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- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Economie - Audition de M. Jean-Paul Betbeze, directeur des études économiques et financières du Crédit Lyonnais, et de M. Jean-Paul Fitoussi, président de l'Observatoire français des conjonctures économiques

La commission a procédé à l'audition deM. Jean-Paul Betbeze, directeur des études économiques et financières du Crédit Lyonnais, et de M. Jean-Paul Fitoussi, président de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), sur lasituation économique.

M. Jean Arthuis, président
, après avoir rappelé le contexte dans lequel s'inscrivait une telle audition, a indiqué que les conjoncturistes prévoyaient désormais une croissance de l'économie française de 1,2 % ou 1,3 % en 2003. Il a tenu à souligner les points suivants. Tout d'abord, le déficit public serait, selon le consensus des experts, de l'ordre de 3 % du PIB en 2004 : le gouvernement prévoyait un déficit de 2,9 % du PIB, les organismes privés représentés à la commission économique de la Nation de 3 % du PIB et les organismes publics représentés au sein de cette même commission de 3,3 % du PIB. Il n'était donc pas certain que la France respecte les critères actuels du pacte de stabilité en 2004. Enfin, les conjoncturistes faisaient état des fortes incertitudes pesant sur leurs prévisions, compte tenu, notamment, des aléas liés au conflit irakien.

M. Jean-Paul Betbeze, directeur des études économiques et financières du Crédit Lyonnais, a affirmé l'existence d'une « dynamique déflationniste » en Allemagne, sur laquelle il venait de travailler. Il a indiqué que la reprise amorcée aux Etats-Unis s'était interrompue depuis quelques semaines, à cause notamment du contexte géopolitique. Il a ajouté que sa prévision de croissance du PIB des Etats-Unis pour l'année 2003, supérieure à 3 %, était soumise à d'importants aléas, du fait en particulier des incertitudes liées au conflit en Irak et du caractère atypique de la reprise actuelle qui, contrairement aux précédentes, n'était pas accompagnée d'une remontée des indices boursiers.

M. Jean-Paul Betbeze a rappelé que quatre phénomènes avaient particulièrement pesé sur la croissance de l'économie des Etats-Unis depuis l'année 2001 : l'éclatement de la bulle boursière, qui avait suscité une crise dans le secteur des banques et des assurances, particulièrement importante en Allemagne et en Suisse ; la « prime de risque » consécutive aux attentats du 11 septembre 2001 ; le fort endettement des entreprises et, parfois, le manque de sincérité de leurs comptes ; enfin, le conflit en Irak, qui inquiétait les marchés financiers.

Il a en outre estimé que si les Etats-Unis semblaient néanmoins devoir renouer, à court terme, avec une croissance élevée, tel n'était pas le cas de l'Europe qui souffrait notamment particulièrement de la crise des secteurs bancaire et financier consécutive à l'éclatement de la bulle spéculative. L'Allemagne était le pays européen dont la situation économique lui semblait la plus défavorable, avec, outre un secteur bancaire particulièrement touché, un taux de conversion du deutschemark trop élevé lors du passage à l'euro, des coûts salariaux excessifs, une politique budgétaire procyclique et une politique monétaire inadaptée à sa situation. Elle était en outre exposée à un risque de spirale déflationniste.

M. Jean-Paul Betbeze a indiqué que la croissance de l'économie française (hors stocks) avait été nulle aux premier et deuxième trimestres de cette année et que, malgré une reprise au second semestre, la croissance du PIB demeurerait inférieure à son potentiel en 2003 et en 2004, avec un taux de l'ordre de respectivement 1 % et 2 %.

M. Jean-Paul Fitoussi, président de l'Observatoire français des conjonctures économiques, a estimé que la situation économique des Etats-Unis et de l'Europe en 2002 avait été paradoxale. En effet, alors qu'en raison de dysfonctionnements du secteur privé plus importants aux Etats-Unis qu'en Europe, on avait prévu pour les Etats-Unis une croissance inférieure à celle de l'Union européenne en 2002, c'était le contraire qui s'était produit. Cette erreur de prévision s'expliquait, selon lui, par la différence de réactivité des politiques budgétaire et monétaire entre les deux zones.

Il a indiqué que le taux de croissance de l'économie française prévu par l'OFCE pour l'année 2003, de 0,8 %, était inférieur au consensus des économistes, en raison de prévisions plus défavorables en matière de taux de chômage, et donc de consommation des ménages. En effet, selon lui, en raison de prévisions de croissance du PIB optimistes, les entreprises auraient retardé en 2002 l'ajustement de leurs effectifs, qui resterait par conséquent à venir.

M. Jean-Paul Fitoussi a estimé que l'Allemagne connaissait un risque de déflation, provenant notamment de la dégradation de la situation financière de son système bancaire, et du caractère procyclique de la politique budgétaire actuellement menée.

Il a en outre considéré que les « petits pays » de l'Union européenne n'avaient pas mené des politiques économiques plus « vertueuses » que la France et l'Allemagne. Selon lui, c'était l'inflation dans les « petits pays », supérieure d'environ deux points à celle observée en France et en Allemagne, qui menaçait la stabilité de l'euro. En effet, d'un point de vue technique avec des dépenses publiques égales à 60 % du PIB, un point d'inflation supplémentaire réduisait le déficit public de 0,6 point de PIB, ce qui expliquerait le faible déficit public desdits « petits pays ».

M. Jean-Paul Fitoussi a affirmé que la prévision de croissance de l'économie française en 2003 faite par l'OFCE n'était pas pessimiste, parce qu'elle supposait une reprise au second semestre de l'année 2003.

Il a enfin considéré que la politique budgétaire devait être contracyclique, ce qui impliquait notamment qu'elle soit prévisible, et donc non conditionnée à la conjoncture économique, afin de servir d'ancrage aux anticipations. Il a en conséquence estimé que le gouvernement devait mettre en oeuvre les baisses d'impôts annoncées.

M. Jean Arthuis, président, a demandé à MM. Jean-Paul Betbeze et Jean-Paul Fitoussi si les Etats européens devaient mener des politiques budgétaires plus expansionnistes, au besoin après avoir modifié le contenu du pacte de stabilité et de croissance. En réponse, M. Jean-Paul Betbeze a rappelé que le pacte de stabilité et de croissance ne prévoyait l'éventualité de sanctions que trois ans après l'apparition d'un déficit public supérieur à 3 % du PIB. Les soldes publics ayant, selon lui, le temps de s'améliorer pendant ce délai, du fait d'une conjoncture plus favorable, et, espérait-il, d'une politique appropriée, qui devrait consister en une réduction des dépenses publiques et non en une augmentation des impôts, il n'était selon lui pas nécessaire de modifier le contenu du pacte. M. Jean-Paul Fitoussi a quant à lui considéré que le pacte de stabilité et de croissance devait être réformé, afin que les investissements publics ne soient plus pris en compte dans le calcul du solde public, celui-ci devant se limiter aux seules dépenses de fonctionnement. M. Jean-Paul Betbeze a par ailleurs estimé que si l'équilibre des dépenses courantes devait en effet être recherché, l'objectif de limiter le déficit public, investissement compris, à 3 % du PIB, devait, lui, être maintenu.

M. Jacques Oudin a considéré que le pacte de stabilité et de croissance ne devait pas conduire à réduire des investissements publics particulièrement utiles à la croissance, dans le domaine des transports notamment. M. François Marc s'est demandé si la forte croissance observée ces dernières années aux Etats-Unis s'expliquait par une captation de l'épargne du reste du monde, et s'il était opportun que le gouvernement français affiche, à l'occasion de la présentation du budget, des prévisions de croissance délibérément optimistes. M. Maurice Blin a considéré que la politique budgétaire contracyclique menée aux Etats-Unis s'expliquait par un excédent budgétaire initial et s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles la situation économique du Royaume-Uni était plus satisfaisante que celle des autres pays de l'Union européenne. M. Yves Fréville a demandé si, en cas de déficit public, les ménages français anticipaient un alourdissement des prélèvements obligatoires, et accroissaient donc leur épargne en conséquence.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que le pacte de stabilité et de croissance était un instrument, l'objectif à atteindre étant celui de l'instauration d'un véritable gouvernement économique européen. Il a souligné la nécessité d'une dépense publique de bonne qualité, et a demandé à MM. Jean-Paul Fitoussi et Jean-Paul Betbeze quelles étaient leurs prévisions quant au niveau du chômage pour l'année 2003.

En réponse, MM. Jean-Paul Fitoussi et Jean-Paul Betbeze ont considéré que les dépenses publiques dans le domaine de la recherche étaient bénéfiques à la croissance, que le déficit de la balance des paiements courants des Etats-Unis s'expliquait par une rentabilité des investissements et une croissance économique plus élevées qu'en Europe, et que le taux de chômage serait en France de l'ordre de 9,5 % à 10 % en 2003.

MM. Jean-Paul Fitoussi et Jean-Paul Betbeze ont exprimé des divergences sur deux points. Selon M. Jean-Paul Fitoussi, le gouvernement a eu raison de bâtir son projet de budget pour l'année 2003 en s'appuyant sur une hypothèse de croissance (2,5 %) correspondant à la croissance potentielle, le déficit structurel étant selon lui le seul à prendre en compte. En revanche, selon M. Jean-Paul Betbeze, il ne serait opportun pour la France d'élaborer son budget en fonction d'une hypothèse de croissance potentielle que dans le cas où l'ensemble des pays de la zone euro feraient de même. En outre, il a estimé que la croissance potentielle de l'économie française était de l'ordre de seulement 2 %. Par ailleurs, les deux intervenants ont exprimé un désaccord sur un point sémantique : selon M. Jean-Paul Betbeze, il existerait en Allemagne une « dynamique déflationniste », alors que M. Jean-Paul Fitoussi a estimé que l'on ne pouvait parler que d'une « dynamique de fin de l'inflation », bien que le risque de déflation soit réel.

M. Jean-Paul Betbeze a en outre considéré que la politique de monnaie faible menée par la Chine constituait une menace pour l'économie mondiale, et que la « désindustrialisation » du Royaume-Uni le rendrait moins sensible à la situation économique de ses partenaires.

M. Jean-Paul Fitoussi a enfin indiqué que le gouvernement américain menait systématiquement une politique budgétaire contracyclique en période de croissance faible, quel que soit le solde public initial, et que, par ailleurs, il existait selon lui d'ores et déjà un embryon de gouvernement européen, constitué de trois « ministres » (de l'activité économique, de la concurrence et de la surveillance budgétaire ), ce qui lui apparaissait du point de vue de la démocratie contestable. Enfin, il a affirmé que les ménages européens n'augmentaient pas leur taux d'épargne en cas d'aggravation du déficit public.

Après s'être félicité du contenu et de la qualité de cette audition, M. Jean Arthuis, président, a fait part de la nécessité de procéder désormais, périodiquement, à de tels échanges sur l'état de la conjoncture économique.

Nomination de rapporteurs

La commission a nommé :

- M. Roland du Luart, rapporteur sur le projet de loi n° 214 (2002-2003) de programme pour l'outre-mer ;

- M. Yann Gaillard, rapporteur sur le projet de loi n° 678 (AN - XIIème législature) relatif au mécénat et aux fondations, sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale et de sa transmission.

Codification - Habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures de simplification et de codification du droit - Demande de renvoi pour avis et nomination d'un rapporteur

Puis la commission a décidé de se saisir pour avis des articles relevant de sa compétence dans le projet de loi n° 710 (AN-XIIème législature) portant habilitation du gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de simplification et de codification du droit, sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale et de sa transmission, et a nommé M. Gérard Braun rapporteur pour avis.