Travaux de la commission des finances
- Mercredi 11 octobre 2000
- Mercredi 18 octobre 2000
- Lois de finances - Réforme de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 - Communication
- PJLF pour 2001 - Examen du rapport sur le budget des anciens combattants
- Audition de M. Jean-Claude Trichet, Gouverneur de la Banque de France, sur le rapport annuel de la Banque de France et la politique monétaire pour 2001
- PJLF pour 2001 - Examen du rapport sur les crédits de l'aménagement du territoire et de l'environnement : I. Aménagement du territoire
- PJLF pour 2001 - Fonction publique
- Jeudi 19 octobre 2000
- Transports - Groupe de travail relatif au financement des nfrastructures de transport - Communication
- Union européenne - Habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire - Examen du rapport pour avis
- PJLF pour 2001 - Services du Premier ministre - III. - Conseil économique et social - Examen du rapport
- PJLF pour 2001 - Equipement, transports et logement - IV - Mer : Marine marchande - Examen du rapport
- Présidence de M. Alain Lambert, président.
Économie - Nouvelles régulations économiques - Examen des amendements
ADDITIF à la fin de l'examen des amendements p. 240.
Abordant le titre II de la troisième partie, relatif au secteur public, à l'article 71 relatif à l'élargissement de la représentation de l'Etat aux entreprises privées dont il est indirectement actionnaire, la commission a émis un avis favorable à l'amendement n° 523 du gouvernement. Elle a ensuite demandé le retrait de l'amendement n° 473 de Mme Marie-Claude Beaudeau insérant un article additionnel après l'article 74.
A l'article 75 (nouveau) relatif à la mise à disposition de fonctionnaires de la Caisse des dépôts et consignations à la société CDC Finance, la commission a émis un avis défavorable à l'amendement n° 474 de Mme Marie-Claude Beaudeau.
La commission a ensuite examiné deux amendements portant article additionnel après l'article 75 (nouveau). A l'amendement n° 25 du gouvernement, elle a émis un avis de sagesse et elle a souhaité connaître l'avis du gouvernement sur l'amendement n° 26 de M. Michel Charasse.
Mercredi 18 octobre 2000
- Présidence de M. Alain Lambert, président.
Lois de finances - Réforme de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 - Communication
Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a entendu la communication de M. Alain Lambert, président, sur l'étude qu'il a menée sur la réforme de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.
M. Alain Lambert, président, a indiqué que sa communication avait pour but de présenter à la commission l'ensemble des données réunies, depuis le mois d'avril, dans le cadre de ses réflexions sur la rénovation de l'ordonnance organique.
Il a rappelé que ses travaux l'avaient notamment conduit à procéder à 17 auditions et à produire un texte de 69 articles qui se voulait un document de travail n'ayant pas vocation à être déposé, et ouvert à la consultation et formalisant, à titre indicatif et révisable, les diverses pistes de la réforme. Il a dit sa conviction que la réforme de l'ordonnance organique serait examinée et aboutirait et a souligné que le Sénat aurait alors tout son rôle à jouer, pour des raisons juridiques, mais aussi pour des raisons politiques. Reprenant les propos du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, il a souhaité qu' " une phase de concertation active " s'ouvre désormais.
M. Alain Lambert, président, a alors justifié la rénovation de l'ordonnance en rappelant certains constats :
- les débats budgétaires provoquent l'ennui et la formule d'Edgar Faure, " litanie, liturgie, léthargie ", est toujours d'actualité ;
- l'ordonnance n'a pas évolué, deux révisions seulement étant intervenues, en 1971 et en 1995, sur des questions purement procédurales ;
- le monde et les finances publiques, eux, ont beaucoup changé.
Il a, à ce sujet, observé que le poids des finances publiques s'était considérablement accru et qu'elles s'étaient complexifiées avec la montée en charge de la sécurité sociale et des collectivités locales ; diversification des relations entre les différentes administrations publiques, diversification des modalités d'intervention de l'Etat, qui se sont affinées et ont vu se multiplier les démembrements de ce dernier.
Il a ajouté que le monde avait changé et restait en mouvement avec une accentuation de la compétition internationale où les finances publiques ont toute leur part, avec l'intégration de l'Europe, l'avènement de l'euro n'étant pas seulement un événement monétaire, mais aussi un événement pour les finances publiques dont témoigne le " pacte de stabilité et de croissance ", enfin, avec la hausse des prélèvements obligatoires et la satisfaction très relative ressentie par les citoyens devant le fonctionnement des services publics, qui attise l'attente de justifications et de transparence.
Il a conclu que l'Etat n'était plus perçu comme puisant son autorité de lui-même, qu'il était appelé à rendre des comptes et que le sentiment prévalait qu'il ne le faisait pas assez. Il a jugé que la coexistence de ce sentiment avec la permanence figée de l'ordonnance organique de 1959, véritable constitution financière du pays, conduisait naturellement à s'interroger sur d'éventuelles interférences entre ces deux phénomènes.
Il a souligné qu'un consensus s'était progressivement forgé pour répondre par l'affirmative à cette interrogation dont peuvent témoigner les réflexions quasi-unanimes des personnes auditionnées par lui, les travaux de l'Assemblée nationale et ceux de la mission pour laquelle la commission des finances du Sénat avait obtenu les prérogatives des commissions d'enquête.
Il a alors recommandé que celle-ci s'inscrive dans ce consensus sous deux réserves : un strict respect de la Constitution, même si des réflexions ultérieures sont appelées à intervenir ; un certain réalisme reconnaissant que la réforme de l'ordonnance organique devrait être accompagnée par une réforme des pratiques et appelant de la part du Parlement, le maintien d'une attitude vigilante.
M. Alain Lambert, président, a poursuivi en estimant que toute rénovation de l'ordonnance organique devait prioritairement satisfaire le souci de refonder le sens des autorisations parlementaires que comportent les lois de finances et de garantir l'autorité de ces dernières.
Il a considéré que ces deux objectifs n'étaient aucunement contradictoires avec le respect de l'équilibre institutionnel entre le Gouvernement et le Parlement et le souci de bonne gestion des finances publiques. Il a insisté sur ce que redonner du sens aux lois de finances était " ipso facto " redonner du sens à l'action publique, mais aussi assurer des souplesses de gestion en contrepartie desquelles toute une série d'atteintes à l'autorité des lois de finances devraient pouvoir disparaître.
Pour refonder le sens de lois de finances, a-t-il indiqué, il convient tout d'abord de combattre l'anomie budgétaire et de réaffirmer le principe d'universalité budgétaire.
Il a suggéré que le premier objectif pouvait supposer de promouvoir une budgétisation par objectifs, estimant que le niveau atteint par les prélèvements obligatoires exigeait que les moyens consentis à l'exécutif ne fassent plus l'objet d'un simple énoncé sans autres repères, mais qu'ils soient mis en relation avec les objectifs poursuivis et les résultats obtenus par les différentes actions publiques.
Il a décliné quelques-unes des options possibles, avec d'abord, l'instauration de programmes comme unités de regroupement et de vote des crédits. Il a précisé que les programmes pourraient regrouper les moyens consacrés à une mission de l'Etat définie par ses objectifs précis et être interministériels. Il a noté que leur instauration ne supprimerait pas les titres budgétaires qui regroupent les dépenses en fonction de leur nature économique, mais qu'en revanche, la répartition des crédits par chapitre ne serait plus fournie qu'à titre indicatif, les services votés disparaissant.
Il a souligné que des devoirs renforcés d'information de la Nation et du Parlement seraient de nature à asseoir cette finalisation des moyens budgétaires avec pour le projet de loi de finances de l'année, la présentation des plans pluriannuels d'objectifs rappelant les résultats acquis, pour les projets de loi de finances rectificative, un rapport présentant l'état de réalisation des programmes et, pour les projets de loi de règlement, la présentation de rapports de performance.
M. Alain Lambert, président, a ajouté que la mise en perspective des lois de finances supposait également de prendre en compte la durée. Il a rappelé qu'actuellement l'horizon des lois de finances était au plus d'une année, tout le monde s'accordant pour reconnaître cette perspective temporelle trop courte et synonyme de myopie budgétaire. Il a jugé souhaitable d'allonger la perspective temporelle des débats relatifs aux finances publiques. Il a estimé que cet objectif ne signifiait pas qu'il faille renoncer au principe d'annualité budgétaire, observant que la tendance généralement observée dans les organisations soumises à contraintes de performances était plutôt à un " reporting " infra-annuel. Il a précisé que le principe d'annualité devait être concilié avec la prise en compte de la nécessité, pour les gestionnaires, de disposer de perspectives plus longues et considéré qu'à cette fin, les autorisations de programme devaient être maintenues et leur champ d'application probablement un peu étendu.
Il en a également appelé à une meilleure prise en considération de la dimension pluriannuelle des finances publiques. Il a, à ce propos, estimé que l'instauration d'une comptabilité en droits constatés, l'exigence d'une étude d'impact des mesures nouvelles évaluant leur incidence sur plusieurs années, une revue des performances dans la durée, la présentation des projections à moyen terme relatives aux finances publiques, avec l'énoncé transparent de leurs hypothèses devraient contribuer à réduire la myopie des décideurs.
Il a alors jugé qu'instaurer un système comptable réellement informatif devrait contribuer à atteindre ce même objectif. Il a estimé que, si l'ordonnance développait avec un certain détail les principes de la comptabilité budgétaires, l'essentiel des règles de comptabilité publique était relégué dans des textes subalternes, et qu'il était tentant de mettre cette situation en relation avec les retards pris par notre système financier et dénoncés dans le rapport de M. Jean-Jacques François sur la comptabilité patrimoniale de l'Etat.
Il en a conclu qu'il conviendrait donc de mettre à niveau notre système comptable afin que la comptabilité de l'Etat se rapproche de la comptabilité générale, d'une part, en en respectant les obligations de base, la sincérité, l'exhaustivité, la certification, d'autre part, en prenant en compte l'ensemble de ses éléments financiers et patrimoniaux et, enfin, en fournissant une aide à la gestion.
Il a alors mentionné certaines des propositions pouvant découler de ces principes : une présentation des opérations des lois de finances sincère et exhaustive, les comptes de l'Etat devant partager ces dernières caractéristiques ; la certification par la Cour des comptes de la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de l'Etat à l'occasion du rapport qu'il lui incombe de présenter au moment du projet de loi de règlement.
Enfin, rappelant que la restauration du système comptable de l'Etat n'impliquait pas de supprimer la règle des inscriptions comptables en encaissements et décaissements, règle chargée de signification et adaptée au sens des autorisations budgétaires, il a observé que celles-ci ne constituaient pas l'alpha et l'oméga des événements financiers pouvant concerner l'Etat. Evoquant certaines évolutions inéluctables (les charges latentes de pensions, le vieillissement des immobilisations), il a jugé que celles-ci devaient être retracées et a proposé d'instaurer une comptabilité financière de l'Etat basée sur le principe des droits constatés. Il a considéré que celle-ci devrait permettre d'extérioriser des comptes de résultat et de bilan significatifs de la situation financière de l'Etat.
M. Alain Lambert, président, a alors affirmé que la refondation du sens des lois de finances passait aussi par une restauration du principe d'universalité budgétaire.
Il a observé que les atteintes portées à ce principe proviennent d'abord de la complexification de nos finances publiques et de l'affirmation, en leur sein, de la place des organismes de sécurité sociale et des collectivités locales, mais aussi d'artifices destinés à amputer le budget de l'Etat d'une partie de sa substance.
Considérant que le premier phénomène ne pouvait être entièrement contenu, mais devait être mieux maîtrisé, il a souhaité que le second soit combattu avec détermination. Avant d'exposer ses propositions, il est revenu sur un point suscitant souvent des ambiguïtés, la coexistence au sein du budget de l'Etat de trois unités comptables : le budget général, les budgets annexes et les comptes spéciaux du Trésor qui peut paraître constituer en elle-même un élément portant atteinte à l'universalité budgétaire. Il n'a pas partagé cette approche, estimant que si les budgets annexes et les comptes spéciaux du Trésor se détachaient du budget général, ils appartenaient comme lui au budget de l'Etat. Leurs opérations, tout comme celles du budget général, devaient gagner en visibilité, mais il a estimé que leur disparition priverait le budget de l'Etat de comptes qu'il est utile d'isoler pour leur logique et qui ont l'immense mérite de permettre d'identifier l'affectation de recettes de nature particulière.
Abordant les problèmes de frontière existant entre les différentes catégories d'administration publique, il a considéré qu'il y avait lieu de défendre le principe d'universalité des lois de finances, mais dans le respect du principe de libre administration des collectivités locales et de la réforme constitutionnelle de 1996 qui a instauré les lois de financement de la sécurité sociale. Il a douté, à ce propos, que les évaluations de recettes de ces organismes puissent, et même doivent, être votées dans le cadre des lois de finances lorsqu'il s'agit de recettes qui leur sont directement affectées. Mais, il a estimé souhaitable de réaffirmer que les lois de finances étant les seules à pouvoir autoriser la perception des impositions de toutes natures y compris des impôts directement affectés à ces organismes, elles avaient une vocation éminente pour intervenir afin d'organiser le régime de ces impôts. Il a jugé naturel que parmi les informations fournies par le Gouvernement, figure en bonne place une présentation consolidée des ressources et des charges de l'ensemble des administrations publiques.
Il a estimé que les relations financières entre l'Etat et les autres administrations publiques devaient être, quant à elles, plus clairement identifiées. Il a exposé à ce sujet la proposition de consacrer dans la loi organique le système des prélèvements sur recettes, jugeant qu'il permettrait d'identifier les recettes brutes et les recettes nettes de l'Etat ainsi que la destination précise des recettes versées aux organismes extérieurs à ce dernier. Pendant de cette proposition, il a indiqué que les lois de finances pourraient être amenées à définir les modalités de répartition des concours financiers versés par l'Etat.
M. Alain Lambert, président, a manifesté une ferme volonté de remédier aux débudgétisations d'artifice, ce qui pourrait conduire à prévoir :
- d'évaluer les fonds de concours dans les lois de finances, la plupart d'entre eux étant récurrents, et le montant des fonds de concours exceptionnels, faible d'ordinaire, pouvant faire l'objet d'une estimation statistique ;
- de remédier aux débudgétisations qui proviennent de l'affectation directe de recettes publiques à des démembrements de l'Etat en exigeant que ces recettes -hors celles affectées à la sécurité sociale ou aux collectivités locales- transitent par le budget de l'Etat ;
- d'introduire des dispositions diverses pour que les lois de finances intègrent des opérations financières qu'elles ignorent aujourd'hui, comme les ressources d'emprunt nécessaires au financement du solde de l'année ou au remboursement du stock de dettes, les dépenses correspondantes, et les garanties octroyées par l'Etat.
M. Alain Lambert, président, a alors exposé les différentes propositions envisageables pour réaffirmer l'autorité du Parlement dans le domaine financier. Ayant indiqué que, les propositions qu'il venait d'exposer, destinées à éclairer efficacement et le plus complètement possible sur les ressources, les charges et l'équilibre financier du budget de l'Etat, seraient de nature à affirmer l'autorité des votes du Parlement, il a estimé qu'il fallait encore que ces votes soient respectés et que le Parlement ne soit pas borné par le cadre étroit des débats relatifs aux projets de loi de finances.
Il a alors souligné que défendre l'autorité du Parlement n'était pas incompatible avec l'octroi de davantage de souplesse de gestion à l'exécutif et que le desserrement de plusieurs contraintes de gestion devait être envisagé. Il a, à ce propos, mentionné la simplification de la nomenclature budgétaire. Rappelant qu'actuellement, si l'unité de vote était le titre, l'unité d'exécution était le chapitre budgétaire, niveau de nomenclature si fin que de nombreux aménagements avaient été inventés pour lever les contraintes d'exécution qu'il comporte, il a proposé d'envisager de substituer le titre au chapitre comme unité d'exécution des lois de finances. Il a observé que la commission des finances de l'Assemblée nationale partageait cette approche même s'il était sans doute souhaitable d'instaurer une nomenclature un peu moins agrégée que dans la proposition de loi du rapporteur général du budget.
Il a ensuite suggéré qu'une procédure plus souple de transformations d'emplois soit inventée, estimant que, sur ce point, des réflexions approfondies s'imposaient.
Il a enfin considéré comme possible de reconnaître sous condition les annulations de crédits destinées à prévenir la détérioration de l'équilibre financier défini par les lois de finances. Il a rappelé qu'en l'état, la faculté de procéder à des annulations de crédits était limitée au cas où les crédits deviennent sans objet, mais que dans les faits, les annulations formelles ou informelles (le gel, les contrats de gestion) intervenaient à la discrétion du Gouvernement à des fins de pilotage budgétaire.
Il a proposé de tenir compte de cette réalité mais de l'encadrer. A cet effet, un autre cas d'annulation des crédits serait prévu : pour éviter une détérioration de l'équilibre financier de la loi de finances mais, ces annulations, tout comme celles concernant les crédits devenus sans objet, seraient soumises à une information préalable des commissions des finances. Enfin, pour tenir compte des pratiques de régulation budgétaire qui ne prennent pas la forme d'annulations formelles, il serait prévu que toutes les décisions, même non réglementaires, visant à suspendre les possibilités d'exécution des crédits ouverts feraient également l'objet d'une information des commissions des finances.
M. Alain Lambert, président, a alors souhaité qu'un respect plus strict des autorisations parlementaires soit à l'avenir garanti. Il a proposé d'éliminer plusieurs anomalies budgétaires. Il a souhaité que le recours aux décrets d'avances soit limité et conditionné à un avis des commissions des finances du Parlement. Dans cette perspective, un seul cas de décret d'avances subsisterait, celui où l'urgence le justifierait, les crédits globaux pour dépenses accidentelles étant supprimés. Il a concédé que sur ce point, la position du Sénat était plus exigeante que celle défendue à l'Assemblée nationale où les crédits globaux pour dépenses accidentelles sont maintenus. Mais, il a jugé seulement relative la rigueur de sa proposition puisque l'urgence pourrait justifier l'ouverture de crédits supplémentaires et qu'en outre, la procédure de virement de crédits pourrait être mobilisée. Enfin, il a observé qu'il serait toujours possible au Gouvernement de déposer un projet de loi de finances rectificative si les arbitrages que le nouveau régime des décrets d'avances lui imposerait d'entreprendre ne lui convenaient pas.
Il a en outre estimé souhaitable que les dépenses pouvant être payées à partir de crédits évaluatifs soient plus strictement définies, sur la base de leur caractère aléatoire et que les possibilités de transfert et de virement étant maintenues, le régime des virements soit encadré. Il a remarqué que sur ce point il pouvait y avoir une difficulté à accepter les propositions faites à l'Assemblée nationale, considérant qu'il serait sans doute justifié de prévoir qu'aucun virement ne puisse intervenir entre programmes afin de ne pas affaiblir à l'excès la portée du vote par programme qui serait désormais la règle.
Ayant indiqué que les facultés de reports pourraient être utilement encadrées elles aussi, il a souhaité que les opérations de fin de gestion puissent être surveillées. Une règle d'apurement des comptes d'imputation provisoire avant la fin de l'exercice pourrait être posée tandis que, si la période complémentaire ne devait pas être supprimée, elle devrait au moins être limitée dans son objet et dans le temps, les opérations réalisées entre le 1er décembre et la fin de la période complémentaire devraient de plus faire l'objet d'un rapport justifiant de manière précise chacune d'entre elles afin que la période complémentaire ne puisse plus servir à des fins de pilotage du solde budgétaire à l'abri des regards du Parlement.
Il a enfin insisté sur l'importance d'édicter dans la loi organique les principes généraux relatifs aux pouvoirs et aux prérogatives de contrôle des commissions des finances du Parlement.
Rappelant qu'en l'état du droit, les dispositions relatives au contrôle parlementaire étaient contenues dans les lois de finances comme la possibilité en est prévue par l'article 1er de l'ordonnance organique, il a observé que la rénovation de l'ordonnance offrait l'occasion de faire accéder le contrôle parlementaire des finances publiques à la dignité et à l'autorité d'une loi organique, de niveau quasi-constitutionnel. Il a estimé qu'il serait d'autant plus regrettable de ne pas saisir cette occasion que les propositions de réforme de l'ordonnance sont axées sur l'objectif de mieux évaluer les politiques publiques.
Il a alors énuméré quelques-unes des propositions envisageables :
- la consécration des pouvoirs de contrôle des commissions des finances et de leurs membres ;
- la reconnaissance des moyens nécessaires à l'accomplissement des missions de contrôle ou d'évaluation, comme le droit d'accès aux documents et en particulier aux rapports des organismes chargés du contrôle de l'administration, avec un sort particulier à réserver aux informations nominatives que ces rapports pourraient comporter, le droit d'auditionner ;
- le droit de saisir la Cour des comptes d'une enquête qui devrait être conclue dans les huit mois ;
- le droit de saisir la Cour de discipline budgétaire et financière.
Il a souhaité ouvrir un débat sur la reconnaissance des moyens de contrôle du Parlement, à savoir les personnes habilitées à assister les parlementaires participant aux missions d'évaluation ou de contrôle, précisant que ces personnes pourraient être, d'une part, les fonctionnaires parlementaires, d'autre part, des organismes extérieurs susceptibles d'être habilités par une assemblée aux fins de contribuer à une mission donnée, placée sous la direction du ou des parlementaires chargés de la mission et assujetties à un strict secret professionnel. Il a indiqué qu'il s'agissait de renforcer les moyens offerts aux parlementaires, dans le cadre de leurs missions et de lever les objections qu'en l'état actuel du droit, les personnes contrôlées sont en mesure de formuler dès lors qu'un rapporteur est accompagné. Il a rappelé que pareils obstacles étaient rarement utilisés, tout en évoquant le souvenir d'un incident passé. Soulignant que la participation de personnes entièrement extérieures au Parlement soulevait de réels problèmes, il a appelé de ses voeux un débat en profondeur sur ce dernier sujet, en faisant part de ses réticences personnelles.
Il a enfin signalé une dernière innovation consistant à prévoir l'obligation pour le Gouvernement de répondre dans un délai raisonnable aux observations notifiées à la suite d'une mission de contrôle des commissions des finances.
M. Alain Lambert, président, a conclu en jugeant qu'il convenait de mieux respecter le Parlement dans sa fonction tribunicienne. Il a mis en débat plusieurs propositions : la reconnaissance du débat d'orientation budgétaire ; la suppression du principe selon lequel le rejet de la première partie du projet de loi de finances entraîne " ipso facto " la fin de la discussion budgétaire avec l'instauration d'une procédure de discussion sans vote de la deuxième partie ; la faculté d'organiser des débats thématiques sur les prélèvements sur recettes, désormais consacrés, mais aussi sur la politique de l'emploi public ou d'investissement ; l'assouplissement des irrecevabilités financières de l'article 42 de l'ordonnance dans le respect de l'article 40 de la Constitution ; la reconnaissance d'une possibilité d'affectation de recettes à l'initiative parlementaire sous réserve d'intervenir sans créer de charge publique et de se situer dans le cadre des affectations spéciales prévues par la loi organique.
Enfin, M. Alain Lambert, président, a appelé de ses voeux une concertation fructueuse entre l'Assemblée nationale, le Gouvernement et le Sénat. Il s'est par avance réjoui des apports que les membres de la commission pourraient fournir. Il s'est déclaré confiant dans le succès de cette réforme, essentielle pour le pays.
M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est félicité de ce que le document élaboré par le président présente toutes les questions devant être tranchées, même s'il devra encore faire l'objet d'arbitrages et de précisions. Il a souligné que l'ordonnance organique de 1959 constituait un beau texte, instituant des notions claires et définissant précisément la place du Parlement. En conséquence, il a considéré qu'il ne convenait pas de le jeter hâtivement aux orties.
Concernant les orientations présentées par le président, il a souligné que la création d'un titre spécifiquement consacré à l'information et au contrôle du Parlement en constituait l'élément le plus significatif et le plus innovant. En particulier, il a noté que ce titre permettait de regrouper des propositions éparses dans le texte de l'Assemblée nationale.
Il s'est prononcé en faveur de l'instauration d'une distinction entre les dépenses de fonctionnement et d'investissement de l'Etat, considérant qu'elle constituait un apport pédagogique significatif, ayant prouvé son utilité dans le cadre de la présentation des budgets des collectivités locales. Il a reconnu que cette distinction était plus difficile à appliquer au budget de l'Etat. Il a cependant estimé que cette disposition devait être introduite, afin d'appliquer au budget de l'Etat la " règle d'or ", interdisant le financement par l'emprunt de dépenses de fonctionnement.
Il a estimé que la représentation nationale devait connaître, avec précision, le niveau des prélèvements obligatoires, et que cette exigence impliquait une consolidation des prévisions et des comptes de l'Etat, de ceux des collectivités locales, ainsi que des dispositions contenues dans la loi de financement de la Sécurité Sociale.
Il a ensuite évoqué la question de la présence de moyens extérieurs au côté des rapporteurs effectuant des missions de contrôle ou d'évaluation pour le compte des commissions des finances. Il a indiqué que la nature juridique des moyens auxquels le rapporteur pourrait avoir recours importait peu, dès lors que sa responsabilité était clairement réaffirmée.
Concernant la possibilité de discuter la deuxième partie d'un projet de loi de finances en cas de rejet de la première partie, il a rappelé que, dans la conception du législateur de 1959, le rejet de la première partie mettait fin à l'examen du texte. Il s'est demandé si les parlementaires étaient devenus suffisamment raisonnables pour qu'une telle contrainte puisse être levée.
En réponse à M. Philippe Marini, rapporteur général, M. Alain Lambert, président, a reconnu que la qualité du texte de l'ordonnance organique de 1959 exigeait une rédaction approfondie de la nouvelle loi organique. Il a indiqué que la partie consacrée au contrôle pourrait incomber plus particulièrement au Sénat dans les propositions de réforme. Concernant la distinction entre les dépenses de fonctionnement et d'investissement, il a reconnu que l'interdiction de financer des dépenses de fonctionnement par emprunt était fondamentale. Il a cependant souligné que la mise en oeuvre de cette distinction posait le problème technique de la définition des investissements de l'Etat.
Il a considéré que la possibilité pour une assemblée de poursuivre ses travaux en cas de rejet de la première partie d'un projet de loi de finances pourrait être envisagée, compte tenu des quarante années passées de " sage pratique " du Parlement et pour ne pas priver l'assemblée considérée du débat sur les dépenses.
Mme Maryse Bergé-Lavigne s'est interrogée sur la place du Parlement en France aujourd'hui, notamment en matière budgétaire. Elle a estimé qu'il convenait de restaurer le pouvoir plus que l'autorité du Parlement : le pouvoir du Parlement s'exprime par la voie de l'amendement ainsi que par le recours à des organismes extérieurs pour en évaluer, de manière indépendante, les conséquences. Elle a considéré que l'absence d'évaluation des propositions parlementaires nuisait au sérieux de ces dernières et elle a plaidé pour doter le Parlement français d'un tel outil.
M. Jacques Chaumont s'est déclaré en plein accord avec sa collègue et a estimé que la clef du succès reposait sur l'existence d'un organisme d'évaluation extérieur mais au service du Parlement, afin d'éviter que ce soient les mêmes personnes qui, par une sorte de consanguinité malsaine, élaborent le budget et évaluent leur propre travail.
S'agissant des missions de contrôle, il a estimé que le travail de la Cour des comptes était d'une utilité manifeste.
M. Michel Charasse, après avoir remercié le président de susciter ainsi une discussion libre ne préjugeant pas des prises de positions finales de la commission, s'est dit partager pleinement le souhait d'une actualisation de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959. Il a appelé l'attention de ses collègues sur les risques qu'il y aurait cependant à donner l'impression que le Parlement entend profiter de cette réforme pour revenir à la situation antérieure au décret de 1956, sorte de photographie à l'envers de ce dont la démocratie française a souffert. Il a estimé qu'il s'agissait avant tout d'assurer et de garantir la continuité du rôle de l'Etat et donc d'affirmer le sens de la loi de finances et de renforcer la place du Parlement dans le domaine budgétaire. Il a rappelé que la loi organique devrait se conformer à la Constitution et ses interprétations, notamment quant à la doctrine d'application de son article 40. Il s'est inquiété des risques de confusion des pouvoirs, et de retrait de toute possibilité de souplesse de gestion nécessaire au Gouvernement lorsqu'il est confronté à une situation imprévue.
S'agissant des pouvoirs de contrôle parlementaire, il a considéré que leur quantité n'influençait pas nécessairement leur utilisation, et a soulevé la question de l'opportunité juridique de la présence en loi organique de dispositions sur ce thème. Il a estimé que le recours à des organismes extérieurs devait rester exceptionnel, ces derniers faisant bien trop rarement preuve du sens de l'Etat et de culture de la sphère publique. Il a plaidé pour que la pratique du contrôle par les parlementaires devienne obligatoire. Il a rappelé qu'à ses yeux, le contrôle parlementaire était un contrôle de régularité et qu'il ne devait en aucun cas être instrumentalisé à des fins politiques. Evoquant la question de l'universalité et de l'annualité, il en a rappelé l'importance et s'est interrogé sur leur atteinte potentielle par la mise en place de programmes pluriannuels. Il a rappelé qu'il revenait au Parlement et au Gouvernement de faire la politique, et non à la Cour des comptes, dont le rôle est de juger les comptes et non de juger la politique de ceux qui font les comptes. Il a considéré que l'enjeu de la réforme de l'ordonnance était de permettre aux citoyens et à leurs représentants de savoir et de décider dans le cadre d'un fonctionnement harmonieux des pouvoirs publics : il ne s'agit pas de laisser au Parlement ce qui fait plaisir, et au Gouvernement ce qui fâche. De ce point de vue, il s'est prononcé contre la possibilité d'une discussion sans vote de la deuxième partie de la loi de finances en cas de rejet de la première partie. Il a conclu en mettant en garde contre le danger de chercher à tout prix à transformer le débat budgétaire en un grand spectacle oscillant entre le " théâtre des deux ânes " et le " café du commerce " : " le budget c'est l'Etat, et ce n'est pas drôle ", a-t-il conclu.
M. Jacques Oudin a rappelé que, quoique texte fondateur, l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 n'avait jamais donné lieu à débat et s'est donc félicité de la possibilité qui s'ouvre d'en discuter et de la réformer. Il a appelé à un débat clair et transparent où chacun pourrait prendre ses responsabilités. Puis il a émis six observations :
- il convient de traiter les problèmes de la dette et des engagements de l'Etat dans la loi de finances ;
- il faut davantage intégrer la loi de financement de la sécurité sociale à la loi organique ;
- il faut introduire l'interdiction du financement du fonctionnement par l'emprunt et contraindre l'Etat à consolider les dettes qu'il garantit (par exemple celles du Réseau ferré de France) ;
- il faut obliger ceux qui fournissent des évaluations à en communiquer les hypothèses ;
- il faut préciser les sanctions applicables à ceux qui s'opposent à l'exercice du contrôle parlementaire ;
- il faut interdire tout ce qui porte atteinte à la clarté des comptes publics, à commencer par le système des mises à disposition, " emplois fictifs légaux ".
M. Maurice Blin a dit sa satisfaction devant l'exposé introductif du président Alain Lambert. Il a noté le changement de l'environnement et de la situation des finances publiques qui met en cause la notion même de l'Etat. Reconnaissant les difficultés de distinguer des sections de fonctionnement et d'investissement, il a néanmoins estimé qu'il convenait d'éclaircir ce point et d'en tirer des conséquences sur le financement par l'emprunt. Il a dit partager le point de vue du président Alain Lambert sur l'importance des budgets annexes et des comptes spéciaux du Trésor qui permettent d'affecter, en préservant l'universalité de la loi de finances, une recette à une dépense. Il s'est montré hésitant sur la notion de programme et a plaidé pour un strict encadrement des procédures de report en les limitant notamment aux dépenses en capital. Il a estimé que le contrôle sur pièces et sur place devait rester le fait du parlementaire sans le recours à un organisme privé extérieur ; en revanche, s'agissant de l'évaluation et de la contre-expertise, il s'est prononcé pour un appui du Parlement sur un organisme de cette nature. Afin de ne pas mélanger les genres, il s'est prononcé contre une possibilité d'examen sans vote de la deuxième partie de la loi de finances et s'est dit d'accord avec M. Jacques Oudin sur l'interdiction de mise à disposition de fonctionnaires. Il a conclu en rappelant la formule de Goethe : " les chiffres ne gouvernent pas le monde, ils montrent comment le monde est gouverné ".
M. Roland du Luart a demandé à M. Alain Lambert, président, s'il estimait qu'un accord était possible avec l'Assemblée nationale. Il s'est prononcé en faveur de la mise en oeuvre d'une distinction entre les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'investissement au sein du budget de l'Etat, considérant que celle-ci avait prouvé son utilité pour les collectivités territoriales. Enfin, il s'est interrogé sur la taille et le degré de précision du texte organique, exprimant une préférence pour une loi concise.
M. Joël Bourdin s'est félicité de la volonté affichée d'introduire des concepts issus de la comptabilité privée dans la comptabilité de l'Etat. Il s'est également prononcé pour l'introduction d'une distinction des dépenses de fonctionnement et d'investissement dans le budget de l'Etat, assortie d'une règle d'équilibre. Instruit par l'expérience de sa mission accomplie en septembre, il a souligné que les moyens de contrôle et d'évaluation dont dispose le Parlement français sont largement insuffisants, au regard des moyens dont dispose le Congrès aux Etats-Unis, notamment le Congressional Budget Office et le General Accounting Office.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a précisé que sur le plan terminologique, il préférait voir introduite une distinction entre dépenses ordinaires et dépenses en capital plutôt qu'entre les dépenses de fonctionnement et d'investissement, afin d'éviter, autant que faire se peut, les problèmes liés à la définition des investissements de l'Etat, et s'en tenir à une distinction comptable simple. Il a également indiqué qu'il était favorable à la mise en oeuvre d'une comptabilité consolidée de l'Etat, comprenant un bilan, au sein duquel figurerait l'ensemble des dettes de l'Etat et celles des autres organismes étant à sa charge, ainsi que l'avait souhaité M. Jacques Oudin.
M. Alain Lambert, président, a remercié ses collègues pour la qualité de leur écoute et de leurs interventions.
En réponse à Mme Maryse Bergé-Lavigne, il a considéré que, en matière de lois de finances, l'initiative devait rester au Gouvernement, l'autorité du Parlement étant celle de l'organe constitutionnel qui autorise, et dont les autorisations doivent être respectées. Il a souligné que les comparaisons entre les moyens de contrôle du Parlement français et du Congrès américain étaient justifiées, mais qu'elles devraient être établies à l'aune de la différence entre les deux régimes politiques. Il a souligné que les moyens humains, matériels et techniques de contrôle ne tiendraient jamais lieu de volonté politique, et a souhaité que chacun s'interroge sur le point de savoir si le travail des parlementaires était à la hauteur de ce que les Français pouvaient en attendre de ce point de vue.
En réponse à M. Jacques Chaumont, M. Alain Lambert, président, a rappelé que le Sénat disposait par lui-même de l'indépendance requise à son activité de contrôle, et qu'il l'avait prouvé à l'égard de Gouvernements appartenant à la même majorité que lui. Il a noté que l'appel à des instituts d'étude indépendants, auquel il arrivait à la commission des finances d'avoir recours, ne résolvait pas la difficulté du monopole des ressources statistiques entre les mains du Gouvernement, et que les moyens techniques et humains nécessaires afin de rivaliser sur ce point seraient immensément coûteux.
En réponse à M. Michel Charasse, M. Alain Lambert, président, a affirmé que s'il s'agissait de changer de régime ou de république, il ne faudrait pas compter avec lui. Il a considéré cependant que le temps était venu de rééquilibrer les relations entre l'exécutif et le législatif, afin que le peuple souverain soit pleinement informé. Il a estimé que l'exécutif devait bénéficier de davantage de souplesse de gestion en contrepartie des exigences nouvelles qui lui seraient imposées. Il a considéré que l'introduction de dispositions relatives au contrôle du Gouvernement par le Parlement dans la loi organique se justifiait dès lors qu'il s'agissait des relations entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Enfin, il a également rappelé que, à son sens, la volonté politique devait précéder les demandes de moyens de contrôle supplémentaires exprimées par les parlementaires.
En réponse à M. Jacques Oudin, M. Alain Lambert, président, a indiqué que les remarques techniques qu'il avait énoncées seraient prises en compte dans ses travaux. Il a noté que la mise en oeuvre d'une comptabilité patrimoniale devait permettre une évaluation de l'ensemble des dettes de l'Etat. Il a également indiqué qu'il souhaitait pousser aussi loin que possible le champ de la loi de finances, sans empiéter toutefois sur celui de la loi de financement de la sécurité sociale, ce qui nécessiterait une révision de la Constitution, ni sur l'autonomie des collectivités locales.
En réponse à M. Maurice Blin, M. Alain Lambert, président, a souligné que ses orientations de réforme prévoyaient une évaluation de l'incidence des dépenses nouvelles sur plusieurs exercices, ce qui était particulièrement nécessaire s'agissant des créations d'emplois publics. Il a également indiqué qu'il comprenait les réserves que les programmes pouvaient susciter à l'heure actuelle, compte tenu de leur aspect novateur, mais qu'il était indispensable de raisonner désormais en termes d'objectifs et de résultats, et non plus seulement de moyens.
En réponse à M. Roland du Luart, M. Alain Lambert, président, a déclaré qu'une volonté forte était partagée par les deux assemblées et le Gouvernement afin d'aboutir rapidement à une réforme de l'ordonnance organique de 1959.
En réponse à M. Joël Bourdin, M. Alain Lambert, président, a précisé que ses orientations proposaient d'inclure les dépenses de remboursement de la dette dans le champ de la loi de finances.
M. Jacques Oudin a demandé si, compte tenu du statut de la réforme envisagée, une réunion informelle avec les membres de la commission des finances de l'Assemblée nationale pouvait être envisagée.
M. Alain Lambert, président, a indiqué que la concertation serait poursuivie compte tenu de la nature organique de la réforme, mais sans porter atteinte aux principes du bicamérisme.
Pour conclure, M. Alain Lambert, président, a souligné que cette réunion de commission ouvrait un chantier appelé à durer plusieurs mois. Il a demandé que chacun puisse participer à ce débat en lui faisant part de ses contributions.
La commission a alors donné acte au président de sa communication et a décidé d'en publier les conclusions sous forme d'un rapport d'information.
PJLF pour 2001 - Examen du rapport sur le budget des anciens combattants
Puis la commission a procédé à l'examen des crédits inscrits au budget des anciens combattants, sur le rapport de M. Jacques Baudot, rapporteur spécial.
Analysant l'évolution générale du budget des anciens combattants, dont les crédits proposés pour 2001 -soit 23,8 milliards de francs- diminuent de 1,3 % par rapport à l'exercice précédent, M. Jacques Baudot a précisé que, rapportées au nombre de bénéficiaires, en diminution de 4 %, les dotations affectées au monde des anciens combattants augmentent en réalité de 2,8 % en moyenne.
Essentiellement composé de dépenses d'intervention, destinées à financer la dette viagère (pensions d'invalidité et retraite du combattant), le budget des anciens combattants atteint aujourd'hui un montant comparable à celui de la justice, des affaires Etrangères ou de l'agriculture.
Pour évaluer la totalité de la dépense collective en faveur du monde des anciens combattants, il convient de tenir compte également des moyens de fonctionnement des services -administration centrale et services déconcentrés- du secrétariat d'Etat et des moyens d'équipement des organismes sous tutelle (Office national des anciens combattants et Institution nationale des invalides), désormais intégrés au budget de la défense, pour un montant proche de 1 milliard de francs (940 millions de francs) en 2001. Doit également être pris en compte le coût de la majoration légale des rentes viagères (150 millions de francs inscrits au budget des charges communes) et surtout la " dépense fiscale " que représentent les diverses déductions et exonérations dont bénéficie le monde des anciens combattants, évaluée, hors CSG, à 3 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 2001.
Au total, la dépense publique est de l'ordre de 28 milliards de francs, pour un nombre de bénéficiaires d'environ 4,7 millions de personnes -répartis pour moitié entre ayants droit et ayants cause.
Soulignant que le budget des anciens combattants était essentiellement un budget de prestations, M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, a rappelé que la dette viagère représentait en 2001 une charge de 20 milliards de francs. Il a indiqué que son évolution était marquée par une forte divergence entre la " branche retraite ", en progression de 17 % en raison de la poursuite de la politique d'élargissement des conditions d'attribution de la carte du combattant menée depuis 1997 et la " branche invalidité ", en diminution rapide (-4% pour 2001) du fait de la disparition naturelle des " bénéficiaires ".
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, a précisé que le montant global des économies potentielles réalisable sur ce budget de prestations, en raison de la diminution des bénéficiaires, était évalué pour 2001 à près d'1 milliard de francs (928 millions de francs). Il a indiqué qu'une partie seulement de cette " économie " -environ 240 millions de francs- était " recyclée " par le secrétariat d'Etat dans le présent projet de loi de finances pour financer des mesures supplémentaires en faveur des anciens combattants.
Ainsi, M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, a indiqué que le projet de budget proposait -dans le cadre des articles " rattachés " de seconde partie- trois mesures importantes : l'extension de l'attribution de la carte du combattant aux rappelés de la guerre d'Algérie (article 51), pour un coût évalué à 118 millions de francs ; une nouvelle étape dans le rattrapage du point de pension militaire d'invalidité (article 52), pour un coût évalué à 21 millions de francs ; et enfin le relèvement du plafond donnant lieu à majoration de la retraite mutualiste du combattant (article 53), pour un coût évalué à 13 millions de francs.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, a indiqué qu'une appréciation positive pouvait être portée sur ces trois articles, même si l'on peut regretter une certaine " timidité " qui conduit notamment à ne pas inclure les rappelés de Tunisie et du Maroc dans l'article 51, et à ne pas achever définitivement le rattrapage du point de pension pour les grands invalides, ce qui représenterait une dépense supplémentaire de l'ordre de 30 millions de francs.
Surtout, tout en rappelant que toutes les demandes, chacune ayant leur légitimité, ne pouvaient être raisonnablement satisfaites, du moins de façon complète, simultanée et immédiate, M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, a néanmoins considéré que certains sujets essentiels auraient pu, compte tenu du " confort " procuré par le niveau de recettes fiscales induit par la croissance économique, autoriser le recyclage d'une partie plus importante des économies constatées du fait de la diminution des bénéficiaires.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, a notamment regretté qu'aucune mesure, au moins d'étape, ne soit prise en faveur de la décristallisation des prestations versées aux anciens combattants des pays d'outre-mer, du moins à ceux originaires des pays du Maghreb, dont il est avéré, à droits équivalents, que le pouvoir d'achat est inférieur d'au moins un tiers à celui des prestations versées en métropole. Il a souligné que même la Cour des comptes, pourtant soucieuse de ménager les deniers publics, avait préconisé, dans son rapport public particulier de juin 2000 consacré à " L'effort de solidarité nationale à l'égard des anciens combattants ", que des mesures soient prises " dans le sens d'une plus grande équité ". M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, a indiqué que, dans le contexte d'évolution de la structure démographique française, notamment en zone périurbaine, il ne fallait pas négliger le risque de voir cette question prendre une dimension de politique intérieure.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, a également évoqué la nécessaire amélioration de la situation des veuves, le versement anticipé de la retraite du combattant, et l'indemnisation des incorporés de force dans les organisations paramilitaires allemandes (Reichsarbeitsdienst-RAD et Krieghilfsdienst-KHD) par alignement sur l'indemnisation des incorporés de force dans l'armée allemande.
Evoquant ensuite les moyens affectés aux organismes sous tutelle -Office national des anciens combattants, (O.N.A.C.) et Institution nationale des invalides (INI) - M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, a indiqué que les subventions de fonctionnement étaient majorées de 3 %, ce qui permettait notamment à la fois la création de 17 emplois nouveaux à l'ONAC et de nombreuses mesures de transformation d'emplois. Parallèlement, il s'est déclaré particulièrement préoccupé par le retard croissant pris par les travaux d'équipement et de sécurité dans les établissements de tutelle, mais aussi par les travaux d'entretien et de rénovation des sépultures. L'importance de la sous-consommation de crédits relevée depuis plusieurs exercices lui a paru devoir être soulignée : ainsi, pour les seuls travaux de sécurité dans les établissements sous tutelle et leurs dépendances, sur 29 millions de francs de crédits ouverts entre 1996 et 1999, seuls 5 ont été effectivement engagés.
De fait, il a estimé que le budget des anciens combattants lui paraissait assez représentatif de l'évolution budgétaire générale : gonflement des dépenses de fonctionnement et de prestations, au détriment des dépenses d'équipement, d'entretien, et de rénovation.
S'agissant plus particulièrement de l'ONAC, le rapporteur spécial, tout en saluant les mesures de redressement mises en oeuvre depuis 1997, a néanmoins relevé la persistance d'une situation déficitaire, notamment dans les maisons de retraite, au sujet desquelles la Cour des comptes s'est montrée particulièrement critique.
Soulignant le caractère exemplaire, universellement reconnu, de l'INI en matière de soins et d'appareillage des handicapés, M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, s'est interrogé sur la viabilité de l'équilibre financier de cet établissement, qui lui semble notamment passer par un réexamen du niveau de tarification des activités du centre médico-chirurgical et une meilleure insertion dans le dispositif régional de programmation des équipements médico-sociaux.
En conclusion, M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, rappelant l'intégration du secrétariat d'Etat aux anciens combattants au ministère de la défense d'une part, et l'expérience constante de modifications de ce budget au cours de son examen par l'Assemblée nationale, a estimé souhaitable de réserver l'avis de la commission jusqu'à l'examen du budget de la défense, prévu pour le 15 novembre.
Mme Marie-Claude Beaudeau a regretté que l'ampleur des économies potentielles constatées du fait de la disparition de bénéficiaires n'ait pas effectivement donné lieu à un " recyclage " plus important. Elle a particulièrement déploré qu'aucune mesure ne soit prise en faveur de la " décristallisation " des prestations servies aux anciens combattants d'outre-mer. Elle a enfin estimé que les veuves méritaient une attention particulière, au titre d'un véritable droit à réparation, et non pas seulement de l'aide sociale. Elle a souhaité que des mesures soient prises pour porter à 70 % le taux de réversion des pensions aux veuves de guerre et pour étendre le bénéfice à part entière de l'ensemble des droits à réparation aux veuves de ressortissants de l'ONAC.
M. Maurice Blin, soulignant l'ampleur de l'effort de solidarité nationale au regard du nombre de bénéficiaires concernés, s'est interrogé sur l'opportunité de la création de 15 emplois nouveaux au budget des anciens combattants.
M. Michel Charasse a d'abord tenu à saluer le caractère particulièrement performant du centre médico-chirurgical des Invalides, regrettant que cet établissement ne figure pas au classement des établissements hospitaliers régulièrement publié dans la presse hebdomadaire.
Il a souhaité manifester une indignation particulière à l'égard du traitement du problème des anciens combattants d'outre-mer, régulièrement évoqué devant lui à l'occasion de ses différentes missions de contrôle budgétaire dans les pays de l'ancien " champ ". Ainsi, lors de sa dernière mission, effectuée dans les pays du Maghreb, à la fin du mois de juillet, il a été saisi du cas des anciens combattants marocains, amenés à voir supprimer, à compter du 1er août, pour des motifs d' " économie budgétaire ", les services d'un médecin unique affecté -partiellement seulement- à l'appareillage des invalides de guerre (soit environ 10.000 personnes concernées). La mesure étant prise à compter du 1er août, les différents courriers adressés, dès son retour de mission le 8 août, aux plus hautes autorités de l'Etat, sont demeurés sans réponse.
Répondant à son voeu, M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, a confirmé que cette question serait mentionnée dans son rapport.
Il a par ailleurs rappelé que le coût de la décristallisation des seules retraites avait été évalué, par les services du secrétariat d'Etat, cités par la Cour des comptes, à 148 millions de francs seulement, ce qui ne paraissait pas constituer un effort insurmontable pour une " première étape ".
En conclusion, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption des articles 51, 52 et 53 rattachés, et de réserver son avis sur le budget des anciens combattants jusqu'à l'examen du budget de la défense.
Audition de M. Jean-Claude Trichet, Gouverneur de la Banque de France, sur le rapport annuel de la Banque de France et la politique monétaire pour 2001
L'audition de M. Jean-Claude Trichet fera l'objet d'une parution lors du prochain bulletin.
PJLF pour 2001 - Examen du rapport sur les crédits de l'aménagement du territoire et de l'environnement : I. Aménagement du territoire
Présidence de Mme Marie-Claude Beaudeau, vice-président
Puis la commission a procédé à l'examen des crédits du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement I. Aménagement du territoire, figurant dans le projet de loi de finances pour 2001, sur le rapport de M. Roger Besse, rapporteur spécial.
M. Roger Besse, rapporteur spécial, a rappelé que ces crédits rassemblaient le budget de fonctionnement de la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR), les crédits de la prime d'aménagement du territoire (PAT) et du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT).
Il a indiqué que ces crédits s'élevaient à 1,7 milliard de francs dans le projet de loi de finances pour 2001, en baisse de 10 % ; il a relativisé l'importance de cette diminution en expliquant qu'elle résultait, comme chaque année, de l'ajustement du montant des crédits de la PAT.
Il a estimé que ces fluctuations étaient sans conséquence sur le montant total des crédits disponibles en raison de l'importance du montant des crédits reportés d'année en année.
M. Roger Besse, rapporteur spécial, a formulé plusieurs remarques sur le projet de budget de l'aménagement du territoire.
En premier lieu, il a déploré le vide juridique où se trouvent, depuis le 1er janvier 2000, les aides à finalité régionale accordées aux entreprises par l'Etat et les collectivités locales aux entreprises. Il a rappelé, que dès février 1998, la Commission européenne avait demandé à la France, comme aux autres Etats membres, de mettre leurs aides en conformité avec le droit communautaire avant le 31 décembre 1999.
En l'absence de dispositions en ce sens, les dispositifs d'aides, en premier lieu la PAT, n'ont pas fonctionné en 2000. Il a signalé que le nouveau décret régissant les aides à finalité régionale était actuellement examiné par le Conseil d'Etat.
Lorsqu'il entrera en vigueur, le nouveau régime entraînera la perte du bénéfice des aides pour les entreprises qui ne seront plus couvertes par la nouvelle carte des aides à finalité régionale. Pour celles qui resteront éligibles à la PAT, les taux des aides seront fortement réduits.
Le rapporteur spécial a regretté l'absence d'association des élus locaux à la définition de la nouvelle carte et le manque de transparence du Gouvernement s'agissant des conséquences des nouvelles règles communautaires sur les aides aux entreprises.
En deuxième lieu, M. Roger Besse, rapporteur spécial, a estimé que la politique d'aménagement du territoire du Gouvernement donnait une impression de flou et que les dates annoncées pour l'entrée en vigueur de nouveaux dispositifs étaient fréquemment repoussées. A ce titre, il a cité les exemples de la réforme des zonages, de la refonte du FNADT et des schémas de service.
Par ailleurs, le rapporteur spécial a constaté que les instruments financiers créés par la loi du 4 février 1995 étaient laissés en déshérence, voire supprimés s'agissant du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables (FITTVN).
Il a insisté sur la nécessité de maintenir une capacité d'intervention réelle au fonds d'intervention pour les aéroports et les transports aériens (FIATA).
En troisième lieu, M. Roger Besse, rapporteur spécial, tout en déplorant la méthode employée par le Gouvernement, a approuvé la création de l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII), qui regroupera l'ensemble des dispositifs d'attraction des investissements étrangers existant actuellement. Il a précisé que cette agence, qui prendra la forme d'un établissement public, industriel et commercial, sera basé à Paris, aura des correspondants à l'étranger (les anciens bureaux de la DATAR) et un correspondant dans chacune des régions.
En quatrième lieu, M. Roger Besse, rapporteur spécial, a considéré que l'aide à la création d'entreprises en zones défavorisées constituait une composante essentielle d'une politique d'aménagement du territoire fructueuse. Il a insisté sur le rôle positif, dans ce domaine, des plates-formes d'initiatives locales. Il a rappelé que leur activité se heurtaient à des contraintes législatives qui les empêchaient notamment de soutenir pleinement la reprise d'entreprises. Il a annoncé son intention de déposer à nouveau un amendement, déjà adopté trois fois par le Sénat à son initiative, permettant de remédier à cette difficulté.
M. Roger Besse, rapporteur spécial, a indiqué que l'ensemble de ces éléments le conduisait à préconiser le rejet des crédits de l'aménagement du territoire inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001.
Mme Marie-Claude Beaudeau s'est demandé dans quelle mesure l'orientation actuelle de la politique d'aménagement du territoire était compatible avec la réalisation des objectifs fixés par le récent rapport de la DATAR sur la France de 2020.
M. Roger Besse, rapporteur spécial, a regretté le manque d'ambition de la politique actuelle d'aménagement du territoire. Il a rappelé que, à l'occasion des Etats généraux des élus locaux tenus en Auvergne à l'initiative du président Christian Poncelet, 87 % des élus s'étaient déclarés en désaccord avec les options actuelles en matière d'aménagement du territoire.
La commission a alors décidé de proposer au Sénat de rejeter les crédits consacrés à l'aménagement du territoire figurant dans le projet de loi de finances pour 2001.
PJLF pour 2001 - Fonction publique
Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Gérard Braun sur les crédits de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a d'abord tenu à exprimer son étonnement face à la désinvolture manifestée par le Gouvernement à l'égard de son devoir d'information des rapporteurs spéciaux : en dépit de demandes maintes fois réitérées, le secrétariat d'Etat au budget n'a en effet pas communiqué les réponses au questionnaire budgétaire concernant l'évolution des dépenses de la fonction publique. Il a estimé que cette attitude était inadmissible et montrait bien ce qu'il fallait penser des déclarations sur la transparence budgétaire.
Il a indiqué que l'examen des crédits de la fonction publique appelait deux analyses distinctes. La première est juridique et porte sur la présentation des crédits du ministère chargé de la gestion de la fonction publique, qui sont individualisés dans le budget des services généraux du Premier ministre au sein de l'agrégat " Fonction publique ". Ces crédits s'élèvent à 1.422,7 millions de francs en 2001, soit une progression de 8,1 % par rapport à 2000. La seconde analyse est économique et concerne l'ensemble des charges des personnels de l'Etat, c'est-à-dire les crédits de rémunération, les charges sociales et les pensions. Les dépenses de fonction publique " stricto sensu " s'élèvent à environ 710 milliards de francs, soit une progression de 2,3 % par rapport à l'année précédente, et représentent 42,2 % du budget général. De surcroît, la fonction publique de l'Etat engendre des dépenses qui vont bien au-delà des seules charges liées aux fonctionnaires : hors budgétisation, ces dépenses induites s'élevaient à 712 milliards de francs en 1999.
M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a ensuite présenté les trois observations que lui inspiraient les dotations allouées à la fonction publique et à la réforme de l'Etat pour 2001.
Il a d'abord rappelé que la fonction publique avait fait l'objet de nombreux rapports cette année. Ces différents rapports contribuent à nourrir l'information du Gouvernement sur les échéances à venir et à lui proposer des pistes de réforme de la gestion des personnels de l'Etat et du fonctionnement de l'administration. Il a considéré que ces diverses études traçaient les axes de réformes ambitieuses et constituaient autant d'incitations à agir. Il a d'abord cité le rapport particulier de la Cour des comptes sur la fonction publique de l'Etat, publié en janvier dernier. Il a rappelé que ce rapport était accablant pour l'Etat-employeur, en raison d'emplois en surnombre ou bloqués, de mises à disposition ou détachements injustifiés ou irréguliers, d'un contrôle des emplois insatisfaisant, d'une gestion prévisionnelle des ressources humaines défaillante, voire inexistante, de dépenses indemnitaires financées sur des ressources extrabudgétaires ou d'avantages indus privés de toute base juridique.
Il a ensuite cité deux rapports du Commissariat général du Plan, insistant tous deux sur le fait que " la gestion de l'emploi public est au coeur de la réforme de l'Etat " et appelant à tirer parti des départs à la retraite très nombreux au cours des prochaines années, non pas pour procéder à des recrutements massifs de fonctionnaires, mais pour mettre en oeuvre une gestion active des emplois en opérant, notamment, des redéploiements d'effectifs et pour entreprendre une reconfiguration des services publics.
M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a toutefois déploré que le Gouvernement n'avait pour l'instant tiré aucune conséquence pratique de ces conseils avisés. Il a rappelé que le Gouvernement avait créé, en juillet dernier, un observatoire de l'emploi public, suscitant toutefois son interrogation sur l'utilité réelle des travaux de cette nouvelle structure administrative, compte tenu de l'abondance des informations déjà existantes en la matière. Il s'est demandé si son véritable objectif n'était pas plutôt de gagner du temps et de différer, une fois de plus, les indispensables réformes à engager. Il a cité un autre exemple de l'attentisme du Gouvernement : l'absence totale de réforme en matière de retraite dans la fonction publique. Il a en effet considéré que les nombreux départs à la retraite des agents publics constituaient une occasion qu'il faut saisir pour réduire le nombre de fonctionnaires et doter la France d'un Etat moins lourd, mais plus efficace. Il s'est également déclaré favorable à un alignement de la durée des cotisations des fonctionnaires, aujourd'hui de 37,5 années, sur le droit commun applicable aux salariés du secteur privé, soit 40 ans. Il a en effet rappelé que le coût des pensions de la fonction publique, qui s'établit déjà à plus de 200 milliards de francs, allait véritablement exploser dans les années à venir, leur charge budgétaire s'étant d'ailleurs accrue de 20,8 milliards de francs de 1998 à 2001, soit une progression de 12 % en quatre ans. Pour faire face à ce problème, le Gouvernement s'est contenté de créer un Conseil d'orientation des retraites.
Le rapporteur spécial a également déploré l'abandon de la réforme de l'Etat, en dépit des propos volontaristes du nouveau ministre de la fonction publique. Si les axes de réforme, comme les circulaires, ne manquent pas, les actes, en revanche, sont peu perceptibles. Un comité interministériel à la réforme de l'Etat s'est réuni le 12 octobre dernier, mais les trois axes de réforme qu'il a arrêtés paraissent bien vagues, ou alors ne constituent que des déclarations d'intention sans portée concrète. En fait, il est à craindre que la réforme de l'Etat n'ait pâti de la capitulation du Gouvernement devant les syndicats de l'administration fiscale, en mars dernier.
M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a, enfin, dénoncé les créations massives d'emplois décidées par le Gouvernement en dépit du poids croissant des dépenses de fonction publique. Il a en effet rappelé que le projet de loi de finances pour 2001 rompait avec le principe de stabilité du poids de l'emploi public pourtant affiché par le Gouvernement depuis 1997. Il renoue d'ailleurs avec des créations massives d'emplois telles qu'il n'y en avait plus eu depuis le début des années 1990, en prévoyant la création de 11.337 emplois nouveaux. Il a regretté que cette décision ne repose sur aucun argument objectif, constatant par exemple que 6.600 enseignants supplémentaires seraient recrutés alors que le nombre des élèves comme celui des étudiants ne cesse de diminuer. Il a noté que ces créations d'emplois allaient alourdir le poids des dépenses de fonction publique et réduire davantage encore les marges de manoeuvre du budget de l'Etat, et a rappelé que l'accord salarial du 10 février 1998, au cours de ses trois années d'application, s'était traduit dans les trois fonctions publiques par un coût total de 71 milliards de francs. Or, la part croissante des dépenses de fonction publique accentue la rigidité du budget de l'Etat. En effet, l'essentiel de la progression de ses dépenses résulte des dépenses de fonction publique : de 1997 à 2000, ce poste de dépenses a crû de 11,5 % et représente plus de 70 % de la progression des dépenses au titre des dix premiers postes du budget général, soit 73 milliards de francs sur 103 milliards de francs. Il a par ailleurs indiqué que, suite à l'accord de résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique, plus de 4.000 supports budgétaires réservés à des titularisations seraient inscrits dans le budget pour 2001, tandis que plus de 5.400 emplois en surnombre, liés à l'effet différé des réussites aux concours d'enseignants seront consolidés. Le projet de loi de finances pour 2001 créera, au total, 20.820 emplois budgétaires supplémentaires.
Il a ensuite noté que deux dossiers faisaient peser des incertitudes sur l'évolution à venir des dépenses de fonction publique : l'avenir des emplois-jeunes, dont il est à craindre qu'un nombre significatif d'entre eux ne soit intégré dans la fonction publique, et les 35 heures dans l'administration, le coût de cette mesure restant aujourd'hui totalement inconnu.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que ces créations d'emplois massives, les 35 heures dans la fonction publique ou encore l'avenir des emplois-jeunes, constituaient autant de " bombes à retardement " et que ces dossiers devaient être suivis de près au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2001.
M. Maurice Blin a déclaré partager les analyses du rapporteur spécial, et s'est interrogé sur les raisons de la méconnaissance, par l'Etat, du nombre de ses fonctionnaires. Il a estimé indispensable d'engager une réforme visant à la gestion prévisionnelle des effectifs et s'est dit préoccupé par l'avenir des pensions. Enfin, il a estimé qu'il était indispensable de redéfinir les missions de l'Etat et donc la nature des activités des agents publics, s'interrogeant sur la légitimité de nouvelles créations d'emplois dans des ministères comme l'agriculture ou la recherche.
Mme Marie-Claude Beaudeau, vice-président, s'est demandé si les fonctionnaires qui allaient être recrutés dans les années à venir bénéficieraient d'une formation adéquate aux fonctions qu'ils allaient exercer.
M. Roger Besse s'est enquis des suites données aux conclusions du rapport particulier de la Cour des comptes sur la fonction publique de l'Etat.
M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a expliqué que les effectifs réels de fonctionnaires différaient toujours des effectifs budgétaires en raison de mises à disposition ou de détachements d'agents publics, ou encore du travail à temps partiel. Il a fait part de son souhait de voir la mobilité des fonctionnaires se développer. Il a indiqué que les crédits de formation allaient croître de 35,5 % en 2001 au titre des formations interministérielles. Enfin, il a noté que des crédits alloués aux rémunérations accessoires avaient commencé à être réintégrés au budget de l'Etat mais que certains points soulevés par la Cour des comptes n'étaient toujours pas réglés, à l'exemple des rémunérations accessoires des agents de catégorie C.
A l'issue de ce débat, la commission a décidé de réserver sa position sur les crédits inscrits à l'agrégat " Fonction publique ", jusqu'à l'examen du rapport consacré aux crédits des services généraux du Premier ministre.
Jeudi 19 octobre 2000
- Présidence de M. Alain Lambert, président.
Transports - Groupe de travail relatif au financement des infrastructures de transport - Communication
La commission a tout d'abord entendu une communication de M. Jacques Oudin sur les travaux du groupe de travail relatif au financement des infrastructures de transport.
Procédant à l'aide d'une rétro-projection, M. Jacques Oudin a indiqué qu'il présentait les premières conclusions du groupe de travail de la commission. Il a rappelé qu'il avait été également chargé de présenter un rapport sur la politique européenne des transports par la délégation pour l'Union européenne et un rapport sur les schémas de service par la délégation à l'aménagement du territoire.
En introduction, il a indiqué que dans une période de croissance dynamique, la demande de transport ne cessait de croître, alors même que les investissements diminuaient. Il a expliqué que cette situation était imputable à la volonté de l'Etat de se désendetter et de rejeter les responsabilités financières sur les collectivités locales, mais également à son manque de vision stratégique des investissements de long terme.
M. Jacques Oudin a indiqué que le bilan financier du secteur des transports était difficile à établir. En effet, les financements publics ne sont pas consolidés : le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie reconnaît lui-même que l'effort public en matière de transports est dispersé. Il indique simplement que l'effort de l'Etat en matière d'infrastructures peut être évalué à 41 milliards de francs par an, dont 60 % à destination du secteur ferroviaire, 25 % pour les routes, les autres secteurs ne bénéficiant que des moyens résiduels. En tenant compte des taxes affectées aux établissements publics nationaux et de l'effort des collectivités locales, les fonds publics concernant l'entretien, l'exploitation et le développement des infrastructures de transport peuvent être estimés à 50 milliards de francs.
M. Jacques Oudin a toutefois émis des réserves quant à une interprétation trop rapide de ces chiffres, considérant qu'ils négligeaient par exemple certaines formes de financement, l'effort d'investissement en faveur du réseau autoroutier concédé se faisant par exemple sous la forme de l'adossement, c'est-à-dire sans subventions directes. Il a ajouté que la commission des comptes des transports de la Nation chiffrait à 82 milliards de francs pour 1998 les dépenses en infrastructures de transport, dont 54 milliards de francs pour la route, 12,5 milliards de francs pour le rail, 8 milliards de francs pour les transports collectifs urbains et 7 milliards de francs pour le reste. Il a noté qu'il existait une forte contradiction avec les chiffres donnés par le ministère des finances, notamment sur les contributions au mode ferroviaire, et il en a déduit que d'une manière générale, il était très difficile de faire le bilan des financements publics et privés allant aux différents secteurs de transport, dans la mesure où ce bilan dépendait largement de la méthodologie utilisée.
Il a déploré qu'il n'existe pas de bilan coût/contribution pour chaque infrastructure permettant de mettre en regard les subventions publiques et les ponctions effectuées sur chaque mode de transport. Par exemple, le dernier compte satellite des transports estime pour 1996 à 320 milliards de francs la fiscalité produite par le secteur, mais d'après le rapport annuel de la commission des comptes des transports de la Nation, les recettes spécifiques des administrations liées à l'activité des transports se sont élevées à 205 milliards de francs en 1998, dont 182 milliards de francs pour la fiscalité et 23 milliards de francs au titre du versement transport. Si tous les tableaux font apparaître que toutes les contributions publiques sont essentiellement supportées par la route, il n'existe pas de règles conventionnelles pour permettre de définir précisément la contribution financière de chaque mode de transport, ce qui permet d'alimenter sans fin des débats tel que : la route paie-t-elle ses coûts ?
M. Jacques Oudin a également indiqué que les règles de tarification des infrastructures étaient mal définies ou inexistantes. Malgré leur augmentation ces trois dernières années, de 44 milliards de francs en 1997 à 54 milliards de francs en 2000, les péages constituent encore un modèle d'exception pour la plupart des modes de transport, à l'exclusion du transport aérien et des autoroutes concédées. Si la part de l'usager dans le financement des autoroutes concédées atteint 92 %, elle descend à 56 % pour les ports, elle est très réduite pour le transport ferroviaire (25 %), les voies navigables (9 %) et nulle pour les routes nationales. Pour les modes de transport où le péage est faible, c'est le contribuable local ou national qui supporte l'essentiel de l'effort d'investissement.
M. Jacques Oudin a ajouté que, lorsqu'elles existaient, les règles de tarification des infrastructures étaient peu rigoureuses. La tarification au coût complet a été mise en oeuvre pour les infrastructures les plus rentables, à savoir les autoroutes concédées et le transport aérien. En revanche, les péages des voies navigables et des ports sont fixés à des niveaux relativement bas. Les péages du secteur ferroviaire sont emblématiques de l'absence totale de règles de tarification des infrastructures : le paiement des redevances est limité par la capacité contributive de la société nationale des chemins de fer français (SNCF), et environ un tiers des péages, soit près de 3 milliards de francs, est pris en charge directement par des concours publics. Si les péages versés par la SNCF à réseau ferré de France (RFF) sont inférieurs au coût marginal social, contrairement aux préconisations de l'Union européenne, la SNCF redoute toute augmentation qui mettrait en péril son équilibre financier, et compromettrait, notamment, son activité du fret ferroviaire.
M. Jacques Oudin a conclu que d'une manière générale, il n'était pas illogique que l'usager paie plus ou moins selon les modes de transport, mais qu'il regrettait la persistance de distorsions importantes au sein d'un même mode, comme la route, et l'absence totale d'analyse socio-économique objective pour expliquer les divergences dans le choix des modes de tarification.
M. Jacques Oudin a ensuite déclaré que les calculs de rentabilité socio-économique et financière des investissements publics ne lui paraissaient pas satisfaisants. L'écart entre l'évaluation socio-économique d'un investissement et son évaluation financière fonde la légitimité de la subvention publique, un investissement pouvant avoir un intérêt socio-économique sans être financièrement rentable. L'évaluation socio-économique a pour référence le rapport du commissariat général du plan de 1994 et la circulaire qui en a été tirée, mais celle-ci n'est pas appliquée de manière uniforme par tous les opérateurs de transport. Concernant la rentabilité financière, les calculs répondent également à des méthodes très peu satisfaisantes. La direction des routes a fait des efforts avec la création en mars 1999 d'un comité d'analyse et de maîtrise des coûts et d'un observatoire des coûts. En matière ferroviaire, fluviale et portuaire, ce sont les établissements publics en charge des infrastructures qui produisent eux-mêmes les études financières. Ils sont ainsi juges et parties, alors que l'Etat n'est pas en mesure de développer une capacité d'expertise indépendante. Par exemple, concernant les transports ferroviaires, la SNCF dispose de la seule véritable expertise a priori, même si les expertises ont été confiées au conseil général des Ponts et Chaussées, éventuellement associé au conseil général des finances pour le TGV Méditerranée ou le TGV Est européen, mais dans une démarche a posteriori.
M. Jacques Oudin a ensuite déclaré que les comptes des opérateurs des transports lui semblaient opaques ou biaisés. Les comptes de la SNCF ne permettent pas, par exemple, de déterminer clairement le montant des concours publics qui lui sont alloués, puisque le compte de résultat ne tient pas compte du versement à la caisse de retraite ni du versement de l'Etat au service de la dette. Globalement, le président de la SNCF a toutefois indiqué que les contributions publiques au secteur ferroviaire, comprenant celle à RFF, s'élevaient à 65 milliards de francs par an. D'une manière générale, l'équation financière de l'infrastructure ferroviaire est très complexe et facilite, dans une certaine mesure, l'opacité. De même, l'existence du cadre comptable dérogatoire, pour les sociétés concessionnaires d'autoroutes, a permis de développer des analyses souvent en contradiction avec la situation réelle de ces organismes.
Enfin, M. Jacques Oudin a regretté que chaque mode de transport soit géré de manière autonome, car du morcellement du secteur des transports résulte un éparpillement de l'expertise et l'absence d'une politique d'ensemble qui nuit à l'investissement.
Il a indiqué qu'il avait fait un constat évident, à savoir que globalement l'effort d'investissement de l'Etat en matière de transport était fluctuant sur le long terme, mais en baisse depuis dix ans. Il a cité les investissements ferroviaires, qui ont chuté de 18 milliards de francs en 1990 à 10 milliards de francs en 1999. Le budget d'investissement de RFF jusqu'en 2002 ne traduit pas d'inversion notable, sauf que les subventions d'investissement de l'Etat devront croître pour maintenir un même niveau d'investissement, en raison de la réduction des capacités d'investissement propres de RFF. L'investissement routier a quant à lui connu une inflexion depuis 1996 et les incertitudes les plus grandes demeurent sur le prolongement du programme autoroutier.
M. Jacques Oudin a ensuite indiqué que si les investissements des collectivités locales avaient repris leur progression ces trois dernières années, la perte progressive de leur potentiel fiscal et un environnement économique et financier moins favorable pouvaient contrarier leurs efforts. Or, l'Etat se défausse clairement sur les collectivités locales pour les investissements futurs et les transferts de charges se poursuivent. La régionalisation des services régionaux de transport de voyageurs, actuellement lourdement déficitaires, en est une illustration. Sans les moyens financiers, les collectivités locales ne pourront pas assurer la charge du financement des transports.
M. Jacques Oudin a ensuite expliqué les raisons de la chute de l'investissement, et tout d'abord le souhait des pouvoirs publics de limiter l'endettement. De fait, il a rappelé que la dette portée par le secteur public des infrastructures de transport s'élevait à 250 milliards de francs en 2000 pour le transport ferroviaire, dont 60 milliards de francs au titre du service annexe de l'amortissement de la dette ferroviaire pris en charge par l'Etat, et environ 130 milliards en 1997 pour la dette des sociétés publiques concessionnaires d'autoroutes. Compte tenu de cette très lourde dette, d'importants efforts sont mis en oeuvre pour limiter un nouvel endettement, à travers le cadrage réalisé par le comité des investissements économiques et sociaux, et en matière ferroviaire par le respect de l'article 4 du décret portant statut de RFF qui lui interdit de financer sur fonds propres des projets qui ne procurent pas des recettes suffisantes.
M. Jacques Oudin a toutefois rappelé que tout effort d'investissement était un pari sur l'avenir et qu'il était dès lors logique de faire peser sur les générations futures le poids des investissements de long terme dont elles bénéficieront avant tout, tout en s'efforçant de limiter l'endettement aux capacités de remboursement.
Il a ensuite fait état de l'augmentation de la demande de transport, en précisant qu'entre 1970 et 1996, le trafic routier avait progressé de 4,4 % par an, le trafic ferroviaire de 1,6 % par an, le trafic aérien de 9,3 % par an et le trafic autoroutier de 9,7 % par an. En moyenne, le trafic du secteur des transports aura progressé plus rapidement que le PIB en volume. Or, l'affaiblissement de l'investissement conjugué à l'augmentation des trafics crée un effet de ciseaux qui débouche sur des phénomènes de congestion des réseaux de transport. Même dans le scénario de référence pour les schémas de service, c'est-à-dire celui d'une croissance moyenne avec une politique volontariste en faveur du mode ferroviaire, les trafics progressent de manière importante. S'agissant de la répartition modale des voyageurs, la part de la route progresserait légèrement et le ferroviaire diminuerait. S'agissant de marchandises, le scénario retenu montre une croissance sensible de la part de la route (de 80 % à 85 %) et une diminution du fret ferroviaire (de 18 % à 14 %). Seul un scénario extrêmement volontariste et peu réaliste (doublement du prix de l'essence d'ici 2020, compensation intégrale de la réduction du temps de travail) permettrait d'inverser les tendances. Dans ces conditions, il apparaît que l'action sur la demande de transport ayant des effets limités, il est impératif de prévoir les infrastructures nécessaires.
M. Jacques Oudin a ensuite regretté que les politiques modales de transport aujourd'hui mises en oeuvre soient inadaptées. S'agissant du secteur routier, malgré la bonne situation financière du secteur et ses contributions importantes au budget de l'Etat, l'investissement souffre de l'incohérence de la politique actuelle, notamment en matière de financement autoroutier. Concernant le secteur ferroviaire, l'objectif courageux de doubler le trafic fret en dix ans se heurte aux difficultés de l'entreprise à accorder sa priorité au transport des marchandises et à gérer les dysfonctionnements de nature structurelle de cette activité. De surcroît, le développement de l'activité fret nécessiterait des investissements de contournement de l'ordre d'une vingtaine de milliards de francs, qui ne sont pour le moment pas décidés. En matière fluviale et portuaire, le relatif désintérêt des pouvoirs publics s'exprime par l'abandon du projet Seine-Nord et par l'absence de politique portuaire, comme l'a souligné un récent rapport de la Cour des comptes. Enfin, en matière aérienne, l'explosion de la demande nécessite des choix urgents et notamment des décisions relatives à l'emplacement du troisième aéroport de Paris.
Pour l'avenir, M. Jacques Oudin a souhaité que l'on donne la priorité à la clarté et à la fiabilité des comptes, estimant que les travaux réalisés par la commission des comptes des transports de la Nation ne permettaient pas de disposer d'indicateurs précis en matière de transport. Une politique de tarification et d'uniformisation des critères de rentabilité devrait être également mise en oeuvre dans le cadre de notre réflexion au niveau européen. L'organisation de la tutelle du secteur des transports devrait favoriser une synergie entre les modes plutôt que de promouvoir un cloisonnement des approches par direction thématiques. Enfin, l'endettement du secteur ferroviaire étant l'argument pour justifier l'absence de politique d'investissement, il est important que l'Etat dispose d'un véritable programme de remboursement de la dette de RFF qui, de fait, ne pourra qu'être à terme consolidé dans les comptes de l'Etat. Enfin, l'Etat devra rechercher des moyens nouveaux, auprès du secteur privé, et par l'utilisation de prêts de long terme que pourrait délivrer la Caisse des dépôts et consignations, ou encore par l'affectation de taxes.
Un débat s'est alors ouvert auquel ont participé MM. Alain Lambert, président, Jacques-Richard Delong, François Trucy et Mme Marie-Claude Beaudeau.
En réponse à M. Jacques-Richard Delong, M. Jacques Oudin a indiqué que l'expérience de la construction du Tunnel sous la Manche, qui avait fait appel à des fonds privés, ne permettait pas de rejeter ce type d'investissement, sous réserve d'améliorer les calculs de rentabilité. Il a regretté qu'un certain nombre d'investissements de long terme soient financés par des emprunts sur dix ans, avec un coût de la ressource élevé, alors même que la durée de remboursement des prêts pourrait être allongée. S'agissant du ferroutage, il a expliqué qu'il se heurtait à des obstacles pratiques, notamment l'absence d'harmonisation des systèmes ferroviaires européens et les dysfonctionnements du service fret de la SNCF, mais qu'il était, en tout état de cause, une solution d'avenir.
En réponse à M. François Trucy, M. Jacques Oudin a indiqué que la consommation d'énergie allait fortement progresser, et que d'une manière générale, des études sur le transport maritime montraient que l'élasticité de la demande de transport à la croissance serait plus importante dans les années à venir.
En réponse à Mme Marie-Claude Beaudeau, il a expliqué qu'il considérait également que le transport aérien connaîtrait dans les prochaines années une forte croissance, et qu'il était de la plus impérieuse nécessité de prendre des décisions d'implantation d'un nouvel aéroport afin de remédier à la saturation du ciel européen.
Puis la commission a donné acte à M. Jacques Oudin de sa communication et a autorisé la publication de ses conclusions sous forme d'un rapport d'information.
Union européenne - Habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire - Examen du rapport pour avis
M. Denis Badré, rapporteur pour avis, a tout d'abord rappelé que le projet de loi habilitait le Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire. Cette habilitation devrait permettre au Gouvernement de transposer tout ou partie de plus de cinquante directives et de procéder aux adaptations de la législation liées à cette transposition.
Il a fait remarquer que si elle était adoptée, la loi autoriserait notamment le Gouvernement à procéder par ordonnance à la refonte du code de la mutualité et la réforme du code de la voirie routière, afin de modifier le régime d'exploitation des autoroutes et des ouvrages d'art à péage.
Il a précisé que, selon l'exposé des motifs, le recours à la procédure des ordonnances de l'article 38 de la Constitution devrait permettre d'améliorer rapidement la situation de la France en matière de mise en conformité de sa législation avec le droit communautaire et d'éviter ainsi que davantage de contentieux soient portés devant la Cour de justice des communautés européennes.
Il a ajouté que l'exposé des motifs indiquait que, dans la mesure où il s'agissait de textes pour l'essentiel techniques, ce projet de loi d'habilitation préserverait les droits du Parlement en allégeant son programme de travail.
M. Denis Badré, rapporteur pour avis, a ensuite justifié la volonté de la commission de se saisir des articles 1er, 3 et 4 du projet de loi.
En ce qui concerne l'article 1er, il a indiqué qu'il permettait effectivement la transposition de directives techniques, pour les matières qui relevaient de la compétence de la commission des finances. Mais il a rappelé qu'outre les mesures législatives nécessaires à la transposition des directives 92/49 et 92/96 figurant à l'article 1er du projet de loi, l'article 3 proposait d'autoriser le Gouvernement à procéder, par ordonnances, à la refonte du code de la mutualité, à supprimer dans le cadre de l'assurance complémentaire la période de stage de deux ans pendant laquelle l'assureur peut modifier le contrat ou y mettre un terme, à renforcer les pouvoirs de contrôle de la commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance et à créer un fonds paritaire de garantie des institutions de prévoyance.
A cet égard, il a insisté sur le fait qu'il y a déjà deux ans, la commission s'était intéressée à la transposition des troisièmes directives aux mutuelles régies par le code de la mutualité sous l'égide du président Alain Lambert et, avait émis, à cette occasion des propositions concrètes. Elle avait souhaité, à l'époque, le dépôt rapide d'un projet de loi.
Puis il a annoncé que l'article 4 du projet de loi habilitait le Gouvernement à prendre des ordonnances dans les domaines suivants : suppression de la garantie de reprise de passif accordée par l'Etat aux sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes (SEMCA) et prorogation des durées des conventions de concessions conclues entre l'Etat et certaines sociétés concessionnaires, modification des diverses dispositions relatives aux péages pouvant être institués pour l'usage des autoroutes et des ouvrages d'art.
Il a tenu à préciser qu'en constituant une commission d'enquête sur les infrastructures de transports en 1998, le Sénat avait préparé le débat en amont, et avait poursuivi ses investigations par l'intermédiaire d'un groupe de travail au sein de la commission, sous la présidence de M. Jacques Oudin. Le ministre de l'équipement, des transports et du logement avait annoncé, devant la commission, un projet de loi sur la réforme des sociétés concessionnaires d'autoroute. La commission est donc fondée à se saisir de l'article 4.
Puis il a présenté ses propositions sur ces articles. Il a annoncé que l'article 1er ne posait pas de problème, pour les sept directives auxquelles la commission s'était intéressée, et sous réserve des avis des autres commissions. En revanche, il a émis trois critiques essentielles à l'égard des articles 3 et 4 du projet de loi d'habilitation.
Il a estimé que le projet de loi véhiculait une conception erronée et dangereuse de la construction européenne, que l'argument de l'urgence brandi par le Gouvernement pour faire accepter ce projet de loi au Parlement n'était pas acceptable et que le champ d'application de l'habilitation demandée par le gouvernement au Parlement débordait largement une simple transposition du droit communautaire et constituait de ce fait une atteinte aux prérogatives de la représentation nationale.
Il a constaté que l'exposé des motifs du projet de loi d'habilitation négligeait complètement l'importance des sujets traités, puisqu'il disposait qu'" en l'espèce, l'habilitation demandée au Parlement est définie de manière précise, limitée dans le temps et porte principalement sur des directives de nature essentiellement technique ".
M. Denis Badré, rapporteur pour avis, a souligné que l'exposé des motifs ajoutait, fort mal à propos, qu'" on note enfin que l'habilitation n'est pasdemandée pour des directives dont l'objet et la portée politiques justifient un débat par la représentation nationale ".
Il a alors estimé pour le moins surprenant le fait de considérer que le financement du système autoroutier ou la refonte du code de la mutualité ne justifiaient pas de débat par la représentation nationale, deux réformes allant d'ailleurs très au-delà de ce que requièrent les directives.
Ainsi, il a expliqué qu'en ce qui concernait l'article 3, il apparaissait que contrairement à l'exposé des motifs du projet de loi, celui-ci ne transposait pas deux directives dans le code de la mutualité et en profitait pour moderniser ce dernier, mais plutôt réécrivait le code de la mutualité et, à cette occasion, transposait lesdites directives.
Il a ajouté que, selon le Gouvernement, la refonte du code de la mutualité proposée par voie d'ordonnances aurait été élaborée en étroite coopération avec le milieu mutualiste. Il s'est alors demandé s'il fallait en déduire que le consensus qui se dégagerait sur ce projet était une garantie suffisante et si le Parlement n'avait donc pas besoin d'être consulté. Il a estimé qu'il s'agissait d'une curieuse interprétation de la démocratie : certes, les secteurs concernés par ce projet de loi doivent être entendus, mais il revient au peuple français, à travers la représentation nationale, de statuer sur l'évolution de la mutualité.
En ce qui concerne l'article 4 du projet de loi, il a rappelé que, selon le Gouvernement, les mesures proposées " visaient à faciliter la mise en oeuvre " des objectifs fixés par la directive 93/37/CEE du Conseil du 14 juin 1993 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux. Il a indiqué qu'il ne s'agissait pas, en fait, de mesures de transposition du droit communautaire, mais de dispositions concernant les péages routiers qui n'étaient en rien la conséquence de textes communautaires, et de dispositions relatives à l'allongement des concessions et à la suppression de la garantie de passif accordée aux sociétés concessionnaires d'autoroutes, qui avaient reçues l'accord de la commission européenne.
M. Denis Badré, rapporteur pour avis, a ensuite déclaré que ces deux articles conduisaient à une vision erronée et dangereuse de la construction européenne.
En effet, ils présentent l'Union européenne non seulement comme celle qui sanctionne notre pays, mais également comme celle qui oblige la France à " mal légiférer " : pour mettre un terme aux procédures d'astreinte présentes ou à venir engagées par la commission européenne, le Parlement devrait se dessaisir de ses pouvoirs constitutionnels d'examen et de vote de la loi au profit du Gouvernement.
Il a estimé qu'en réalité, la situation actuelle en matière d'assurance relevait de l'entière responsabilité des gouvernements qui n'avaient pas été diligents alors que la transposition des directives sur ce sujet était déjà urgente, et qui avaient laissé s'accumuler un retard qui apparaissait aujourd'hui difficile à combler. Pour la question des autoroutes, il a indiqué qu'aucune procédure d'infraction n'avait été engagée contre la France, hormis sur l'application de la TVA aux péages autoroutiers, qui n'était justement pas traitée par le présent texte, alors que la France venait d'être condamnée sur ce thème.
Il s'est ensuite demandé comment défendre l'idée de l'Europe des citoyens auprès des Français s'il revenait au Gouvernement le soin de négocier les directives, puis de les transposer dans le droit interne. Il a jugé au contraire indispensable que les citoyens, à travers la représentation nationale, puissent se prononcer sur la construction européenne à travers l'examen des directives élaborées par la commission européenne.
Enfin, M. Denis Badré, rapporteur pour avis, a rejeté l'argument de l'urgence. Il a rappelé que dans son exposé des motifs, le Gouvernement dressait la situation de la France en matière de transposition des directives : à la date du 1er juin 2000, 117 directives n'auraient pas été transposées dans les délais requis, dont près de la moitié nécessiterait des dispositions législatives. Cette situation serait source d'un important contentieux.
Le choix de légiférer par ordonnance aurait été contraint par la surcharge du calendrier parlementaire et la nécessité de légiférer rapidement. Mais le Gouvernement est maître de l'ordre du jour du Parlement et il lui appartient entièrement de définir ses priorités et par conséquent d'inscrire en urgence les textes législatifs dont l'adoption lui paraît indispensable. De surcroît, la procédure choisie ne devrait pas être si rapide, puisque le Gouvernement disposerait d'un délai de 6 mois pour prendre les ordonnances.
Il a noté qu'il avait plutôt le sentiment que l'obligation de transposition servait de prétexte au Gouvernement pour introduire, dans notre droit interne, des dispositions qui ne faisaient pas l'objet de directives, notamment pour les mesures visant à créer un fonds de garantie paritaire des institutions de prévoyance ou à renforcer les pouvoirs de la Commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance.
Concernant plus précisément l'article 4 du projet de loi, il a fait observer que le ralentissement du programme autoroutier était déjà à l'oeuvre, sans qu'il soit possible d'en imputer la cause à une autre raison qu'au souhait du Gouvernement de limiter les investissements.
Par ailleurs, il a indiqué qu'un avant-projet d'ordonnance lui avait été transmis, dont l'exposé général comportait des considérations qui relevaient de choix politiques et en aucune façon de considérations juridiques d'application du droit communautaire. Cet exposé général énonce notamment que la politique autoroutière " doit évoluer pour mieux tenir compte des préoccupations environnementales de nos concitoyens, qui acceptent de moins en moins le " tout routier " comme le " tout autoroutier ". Il en a déduit que la réforme ne viserait pas, contrairement à ce que le Gouvernement indique, à faciliter le financement de futures liaisons autoroutières, mais à poursuivre une politique dite de rééquilibrage, visant en fait à freiner massivement les investissements routiers. Il a ajouté que l'avant-projet d'ordonnance n'était pas complet. L'objectif véritable du Gouvernement est de prendre appui sur la réforme des SEMCA pour obtenir de ces sociétés des résultats d'exploitation bénéficiaires constituant de nouvelles ressources pour l'Etat et permettant, notamment, de financer le développement du réseau autoroutier, mais également un programme prioritaire de réhabilitation du patrimoine routier national, et la politique intermodale des transports. Or, il a fait remarquer qu'aucun élément sur cette réforme ne figurait expressément dans l'avant-projet d'ordonnance et que, d'autre part, l'avant-projet ne comprenait aucune disposition sur les comptes des sociétés d'autoroutes, alors que ces dispositions entraient dans le champ de l'habilitation.
Dans ces conditions, il lui est apparu que les dispositions que le Gouvernement présentait au Parlement étaient tronquées et ne reflétaient pas l'ensemble de ses intentions en matière de réforme du financement autoroutier.
Enfin, il a rappelé que le projet d'habilitation comprenait des dispositions relatives aux péages, notamment pour les ouvrages d'art, qui concernaient aussi bien l'Etat que les collectivités locales, et méritaient, de ce fait, un examen approfondi que les délais de présentation du projet de loi ne permettaient pas de mener.
Pour toutes ces raisons, M. Denis Badré a proposé à la commission d'adopter deux amendements de suppression des articles 3 et 4 du projet de loi.
Il a en revanche proposé de donner un avis favorable aux dispositions de l'article 1er, pour les seules directives touchant aux compétences de la commission des finances, et sous réserve de l'avis des autres commissions saisies.
Un débat s'est alors ouvert au cours duquel sont intervenus MM. Jacques Oudin, Jacques-Richard Delong, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Denis Badré, rapporteur pour avis, et M. Alain Lambert, président.
A l'issue de ce débat, le président Alain Lambert a rappelé que le renoncement à leurs prérogatives essentielles était de nature à remettre en cause la raison d'être des assemblées parlementaires, représentantes, selon notre Constitution, du peuple français.
Il a ajouté que tous les discours sur la revalorisation du Parlement perdraient toute valeur si le Sénat se privait d'apporter sa contribution précisément dans les domaines où il travaille depuis plusieurs années, et où les agents économiques eux-mêmes ont reconnu son expertise et la valeur de ses propositions.
La commission a alors donné un avis favorable à l'article 1er, sous les réserves posées par le rapporteur, et a adopté deux amendements de suppression des articles 3 et 4 du projet de loi.
PJLF pour 2001 - Services du Premier ministre - III. - Conseil économique et social - Examen du rapport
La commission a ensuite procédé à l'examen des crédits des services du Premier ministre - III Conseil économique et social, sur le rapport de M. Claude Lise, rapporteur spécial.
M. Claude Lise, rapporteur spécial des crédits du Conseil économique et social, a indiqué que le budget du Conseil (CES) faisait l'objet d'une attention toute particulière dans le projet de loi de finances pour 2001. Les crédits sont en hausse de 8,17 % et s'élèvent à 205 millions de francs. Il a expliqué que cette forte hausse reflétait la volonté de son nouveau président, M. Jacques Dermagne, et du Bureau du CES, de donner à l'institution les moyens de son évolution.
M. Claude Lise, rapporteur spécial, a ensuite présenté ses trois principales observations sur ce budget qu'il a qualifié de budget de renouveau. Il a analysé l'exécution du budget 1999 et celle du premier semestre 2000. Il a noté que le CES avait bénéficié d'un crédit supplémentaire d'un million de francs en loi de finances rectificative pour 1999 afin de pourvoir aux rémunérations des membres du cabinet du nouveau président et que, par ailleurs, le chapitre 34-01 a fait l'objet d'un transfert de 47.658 francs au profit du budget des charges communes. Il expliqué que le chapitre 57-01 " Équipement administratif " avait fait l'objet d'une sous-consommation d'un tiers environ, car une provision avait été effectuée en 1999 en vue de régler un litige ancien. En effet le maître d'oeuvre qui réalisa l'extension du Palais d'Iéna en 1995 avait déposé une réclamation auprès du Comité consultatif national de règlement amiable des litiges relatifs aux marchés publics. Il a obtenu gain de cause et le Conseil s'est vu contraint de régler la somme d'1,4 million de francs en mars 2000. Mis à part cet imprévu, le rapporteur spécial a jugé que l'exécution du budget 1999 était conforme aux prévisions des lois de finances et globalement satisfaisant pour l'exercice 2000.
Dans une deuxième observation M. Claude Lise, rapporteur spécial, a détaillé les projets et les méthodes du nouveau président. Du point de vue des méthodes de travail, il a expliqué que le Conseil avait décidé de pratiquer " la transversalité ", c'est-à-dire de faire travailler les sections ensemble sur un même sujet et qu'en outre un programme de travail qui regroupera " les orientations prioritaires " de l'institution pour les années à venir serait arrêté. Ainsi les travaux du CES offriront une plus grande lisibilité. Le rapporteur spécial a par ailleurs précisé qu'il avait été décidé de renouer les liens, depuis longtemps distendus, entre les conseils économiques et sociaux régionaux (CESR) et le CES.
Dans une dernière observation, il a exposé les deux priorités retenues par le Bureau du CES et leur traduction budgétaire. Deux nouveaux services seront créés : celui de la communication dont le but est de contribuer à faire connaître les travaux du Conseil -35 rapports au cours des dix derniers mois- et celui des relations internationales. Il a rappelé que la création de ce dernier couronnait les efforts constants poursuivis par l'institution au cours des dernières années. Concrètement, M. Claude Lise, rapporteur spécial, a indiqué que cinq emplois budgétaires seraient créés.
Pour conclure, le rapporteur spécial s'est félicité des nouveaux projets de cette institution, et a proposé à la commission d'adopter les crédits de ce budget.
M. Jacques Oudin s'est réjoui des projets de collaboration entre le CES et les conseils économiques et sociaux régionaux. Il a suggéré qu'elles donnent lieu à des travaux portant, par exemple, sur les infrastructures routières. Le rapporteur spécial a partagé cette opinion et a fait remarquer que M. Denizard avait publié, en juin 1999, un rapport sur les transports dans les agglomérations. Il a indiqué qu'un réseau internet connecterait sous peu les différents conseils entre eux afin de favoriser les synergies. Il a également rappelé que le Sénat gagnerait à consulter plus souvent les rapporteurs du CES.
A l'issue de ce débat, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits du Conseil économique et social.
PJLF pour 2001 - Equipement, transports et logement - IV - Mer : Marine marchande - Examen du rapport
Puis la commission a procédé à l'examen des crédits de l'équipement, destransports et du logement sur le rapport de M. Claude Lise, rapporteur spécial du budget de la marine marchande pour 2000.
Après avoir rappelé que le budget de la marine marchande correspondait au fascicule IV.- Mer, du budget de l'équipement, des transports et du logement, abstraction faite des crédits consacrés aux ports maritimes, M. Claude Lise, rapporteur spécial, a indiqué que les crédits inscrits au budget de la Marine marchande pour 2001 s'élevaient à 6,041 milliards de francs, en augmentation de près de 7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2000, cette augmentation faisant suite à une légère diminution du budget de la marine marchande l'année passée (- 0,41 %).
Faisant remarquer qu'il s'agissait-là d'une progression très supérieure à celle du budget de l'Etat, et même à celle du budget de l'équipement, des transports et du logement, il l'a justifiée par une prise de conscience jugée douloureuse des enjeux liés à la sécurité maritime lors du naufrage de l'Erika.
La marée noire provoquée par la naufrage de l'Erika et les rapports parlementaires qui l'ont suivie, en particulier celui du Sénat intitulé " Erika : indemniser et prévenir " ont montré avec force qu'il fallait renforcer les contrôles des navires qui viennent dans nos ports, l'action de prévention assurée par les unités littorales des affaires maritimes ainsi que la signalisation maritime, a déclaré M. Claude Lise, rapporteur spécial.
Il a estimé que le montant des crédits affectés à la sécurité dans le projet de loi de finances pour 2001 traduisait le caractère prioritaire de celle-ci.
Ainsi a-t-il cité, en exemple, la dotation consacrée à la signalisation maritime dont il a estimé la progression significative.
Il a rappelé à ce sujet la décision du Comité interministériel de la mer du 28 février 2000 selon laquelle : " Le programme de remise en état des phares et balises et de modernisation de la flotte de balisage est accéléré, pour une réalisation sur trois ans au lieu des cinq prévus initialement : 300 millions de francs lui seront consacrés. Par ailleurs, 17,6 millions de francs seront immédiatement débloqués pour réparer les matériels de balisage endommagés par la tempête ".
Après les crédits obtenus en collectif budgétaire, il a indiqué que les crédits d'investissement augmentaient de 40 % en autorisations de programme, mais il a également signalé une diminution des crédits de paiement.
Évoquant les centres de sécurité des navires (CSN), chargés de contrôler les navires français de commerce, de pêche et de plaisance ainsi que les navires étrangers en escale dans les ports, il a estimé qu'ils avaient fait l'objet d'une attention particulière.
Il a rappelé le manque de moyens humains des centres de sécurité, les inspecteurs et contrôleurs n'étant actuellement que 54, alors que chez nos voisins anglais ou espagnols, ils sont plus de 200 à effectuer les mêmes missions. Aussi bien le renforcement des effectifs des centres de sécurité décidé lors du Comité interministériel de la mer du 1er avril 1998 est-il apparu dérisoire au regard du retard accumulé, a-t-il jugé.
D'après M. Claude Lise, rapporteur spécial, cette situation de sous-effectif a des conséquences directes sur le contrôle des navires étrangers.
Il a rappelé que les Etats parties au Mémorandum de Paris s'engageaient en effet à effectuer un nombre total d'inspections par an correspondant à 25 % du " nombre estimé de navires de commerce entrés dans leurs ports ". Or, depuis 1997, ce taux s'est effondré, revenant aujourd'hui à peine à 14 %, a-t-il rappelé.
Indiquant que le Gouvernement avait établi pour objectif le doublement des effectifs d'inspecteurs affectés aux missions de sécurité d'ici à 2003, il a précisé que le projet de loi de finances pour 2001 prévoyait la création de 16 emplois d'inspecteurs de la sécurité des navires.
Il a ensuite déclaré que les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage en mer (CROSS), au nombre de 5 en métropole, voyaient également leurs moyens augmenter.
Rappelant que les moyens techniques dont disposent les CROSS sont relativement obsolètes, surtout en ce qui concerne les radars et les moyens de communication, il s'est félicité de voir sensiblement accrues les autorisations de programme dévolues au CROSS dans le projet de loi de finances pour 2001.
M. Claude Lise, rapporteur spécial, a en outre souligné la rapide expansion du COSMA (centre opérationnel de sauvetage maritime aux Antilles), créé en 1992, aujourd'hui amené à couvrir une zone de 3 millions de km² autour des Antilles et de la Guyane, et dont la transformation en CROSS est prévue pour l'année prochaine.
Il a ensuite évoqué les moyens nautiques d'assistance et de surveillance dévolus aux unités littorales des affaires maritimes (ULAM), revus à la hausse dans le projet de loi de finances pour 2001. Il a indiqué qu'il serait passé commande, en 2001, d'un deuxième patrouilleur de haute mer, destiné à la surveillance des pêches.
Globalement, a-t-il indiqué, la priorité en faveur de la sécurité maritime se traduit plutôt par une augmentation des autorisations de programme que des crédits de paiement. Il a estimé que la volonté politique de renforcer la sécurité maritime était au rendez-vous, que sa traduction en objectifs pluriannuels devait être considérée comme la marque d'une approche réaliste, même si elle pouvait sembler timide au regard de l'ampleur des dégâts causés par la catastrophe de l'Erika.
Abordant la question du soutien à la flotte de commerce française, il a rappelé que celle ci n'avait cessé de décliner depuis le début des années 70, puisqu'au 1er janvier 2000 on ne comptait plus que 209 navires de commerce français.
Il a donc jugé nécessaire de maintenir un régime de soutien important à la flotte française. Rappelant que ce soutien prenait depuis 1999 exclusivement la forme de réductions ou d'annulations de charges fiscales et sociales applicables aux marins des compagnies maritimes, et qu'en outre, le soutien de l'Etat aux investissement navals faisait l'objet, depuis le second semestre de 1998, d'une mesure d'allégement fiscal pour les groupements d'intérêt économique qui acquièrent un navire, il a indiqué que ce dispositif était reconduit dans le projet de loi de finances pour 2001.
M. Claude Lise a ensuite fait remarquer que le Comité interministériel de la mer du 27 juin dernier avait décidé d'intensifier le soutien à la flotte de commerce française en prévoyant d'étendre, sous réserve de l'accord de la Commission européenne, aux allocations familiales et aux cotisations ASSEDIC le remboursement des charges sociales pour les entreprises dont les navires sont confrontés à la concurrence internationale. Il a regretté qu'en matière d'allégements de charges, on persiste à préférer un système de remboursement à un système d'exonération, ce qui ne manque pas de pénaliser la trésorerie de beaucoup d'entreprises.
Enfin, il s'est interrogé sur la nouvelle présentation du budget de la mer. Il n'existe désormais plus que deux agrégats au lieu de six, et le deuxième agrégat inclut les crédits des ports maritimes, a t-il déclaré. Il s'est alors interrogé sur la pertinence de la présentation des crédits de la mer en deux rapports budgétaires - marine marchande, d'une part, ports maritimes, d'autre part. La présentation d'un seul rapport améliorerait, a-t-il estimé, la visibilité des politiques menées et faciliterait certainement la confrontation de ses analyses avec celles effectuées dans d'autres instances, notamment à l'Assemblée nationale.
En conclusion, il a souhaité qu'après l'audition de M. Jean-Claude Gayssot le 22 novembre prochain, et compte tenu des informations complémentaires que le ministre ne manquerait pas de présenter, la commission se prononce en faveur de l'adoption du budget de la marine marchande pour 2001.
Un court débat s'est alors engagé auquel ont pris part Mme Anne Heinis, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin a souligné la responsabilité des pouvoirs publics dans les lacunes qui avaient marqué la gestion de la catastrophe de l'Erika. Il a estimé que la hausse des crédits devait être interprétée comme une remise à niveau rendue nécessaire par des années de négligence vis-à-vis du budget de la marine marchande, et qu'en outre, celle-ci était bien insuffisante. Puis il a exprimé son vif regret de voir les crédits consacrés à l'aménagement du littoral significativement réduits dans le projet de loi de finances pour 2001. Enfin, il a estimé que le régime de soutien à la flotte française était inopérant, puisqu'il n'avait pas permis de redresser la tendance à la diminution du nombre de navires de commerce français.
Mme Anne Heinis, rapporteur pour avis, a estimé que le budget était encore trop exigu par rapport aux enjeux liés à la marine marchande. Elle a fait remarquer qu'il ne suffisait pas de créer des postes d'inspecteurs de la sécurité dès lors que les candidatures faisaient défaut. Enfin elle a estimé que le dispositif de soutien à la flotte française était quasiment inexistant.
En réponse à ses deux interlocuteurs, M. Claude Lise, rapporteur spécial, a dit partager leur sentiment sur l'insuffisance globale des crédits consacrés à la marine marchande, mais a estimé que leur augmentation sensible dans le projet de loi de finances pour 2001 était le signe d'une volonté politique nouvelle, dont il se félicitait. Il a estimé qu'on ne pouvait dire que le dispositif de soutien à la flotte française ne fonctionnait pas, puisque 25 navires en ont bénéficié au 1er septembre 2000.
A l'issue de ce débat, la commission a décidé d'attendre l'audition de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, avant de se prononcer sur les crédits de la marine marchande, le président Alain Lambert rappelant que les crédits de l'équipement ne donnaient lieu qu'à un seul vote.