Travaux de la commission des finances



- Présidence de M. Alain Lambert, président, puis de Mme Marie-Claude Beaudeau, vice-présidente.

Bois et forêt - Libre gestion des fonds disponibles provenant de la vente de bois chablis et mesures exceptionnelles pour les communes forestières à la suite des tempêtes de décembre 1999 - Examen du rapport

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord procédé àl'examen du rapport de M. Michel Mercier sur laproposition de loi organique n° 172 (1999-2000), de M. Claude Huriet et les membres du groupe centriste, tendant à accorder temporairement aux communes la libre gestion des fonds disponibles provenant de la vente de bois chablis après lestempêtes du mois de décembre 1999 et sur la proposition de loi organique n° 225 (1999-2000), de M. Philippe Nachbar et les membres du groupe des républicains et indépendants, proposant des mesures exceptionnelles pour les communes forestières à la suite de la tempête de décembre 1999.

M. Michel Mercier, rapporteur, a constaté que les trois catastrophes naturelles qui ont frappé notre pays au cours des deux derniers mois de l'année 1999, les inondations, la tempête et la marée moire, avaient toutes porté préjudice aux collectivités locales. Il a observé que les communes forestières victimes de la tempête étaient particulièrement pénalisées puisque la disparition des forêts aboutissait à les priver des ressources de leur exploitation.

Il a considéré que ce constat avait motivé le dépôt au Sénat de deux propositions de lois, l'une émanant notamment de MM. Claude Huriet, Jean-Paul Delevoye et Jean-Pierre Fourcade, l'autre de M. Philippe Nachbar et des membres du groupe des républicains et indépendants. Il a expliqué que ces deux propositions avaient pour objet la mise en place de dispositifs tendant à atténuer le préjudice subi par les collectivités locales forestières mais que, dans les conclusions qu'il soumettrait à la commission, il s'efforcerait, dans la mesure du possible, d'étendre le bénéfice des mesures aux collectivités victimes des inondations.

M. Michel Mercier, rapporteur, a mis en évidence l'ampleur du préjudice causé aux communes forestières, en indiquant que les chablis tombés à la suite de la tempête représentaient environ quatre fois la récolte de la seule année 1998. Il a expliqué que les communes devaient financer l'extraction des bois, ainsi que le coût des infrastructures d'extraction et de stockage, tout en vendant leurs chablis dans un contexte de baisse des cours.

Le rapporteur a insisté sur les conséquences financières pour les communes de la destruction de leurs ressources forestières. Il a indiqué que ces communes bénéficieraient tout d'abord de recettes très abondantes provenant de la vente des chablis, mais que, par la suite, leurs budgets deviendraient structurellement déséquilibrés en raison de la disparition de leurs ressources forestières.

M. Michel Mercier, rapporteur, a rappelé la nature des actions mises en oeuvre par le Gouvernement en direction des communes forestières. Il a indiqué que celles-ci avaient bénéficié des mêmes crédits d'urgence ouverts au budget du ministère de l'intérieur que les autres communes victimes de la tempête. Il a ajouté que les communes, en tant que propriétaires forestiers, avaient également bénéficié des crédits d'urgence ouverts au budget du ministère de l'agriculture. Il a précisé que l'ensemble des ouvertures de crédits avait jusqu'ici été financé par redéploiements, à partir du budget des charges communes.

Le rapporteur a ensuite indiqué que le Gouvernement était sur le point de rendre publique une circulaire comportant des dispositions en faveur des communes forestières victimes de la tempête. Il a précisé que ces dispositions consistaient en la mise en place de prêts bonifiés à destination des communes qui gèlent leurs coupes de bois et en la création de commissions départementales chargées d'évaluer le préjudice financier enregistré par les communes forestières dans la perspective de l'attribution de subventions de fonctionnement. Le rapporteur a également indiqué que le Gouvernement avait décidé d'encourager les communes forestières à placer le produit de la vente de leurs chablis en valeurs d'Etat, de manière à ce que les recettes exceptionnelles enregistrées en 2000 leur rapportent un intérêt, même modique, qui contribuera à limiter leurs déséquilibres budgétaires futurs.

Après avoir constaté que la plupart des actions possibles en faveur des communes forestières sinistrées relevaient de la compétence du pouvoir exécutif et du domaine réglementaire, M. Michel Mercier a insisté sur le rôle de la représentation nationale. Il a constaté que les mesures annoncées par le Gouvernement s'inspiraient parfois de propositions d'origine parlementaire. A cet égard, il a observé que, dès le 11 janvier 2000, le président et le rapporteur général de la commission des finances du Sénat avaient préconisé une accélération des versements du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée aux communes sinistrées et une application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée aux travaux forestiers.

Le rapporteur a ensuite présenté ses conclusions à la commission.

Abordant l'article 1er de ses conclusions, M. Michel Mercier a indiqué qu'il avait repris à son compte une disposition commune aux deux propositions de loi, tendant à mettre en place une dérogation à l'obligation de dépôt au Trésor de leurs disponibilités par les collectivités locales, lorsque ces fonds proviennent d'une aliénation forcée d'un élément de patrimoine par suite de tempête ou autre calamité publique.

Il a insisté sur le fait que l'adoption de cette disposition constituerait la première modification de l'ordonnance portant loi organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances. Il ajouté que l'introduction de cette dérogation, de faible portée, constituerait symboliquement une remise en cause de l'équilibre qui régit aujourd'hui les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.

Le rapporteur a cependant observé qu'il existait déjà des dérogations à l'obligation de dépôt au Trésor, l'une d'entre elles autorisant même les placements en valeurs mobilières cotées. Il a estimé que le régime actuel de dépôt au Trésor devait évoluer, car il était pénalisant pour les petites communes.

M. Jacques-Richard Delong a regretté que la fédération nationale des communes forestières n'ait pas été consultée par les auteurs des propositions de loi. Il a estimé que le Gouvernement devait mettre en oeuvre, à plus grande échelle, des mesures de même type que celles qui avaient été décidées en faveur des communes forestières à la suite de la " tornade des Vosges " de 1984.

M. Jacques-Richard Delong a indiqué que la vente des chablis se déroulait dans des conditions qu'il a qualifiées d'" abominables " et a considéré qu'une partie des chablis ne serait plus négociable à partir du 15 avril 2000. Il s'est déclaré réservé quant à la proposition consistant à autoriser les maires à placer des fonds en dehors du circuit du Trésor et de la comptabilité publique. Il a estimé que les maires ne devaient pas pouvoir être suspectés de spéculer avec de l'argent public.

M. Michel Mercier, rapporteur, a rappelé que, seul, le produit de la vente des chablis serait susceptible d'être placé, afin d'utiliser les recettes abondantes enregistrées en 2000, pour permettre aux communes de faire face à leurs déséquilibres budgétaires à venir.

M. Michel Moreigne s'est demandé s'il ne fallait pas traiter de manière différenciée les communes dont les forêts étaient assurées et celles qui ne l'étaient pas.

M. Michel Mercier, rapporteur, a indiqué que, dans son esprit, les sommes reçues des assurances venaient s'ajouter au produit de la vente des chablis et faisaient partie des fonds susceptibles d'être placés.

M. Jacques Baudot a constaté que les projets du Gouvernement en faveur des communes forestières n'étaient pas encore publics et que, dans ce contexte, il était hasardeux d'ouvrir la possibilité, pour les communes, de déroger à l'obligation de dépôt au Trésor. Il a estimé que les propositions de loi, élaborées peu de temps après la tempête, devaient être considérées comme la manifestation de la volonté de parlementaires d'agir en faveur des communes forestières.

M. Michel Moreigne a estimé qu'il ne fallait pas obliger les communes à placer les fonds provenant de la vente des chablis.

M. Michel Mercier, rapporteur, a considéré que la vocation des propositions de loi était d'être rapportées et débattues. Il a insisté sur le fait que la rédaction proposée n'était pas contraignante et n'obligeait pas les collectivités à déroger aux dispositions de l'article 15 de l'ordonnance organique. Il a rappelé que les propositions de loi n'autorisaient pas à placer les éventuelles subventions versées par l'Etat, mais seulement les fonds provenant de l'aliénation forcée d'un élément de patrimoine.

Mme Marie-Claude Beaudeau a rappelé que son groupe était favorable à une réforme en profondeur de l'ordonnance organique de 1959, mais a douté que l'examen de proposition de lois relatives aux communes forestières constitue le cadre adéquat pour entamer un tel travail. En revanche, elle a déclaré souscrire aux autres conclusions du rapporteur.

M. Yann Gaillard a déclaré qu'il fallait interpréter la proposition de loi de M. Claude Huriet comme la manifestation d'une inquiétude des communes forestières.

M. Michel Moreigne a souligné que la destruction des forêts aboutirait à une révision à la baisse de la valeur cadastrale des parcelles, et donc à une perte de recettes fiscales pour les communes forestières.

M. Michel Mercier, rapporteur, a estimé que l'avenir juridique de la proposition de loi était incertain, car la Constitution ne garantissait pas l'inscription d'un texte adopté, par une assemblée, à l'ordre du jour de l'autre. Il a ajouté que la proposition de loi posait une question d'actualité et a considéré qu'il était temps de se décider à réformer l'ordonnance organique de 1959. Après avoir rappelé que le champ de la dérogation contenue dans la proposition de loi était très limité, il a observé que, les dispositions de l'article 15 de l'ordonnance organique ne s'appliquaient, aujourd'hui, qu'aux collectivités qui n'avaient pas les moyens d'y échapper, par exemple en recourant aux techniques de gestion de leur trésorerie.

La commission alors adopté l'article 1er des conclusions du rapporteur.

Puis, elle a adopté cinq autres articles tendant à :

- verser aux communes victimes des inondations et des tempêtes les attributions du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) l'année de réalisation des investissements, lorsque ces investissement ont trait à la réparation des dommages subis (article 2) ;

- permettre aux communes forestières sinistrées d'imputer en section de fonctionnement de leur budget les versements du FCTVA correspondant aux investissements de réparation des dommages causés par la tempête, de manière à atténuer le déséquilibre de leurs budgets (article 3) ;

- appliquer aux travaux forestiers le taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (article 4) ;

- créer des commissions départementales, composées à parité de représentants de l'Etat et des collectivités locales, chargées d'évaluer le préjudice financier supporté par les collectivités locales et de calculer le montant de la subvention d'équilibre qui leur permettrait de compenser la perte des ressources provenant de l'exploitation forestière (article 5) ;

- créer une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs de manière à compenser, à due concurrence, la perte de recettes, pour l'Etat, provenant des dispositions des autres articles (article 6).

La commission a alors décidé de proposer au Sénat d'adopter la proposition de loi dans les conclusions présentées par le rapporteur.

Patrimoine - Régime fiscal des achats d'oeuvres d'art par les entreprises et diverses mesures fiscales - Examen du rapport

Puis la commission a procédé à l'examen des conclusions de M. Yann Gaillard sur les propositions de loi s 468 et 469  (1998-1999) tendant respectivement à aménager le régime fiscal des achats d'oeuvres d'art par les entreprises et à prévoir diverses mesures fiscales tendant au développement du marché de l'art et à la protection du patrimoine national.

Le rapporteur a tout d'abord indiqué que la plupart des mesures qu'il allait soumettre à la commission avaient déjà été présentées au Sénat et le plus souvent adoptées par lui, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2000, du projet de loi réformant le régime des ventes volontaires de meubles ou de la proposition de loi relative aux trésors nationaux.

Il a souligné que la reprise de ces propositions dans un texte unique lui donnait l'occasion d'en débattre avec le ministre de la culture, qui est directement intéressé au développement du marché de l'art et à la sauvegarde du patrimoine national.

Après avoir rappelé que les mesures proposées ne s'analysaient pas comme des dépenses mécaniques ou " à guichet ouvert " car elles supposaient des décisions administratives préalables, voire des agréments exprès, M. Yann Gaillard a insisté sur l'idée directrice qui sous-tend l'ensemble de ces propositions : il faut cesser de faire reposer sur l'Etat, et lui seul, la charge de la défense du patrimoine national, et inciter les personnes privées, particuliers ou entreprises à conserver et à acheter des oeuvres d'art.

Passant à l'examen des articles, la commission a, à l'article premier, adopté un dispositif reprenant un amendement déjà adopté par le Sénat lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2000 tendant à actualiser en fonction de l'inflation le seuil d'application de la taxe forfaitaire sur les oeuvres d'art, régie par l'article 150 V bis du code général des impôts.

A l'article 2, la commission a adopté un dispositif reprenant un amendement déjà adopté par le Sénat lors de la deuxième lecture du projet de loi sur les ventes volontaires de meubles, tendant à étendre l'exemption de droits de reproduction à l'ensemble des catalogues de vente, qu'il s'agisse de ceux des maisons de ventes ou de ceux des galeries.

A l'article 3, la commission a repris une idée contenue dans le rapport de M. Maurice Aicardi pour prévoir, en matière de droits de mutation, l'octroi d'un crédit d'impôt aux personnes faisant don à l'Etat d'oeuvres d'art.

A l'article 4, la commission a adopté un dispositif ne figurant pas dans les propositions de loi soumises à son examen, tendant à permettre aux particuliers de bénéficier, lorsqu'ils font don à l'Etat d'une oeuvre d'art, d'une réduction d'impôt dans les mêmes conditions que celles dont ils bénéficient pour les dons aux organismes d'intérêt général.

A l'article 5, la commission a repris l'essentiel du dispositif d'exonération de droit de mutation à titre gratuit des oeuvres classées qu'elle avait fait adopter par le Sénat en première lecture de la proposition de loi relative aux trésors nationaux.

A l'article 6, la commission a repris le dispositif présenté en première lecture de la proposition de loi relative aux trésors nationaux tendant à garantir au propriétaire d'un trésor national que celui-ci sera agréé par la commission des dations pour le prix fixé à la suite de l'expertise contradictoire, qui doit être instaurée dans le cadre de la loi modifiée du 31 décembre 1992.

A l'article 7, la commission a adopté un dispositif tendant à pallier les conséquences paralysantes de la jurisprudence " Walter ", en prévoyant l'instauration d'une procédure d'expertise préalable au classement des objets d'art mobiliers en mains privées.

A l'article 8, la commission a repris l'amendement adopté par le Sénat en première lecture du projet de loi de finances pour 2000, tendant à assouplir le régime fiscal des achats d'oeuvres d'art ancien et contemporain par les entreprises.

A l'article 9, la commission a adopté un dispositif créant une taxe additionnelle aux droits sur le tabac pour compenser les pertes de recettes résultant des articles précédents.

Après une intervention de M. Jacques-Richard Delong, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter le texte des conclusions du rapporteur sur les deux propositions de loi soumises à son examen.

Organisme extraparlementaire - Conseil de surveillance du fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie - Désignation d'un candidat

La commission a ensuite désigné M. Marc Massion comme candidat à la nomination du Sénat pour siéger au sein du Conseil de surveillance du fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie.

Mission d'information - Marée noire provoquée par le naufrage du navire " Erika " - Désignation des membres de la commission

Enfin, la commission a désigné MM. Thierry Foucaud, Marc Massion, Jacques Oudin et François Trucy comme membres appelés à faire partie de la mission commune d'information chargée d'examiner l'ensemble des questions liées à la marée noire provoquée par le naufrage du navire " Erika ", de proposer les améliorations concernant la réglementation applicable et de définir les mesures propres à prévenir de telles situations.

Réforme politique de l'eau - Audition de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement

Présidence commune de M. Alain Lambert, président, puis de M. Jacques Oudin, vice-président et de M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques et du plan. Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission, conjointement avec la commission des affaires économiques et du plan, a procédé à l'audition de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, sur la réforme de la politique de l'eau.

Le compte rendu de cette audition figure à la rubrique commission des affaires économiques et du plan.