Travaux de la commission des finances



- Présidence de M. Alain Lambert, président.

PJLF POUR 2000 - AUDITION DE M. CHRISTIAN SAUTTER, MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur l'exécution budgétaire pour 1999 et les crédits de son département ministériel pour 2000.

M. Philippe Marini, rapporteur général, ayant observé que le budget du ministère atteignait 90 milliards de francs et avait presque doublé en deux ans, a expliqué qu'une bonne part de cette augmentation était venue de la budgétisation de " faux " fonds de concours, du transfert des crédits des fascicules " Industrie " et " Petites et moyennes entreprises (PME), commerce et artisanat ", et de crédits auparavant inscrits aux charges communes.

Il a alors souhaité savoir quelles ressources extrabudgétaires restaient à intégrer dans le budget, comment, au-delà de l'unification budgétaire, se traduisait l'unification des services de l'industrie et du commerce et de l'artisanat avec les services financiers, et par quoi étaient justifiés les transferts en provenance des charges communes.

Ayant indiqué que le budget du ministère couvrait un grand nombre de directions réputées pour l'hétérogénéité des régimes indemnitaires et des statuts de leurs fonctionnaires, le rapporteur général a demandé dans quelle mesure ces régimes avaient été rapprochés.

Rappelant le débat ouvert l'an dernier sur le niveau des intérêts de retard supportés par les contribuables de bonne foi qui, de 0,75 % par mois (9 % par an), apparaît très excessif, il a demandé au ministre des détails sur les faits générateurs et le recouvrement des intérêts de retard, ainsi que sur le niveau des dégrèvements ou remises consenties par les services fiscaux en la matière.

Il s'est également interrogé sur les intentions du ministre face à la cessation d'activité, dans les quatorze ans à venir, de la moitié des effectifs du ministère. Il a notamment évoqué les problèmes de financement des pensions de retraite posés par cette perspective, mais aussi les occasions de réaménagement ainsi ouvertes.

Il a souhaité connaître les raisons de la très forte augmentation du chapitre du budget des charges communes correspondant aux dépenses accidentelles, qui passerait de 450 millions de francs en 1999 à 1,64 milliard de francs en 2000, après avoir souligné que les dotations des années antérieures n'avaient pas été entièrement consommées.

S'agissant des crédits consacrés aux petites et moyennes entreprises, il a interrogé le ministre sur les résultats de l'évaluation de l'efficacité des actions conduites en leur faveur, annoncée par Mme la secrétaire d'Etat chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat.

Enfin, mentionnant un récent article de presse faisant état d'une enveloppe de 170 milliards de francs d'aides de toutes natures, distribuées aux entreprises, hors de tout véritable contrôle, par une multitude d'organismes différents et caractérisée par sa complexité (70 dispositifs d'aide), sa dispersion, son opacité et sa concentration (42 % des aides à la recherche-développement octroyées à seulement trois groupes industriels), il a demandé quelles étaient les intentions du Gouvernement pour mieux cibler ces aides.

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a expliqué qu'à périmètre constant le budget du ministère augmentait de 1,8 % sous l'effet de la progression de la masse salariale, et que l'effort de clarté budgétaire conduisait à y réintégrer cette année 2,3 milliards de francs de crédits. Il a, à ce propos, suggéré que le produit des activités de collecte d'épargne du Trésor public pourrait être budgétisé en 2001.

Evoquant l'unification du ministère, il a estimé qu'elle était complète pour les administrations centrales, qui avaient d'ailleurs été dotées de directions transversales dans les domaines juridique et des ressources humaines. Il a toutefois concédé qu'elle était délicate à mettre en oeuvre pour les services déconcentrés, mais qu'elle se traduirait néanmoins par l'instauration d'un interlocuteur économique unique pour les petites et moyennes entreprises.

Il a précisé que les transferts en provenance des charges communes concernaient 10,8 milliards de francs de crédits, liés à l'application des conventions fiscales, au soutien aux PME, et à diverses actions extérieures.

Evoquant la question des régimes indemnitaires des agents, il a admis qu'il existait un grand nombre de statuts et que si leur fusion avait été réalisée pour les corps d'administration centrale, la distinction entre les comptables publics et les autres agents induisait des écarts. Il a alors indiqué qu'une réflexion était en cours sur ce thème, cette réflexion portant, en particulier, sur les éléments de rémunérations des agents du Trésor public résultant de la collecte de l'épargne.

Il a confirmé le maintien de ses positions antérieures sur la question des intérêts de retard exigés auprès des contribuables de bonne foi, en faisant valoir qu'il convenait de prévenir les comportements d'optimisation fiscale.

S'agissant des effectifs du ministère, il a souligné que celui-ci dégageait des gains d'efficacité importants, avec la suppression, prévue pour l'an prochain, de 654 emplois, et que les perspectives de départs en retraite devaient constituer l'occasion de créer davantage de mobilité et d'enrichir les métiers et les carrières.

Evoquant la question des aides aux entreprises, il a incité les parlementaires à en contrôler l'emploi, et indiqué que leur concentration avait été réduite.

M. Bernard Angels, rapporteur spécial des crédits du budget de l'économie, des finances et de l'industrie, ayant souligné que le ministère exerçait des missions régaliennes d'une importance majeure pour le fonctionnement de l'Etat et des collectivités locales, a relevé que ses effectifs étaient continûment réduits, ce qui supposait la réalisation de gains de productivité. Il a alors souhaité obtenir des précisions, direction par direction, sur leur origine et sur les perspectives attendues en la matière.

Estimant qu'il existait deux moyens importants pour optimiser les interventions du ministère, à savoir des réorganisations internes et une meilleure coordination avec les autres administrations, il a considéré que la superposition des missions fiscales de la direction générale des impôts (DGI) et de la direction de la comptabilité publique posait problème. Ayant indiqué qu'il existait plusieurs schémas pour y remédier, l'un passant par une spécialisation des réseaux soit par impôt, soit par catégorie de contribuable, l'autre par une fusion des réseaux, il a interrogé le ministre sur ses préférences.

S'agissant de la coordination avec les autres administrations, il s'est intéressé au bilan de la coopération internationale des services fiscaux et à la coordination des travaux des autres directions du ministère avec les administrations nationales ou étrangères, citant l'exemple de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

Evoquant la situation de l'Institut national des statistiques et des études économiques (INSEE), administration d'analyse économique et sociale qu'il a estimée de première importance, il a remarqué que son réseau et celui de la Banque de France exerçaient parfois des missions quasi-identiques et que les ressources de l'INSEE pourraient être mieux utilisées si l'Institut était plus ouvert sur l'extérieur.

Enfin, mentionnant les réflexions portant sur la réforme des missions du réseau du Trésor public en matière de collecte de l'épargne, il a demandé quels arbitrages avaient été rendus en ce domaine, et quelles solutions étaient envisagées pour compenser d'éventuelles pertes de rémunérations.

M. Louis Ferdinand de Rocca-Serra, rapporteur spécial des crédits des charges communes, ayant indiqué que les crédits relatifs aux garanties de l'Etat inscrits au chapitre 14-01 du budget des charges communes s'élevaient à 1,24 milliard de francs, a souligné que ces crédits ne prenaient pas en considération les " garanties implicites " à la charge de l'Etat, c'est-à-dire les engagements à plus ou moins long terme auxquels l'Etat et le secteur public devraient faire face.

Evoquant ce " hors bilan ", il a regretté qu'il ne soit ni complètement connu ni totalement provisionné, mentionnant notamment le coût des structures de défaisance, les garanties de l'Etat pour les prêts au logement, le démantèlement des centrales nucléaires et les pensions de la fonction publique. Il a alors souhaité connaître l'appréciation du ministre sur ce sujet et les mesures envisagées pour faire face, dans les années à venir, au poids de " la dette invisible ".

M. René Ballayer, rapporteur spécial des crédits des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat, a souligné que l'évolution de l'ensemble des dépenses ordinaires de la direction des entreprises commerciales, artisanales et de services était devenue très difficile à suivre, et a demandé au ministre s'il était envisageable de récapituler ces crédits dans le nouvel agrégat n° 13 consacré au commerce et à l'artisanat.

Puis, évoquant l'annexe " jaune " à la loi de finances récapitulant l'effort financier de l'Etat en faveur des PME, il a remarqué qu'elle n'avait toujours pas été publiée. Jugeant ce document indispensable pour avoir un aperçu de l'ensemble des actions des pouvoirs publics en faveur de ces entreprises, il a souhaité savoir quand il serait disponible.

M. Jean Clouet, rapporteur spécial des crédits de l'industrie, des postes et télécommunications, a vivement regretté que l'action publique en faveur de l'industrie ait perdu sa spécificité dans la présentation budgétaire.

En réponse, M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a indiqué que les gains d'efficacité du ministère, concept qu'il a jugé préférable à celui, ambigu, de gains de productivité, viendraient pour l'essentiel de simplifications de procédures et de la poursuite de l'informatisation. Il a, à ce propos, cité le contrat triennal passé entre la direction générale des impôts (DGI) et la direction du budget, faisant valoir qu'il permettrait de réaffecter 3.228 emplois budgétaires sur trois ans, dont la moitié seulement reviendrait à la DGI.

Evoquant la question des réseaux de la DGI et du Trésor public, il a indiqué qu'elle serait abordée après la remise du rapport de la " mission 2003 ", attendue au cours de ce mois, mais que toute réforme devrait tenir compte du dualisme des usagers de ces réseaux, constitués à la fois des contribuables et des collectivités locales.

S'agissant de la coopération des services du ministère entre eux et avec les administrations extérieures, il a renvoyé à une réponse écrite sur ce sujet, remarquant que, dans l'affaire de la viande bovine, la coopération avait bien fonctionné.

Il a alors observé que l'INSEE offrait une large gamme de services aux collectivités locales et que l'optimisation de son réseau avec celui de la Banque de France pouvait être un sujet de réflexion.

Il a déclaré que le régime indemnitaire du Trésor public n'avait pas fait l'objet d'arbitrages. Ceux-ci n'interviendraient que dans le courant de l'hiver.

Il a alors confirmé que les travaux initiés par M. Jean Arthuis sur la comptabilité patrimoniale de l'Etat se poursuivaient.

M. Marc Massion, rapporteur spécial des crédits du commerce extérieur, a observé que la fin du service national allait priver les postes d'expansion économique d'environ 300 volontaires du service national en administration et que pour sa part, le développement de l'Agence pour la promotion internationale des technologies et des entreprises françaises (CFME-ACTIM) connaissait déjà des difficultés financières liées à une forte diminution du nombre de volontaires du service national en entreprise au cours du premier semestre 1999.

Il a interrogé le ministre sur le coût prévisible de la suppression du service national pour le budget du ministère.

Il s'est interrogé sur les perspectives ouvertes par le rapprochement physique du CFME-ACTIM avec le Centre français du commerce extérieur (CFCE) en matière d'économies de fonctionnement.

Il a estimé que le financement de la présence des entreprises françaises dans les manifestations commerciales à l'étranger était faible par rapport à nos concurrents européens et a souhaité savoir si le volume d'activité du CFME-ACTIM était garanti pour les prochaines années, malgré la diminution prévisible de ses ressources propres.

M. Jean-Philippe Lachenaud, après avoir rappelé le coût élevé de la gestion des impôts, a jugé urgente l'intervention d'une réforme en ce domaine.

Puis il a jugé utile la confection d'un rapport sur les aides consacrées aux entreprises et a souhaité savoir quel serait le bilan du compte d'affectation spéciale n° 902-24 de cessions des titres publics en 2000.

M. Roland du Luart, après avoir indiqué que les recettes fiscales étaient plus dynamiques que prévu, a demandé quelle en serait l'affectation, et si des projets de réduction des impôts directs étaient à l'étude.

Enfin, mentionnant les propos du ministre de l'intérieur relatifs à l'instauration d'une dotation globale d'équipement particulière aux services d'incendie et de secours, il s'est inquiété des projets du Gouvernement en ce domaine.

M. François Trucy a interrogé le ministre sur les besoins de recapitalisation des entreprises publiques en 2000, et sur sa position sur l'opportunité de vente des réserves d'or de la Banque de France.

M. Jacques Chaumont a souligné les problèmes posés par l'inégalité des traitements accordés aux recrutés locaux par les postes d'expansion économique et par le ministère des affaires étrangères, et a interrogé le ministre sur les moyens de les résoudre.

Mme Marie-Claude Beaudeau, rappelant l'importance de la lutte contre la fraude fiscale, a souhaité savoir quelles mesures étaient envisagées pour la renforcer. Puis elle s'est interrogée sur le niveau de la subvention au Commissariat à l'énergie atomique (CEA).

En réponse, M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a indiqué que la suppression du service national conduisait à rechercher des remplaçants, et a jugé perfectible, mais convenable, l'appui international aux PME. Il a précisé que la réduction du coût de la collecte de l'impôt serait recherchée à travers sa simplification et celle des circuits administratifs. Il a mentionné en ce sens la création d'une direction des grandes entreprises et l'introduction d'une déclaration simplifiée des revenus.

Il a souhaité progresser vers plus de transparence en matière d'aide aux entreprises et a indiqué que les apports en capital aux entreprises publiques atteindraient 32 milliards de francs en 1999 et 2000.

Il a alors précisé que l'exécution du budget pour 1999 avait déjà conduit à réestimer de 12 milliards de francs les recettes fiscales par rapport aux prévisions de la loi de finances et que, in fine, la réalisation irait peut-être un peu au-delà, mais était marquée par de fortes incertitudes compte tenu des phénomènes calendaires.

Il a confirmé que des réflexions étaient en cours en vue d'une réforme de l'impôt sur le revenu et de la taxe d'habitation.

S'agissant de la lutte contre la fraude fiscale, il a souligné qu'il s'agissait d'une priorité et que les gains d'efficacité du ministère lui seraient affectés pour partie.

TRAITÉS ET CONVENTIONS - CONVENTION FRANCE - KAZAKHSTAN EN VUE D'ÉVITER LES DOUBLES IMPOSITIONS ET PRÉVENIR L'ÉVASION ET LA FRAUDE FISCALE - EXAMEN DU RAPPORT

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jacques Chaumont sur le projet de loi n° 481 (1998-1999) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune.

M. Jacques Chaumont, rapporteur, a rappelé que la convention fiscale signée entre la France et le Kazakhstan le 3 février 1998 se substituait à la convention fiscale franco-soviétique du 4 octobre 1985, qui régissait les relations fiscales entre les deux pays jusqu'à la dénonciation de cette convention par le Kazakhstan à la fin de l'année 1994, avec prise d'effet le 1er janvier 1996.

Il a ajouté que le parlement kazakh avait déjà approuvé la présente convention, le 9 septembre 1998.

Puis M. Jacques Chaumont, rapporteur, a précisé que cette convention était globalement conforme au modèle de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Il a indiqué que les dispositions qui s'en écartaient résultaient dans la majorité des cas, soit de demandes de la partie française liées aux spécificités de notre modèle de convention fiscale, soit de demandes kazakhes qui avaient été acceptées, dans la mesure où elles correspondaient aux clauses figurant dans les conventions signées par la France avec les principaux Etats de cette zone géographique.

M. Jacques Chaumont a alors énuméré les points de la convention franco-kazakhe qui s'écartaient du modèle de convention de l'OCDE.

Ainsi, il a constaté que la notion d'établissement stable était étendue aux installations utilisées pour l'exploration des ressources naturelles, les activités de surveillance de ces installations et des chantiers ainsi que les fournitures de services.

Par ailleurs, il a noté que les revenus des parts ou actions conférant à leur détenteur la jouissance de biens immobiliers situés dans un Etat contractant étaient imposables dans cet Etat. Il a expliqué que ce paragraphe additionnel permettait d'adapter la convention au droit interne français dans lequel les personnes qui détiennent des parts dans une société civile immobilière sont considérées fiscalement comme directement propriétaires des immeubles gérés par ladite société.

Ensuite, M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, a annoncé que les règles de détermination des bénéfices imposables fixées par la convention franco-kazakhe étaient plus strictes que dans le modèle de convention de l'OCDE puisque la déduction de paiements par l'établissement stable à son siège central n'est pas admise, à l'exception de remboursements de dépenses engagées aux fins de cet établissement.

Puis il a rappelé que l'Etat de résidence de la société pouvait appliquer une retenue à la source à un taux réduit de 5 % sur les dividendes lorsque ces derniers sont payés à une société qui détient directement ou indirectement au moins 10 % du capital de la société, au lieu de 25 % dans le droit commun.

En outre, il a évoqué la possibilité pour l'Etat où est installé l'établissement stable de prélever un impôt au titre des bénéfices non réinvestis réalisés par cet établissement stable. Il a précisé que cette clause permettait d'adapter la convention au droit interne français, à savoir l'article 115 quinquies du code général des impôts, et visait à assurer la neutralité fiscale de la nature juridique du choix de l'implantation en tant que filiale ou établissement stable.

Par ailleurs, M. Jacques Chaumont, rapporteur, a indiqué que l'Etat de la source conservait la possibilité d'imposer les intérêts, qui ne sont normalement imposables que dans l'Etat de résidence, à un taux maximum de 10 %. Il a également cité les cas d'exonération prévus par la convention franco-kazakhe.

Enfin, M. Jacques Chaumont, rapporteur, a noté que, contrairement au modèle de convention de l'OCDE qui prévoit que les redevances sont imposables dans l'Etat de résidence de leur bénéficiaire, la convention franco-kazakhe dispose que l'Etat de la source peut imposer les redevances à un taux n'excédant pas 10 % de leur montant brut.

La commission a alors approuvé l'article unique du projet de loi.

TRAITÉS ET CONVENTIONS - CONVENTION FRANCE-BELGIQUE TENDANT À ÉVITER LES DOUBLES IMPOSITIONS ET À ÉTABLIR DES RÈGLES D'ASSISTANCE ADMINISTRATIVE ET JURIDIQUE - EXAMEN DU RAPPORT

Enfin, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jacques Chaumont sur le projet de loi n° 486 (1998-1999) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 10 mars 1964 entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus.

En introduction, M. Jacques Chaumont, rapporteur, a rappelé que l'article 11 de ladite convention disposait que les traitements, salaires et autres rémunérations analogues ne sont imposables que dans l'Etat contractant où s'exerce l'activité personnelle, source de revenu.

Toutefois, par dérogation à ce principe, il était prévu que les travailleurs frontaliers qui justifient de cette qualité par la production de la carte frontalière instituée par les conventions particulières intervenues entre les Etats contractants ne sont imposables sur les traitements, salaires et rémunérations qu'ils perçoivent à ce titre que dans l'Etat contractant dont ils sont résidents.

Il a expliqué que cela signifiait concrètement que les frontaliers français qui exercent leur activité professionnelle en Belgique étaient imposés en France et vice-versa.

M. Jacques Chaumont a alors déclaré que le régime fiscal applicable aux travailleurs frontaliers avait été remis en cause par deux arrêts de la Cour de cassation et de la Cour d'appel belges. Il a expliqué que ces dernières avaient considéré que ce régime d'imposition revêtait un caractère optionnel, dans la mesure où les contribuables doivent se déclarer frontaliers par la production des documents prévus par les deux Etats contractants pour être soumis à ce régime. Il a ajouté que suite à ces arrêts, les travailleurs frontaliers belges exerçant leurs activités en France pouvaient choisir entre une imposition en Belgique, résultant du régime spécifique des travailleurs frontaliers, et une imposition en France découlant de la règle générale d'imposition dans l'Etat d'activité, prévue dans la convention.

Il a précisé qu'à salaire égal, l'impôt sur le revenu était moins élevé en France qu'en Belgique, et que les travailleurs frontaliers belges avaient donc intérêt à être imposés en France. Il s'est inquiété du fait que la remise en cause du régime fiscal applicable aux travailleurs frontaliers entraîne une perte de recettes fiscales pour l'Etat belge et a ainsi justifié l'intérêt de ce dernier au maintien du régime fiscal spécifique appliqué aux travailleurs frontaliers.

Puis, M. Jacques Chaumont, rapporteur, a également souligné l'attachement de la France à la confirmation dudit régime. Il a fait remarquer que sa remise en cause aurait deux conséquences négatives : d'une part, un alourdissement des prélèvements obligatoires pesant sur les travailleurs frontaliers français et, d'autre part, une diminution des recettes de la France en matière d'impôt sur le revenu puisqu'au lieu d'imposer près de 14.000 travailleurs frontaliers français, elle n'imposerait que 6.000 travailleurs frontaliers belges.

M. Jacques Chaumont, rapporteur, a constaté que la France et la Belgique avaient donc conclu un avenant à la convention fiscale de 1964 afin de rendre toute leur portée aux dispositions relatives au régime fiscal des travailleurs frontaliers.

Il a expliqué que l'article premier de l'avenant confirmait le régime fiscal spécifique des travailleurs frontaliers en rendant obligatoire l'utilisation des formulaires actuellement en vigueur pour faire connaître leur statut de travailleurs frontaliers et être imposés dans leur Etat de résidence.

Le rapporteur a ajouté que la France et la Belgique avaient également décidé d'introduire une nouvelle clause de non-discrimination afin d'accorder aux résidents d'un Etat qui exercent leur activité professionnelle dans l'autre Etat et qui y sont imposables le bénéfice de certains avantages en matière de détermination du revenu professionnel imposable et de charges de famille.

Il a indiqué que cette clause avait essentiellement pour effet de donner aux résidents de France qui exercent leur activité en Belgique les avantages fiscaux prévus par la législation belge pour ses résidents.

En conclusion, M. Jacques Chaumont, rapporteur, a rappelé qu'une nouvelle convention fiscale était en négociation entre la France et la Belgique mais que certaines dispositions n'avaient pas encore fait l'objet d'un accord entre les deux parties.

M. René Ballayer s'est alors interrogé sur la définition des zones frontalières, lieu de résidence des travailleurs frontaliers.

M. Jacques Chaumont, rapporteur, a répondu que l'article 1er de l'avenant disposait que " la zone frontalière de chaque Etat comprenait toutes les communes situées dans la zone délimitée par la frontière commune aux Etats contractants et une ligne tracée à une distance de vingt kilomètres de cette frontière, étant entendu que les communes traversées par cette ligne sont incorporées dans la zone frontalière. "

La commission a alors approuvé l'article unique du projet de loi.

MERCREDI 10 NOVEMBRE 1999

- Présidence de M. Alain Lambert, président.

PJLF POUR 2000 - EXAMEN DES PRINCIPAUX ÉLÉMENTS DE L'ÉQUILIBRE DU PROJET DE LOI

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'examen des principaux éléments de l'équilibre du projet de loi de finances pour 2000, sur le rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général.

Le rapporteur général s'est tout d'abord intéressé aux éléments de cadrage macro-économique, indiquant que le Gouvernement prévoyait une croissance en volume du produit intérieur brut (PIB) de 2,8 %, et rappelant que l'année passée, la croissance attendue s'élevait à peu près au même niveau (+ 2,7 %) mais que le " trou d'air " provoqué par la crise asiatique dans les économies européennes avait provoqué une diminution de la croissance, qui devrait être, finalement, de 2,3 %.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a jugé qu'une croissance du PIB de 2,8 % en volume était un objectif élevé, mais réalisable sous deux conditions. Il a mentionné d'une part, la stabilité de l'environnement économique international, et, d'autre part, la poursuite de la croissance de la demande intérieure.

Abordant le contexte économique mondial, il a jugé probable la poursuite de la croissance aux Etats-Unis, même s'il existe un débat sur une éventuelle décélération de la croissance (" soft-landing "). Certains économistes, a-t-il noté, pensent que ce " soft-landing " n'aura pas lieu, mais ce point reste en débat.

Il a ensuite évoqué la situation économique du Japon. Le contexte économique japonais est celui d'une légère croissance, mais l'économie japonaise est une économie fragile, a-t-il estimé, relevant deux faiblesses structurelles notables : d'une part, le déficit public proche de 10 points de PIB, d'autre part, la dette publique, qui a dépassé les 100 points du PIB. Il a enfin rappelé que le Japon était particulièrement tributaire du niveau mondial des taux d'intérêt ainsi que des cours boursiers.

Sur le plan national, il a estimé que le regain de croissance pouvait être confirmé, mais il a regretté que certains obstacles structurels obèrent la croissance, citant notamment les rigidités du marché du travail et la situation, toujours problématique, des finances publiques en France.

A propos du déficit budgétaire, qui devrait diminuer de 0,3 point de PIB cette année, le rapporteur général a souligné qu'il s'agissait là d'une baisse " optique ", et a estimé que, compte tenu de la croissance attendue pour 2000, il aurait été possible de diminuer le déficit budgétaire de façon plus nette, sans effort supplémentaire.

Il a notamment fait remarquer que le déficit prévu par la loi de finances pour 1999 avait été réduit, en exécution, selon les chiffres communiqués par le Gouvernement, de 70 milliards de francs au 30 septembre 1999, alors que la baisse des déficits entre la loi de finances pour 1999 et la loi de finances pour 2000 se limitait à 20 milliards de francs. De même, il a regretté que la partie structurelle du déficit n'ait que faiblement été réduite contrairement au déficit conjoncturel, en raison du niveau actuel de progression du PIB.

Par ailleurs, il a estimé que les recettes fiscales étaient volontairement minorées par le Gouvernement. Le rapporteur général a en effet estimé leur excédent à un minimum de 30 à 40 milliards de francs pour 2000, contrairement à l'estimation basse fournie par le Gouvernement pour lequel l'excédent ne dépasserait pas 6 milliards de francs.

Evoquant les déficits publics français, il a souligné que la France continuait à se mal classer par rapport à la zone Euro et que de surcroît, elle avait dépassé en 1999 le plafond de 60 % de dette publique par rapport au PIB, tel que défini dans le Traité sur l'Union européenne.

Il s'est ensuite inquiété de l'absence de réformes de structure, évoquant l' " exception française " qui se caractérisait notamment par le maintien d'un déficit de fonctionnement élevé de sorte qu'en 2000, près de 50 milliards de francs de dépenses courantes seraient financées par l'emprunt et donc, de facto, par les générations futures. Il a par ailleurs évoqué l'impact des mesures décidées par le Gouvernement telles que celle relative aux emplois-jeunes, dont le coût s'élèvera à 24 milliards de francs en 2000 et à près de 33 milliards de francs en année pleine.

En outre, il a relevé que les dépenses de la fonction publique n'étaient pas maîtrisées, rappelant qu'elles mobilisaient 40 % du budget de l'Etat, et s'est alarmé de leur augmentation de 3,4 % par rapport à 1999, ce qui représentait 22,5 milliards de francs de dépenses supplémentaires alors que l'ensemble des dépenses du budget général ne devait progresser que de 15 milliards de francs.

Puis il a évoqué ce qu'il appelait le théorème de " Dominique Strauss-Kahn " et selon lequel, si les impôts diminuaient, les prélèvements obligatoires continuaient de progresser.

Il a rappelé que, selon le Gouvernement, les baisses d'impôt s'élèveraient à 39 milliards de francs en 2000, dont environ 20 milliards au titre de l'application du taux réduit de la TVA aux travaux dans les logements. Concernant cette mesure, il a tenu à exprimer quelques réserves. Il s'est tout d'abord demandé si les entreprises répercuteraient intégralement cette baisse de la TVA sur leurs factures. Il a exprimé un doute quant au caractère redistributif de la mesure, estimant qu'elle bénéficierait surtout aux ménages les plus aisés. Enfin, il s'est demandé si la baisse de la TVA était le choix le plus pertinent en matière d'utilisation des dépenses fiscales.

Par ailleurs, le rapporteur général a souligné les liens étroits qui unissent le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il a estimé que les prévisions de recettes pour 2000 étaient affectées par l'importance des transferts opérés en faveur de la sécurité sociale. Il a relevé que les prélèvements des entreprises augmentaient en 2000, notamment en raison de la taxe générale sur les activités polluantes, qu'il a estimé détournée de son objectif premier, la qualifiant d'" impôt de rendement ".

Il a souligné le niveau record atteint par les prélèvements obligatoires en France de sorte que, avec un niveau égal à 45,3 % du PIB en 1999, la France était la plus mal classée au sein de la zone Euro.

Il a rappelé les préconisations formulées par la commission des finances lors du débat d'orientation budgétaire, et a regretté que le Gouvernement n'en ait pas tenu compte lors de l'élaboration du projet de loi de finances.

A ce titre, il a rappelé qu'il lui apparaissait indispensable de mettre en place une vraie diminution des prélèvements obligatoires, ainsi qu'un meilleur contrôle de la dépense publique. Il ne s'agissait pas en effet forcément de dépenser moins, a-t-il souligné, mais également de dépenser " mieux ". Enfin, il s'est prononcé en faveur d'une diminution plus sensible du déficit budgétaire, pleinement compatible avec le niveau actuel des rentrées fiscales.

De façon générale, il a tenu à souligner que le Gouvernement continuait à bénéficier du regain actuel de croissance, soit de facteurs exogènes, lui permettant de " boucler " son budget, sans pour autant réaliser les nécessaires réformes de structure attendues par la société française, telles que la réforme de l'Etat, des retraites et du financement social.

Le rapporteur général s'est ensuite interrogé sur les moyens dont dispose le Parlement pour faire entendre sa voix et donner un contenu concret à ses préconisations.

Il a ainsi estimé que l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, nonobstant ses vertus intrinsèques, rendait l'exercice de réécriture du budget plus formel que lisible, puisqu'on ne pouvait pas réaffecter une dépense ou baisser globalement le niveau de la pression fiscale.

En outre, le rapporteur général a estimé qu'il était indispensable d'élaborer un budget consolidé de la Nation, comprenant à la fois le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. A défaut, la présentation de comptes consolidés était nécessaire afin d'avoir une vision claire et globale des finances publiques françaises et donc de permettre au Parlement d'exercer pleinement son rôle constitutionnel.

En conclusion, il a jugé que le rejet de certains fascicules budgétaires constituerait un message clair, adressé tant au Gouvernement qu'à l'opinion.

De ce fait, il a énoncé les trois critères permettant de déterminer si un budget devait faire l'objet d'un rejet. Le premier critère consiste à évaluer l'effort de rationalisation de la gestion du département ministériel. Le second consiste à s'opposer à la hausse des dépenses de gestion courante, qu'il s'agisse de dépenses de fonctionnement ou d'intervention. Le troisième critère concerne les dépenses de souveraineté ou d'investissement, dans la mesure où leur hausse n'est pas forcément " mauvais signe ", puisque ces dépenses permettent de préparer l'avenir, a estimé le rapporteur général.

Il appartient donc à chaque rapporteur spécial d'émettre les propositions dans le cadre ainsi fixé.

Après s'être inquiété des phénomènes de délocalisation ou de fuite de la matière imposable à l'étranger, M. Philippe Marini, rapporteur général, a donc demandé au Gouvernement d'utiliser les marges de manoeuvres fiscales dont il disposait aujourd'hui pour résoudre les problèmes structurels auxquels il était confronté, et d'agir pour que la croissance soit réellement mise à profit pour assainir les finances publiques, en vue d'années éventuellement plus difficiles.

M. Jean-Philippe Lachenaud a félicité le rapporteur général pour la clarté de son exposé. Il a ensuite fait plusieurs remarques.

Il a tout d'abord souligné que la présentation habile du projet de loi de finances pour 2000, par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, ne résistait pas à l'examen des faits, à savoir l'importance de la hausse des prélèvements obligatoires et le maintien, à des niveaux élevés, des déficits et de la dette publics.

Il a déclaré que la distinction entre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale devenait absurde, et qu'il convenait de réfléchir à une réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, dont l'esprit était de retracer, dans un document unique, l'ensemble des ressources et des charges de l'Etat, et qui ne répondait plus désormais à son objet. Il a ajouté qu'une telle réforme se justifiait d'autant plus que le Parlement ne pouvait, sauf à transgresser les dispositions de l'ordonnance organique, procéder à des amendements nécessaires sur le projet de loi de finances, comme des réallocations de crédits.

Enfin, s'agissant des critères qui guideraient les propositions de vote de la commission sur les fascicules budgétaires, il les a approuvés dans leur ensemble, tout en regrettant que la notion de " budget régalien " n'apparaisse plus, et en souhaitant que chacun des budgets soit examiné strictement à l'aune des critères énoncés par le rapporteur général.

M. Maurice Blin a félicité le rapporteur général pour la pertinence de ses propos. Il a fait trois observations.

Il a tout d'abord noté que les engagements de l'Etat, hors budget, se multipliaient, à l'image du fonds spécial pour le financement des trente-cinq heures, et que les confusions entre le budget de l'Etat et les crédits de la sécurité sociale rendaient encore plus complexe le suivi de la politique budgétaire.

En second lieu, il a considéré que le projet de loi de finances pour 2000 ne préparait pas l'avenir, et ne permettait pas de faire face à un éventuel retournement de la croissance économique. A ce titre, il s'est alarmé de l'absence de toute réforme en matière de retraites.

Enfin, il a fait remarquer que le Gouvernement se félicitait de la reprise du marché de l'emploi, mais a noté que le système d'indemnisation du chômage, trop généreux par rapport aux revenus tirés de l'activité, créait une désincitation à l'activité professionnelle. Soulignant les insuffisances du revenu minimum d'insertion, il a encouragé le rapporteur général à poursuivre ses réflexions sur le " revenu minimum d'activité " (RMA).

M. René Ballayer a adressé ses félicitations au rapporteur général pour son exposé. Tirant enseignement de son expérience personnelle, en tant qu'ancien chef d'entreprise, il s'est étonné que l'Etat puisse continuer à emprunter pour payer des dépenses de fonctionnement courant, alors même que la croissance économique était forte.

Mme Maryse Bergé-Lavigne a déclaré que la présentation du projet de loi de finances pour 2000 intervenait dans un excellent contexte économique, marqué notamment par une diminution du taux de chômage, une bonne santé des entreprises et un record de capitalisation pour les marchés boursiers. Notant que le rapporteur général avait parlé de baisse optique du déficit budgétaire, elle a estimé que la présentation faite de la hausse des prélèvements obligatoires relevait également d'un tel effet d'optique.

Mme Marie-Claude Beaudeau a noté que le rapporteur général proposait de réduire davantage le déficit budgétaire, ce que le projet de loi de finances réalisait déjà. Elle a souligné la nécessité de satisfaire les besoins collectifs, avant de proposer de réduire la pression fiscale. Elle a ajouté qu'il convenait de poser deux questions essentielles, à savoir tout d'abord, qui contribuait à l'impôt, et ensuite, qui bénéficiait de la redistribution des sommes prélevées. Concernant les contributeurs de l'impôt, elle a noté que le produit de l'impôt sur le revenu avait fortement progressé en 1999, mais que certaines dispositions fiscales visaient à alléger les charges sur les ménages aisés. S'agissant de la redistribution des sommes prélevées, elle a estimé que des crédits supplémentaires accordés aux bénéficiaires des minima sociaux auraient un impact direct sur l'activité économique, puisque ces sommes seraient immédiatement transformées en consommation, et non en épargne.

M. Roland du Luart s'est déclaré très satisfait de l'exposé du rapporteur général. Il a souscrit à l'objectif de réduction des prélèvements obligatoires, en indiquant que les réponses du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur ce sujet étaient insuffisantes. Il a souhaité que le Gouvernement précise le nombre de contribuables français qui, du fait de la pression fiscale, avaient quitté le territoire national. A ce sujet, il s'est interrogé sur la possibilité de revenir sur la limitation des effets du plafonnement en matière d'impôt de solidarité sur la fortune. Enfin, il s'est inquiété du sort de certaines personnes âgées qui, vivant en grande partie de la rémunération de leur capital, devaient supporter une imposition parfois supérieure aux revenus qu'elles en tiraient.

M. Jacques Oudin a salué l'exposé du rapporteur général. Il a souhaité le compléter sur trois points.

Tout d'abord, il a souligné la hausse des dépenses de fonctionnement et la diminution parallèle des dépenses d'investissement, alors même que les premières représentaient la gestion du quotidien et les secondes la préparation de l'avenir.

Ensuite, il a détaillé les dépenses de fonctionnement : les dépenses de fonction publique tout d'abord, pour lesquelles il existait des possibilités de redéploiement, les dépenses d'aides à l'emploi ensuite, qui poursuivaient leur augmentation même en période de croissance, les aides aux " délaissés ", et les subventions d'équilibre à divers organismes.

Puis M. Jacques Oudin a relevé l'échec des pouvoirs publics pour développer l'activité économique, en observant que le nombre de salariés du secteur marchand en France était inférieur à la moyenne de l'Union européenne, la Grande-Bretagne comptant ainsi 3 millions de salariés de plus que la France. Il a ajouté que le taux de chômage français était encore très supérieur à la moyenne européenne.

Enfin, il a souligné les liens entre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il a rappelé que les recettes et dépenses passaient de l'un à l'autre texte, alors même que ces deux lois ne présentaient pas la même structure et ne répondaient pas aux mêmes obligations : autant la loi de finances, qui ouvrait des autorisations de dépenses, faisait l'objet d'un suivi rigoureux qui débouchait sur la loi de règlement, autant la loi de financement de la sécurité sociale, qui ne fixait qu'un " objectif " de dépenses, ne donnait lieu à aucun contrôle a posteriori du Parlement.

M. Alain Lambert, président, a déclaré approuver entièrement les options prises par le rapporteur général. Il s'est inquiété du fait que le projet de loi de finances ne tenait aucun compte de l'avenir, et continuait à faire porter sur les générations futures, par le biais de l'emprunt, les dépenses actuelles.

Reprenant les termes employés par Mme Marie-Claude Beaudeau, il a estimé que les besoins collectifs devaient effectivement être satisfaits, mais qu'il fallait, dans un contexte de croissance retrouvée, songer aux besoins des générations à venir. Il a demandé au rapporteur général s'il croyait que le Gouvernement avait vraiment la maîtrise de la croissance économique, qui lui permettrait de se garantir contre un retournement de conjoncture, de même nature que celui de 1992-1993.

Enfin, il a déclaré partager, comme tous ses collègues, des préoccupations sociales, mais s'est alarmé du poids pris par les rémunérations de la fonction publique dans le total des dépenses publiques, à savoir 40 %.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a remercié tous les intervenants. A M. Jean-Philippe Lachenaud, il a rappelé que les décisions déjà prises par la commission sur certains fascicules budgétaires l'avaient été en conformité avec les critères qu'il avait exposés dans son exposé général. S'agissant des crédits de la défense, dont la commission a préconisé le rejet, il a rappelé que la loi de programmation militaire n'était pas respectée en matière d'investissements, ce qui compromettait l'avenir. Concernant les crédits de la recherche, il a noté l'opacité de la présentation budgétaire et les inquiétudes relatives aux investissements dans les grands équipements à caractère scientifique. Enfin, pour l'enseignement supérieur, il a relevé que les efforts d'évaluation de la dépense étaient insuffisants et que les dysfonctionnements du système d'enseignement nécessitaient de s'interroger sur une meilleure allocation des ressources publiques en faveur de l'éducation.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite approuvé les propos tenus par M. Jacques Oudin, s'agissant notamment de la dichotomie croissante entre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il a observé que le cadre fixé par l'ordonnance du 2 janvier 1959 avait éclaté et qu'il convenait désormais de le rebâtir. Il a souhaité que la réflexion sur la réforme de l'ordonnance organique de 1959 constitue un des axes de travail essentiels pour la commission des finances en l'an 2000.

En réponse à M. Maurice Blin, il a indiqué que la forte croissance économique dans l'Union européenne permettait la diminution du chômage en France, mais qu'il restait à un niveau très élevé par rapport à d'autres pays, comme l'Allemagne, qui connaît, pour sa partie ouest, un taux de chômage d'environ 7 à 8 %. Il a regretté que les crédits pour les prestations d'assistance aient progressé de 30 % en quatre ans, alors même que la croissance était vive, ce qui témoignait d'une mauvaise prise en compte du phénomène de l'exclusion. Il en a conclu que la lutte contre l'assistanat devenait un enjeu politique fondamental, thème qui pourrait être examiné par la commission des finances en l'an 2000, en concertation avec la commission des affaires sociales, au travers notamment de la mise en place d'un " revenu minimum d'activité " (RMA).

Il a ensuite approuvé les propos tenus par M. René Ballayer, en ajoutant qu'il était plus que nécessaire de se préoccuper des générations futures, et de ne pas hypothéquer leur avenir.

Il a pris acte des remarques formulées par Mme Maryse Bergé-Lavigne, tout en notant que son point de vue divergeait de celui de la majorité de la commission.

A Mme Marie-Claude Beaudeau, il a répondu que la satisfaction des besoins collectifs et la revalorisation des minima sociaux constituaient deux éléments d'un véritable débat de société. S'agissant de la distinction entre ceux qui contribuent à l'impôt et ceux qui bénéficient de la redistribution, il l'a alors invitée à s'interroger sur les véritables bénéficiaires de l'abaissement de la TVA sur les logements, qui seraient d'abord, à en croire les études économiques, les ménages aisés. Il a ajouté que les entreprises, qui ont encore un sens civique, pourraient le perdre progressivement, eu égard aux contraintes toujours croissantes de l'environnement international, et au poids des prélèvements obligatoires en France.

En réponse à M. Roland du Luart, il a indiqué que la limitation du plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune avait été une grave erreur, d'ailleurs dénoncée à l'époque par la commission des finances du Sénat, et qu'il devrait proposer d'y remédier sous la forme d'un amendement au projet de loi de finances. S'agissant des revenus patrimoniaux des personnes âgées, il s'est félicité que les marchés financiers se portent bien, ce qui permettait de maintenir une rémunération de l'épargne pour les petits contribuables.

En réponse à M. Alain Lambert, président, il a fait observer la relativité du pouvoir des gouvernements. Il a rappelé la situation économique du Japon, qui faisait peser un risque réel de déstabilisation sur l'ensemble des économies et des marchés financiers américains, européens et mondiaux. Il a cité l'exemple de la crise du fonds " long term credit management " (LTCM), qui avait nécessité la mobilisation de toute la communauté financière américaine.

Mme Maryse Bergé-Lavigne a indiqué qu'elle ne pensait pas que les Etats seraient bientôt relégués au second plan pour la gestion des crises financières. Prenant l'exemple du Japon, elle a noté que le sauvetage du système bancaire japonais avait été en grande partie l'oeuvre des pouvoirs publics, ce qui pouvait pour partie expliquer le niveau de la dette publique japonaise. Elle a déclaré que l'ouverture prochaine des négociations dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) nécessiterait l'intervention forte des Etats.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a approuvé cette intervention, notamment quant au rôle éminent que devait jouer l'Etat, tout en ajoutant qu'il croyait davantage à un Etat régulateur du marché qu'à un Etat administrateur, c'est-à-dire, désireux de se substituer au marché.

PJLF POUR 2000 - MODALITÉS DE VOTE DES FASCICULES BUDGÉTAIRES - COMMUNICATION DE M. ALAIN LAMBERT, PRÉSIDENT

Puis, la commission a entendu une communication de M. Alain Lambert, président, sur les modalités de vote des fascicules budgétaires.

Le président a expliqué que cette mise au point était rendue nécessaire par la discordance entre la nomenclature budgétaire retenue par le Gouvernement et la structure des rapports spéciaux de la commission.

En premier lieu, il a rappelé que certains rapports spéciaux ne correspondaient ni à un ministère ni à une section budgétaire, comme par exemple, les rapports coopération, commerce extérieur, ports maritimes, sécurité ou fonction publique. Dans ce cas, a-t-il rappelé, la commission doit se prononcer sur l'ensemble du " bleu " dont de tels rapports n'analysent qu'une partie : par exemple, les affaires étrangères pour la coopération, les services généraux du Premier ministre pour la fonction publique, le ministère de l'intérieur et de la décentralisation pour le rapport spécial sécurité. La commission se prononce alors en un seul vote sur l'ensemble des rapports spéciaux formant un " bleu ".

En second lieu, il a expliqué que même lorsqu'il y avait concordance entre un rapport spécial et une section budgétaire, celle-ci pouvait ne pas donner lieu à un vote distinct en séance publique. Ainsi, dans deux cas, celui de l'économie, des finances et de l'industrie et celui de l'équipement, des transports et du logement, la nomenclature retenue par le Gouvernement ne permet pas un vote par section, mais contraint à un vote unique sur l'ensemble du ministère.

Il a considéré que cette situation posait surtout difficulté pour le ministère de l'équipement, celui de l'économie ne comptant plus désormais qu'un seul bleu doté de crédits, à savoir la section I. Economie, finances et industrie sur laquelle la commission se prononcerait ultérieurement, ce vote valant pour l'ensemble des crédits du ministère.

Il a expliqué à la commission que le Gouvernement avait choisi une structure de vote qui ne permettait pas, en séance publique, d'adopter ou de rejeter séparément les différents fascicules du ministère de l'équipement, des transports et du logement (I. Services communs, II. Urbanisme et logement, III. Transports, IV. Mer et V. Tourisme), contrairement aux fascicules d'autres ministères pour lesquels étaient proposés des votes séparés, comme sur les fascicules du ministère de l'emploi et de la solidarité (I. Emploi, II. Santé et solidarité et III. Ville, soit trois votes), ou les services du Premier ministre (I. Services généraux II. Secrétariat général de la défense nationale III. Conseil économique et social IV. Plan, soit quatre votes).

Il a ajouté que la commission ne pourrait exprimer de positions différentes sur chacun des fascicules du ministère de l'équipement, qu'en déposant des amendements de modification des mesures nouvelles, amendements difficilement compréhensibles et qui risquaient, pour certains, d'être irrecevables, lorsque les mesures nouvelles sont négatives (leur suppression revient alors à augmenter les dépenses).

Il a donc conclu que, de même que le Sénat, en séance publique, procéderait à un seul vote sur ces crédits, la commission devrait se prononcer par un seul vote sur l'ensemble des crédits du ministère de l'équipement, des transports et du logement, le 18 novembre prochain, chaque rapporteur spécial étant naturellement libre de son avis pour les crédits de la section le concernant.

La commission a alors donné acte au président de sa communication.

SÉCURITÉ SOCIALE - PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2000 - EXAMEN DU RAPPORT POUR AVIS

Au cours d'une seconde séance, tenue dans l'après-midi, la commission a tout d'abord procédé à l'examen du projet de loi n° 40 (1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2000, sur le rapport de M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis.

M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a d'emblée indiqué qu'il estimait ce projet de loi encore plus mauvais qu'il aurait pu le penser. Rappelant le rôle que jouait la commission des finances dans l'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale, il a estimé que cette dernière devait donner une vision nette du présent et de l'avenir : étudier au Parlement les différents comptes sociaux, évaluer l'état des réformes entreprises en matière de politiques sociales, décider des ajustements nécessaires pour prendre en compte les dérives financières. Il a observé que, sur aucun de ces sujets, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 n'offrait de perspective satisfaisante : les comptes sont brouillés ; les finances sociales n'ont pas de cohérence avec les finances de l'Etat ; les politiques sociales sont bien loin de l'ampleur des enjeux ; l'exercice est comme pollué par les modalités de financement du passage aux 35 heures.

Le rapporteur pour avis a souhaité replacer le projet de loi de financement dans le contexte plus général des finances publiques. Il a ainsi indiqué que la protection sociale représentait en 1998 30,6 % du produit intérieur brut (PIB), et que ce projet avait une ampleur financière supérieure à celle de la loi de finances. Il a ensuite formulé plusieurs observations sur les prélèvements obligatoires affectés aux administrations de sécurité sociale : ceux-ci dépassent ceux affectés à l'Etat ; ils connaissent une hausse ininterrompue ; la France est le pays d'Europe qui a le plus fort taux de prélèvements obligatoires sociaux (19,6 % contre une moyenne de 9,8 % dans les pays membres de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE)), et la plus forte proportion de prélèvements sociaux dans l'ensemble des prélèvements obligatoires (41,6 % contre une moyenne de 28,9 % dans l'OCDE). Il a constaté que, depuis 1997, pas moins de douze impositions et taxes sociales avaient été soit créées, soit élargies. Il a rappelé que la sécurité sociale avait bénéficié de recettes exceptionnellement favorables depuis 1997, fruit de la croissance économique et des prélèvements nouveaux. Il a constaté en revanche que les dépenses se poursuivaient depuis trois ans sur un rythme trop élevé, supérieur à 3 % en moyenne et que, de ce point de vue, le Gouvernement porterait la lourde responsabilité de n'avoir pas utilisé les recettes supplémentaires pour engager les réformes essentielles dont a besoin notre système de protection sociale. Il a également voulu dénoncer par avance toute approche par le solde, estimant que son redressement ne devait pas cacher la progression des dépenses, rigides et pérennes, et des recettes, elles, plus volatiles.

Puis M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a mentionné les liens très étroits unissant les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Il a indiqué que ces imbrications, non seulement rendaient presque impossible une vision globale et cohérente des finances publiques, mais encore retiraient toute sincérité à chacun des deux textes. En dehors des dispositions nécessaires au financement des 35 heures, il a illustré son propos de plusieurs exemples :

- la loi de finances ne mentionne pas la part de l'Etat (4,7 milliards de francs) dans la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (ARS), qui figure pourtant au projet de loi de financement ;

- la loi de finances ne mentionne pas la prise en charge par l'Etat d'un milliard de francs correspondant à la subvention de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), au fonds d'action sociale des travailleurs immigrés et de leur famille, dont le transfert vers le budget de l'Etat figure pourtant au projet de loi de financement ;

- la loi de finances ne mentionne pas la prise en charge par l'Etat de la baisse de 3 milliards de francs sur deux ans du versement de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) au titre de la surcompensation, baisse qui figure pourtant dans la loi de financement ;

- la loi de finances ne mentionne pas les conséquences financières des diverses revalorisations de prestations et exonérations de cotisations, qui figurent pourtant au projet de loi de financement, dans le budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA) ;

- à l'inverse, la loi de financement ne mentionne pas le prélèvement de 1 milliard de francs sur le produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) au BAPSA qui figure pourtant en loi de finances.

M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a ainsi souligné la nécessité, déjà mise en évidence par le rapporteur général, de disposer d'une lecture consolidée des finances publiques.

Il a ensuite mis en doute la fiabilité des comptes de la sécurité sociale. Il a observé que ces observations résultaient avant tout de l'incapacité de l'Etat à présenter une comptabilité en droits constatés de l'ensemble des régimes. Il a expliqué que la commission des comptes de la sécurité sociale avait, contre tout principe, minoré l'excédent prévisionnel du régime général de 8,1 milliards de francs en imputant sur les comptes des caisses des mesures figurant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale : la participation du régime général à hauteur de 5,6 milliards de francs au financement des 35 heures et la part revenant à la CNAF de la majoration de l'ARS (2,5 milliards de francs). Il a fait remarquer que la loi de financement dégradait ainsi en réalité le compte tendanciel de plus de 12 milliards de francs, et non pas de 4 milliards de francs, comme l'indique le Gouvernement.

Puis le rapporteur pour avis a détaillé le mode de financement des 35 heures, en constatant que le bouleversement du dispositif lors de l'examen par l'Assemblée nationale en première lecture avait deux conséquences étonnantes : l'attribution de droits sur les alcools au fonds de financement des 35 heures au lieu du fonds de solidarité vieillesse revient à priver de 5,6 milliards de francs en 2000 et de 12 milliards de francs par an, par la suite, le fonds de réserve pour les retraites ; l'attribution de 49 % du produit du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine revient à remettre en cause le mode de financement de la couverture maladie universelle (CMU), pourtant instauré en juin dernier.

Décrivant la mise en place du fonds de financement des 35 heures et ses dépenses futures, estimées à 65 milliards de francs en 2000 et à 105 milliards de francs en année pleine, M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a expliqué que le Gouvernement proposait de les financer l'année prochaine par cinq prélèvements obligatoires nouveaux et une subvention de l'Etat : transfert de droits sur les tabacs, transfert de droits sur les alcools, transfert et élargissement de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), création d'une cotisation sociale sur les bénéfices des sociétés (CSB), création d'une taxe sur les heures supplémentaires, et subvention de l'Etat prélevée sur le budget de l'emploi.

Il a prédit pour 2001 que ces différents prélèvements obligatoires augmenteraient sensiblement, puisque le Gouvernement aurait à trouver 50 milliards de francs nouveaux pour financer les 35 heures. Evoquant les conséquences néfastes de cette mesure et de son mode de financement pour l'économie française, il a indiqué qu'il en proposerait la suppression.

Le rapporteur pour avis a ensuite critiqué le Gouvernement pour le choix d'un nouveau mode de calcul de l'objectif national d'évolution des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) : le projet de loi propose de calculer son taux d'évolution par rapport, non pas aux prévisions de l'année précédente, mais aux réalisations, ce qui revient à afficher un taux de progression de 2,5 % quand les dépenses augmentent en réalité de 4,5 %. Il a estimé que cette tromperie permettait de tirer un trait sur les dépassements des années précédentes, soit 13 milliards de francs, mais qu'il n'en restait pas moins que l'ONDAM passerait, si les prévisions se réalisaient, de 599,5 milliards de francs en 1997, à 658 milliards de francs en 2000. Dénonçant d'autres astuces comptables, il a appelé de ses voeux l'établissement d'une loi de règlement pour le financement de la sécurité sociale qui permettrait de limiter ces manipulations de chiffres. Rappelant que les dépenses de santé constituaient le premier poste de dérive des dépenses sociales, il a fortement critiqué le mode de régulation proposé cette année par le Gouvernement, en le qualifiant de trop complexe, d'obstacle à la concertation, et de morcellement des responsabilités.

S'agissant de l'industrie pharmaceutique, il a émis les plus vives réserves sur la création d'une contribution exceptionnelle des entreprises pharmaceutiques, mesure équivalente à une précédente contribution déjà annulée par le Conseil constitutionnel, le Conseil d'Etat, et la Cour de justice des communautés européennes.

Il a dénoncé l'absence de politique hospitalière, les retards excessifs pris pour l'utilisation des fonds de restructuration sous-dotés par rapport aux enjeux. Il a reproché au Gouvernement de ne pas mener de réelle politique de rattrapage des disparités régionales en matière de dotations hospitalières.

Abordant la question des retraites, le rapporteur pour avis a fait part de ses interrogations sur les objectifs, le mode de gestion, et la nature des ressources du fonds de réserve pour les retraites créé il y a un an. De ce point de vue, il a dit chercher la cohérence entre les prélèvements sur les ressources du fonds de solidarité vieillesse et l'apparente volonté du Gouvernement de donner la priorité au fonds de réserve. De même, il a déploré l'immobilisme du projet de loi sur la réforme du système français de retraites.

M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a qualifié de " sans ambition " la politique de revalorisation arbitraire de certaines prestations familiales. Il a fait part de ses craintes pour les ressources de la branche famille face à l'absence, dans le projet de loi de finances, de la part de la prise en charge par l'Etat de la majoration de l'ARS. Il a précisé que le projet de loi de financement contenait plusieurs mesures d'élargissement du dispositif de cessation anticipée d'activité en faveur des victimes de l'amiante, pour un coût en année pleine d'un milliard de francs.

Enfin, le rapporteur pour avis a dénoncé les aberrations de la politique de trésorerie. Il a expliqué que l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) devait recourir jusqu'à 29 milliards de francs d'avances de trésorerie de la part de la Caisse des dépôts et consignations, résultant en partie des retards de paiement de l'Etat et du déficit cumulé du régime général faute de mesures correctrices (8,5 milliards de francs) à la fin de l'année 1999.

Il a évoqué le cas de la CNRACL, qui doit recourir à des avances de trésorerie, et prélever sur ses réserves, pour financer un versement de 20 milliards de francs au titre de la surcompensation.

M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a conclu en proposant à la commission d'émettre un avis négatif sur ce projet de loi de financement, qui augmente les prélèvements comme les dépenses, n'engage aucune réforme, et fragilise l'économie française.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a remercié le rapporteur pour avis de sa mise en perspective du projet de loi de financement, et s'est félicité qu'ayant travaillé en liaison étroite avec la commission des affaires sociales, il puisse formuler des analyses similaires et suivre des approches cohérentes.

Abordant la question du fonds de réserve pour les retraites, le rapporteur général a constaté, pour le déplorer, que les recettes de ce fonds s'annonçaient dramatiquement insuffisantes par rapport aux objectifs, d'ailleurs assez flous. Il a fait part de sa surprise devant le prélèvement opéré sur ces recettes pour le financement des 35 heures, et a donc qualifié ce fonds de " véritable imposture ". Il a noté que ce fonds, présenté comme un signal du Gouvernement, se retrouvait écorné dès la première occasion venue. Il s'est donc interrogé sur l'évolution à venir du fonds de réserve. Il a ensuite demandé à M. Jacques Oudin les raisons pour lesquelles la partie de la majoration de l'ARS à la charge de l'Etat ne figurait pas en loi de finances initiale. Enfin, il a posé une question sur la cohérence entre la politique de trésorerie du régime général de sécurité sociale et celle de l'Etat.

M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a indiqué que rien n'avait été fait encore pour le fonds de réserve et que toutes les possibilités étaient donc ouvertes. Pour l'ARS, il a rappelé qu'elle figurait auparavant en loi de finances rectificative parce que la décision de majoration n'était pas prise au moment de l'établissement de la loi de finances initiale. Il a cependant fait remarquer que pour 2000 la décision de pérenniser la majoration de l'ARS avait été prise dès le mois de juillet 1999, et qu'elle aurait ainsi dû figurer en loi de finances initiale. S'agissant de la politique de trésorerie, il a expliqué que les retards de paiement de l'Etat permettaient à ce dernier de faire reposer la charge de trésorerie sur la sécurité sociale.

M. Michel Mercier a observé que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 traduisait les limites de cet instrument juridique, qui ne contribue pas à la maîtrise des dépenses et apparaît de plus en plus comme une seconde loi de fiscalité, sans que l'on en connaisse vraiment les affectations. Il a estimé qu'il y avait là un complet dérapage de la volonté initiale du législateur organique, qui était de doter le Parlement d'un outil de maîtrise des dépenses.

M. René Ballayer a fait remarquer que le texte adopté par l'Assemblée nationale mentionnait une hausse future des droits sur les tabacs.

M. Joseph Ostermann a estimé qu'il devenait nécessaire de réaliser un bilan net des prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises, et s'est demandé comment pourrait être atteint le montant de 12,5 milliards de francs chacune pour la CSB et la TGAP.

Le rapporteur pour avis a fait part de sa forte préoccupation devant l'évolution des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Il a estimé que l'objectif vertueux initial, qui était de fournir un cadre global d'analyse de la dépense sociale, se transformait par le machiavélisme de l'Etat en moyen d'échapper aux stricts encadrements qui entravent les lois de finances. Il a regretté, de ce point de vue, que l'examen des deux textes procède de deux commissions différentes. Il s'est félicité pour le chemin réalisé avec la commission des affaires sociales sur la voie de la convergence des approches et a souligné l'importance des réflexions menées sur la dynamique des dépenses et l'inefficacité des mécanismes de leur maîtrise. La loi de financement lui paraît ainsi utilisée pour seulement augmenter et créer des taxes. Il a estimé, s'agissant de la CSB et de la TGAP, que l'on n'éviterait pas, dans les années à venir, une forte augmentation de leur taux. Il a confié ses inquiétudes sur les conséquences de ce jeu de dupes sur les entreprises françaises dans un contexte d'économie ouverte.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles.

A l'article 2 (création du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale), elle a adopté un amendement de suppression.

Elle a également proposé de supprimer les articles 3 (institution d'une contribution sociale sur les bénéfices des sociétés) et 4 (extension de la taxe générale sur les activités polluantes).

Enfin, la commission a décidé d'émettre un avis défavorable sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

PLF 2000 - INTÉRIEUR ET DÉCENTRALISATION - VOTE

Puis la commission s'est prononcée sur les crédits de l'intérieur et de la décentralisation, précédemment réservés.

M. Michel Mercier, rapporteur spécial des crédits de la décentralisation, a indiqué que le fruit de ses réflexions l'amenait à une position réservée sur ces crédits. Il s'est en effet félicité de l'effort entrepris par le Gouvernement en faveur des collectivités locales depuis le dépôt du projet de loi de finances. Il a cependant émis trois critiques de fond. Il a d'abord constaté qu'en retirant de ces crédits les conséquences des textes précédemment adoptés et les mesures figurant dans la rédaction initiale du projet de loi de finances, la progression n'était que de 750 millions de francs. Il a ensuite reproché au Gouvernement de mettre en place un double mécanisme d'attribution des concours aux collectivités locales : une enveloppe normée au sein de laquelle la dotation globale de fonctionnement progresse de 0,8 % ; et des abondements au coup par coup pour lesquels les collectivités locales ne peuvent avoir aucune garantie d'avenir. Il a estimé malsain ce double système. Enfin, il a regretté que le Gouvernement ait décidé de lisser sur 3 ans la prise en compte des résultats du recensement, alors que le comité des finances locales avait préconisé un étalement sur deux années.

M. Alain Lambert, président, voulant témoigner d'un espoir en la capacité du Gouvernement à s'améliorer, a proposé à la commission d'émettre un avis de sagesse. Il a rappelé que le ministère de l'intérieur et de la décentralisation faisant l'objet d'un seul vote, cet avis vaudrait aussi pour les crédits de la sécurité sur lesquels M. André Vallet, rapporteur spécial, avait émis un avis plutôt favorable.

M. Michel Mercier s'est dit d'accord pour proposer la sagesse, estimant que cet avis permettrait de demander davantage d'efforts pour la prise en compte du recensement et de diverses compensations d'exonérations d'impôts locaux.

Puis la commission a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur les crédits du ministère de l'intérieur et de la décentralisation.

PLF 2000 -AUDITION DE MMES MARTINE AUBRY, MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ, DOMINIQUE GILLOT, SECRÉTAIRE D'ETAT À LA SANTÉ ET À L'ACTION SOCIALE, ET NICOLE PÉRY, SECRÉTAIRE D'ETAT À LA FORMATION PROFESSIONNELLE

Puis la commission a procédé à l'audition de Mmes Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, et Nicole Péry, secrétaire d'Etat à la formation professionnelle, sur l'exécution budgétaire pour 1999 et les crédits de leur département ministériel pour 2000.

Mme Martine Aubry a indiqué que, depuis trois ans, le budget du ministère de l'emploi et de la solidarité poursuivait avec constance le même objectif : financer intégralement les priorités du Gouvernement, tout en maîtrisant l'évolution des dépenses publiques, c'est-à-dire, en recherchant systématiquement l'efficacité et en effectuant les redéploiements permis par les résultats bénéfiques d'une politique entièrement tournée vers la croissance, le développement de l'emploi et la lutte contre le chômage.

Elle a expliqué que, depuis 1997, la structure du budget de l'emploi avait été modifiée en profondeur dans trois directions qui reflètent la stratégie pour l'emploi du Gouvernement.

La première orientation concerne l'engagement de réformes structurelles destinées à développer l'emploi. Elle a estimé que, en matière de réduction du chômage, la croissance n'était pas suffisante, et qu'il fallait, dès lors, mettre en place de nouveaux outils pour développer l'emploi : la réduction de la durée du travail, la création d'activités nouvelles et l'allégement des charges qui pèsent sur le coût du travail. Ces politiques structurelles prennent désormais une place déterminante, à la fois dans le budget de l'emploi, soit 28,3 milliards de francs pour la réduction du temps de travail et les emplois-jeunes, et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, la réforme des cotisations patronales mobilisant à terme 105 milliards de francs, contre 40 milliards de francs pour la ristourne dégressive, après le basculement de la contribution sociale généralisée (CSG) en 1998, qui a largement contribué au dynamisme de la croissance.

S'agissant des emplois-jeunes, elle a indiqué que la dotation inscrite dans le budget 2000 était de 21,34 milliards de francs, soit 7,4 milliards de francs de plus qu'en 1999. Le bilan à la fin du mois d'octobre est de 217.550 postes créés ayant donné lieu à 203.200 embauches, le budget 2000 étant construit sur un objectif de 320.000 emplois créés. Elle a, dès lors, conclu que les objectifs du programme seront tenus tant en quantité, qu'en qualité, c'est-à-dire au regard, non seulement de l'utilité sociale des activités créées et de la capacité à pérenniser ces emplois au-delà des cinq ans que dure l'aide de l'Etat, mais aussi des résultats recherchés en termes de formation et de professionnalisation des jeunes recrutés.

Mme Martine Aubry a précisé que le deuxième axe de la stratégie de l'emploi est de mettre les dispositifs traditionnels de la politique de l'emploi au service de ceux qui rencontrent des difficultés particulières d'insertion (chômage de longue durée, problèmes de santé ou de logement). Elle a considéré que l'erreur des gouvernements précédents avait été d'utiliser les outils de la politique de l'emploi pour combler un déficit global d'emplois, alors que ces dispositifs ne sont efficaces que pour ceux qui subissent des difficultés particulières d'accession à l'emploi. Elle a estimé que la vocation des aides à l'emploi et à la formation était de privilégier le retour à l'emploi.

Elle a souligné que cette orientation était au fondement de la loi de lutte contre les exclusions et du programme national d'action pour l'emploi (PNAE), et qu'elle explique les efforts budgétaires consacrés aux nouveaux outils que sont le contrat emploi consolidé (CEC) de cinq ans à accès direct, le programme du trajet d'accès à l'emploi (TRACE), les contrats de qualification pour les adultes, le dispositif d'aide à la création d'entreprises (EDEN), le développement de l'insertion par l'économique. Cette orientation est également à l'origine du recentrage des outils traditionnels que sont les contrats emplois-solidarité (CES), les contrats d'initiative-emploi (CIE), ou les stages d'insertion et de formation à l'emploi (SIFE) sur les publics prioritaires, et les moyens donnés aux services publics de l'emploi pour assurer l'accompagnement individualisé des parcours de retour à l'emploi. Ainsi, de 1997 à fin 1999, 300.000 places supplémentaires ont été dégagées dans les dispositifs ciblés d'aides à l'emploi, dont 190.000 pour les publics très prioritaires. Cette approche permet également de lutter contre les discriminations envers les handicapés, contre les discriminations raciales et pour l'égalité entre les hommes et les femmes.

Elle a indiqué que la part des publics prioritaires, chômeurs de longue durée, âgés ou bénéficiaires de minimas sociaux, ou bien encore handicapés, en CES, est passée de 55 % en 1997 à 76 % en mai 1999. La part des chômeurs de plus de deux ans en CIE a été portée de 30,7 % à 41,3 % sur la même période. Cette évolution se confirmera en 2000, alors même que les flux d'entrée dans les mesures classiques peuvent poursuivre un ajustement à la baisse. Ainsi, le nombre d'entrées en CES prévu dans le budget 2000 est de 360.000, soit 30.000 de moins que la prévision d'entrées pour 1999, elle-même inférieure aux 425.000 entrées prévues en loi de finances initiale. La tendance est de même nature, même si elle est un peu moins sensible, pour les CIE, 155.000 entrées étant prévues en 2000, contre 180.000 en 1999, et pour les stages du fonds national de l'emploi (FNE), dont 158.000 seront ouverts en 2000, contre 179.000 dans le budget 1999. Elle a précisé que les CEC, en revanche, poursuivaient, avec 60.000 nouvelles conventions en 2000, leur montée en charge, selon le rythme prévu dans le programme de lutte contre les exclusions, ainsi que le programme TRACE qui atteindra l'objectif d'une offre de parcours accompagnée pour 60.000 jeunes. Le secteur de l'insertion par l'économique, c'est-à-dire des places nouvelles au sein des entreprises d'insertion, ou le soutien aux associations intermédiaires, bénéficie à nouveau d'un effort substantiel, les crédits prévus s'élevant à 910 millions de francs, en hausse de 22 %.

Mme Martine Aubry a présenté la troisième orientation stratégique, qui consiste à dégager les moyens nécessaires à cette politique de l'emploi par la recherche systématique de l'efficacité. Elle a expliqué que l'effort de redéploiement qu'elle avait initialement évoqué s'appliquait depuis trois ans essentiellement au budget de l'emploi. Si ce dernier a connu une progression nette de 10,7 milliards de francs de 1997 à 2000, ce montant résulte d'une progression cumulée de 37,2 milliards de francs et d'ajustements en baisse de 26,5 milliards de francs.

Elle a noté que les aides à l'emploi avaient fait l'objet d'une révision progressive, mais profonde, pour limiter les effets d'aubaine et les effets pervers, et a cité la suppression de l'exonération "Madelin", les exonérations au premier salarié payé au SMIC, les primes à l'embauche en contrat d'apprentissage et de qualifications réservées à ceux qui n'ont pas un diplôme équivalent au baccalauréat, ou encore la proratisation de la " ristourne dégressive ".

Elle a également expliqué que le recentrage des CES et des CIE sur les publics les plus éloignés de l'emploi avait permis depuis trois ans de dégager des économies substantielles tout en maintenant le nombre de places disponibles pour les personnes en réelle difficulté. Elle a considéré que le CIE en donnait l'exemple le plus frappant, la dotation destinée à ce contrat étant passée de 17,9 milliards de francs en 1997 à 7 milliards de francs en 2000, et a ajouté qu'elle a poursuivi le recentrage de ce dispositif vers les chômeurs de longue durée, que le précédent Gouvernement avait lui même amorcé dès 1996.

La ministre a précisé que des économies importantes avaient été réalisées sur les pré-retraites, en subordonnant la contribution de l'Etat à des négociations plus serrées et en accroissant la part financée par les entreprises en capacité de payer. La circulaire du 11 juillet 1997 sur l'accompagnement des licenciements économiques avait affirmé cette orientation, qui a été renforcée par le doublement de la contribution "Delalande", ainsi que, en septembre dernier, par des déclarations du Premier ministre.

Elle a cependant indiqué que le FNE restait un outil de solidarité et qu'en 2000, il porterait le nouveau dispositif de préretraite au profit des salariés ayant subi des conditions de travail particulièrement pénibles, ce nouveau dispositif faisant appel à la responsabilité financière des entreprises, mais aussi - et il s'agit d'un élément novateur - à l'implication des salariés, puisque la négociation en déterminera les conditions d'accès et d'accompagnement. Ce nouvel axe explique que la dotation budgétaire au FNE de 4,15 milliards de francs diminue sensiblement moins qu'elle ne l'avait fait en 1999 par rapport à l'an dernier, 694 millions de francs de moins au lieu d'une baisse de 3,4 milliards de francs en loi de finances pour 1999. Le bénéfice de cette politique en termes de créations d'emplois et de baisse du chômage est à l'origine d'une diminution du volume de préretraites et des dépenses de restructuration, et de la maîtrise des dépenses de chômage de solidarité.

Mme Martine Aubry a enfin présenté la quatrième orientation de sa politique, qui concerne le renforcement du service public de l'emploi. Les services du ministère de l'emploi bénéficieront ainsi de 130 emplois supplémentaires, principalement dans les sections d'inspection du travail qui sont fortement sollicitées par la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail, et par le renforcement du contrôle de la formation professionnelle. En outre, d'importantes mesures de requalification d'emplois et de revalorisation indemnitaire permettront d'améliorer la situation immédiate et les perspectives de carrière des agents. Le plan de transformation d'emplois au sein de la catégorie C s'amplifie en 2000 avec 365 transformations d'emplois d'agents en adjoints administratifs. Le processus de résorption de l'emploi précaire se poursuit grâce à la création d'emplois budgétaires et à une enveloppe de crédits de rémunération des agents titulaires. L'enveloppe indemnitaire est une nouvelle fois augmentée de 27,8 millions de francs.

La ministre a indiqué qu'elle engagerait en 2000 une double réforme : la refonte du statut de l'inspection du travail, en sorte que les déroulements de carrière soient plus conformes à l'importance et à la diversification des missions des inspecteurs, et la création d'un statut d'emploi pour les directeurs départementaux du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.

Elle a précisé que l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) bénéficierait de moyens conformes au troisième contrat de progrès signé le 28 janvier 1999 avec l'Etat. Sa subvention pour 2000 est augmentée de 5 %, soit 4,3 milliards de francs, afin d'assurer le financement de l'évolution de ces programmes et du volume de ces prestations dans le cadre du service intégré mis en place avec l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE). Cette dernière verra sa subvention portée à 6,36 milliards de francs, soit une augmentation de 10,3 %, et recevra le renfort de 500 agents supplémentaires de façon à poursuivre le travail considérable engagé pour faire vivre le programme "Nouveaux départs", l'objectif fixé en 2000 étant d'accompagner 1,1 million de demandeurs d'emplois dans cette démarche. Elle a rendu hommage au travail accompli en ce sens par l'ANPE.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé, a ensuite présenté le budget de la santé et de la solidarité pour 2000.

Elle a indiqué que le budget de la santé et de la solidarité, avec un montant de 90,8 milliards de francs, progressait de 13,3 %, soit une hausse brute de 10,6 milliards de francs, qui doit toutefois être tempérée puisqu'elle comprend les 7 milliards de francs de subventions de l'Etat au fonds de la couverture maladie universelle (CMU), alors même qu'interviennent d'autres mouvements qui ramènent le coût net pour l'Etat à 1,4 milliard de francs.

Elle a estimé que le budget 2000 poursuivait les priorités affirmées depuis 1997.

La première de ces priorités concerne la lutte contre l'exclusion et la protection des populations les plus fragiles.

La secrétaire d'Etat a expliqué que le budget 2000 respectait les engagements pris en 1998 : 220 millions de francs de plus sont apportés à l'accompagnement social individualisé, aux résidences sociales et aux fonds d'aide aux jeunes pris en charge dans le cadre du programme TRACE, 73,4 millions de francs pour le financement des centres d'hébergement et de réadaptation sociale (CHRS), dont 42 millions de francs pour la création de 500 places supplémentaires, 20,4 millions de francs pour consolider et accroître la capacité d'accueil des centres de formation des travailleurs sociaux. Les crédits d'investissement social sont ciblés sur les thèmes prioritaires des prochains contrats de plan Etat-Régions 2000-2006, par exemple, l'achèvement de l'humanisation des hospices, et son prolongement sur la remise en sécurité des maisons de retraite et des établissements d'hébergement des personnes lourdement handicapées, la rénovation des CHRS, ou l'aménagement d'aires de stationnement pour les gens du voyage.

Mme Dominique Gillot a expliqué que les dotations des trois minimas sociaux financés sur ce budget, le revenu minimum d'insertion (RMI), l'allocation parent isolé (API), et l'allocation adulte handicapé (AAH), sont ajustées aux besoins pour un montant total de mesures nouvelles de 3,2 milliards de francs, ce qui donne la mesure de la rigidité de la dépense sur un budget, qui, par ailleurs, contrairement au budget de l'emploi, n'offre guère, selon elle, de marge de redéploiement.

La progression la plus forte, soit 8,7 %, est celle de la dotation au RMI, de 28,7 milliards de francs. L'ampleur de cette progression s'explique par l'effet, en année pleine, de la revalorisation de 3 % appliquée en 1999, qui a justifié l'ouverture de 3,5 milliards de francs par décret d'avance en septembre dernier. Elle intègre également les effets du cumul, désormais possible, du RMI avec l'allocation pour jeune enfant (APJE), et les majorations pour âge des allocations familiales, ainsi que du RMI et des revenus d'activité au titre de l'intéressement. Elle a précisé que l'évolution réelle était encourageante, l'année 1998 marquant pour la première fois une diminution des entrées, et de ce fait un net ralentissement de la tendance à la hausse du nombre d'allocataires et a estimé que la baisse du chômage de longue durée en particulier commençait à porter ses fruits. Elle a noté que la prévision de dépenses au titre de l'AAH reposait sur une progression en valeur stabilisée à 3 %, qui porte la dotation à 25,55 milliards de francs.

Elle a souligné la création de 2.000 places supplémentaires en centres d'aide au travail (CAT), pour un montant de 131 millions de francs, ainsi que l'effort important réalisé en 2000 afin de renforcer les moyens des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) (20 emplois budgétaires nouveaux et 9 millions de francs supplémentaires pour les vacations). En outre, le budget de l'emploi finance la création de 500 places dans les ateliers protégés. Le budget 2000 traduit également un effort important pour améliorer la situation des réfugiés et demandeurs d'asile et pour favoriser l'intégration des travailleurs migrants et de leurs familles, dont les crédits augmentent de 29 % pour s'établir à 118 millions de francs.

Mme Dominique Gillot a ensuite indiqué que la sécurité sanitaire et le renforcement des politiques de santé publique constituaient la seconde priorité du ministère de la santé.

A ce titre, le budget de la santé progresse de 5,2 % par rapport à 1999, pour atteindre 4 milliards de francs. Toutefois, cette progression est atténuée par le glissement vers l'assurance maladie des frais de sevrage des toxicomanes et du financement résiduel des centres de dépistage anonyme et gratuit pour un total de 102 millions de francs. Elle a précisé que la montée en charge des agences de sécurité sanitaire était assurée, leur budget augmentant de 157 millions de francs pour s'élever à 495 millions de francs. Cette augmentation bénéficie aux agences nouvellement créées après la loi du 1er juillet 1998, en particulier l'institut de veille sanitaire et l'établissement français du sang, ainsi que l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES), dont le plan de charge de l'accréditation va s'accroître rapidement, et enfin, à l'office de protection des rayonnements ionisants (OPRI), qui doit faire face à d'importantes adaptations, notamment sous l'effet des directives européennes, et qui bénéficiera de 29 millions de francs supplémentaires auxquels s'ajoutent 22 millions de francs sur le budget de l'emploi.

La secrétaire d'Etat a indiqué que les axes de l'intervention de l'Etat en matière de santé publique étaient précisés et leurs moyens renforcés. Des moyens nouveaux de l'ordre de 150 millions de francs sont dégagés pour améliorer le ciblage et l'efficacité des interventions, tant générales, comme le financement du réseau des comités d'éducation pour la santé ou les observatoires régionaux de la santé, que ciblées, sur les enjeux de santé propres aux régions ou sur des publics particuliers (prévention et lutte contre les pratiques addictives et contre les maladies infectieuses, notamment l'hépatite C).

Elle a ajouté que, dans le domaine de l'offre de soins, la montée en charge du fonds d'investissement pour la modernisation hospitalière (FIMHO) se poursuivait, avec un nouvel apport de 200 millions de francs d'autorisations de programme et de 265 millions de francs de crédits de paiement. Elle a indiqué que cette montée en charge progressive tenait à ce que l'important était de cibler les opérations de façon à respecter les critères volontairement sélectifs qui ont été retenus, de façon à ce que la contribution de l'Etat aux opérations de restructuration et de modernisation joue un rôle de complément et de levier là où elle est nécessaire.

Mme Dominique Gillot a enfin indiqué que la troisième priorité du Gouvernement consistait à renforcer les moyens humains du ministère.

Elle a constaté que le budget 2000 poursuivait et amplifiait les mesures obtenues en 1998 et 1999, le pôle santé et solidarité bénéficiant de 137 emplois supplémentaires, dont 84 emplois viendront renforcer les services déconcentrés, ce qui constitue la priorité essentielle, l'accent étant porté sur les corps techniques supérieurs : médecins inspecteurs, pharmaciens inspecteurs, filière santé environnement. Quant aux services centraux, ils bénéficieront en 2000 de 53 emplois supplémentaires, en raison d'une réorganisation de structure de l'administration centrale. Par ailleurs, et comme dans le cadre du budget de l'emploi, des mesures de transformation et de requalification d'emplois, notamment pour les agents de catégorie B et C, de résorption de l'emploi précaire et de revalorisation indemnitaire seront prises.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est inquiété de ce que la loi de finances ne retrace pas les 4,7 milliards de francs résultant pour l'Etat de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (ARS) prévue pour 2000, ni le milliard de francs engendré par la prise en charge par l'Etat de la subvention de la Caisse nationale d'allocation familiale (CNAF) au fonds d'action sociale des travailleurs immigrés et de leurs familles (FAS), pas plus que l'augmentation de la participation de l'Etat, à hauteur de 3 milliards de francs sur deux ans, au titre de la surcompensation entre régimes de retraite suite à l'accord sur le redressement de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL). Il a de même relevé que la loi de financement de la sécurité sociale ne mentionnait pas la baisse de recettes du fonds de solidarité vieillesse (FSV) et donc du fonds de réserve pour les retraites, résultant de la perception par le budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA) d'un milliard de francs au titre de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) affectée aux FSV. Il a également observé que le fonds de réserve pour les retraites serait privé d'une partie du produit des droits sur les alcools, en raison de leur affectation au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, suite à la modification du dispositif initial du Gouvernement destiné à financer le passage aux 35 heures. Il s'est interrogé sur la nature de la taxation des heures supplémentaires qui, dans le dispositif initial du Gouvernement, devait constituer les réserves de trésorerie du fonds de financement dans le cadre du passage aux 35 heures, mais qui, désormais, en constitueront une ressource à part entière. Or, il apparaît, a-t-il fait valoir, que les plus grandes incertitudes existent sur le rendement de cette taxation. Il a également estimé que 20 milliards de francs environ viendraient à manquer pour assurer le financement, à terme, du fonds d'allégement des charges sociales. Puis il a voulu savoir pourquoi les ressources du fonds de financement n'étaient pas comprises dans le périmètre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, en méconnaissance des dispositions de la loi organique de 1996. Il a voulu savoir si l'Etablissement public d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA), créé par la loi relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville de 1996, était aujourd'hui opérationnel.

En réponse, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a estimé que le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale visait à assurer la transparence des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale. Elle a rappelé que le financement de la " ristourne dégressive " n'était pas assuré à hauteur de 7 milliards de francs en 1997, et a expliqué que le fonds de financement serait alimenté de manière pérenne. Par ailleurs, l'Etat présentera un rapport annuel établi sur une base contradictoire et paritaire, qui sera remis au conseil de surveillance du fonds de financement, ainsi qu'au Parlement. Elle a néanmoins rappelé que les transferts financiers entre l'Etat et la sécurité sociale avaient toujours existé, et a cité l'exemple du FSV créé par le Gouvernement de M. Edouard Balladur et financé par la C3S, par une part de CSG ainsi que par le produit des droits sur les alcools. Elle a précisé que le montant de l'ARS était décidé par la conférence de la famille, mais que sa majoration éventuelle serait prise en charge dans le cadre de la loi de finances rectificative par la CNAF à hauteur du quart et par l'Etat à hauteur des trois quarts. Il a en effet été décidé que l'ARS devenait une prestation familiale à part entière, prise en charge par la CNAF de manière progressive, soit 2,5 milliards de francs en 2000.

Elle a expliqué que la dotation nécessaire au redressement de la CNRACL serait inscrite dans la loi de finances. Elle a estimé qu'il était indispensable de ne pas accroître le déficit conjoncturel de cette caisse dans l'attente de réformes structurelles. Dès à présent, il a été décidé d'augmenter les cotisations employeur et de diminuer de 4 % la prise en charge financière au titre de la surcompensation.

La ministre a regretté le blocage des organismes sociaux sur leur contribution financière au financement de la réduction du temps de travail qui, selon elle, aurait permis d'activer davantage les dépenses passives de l'emploi, d'autant plus que ce principe avait été arrêté dès la préparation de la première loi, à vocation incitative, sur les 35 heures. Elle a dès lors expliqué que les 7 milliards de francs que devait initialement verser l'UNEDIC proviendraient de la taxation des heures supplémentaires, entre 35 et 39 heures hebdomadaires, 4 millions de salariés devant être passés à la semaine de travail de 35 heures à la fin de l'année 2000. Les 5,6 milliards de francs provisionnés initialement sur les comptes de la sécurité sociale seront financés par l'affectation d'une partie du produit des droits sur les alcools, aujourd'hui affectés au FSV. Elle a cependant indiqué que ce dernier serait en excédent de 11 à 12 milliards de francs en 2000. En contrepartie, les excédents de la sécurité sociale seront affectés au fonds de réserve pour les retraites.

Ce dernier, sur lequel sont aujourd'hui inscrits 2 milliards de francs, devrait atteindre 19 milliards de francs en 2000, avec l'apport du fonds de mutualisation des caisses d'épargne pour 4 milliards de francs, des excédents pour 1999 de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) à hauteur de 4,4 milliards de francs, de ses excédents pour 2000 dont 2,9 milliards de francs seront versés en 2000 au fonds de réserve, et enfin 5,5 milliards de francs au titre de l'affectation d'une quote-part du prélèvement de 2 % sur les revenus financiers du patrimoine, comme prévu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Par ailleurs, le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations a fait part de son souhait d'affecter 3 milliards de francs au fonds de réserve pour les retraites, soit un total éventuel de 22 milliards de francs en 2000.

La ministre a indiqué que l'EPARECA était aujourd'hui en place, disposant d'un budget de 130 millions de francs prélevé sur le fonds d'intervention et de sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC) et de 10 emplois. Elle a précisé que parmi les dossiers reçus, 22 avaient été rejetés, 68 étaient en cours d'instruction et 6 avaient reçu une réponse positive accompagnée d'un financement.

M. Jacques Oudin, rapporteur spécial des crédits de la santé et de la solidarité, a d'abord tenu à rappeler qu'il avait obtenu un taux très faible de réponses aux questionnaires qu'il avait adressés à la ministre : 31 % pour le projet de loi de finances et 50 % pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il a souhaité obtenir des éclaircissements sur le fonds de restructuration des hôpitaux. Puis il a voulu savoir sur quel chapitre budgétaire étaient inscrits les remboursements de rémunération des 209 agents des caisses de sécurité sociale et des hôpitaux mis à disposition des services centraux, estimant que le déficit de l'assurance maladie finance l'administration centrale du ministère, et rappelant que plusieurs jugements des commissions de tarification avaient obligé l'Etat à rembourser à des hôpitaux et caisses les rémunérations de mise à disposition. Il a voulu savoir les raisons de la forte progression des crédits du RMI, dont la dotation était abondée de 3,5 milliards de francs par le décret d'avances du 2 septembre dernier.

M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial des crédits de l'emploi, a estimé que les 35 heures comportaient un risque de délocalisation d'entreprises notamment dans les secteurs à bas salaires, comme le textile. Puis il s'est interrogé sur la nécessité de recruter 130 fonctionnaires supplémentaires au ministère de l'emploi, afin de mettre en oeuvre la réduction du temps de travail, au regard des dysfonctionnements dénoncés par la Cour des comptes en matière de gestion du personnel. Il a en effet rappelé que, dans une lettre en date du 28 juillet 1998, adressée à la ministre de l'emploi et de la solidarité, M. Pierre Joxe, Premier Président de la Cour des comptes écrivait : "La Cour a relevé que les effectifs dont disposait le ministère étaient éloignés des prévisions et autorisations de la loi de finances initiale", et poursuivait : "La description des effectifs qui figurent en loi de finances initiale ne correspond pas à la réalité". Puis, considérant que l'article 70 du projet de loi de finances visait à opérer un nouveau prélèvement de 500 millions de francs sur les fonds de la formation professionnelle, il s'est demandé s'il n'était pas plus légitime de réduire les cotisations des entreprises, plutôt que de ponctionner ces fonds de manière récurrente au profit du budget de l'Etat.

Mme Martine Aubry a indiqué que la reconversion des services hospitaliers était engagée, le fonds d'intervention et de modernisation des hôpitaux (FIMHO) ayant bénéficié à ce titre de 250 millions de francs en 1999 ; 32 opérations ont été retenues sur les 75 présentées. Le fonds d'accompagnement social et de modernisation (FASMO), quant à lui, vise à assurer la modernisation des hôpitaux publics et privés. Elle a indiqué que les schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS) prévoyaient la fermeture de 24.000 lits, notamment en chirurgie dont la plupart seraient reconvertis en long séjour.

Elle a précisé que le nombre d'allocataires du RMI s'élevait à 1,135 million en métropole et dans les DOM soit une augmentation de 2 % depuis le 1er janvier, et de 3 % depuis un an. L'augmentation de 3,5 milliards de francs des crédits du RMI résulte, d'une part, de la revalorisation de 3 % de l'allocation intervenue au 1er janvier, y compris le versement du rattrapage 1998 et, d'autre part, du mécanisme d'intéressement mis en place par le Gouvernement, qui permet de cumuler pendant un an une rémunération avec le RMI, ce dispositif ayant démarré dans de très bonnes conditions et bénéficiant actuellement à 132.400 personnes.

Mme Martine Aubry a estimé que le problème des personnels mis à disposition, relevé par la Cour des comptes, résultait, en grande partie, du faible taux d'encadrement du ministère de la santé, et a reconnu que les mises à disposition n'étaient pas un mécanisme sain. Elle a toutefois indiqué que cette situation serait partiellement régularisée au cours de l'année 2000, 10 millions de francs étant inscrits sur le chapitre 31-41, la disparition totale des personnels mis à disposition étant un objectif à atteindre. Elle a également indiqué avoir demandé à l'ANPE et à l'AFPA de récupérer l'ensemble de leurs personnels mis à disposition. La ministre a considéré que l'extension de l'allégement des charges sur les bas salaires allait notamment bénéficier au secteur du textile, de l'habillement, des cuirs et peaux.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat à la formation professionnelle, a rappelé que la loi de finances pour 1996 avait institué un prélèvement de 1,465 milliard de francs sur les fonds de la formation professionnelle. Elle a relevé que le capital de temps-formation (CTF) était aujourd'hui très largement excédentaire, d'environ 1 milliard de francs. L'article 70 du projet de loi de finances étend au CTF la compétence du comité paritaire du congé individuel de formation (COPACIF), la contribution de 500 millions de francs qu'il permet au profit du budget de l'Etat visant à dynamiser les demandes d'action de formation professionnelle.

Un débat s'est ensuite ouvert.

Mme Marie-Claude Beaudeau a considéré que le rapport établi par Mme Dominique Gillot sur les personnes malentendantes avait été bien accueilli par les associations compétentes et a voulu connaître les premières mesures concrètes qui seraient mises en oeuvre. Elle a estimé que, si la politique du Gouvernement en faveur de l'emploi portait ses fruits depuis deux ans, il n'en demeurait pas moins de profondes inégalités dans la société française, d'autant plus que la pauvreté commence à toucher certains salariés. Elle s'est également interrogée sur les mesures concrètes qui pouvaient être prises suite au rapport de M. Anicet Le Pors sur le statut des saisonniers. Elle a également voulu savoir pourquoi la réparation d'accidents du travail ou de maladies professionnelles était prise en charge, non par la branche accidents du travail de la sécurité sociale, mais par la branche assurance maladie.

M. Yann Gaillard s'est enquis du statut des médecins de prévention. Il a voulu savoir si une fusion des administrations du ministère de l'emploi et de la solidarité était engagée à l'instar de la réforme du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Il a interrogé la ministre sur des propos qu'elle avait tenus relatifs à des mesures d'allongement de la vie active avant le départ à la retraite. Il a enfin souhaité obtenir des informations sur le lien hiérarchique existant entre les directeurs départementaux du travail et de l'emploi et les inspecteurs du travail.

M. Jean Clouet a souhaité connaître les modalités de gestion du fonds de réserve pour les retraites.

M. Alain Lambert, président, s'est interrogé sur l'accueil réservé par les directeurs départementaux du travail et de l'emploi à des projets de création d'emplois-jeunes dans le domaine de nouvelles technologies. Par ailleurs, il a souhaité savoir comment interviendrait le versement de 3 milliards de francs de la Caisse des dépôts et consignations au fonds de réserve pour les retraites.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé, a rappelé que les groupes de travail sur l'insertion des personnes malentendantes avaient été mis en place par son prédécesseur, M. Bernard Kouchner, en mars 1999. Par ailleurs, certains hôpitaux ont créé des cellules d'accueil pour les patients sourds. Elle a également précisé que les COTOREP portaient davantage d'attention à la surdité, tandis que l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés (AGEFIPH) veillait à l'adaptation de l'emploi aux handicapés sensoriels.

Mme Martine Aubry a indiqué que si chaque direction de son ministère conservait ses compétences, une prise en charge globale des problèmes sociaux, la lutte contre l'exclusion en particulier, était mise en oeuvre. La réforme de son administration a porté essentiellement, jusqu'à présent, sur les services de la santé et des affaires sociales. Ainsi, la direction générale de la santé doit pouvoir conduire son action à partir d'une analyse des besoins de santé, de la prévention et des grands axes de santé publique. Elle a également indiqué avoir créé un service des études qui a déjà réalisé de nombreuses enquêtes, en collaboration étroite avec de nombreux services. Elle a aussi mis en avant la nécessité d'améliorer la gestion des ressources humaines, mais a indiqué ne pas envisager de fusion entre les deux parties de son ministère.

La ministre a rappelé que, conformément aux déclarations du Premier ministre, les grands axes de la réforme des retraites seraient annoncés au début de l'année 2000, mais que, dès à présent, trois questions essentielles devaient être réglées : la place des personnes âgées dans la société, celle des personnes dépendantes, estimant que la prestation sociale dépendance ne fonctionnait pas, et celle des personnes âgées de 50 à 55 ans, trop souvent mises à l'écart du marché du travail.

Elle a rappelé que l'inspection du travail prenait des décisions protégées par une convention du Bureau international du travail, mais que les inspecteurs du travail, comme tous les fonctionnaires, étaient astreints à un devoir de réserve, lequel a été rappelé par une circulaire récente. C'est le ministère qui détermine un programme de priorités en matière de contrôle effectué par les inspecteurs du travail, les conditions de travail ou les conséquences de l'amiante par exemple.

Mme Martine Aubry a reconnu que, si la richesse nationale avait doublé depuis vingt ans, la société française comportait toujours 15 % de pauvres, même si cette population a profondément changé. On compte ainsi moins de personnes âgées et davantage de jeunes, de familles monoparentales, de chômeurs de longue durée, ou de personnes vivant grâce aux minimas sociaux. Par ailleurs, il est exact que de nombreuses personnes connaissant une situation professionnelle précaire se trouvent dans une situation proche de la pauvreté.

Elle a rappelé que la seconde loi sur les 35 heures instituait deux nouveaux types de contrats de travail, le temps partiel annuel et le contrat intermittent, qui permettent d'améliorer la situation des travailleurs saisonniers. Des décisions concrètes seront prises lorsque le travail interministériel, actuellement en cours sur le rapport Le Pors, aura abouti.

Elle a considéré que la reconnaissance des maladies professionnelles faisait l'objet d'une sous-estimation récurrente, que ces affections étaient trop souvent prises en charge par l'assurance maladie. Elle a ajouté que de nombreux dossiers des salariés de l'amiante avaient été réouverts et a regretté que les caisses primaires d'assurances maladie n'aient parfois appliqué la loi que partiellement. En outre, la CNAM a été relancée pour traiter tous les dossiers de l'amiante.

Mme Martine Aubry a indiqué que le fonds de réserve pour les retraites prenait la forme d'une section comptable du FSV, et que les discussions étaient engagées avec les partenaires sociaux afin de déterminer les modalités de gestion. Concernant les emplois-jeunes dans le secteur des nouvelles technologies, elle a estimé qu'il fallait veiller à ne pas concurrencer les emplois du secteur privé. Elle a enfin assuré n'avoir pas été informée au préalable de l'annonce faite par la Caisse des dépôts et consignations d'un versement de 3 milliards de francs au fonds de réserve pour les retraites.

PLF POUR 2000 - EMPLOI : VOTE

La commission s'est ensuite prononcée sur les crédits du budget de l'emploi, précédemment réservés. La commission a décidé de proposer au Sénat le rejet du budget de l'emploi, ainsi que la suppression de l'article 70 du projet de loi de finances pour 2000.