Travaux de la commission des finances
- Présidence de M. Roland du Luart, vice-président.
Résolutions européennes - Fiscalité - Système commun de la taxe sur la valeur ajoutée - Examen des amendements et adoption de la résolution de la commission
La commission a pris acte de l'absence d'amendement à ses conclusions sur la proposition de résolution n° 233 (1998-1999) présentée en application de l'article 73 bis du règlement par M. Denis Badré, sur la proposition de directive du Conseil modifiant, en ce qui concerne le taux normal, la directive 77/388/CEE relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée (n° E 1193). Elle a dès lors adopté la résolution dans la rédaction qui lui avait été proposée par M. Denis Badré, rapporteur.
Résolutions européennes - Minimum d'imposition effective des revenus de l'épargne - Examen du rapport
M. Philippe Marini, rapporteur général, a rappelé que le 1er décembre 1997, le conseil ECOFIN avait adopté un ensemble de mesures pour lutter contre la concurrence fiscale dommageable dans l'Union européenne. Cet ensemble comprend trois volets : un code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises, certains éléments d'orientation visant à permettre à la commission européenne de rédiger une nouvelle directive en matière de fiscalité de l'épargne et, enfin, un engagement des Quinze sur l'abolition des retenues à la source sur les intérêts et redevances payés entre entreprises faisant partie d'un groupe. Il a fait remarquer que la proposition de directive du conseil, visant à garantir un minimum d'imposition effective des revenus de l'épargne sous forme d'intérêts à l'intérieur de la Communauté, résulte directement du conseil ECOFIN et vise à rendre les politiques fiscales des pays membres plus coopératives. Toutefois, elle se heurte à une double contrainte : d'une part, proposer un système de taxation minimale efficace qui ne conduise pas à une délocalisation de l'épargne en dehors de l'Union européenne et, d'autre part, parvenir à un consensus entre tous les Etats membres en dépit de leurs cultures fiscales très différentes.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite rappelé que la très grande disparité des régimes de taxation de l'épargne au sein de l'Union européenne entraînait des distorsions de concurrence dommageables. Toutefois, il a constaté qu'aucune mesure pour lutter contre ces distorsions n'avait pu être adoptée au niveau communautaire jusqu'à présent, faute de consensus. Il a cité les deux directives du conseil proposées en 1989 (l'une concernant un régime commun de retenues à la source sur les intérêts, et l'autre renforçant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des Etats membres dans le domaine fiscal) qui n'avaient pas pu être adoptées faute d'accord entre les quinze pays de la Communauté européenne. Il était alors apparu impossible de poser les bases d'une harmonisation de la fiscalité de l'épargne en raison de la diversité des cultures fiscales au sein des Etats membres.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a noté que la commission européenne avait tenu compte de ce double échec pour élaborer la nouvelle proposition de directive sur l'imposition minimale effective des revenus de l'épargne des non-résidents sous forme d'intérêts, dans la mesure où elle avait adopté une position beaucoup plus pragmatique. Puis il a défini le champ d'application de cette directive qui s'applique aux intérêts qui sont perçus par des personnes physiques qui ont, certes, leur résidence fiscale dans l'Union européenne, mais dans un Etat membre différent de celui où les intérêts sont payés. Afin de surmonter l'opposition entre, d'une part, les Etats partisans d'un échange d'informations entre les administrations fiscales et, d'autre part, les Etats soucieux de préserver le secret bancaire, la proposition de directive introduit le principe de coexistence. Ce dernier donne aux Etats membres le choix entre deux options. Ils peuvent opter pour le régime de l'information ; dans ce cas, ils s'engagent à communiquer à l'Etat membre dans lequel le bénéficiaire effectif a sa résidence fiscale, les informations nécessaires à l'établissement correct des impôts sur le revenu qui sont dus par celui-ci à cet autre Etat membre. Ils peuvent aussi opter pour le régime de la retenue à la source ; ils appliquent alors une retenue à la source d'un niveau minimum de 20 % sur les intérêts payés par l'agent payeur aux bénéficiaires effectifs.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite fait part de ses observations. Il a insisté sur le fait que la lutte contre les distorsions et l'évasion fiscale ne peut fonctionner que dans un cadre étanche et pourrait donc s'avérer stérile s'il n'est pas tenu compte de la libéralisation des mouvements de capitaux et de la mondialisation de l'économie. Il a souligné que l'adoption de cette directive ne devrait pas conduire à un déplacement de l'épargne en dehors de l'Union économique et monétaire. En effet, dans ce cas, non seulement les pays membres ne seraient pas parvenus à lutter efficacement contre l'évasion et la fraude fiscale mais la compétitivité des marchés de capitaux européens serait menacée au profit des pays tiers. Il a ajouté qu'au regard de ces contraintes, le taux minimum de retenue à la source de 20 % proposé par la Commission européenne constituait une solution équilibrée.
Par ailleurs, M. Philippe Marini, rapporteur général, a jugé particulièrement nécessaire l'engagement de négociations avec les principaux partenaires commerciaux des pays de la Communauté européenne pour lutter efficacement contre la concurrence fiscale dommageable. Puis, il a souhaité nuancer l'opposition travail/capital contenue dans l'exposé des motifs de la proposition de directive de la Commission européenne. Il a rappelé que, si un rééquilibrage de la fiscalité du capital par rapport à la fiscalité du travail était souhaitable, ce rééquilibrage devait se faire en diminuant les prélèvements sur les revenus du travail et non en augmentant ceux supportés par le capital.
Ensuite, M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est interrogé sur la pertinence du modèle de coexistence. Il a déclaré que ce dernier constituait un compromis politique entre les partisans de l'échange d'informations et les défenseurs de la retenue à la source. Il a cependant émis des réserves sérieuses sur sa mise en oeuvre, dans la mesure où il semble peu probable que des Etats membres acceptent de fournir à un autre Etat membre des informations sur les revenus de l'épargne des non-résidents s'ils ne reçoivent pas, en retour, le même type d'informations de la part de cet Etat. En outre, il s'est demandé si les pays qui choisiraient l'échange d'informations ne verraient pas les flux d'épargne des non-résidents diminuer au profit des pays ayant opté pour la retenue à la source. Il a alors recommandé, par réalisme, que la France opte pour le régime de retenue à la source. Il a toutefois précisé que cette proposition ne devait pas être interprétée comme un renoncement à une meilleure coopération entre les Etats membres en matière d'échange d'informations.
En outre, M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que six points devaient être clarifiés : la proposition de directive ne doit pas créer de distorsions entre les différentes formes d'épargne ; les euro-obligations doivent être intégrées dans le champ d'application de la directive ; le poids des contraintes à faire peser sur les établissements payeurs doit être étudié avec attention ; le choix de la preuve pour les non-résidents non communautaires ne doit pas pénaliser la compétitivité des marchés européens ; les risques de détournement de la directive doivent être analysés précisément et, enfin, la date de transposition doit être revue.
Un large débat s'est alors ouvert.
M. Bernard Angels, après avoir rappelé que sa proposition de résolution avait été adoptée à l'unanimité par la Délégation du Sénat pour l'Union européenne, a estimé que le rapport de M. Philippe Marini ne s'inscrivait pas dans le même cadre que celui fixé par la proposition de directive qui limite son champ d'application à l'épargne transfrontalière en appliquant une retenue à la source aux personnes physiques ayant fait le choix de l'anonymat. Il a ensuite insisté sur le fait que les raisons éthiques et morales primaient sur les considérations économiques quant à l'aboutissement de cette directive. Puis, il a indiqué que, concernant la nécessité de conclure des accords avec les pays tiers pour éviter le risque de délocalisation, il convenait d'établir au préalable des règles à l'intérieur même de l'Union avant de chercher à aboutir, sur ce sujet, au-delà du périmètre actuel de cette dernière. Par ailleurs, il a défendu un taux minimum de retenue à la source de 25 %, seul à même de permettre un bon fonctionnement du dispositif. Enfin, il s'est déclaré partisan du passage à la majorité qualifiée pour l'adoption de décisions en matière fiscale au sein de l'Union européenne. Il a conclu en soulignant les différences d'approche entre sa proposition de résolution et celle présentée par le rapporteur général.
M. Michel Charasse a évoqué trois questions techniques. Il s'est demandé si la résolution examinée par la commission ne devait pas rappeler l'existence de la règle de l'unanimité pour toutes les questions fiscales. Il a regretté l'absence d'harmonisation en matière de définition du non résident fiscal. Enfin, il a souligné que conformément au principe de subsidiarité, les Etats membres restent seuls compétents en ce qui concerne le choix de la preuve de la non résidence fiscale.
En réponse, M. Philippe Marini, rapporteur général, a mis en garde contre le risque potentiel d'augmentation des prélèvements obligatoires dans l'Union européenne contenu dans la proposition de directive. Il a donc estimé qu'une plus grande coopération en matière fiscale devait inciter chaque Etat membre à réformer son système de prélèvements obligatoires dans le sens d'une diminution du taux global d'imposition. Il a ajouté que la création d'une monnaie unique renforçait la nécessité d'une plus grande convergence des taux de prélèvements. Il a ensuite déclaré qu'il tiendrait compte des remarques techniques de M. Michel Charasse.
En conclusion, M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné que la proposition de directive ne traitait pas uniquement de l'épargne anonyme. En outre, si cette proposition tente de supprimer les paradis fiscaux au sein de l'Union européenne, elle ne résout pas la question des paradis fiscaux en dehors de cette zone. Au contraire, le choix d'un taux élevé de retenue à la source risquerait de les renforcer en entraînant une délocalisation de l'épargne vers leurs territoires. Enfin, il a constaté que l'unanimité nécessaire pour l'adoption de cette directive serait plus facile à atteindre si le taux minimum de retenue à la source choisi était de 20 % plutôt que 25 %.
La commission a alors décidé de réserver son vote sur la proposition de résolution jusqu'à une prochaine séance.
Mercredi 12 mai 1999
- Présidence de M. Bernard Angels, vice-président.
Epargne et sécurité financière - Examen d'une demande de rectification d'amendement
Au cours d'une séance tenue dans l'après-midi, pendant une suspension de la séance publique portant sur l'examen du projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière, la commission a procédé à l'examen d'une demande de rectification de l'amendement n°253 de la commission, portant article additionnel après l'article 64 présentée par M. Philippe Marini, rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a d'abord rappelé que l'amendement n° 253 portait sur le régime des indemnités de remboursement anticipé d'emprunts immobiliers. Il a également rappelé que la commission avait exprimé le souhait, dans sa réunion du mardi 4 mai, que le Sénat entende le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur cette question.
L'amendement n° 253 adopté par la commission comportait un dispositif en deux parties. La première partie visait à supprimer, pour les contrats de prêts immobiliers conclus à compter de l'entrée en vigueur de la loi relative à l'épargne et à la sécurité financière, le plafonnement de l'indemnité pour remboursement anticipé à 3% du capital restant dû, en ne maintenant que le plafond égal à six mois d'intérêts. La seconde partie supprimait en revanche toute indemnité pour les remboursements contraints par un événement de caractère familial, personnel ou professionnel.
Le ministre ayant donné, en séance publique son accord sur ce second point, et non sur le premier, M. Philippe Marini, rapporteur général, a exprimé le souhait que cette disposition, qui ne vaudrait que pour les contrats à venir, soit seule retenue, ce qui était l'objet de sa demande de rectification, de l'amendement n°253.
M. Joël Bourdin a déclaré qu'il n'était pas opposé à améliorer le régime des indemnités pour cause de remboursement anticipé. Toutefois, il a fait valoir que les cas énumérés à l'article 74 B bis de l'annexe II du code général des impôts auquel faisait référence la seconde partie de l'amendement de la commission, étaient trop larges pour définir précisément des remboursements " contraints " et que beaucoup d'emprunteurs pourraient s'en prévaloir pour obtenir un remboursement anticipé sans frais.
M. Bernard Angels a déclaré qu'actuellement, les indemnités pour remboursement anticipé étaient bien souvent proportionnées à la capacité, pour les emprunteurs, d'en négocier le montant. Il a ajouté que la deuxième partie de l'amendement n° 253 permettrait aux personnes qui font l'objet d'une mutation professionnelle ou d'une mise à la retraite de ne pas acquitter d'indemnité.
M. Joël Bourdin a fait valoir que la suppression de toute indemnité pour certains remboursements anticipés pourrait avoir pour effet de renchérir le coût du crédit pour l'ensemble des emprunteurs.
M. François Trucy, qui a également estimé que la liste des cas prévus à l'article 74 B bis du code général des impôts était large, a déclaré que la suppression de toute indemnité pour remboursement contraint renchérirait le coût du crédit pour l'ensemble des emprunteurs, tout en bénéficiant aux quelques emprunteurs placés devant ces contraintes.
En réponse, M. Philippe Marini a expliqué que cette rectification de l'amendement et du régime des remboursements anticipés, tout en ne résolvant pas l'ensemble des problèmes soulevés par la commission, aurait le mérite de faire avancer ce dossier.
La commission a alors adopté la proposition de rectification du rapporteur, et l'amendement n° 253 rectifié ainsi rédigé.