certains parlementaires, face à certains amendements ciblés de réduction de crédit, n'avaient pas eu, en réalité, de justification, puisque des annulations de crédits bien plus significatives avaient été prises, sur les mêmes chapitres, par le gouvernement, sans que le fonctionnement des services concernés soit profondément remis en cause.

Il a, d'autre part, appelé de ses voeux une action particulière sur les ressources humaines de l'Etat et une maîtrise structurelle de la dépense, qui permettrait de retrouver des marges de manoeuvre conjoncturelles. Il a ainsi considéré que la question du taux de remplacement des fonctionnaires partant à la retraite devait être posée, marquant sa préférence pour un taux de remplacement de 50 %.

Un large débat s'est ensuite engagé.

M. Yves Fréville a souligné les similitudes de la crise actuelle avec celle de 1992. Il a remarqué que si la période actuelle bénéficiait de taux d'intérêt plus bas qu'en 1992, le déficit structurel des administrations publiques était, lui, deux fois plus élevé. Il a souligné que les nombreux départs à la retraite au cours des prochaines années augmenteraient mécaniquement le nombre de personnes payées par l'Etat, évoquant, à ce titre, des « créations d'emplois de retraités ». Il a invité la commission à étudier les pistes d'économies que pourrait receler la masse des crédits d'intervention.

M. Maurice Blin a également mis en exergue la croissance des charges de retraite. Il a appelé de ses voeux une action européenne concertée pour faire face aux difficultés conjoncturelles actuelles.

M. Gérard Miquel a fait part de sa crainte que la décentralisation n'entraîne un fort transfert de charges au dépens des collectivités locales. Il a déploré la politique de baisse de l'impôt sur le revenu engagée par le gouvernement, la jugeant peu efficace pour relancer l'activité économique.

M. Yann Gaillard a indiqué que les crédits du ministère de la culture n'avaient fait l'objet d'aucune mesure d'annulation, mais qu'une partie significative de ceux-ci avait cependant été gelée. Abordant la question de la décentralisation, il s'est montré confiant dans la capacité des collectivités locales à gérer certains domaines d'action culturelle relevant aujourd'hui de l'Etat, comme la protection des monuments historiques.

M. Roland du Luart a relevé que les crédits de l'outre-mer, qui n'avaient pu être frappés de mesures d'économie à l'occasion de la discussion, par le Sénat, du projet de loi de finances pour 2003, en raison de l'opposition du ministère et de certains parlementaires, avaient fait l'objet de mesures d'annulations très importantes par le décret du 14 mars 2003. Il s'est par ailleurs inquiété du niveau et de la progression des dépenses sociales de l'Etat.

M. Jacques Oudin a appelé à une relance européenne par la mise en place de projets d'infrastructure. Il a souligné, lui aussi, la nécessité d'adopter, pour les régimes sociaux, la même politique de maîtrise des dépenses que pour le budget de l'Etat.

M. Bernard Angels s'est montré sceptique quant à l'influence que pourrait avoir la baisse de 6 % de l'impôt sur le revenu sur la consommation des ménages. Il a indiqué que les inquiétudes inspirées par l'état des régimes sociaux étaient dues à la dégradation des conditions économiques, mais aussi, pour une part, s'agissant des dépenses de santé, au relèvement des honoraires des médecins.

M. Joël Bourdin a souhaité que la Banque centrale européenne puisse avoir une politique monétaire plus audacieuse. Il n'a en effet pas écarté, pour la France, l'hypothèse d'une déflation.

Mme Marie-Claude Beaudeau a rappelé, en ce qui concerne les crédits du ministère de la santé, l'intérêt de la mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie. Elle a souligné le paradoxe consistant à essayer de réformer l'impôt de solidarité sur la fortune dans une période de difficulté économique. Elle a jugé l'hypothèse de croissance du gouvernement pour 2004 trop élevée et souhaité savoir à partir de quel taux d'annulation de crédits un collectif budgétaire était juridiquement indispensable.

M. Paul Girod a observé, citant les crédits liés à l'amélioration de l'habitat, que les annulations de crédits dont ils avaient fait l'objet n'avaient pas véritablement nui à la politique gouvernementale dans le domaine. Il s'est interrogé sur la pertinence d'un transfert des personnels des directions départementales de l'équipement aux conseil généraux, en cas de transfert, aux départements, de la gestion des routes nationales.

M. Philippe Adnot a relevé que les mesures de régulation budgétaires actuelles incitait les services déconcentrés de l'Etat à se tourner vers les collectivités locales pour faire financer des projets qui relevaient pourtant de leur compétence.

M. Jacques Baudot a souhaité, en ce qui concerne l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), que contribuent financièrement, en partie, les personnes âgées disposant des ressources suffisantes.

En réponse aux différents intervenants, M. Philippe Marini a souhaité que soit menée une analyse comparative entre la situation économique actuelle et celle de 1992. Il a indiqué qu'il lui paraissait nécessaire que soit élaborée, au niveau européen, une réponse conjointe à la crise, à partir d'une initiative structurelle franco-allemande affichant des objectifs communs, notamment en matière de politique fiscale et d'harmonisation du marché du travail. Il a rappelé, en ce qui concerne le lancement d'un programme d'infrastructures européen financé par l'emprunt, qu'il devrait être gagé par des recettes futures. Il a fait état, par ailleurs, du coût de l'élargissement, pour les finances publiques européennes, estimé à 40 milliards d'euros.

Il a ensuite souligné l'intérêt de la baisse de l'impôt sur le revenu de 6 % en termes économiques, en remarquant que les ressources dégagées par les ménages permettaient soit à travers la consommation, de soutenir l'activité, soit à travers l'épargne, de financer les entreprises et qu'il s'agissait donc, en ce dernier cas, d'une mesure particulièrement opportune. 

Il a enfin relevé que la diminution des crédits du budget de l'outre-mer risquait d'être compensée par des dépenses fiscales supplémentaires et a appelé, tout en insistant sur la nécessité d'une politique efficace de lutte contre la toxicomanie, à une réforme des structures dans ce domaine.