Table des matières




- Présidence de M. Jacques Oudin, vice-président.

Budget - Décret d'avance et décret d'annulation du 7 février 2002 - Communication de M. Philippe Marini, rapporteur général

Dans une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord entendu une communication de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le décret d'avance et le décret d'annulation du 7 février 2002.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a d'abord indiqué qu'en ce qui concerne les décrets d'avance, le nouveau régime prévu par la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 n'entrerait pas en vigueur avant l'année 2006, date à partir de laquelle les décrets d'avance seraient transmis au Parlement sept jours avant leur publication. En revanche, a-t-il poursuivi, la procédure du décret d'annulation est modifiée depuis le 1er janvier 2002, conformément au texte précité. Celui-ci prévoit, entre autres dispositions, une ratification des décrets d'annulation dans la loi de finances la plus proche.

Au sujet du décret d'avance du 7 février 2002, dont l'objet est de soutenir la compagnie aérienne Air Lib qui connaît actuellement de graves difficultés, il s'est dit convaincu de ce que celui-ci était essentiellement motivé par des préoccupations électorales.

Il a détaillé le contenu des mesures : au total, 13,8 millions d'euros de prêts supplémentaires sont accordés à la compagnie, dans un contexte où le retour à l'équilibre est prévu dans son « business-plan » pour la fin de l'année 2002. Ce prêt est rendu nécessaire par la défaillance de son ancien actionnaire, la compagnie Swiss Air. Il sera effectué par la banque Natexis au nom de l'État.

Cette dotation supplémentaire est gagée par un certain nombre d'annulations de crédits sur le budget du ministère de l'équipement, des transports et du logement, dont M. Philippe Marini, rapporteur général, a fait la liste.

Au titre de l'urbanisme et logement, sont prélevés 7,6 millions d'euros sur les crédits du prêt à taux zéro.

Au titre des transports et de la sécurité routière, sont prélevés 4,7 millions sur les investissements.

Au titre du tourisme, sont prélevés 1,5 million d'euros. Seront ponctionnés en particulier :

- les contrats de plan État-régions, à hauteur de 900.000 euros ;

- les programmes d'aménagements touristiques, à hauteur de 150.000 euros ;

- le programme de consolidation des hébergements de tourisme social, à hauteur de 450.000 euros.

En ce qui concerne le tourisme, cette répartition pourrait ne pas être définitive.

Contrôle budgétaire - Programme de contrôle

La commission a ensuite arrêté le programme de contrôle budgétaire de ses rapporteurs spéciaux pour l'année 2002.

Monnaie - Passage à l'euro - Audition de MM. Hervé Carré, directeur et Benjamin Angel, administrateur chargé du passage à l'euro à la direction générale des affaires économiques et financières de la Commission européenne

Elle a ensuite procédé à l'audition de M. Hervé Carré, directeur et de M. Benjamin Angel, administrateur chargé du passage à l'euro à la direction générale des affaires économiques et financières de la Commission européenne.
En introduction, M. Hervé Carré a expliqué les grands principes de la coordination des politiques budgétaires. Il a rappelé que les politiques budgétaires relevaient de la responsabilité des Etats, mais que ces derniers, suite à l'échec des politiques expansionnistes menées au cours des années 80, s'étaient engagés à coordonner leurs politiques afin d'éviter les dérives budgétaires et une augmentation intempestive des prélèvements obligatoires. Il a déclaré que le pacte de stabilité reposait sur trois principes, à savoir la discipline, la flexibilité et la coordination. Il a insisté sur la nécessité de poursuivre l'effort de consolidation budgétaire afin d'éviter que la politique monétaire ne soit entravée par une politique budgétaire laxiste.

M. Hervé Carré a ajouté que l'effort de discipline était d'autant plus nécessaire en raison du vieillissement de la population européenne : d'ici 2040, les pays de l'Union européenne devront consacrer 3 à 8 % de leur produit intérieur brut (PIB) au financement des retraites.

Puis M. Hervé Carré a constaté que le pacte de stabilité n'excluait pas une certaine flexibilité. Il a précisé que les Etats membres de l'Union européenne restaient maîtres du montant des recettes des dépenses publiques et que cette autonomie budgétaire devait permettre de répondre aux chocs asymétriques. Il a cependant fait remarquer que si les stabilisateurs automatiques devaient opérer pleinement, les réglages économiques fins s'avéraient illusoires.

M. Hervé Carré a ensuite insisté sur l'importance de la coordination des politiques afin d'éviter que les mesures décidées par un Etat membre entraînent des conséquences néfastes dans le reste de l'Union européenne.

M. Hervé Carré a alors précisé le rôle de l'eurogroupe dans le contexte de la réunion écofin du 12 février dernier au cours de laquelle l'Allemagne et le Portugal ont échappé de justesse à un avertissement du Conseil européen. Il a estimé que le pacte de stabilité était en réalité sorti renforcé dans la mesure où ces deux pays avaient pris des engagements pour réduire leur déficit budgétaire respectif.

Un large débat s'est alors ouvert.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est étonné que l'Allemagne ait accepté de s'engager à équilibrer son budget pour 2004 alors qu'elle jugeait jusqu'à présent cet objectif irréaliste et souhaitait le repousser à 2006. Il a également demandé quelles sanctions seraient appliquées si cet engagement n'était pas respecté. Par ailleurs, il s'est interrogé sur la pertinence du processus décisionnaire qui permet à l'Etat susceptible de faire l'objet d'un avertissement de prendre part au vote. Puis il a émis des doutes sur le caractère irrémédiable de l'échéance de 2004 et s'est demandé si le pacte de stabilité ne relevait pas de l'affichage politique.

M. Maurice Blin a souhaité avoir des informations sur la tendance perceptible dans la plupart des Etats membres à prôner une politique budgétaire moins rigoureuse afin de lutter contre le ralentissement de la croissance. Il s'est également interrogé, d'une part, sur les moyens dont disposent les institutions européennes pour contrer un éventuel dérapage des finances publiques et, d'autre part, sur les causes de la faiblesse de l'euro.

M. Gérard Braun a souhaité avoir des renseignements sur le montant de la « cagnotte » dans l'ensemble de l'Union européenne, constituée par les monnaies nationales non échangées par les citoyens contre des euros.

M. Yann Gaillard a estimé que l'Union européenne se trouvait dans une impasse en devant choisir soit de provoquer une crise politique en lançant un avertissement contre l'Allemagne et le Portugal, soit de se décrédibiliser en ne respectant pas les principes du pacte de stabilité. Il a souhaité savoir comment cette situation était perçue par les marchés financiers.

M. Jacques Oudin, président, a demandé s'il existait des analyses comparatives sur les politiques budgétaires des Etats membres.

En réponse, M. Hervé Carré a rejeté l'idée selon laquelle le retour à l'équilibre serait devenu un objectif glissant, il a rappelé l'attachement de la commission à l'échéance de 2004 pour le retour à l'équilibre des budgets. Il s'est montré confiant en ce qui concerne l'engagement allemand dans la mesure où la réunion du 12 février dernier a conduit l'Etat central à négocier avec les Länder un pacte de stabilité interne.

Puis M. Hervé Carré a admis que l'instrument juridique n'était pas totalement adapté et qu'il serait souhaitable que la décision de donner un avertissement puisse être prise à la majorité qualifiée sans que les Etats concernés prennent part au vote.

M. Hervé Carré a ensuite récusé la volonté manifestée dans certains Etats membres d'introduire une plus grande flexibilité dans le pacte de stabilité. Il a jugé un déficit budgétaire de 3 % insoutenable à moyen terme et a considéré comme une politique de saine gestion l'objectif d'équilibre budgétaire. A cet égard, il a fait remarquer que le pacte de stabilité avait tiré les conséquences de l'expérience des années 80 pendant lesquelles les déficits s'étaient accrus sans que la situation économique ne s'améliore. Il a également déclaré que l'assouplissement de la politique budgétaire et monétaire des Etats-Unis, intervenu après les attentas du 11 septembre, ne constituait pas un élément de comparaison pertinent car les Etats-Unis et l'Union européenne connaissent une situation économique et budgétaire très différente.

En ce qui concerne les éventuels remèdes en cas de crise, il a expliqué qu'il revenait à la Banque centrale européenne d'agir en cas de crise systématique, que les stabilisateurs automatiques joueraient en cas de crise concernant un Etat et, enfin, que le pacte de stabilité n'excluait pas des mesures exceptionnelles en cas de crise systémique. Il a ajouté croire plus en de possibles chocs régionaux -pour lesquels les mécanismes de solidarité des budgets nationaux jouent- qu'en des chocs asymétriques.

Puis M. Hervé Carré a reconnu la difficulté à expliquer la faiblesse structurelle de l'euro par rapport au dollar, même s'il a insisté sur les moindres perspectives de rentabilité en Europe et l'importance des rigidités.

Par ailleurs, M. Hervé Carré a rappelé que le non-respect des principes du pacte de stabilité pouvait entraîner des sanctions pécuniaires. Toutefois, il s'est montré persuadé de leur effet dissuasif et a assuré que tous les Etats prendraient les mesures nécessaires pour y échapper.

En ce qui concerne le montant de la « cagnotte », M. Hervé Carré s'est déclaré incapable de fournir une estimation et a insisté sur les habitudes très contrastées des consommateurs selon les pays.

En conclusion, M. Hervé Carré a signalé que la Commission européenne allait publier prochainement une analyse comparative sur les programmes de stabilité mis en place par les Etats membres.

Puis M. Benjamin Angel a dressé le bilan des opérations du passage à l'euro.

Il a rappelé que les banques et les commerces avaient été préalimentés en euros dès septembre 2001 et que les particuliers avaient pu acheter des kits euros à partir de la mi-décembre. Il a estimé que les opérations de préalimentation s'étaient bien déroulées. Il a annoncé qu'au 31 décembre 2001, les banques avaient reçu 132,1 milliards d'euros en billets, soit l'équivalent de 21 % de la production nationale et de 35 % de la valeur des billets en circulation. Il a constaté que ces moyennes cachaient des situations très diverses puisque les commandes des banques avaient été très importantes dans certains pays, comme en Grèce, en Irlande ou en Autriche, mais relativement modestes dans d'autres (France, Espagne, Pays-Bas).

En ce qui concerne la préalimentation des banques en pièces, M. Benjamin Angel a déclaré que les institutions financières avaient reçu entre septembre et décembre 2001 l'équivalent de 73 % de la production totale.

M. Benjamin Angel a, ensuite, admis que la préalimentation des commerces avait été plus contrastée : si elle s'était très bien déroulée en Allemagne, au Luxembourg, en Autriche ou encore aux Pays-Bas, seuls 10 % des commerçants espagnols ou italiens étaient en possession de billets d'euros en décembre 2001. Il a cependant noté que les résultats avaient été légèrement meilleurs pour la préalimentation en pièces.

M. Benjamin Angel a décrit le processus de préalimentation en pièces des citoyens. Il a expliqué que tous les États avaient mis en vente des petits kits de pièces dont les valeurs s'échelonnaient de 3,88 euros en Finlande à 15,25 euros en France. Il s'est félicité du nombre de kits acquis par les citoyens européens, soit plus de 150 millions, représentant l'équivalent de 11 % des pièces en euros circulant fin janvier. Il a constaté que la demande avait été telle dans certains pays comme l'Allemagne ou le Portugal, que les banques ont été autorisées à fabriquer leurs propres kits. En revanche, en France ou en Italie, le stock d'invendus s'est révélé significatif. Au total, il a déclaré que les opérations de préalimentation avaient permis de distribuer 6 milliards de billets et 37,5 milliards de pièces : en moyenne, 67 % des billets et 98 % des pièces utilisées fin janvier 2002 avaient été prédistribuées avant le mois de janvier.

Puis M. Benjamin Angel a dressé le bilan de la diffusion des euros. Il a expliqué qu'elle avait été réalisée par le biais de l'approvisionnement en billets dans les distributeurs automatiques, des retraits d'espèces aux guichets des banques et du rendu de monnaie par les commerçants. Il a noté que 80 % des distributeurs automatiques avaient été adaptés à l'euro dès le 1er janvier 2002 et que cette opération s'était techniquement très bien déroulée puisque, dès le 4 janvier, la quasi totalité des équipements ne fournissait que des euros.

En ce qui concerne les retraits d'espèces aux guichets des institutions financières, il a reconnu un afflux massif des consommateurs durant les dix premiers jours de janvier, provoquant d'importantes files d'attente. Il a fait remarquer que dans plusieurs pays (Allemagne, Espagne), la fourniture d'euros par les guichets aux particuliers avait été plus élevée en volume que celle réalisée via les distributeurs.

Puis M. Benjamin Angel a considéré que les commerces avaient, dans l'ensemble, bien respecté les recommandations de rendre la monnaie exclusivement en euros, même si les petits commerces ont eu tendance à rendre la monnaie dans la même unité que celle utilisée par le consommateur pour le paiement.

En revanche, M. Benjamin Angel a reconnu que l'approvisionnement des commerces en billets et pièces avait soulevé des difficultés durant la première semaine en raison du nombre important de consommateurs réglant des achats de faible valeur avec des grosses coupures, des capacités limitées de transports de fonds et des longues files d'attente aux guichets des banques. Il a cependant souligné qu'aucune pénurie générale n'avait été observée, mais seulement des pénuries ponctuelles de certaines dénominations de pièces ou de billets. Il a également précisé que les premiers jours de janvier avaient été caractérisés par une déconnexion temporaire entre l'approvisionnement des consommateurs en euros et leur utilisation dans les transactions courantes. Toutefois, ce phénomène a été limité et le circuit économique a rapidement asséché les anciennes unités nationales. Ainsi, la part de l'euro dans les paiements en espèces s'est établie à 95 % dès le 16 janvier.

M. Benjamin Angel a dressé un bilan plus mitigé de la récupération des anciennes unités monétaires nationales : cette opération ayant, pour l'essentiel, été effectuée en quelques semaines, elle a provoqué de sérieux engorgements au niveau des banques et des transporteurs de fonds, ainsi que des retards significatifs dans le tri et le comptage, perturbant ainsi les opérations de crédits en compte des commerces auprès des banques commerciales et de celles-ci auprès des banques centrales. Il a constaté que 50 % des billets en circulation avaient été récupérés le 21 janvier 2002, mais seulement 18,9 % des pièces nationales en valeur au 31 janvier 2002, même si une grande partie des pièces ont été retirées de la circulation effective, mais demeurent stockées en attente de triage et de comptage.

M. Benjamin Angel a ensuite évoqué d'autres questions liées à l'introduction de l'euro fiduciaire comme la stabilité des prix, la sécurité des opérations, la qualité de la production des billets et des pièces, la contrefaçon et l'adaptation des automates.

En conclusion, il s'est félicité de la bonne réaction des citoyens face à l'euro, analysée dans une enquête-flash euro-baromètre de la commission européenne. En moyenne, la majorité des citoyens estime avoir été bien préparée à l'introduction de l'euro (26 % très bien préparés et 48 % bien préparés) et ne pas avoir de problème à reconnaître les différentes pièces ou à les manier (66 %). Enfin, 60 % des citoyens estiment que le passage à l'euro leur apportera personnellement plus d'avantages que d'inconvénients, tandis que les 2/3 des citoyens se disent personnellement contents que l'euro soit devenu leur monnaie.

M. Maurice Blin a alors fait part des difficultés que peuvent rencontrer certains citoyens à manier les pièces de 1, 2 et 5 centimes d'euros.

En réponse, M. Benjamin Angel a rappelé qu'une loi finlandaise arrondissait aux 5 centimes. Il a toutefois justifié l'intérêt de ces pièces d'un faible montant par le souci des institutions européennes d'éviter que l'introduction de l'euro n'entraîne une augmentation des prix.

Audition de Mme Christa Randzio-Plath, présidente de la commission économique et monétaire du Parlement européen

Présidence de M. Alain Lambert, président. Au cours d'une seconde séance, tenue dans l'après-midi, M. Alain Lambert, président, a souhaité la bienvenue à Mme Christa Randzio-Plath et l'a remerciée de l'avoir invité, en tant que président de la commission des finances du Sénat, à participer aux travaux de la commission économique et monétaire du Parlement européen.

Mme Christa Randzio-Plath a indiqué que les présidents des commissions des parlements nationaux seraient à nouveau invités à participer aux travaux de sa commission, afin de renforcer le dialogue et de favoriser une coopération plus étroite dans la perspective des évolutions institutionnelles que connaîtra l'Europe.

La présidente de la commission économique et monétaire du Parlement européen s'est réjouie que la France soit sortie de la période de double circulation des monnaies, après six cent quarante-et-un ans d'usage du franc et cinquante-et-un jours d'usage de l'euro.

Mme Christa Randzio-Plath s'est félicitée de la manière dont la stabilité des prix était défendue par le système européen des banques centrales. Elle a expliqué que, quatre fois par an, des réunions avec la banque centrale européenne étaient organisées au Parlement européen, au cours desquelles étaient abordées les questions de politique monétaire. Elle a encouragé les commissions des parlements nationaux à procéder de la même manière avec leurs banques centrales. Elle a jugé important d'un point de vue démocratique que la grande indépendance accordée à la banque centrale européenne s'accompagne d'une explication, par celle-ci, de ses décisions devant les parlements.

Mme Christa Randzio-Plath a ensuite souligné que la commission qu'elle préside avait procédé à près de cent auditions sur les aspects pratiques du passage à l'euro et que ces travaux lui avaient permis, d'une part, de constater la qualité du travail accompli par les banques centrales et le secteur financier et, d'autre part, de faire de propositions à la Commission, au Conseil des ministres et aux ministres des finances. Elle a jugé que le succès de l'euro renforçait l'idée européenne, pèserait dans les discussions relatives à la future constitution européenne et démontrait que les européens étaient capables de réaliser de grandes choses lorsqu'ils étaient animés d'une volonté politique.

Mme Christa Randzio-Plath a insisté sur le combat mené depuis une vingtaine d'années par le Parlement européen pour que la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes s'accompagne de la disparition des frais de change et de paiements transfrontaliers à l'intérieur de l'Union européenne. Elle a précisé que le Parlement européen avait demandé à la Commission de prendre des mesures à l'encontre des cartels et des monopoles constatés dans ce domaine. Elle s'est félicitée de l'intervention d'un règlement communautaire, adopté à la suite des pressions exercées par le Parlement européen, qui devrait conduire le secteur financier à modifier ses pratiques. Elle a souhaité que les banques ne compensent pas les pertes de recettes liées à la disparition de ces frais par une augmentation des frais perçus sur les opérations réalisées au sein des territoires nationaux. Elle a souhaité que les banques centrales et les parlements nationaux soient vigilants sur ce point.

Mme Christa Randzio-Plath a constaté que les débuts d'année étaient toujours marqués par l'augmentation de certains prix et a considéré, évoquant les conclusions d'instituts de conjoncture, que le passage à l'euro expliquait 0,02 % des augmentations constatées. Elle a souhaité que les secteurs dans lesquels interviennent les hausses soient précisément identifiés. La présidente de la commission économique et monétaire a estimé qu'il n'était pas souhaitable d'interdire le double affichage des prix, mais qu'il n'était pas non plus souhaitable de le systématiser. Elle s'est félicitée que le secteur public, contrairement à ce qui avait été craint à l'origine, ne participe pas au dérapage des prix, mais, au contraire, à leur modération.

Mme Christa Randzio-Plath a indiqué qu'il était dorénavant souhaitable de poursuivre les réflexions sur la gouvernance économique européenne et de se demander si le pacte de stabilité constituait un instrument suffisant de coordination des politiques fiscales. Elle a regretté que le pacte de stabilité soit un outil « défensif » et a souhaité que le prochain sommet de Barcelone permette de fixer des objectifs à la fois qualitatifs et quantitatifs à la politique économique, financière et sociale. Elle a souhaité que la politique monétaire ne soit pas le seul outil de politique économique et que les instruments permettant plus de créations d'emplois et de cohésion sociale soient développés. Elle a considéré que l'Europe, pour devenir la région la plus compétitive du monde, devait rester fidèle à son modèle économique et social.

La présidente de la commission économique et monétaire du Parlement européen s'est déclarée optimiste quand à une future adhésion à l'euro des pays membres de l'Union qui ont choisi de rester en dehors de la zone euro. Elle a rappelé que les pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne n'étaient pas obligés de souscrire simultanément à l'euro. Elle a regretté qu'une certaine confusion conduise à lier les deux enjeux dans les débats politiques de ces pays. Elle a signalé que le Parlement européen entretenait de nombreux échanges avec les pays candidats.

Evoquant les relations avec les « pays tiers », elle a souhaité une stabilité des taux de change et a expliqué l'évolution de la parité entre l'euro et le dollar par la jeunesse de la monnaie européenne, qui n'est par ailleurs pas encore une monnaie très utilisée pour le règlement des transactions internationales en dehors de l'Union européenne.

M. François Trucy a évoqué les difficultés rencontrées par les citoyens dans le maniement des billets de cinq cents euros et des pièces de un, deux et cinq centimes. Il a souhaité savoir si l'usage des cartes bancaires allait se développer, ainsi que celui du porte-monnaie électronique. Il a demandé quel était le dispositif retenu pour lutter contre la contrefaçon, et si des problèmes étaient susceptibles d'être causés par l'abandon d'une partie de la masse monétaire, qui n'est pas convertie en euro.

Mme Christa Randzio-Plath a constaté que les billets de cinq cents euros étaient surtout jugés d'un montant trop élevé et que le Portugal avait choisi de ne pas les fabriquer. Elle a signalé que les centimes étaient souvent jugés gênants, notamment en Belgique, où les habitants n'avaient pas l'habitude de manipuler de si petites unités. Elle a indiqué que les allemands trouvaient les nouvelles pièces trop lourdes, mais que cela était dû à des impératifs de sécurité.

Elle a constaté une augmentation de l'usage des cartes bancaires en Allemagne. Elle a rappelé que le Parlement européen avait pris une initiative pour développer le porte-monnaie électronique dès le 1er janvier 1999, que des études étaient en cours pour encourager l'action dans cette direction. Elle a précisé que la lutte contre la contrefaçon revenait à la banque centrale européenne, aux banques centrales nationales et à Europol.

S'agissant de la masse monétaire à l'abandon, elle a constaté des différences de comportement entre les Etats membres, mais aussi au sein de chacun d'entre eux. Elle a ajouté que les législations étaient différentes et que, par exemple, l'Allemagne n'avait pas fixé de limite à la possibilité de convertir les marks en euros. Elle a rappelé que, lors de l'unification allemande, et malgré un taux de conversion de un « ost mark» contre un deutsche mark, un quart des espèces en circulation n'avait pas été converti.

M. Maurice Blin s'est demandé si l'euro resterait à un niveau faible par rapport au dollar, s'il fallait encourager le maintien de la parité actuelle entre ces deux monnaies et, le cas échéant, comment modifier cette situation. Il s'est interrogé sur l'opportunité de conjuguer l'objectif de stabilité des prix assigné à la banque centrale européenne avec un objectif de soutien de la croissance, en s'inspirant de la pratique des Etats-Unis.

Mme Christa Randzio-Plath a souligné que la commission économique et monétaire du Parlement européen se demandait sans cesse si le mandat vertical de la banque centrale européenne ne devrait pas être modifié et transformé en un mandat horizontal comparable à celui de la réserve fédérale américaine. Elle a constaté que la banque centrale européenne évoluait très lentement et commençait à se préoccuper des questions de croissance et d'emploi.

La présidente de la commission économique et monétaire a observé que la définition de la stabilité des prix retenue par la banque centrale européenne était plus rigide que celle retenue dans les autres parties du monde. Elle a souligné qu'une modification des missions de la banque centrale ne pouvait être réalisée que par une modification des traités. Elle a souhaité que, à l'image de la pratique américaine, la nomination des membres du directoire de la banque centrale soit soumise à l'avis conforme du Parlement.

Mme Christa Randzio-Plath a relativisé le caractère « faible » de l'euro. Elle a rappelé que, au cours de son histoire, la parité du mark par rapport au dollar avait varié de un à trois selon les époques et que personne n'avait jamais considéré le mark comme une monnaie faible. Elle a jugé que l'important n'était pas la parité nominale, mais la stabilité des taux de change. Elle a souligné que l'euro était plus stable par rapport au dollar que les anciennes monnaies européennes entre elles. Elle a attribué la force du dollar par rapport à l'euro au fait que la monnaie américaine pouvait s'appuyer sur un Etat, des institutions et une opinion publique identifiées et a souhaité une meilleure coordination des politiques économiques en Europe.

M. Aymeri de Montesquiou s'est demandé s'il fallait introduire en Europe le modèle américain de relation entre le gouvernement et la banque centrale ; il s'est interrogé sur les raisons de la poursuite d'investissements massifs européens aux Etats-Unis, malgré le risque de change ; il a souhaité savoir si l'euro améliorerait la fluidité des échanges en Europe.

Mme Christa Randzio-Plath a souligné que l'unanimité des Etats membres était nécessaire pour modifier le traité sur l'Union européenne et que, dans ces conditions, il n'était pas envisageable, aujourd'hui, de modifier les missions de la banque centrale européenne. Elle a considéré qu'une modification des règles du jeu, immédiatement après le passage à l'euro, enverrait un signal négatif aux citoyens. Elle a estimé que la future fédération européenne serait différente des Etats-Unis et que la stabilité des prix y jouerait toujours un rôle plus important. Elle a jugé que, dans le cadre de son mandat actuel, et sans remettre en cause son indépendance, la banque centrale pouvait contribuer à la mise en place d'un « policy-mix » plus équilibré. Rappelant que les prévisions établies en son temps par le rapport Ceccini sur le « coût de la non-Europe », elle a invité à s'interroger sur les coûts qui résulteraient de la non-existence de l'Union monétaire.

M. Alain Lambert, président, a demandé s'il ne serait pas pertinent de soumettre à la Convention pour la réforme des institutions européennes une modification de la procédure d'adoption du budget européen afin de mieux impliquer les parlements nationaux, qui ne font aujourd'hui qu'enregistrer des décisions prises par le Conseil. Il a souhaité savoir si les difficultés de l'Allemagne et de la France à respecter leurs engagements dans le cadre du pacte de stabilité présentaient un risque pour l'euro. Il s'est demandé si les citoyens avaient véritablement apprivoisé l'euro.

Mme Christa Randzio-Plath s'est déclarée optimiste quant à l'appropriation de l'euro par les citoyens et quant à la confiance que les marchés et les citoyens allaient placer dans cette monnaie.

Elle a appelé les parlements nationaux à demander à leurs gouvernements de leur soumettre leurs engagements dans le cadre du pacte de stabilité et à articuler cette procédure avec les discussions budgétaires.

Elle a considéré l'expérience du pacte de stabilité comme un succès, car celle-ci a provoqué de véritables discussions, et a fait prendre conscience de l'interdépendance entre les Etats membres. S'agissant de la situation des finances publiques en Allemagne, elle s'est étonnée qu'aucun commentateur ne rappelle que l'Allemagne subissait encore fortement le coût financier de l'unification et que les prélèvements obligatoires affectés à ce financement pénalisaient la demande intérieure.

En tant que députée européenne, elle a insisté sur les difficultés de formuler des conseils à l'endroit de la Commission ou des gouvernements lorsque les prévisions macro-économiques sont sans cesse modifiées. Elle a souhaité que les discussions en matière de finances publiques portent davantage sur la qualité de la dépense, et notamment sur les raisons de la faiblesse de l'investissement public, pourtant indispensable au soutien de l'investissement privé. Dans cette perspective, elle a souhaité une modification du pacte de stabilité, afin d'aller plus loin dans la coordination des politiques économiques.