Table des matières
- Mercredi 15 mai 2002
- Réunion du Bureau de la commission et communications diverses
- Audition de M. Louis Schweitzer, président de Renault
- Audition de M. Jean-Martin Folz, président du directoire de PSA Peugeot Citroën
- Résolutions européennes - Application de l'article 73 bis, sur le projet de règlement de la Commission concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans l'industrie automobile (E-1974)
- Colloque « les enjeux et les conséquences de l'ouverture à la concurrence du marché européen de l'énergie » organisé par le groupe d'étude sur l'énergie - Présentation des actes
Mercredi 15 mai 2002
- Présidence de M. Gérard Larcher, président. -
Réunion du Bureau de la commission et communications diverses
De manière liminaire, M. Gérard Larcher, président, s'est félicité de la nomination de M. Jean-Pierre Raffarin comme Premier ministre. Il a rappelé qu'il était membre de la commission des affaires économiques avant sa nomination.
Puis il a fait part à la commission du décès de M. Désiré Debavelaere qui avait siégé sur ses bancs avec une grande assiduité de nombreuses années. Il a précisé qu'il avait représenté la commission à ses obsèques.
Il a ensuite présenté les nouveaux fonctionnaires arrivés à la commission ces dernières semaines et a évoqué le renforcement complémentaire devant prochainement avoir lieu ainsi que les demandes de création de postes antérieurement présentées.
A la suite de la réunion du Bureau de la commission, M. Gérard Larcher, président, a indiqué que, dans le cadre des missions et rapports d'information actuellement conduits, une audition de M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville auprès du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, se déroulerait le mercredi 22 mai prochain à 16 heures et a fait part du projet d'entendre ultérieurement mais avant la fin du mois de mai, M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Il a également fait état de la lettre adressée par Mme Margot Wallström, commissaire européen en charge notamment des questions de la chasse, qui avait été invitée, en février dernier, à une audition par la commission et qui a décliné l'invitation pour les prochains mois. Il a fait part de son intention de renouveler cette invitation de manière à ce que Mme Margot Wallström puisse être entendue au début de la prochaine session parlementaire.
Enfin, le président a indiqué que la commission aurait à désigner, lors de sa réunion du 29 mai prochain :
- un membre titulaire et un membre suppléant au sein de la Conférence permanente « habitat - construction - développement durable » ;
- un membre titulaire et un membre suppléant au sein du Conseil d'orientation de l'observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et territoires d'outre-mer ;
- deux membres titulaires au sein de l'Agence de prévention et de surveillance des risques miniers.
Il a précisé qu'à l'avenir, à chaque fois que cela serait possible, il s'attacherait à informer à l'avance la commission des postes à pourvoir dans les organismes extraparlementaires, afin d'assurer le caractère ouvert de la désignation.
Puis il a porté à la connaissance des commissaires la démission de M. Jean Boyer de la mission d'information « avenir de l'élevage » et indiqué que son remplaçant au sein de sa mission devrait être désigné par son groupe.
Audition de M. Louis Schweitzer, président de Renault
La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Louis Schweitzer, président de Renault.
M. Louis Schweitzer a d'abord souhaité brosser un tableau du paysage automobile avant de présenter la position de Renault dans ce paysage.
Au sujet de l'industrie automobile, il a mis l'accent sur deux traits essentiels.
D'une part, cette industrie, considérée comme « mature » et donc à faible croissance, présente en fait un potentiel de croissance très important à travers le monde puisque, sur les 55 millions d'automobiles vendues en 2001, 80 % d'entre elles l'ont été dans les zones les plus riches (Etats-Unis/Canada, Europe du Nord, Japon/Corée), lesquelles ne représentent que 20 % de la population mondiale. Il n'a pas nié que, sur les marchés traditionnels, il fallait en revanche s'attendre à une croissance avoisinant 1 % par an en moyenne, dans un contexte extrêmement cyclique.
D'autre part, il a jugé que le mouvement de concentrations massives qu'avait connu l'industrie automobile entre 1995 et 1999 touchait à son terme, la dizaine de constructeurs indépendants qui existent aujourd'hui (contre 20 en 1995) lui paraissant avoir les moyens de le rester.
Dans ce contexte, le président de Renault a précisé que son entreprise avait adopté une stratégie de croissance rentable, dont la mise en oeuvre repose sur trois piliers.
Cette stratégie est d'abord fondée, a-t-il insisté, sur la compétitivité en qualité, en coûts et en délais. Il a estimé que la compétitivité était un pré-requis pour croître et même pour survivre dans un contexte extrêmement concurrentiel.
Le second pilier qu'a identifié M. Louis Schweitzer consiste en un développement de l'image de marque de Renault, fondé sur l'innovation. Partant du constat que les concurrents allemands bénéficient d'une prime liée directement à leur image de marque, il a fait observer qu'obtenir une image de marque du même niveau autoriserait à vendre un produit de qualité équivalente au même coût, à payer les mêmes salaires et finalement à se battre à armes égales. Il a expliqué qu'une telle image de marque résultait de la capacité à garantir aux clients qu'une automobile Renault -et plus généralement française- valait une automobile allemande en termes de sécurité, de fiabilité, de durabilité... Il a ajouté qu'en outre Renault visait à enrichir cette image de marque d'une capacité d'innovation, dont il a rappelé que les gènes se trouvaient dans l'histoire automobile française, notamment celle de Renault.
M. Louis Schweitzer a présenté l'internationalisation comme le troisième volet de sa stratégie, soutenant que la croissance ne se ferait pas massivement en Europe occidentale mais au-delà des frontières.
Evoquant la répartition des ventes de Renault il y a vingt ans -50 % des ventes en France, 10 % en dehors de l'Europe occidentale-, il l'a rapprochée de la situation actuelle : 33 % de ventes en France et plus de 20 % hors de l'Europe occidentale. Il a bien précisé qu'il n'était pas question pour Renault de renoncer à ses positions française et européenne, mais bien plutôt de s'appuyer sur ses bases pour se développer en dehors de son marché traditionnel. Il a ainsi évoqué le déploiement international de Renault avec l'acquisition de Dacia en Roumanie, la création de Renault Samsung Motors en Corée, la consolidation de la présence du groupe au Brésil et bien sûr l'édification du groupe bi-national Renault-Nissan.
S'attardant sur la construction originale que constitue l'alliance avec Nissan, M. Louis Schweitzer a rappelé sa genèse. Après avoir fait observer que Renault n'était présent que sur l'un des trois grands marchés automobiles mondiaux (puisque la firme est absente en Amérique du Nord et au Japon), il a souligné que l'entrée directe sous marque Renault dans un nouveau marché était très coûteuse, que ses résultats étaient relativement aléatoires -comme l'avait enseigné l'expérience américaine- et que l'idée s'était donc imposée d'investir dans un constructeur déjà en place. Il a jugé que deux facteurs avaient joué en faveur de l'alliance avec Nissan : d'une part, la crise asiatique, qui avait dégradé la situation des constructeurs japonais, et d'autre part, les difficultés propres de Nissan, groupe de bonne qualité pâtissant toutefois d'une gestion incertaine. Cette alliance, a-t-il souligné, s'apparentait à un double pari : redresser les résultats de Nissan dont Renault jugeait la situation fondamentalement saine et coopérer avec une firme japonaise. Rappelant que de tels paris étaient loin d'être considérés comme évidents en 1999, il a jugé qu'ils étaient en voie d'être tous les deux gagnés, mettant en garde contre un triomphalisme définitif qui, en matière industrielle, masquait souvent une vulnérabilité.
M. Francis Grignon, rapporteur de la proposition de résolution sur le projet de règlement européen réorganisant la distribution automobile, a souhaité interroger M. Louis Schweitzer sur le projet de la Commission européenne. Il a rappelé que le système de distribution automobile actuel reposait sur deux principes : d'une part, le couplage entre distribution sélective et exclusive, assurant un lien de qualité et de territoire entre le constructeur et le distributeur ; d'autre part, un lien entre la vente et l'après-vente, garantie de sécurité pour le consommateur. Constatant que le projet de la Commission visait à briser ces liens en vue de réduire les différences de prix à travers l'Europe et de faire baisser les prix, il a demandé à M. Louis Schweitzer quelle était son explication des différences de prix entre Etats membres de l'Union européenne. Il s'est également inquiété de savoir si la réforme du règlement de 1995 risquait de désavantager les constructeurs européens par rapport à leurs concurrents américains et japonais, assujettis à des règles domestiques différentes. Il a souhaité savoir aussi si ce projet de règlement inciterait Renault à racheter ses réseaux de concessionnaires à l'étranger. Enfin, il a fait part de sa préoccupation à l'égard des conséquences qu'un tel changement du cadre réglementaire risquait d'avoir sur la compétitivité de l'industrie automobile dont relèvent 700.000 emplois en France.
S'agissant du projet de la Commission européenne, M. Louis Schweitzer a déclaré qu'il espérait que ce projet n'était pas définitif et que l'intervention des gouvernements, des Parlements nationaux et du Parlement européen éviterait que le règlement européen ne casse le système qu'il prétend réformer.
En réponse à la question de M. Francis Grignon sur les différences de prix internes à l'Europe, il a invoqué des raisons d'ordre historique -certains constructeurs, notamment britanniques, étant notoirement moins efficaces que d'autres- et d'ordre marketing -chaque constructeur consentant des prix plus faibles dans les zones où il est moins bien établi-. Il a également évoqué deux facteurs importants de différenciation des prix : les variations de taux de change et les écarts de fiscalité. Ainsi, alors qu'en France les automobiles sont assujetties à un taux de TVA normal, il a relevé que les automobiles danoises voyaient leurs prix hors taxes doubler en raison, notamment, de taxes écologiques s'ajoutant à la TVA. Il a estimé que le traditionnel partage du poids de la fiscalité entre le constructeur et le client risquait de ne plus être supportable dans le nouveau contexte réglementaire autorisant l'achat d'automobile dans un pays et la revente dans un autre. Il a fait observer que le projet de la Commission permettrait d'obtenir une convergence des prix hors taxes mais que, du point de vue du client, les écarts de prix iraient croissants puisque le constructeur ne pourrait plus endosser une partie de la charge fiscale, particulièrement lourde dans certains pays.
Au sujet de l'inquiétude de M. Francis Grignon concernant l'avantage concurrentiel des constructeurs européens, M. Louis Schweitzer a souligné que le changement de règlement européen aurait un impact limité sur la compétitivité de nos constructeurs, puisque le marché européen était d'ores et déjà le plus ouvert du monde à la concurrence et que les constructeurs américains et japonais pouvaient s'appuyer sur un marché domestique très solide et fermé.
S'agissant des réseaux de concessionnaires, M. Louis Schweitzer a précisé que, si le projet de règlement était maintenu en l'état, la stratégie de Renault serait de ne pas racheter son réseau. En revanche, il s'est dit convaincu de la poursuite du mouvement de concentration des réseaux qui implique que chaque concessionnaire vende plusieurs marques et dispose de plusieurs établissements. Il a déclaré que Renault s'attacherait à ce que le client n'ait à déplorer aucune réduction du nombre de points où la présence de Renault est assurée.
En réponse à la dernière question de M. Francis Grignon, relative à la compétitivité de la filière automobile, il a souligné que l'industrie automobile avait réalisé d'importants progrès en matière de productivité, mais que ces progrès trouvaient leur limite dans la nécessaire existence d'un service de proximité. Il a en effet imputé à l'existence du réseau de ses concessionnaires le maintien de la part de marché à 30 % de Renault en France.
M. Marcel Deneux a souhaité connaître la politique de Renault vis-à-vis de ses équipementiers et, plus généralement, de ses sous-traitants. Il s'est par ailleurs inquiété de la compatibilité entre la croissance du marché automobile et la nécessaire limitation de l'effet de serre, souhaitant connaître les innovations préparées par Renault en cette matière.
M. Ladislas Poniatowski a désiré connaître les implantations d'usines Renault dans le monde. Il s'est également intéressé à l'avenir de l'alliance entre Renault et Nissan, alliance dont il a déploré le manque de clarté stratégique.
En réponse à la question de M. Marcel Deneux au sujet des équipementiers, M. Louis Schweitzer a souligné que la part de ces derniers dans le coût de fabrication d'une automobile allait croissant et que ce mouvement se produisait chez tous les producteurs d'automobiles du monde. Il a précisé que les équipementiers représentaient désormais la moitié du coût de fabrication alors que les coûts d'achat avaient baissé. Constatant cette forte dépendance, il a fait valoir que Renault travaillait à asseoir des relations de confiance avec les équipementiers, afin que les exigences de Renault ne compromettent pas l'avenir de ceux-ci, et donc, in fine, son propre avenir. Il a toutefois relevé que les conséquences en termes d'emplois n'étaient pas entièrement positives pour la France puisque les équipementiers délocalisent de plus en plus souvent leurs fabrications dans des pays à faible coût de main-d'oeuvre. Il a observé que ce mouvement touchait également l'Allemagne.
S'agissant de l'effet de serre, il a estimé que cette question restait pendante. Alors que la pollution en milieu urbain est aujourd'hui décriée, elle lui paraît résolue à moyen terme, lorsque le renouvellement du parc automobile aura permis de le rendre intégralement conforme aux nouvelles normes de dépollution, entrées en vigueur en 2000 et dont le durcissement est prévu en 2005. En revanche, concernant l'effet de serre, il a reconnu l'absence de « réponse miracle », notant que, d'une part, la réduction de la consommation était extrêmement coûteuse et que, d'autre part, les marchés les plus porteurs avaient peu de moyens tandis que les pays riches exigeaient des voitures toujours plus lourdes et puissantes et donc plus consommatrices. A cette contradiction, il a jugé qu'aucune réponse n'était donnée : évoquant la pile à combustible utilisant l'hydrogène, il a rappelé qu'elle ne pouvait constituer une option crédible que si l'hydrogène lui-même était produit par l'industrie nucléaire, ce qui garantirait un cycle propre et ne se limiterait pas à déplacer le problème de l'émission de gaz carbonique. Quant au biocarburant, il a jugé que cette piste intéressante ne pourrait constituer un facteur décisif de progrès, puisque le gain obtenu est de l'ordre de 5 %.
En réponse à M. Ladislas Poniatowski, il a fait observer que les coûts de transport incitaient à construire près du lieu de vente et que, en tout état de cause, les voitures Renault obéissaient aux mêmes standards de qualité quel que soit leur lieu de production. Relevant que la pression à la délocalisation était donc faible dans le secteur automobile, il a toutefois fait remarquer que la délocalisation pouvait devenir avantageuse vers la République tchèque qui cumulait une position géographique centrale en Europe, un savoir-faire industriel et un coût de main-d'oeuvre égal au quart ou au tiers de celui de l'Union européenne.
S'agissant de l'alliance entre Renault et Nissan, M. Louis Schweitzer a regretté que la clarté de sa stratégie n'apparaisse pas à M. Ladislas Poniatowski. Il a rappelé que son ambition était de fonder un groupe binational mais non pas de fusionner deux firmes, certes internationales mais aussi extraordinairement nationales. Sans remettre en cause cet enracinement local, ce qui lui aurait semblé constituer une faute lourde, il a toutefois insisté sur l'importance qu'il attachait au développement d'une communauté d'intérêts entre Renault et Nissan et à la mise au point d'une stratégie commune au sein du directoire Renault-Nissan, dont la première réunion doit avoir lieu à la fin de ce mois.
Après avoir reconnu que M. Louis Schweitzer avait fait de Renault un puissant groupe automobile d'envergure internationale, M. Michel Teston a déploré qu'il ait par ailleurs cédé les actifs de la firme sur le créneau des poids lourds et des cars. S'il a convenu que l'accord Renault/Volvo dans les poids lourds obéissait à une véritable logique industrielle, il a estimé que cette logique n'avait pas présidé à l'accord avec Iveco, auquel Renault a cédé 65 % de sa quote-part dans Irisbus. Il s'est inquiété de l'avenir d'Iveco, dont son département compte plusieurs implantations, et de l'absence, dans l'accord Renault/Iveco, d'une clause de rachat préférentiel des cars Iveco.
M. Jean-Paul Emin a souhaité revenir sur le sort des équipementiers, et notamment de ceux dits de deuxième rang, sous-traitants de ceux de premier rang, qu'il juge menacés de disparition malgré de considérables efforts de productivité.
En réponse à M. Michel Teston, M. Louis Schweitzer a noté le satisfecit que ce dernier avait décerné à l'accord Renault/Volvo, tout en regrettant le blâme porté sur l'accord avec Iveco. Il a affirmé qu'il prêtait une grande attention à ce que la clause d'équité figurant dans l'accord Renault/Volvo, garantissant un traitement strictement identique aux sites et aux personnels de Renault et de Volvo, continue d'être scrupuleusement appliquée. Concernant les cars, il a reconnu que la condition imposée par la direction générale de la concurrence de la Commission européenne au rapprochement avec Volvo -la cession d'Irisbus- avait été douloureuse pour Renault, qui aurait préféré une union à trois (Renault/Volvo/Irisbus). Placé face aux termes d'une alternative difficile -divorcer d'avec Iveco et se défaire d'Irisbus afin de pouvoir effectuer le rapprochement avec Volvo, ou bien donner à Iveco le contrôle d'Irisbus-, le président de Renault a justifié sa préférence pour la deuxième option en raison des conséquences sociales et commerciales néfastes que n'aurait pas manqué d'avoir la première option. Il a jugé que la solution retenue permettrait le renforcement d'Irisbus et souhaité que les ventes d'Irisbus se développent.
En réponse à M. Jean-Paul Emin, M. Louis Schweitzer a reconnu que de nombreux équipementiers de deuxième rang traversaient une situation difficile. Notant que le défaut d'un équipementier de deuxième rang avait autant de conséquences que celui d'un équipementier de premier rang, il a affirmé que Renault cherchait constamment à s'assurer que la chaîne de production était maîtrisée de bout en bout.
M. Gérard Larcher, président, s'est interrogé sur l'avenir du moteur à explosion alors que le développement automobile annoncé dans des pays émergents dotés d'un parc particulièrement polluant risquait d'accroître l'effet de serre. Il a également souhaité savoir si le délai de 8 à 10 ans évoqué pour l'entrée en production des voitures fonctionnant par pile à combustible était raisonnable. Enfin, il a demandé à M. Louis Schweitzer son opinion sur le programme européen « auto-oil ».
En complément, M. Marcel Deneux a évoqué le cas de la voiture hybride « Prius » vendue à 200 exemplaires en France.
En réponse, M. Louis Schweitzer a reconnu que les pays en développement pouvaient revendiquer un « droit à polluer », dans la mesure où certains pays du Nord refusaient de limiter leurs émissions de gaz carbonique ; ainsi, il a précisé que les voitures américaines étaient 50 % plus polluantes que celles construites en Europe. Il a affirmé que les Américains savaient pourtant construire des voitures peu polluantes, puisqu'ils le font déjà en Europe, et qu'il fallait faire en sorte que ce type de véhicules peu polluants soient destinés aux pays en développement les plus peuplés. Evoquant la probable domination persistante -dans 20 ans- du moteur à explosion, en raison de son bon rapport qualité/coût et de son potentiel de progrès, mais aussi le coût de plus en plus élevé de l'obtention de nouvelles réductions de la consommation d'essence des véhicules, il a jugé que la réponse à l'effet de serre ne serait pas technologique mais politique et reposait sur une responsabilité partagée à l'échelle mondiale.
S'agissant de la pile à combustible, il a jugé qu'elle offrait un avantage relativement faible en termes de pollution, et qu'en conséquence son avenir se révélait dépendant des incitations fiscales.
Concernant le véhicule hybride, dont il a convenu qu'il ouvrait la voie d'un progrès, il a précisé que l'avantage représenté par une voiture essence hybride par rapport à une voiture essence classique demeurait inférieur à l'avantage du diesel par rapport à l'essence, ce qui laissait augurer un développement des voitures à essence hybrides -type « Prius »- dans les seuls pays ayant un parc étroit de voitures diesel. C'est pourquoi, a-t-il expliqué, les constructeurs travaillent à concevoir des voitures hybrides diesel, ou même des voitures purement électriques, même si cette option pose -tout comme pour l'hydrogène- la question d'un mode de production non polluant de l'électricité.
Enfin, au sujet du programme européen « auto-oil », visant à améliorer la qualité des carburants, il a constaté que les nouveaux moteurs ne supportaient plus la moindre impureté dans les carburants et convenu que le progrès automobile impliquait nécessairement des progrès en matière de qualité des carburants.
Audition de M. Jean-Martin Folz, président du directoire de PSA Peugeot Citroën
Puis la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Martin Folz, président du directoire de PSA Peugeot Citroën.
A titre liminaire, M. Jean-Martin Folz a présenté les principales caractéristiques économiques pour 2001 du groupe PSA, leader du secteur automobile en termes de taux de croissance ces dernières années (+ 50 % en quatre ans) pour les deux marques (Peugeot et Citroën) à forte autonomie et à la personnalité propre qu'il fédère : 6e constructeur mondial avec 5,6 % de parts de marché, 2e constructeur européen derrière Volkswagen avec 15 % de parts de marché, 1er constructeur français avec 34 % de parts de marché, 192 000 salariés dans le monde et 17 400 embauches en CDI dont 10 500 en France, un chiffre d'affaires de 51 milliards d'euros, un résultat net de 1,691 milliard d'euros, en progression de 27 %, une marge opérationnelle en croissance de 25 %, une rentabilité des capitaux employés de 11 % après impôts, supérieure à celle de tous ses concurrents européens. M. Jean-Martin Folz a rappelé que PSA n'était pas qu'un constructeur et que le groupe avait aussi une activité bancaire (au travers de PSA Finance qui, avec 17 milliards d'euros d'encours, finance tant le réseau des concessionnaires que les consommateurs), une activité de transport et de logistique (avec GEFCO, 2e entreprise française du secteur et 6 ou 7e au niveau européen, dont le chiffre d'affaires de 2,5 milliards d'euros a progressé de 14 % en 2001) et enfin une activité d'équipementier (par la participation à hauteur de 72 % au capital de FORCIA, 1ère entreprise européenne du secteur et 2e au niveau mondial avec 9,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires). Au plan capitalistique enfin, le groupe PSA est animé par un actionnaire de référence stable, la famille Peugeot, qui possède 27 % des actions et 39 % des droits de vote. En quatre ans, le cours de l'action a plus que triplé et les dividendes ont été multipliés par plus de 15.
S'agissant de la stratégie, M. Jean-Martin Folz a indiqué que le groupe entendait poursuivre sa croissance sur la tendance des années précédentes en préférant à la politique de fusions-acquisitions, qu'il estime ne pas être la réponse adaptée aux défis de la mondialisation dans le secteur automobile, cinq voies privilégiées :
- une politique de produits par la multiplication des offres de modèles différents à des prix compétitifs (25 modèles devraient être présentés entre 2001 et 2004 alors que seulement 7 modèles l'ont été entre 1997 et 2000), conformément aux souhaits des consommateurs ;
- un leadership technique maintenu pour continuer à servir de référence, notamment dans les domaines des moteurs diesels HDI et des filtres à particules (cette dernière technologie, qui préserve l'environnement, étant une exclusivité de PSA) ;
- une politique de « plates-formes » qui permet le montage de véhicules différents, le cas échéant de marques différentes, mais partageant certains composants, dans des conditions de coût et de rapidité telles que les capacités de production sont utilisées à plein, les investissements industriels peuvent être maintenus constants en volume (3 milliards d'euros par an) malgré la forte croissance de la production, et les embauches sont importantes (trois plates-formes en activité qui permettent désormais de produire 65 % des automobiles du groupe) ;
- une politique de développement international destinée à accroître la part des voitures du groupe produites et vendues hors de l'Union européenne (actuellement au niveau de 19 %), orientée sur trois zones prioritaires : l'Europe centrale, le Mercosur et la Chine ;
- une politique originale de coopération avec d'autres constructeurs indépendants (Renault, Fiat, Ford, Toyota) afin de diminuer les coûts de certains composants en allongeant leurs séries de production.
Puis M. Jean-Martin Folz a évoqué le projet de réforme de la distribution automobile de la Commission européenne, précisant à cet égard qu'il s'exprimait également en tant que président de l'Association européenne des constructeurs d'automobiles, et rappelant qu'en la matière, la Commission dispose de compétences propres et exclusives.
Il a estimé que ce projet s'articulait autour de trois clauses particulièrement nocives pour les concessionnaires et les consommateurs, compte tenu des enjeux que représente le secteur automobile en matière de sécurité, d'environnement, d'emploi et d'aménagement du territoire :
- la suppression de la clause de localisation qui, par l'interdiction qui en découle pour les constructeurs d'attribuer à leurs concessionnaires des zones géographiques d'activité, entraînerait la multiplication des points de vente au profit de gros distributeurs et la disparition des petits concessionnaires ;
- l'introduction de la « clause de délégation » qui exonérerait les concessionnaires des autres responsabilités actuellement attachées à leur activité en matière de service après-vente, de réparation, voire de « rappel » des modèles présentant des défectuosités, et qui conduirait à une concentration des ateliers de réparation dans les zones à forte densité démographique et, parallèlement, à une disparition de ce service dans le reste du territoire ;
- l'institution du « multimarquisme » dans des locaux et avec du personnel identiques, ce qui permettrait aux concessionnaires de n'offrir aux acheteurs que les modèles de chaque marque les plus rentables commercialement, au lieu, comme aujourd'hui, de présenter l'ensemble de la gamme d'une marque.
M. Jean-Martin Folz a indiqué que les constructeurs européens étaient unanimes pour dénoncer les effets pervers de ce projet pour les consommateurs, tout comme les concessionnaires, les constructeurs japonais, beaucoup de gouvernements des Etats membres (en particulier la France, l'Espagne et l'Allemagne), et probablement aussi le Parlement européen. Il a souhaité, en conclusion, que les parlementaires français soient sensibles à ses inquiétudes et qu'ils s'en fassent le relais.
Observant que les préoccupations de M. Jean-Martin Folz rejoignaient très largement les siennes, M. Francis Grignon, rapporteur, a résumé les interrogations essentielles que suscite selon lui le projet de règlement de la Commission : le risque de casser la garantie technique en voulant supprimer la garantie commerciale et uniformiser les prix dans l'ensemble de l'Union, alors que l'automobile n'est pas un produit comparable aux autres, les contraintes nouvelles imposées aux constructeurs européens par rapport à leurs concurrents américains et japonais, la tentation pour ces constructeurs de racheter leurs réseaux de concessionnaires pour contrer ce projet (à l'instar de ce qu'a fait Volkswagen en Allemagne), et les dommages causés à l'emploi et à l'aménagement du territoire.
M. Claude Saunier a interrogé M. Jean-Martin Folz sur la politique suivie par PSA en matière de récupération des matériaux, sur sa stratégie spécifique à l'égard des marchés des pays émergents, sur les capacités d'innovations technologiques qui ont longtemps fait la spécificité de la marque Citroën, avant de rappeler que, s'agissant plus spécifiquement du projet de la Commission, les vertus du marché lui paraissent d'autant plus perceptibles qu'il est encadré par un certain nombre de règles.
Répondant à M. Francis Grignon, rapporteur, M. Jean-Martin Folz a considéré que la démarche adoptée par M. Monti, commissaire européen à la concurrence, pour parvenir à une uniformisation des prix des automobiles sur le marché européen, était vouée à l'échec dans la mesure où le problème n'était pas l'absence de concurrence entre les marques automobiles, qui est au contraire « totale et sans merci », mais l'existence de très grandes différences de fiscalité (taux et diversités des taxes à l'achat) dans les Etats membres, qui peuvent aller du simple au double. Aussi, dans certains pays tels que la Finlande ou le Danemark, par exemple, il est effectivement nécessaire pour les constructeurs de fixer un prix HT inférieur à celui qui prévaut au Luxembourg ou en France afin que le prix TTC soit supportable pour le consommateur. Ainsi, pour M. Jean-Martin Folz, si la Commission et les Etats membres parvenaient à bâtir un marché fiscal unique européen, il n'y aurait plus guère de différences de prix de vente dans le secteur automobile dans le cadre de la réglementation actuelle.
A M. Joseph Kerguéris qui l'interrogeait sur les conséquences à long terme du statu quo sur la restructuration en cours du secteur de la distribution automobile en France, qui semble conduire à une concentration et à une place plus importante faite aux financiers, M. Jean-Martin Folz a précisé que l'actuelle coexistence de concessionnaires de tailles très différentes n'était pas condamnée dès lors que les plus importants d'entre eux ne sont pas nécessairement les plus rentables puisque leur taille ne leur permet pas de réaliser de substantielles économies d'échelle. Observant qu'il n'était pas possible de comparer le secteur de la grande distribution, qui entretient des relations avec un grand nombre de producteurs présentant des produits très standardisés, et celui de la distribution d'automobiles, où le nombre des constructeurs est réduit et les produits de chacun très personnalisés, il a considéré que l'intérêt essentiel de la réglementation actuelle était d'exclure la concurrence intramarque. A cet égard, et répondant sur ce point à M. Francis Grignon, rapporteur, il a indiqué que PSA n'entendait pas accroître la part lui appartenant actuellement en propre du réseau des concessionnaires Peugeot et Citroën.
Après avoir reconnu avec M. Dominique Braye que les différences de prix de vente HT conduisaient in fine à faire en partie financer l'achat du consommateur danois par l'acheteur français, tout en relativisant le propos par les différences de taille des marchés concernés, M. Jean-Martin Folz a contesté son opinion que la séparation du service après-vente de la vente elle-même puisse satisfaire, comme dans le secteur de l'électroménager, l'intérêt du consommateur. Observant que l'électronique « embarquée » dans une 607 était aujourd'hui supérieure à celle d'un Airbus au début des années 80, et en tout état de cause incomparable avec la technologie du plus sophistiqué des appareils ménagers, il s'est déclaré sceptique sur la capacité d'un réparateur automobile à intervenir efficacement sur des produits de n'importe quelle marque. Au contraire, un matériel spécialisé et des compétences techniques très précises sont de plus en plus nécessaires pour être notamment à la hauteur des enjeux en termes de sécurité, qui ne lui semblent d'ailleurs pas davantage pouvoir être comparés à ceux des appareils électroménagers.
En réponse à M. Claude Saunier, M. Jean-Martin Folz a précisé que :
- des progrès très substantiels ont été réalisés dans la récupération des matériaux grâce notamment à la signature d'un accord-cadre entre les professionnels de la démolition et les constructeurs et aux efforts de ces derniers pour faciliter le démontage des éléments recyclables et valorisables avant le broyage des véhicules ; aujourd'hui, plus de 90 % des éléments d'une automobile sont concernés (acier, aluminium, verre, composants électroniques, ...), et le défi porte désormais sur les matières plastiques ;
- il n'existe pas de marché de l'automobile dans les pays émergents, ce qui interdit d'y développer une véritable stratégie de marque ;
- si Citroën renoue avec son passé en matière d'innovation de style et de concept, comme en témoignent par exemple les modèles Picasso, C3 et bientôt Pluriel, il n'est plus aujourd'hui possible de bénéficier durablement d'un avantage technologique important tant en raison des progrès déjà accomplis depuis plus d'un siècle -qui réduisent les capacités d'évolution- que de l'existence de partenariats entre les constructeurs et les équipementiers qui induit une diffusion extrêmement rapide de toute innovation -à la notable exception toutefois des filtres à particules.
A M. Jean-Paul Emin qui l'interrogeait sur les solutions susceptibles d'être apportées aux difficultés rencontrées par les équipementiers et sous-traitants de deuxième et troisième rang, M. Jean-Martin Folz a rappelé que le prix de production d'un véhicule en sortie de chaîne était constitué à 70 % du coût des achats auprès de fournisseurs de toutes tailles et que les difficultés rencontrées par ces derniers n'étaient que la conséquence de celles des constructeurs eux-mêmes, en proie à une concurrence extraordinairement forte, et non un problème de rapport de force entre fournisseurs et constructeurs.
Enfin, à la suggestion de M. Bruno Sido tendant à ce que le règlement communautaire interdise tout simplement aux constructeurs de fixer différents prix HT à raison du pays de vente, M. Jean-Martin Folz a confirmé sa préférence de parvenir à une harmonisation fiscale dans l'Union, meilleure solution pour construire un marché unique qui respecte les règles de la concurrence, et a réitéré son souhait que les parlementaires parviennent à convaincre les Gouvernements des Etats membres des perversités de la fiscalité pesant spécifiquement sur les automobiles.
Résolutions européennes - Application de l'article 73 bis, sur le projet de règlement de la Commission concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans l'industrie automobile (E-1974)
La commission a ensuite désigné M. Francis Grignon en qualité de rapporteur de sa proposition de résolution n° 297 (2001-2002), présentée en application de l'article 73 bis, sur le projet de règlement de la Commission concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans l'industrie automobile (E-1974) et a examiné son rapport.
M. Francis Grignon, rapporteur, a commencé par rappeler que l'adoption du nouveau règlement organisant la distribution automobile en Europe relevait de la compétence prétorienne de la Commission européenne et que les Etats membres n'émettaient qu'un avis simple au sein d'un comité consultatif.
Il a ensuite présenté les principales orientations de cette réforme, en précisant que la Commission proposait de revenir sur les trois grands principes organisant actuellement la distribution automobile. Il a tout d'abord expliqué que le projet de règlement modifiait le système de sélection des concessionnaires par les constructeurs. Alors que cette sélection est actuellement effectuée sur la base de critères qualitatifs et territoriaux, les constructeurs devraient à l'avenir choisir un seul de ces critères, ce qui aurait pour conséquence d'accroître encore la concurrence entre concessionnaires européens et de permettre l'entrée de nouveaux acteurs sur le marché, comme les grandes surfaces.
Il a ensuite indiqué que la Commission européenne souhaitait rompre le lien entre la vente et l'après-vente en permettant aux concessionnaires de déléguer le service après-vente à des réparateurs agréés, ce qui pourrait avoir des conséquences négatives sur la sécurité des véhicules.
Il a enfin précisé que la Commission voulait favoriser le développement des concessions pratiquant le multimarquisme -concessions qui proposent des véhicules de marques différentes- ce qui serait de nature à nuire à l'image de marque des constructeurs.
M. Francis Grignon, rapporteur, a ensuite mis en évidence que le débridage de la concurrence sur le marché de la distribution automobile portait en germe une concentration des réseaux de commercialisation, pouvant entraîner la disparition de certains concessionnaires et un affaiblissement du maillage du territoire par ces acteurs économiques. Il a également estimé qu'une partie des 700.000 emplois que représente actuellement le secteur automobile en France pourrait s'en trouver sérieusement menacée.
M. Francis Grignon, rapporteur, a de ce fait souligné que la réforme envisagée n'était pas sans caractère nocif pour l'économie locale et l'emploi dans les bourgs-centres, alors même que les avantages qui en résulteraient pour les consommateurs se révélaient pour le moins incertains. Il a, en outre, fait valoir qu'un large consensus se dessinait pour critiquer cette réforme, que la concurrence était déjà forte sur le marché de la distribution automobile et, qui plus est, que l'euro l'accroîtrait encore en facilitant les comparaisons de prix.
Il a enfin précisé que les prix des véhicules étaient particulièrement élevés dans les deux pays à l'initiative de cette réforme, le Danemark et l'Angleterre, mais que cette différence avec les autres pays de l'Union ne justifiait pas de remettre en cause un système qui a fait ses preuves.
A l'issue de cet exposé, M. Gérard Larcher, président, a considéré que l'expression du Sénat sur ce dossier était particulièrement importante pour faire valoir le point de vue du Parlement français, dans la mesure où l'Assemblée nationale n'était pas en mesure de prendre position. Il a mentionné, à ce propos, qu'il avait saisi par courrier les commissions économiques de plusieurs assemblées parlementaires de l'Union européenne et qu'il souhaitait à l'avenir développer ce type de démarche sur de tels sujets.
Il a enfin noté que le Bundesrat avait répondu à cette initiative, en faisant parvenir à la commission le texte d'une résolution qu'il avait adoptée, et que cette assemblée partageait la même prudence que la commission des affaires économiques sur les conséquences de la réforme en matière d'aménagement du territoire et de concentration des acteurs sur ce marché.
M. Francis Grignon, rapporteur, a alors détaillé le dispositif de proposition de résolution en explicitant au passage les motifs des six amendements, pour la plupart d'ordre rédactionnel, qu'il proposait sur ce texte. Ces amendements, notamment celui introduisant un nouvel alinéa encadrant la mise oeuvre du multimarquisme, ont été successivement adoptés par la commission.
A l'issue de cet exposé et de l'adoption de ces amendements, un large échange de vue est intervenu.
M. Joseph Kerguéris a proposé un amendement rédactionnel au 8e alinéa de la proposition de résolution et celui-ci a été retenu.
M. Hilaire Flandre a tenu à souligner que les véhicules automobiles étaient des biens de haute technologie et a manifesté son inquiétude quant à la sécurité des usagers si la réforme de la Commission européenne laissait la réparation indépendante se développer de manière trop importante, dans la mesure où les prestations assurées par des réparateurs autonomes pourraient ne pas être de qualité équivalente à celles des concessionnaires.
M. Francis Grignon, rapporteur, lui a répondu que les consommateurs devaient prendre leurs responsabilités s'ils souhaitaient faire appel à ces réparateurs. Il a rappelé que, pendant la période de garantie, le consommateur pouvait toujours faire effectuer les réparations chez le concessionnaire.
M. Dominique Braye a indiqué qu'il n'était pas hostile à la séparation de la vente et du service après-vente car cela permettrait la création de réparateurs agréés qui pourraient se concentrer sur l'entretien de véhicules d'une seule marque et qui pourraient offrir aux clients un service d'une qualité supérieure à celui qu'ils peuvent trouver aujourd'hui chez les concessionnaires.
M. Claude Saunier a souhaité affermir la formulation du 8e alinéa de la proposition de résolution qualifiant les dispositions proposées par la Commission européenne d'« excessives ». Il a ainsi estimé que cet adjectif était moins approprié que le terme « inadaptées ». Cet amendement a été adopté par la commission.
M. Daniel Raoul a, quant à lui, proposé d'inverser les 17e et le 18e alinéas, afin de mettre davantage en relief le souhait exprimé de résoudre le problème des écarts de prix en harmonisant la fiscalité en Europe. La commission l'a suivi.
M. Daniel Reiner s'est interrogé sur l'intérêt d'inscrire dans le texte examiné que le « multimarquisme » imposait des ventes dans des locaux séparés.
M. Claude Saunier a émis des réserves sur l'opportunité d'une telle précision. M. Francis Grignon, rapporteur, a indiqué que le projet de règlement précisait déjà que les véhicules des différents constructeurs se devaient d'être proposés dans des espaces séparés de la même salle d'exposition et, qu'une séparation plus prononcée des lieux de vente entraînerait de trop fortes charges d'investissement pour les concessionnaires.
M. Gérard Larcher, président, a tenu à préciser que le texte présenté par le rapporteur avait pour objectif principal d'établir un équilibre entre les préoccupations des consommateurs, des concessionnaires et des constructeurs, tout en garantissant le respect des exigences de l'aménagement du territoire et la préservation de l'industrie automobile française, qu'il convenait de ne pas fragiliser par des mesures inadaptées.
Il a rappelé que les préoccupations en matière d'aménagement du territoire étaient fortement liées aux problématiques de désindustrialisation de certains bassins d'emplois et que les aspects sociaux de cette désindustrialisation posaient des problèmes politiques majeurs.
Il a enfin indiqué qu'il était important pour le Parlement d'éclairer le Gouvernement dans la perspective des prochaines consultations conduites par les commissaires européens sur le projet de règlement et programmées lors de la réunion du comité consultatif du 6 juin prochain.
A la suite de cette intervention, la commission a adopté, à l'unanimité, la proposition de résolution de la commission telle que modifiée par les amendements qu'elle avait antérieurement retenus.
Colloque « les enjeux et les conséquences de l'ouverture à la concurrence du marché européen de l'énergie » organisé par le groupe d'étude sur l'énergie - Présentation des actes
Enfin, la commission a entendu la présentation de M. Henri Revol, président du groupe d'étude de l'énergie, des actes du colloque « les enjeux et les conséquences de l'ouverture à la concurrence du marché européen de l'énergie », organisé le 12 décembre 2001.
M. Gérard Larcher, président, a rappelé que la commission et le groupe d'étude de l'énergie qui lui est rattaché, organiseront, le 26 juin prochain, un colloque au Sénat sur l'évolution du statut des entreprises publiques du secteur (EDF et GDF). Il a jugé important de donner aux actes du colloque organisé le 12 décembre 2001 sur « le marché européen de l'énergie : enjeux et conséquences de l'ouverture », la publicité nécessaire pour éclairer les débats du 26 juin.
M. Henri Revol, président du groupe d'étude de l'énergie, a relevé que ce colloque de décembre avait été le premier organisé par le Sénat sur le secteur énergétique. Il a rappelé qu'à la suite de l'application des directives électricité et gaz, ce secteur connaissait une période de mutation considérable que ce colloque avait permis de mieux appréhender.
Puis il a brièvement exposé quelques remarques conclusives concernant :
- l'obsession de la sécurité des installations énergétiques ;
- la nécessaire optimisation de l'efficacité de ces installations ;
- la non moins nécessaire diversification de la production énergétique, ainsi que l'ont souligné le Livre Vert de la Commission européenne sur la sécurité des approvisionnements énergétiques et le rapport élaboré par le groupe d'étude en réponse au débat ainsi ouvert.
M. Henri Revol, président du groupe d'étude de l'énergie, a ensuite indiqué que la mise en place d'un véritable marché européen de l'énergie se trouvait freinée par des problèmes d'acheminement et qu'il importait donc de développer les réseaux électriques et gaziers permettant les échanges transfrontaliers.
Il a souligné la nécessité que chaque Etat membre se dote d'une autorité de régulation indépendante. Il a enfin insisté sur la distinction qu'il convenait d'établir entre ouverture théorique et ouverture effective à la concurrence, le marché électrique français étant en réalité plus ouvert que le marché allemand, quand bien même ce dernier serait théoriquement ouvert à 100 %.
Après avoir rappelé que plusieurs sénateurs étaient intervenus à ce colloque (MM. Gérard Larcher, pour l'allocution d'ouverture, Jacques Valade, Jean Besson, Ladislas Poniatowski, André Bohl, et lui-même), il a sollicité des commissaires l'autorisation de publier les actes de ce colloque du 12 décembre 2001 consacré à l'ouverture du marché européen de l'énergie.
M. Gérard Larcher, président, a noté que les difficultés de libéralisation du marché allemand de l'électricité tenaient à la cartellisation du transport. Puis il s'est félicité du choix français de l'énergie nucléaire qui constitue le meilleur moyen de lutter contre l'effet de serre.
M. Dominique Braye a souligné que si la France était le mauvais élève de l'Union européenne, c'était surtout en raison des réticences politiques à l'ouverture des marchés à la concurrence.
M. Pierre Hérisson, rappelant qu'il avait effectué un stage chez London Electricity, filiale britannique d'EDF, a estimé que le calendrier et le degré d'ouverture des marchés de l'électricité à la concurrence dépendaient du niveau des prix. Il a ainsi indiqué que la Grande Bretagne avait depuis 1990 entièrement libéralisé son marché de l'électricité, y compris pour les clients domestiques, en raison de tarifs de l'électricité supérieurs de 30 % à ceux de la France. Il a considéré que dans une situation comparable à celle de ses voisins allemand ou anglais, la France, compte tenu de sa culture, serait allée beaucoup plus vite.
En réponse aux intervenants, M. Henri Revol, président du groupe d'étude de l'énergie, a estimé que cette raideur doctrinale n'avait, en réalité, pas freiné l'ouverture du marché français, qui était désormais accessible aux électriciens européens. Il a relevé qu'en Allemagne, où le marché était théoriquement ouvert à 100 %, l'ouverture réelle était inférieure à 5 %, alors que dans notre pays, où seulement 30 % du marché étaient ouverts à la concurrence, les clients industriels ayant changé de fournisseurs représentaient 5 % de la consommation, soit une situation assez comparable dans les deux pays.
Puis il a rappelé que le sommet de Barcelone avait prévu le libre choix du fournisseur pour tous les consommateurs européens autres que les ménages à partir de 2004 -ce qui représentait au moins 60 % du marché- la décision concernant les particuliers ayant été reportée, notamment à la demande de la France.
M. Pierre Hérisson a noté que beaucoup de villes et de collectivités locales seraient éligibles en janvier 2003.
A l'issue de cet échange de vues, la commission a décidé à l'unanimité d'autoriser la publication des actes du colloque sous la forme d'un rapport d'information.
Table des matières
- Mercredi 15 mai 2002
- Réunion du Bureau de la commission et communications diverses
- Audition de M. Louis Schweitzer, président de Renault
- Audition de M. Jean-Martin Folz, président du directoire de PSA Peugeot Citroën
- Résolutions européennes - Application de l'article 73 bis, sur le projet de règlement de la Commission concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans l'industrie automobile (E-1974)
- Colloque « les enjeux et les conséquences de l'ouverture à la concurrence du marché européen de l'énergie » organisé par le groupe d'étude sur l'énergie - Présentation des actes
Mercredi 15 mai 2002
- Présidence de M. Gérard Larcher, président. -
Réunion du Bureau de la commission et communications diverses
De manière liminaire, M. Gérard Larcher, président, s'est félicité de la nomination de M. Jean-Pierre Raffarin comme Premier ministre. Il a rappelé qu'il était membre de la commission des affaires économiques avant sa nomination.
Puis il a fait part à la commission du décès de M. Désiré Debavelaere qui avait siégé sur ses bancs avec une grande assiduité de nombreuses années. Il a précisé qu'il avait représenté la commission à ses obsèques.
Il a ensuite présenté les nouveaux fonctionnaires arrivés à la commission ces dernières semaines et a évoqué le renforcement complémentaire devant prochainement avoir lieu ainsi que les demandes de création de postes antérieurement présentées.
A la suite de la réunion du Bureau de la commission, M. Gérard Larcher, président, a indiqué que, dans le cadre des missions et rapports d'information actuellement conduits, une audition de M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville auprès du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, se déroulerait le mercredi 22 mai prochain à 16 heures et a fait part du projet d'entendre ultérieurement mais avant la fin du mois de mai, M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Il a également fait état de la lettre adressée par Mme Margot Wallström, commissaire européen en charge notamment des questions de la chasse, qui avait été invitée, en février dernier, à une audition par la commission et qui a décliné l'invitation pour les prochains mois. Il a fait part de son intention de renouveler cette invitation de manière à ce que Mme Margot Wallström puisse être entendue au début de la prochaine session parlementaire.
Enfin, le président a indiqué que la commission aurait à désigner, lors de sa réunion du 29 mai prochain :
- un membre titulaire et un membre suppléant au sein de la Conférence permanente « habitat - construction - développement durable » ;
- un membre titulaire et un membre suppléant au sein du Conseil d'orientation de l'observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et territoires d'outre-mer ;
- deux membres titulaires au sein de l'Agence de prévention et de surveillance des risques miniers.
Il a précisé qu'à l'avenir, à chaque fois que cela serait possible, il s'attacherait à informer à l'avance la commission des postes à pourvoir dans les organismes extraparlementaires, afin d'assurer le caractère ouvert de la désignation.
Puis il a porté à la connaissance des commissaires la démission de M. Jean Boyer de la mission d'information « avenir de l'élevage » et indiqué que son remplaçant au sein de sa mission devrait être désigné par son groupe.
Audition de M. Louis Schweitzer, président de Renault
La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Louis Schweitzer, président de Renault.
M. Louis Schweitzer a d'abord souhaité brosser un tableau du paysage automobile avant de présenter la position de Renault dans ce paysage.
Au sujet de l'industrie automobile, il a mis l'accent sur deux traits essentiels.
D'une part, cette industrie, considérée comme « mature » et donc à faible croissance, présente en fait un potentiel de croissance très important à travers le monde puisque, sur les 55 millions d'automobiles vendues en 2001, 80 % d'entre elles l'ont été dans les zones les plus riches (Etats-Unis/Canada, Europe du Nord, Japon/Corée), lesquelles ne représentent que 20 % de la population mondiale. Il n'a pas nié que, sur les marchés traditionnels, il fallait en revanche s'attendre à une croissance avoisinant 1 % par an en moyenne, dans un contexte extrêmement cyclique.
D'autre part, il a jugé que le mouvement de concentrations massives qu'avait connu l'industrie automobile entre 1995 et 1999 touchait à son terme, la dizaine de constructeurs indépendants qui existent aujourd'hui (contre 20 en 1995) lui paraissant avoir les moyens de le rester.
Dans ce contexte, le président de Renault a précisé que son entreprise avait adopté une stratégie de croissance rentable, dont la mise en oeuvre repose sur trois piliers.
Cette stratégie est d'abord fondée, a-t-il insisté, sur la compétitivité en qualité, en coûts et en délais. Il a estimé que la compétitivité était un pré-requis pour croître et même pour survivre dans un contexte extrêmement concurrentiel.
Le second pilier qu'a identifié M. Louis Schweitzer consiste en un développement de l'image de marque de Renault, fondé sur l'innovation. Partant du constat que les concurrents allemands bénéficient d'une prime liée directement à leur image de marque, il a fait observer qu'obtenir une image de marque du même niveau autoriserait à vendre un produit de qualité équivalente au même coût, à payer les mêmes salaires et finalement à se battre à armes égales. Il a expliqué qu'une telle image de marque résultait de la capacité à garantir aux clients qu'une automobile Renault -et plus généralement française- valait une automobile allemande en termes de sécurité, de fiabilité, de durabilité... Il a ajouté qu'en outre Renault visait à enrichir cette image de marque d'une capacité d'innovation, dont il a rappelé que les gènes se trouvaient dans l'histoire automobile française, notamment celle de Renault.
M. Louis Schweitzer a présenté l'internationalisation comme le troisième volet de sa stratégie, soutenant que la croissance ne se ferait pas massivement en Europe occidentale mais au-delà des frontières.
Evoquant la répartition des ventes de Renault il y a vingt ans -50 % des ventes en France, 10 % en dehors de l'Europe occidentale-, il l'a rapprochée de la situation actuelle : 33 % de ventes en France et plus de 20 % hors de l'Europe occidentale. Il a bien précisé qu'il n'était pas question pour Renault de renoncer à ses positions française et européenne, mais bien plutôt de s'appuyer sur ses bases pour se développer en dehors de son marché traditionnel. Il a ainsi évoqué le déploiement international de Renault avec l'acquisition de Dacia en Roumanie, la création de Renault Samsung Motors en Corée, la consolidation de la présence du groupe au Brésil et bien sûr l'édification du groupe bi-national Renault-Nissan.
S'attardant sur la construction originale que constitue l'alliance avec Nissan, M. Louis Schweitzer a rappelé sa genèse. Après avoir fait observer que Renault n'était présent que sur l'un des trois grands marchés automobiles mondiaux (puisque la firme est absente en Amérique du Nord et au Japon), il a souligné que l'entrée directe sous marque Renault dans un nouveau marché était très coûteuse, que ses résultats étaient relativement aléatoires -comme l'avait enseigné l'expérience américaine- et que l'idée s'était donc imposée d'investir dans un constructeur déjà en place. Il a jugé que deux facteurs avaient joué en faveur de l'alliance avec Nissan : d'une part, la crise asiatique, qui avait dégradé la situation des constructeurs japonais, et d'autre part, les difficultés propres de Nissan, groupe de bonne qualité pâtissant toutefois d'une gestion incertaine. Cette alliance, a-t-il souligné, s'apparentait à un double pari : redresser les résultats de Nissan dont Renault jugeait la situation fondamentalement saine et coopérer avec une firme japonaise. Rappelant que de tels paris étaient loin d'être considérés comme évidents en 1999, il a jugé qu'ils étaient en voie d'être tous les deux gagnés, mettant en garde contre un triomphalisme définitif qui, en matière industrielle, masquait souvent une vulnérabilité.
M. Francis Grignon, rapporteur de la proposition de résolution sur le projet de règlement européen réorganisant la distribution automobile, a souhaité interroger M. Louis Schweitzer sur le projet de la Commission européenne. Il a rappelé que le système de distribution automobile actuel reposait sur deux principes : d'une part, le couplage entre distribution sélective et exclusive, assurant un lien de qualité et de territoire entre le constructeur et le distributeur ; d'autre part, un lien entre la vente et l'après-vente, garantie de sécurité pour le consommateur. Constatant que le projet de la Commission visait à briser ces liens en vue de réduire les différences de prix à travers l'Europe et de faire baisser les prix, il a demandé à M. Louis Schweitzer quelle était son explication des différences de prix entre Etats membres de l'Union européenne. Il s'est également inquiété de savoir si la réforme du règlement de 1995 risquait de désavantager les constructeurs européens par rapport à leurs concurrents américains et japonais, assujettis à des règles domestiques différentes. Il a souhaité savoir aussi si ce projet de règlement inciterait Renault à racheter ses réseaux de concessionnaires à l'étranger. Enfin, il a fait part de sa préoccupation à l'égard des conséquences qu'un tel changement du cadre réglementaire risquait d'avoir sur la compétitivité de l'industrie automobile dont relèvent 700.000 emplois en France.
S'agissant du projet de la Commission européenne, M. Louis Schweitzer a déclaré qu'il espérait que ce projet n'était pas définitif et que l'intervention des gouvernements, des Parlements nationaux et du Parlement européen éviterait que le règlement européen ne casse le système qu'il prétend réformer.
En réponse à la question de M. Francis Grignon sur les différences de prix internes à l'Europe, il a invoqué des raisons d'ordre historique -certains constructeurs, notamment britanniques, étant notoirement moins efficaces que d'autres- et d'ordre marketing -chaque constructeur consentant des prix plus faibles dans les zones où il est moins bien établi-. Il a également évoqué deux facteurs importants de différenciation des prix : les variations de taux de change et les écarts de fiscalité. Ainsi, alors qu'en France les automobiles sont assujetties à un taux de TVA normal, il a relevé que les automobiles danoises voyaient leurs prix hors taxes doubler en raison, notamment, de taxes écologiques s'ajoutant à la TVA. Il a estimé que le traditionnel partage du poids de la fiscalité entre le constructeur et le client risquait de ne plus être supportable dans le nouveau contexte réglementaire autorisant l'achat d'automobile dans un pays et la revente dans un autre. Il a fait observer que le projet de la Commission permettrait d'obtenir une convergence des prix hors taxes mais que, du point de vue du client, les écarts de prix iraient croissants puisque le constructeur ne pourrait plus endosser une partie de la charge fiscale, particulièrement lourde dans certains pays.
Au sujet de l'inquiétude de M. Francis Grignon concernant l'avantage concurrentiel des constructeurs européens, M. Louis Schweitzer a souligné que le changement de règlement européen aurait un impact limité sur la compétitivité de nos constructeurs, puisque le marché européen était d'ores et déjà le plus ouvert du monde à la concurrence et que les constructeurs américains et japonais pouvaient s'appuyer sur un marché domestique très solide et fermé.
S'agissant des réseaux de concessionnaires, M. Louis Schweitzer a précisé que, si le projet de règlement était maintenu en l'état, la stratégie de Renault serait de ne pas racheter son réseau. En revanche, il s'est dit convaincu de la poursuite du mouvement de concentration des réseaux qui implique que chaque concessionnaire vende plusieurs marques et dispose de plusieurs établissements. Il a déclaré que Renault s'attacherait à ce que le client n'ait à déplorer aucune réduction du nombre de points où la présence de Renault est assurée.
En réponse à la dernière question de M. Francis Grignon, relative à la compétitivité de la filière automobile, il a souligné que l'industrie automobile avait réalisé d'importants progrès en matière de productivité, mais que ces progrès trouvaient leur limite dans la nécessaire existence d'un service de proximité. Il a en effet imputé à l'existence du réseau de ses concessionnaires le maintien de la part de marché à 30 % de Renault en France.
M. Marcel Deneux a souhaité connaître la politique de Renault vis-à-vis de ses équipementiers et, plus généralement, de ses sous-traitants. Il s'est par ailleurs inquiété de la compatibilité entre la croissance du marché automobile et la nécessaire limitation de l'effet de serre, souhaitant connaître les innovations préparées par Renault en cette matière.
M. Ladislas Poniatowski a désiré connaître les implantations d'usines Renault dans le monde. Il s'est également intéressé à l'avenir de l'alliance entre Renault et Nissan, alliance dont il a déploré le manque de clarté stratégique.
En réponse à la question de M. Marcel Deneux au sujet des équipementiers, M. Louis Schweitzer a souligné que la part de ces derniers dans le coût de fabrication d'une automobile allait croissant et que ce mouvement se produisait chez tous les producteurs d'automobiles du monde. Il a précisé que les équipementiers représentaient désormais la moitié du coût de fabrication alors que les coûts d'achat avaient baissé. Constatant cette forte dépendance, il a fait valoir que Renault travaillait à asseoir des relations de confiance avec les équipementiers, afin que les exigences de Renault ne compromettent pas l'avenir de ceux-ci, et donc, in fine, son propre avenir. Il a toutefois relevé que les conséquences en termes d'emplois n'étaient pas entièrement positives pour la France puisque les équipementiers délocalisent de plus en plus souvent leurs fabrications dans des pays à faible coût de main-d'oeuvre. Il a observé que ce mouvement touchait également l'Allemagne.
S'agissant de l'effet de serre, il a estimé que cette question restait pendante. Alors que la pollution en milieu urbain est aujourd'hui décriée, elle lui paraît résolue à moyen terme, lorsque le renouvellement du parc automobile aura permis de le rendre intégralement conforme aux nouvelles normes de dépollution, entrées en vigueur en 2000 et dont le durcissement est prévu en 2005. En revanche, concernant l'effet de serre, il a reconnu l'absence de « réponse miracle », notant que, d'une part, la réduction de la consommation était extrêmement coûteuse et que, d'autre part, les marchés les plus porteurs avaient peu de moyens tandis que les pays riches exigeaient des voitures toujours plus lourdes et puissantes et donc plus consommatrices. A cette contradiction, il a jugé qu'aucune réponse n'était donnée : évoquant la pile à combustible utilisant l'hydrogène, il a rappelé qu'elle ne pouvait constituer une option crédible que si l'hydrogène lui-même était produit par l'industrie nucléaire, ce qui garantirait un cycle propre et ne se limiterait pas à déplacer le problème de l'émission de gaz carbonique. Quant au biocarburant, il a jugé que cette piste intéressante ne pourrait constituer un facteur décisif de progrès, puisque le gain obtenu est de l'ordre de 5 %.
En réponse à M. Ladislas Poniatowski, il a fait observer que les coûts de transport incitaient à construire près du lieu de vente et que, en tout état de cause, les voitures Renault obéissaient aux mêmes standards de qualité quel que soit leur lieu de production. Relevant que la pression à la délocalisation était donc faible dans le secteur automobile, il a toutefois fait remarquer que la délocalisation pouvait devenir avantageuse vers la République tchèque qui cumulait une position géographique centrale en Europe, un savoir-faire industriel et un coût de main-d'oeuvre égal au quart ou au tiers de celui de l'Union européenne.
S'agissant de l'alliance entre Renault et Nissan, M. Louis Schweitzer a regretté que la clarté de sa stratégie n'apparaisse pas à M. Ladislas Poniatowski. Il a rappelé que son ambition était de fonder un groupe binational mais non pas de fusionner deux firmes, certes internationales mais aussi extraordinairement nationales. Sans remettre en cause cet enracinement local, ce qui lui aurait semblé constituer une faute lourde, il a toutefois insisté sur l'importance qu'il attachait au développement d'une communauté d'intérêts entre Renault et Nissan et à la mise au point d'une stratégie commune au sein du directoire Renault-Nissan, dont la première réunion doit avoir lieu à la fin de ce mois.
Après avoir reconnu que M. Louis Schweitzer avait fait de Renault un puissant groupe automobile d'envergure internationale, M. Michel Teston a déploré qu'il ait par ailleurs cédé les actifs de la firme sur le créneau des poids lourds et des cars. S'il a convenu que l'accord Renault/Volvo dans les poids lourds obéissait à une véritable logique industrielle, il a estimé que cette logique n'avait pas présidé à l'accord avec Iveco, auquel Renault a cédé 65 % de sa quote-part dans Irisbus. Il s'est inquiété de l'avenir d'Iveco, dont son département compte plusieurs implantations, et de l'absence, dans l'accord Renault/Iveco, d'une clause de rachat préférentiel des cars Iveco.
M. Jean-Paul Emin a souhaité revenir sur le sort des équipementiers, et notamment de ceux dits de deuxième rang, sous-traitants de ceux de premier rang, qu'il juge menacés de disparition malgré de considérables efforts de productivité.
En réponse à M. Michel Teston, M. Louis Schweitzer a noté le satisfecit que ce dernier avait décerné à l'accord Renault/Volvo, tout en regrettant le blâme porté sur l'accord avec Iveco. Il a affirmé qu'il prêtait une grande attention à ce que la clause d'équité figurant dans l'accord Renault/Volvo, garantissant un traitement strictement identique aux sites et aux personnels de Renault et de Volvo, continue d'être scrupuleusement appliquée. Concernant les cars, il a reconnu que la condition imposée par la direction générale de la concurrence de la Commission européenne au rapprochement avec Volvo -la cession d'Irisbus- avait été douloureuse pour Renault, qui aurait préféré une union à trois (Renault/Volvo/Irisbus). Placé face aux termes d'une alternative difficile -divorcer d'avec Iveco et se défaire d'Irisbus afin de pouvoir effectuer le rapprochement avec Volvo, ou bien donner à Iveco le contrôle d'Irisbus-, le président de Renault a justifié sa préférence pour la deuxième option en raison des conséquences sociales et commerciales néfastes que n'aurait pas manqué d'avoir la première option. Il a jugé que la solution retenue permettrait le renforcement d'Irisbus et souhaité que les ventes d'Irisbus se développent.
En réponse à M. Jean-Paul Emin, M. Louis Schweitzer a reconnu que de nombreux équipementiers de deuxième rang traversaient une situation difficile. Notant que le défaut d'un équipementier de deuxième rang avait autant de conséquences que celui d'un équipementier de premier rang, il a affirmé que Renault cherchait constamment à s'assurer que la chaîne de production était maîtrisée de bout en bout.
M. Gérard Larcher, président, s'est interrogé sur l'avenir du moteur à explosion alors que le développement automobile annoncé dans des pays émergents dotés d'un parc particulièrement polluant risquait d'accroître l'effet de serre. Il a également souhaité savoir si le délai de 8 à 10 ans évoqué pour l'entrée en production des voitures fonctionnant par pile à combustible était raisonnable. Enfin, il a demandé à M. Louis Schweitzer son opinion sur le programme européen « auto-oil ».
En complément, M. Marcel Deneux a évoqué le cas de la voiture hybride « Prius » vendue à 200 exemplaires en France.
En réponse, M. Louis Schweitzer a reconnu que les pays en développement pouvaient revendiquer un « droit à polluer », dans la mesure où certains pays du Nord refusaient de limiter leurs émissions de gaz carbonique ; ainsi, il a précisé que les voitures américaines étaient 50 % plus polluantes que celles construites en Europe. Il a affirmé que les Américains savaient pourtant construire des voitures peu polluantes, puisqu'ils le font déjà en Europe, et qu'il fallait faire en sorte que ce type de véhicules peu polluants soient destinés aux pays en développement les plus peuplés. Evoquant la probable domination persistante -dans 20 ans- du moteur à explosion, en raison de son bon rapport qualité/coût et de son potentiel de progrès, mais aussi le coût de plus en plus élevé de l'obtention de nouvelles réductions de la consommation d'essence des véhicules, il a jugé que la réponse à l'effet de serre ne serait pas technologique mais politique et reposait sur une responsabilité partagée à l'échelle mondiale.
S'agissant de la pile à combustible, il a jugé qu'elle offrait un avantage relativement faible en termes de pollution, et qu'en conséquence son avenir se révélait dépendant des incitations fiscales.
Concernant le véhicule hybride, dont il a convenu qu'il ouvrait la voie d'un progrès, il a précisé que l'avantage représenté par une voiture essence hybride par rapport à une voiture essence classique demeurait inférieur à l'avantage du diesel par rapport à l'essence, ce qui laissait augurer un développement des voitures à essence hybrides -type « Prius »- dans les seuls pays ayant un parc étroit de voitures diesel. C'est pourquoi, a-t-il expliqué, les constructeurs travaillent à concevoir des voitures hybrides diesel, ou même des voitures purement électriques, même si cette option pose -tout comme pour l'hydrogène- la question d'un mode de production non polluant de l'électricité.
Enfin, au sujet du programme européen « auto-oil », visant à améliorer la qualité des carburants, il a constaté que les nouveaux moteurs ne supportaient plus la moindre impureté dans les carburants et convenu que le progrès automobile impliquait nécessairement des progrès en matière de qualité des carburants.
Audition de M. Jean-Martin Folz, président du directoire de PSA Peugeot Citroën
Puis la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Martin Folz, président du directoire de PSA Peugeot Citroën.
A titre liminaire, M. Jean-Martin Folz a présenté les principales caractéristiques économiques pour 2001 du groupe PSA, leader du secteur automobile en termes de taux de croissance ces dernières années (+ 50 % en quatre ans) pour les deux marques (Peugeot et Citroën) à forte autonomie et à la personnalité propre qu'il fédère : 6e constructeur mondial avec 5,6 % de parts de marché, 2e constructeur européen derrière Volkswagen avec 15 % de parts de marché, 1er constructeur français avec 34 % de parts de marché, 192 000 salariés dans le monde et 17 400 embauches en CDI dont 10 500 en France, un chiffre d'affaires de 51 milliards d'euros, un résultat net de 1,691 milliard d'euros, en progression de 27 %, une marge opérationnelle en croissance de 25 %, une rentabilité des capitaux employés de 11 % après impôts, supérieure à celle de tous ses concurrents européens. M. Jean-Martin Folz a rappelé que PSA n'était pas qu'un constructeur et que le groupe avait aussi une activité bancaire (au travers de PSA Finance qui, avec 17 milliards d'euros d'encours, finance tant le réseau des concessionnaires que les consommateurs), une activité de transport et de logistique (avec GEFCO, 2e entreprise française du secteur et 6 ou 7e au niveau européen, dont le chiffre d'affaires de 2,5 milliards d'euros a progressé de 14 % en 2001) et enfin une activité d'équipementier (par la participation à hauteur de 72 % au capital de FORCIA, 1ère entreprise européenne du secteur et 2e au niveau mondial avec 9,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires). Au plan capitalistique enfin, le groupe PSA est animé par un actionnaire de référence stable, la famille Peugeot, qui possède 27 % des actions et 39 % des droits de vote. En quatre ans, le cours de l'action a plus que triplé et les dividendes ont été multipliés par plus de 15.
S'agissant de la stratégie, M. Jean-Martin Folz a indiqué que le groupe entendait poursuivre sa croissance sur la tendance des années précédentes en préférant à la politique de fusions-acquisitions, qu'il estime ne pas être la réponse adaptée aux défis de la mondialisation dans le secteur automobile, cinq voies privilégiées :
- une politique de produits par la multiplication des offres de modèles différents à des prix compétitifs (25 modèles devraient être présentés entre 2001 et 2004 alors que seulement 7 modèles l'ont été entre 1997 et 2000), conformément aux souhaits des consommateurs ;
- un leadership technique maintenu pour continuer à servir de référence, notamment dans les domaines des moteurs diesels HDI et des filtres à particules (cette dernière technologie, qui préserve l'environnement, étant une exclusivité de PSA) ;
- une politique de « plates-formes » qui permet le montage de véhicules différents, le cas échéant de marques différentes, mais partageant certains composants, dans des conditions de coût et de rapidité telles que les capacités de production sont utilisées à plein, les investissements industriels peuvent être maintenus constants en volume (3 milliards d'euros par an) malgré la forte croissance de la production, et les embauches sont importantes (trois plates-formes en activité qui permettent désormais de produire 65 % des automobiles du groupe) ;
- une politique de développement international destinée à accroître la part des voitures du groupe produites et vendues hors de l'Union européenne (actuellement au niveau de 19 %), orientée sur trois zones prioritaires : l'Europe centrale, le Mercosur et la Chine ;
- une politique originale de coopération avec d'autres constructeurs indépendants (Renault, Fiat, Ford, Toyota) afin de diminuer les coûts de certains composants en allongeant leurs séries de production.
Puis M. Jean-Martin Folz a évoqué le projet de réforme de la distribution automobile de la Commission européenne, précisant à cet égard qu'il s'exprimait également en tant que président de l'Association européenne des constructeurs d'automobiles, et rappelant qu'en la matière, la Commission dispose de compétences propres et exclusives.
Il a estimé que ce projet s'articulait autour de trois clauses particulièrement nocives pour les concessionnaires et les consommateurs, compte tenu des enjeux que représente le secteur automobile en matière de sécurité, d'environnement, d'emploi et d'aménagement du territoire :
- la suppression de la clause de localisation qui, par l'interdiction qui en découle pour les constructeurs d'attribuer à leurs concessionnaires des zones géographiques d'activité, entraînerait la multiplication des points de vente au profit de gros distributeurs et la disparition des petits concessionnaires ;
- l'introduction de la « clause de délégation » qui exonérerait les concessionnaires des autres responsabilités actuellement attachées à leur activité en matière de service après-vente, de réparation, voire de « rappel » des modèles présentant des défectuosités, et qui conduirait à une concentration des ateliers de réparation dans les zones à forte densité démographique et, parallèlement, à une disparition de ce service dans le reste du territoire ;
- l'institution du « multimarquisme » dans des locaux et avec du personnel identiques, ce qui permettrait aux concessionnaires de n'offrir aux acheteurs que les modèles de chaque marque les plus rentables commercialement, au lieu, comme aujourd'hui, de présenter l'ensemble de la gamme d'une marque.
M. Jean-Martin Folz a indiqué que les constructeurs européens étaient unanimes pour dénoncer les effets pervers de ce projet pour les consommateurs, tout comme les concessionnaires, les constructeurs japonais, beaucoup de gouvernements des Etats membres (en particulier la France, l'Espagne et l'Allemagne), et probablement aussi le Parlement européen. Il a souhaité, en conclusion, que les parlementaires français soient sensibles à ses inquiétudes et qu'ils s'en fassent le relais.
Observant que les préoccupations de M. Jean-Martin Folz rejoignaient très largement les siennes, M. Francis Grignon, rapporteur, a résumé les interrogations essentielles que suscite selon lui le projet de règlement de la Commission : le risque de casser la garantie technique en voulant supprimer la garantie commerciale et uniformiser les prix dans l'ensemble de l'Union, alors que l'automobile n'est pas un produit comparable aux autres, les contraintes nouvelles imposées aux constructeurs européens par rapport à leurs concurrents américains et japonais, la tentation pour ces constructeurs de racheter leurs réseaux de concessionnaires pour contrer ce projet (à l'instar de ce qu'a fait Volkswagen en Allemagne), et les dommages causés à l'emploi et à l'aménagement du territoire.
M. Claude Saunier a interrogé M. Jean-Martin Folz sur la politique suivie par PSA en matière de récupération des matériaux, sur sa stratégie spécifique à l'égard des marchés des pays émergents, sur les capacités d'innovations technologiques qui ont longtemps fait la spécificité de la marque Citroën, avant de rappeler que, s'agissant plus spécifiquement du projet de la Commission, les vertus du marché lui paraissent d'autant plus perceptibles qu'il est encadré par un certain nombre de règles.
Répondant à M. Francis Grignon, rapporteur, M. Jean-Martin Folz a considéré que la démarche adoptée par M. Monti, commissaire européen à la concurrence, pour parvenir à une uniformisation des prix des automobiles sur le marché européen, était vouée à l'échec dans la mesure où le problème n'était pas l'absence de concurrence entre les marques automobiles, qui est au contraire « totale et sans merci », mais l'existence de très grandes différences de fiscalité (taux et diversités des taxes à l'achat) dans les Etats membres, qui peuvent aller du simple au double. Aussi, dans certains pays tels que la Finlande ou le Danemark, par exemple, il est effectivement nécessaire pour les constructeurs de fixer un prix HT inférieur à celui qui prévaut au Luxembourg ou en France afin que le prix TTC soit supportable pour le consommateur. Ainsi, pour M. Jean-Martin Folz, si la Commission et les Etats membres parvenaient à bâtir un marché fiscal unique européen, il n'y aurait plus guère de différences de prix de vente dans le secteur automobile dans le cadre de la réglementation actuelle.
A M. Joseph Kerguéris qui l'interrogeait sur les conséquences à long terme du statu quo sur la restructuration en cours du secteur de la distribution automobile en France, qui semble conduire à une concentration et à une place plus importante faite aux financiers, M. Jean-Martin Folz a précisé que l'actuelle coexistence de concessionnaires de tailles très différentes n'était pas condamnée dès lors que les plus importants d'entre eux ne sont pas nécessairement les plus rentables puisque leur taille ne leur permet pas de réaliser de substantielles économies d'échelle. Observant qu'il n'était pas possible de comparer le secteur de la grande distribution, qui entretient des relations avec un grand nombre de producteurs présentant des produits très standardisés, et celui de la distribution d'automobiles, où le nombre des constructeurs est réduit et les produits de chacun très personnalisés, il a considéré que l'intérêt essentiel de la réglementation actuelle était d'exclure la concurrence intramarque. A cet égard, et répondant sur ce point à M. Francis Grignon, rapporteur, il a indiqué que PSA n'entendait pas accroître la part lui appartenant actuellement en propre du réseau des concessionnaires Peugeot et Citroën.
Après avoir reconnu avec M. Dominique Braye que les différences de prix de vente HT conduisaient in fine à faire en partie financer l'achat du consommateur danois par l'acheteur français, tout en relativisant le propos par les différences de taille des marchés concernés, M. Jean-Martin Folz a contesté son opinion que la séparation du service après-vente de la vente elle-même puisse satisfaire, comme dans le secteur de l'électroménager, l'intérêt du consommateur. Observant que l'électronique « embarquée » dans une 607 était aujourd'hui supérieure à celle d'un Airbus au début des années 80, et en tout état de cause incomparable avec la technologie du plus sophistiqué des appareils ménagers, il s'est déclaré sceptique sur la capacité d'un réparateur automobile à intervenir efficacement sur des produits de n'importe quelle marque. Au contraire, un matériel spécialisé et des compétences techniques très précises sont de plus en plus nécessaires pour être notamment à la hauteur des enjeux en termes de sécurité, qui ne lui semblent d'ailleurs pas davantage pouvoir être comparés à ceux des appareils électroménagers.
En réponse à M. Claude Saunier, M. Jean-Martin Folz a précisé que :
- des progrès très substantiels ont été réalisés dans la récupération des matériaux grâce notamment à la signature d'un accord-cadre entre les professionnels de la démolition et les constructeurs et aux efforts de ces derniers pour faciliter le démontage des éléments recyclables et valorisables avant le broyage des véhicules ; aujourd'hui, plus de 90 % des éléments d'une automobile sont concernés (acier, aluminium, verre, composants électroniques, ...), et le défi porte désormais sur les matières plastiques ;
- il n'existe pas de marché de l'automobile dans les pays émergents, ce qui interdit d'y développer une véritable stratégie de marque ;
- si Citroën renoue avec son passé en matière d'innovation de style et de concept, comme en témoignent par exemple les modèles Picasso, C3 et bientôt Pluriel, il n'est plus aujourd'hui possible de bénéficier durablement d'un avantage technologique important tant en raison des progrès déjà accomplis depuis plus d'un siècle -qui réduisent les capacités d'évolution- que de l'existence de partenariats entre les constructeurs et les équipementiers qui induit une diffusion extrêmement rapide de toute innovation -à la notable exception toutefois des filtres à particules.
A M. Jean-Paul Emin qui l'interrogeait sur les solutions susceptibles d'être apportées aux difficultés rencontrées par les équipementiers et sous-traitants de deuxième et troisième rang, M. Jean-Martin Folz a rappelé que le prix de production d'un véhicule en sortie de chaîne était constitué à 70 % du coût des achats auprès de fournisseurs de toutes tailles et que les difficultés rencontrées par ces derniers n'étaient que la conséquence de celles des constructeurs eux-mêmes, en proie à une concurrence extraordinairement forte, et non un problème de rapport de force entre fournisseurs et constructeurs.
Enfin, à la suggestion de M. Bruno Sido tendant à ce que le règlement communautaire interdise tout simplement aux constructeurs de fixer différents prix HT à raison du pays de vente, M. Jean-Martin Folz a confirmé sa préférence de parvenir à une harmonisation fiscale dans l'Union, meilleure solution pour construire un marché unique qui respecte les règles de la concurrence, et a réitéré son souhait que les parlementaires parviennent à convaincre les Gouvernements des Etats membres des perversités de la fiscalité pesant spécifiquement sur les automobiles.
Résolutions européennes - Application de l'article 73 bis, sur le projet de règlement de la Commission concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans l'industrie automobile (E-1974)
La commission a ensuite désigné M. Francis Grignon en qualité de rapporteur de sa proposition de résolution n° 297 (2001-2002), présentée en application de l'article 73 bis, sur le projet de règlement de la Commission concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans l'industrie automobile (E-1974) et a examiné son rapport.
M. Francis Grignon, rapporteur, a commencé par rappeler que l'adoption du nouveau règlement organisant la distribution automobile en Europe relevait de la compétence prétorienne de la Commission européenne et que les Etats membres n'émettaient qu'un avis simple au sein d'un comité consultatif.
Il a ensuite présenté les principales orientations de cette réforme, en précisant que la Commission proposait de revenir sur les trois grands principes organisant actuellement la distribution automobile. Il a tout d'abord expliqué que le projet de règlement modifiait le système de sélection des concessionnaires par les constructeurs. Alors que cette sélection est actuellement effectuée sur la base de critères qualitatifs et territoriaux, les constructeurs devraient à l'avenir choisir un seul de ces critères, ce qui aurait pour conséquence d'accroître encore la concurrence entre concessionnaires européens et de permettre l'entrée de nouveaux acteurs sur le marché, comme les grandes surfaces.
Il a ensuite indiqué que la Commission européenne souhaitait rompre le lien entre la vente et l'après-vente en permettant aux concessionnaires de déléguer le service après-vente à des réparateurs agréés, ce qui pourrait avoir des conséquences négatives sur la sécurité des véhicules.
Il a enfin précisé que la Commission voulait favoriser le développement des concessions pratiquant le multimarquisme -concessions qui proposent des véhicules de marques différentes- ce qui serait de nature à nuire à l'image de marque des constructeurs.
M. Francis Grignon, rapporteur, a ensuite mis en évidence que le débridage de la concurrence sur le marché de la distribution automobile portait en germe une concentration des réseaux de commercialisation, pouvant entraîner la disparition de certains concessionnaires et un affaiblissement du maillage du territoire par ces acteurs économiques. Il a également estimé qu'une partie des 700.000 emplois que représente actuellement le secteur automobile en France pourrait s'en trouver sérieusement menacée.
M. Francis Grignon, rapporteur, a de ce fait souligné que la réforme envisagée n'était pas sans caractère nocif pour l'économie locale et l'emploi dans les bourgs-centres, alors même que les avantages qui en résulteraient pour les consommateurs se révélaient pour le moins incertains. Il a, en outre, fait valoir qu'un large consensus se dessinait pour critiquer cette réforme, que la concurrence était déjà forte sur le marché de la distribution automobile et, qui plus est, que l'euro l'accroîtrait encore en facilitant les comparaisons de prix.
Il a enfin précisé que les prix des véhicules étaient particulièrement élevés dans les deux pays à l'initiative de cette réforme, le Danemark et l'Angleterre, mais que cette différence avec les autres pays de l'Union ne justifiait pas de remettre en cause un système qui a fait ses preuves.
A l'issue de cet exposé, M. Gérard Larcher, président, a considéré que l'expression du Sénat sur ce dossier était particulièrement importante pour faire valoir le point de vue du Parlement français, dans la mesure où l'Assemblée nationale n'était pas en mesure de prendre position. Il a mentionné, à ce propos, qu'il avait saisi par courrier les commissions économiques de plusieurs assemblées parlementaires de l'Union européenne et qu'il souhaitait à l'avenir développer ce type de démarche sur de tels sujets.
Il a enfin noté que le Bundesrat avait répondu à cette initiative, en faisant parvenir à la commission le texte d'une résolution qu'il avait adoptée, et que cette assemblée partageait la même prudence que la commission des affaires économiques sur les conséquences de la réforme en matière d'aménagement du territoire et de concentration des acteurs sur ce marché.
M. Francis Grignon, rapporteur, a alors détaillé le dispositif de proposition de résolution en explicitant au passage les motifs des six amendements, pour la plupart d'ordre rédactionnel, qu'il proposait sur ce texte. Ces amendements, notamment celui introduisant un nouvel alinéa encadrant la mise oeuvre du multimarquisme, ont été successivement adoptés par la commission.
A l'issue de cet exposé et de l'adoption de ces amendements, un large échange de vue est intervenu.
M. Joseph Kerguéris a proposé un amendement rédactionnel au 8e alinéa de la proposition de résolution et celui-ci a été retenu.
M. Hilaire Flandre a tenu à souligner que les véhicules automobiles étaient des biens de haute technologie et a manifesté son inquiétude quant à la sécurité des usagers si la réforme de la Commission européenne laissait la réparation indépendante se développer de manière trop importante, dans la mesure où les prestations assurées par des réparateurs autonomes pourraient ne pas être de qualité équivalente à celles des concessionnaires.
M. Francis Grignon, rapporteur, lui a répondu que les consommateurs devaient prendre leurs responsabilités s'ils souhaitaient faire appel à ces réparateurs. Il a rappelé que, pendant la période de garantie, le consommateur pouvait toujours faire effectuer les réparations chez le concessionnaire.
M. Dominique Braye a indiqué qu'il n'était pas hostile à la séparation de la vente et du service après-vente car cela permettrait la création de réparateurs agréés qui pourraient se concentrer sur l'entretien de véhicules d'une seule marque et qui pourraient offrir aux clients un service d'une qualité supérieure à celui qu'ils peuvent trouver aujourd'hui chez les concessionnaires.
M. Claude Saunier a souhaité affermir la formulation du 8e alinéa de la proposition de résolution qualifiant les dispositions proposées par la Commission européenne d'« excessives ». Il a ainsi estimé que cet adjectif était moins approprié que le terme « inadaptées ». Cet amendement a été adopté par la commission.
M. Daniel Raoul a, quant à lui, proposé d'inverser les 17e et le 18e alinéas, afin de mettre davantage en relief le souhait exprimé de résoudre le problème des écarts de prix en harmonisant la fiscalité en Europe. La commission l'a suivi.
M. Daniel Reiner s'est interrogé sur l'intérêt d'inscrire dans le texte examiné que le « multimarquisme » imposait des ventes dans des locaux séparés.
M. Claude Saunier a émis des réserves sur l'opportunité d'une telle précision. M. Francis Grignon, rapporteur, a indiqué que le projet de règlement précisait déjà que les véhicules des différents constructeurs se devaient d'être proposés dans des espaces séparés de la même salle d'exposition et, qu'une séparation plus prononcée des lieux de vente entraînerait de trop fortes charges d'investissement pour les concessionnaires.
M. Gérard Larcher, président, a tenu à préciser que le texte présenté par le rapporteur avait pour objectif principal d'établir un équilibre entre les préoccupations des consommateurs, des concessionnaires et des constructeurs, tout en garantissant le respect des exigences de l'aménagement du territoire et la préservation de l'industrie automobile française, qu'il convenait de ne pas fragiliser par des mesures inadaptées.
Il a rappelé que les préoccupations en matière d'aménagement du territoire étaient fortement liées aux problématiques de désindustrialisation de certains bassins d'emplois et que les aspects sociaux de cette désindustrialisation posaient des problèmes politiques majeurs.
Il a enfin indiqué qu'il était important pour le Parlement d'éclairer le Gouvernement dans la perspective des prochaines consultations conduites par les commissaires européens sur le projet de règlement et programmées lors de la réunion du comité consultatif du 6 juin prochain.
A la suite de cette intervention, la commission a adopté, à l'unanimité, la proposition de résolution de la commission telle que modifiée par les amendements qu'elle avait antérieurement retenus.
Colloque « les enjeux et les conséquences de l'ouverture à la concurrence du marché européen de l'énergie » organisé par le groupe d'étude sur l'énergie - Présentation des actes
Enfin, la commission a entendu la présentation de M. Henri Revol, président du groupe d'étude de l'énergie, des actes du colloque « les enjeux et les conséquences de l'ouverture à la concurrence du marché européen de l'énergie », organisé le 12 décembre 2001.
M. Gérard Larcher, président, a rappelé que la commission et le groupe d'étude de l'énergie qui lui est rattaché, organiseront, le 26 juin prochain, un colloque au Sénat sur l'évolution du statut des entreprises publiques du secteur (EDF et GDF). Il a jugé important de donner aux actes du colloque organisé le 12 décembre 2001 sur « le marché européen de l'énergie : enjeux et conséquences de l'ouverture », la publicité nécessaire pour éclairer les débats du 26 juin.
M. Henri Revol, président du groupe d'étude de l'énergie, a relevé que ce colloque de décembre avait été le premier organisé par le Sénat sur le secteur énergétique. Il a rappelé qu'à la suite de l'application des directives électricité et gaz, ce secteur connaissait une période de mutation considérable que ce colloque avait permis de mieux appréhender.
Puis il a brièvement exposé quelques remarques conclusives concernant :
- l'obsession de la sécurité des installations énergétiques ;
- la nécessaire optimisation de l'efficacité de ces installations ;
- la non moins nécessaire diversification de la production énergétique, ainsi que l'ont souligné le Livre Vert de la Commission européenne sur la sécurité des approvisionnements énergétiques et le rapport élaboré par le groupe d'étude en réponse au débat ainsi ouvert.
M. Henri Revol, président du groupe d'étude de l'énergie, a ensuite indiqué que la mise en place d'un véritable marché européen de l'énergie se trouvait freinée par des problèmes d'acheminement et qu'il importait donc de développer les réseaux électriques et gaziers permettant les échanges transfrontaliers.
Il a souligné la nécessité que chaque Etat membre se dote d'une autorité de régulation indépendante. Il a enfin insisté sur la distinction qu'il convenait d'établir entre ouverture théorique et ouverture effective à la concurrence, le marché électrique français étant en réalité plus ouvert que le marché allemand, quand bien même ce dernier serait théoriquement ouvert à 100 %.
Après avoir rappelé que plusieurs sénateurs étaient intervenus à ce colloque (MM. Gérard Larcher, pour l'allocution d'ouverture, Jacques Valade, Jean Besson, Ladislas Poniatowski, André Bohl, et lui-même), il a sollicité des commissaires l'autorisation de publier les actes de ce colloque du 12 décembre 2001 consacré à l'ouverture du marché européen de l'énergie.
M. Gérard Larcher, président, a noté que les difficultés de libéralisation du marché allemand de l'électricité tenaient à la cartellisation du transport. Puis il s'est félicité du choix français de l'énergie nucléaire qui constitue le meilleur moyen de lutter contre l'effet de serre.
M. Dominique Braye a souligné que si la France était le mauvais élève de l'Union européenne, c'était surtout en raison des réticences politiques à l'ouverture des marchés à la concurrence.
M. Pierre Hérisson, rappelant qu'il avait effectué un stage chez London Electricity, filiale britannique d'EDF, a estimé que le calendrier et le degré d'ouverture des marchés de l'électricité à la concurrence dépendaient du niveau des prix. Il a ainsi indiqué que la Grande Bretagne avait depuis 1990 entièrement libéralisé son marché de l'électricité, y compris pour les clients domestiques, en raison de tarifs de l'électricité supérieurs de 30 % à ceux de la France. Il a considéré que dans une situation comparable à celle de ses voisins allemand ou anglais, la France, compte tenu de sa culture, serait allée beaucoup plus vite.
En réponse aux intervenants, M. Henri Revol, président du groupe d'étude de l'énergie, a estimé que cette raideur doctrinale n'avait, en réalité, pas freiné l'ouverture du marché français, qui était désormais accessible aux électriciens européens. Il a relevé qu'en Allemagne, où le marché était théoriquement ouvert à 100 %, l'ouverture réelle était inférieure à 5 %, alors que dans notre pays, où seulement 30 % du marché étaient ouverts à la concurrence, les clients industriels ayant changé de fournisseurs représentaient 5 % de la consommation, soit une situation assez comparable dans les deux pays.
Puis il a rappelé que le sommet de Barcelone avait prévu le libre choix du fournisseur pour tous les consommateurs européens autres que les ménages à partir de 2004 -ce qui représentait au moins 60 % du marché- la décision concernant les particuliers ayant été reportée, notamment à la demande de la France.
M. Pierre Hérisson a noté que beaucoup de villes et de collectivités locales seraient éligibles en janvier 2003.
A l'issue de cet échange de vues, la commission a décidé à l'unanimité d'autoriser la publication des actes du colloque sous la forme d'un rapport d'information.