Les défis de la paix
Sénat - 11 juin 2005
Les sénateurs français répondent aux lycéens
1. Interview de M. Jean-Paul Amoudry, sénateur UC - UDF de Haute-Savoie
réalisée par les élèves du Lycée Vaugelas - Chambéry
9 mars 2005
L'élargissement à 25 peut-il permettre une diffusion plus rapide du modèle de la démocratie européenne dans le reste du monde ?
Il s'agit d'une question complexe car s'il est évident que 25 états comptent plus que 15, il faut aussi rappeler que la démocratie européenne implique le respect des droits fondamentaux que sont la liberté, l'égalité, le droit de vote. S'ils veulent devenir membres, les pays candidats doivent respecter ces principes et ce modèle démocratique. Avec l'élargissement, ce modèle se répand dans les pays slaves : cette extension est un phénomène nouveau, et il va permettre à la démocratie de s'ouvrir à l'Est.
- Cependant, avant l'élargissement, le rayonnement du modèle européen était déjà fort : le modèle bicaméral, issu de l'Angleterre et de la France, a inspiré le modèle politique de nombreux États dans le monde. Avant cet élargissement à 25, il y a donc déjà eu extension.
- Il faut cependant relativiser : des problèmes de diffusion de la démocratie sont constatés en Chine, Afrique, ... et l'élargissement de 15 à 25 n'aura pas de véritable incidence sur la façon dont est perçue l'Europe par ces espaces.
- La construction sociale, économique et diplomatique apparaît comme une nécessité car elle permettra à l'Union européenne de rayonner, et donc de propager son modèle démocratique. Or cette construction, déjà difficile à 15, le sera inévitablement plus à 25 ...
- L'Union européenne permet de stabiliser la paix et d'assurer le développement de chacun. Or la démocratie passe aussi par là : respecter la dignité de chacun.
Selon vous l'élargissement de l'Union européenne pourrait il entraîner une hausse des inégalités sociales entre les pays d'Europe, et donc remettre en cause la démocratie ?
Au début, les inégalités Est/Ouest vont être mises en relief. Puis avec les délocalisations qui vont s'opérer, on va assister à un rééquilibrage vers les pays les moins développés. A ce moment les pays nouveaux devront par alignement constituer des droits sociaux. L'élévation du niveau de vie des nouveaux membres entraînera une diminution des délocalisations et donc un rééquilibrage avec moins de risques pour les citoyens de l'Europe de l'Ouest.
Pensez-vous que la création d'institutions uniques en Europe participerait au développement de la démocratie (à travers un système éducatif semblable par exemple) ?
- Certaines institutions doivent être uniques : il faudrait, par exemple, un seul ministre des affaires étrangères. Un pouvoir relativement grand lui reviendrait, ce qui permettrait à l'Europe d'avoir plus d'influence pour diffuser ses principes, et également une plus grande unité. De même, une défense commune est-elle nécessaire ?
- En revanche, il n'est pas certain que ce soit utile en matière d'éducation. Certes, il faut faire valoir les diplômes au niveau européen mais il ne faut pas oublier que l'éducation de chaque État est basée sur une culture propre, ancrée depuis longtemps ; il faut conserver ces cultures qui font la richesse de l'Europe.
- D'autres domaines, comme par exemple ceux de la justice, de l'ordre public, doivent incontestablement être gérés au niveau de l'État. Il faut alors appliquer le principe de subsidiarité : pour chaque institution, chaque chose à gérer, il faut choisir l'échelle d'organisation la plus appropriée.
La constitution d'une armée européenne permettrait-elle de défendre la démocratie ?
- Une armée européenne serait utile en cas d'agression qui menacerait la démocratie (comme en 1940-1944). Même si aujourd'hui, sans armée unique, il est probable que la solidarité entre pays membres pourrait jouer en cas de conflit, il faut une armée et une défense unique, pour sauvegarder les valeurs fondatrices.
- La paix est le fruit de la construction européenne : on connaît depuis 60 ans la plus longue période sans guerre dans l'histoire de l'Europe : il est donc important de maintenir cette paix.
Quel doit être le rôle du citoyen et celui des élus tels que les sénateurs ?
Incontestablement, le citoyen doit être actif, c'est-à-dire : se rendre aux urnes pour voter, avoir un rôle critique pour faire des choix, chercher à s'informer, rechercher les responsabilités, travailler dans le sens de l'Union européenne.
Mais, s'il apparaît qu'une souveraineté européenne s'avère essentielle, il est nécessaire de conserver aussi sa souveraineté nationale.
On en vient donc au rôle de l'élu en tant que citoyen à part entière, l'élu a les mêmes devoirs que ce dernier. Il a également un devoir de participation au processus de construction qu'il doit concilier avec le devoir de conserver les valeurs de la France.
Un législateur tel que l'est un sénateur doit donc veiller à ce que les directives européennes soient en harmonie avec le droit français, pour en faire des lois applicables et respectant les valeurs françaises.
2. Interview de Mme Michèle André, vice-présidente du Sénat,
sénatrice socialiste du Puy-de-Dôme
réalisée par les élèves du Lycée Fénelon - Clermont-Ferrand
1 er trimestre 2005
Comment les règles de la démocratie sont-elles suivies et défendues au quotidien et comment réagir face à ceux qui les violent en paroles ou en actes ?
« Nul n'est censé ignorer la loi », telle pourrait être la phrase qui illustre le mieux la cohabitation entre les citoyens. En effet la démocratie est d'abord définie par le respect des autres qui passe par le respect des lois.
Il y a divers acteurs chargés de faire respecter les lois : les maires, les procureurs de la République, etc....
Les lois sont votées au Parlement par les deux Chambres qui ont le même rôle législatif (même si on met davantage l'accent sur l'Assemblée nationale dont les débats sont retransmis par les médias).
Ces lois sont là pour fixer les règles de la démocratie ; en effet la démocratie reconnaît que chacun est libre et donc, il faut établir des règles pour pouvoir vivre ensemble. Les citoyens, en votant, donnent leur confiance aux élus ; ceux-ci sont mandatés pour faire appliquer les décisions en notre nom (exemple : le Conseil général).
Donc, la démocratie est une ambition partagée, une façon de diriger avec de multiples acteurs qui, tous, servent le respect de la démocratie.
De ce fait, au quotidien, nous sommes tous dépositaires d'un petit morceau de la démocratie, nous en sommes tous responsables.
Est-ce que le fait qu'il y ait plus de pays dans l'Union européenne pourrait mettre en péril la démocratie ?
Il ne faut pas oublier que l'Europe, dès le départ, c'est une volonté, celle de la France et de l'Allemagne. Les conflits répétés et leurs conséquences (hémorragie chez les hommes jeunes, en particulier lors de la guerre de 14) ont conduit à un accord après la seconde guerre mondiale entre ces deux pays. France et Allemagne sont vite rejoints par 4 autres pays qui mettent en commun valeurs et richesses.
L'Europe à 25 ? Ce qui est difficile à 25, c'est que les nouveaux venus n'ont ni les mêmes constitutions, ni la même relation à la démocratie. Certains venus de l'ancien bloc de l'Union Soviétique, ont une habitude récente des élections et de la démocratie.
Il faut donc qu'ils apprennent vite et il faut les ancrer dans l'Union. Il s'agit pour eux de montrer que la démocratie, avec des élections libres organisées, est la valeur première. Pour tous ces pays, il n'y a pas de retour en arrière possible. C'est une façon de dire que les dictatures sont définitivement derrière nous.
On peut donc conclure que l'Union ne menace pas la démocratie, mais chaque pays doit respecter ces valeurs propre à notre communauté et faire vivre sa propre constitution qui est en quelque sorte un traité pour gérer la vie en commun, définir quelques cadres de vie pour la communauté, soit un rôle semblable à celui qu'aura à jouer le traité constitutionnel pour l'ensemble de ses partenaires.
En cas de coup d'état dans un pays de l'Union, existe-t-il un moyen non violent, à l'intérieur de la Communauté, pour empêcher une prise de pouvoir arbitraire ?
Quel est le gendarme de l'Europe ? Quelle en est l'autorité ? C'est le Conseil des Ministres de l'Union européenne (par exemple tous les Ministres de l'Intérieur de tous les pays membres).
Pourrait-on aller jusqu'à un état de guerre contre un membre de la Communauté ? Ce serait un paradoxe par rapport aux idées de la démocratie. Cependant celui qui aurait franchi la ligne jaune ne pourrait pas rester, même si l'exclusion est une décision très difficile.
De fait, les parlementaires européens sont garants des libertés et doivent être vigilants ; ils peuvent donner un avertissement aux contrevenants (cela s'est produit avec l'Autriche).
L'Europe dispose donc de tous les moyens de pression (dire, rapporter, contredire, manifester...) dont dispose chaque pays démocratique. Cela signifie que pour protéger la Communauté Européenne, il faut - à tous les niveaux - rester toujours vigilant. Il faut que partout les opinions publiques, la presse, l'expression restent libres. Il faut que partout la citoyenneté soit exercée. C'est à dire qu'il faut aller voter.
Tout cela est très important pour prévenir et empêcher toute prise de pouvoir par la force ou par la ruse.
Trouvez-vous que l'immunité des hommes politiques appartient à l'état d'esprit de la démocratie ?
C'est une question sensible, car les choses ne sont pas vues de la même manière selon où l'on se trouve.
Il est logique que le parlementaire bénéficie d'une protection dans le cadre de son mandat. Il est normal, par exemple, qu'un parlementaire en déplacement à l'étranger, dans le cadre de sa mission, ne puisse pas être inquiété ou mis en prison.
En revanche il est anormal qu'il profite de sa situation pour s'adonner à des activités illicites ou s'enrichir personnellement. Dans ce cas il est condamnable.
C'est pourquoi l'immunité parlementaire peut être levée si la faute paraît devoir être jugée de droit commun.
Parfois il est plus compliqué de prouver la faute, par exemple lorsque le parlementaire commet des actes de façon très dissimulée (vente d'armes...).
En conclusion, l'immunité ne doit exister que pour ce qu'elle couvre. On n'a pas le droit, parce que l'on est parlementaire, de déroger à la règle commune.
Oui à l'immunité pour le mandat ; non pour le reste !
Comment enseigner la démocratie dès le plus jeune âge ?
Peut-on enseigner la démocratie ? L'apprentissage de la démocratie se fait dès le plus jeune âge grâce à l'exemple que les parents peuvent donner. Certains enfants -privilégiés- ont la chance de naître dans une famille qui pratique la démocratie : parents qui vont voter avec les enfants, qui discutent de ce sujet... D'autres n'ont pas cette chance et se contentent de voir leurs parents « râler » devant la télé sans agir. Ces enfants comprennent souvent moins bien ce qu'est la démocratie.
L'école, dans le cadre de l'instruction civique, donne des explications sur les mécanismes de la démocratie et sur les institutions. Elle peut aussi favoriser les rencontres comme celle-ci, qui aident à comprendre ce qu'est la démocratie. L'actualité permet d'acquérir ou de renforcer cette connaissance des principes démocratiques.
En conclusion, il est nécessaire de se servir de tous ses droits et d'utiliser toutes les lois si l'on veut protéger et renforcer la démocratie. En effet, une loi non utilisée est une loi qui meurt et donc une parcelle de démocratie qui disparaît.
3. Interview de M. Bertrand Auban, sénateur socialiste de Haute-Garonne
réalisée par les élèves du Lycée Bellevue - Toulouse
22 février 2005
Dans quelle mesure le Sénat participe-t-il à la défense de la démocratie ?
Le Sénat est issu du suffrage universel au même titre que l'Assemblée nationale, même si le mode d'élection des sénateurs est différent. Les deux chambres forment le Parlement qui est un organe essentiel de notre démocratie. Vous savez, l'Assemblée nationale et le Sénat se retrouvent, ne serait-ce que lundi prochain, de temps en temps en Congrès, qui s'appelle le Congrès du Parlement, c'est-à-dire députés et sénateurs réunis lorsqu'il s'agit de modifier la Constitution. Le Sénat participe, comme l'Assemblée nationale, à l'élaboration et au vote de la loi. Mais c'est l'Assemblée nationale qui a le dernier mot car elle est élue au suffrage universel direct, c'est-à-dire par tous les citoyens en âge et mesure de voter, tandis que le Sénat est élu par les délégués des collectivités locales.
Si vous voulez, dans la démocratie, ou dans la République, il y a l'exécutif, le législatif et le judiciaire qui sont les trois pouvoirs séparés. L'exécutif, c'est, dans notre Constitution, le Président de la République et son bras agissant : le Premier ministre. Ensuite, il y a la partie législative : le Gouvernement ne fait jamais les lois, il propose de les faire. Et le pouvoir judiciaire est complètement indépendant. Voilà les socles de la République.
Une démocratie parfaite est très certainement une utopie : peut-on toutefois améliorer la nôtre, et comment pouvez-vous, vous sénateurs, l'améliorer ?
Une démocratie parfaite est une utopie, oui je suis d'accord, si ce n'est qu'il y a très peu de pays au monde qui vivent la démocratie. Notre démocratie est régulée par le bicamérisme : l'Assemblée nationale et le Sénat. Pour ce qui est de la Constitution française, elle est modifiée, soit par le Congrès, soit par référendum. La France est quand même une démocratie, c'est incontestable, si ce n'est que les pouvoirs d'un seul homme ou d'une femme, le Président, sont exorbitants.
On peut améliorer notre démocratie en réduisant les pouvoirs du Président de la République et en donnant davantage de pouvoir aux élus du peuple, c'est-à-dire aux parlementaires.
La démocratie est le moins mauvais système. La France est un pays de liberté où l'on a le droit de se réunir en syndicat, de créer des associations, etc. Il y a une certaine importance de la vie associative. De plus, la séparation des pouvoirs est un gage de la démocratie.
Une démocratie peut être facilement fragilisée : y a-t-il des signes qui le montrent pour la nôtre et quels sont les moyens qui permettent de la préserver, voire de la rendre plus forte ?
Elle peut toujours être menacée par les anti-démocrates mais disons qu'il y a des pays qui sont davantage inscrits dans l'histoire démocratique que d'autres, dont la France qui a une vieille histoire démocratique depuis une centaine d'années, depuis la Révolution française, même s'il y a eu entre temps des monarchies.
Tout d'abord, le peuple est important pour défendre la démocratie, vous pouvez toujours avoir des idées différentes mais dès que vous touchez un peu à la République ou à la démocratie, les gens se réveillent et y sont sensibles. Ils peuvent être mécontents d'un gouvernement mais ils savent qu'ils auront l'occasion de manifester leur mécontentement en votant. D'où l'idée du vote qui est une conquête phénoménale pour la démocratie. C'est un choix et une liberté de voter et vous savez qu'il y a un débat « est-ce que l'on compte les bulletins blancs ou pas ? ». Car quand on vote oui ou quand on vote non, ce n'est pas tout à fait pareil que quand on vote oui et non ; disons que ceux qui votent oui et non, ils ne choisissent pas.
Quel est le statut des femmes dans la démocratie ? Au niveau politique, ont-elles toutes leur place ? Sur un plan plus général, y a-t-il une véritable égalité des sexes ?
Je pense qu'il y a une inégalité entre hommes et femmes. Aujourd'hui, à qualification égale, à poste égal, il y a des domaines où les femmes sont moins payées que les hommes. Il y a d'autres domaines, au niveau des recrutements, mettons qu'il y ait une tendance : on s'aperçoit que dans les entreprises, vous avez au bas de la pyramide, dans les postes non qualifiés, autant d'hommes que de femmes. Dès qu'on monte dans la hiérarchie, ça devient une denrée rare. Donc, il y a un choix culturel qui n'est pas normal, et en politique, c'est un peu pareil, si ce n'est que le gouvernement a instauré la parité, qui ne produira ses effets que dans quelques dizaines d'années. Aujourd'hui, les élections à la proportionnelle imposent qu'il y ait autant d'hommes que de femmes, pour les municipales et les sénatoriales. Avant, il y avait un scrutin uninominal : la Haute Garonne aura un scrutin avec automatiquement des listes : un homme-une femme ou une femme-un homme. Pour les municipales, c'est pareil, dans les six premiers, il doit y avoir trois hommes, trois femmes. Dans les six autres, trois hommes, trois femmes.
Tout de même, la discrimination envers les femmes est en train de s'arranger, il y a autant d'hommes que de femmes dans les études, et professionnellement, il y a de plus en plus de femmes qui travaillent. En politique, il y a autant d'hommes que de femmes, par exemple, pour le Sénat qui est élu pour partie à la proportionnelle, (alors que l'Assemblée nationale qui n'y est pas) il y a aujourd'hui un pourcentage de femmes bien plus élevé qu'à l'Assemblée. Et la prochaine fois, encore plus. Donc, contrairement à ce que l'on croit, le Sénat est plus féminisé que l'Assemblée.
La mondialisation et le libre-échange ont-ils une incidence dans le développement de la démocratie ? Comment faire pour satisfaire économiquement le plus grand nombre d'individus ?
La démocratie se joue sur un plan économique et social. Les services publics sont des facteurs d'égalité, par exemple la baisse des impôts peut être très pernicieuse. C'est la seule façon de rendre les choses un peu égalitaires. Ceux qui ont beaucoup d'argent payent davantage d'impôts que ceux qui n'en ont pas. Ces impôts servent à tout le monde. Donc l'économie et la démocratie sont étroitement liées si ce n'est qu'au niveau de la mondialisation, cela rend les choses plus compliquées. La mondialisation est un vrai débat.
Les capitaux français sont souvent minoritaires. Lorsque les actionnaires commandent : il faut de la rentabilité, donc il y a uniquement des chiffres. Et si cela ne marche pas, on ferme telle entreprise, donc c'est anti-démocratique, car les gens concernés ne sont que des bouchons qu'on délocalise. Donc, si vous voulez, s'il y a des combats aujourd'hui anti-trusts au niveau mondial, sachez que dans la nuit des flux boursiers traversent l'Atlantique qui font quinze fois le budget de la France.
Donc tout ceci est forcément anti-démocratique et c'est le problème qui perturbe toute la logique politique.
4. Interview de M. Denis Badré, sénateur UC - UDF des Hauts-de-Seine
réalisée par les élèves de la classe de 1ère européenne du Lycée Rabelais - Meudon
9 mars 2005
Quelle est votre définition de la démocratie ?
Il y a démocratie quand c'est le peuple qui gouverne. Il faut distinguer la démocratie directe d'une part de la démocratie parlementaire d'autre part. La première forme de démocratie est présente en Suisse d'une certaine manière, son principe est que c'est le peuple lui-même qui vote directement toutes les lois. La deuxième forme de démocratie est celle qui est présente dans l'ensemble des pays démocratiques plus peuplés : les représentants élus par le peuple votent les lois et contrôlent le pouvoir exécutif. On s'est posé récemment la question de savoir si avec l'apparition d'Internet il n'était pas possible d'instaurer une forme de démocratie plus directe. Mais je pense qu'il n'est pas possible de consulter tous les Français sur tous les sujets en particulier des sujets techniques ou pointus. Dans ce cas, seul un lourd travail d'analyse, effectué systématiquement par les députés et les sénateurs à chaque examen d'une nouvelle loi, permet de se faire un avis.
Je voudrais insister sur un principe de base de la démocratie qui me semble parfois oublié c'est celui du consentement à l'impôt. A partir du moment où l'on vit en société, il faut accepter de payer l'impôt qui permet de satisfaire les besoins essentiels de tout un chacun : la sécurité par exemple.
Pourquoi la démocratie est-elle selon vous le meilleur des régimes ?
La démocratie n'est peut être pas le meilleur des régimes mais pour reprendre les termes de Churchill je dirais que c'est en tous les cas le moins mauvais. Tout système politique est structuré autour d'un principe dominant, ce principe est parfois l'armée, l'argent... Dans une démocratie, ce principe dominant est le peuple et son consentement, c'est une bonne chose. ... Dans une démocratie, il y a également ce principe essentiel qui fait que force reste à la loi.
Au Sénat, une cérémonie symbolique se déroule à l'ouverture de chaque séance : lorsque le président rejoint la tribune, une haie de gardes républicains l'encadre en présentant les armes ; cela signifie que « force doit rester à la loi ». D'ailleurs, sur les murs de l'hémicycle, les mots vis (force) et lex (loi) se font face.
Comment faire face aux dangers qui menacent actuellement la démocratie française à savoir l'abstention et la montée des partis extrémistes en particulier le Front National ?
L'éducation civique me paraît être la meilleure des réponses. Il faut multiplier les initiatives en direction des jeunes pour leur faire comprendre comment fonctionne notre régime démocratique. Il faut expliquer aux citoyens français la chance qu'ils ont de pouvoir voter. Beaucoup de gens dans le monde qui vivent dans des régimes autoritaires nous envient, il ne faut pas l'oublier.
A votre avis, la Constitution Européenne serait-elle un moyen d'ancrer encore davantage la démocratie et les valeurs démocratiques dans l'Union européenne ?
L'Union européenne a longtemps fonctionné avec un système de traités : il y a eu tout d'abord le Traité de Rome, puis des enrichissements ont été apportés successivement par les traités suivants. Les vingt-cinq pays de l'Union européenne étaient donc liés par des traités. On va à présent avoir une véritable union dans l'exercice des compétences de l'Union européenne grâce à la constitution.
L'élargissement possible de l'Union européenne engendrait autant de peur que d'espoirs, c'est pourquoi l'Europe s'est élargie progressivement : c'est une bonne chose.
Il est bien que des pays aient fait ce choix, notamment des pays de l'est qui, en quittant l'Union soviétique, qu'ils n'avaient pas choisie, ont décidé de rejoindre l'Union européenne.
Une question sur l'intégration de la Turquie dans l'Union européenne : est-ce, à votre avis, un moyen de diffuser la démocratie en obligeant la Turquie à s'aligner sur un certain nombre de critères, en particulier sur les droits de l'homme pour pouvoir un jour rejoindre l'Union européenne ? Ou la Turquie représente-t-elle au contraire un danger pour les valeurs démocratiques de l'Union européenne ?
Cet élargissement de l'Union européenne, nous allons devoir le vivre dans le quotidien de l'action, jour après jour. La Turquie est un pays très différent, très lourd économiquement. Peut-être faudrait-il d'abord consolider l'Europe des vingt-cinq avant d'envisager la candidature de la Turquie.
On se pose souvent la question de savoir si la Turquie est réellement, historiquement et géographiquement parlant, une partie de l'Europe. Mais le détroit du Bosphore (qui signifie « pont ») relie plus qu'il ne sépare l'Europe et la Turquie. D'ailleurs, dans notre Histoire, les mers ont souvent joué un rôle de liaison : il n'y a qu'à prendre l'exemple de la Grèce antique, qui était bien plus tournée vers la mer que vers les terres. La Rome antique était également axée sur la mer Méditerranée. De nos jours, on peut citer l'Atlantique, qui est une nouvelle Mare Nostrum , grâce à nos échanges avec l'Amérique.
Par ailleurs, on exagère peut-être les différences historiques entre l'Europe et la Turquie. St Nicolas, très populaire dans les pays de l'Europe du nord et de l'est, était Turc, et Thalès, mathématicien dont nos écoliers connaissent bien le théorème, était Anatolien. Alexandre le Grand, Macédonien, a régné sur la Grèce. La France s'est même alliée avec Soliman le Magnifique.
Politiquement, la Turquie ne satisfait pas les critères de candidature : ce n'est pas encore un pays très démocratique. Les droits de l'homme, et ceux de la femme, n'y sont pas encore bien respectés. Mais la Turquie évolue très vite. On y enregistre 400 000 nouveaux étudiants par an. L'armée turque, très importante avec ses 800 000 hommes, n'est pas négligeable ; c'est d'ailleurs pourquoi la Turquie adhère à l'OTAN depuis les débuts.
Je pense qu'un non catégorique à la candidature de la Turquie serait une très mauvaise chose, totalement contre les intérêts de l'Europe. La Turquie pourrait dériver vers un islamisme intégriste, ce qui serait très mauvais pour l'Europe ; mieux vaut s'allier.
Je pense qu'il faudrait donc encourager la Turquie, souligner ses améliorations, et lui laisser la perspective d'une future candidature à l'Union Européenne, lorsqu'elle aura effectué les changements nécessaires. On pourrait également faire jouer aux Turcs un rôle dans les tentatives d'apaisement des conflits du Moyen-Orient : les Turcs sont musulmans, et entretiennent de bonnes relations avec Israël ; ils pourraient être de futurs médiateurs.
Une dernière question : à votre avis, faut-il, dans certains cas, exporter la démocratie par les armes ? (On peut penser à la politique américaine au Proche Orient et en Irak en particulier). Quels sont, à votre avis, les autres moyens de diffuser la démocratie ?
Je vais vous raconter une histoire, celle d'une femme dont j'ai récemment assisté au centième anniversaire ; cette femme a d'abord fui, avec ses parents, vers la Russie tsariste pour échapper à la Première Guerre mondiale. Puis le tsar a été assassiné en 1917, et la femme dont je vous parle a fui les Bolcheviks pour retourner en France, où elle s'est mariée à un homme qui a combattu durant la guerre d'Espagne avant de prendre part à la résistance pendant la Deuxième Guerre Mondiale. Cette femme a donc connu tous les totalitarismes du vingtième siècle. Et voici ce qu'elle disait, lors du discours de son centenaire : « il n'y a pas de guerre juste ».
De plus, je suis revenu il y a trois jours d'un voyage professionnel en Colombie. C'est un grand pays de quarante-cinq millions d'habitants, dont la superficie représente environ le double de celle de la France, dont les médias ne parlent pas si souvent. Eh bien, j'irais presque jusqu'à dire que la situation, là-bas, est pire qu'en Irak. Les FARC contrôlent la production de drogue, achètent des armes ; les AUC, mouvements paramilitaires, font pareil. Ainsi deux puissances militaires et financières se sont formées, qui contrôlent tout le pays. 3000 assassinats politiques par an sont perpétrés en Colombie, sans distinction de classe ou de fonction, et des milliers d'otages politiques sont déplacés vers des bidonvilles. Les élections sont dites libres, mais les candidats qui n'agréent pas aux terroristes sont souvent assassinés.
Dans un système pareil, forcément, les gens rêvent d'une vraie démocratie, car la démocratie, c'est la liberté. La démocratie n'a pas de prix.
Quant aux moyens de diffuser la démocratie, Vaclav Havel disait dans un discours que « notre histoire est faite de gloire et de misère ». Nous avons vécu, en Europe, toutes les horreurs imaginables, avant de s'en sortir grâce à la démocratie pour en arriver finalement à l'Union européenne. Ainsi, sans dire aux autres peuples de nous imiter, nous pouvons leur dire que, quoi qu'il se passe, quelle que soit la situation, il y a des gens qui ont vécu ça avant et qui s'en sont sortis. Nous pouvons leur dire qu'il y a toujours un moyen de s'en sortir. Pour nous, ç'a été la démocratie.
5. Interview de M. Joël Billard, sénateur UMP d'Eure-et-Loir
réalisée par les élèves du Lycée Rotrou - Dreux
7 mars 2005
M. Le sénateur nous a, pour commencer, parlé de la démocratie, en insistant sur le fait que la démocratie "c'est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple", la démocratie repose également sur des droits : droit de se déplacer librement, droit d'asile, droit au travail, droit syndical, droit de grève, droit de protection de la santé et droit à l'instruction et les applications de cette démocratie sont : les libertés de conscience, de pensée, d'expression, d'association, de presse et l'égalité politique, ces libertés apportent une quantité de devoirs : le fait d'exprimer ses opinions, de s'informer et surtout de respecter les opinions des autres. La démocratie c'est aussi l'état de droit c'est-à-dire un état dans lequel les pouvoirs publics sont soumis au respect de la légalité, et la séparation des pouvoirs entre les domaines exécutif, législatif - celui auquel le Sénat appartient - et judiciaire. Il y a différentes démocraties : participative, représentative, directe... la démocratie de la France est semi-directe.
Notre rendez-vous a été retardé car la semaine dernière votre présence était requise au Congrès. Pouvez-vous nous expliquer ce qui s'est passé au Congrès ?
On est réuni en Congrès chaque fois que l'on doit modifier les institutions. Le Congrès réunit les députés élus par le peuple et les sénateurs élus par les grands électeurs. C'est une élection indirecte. Dans le parlement aujourd'hui le pouvoir revient toujours aux députés lorsqu'il y a une discordance entre les députés et les sénateurs. Après les navettes entre les deux assemblées et une commission mixte paritaire de 7 députés et 7 sénateurs qui doit trouver une voie qui satisfait tout le monde. Si on n'est pas d'accord, les députés ont le dernier mot, sauf en matière constitutionnelle. Au Congrès où on doit voter la constitution c'est égalitaire et pour modifier la constitution il faut avoir l'accord des trois cinquièmes des parlementaires... Cette égalité est importante parce que les députés élus directement par le peuple bénéficient du poids du nombre sont plutôt les élus des villes même s'ils s'intéressent au monde rural. En Eure-et-Loir il y a 4 députés, 4 maires de grandes villes...
Pourtant les circonscriptions s'étendent largement....
Le poids électoral favorise les villes. Globalement l'Assemblée nationale est plutôt urbaine et on aurait une partie de la population qui n'aurait pas mot à dire. Le vote égalitaire du Congrès se fait avec les députés qui représentent le peuple et les sénateurs qui représentent les territoires.
Nous on est élu indirectement. On représente le peuple aussi.
Qu'est-ce qui s'est passé ?
Il a fallu modifier la constitution pour instaurer le principe du référendum et inclure dans la constitution la charte de l'environnement... comme en mars 2003 on a inclus le principe de décentralisation.
Le Congrès est là seulement pour modifier la Constitution. Avec ce vote, pour toute nouvelle entrée dans l'Union européenne, il y aura auparavant recours au référendum, et donc accord du peuple.
Est-ce que le mode de suffrage pour les sénateurs et pour vous même n'éloigne pas trop de la vie concrète ?
M. Billard évoque son intérêt pour les affaires locales : la loi oblige un maire à payer des impôts pour être élu dans sa commune, ... moi je trouve important que le maire habite dans sa commune, on vit les problèmes de tous les jours.
Pour défendre la démocratie et la garantir, il semble en effet important d'être présent sur le terrain près des concitoyens...
Cela me paraît indispensable d'être maire... moi qui était atteint par la loi sur le cumul des mandats, j'ai abandonné le conseil général et ai fait le choix devenant sénateur de rester maire, d'être proche de la réalité... On a la chance en France d'avoir 36000 communes qui constituent comme une immense toile d'araignée de bénévoles, qui travaillent écoutent les concitoyens et animent les communes, montent des projets, font des budgets...c'est la base de la démocratie. D'ailleurs les Français ne s'y trompent pas, ces élections intéressent les électeurs...
Quel est le rôle des médias ?
Il est très important, ils informent, ce qui est important pour être plus proche de l'avis des gens et prendre les bonnes décisions concernant différents sujets. Pour développer la démocratie, il faut que le peuple soit écouté un maximum... Au Sénat, on a la chance d'être un peu oublié des medias...on peut peut-être délibérer avec plus de sérénité, on a beaucoup plus de recul au Sénat. Cela fait trois ans que je suis sénateur. J'étais, jusqu'à une date récente, membre de la commission des affaires sociales : les trente-cinq heures, la réforme des retraites, les problèmes de santé, on ne connaît pas tout, on n'est pas spécialistes, on auditionne beaucoup, avant de prendre une décision, on écoute beaucoup... Quand je suis entré au Sénat, il était question de l'arrêt Perruche : quand un enfant naît ou va naître handicapé qui est responsable ? Pour se prononcer là-dessus moi je ne me sentais pas compétent dans ce domaine, on a écouté des médecins, des personnes handicapées, des parents, des associations, on a essayé de prendre une décision la plus judicieuse possible en écoutant beaucoup.
Les commissions sont les lieux de préparation et de travail très important, leurs rapporteurs donnent les avis techniques et financiers sur la faisabilité des projets et de la loi et sur leurs coûts.
- il y a quelque chose de paradoxal : vous dites on auditionne beaucoup et on a l'impression que des rouages démocratiques ne fonctionnent pas et que la rue parle par des manifestations.
- la rue oblige à réfléchir, mais ce sont bien les parlementaires qui tranchent et votent la loi.
Monsieur Billard fait la distinction entre les projets de lois du gouvernement et les propositions de lois des parlementaires en rappelant que seules 25 % des lois viennent du Parlement.
Dans la loi Fillon sur l'éducation, la réforme du bac est avancée puis retirée. Avait-elle été assez préparée ? Pourtant la commission Thélot avait fait un gros travail en amont de la loi. Mais on a eu l'impression que la loi ne tenait pas compte de la commission...
Non cette loi avait tenu compte de la commission... pour nous c'est frustrant de voir un pas en avant, un pas en arrière, ce n'est pas très bon pour la démocratie.
D'autres questions sont posées sur la parité hommes / femmes .
M. Billard fait remarquer que le Sénat est plus féminisé que l'Assemblée Nationale.
A la question est-ce que les femmes ont une approche plus concrète des problèmes ? M. le sénateur répond, « oui, dans certains domaines » et évoque la démocratie locale. Il est sévère vis-à-vis du nomadisme politique qui amène une personne à choisir une circonscription électorale pour se faire élire sans forcément avoir de liens avec l'endroit. Il serait pour une loi obligeant le parlementaire à habiter sa circonscription. Ceci favorise les liens et la démocratie locale.
Un autre principe de la démocratie que M Billard nous a énoncé est celui de la délégation. Selon lui le fait de déléguer à ses adjoints est une action très favorable à la démocratie, puisque cela permet de ne pas donner tous les pouvoirs à une seule personne mais de les partager avec l'équipe municipale. Ses adjoints qui ont en charge un domaine le connaissent et sont les mieux placés pour décider. Il y a une vraie délégation et une responsabilité totale en fonction de l'intérêt et compétences. Sénateur, M Billard se soucie du terrain et circule dans toute sa circonscription, qui est le département : je suis allé dans toutes les communes, j'ai rencontré tous les maires et parfois assisté au conseil municipal rencontrer les personnes... Il fait l'éloge de la vie politique et des élus au service des personnes, de tous. « Ils ne méritent pas le mépris qui s'affiche parfois vis-à-vis du politique... la proximité doit se jouer, la démocratie doit rester cela.
M. Billard évoque le calendrier futur des différentes échéances électorales, et invite à voter : « la première défense de la démocratie c'est d'aller voter, allez voter, un bulletin blanc, une enveloppe vide, mais allez voter, la base de la démocratie c'est le droit de vote...
6. Interview de M. Jean-Marie Bockel, sénateur socialiste du Haut-Rhin
réalisée par les élèves du Lycée Albert Schweitzer - Mulhouse
10 mars 2005
Trouvez-vous intéressant d'organiser des événements comme celui-ci sur la paix et la démocratie en Europe ?
Oui, je suis totalement d'accord avec l'organisation d'événements, car on est en plein dans l'organisation d'un référendum sur une Constitution qui régirait toute l'Europe et que l'on fête cette année le 60 ème anniversaire de la fin du second conflit mondial. Je trouve très important d'organiser de tels événements qui font prendre conscience aux jeunes qu'ils sont les acteurs de la paix et de la démocratie en Europe.
Vous vous souviendrez de cet événement plus tard, vous avez au niveau de la classe fait des recherches importantes sur le système parlementaire qui vous permettront de jouer votre rôle de citoyen. Je pense que vous avez compris que le bulletin de vote est une arme. Ce concours, je le vois, a éveillé votre intérêt et vous a amené à une prise de conscience. Vous êtes devenus des acteurs.
De quelle façon pouvons-nous défendre et développer la démocratie et la paix ?
Vous êtes devenus maintenant des acteurs. Je pense que vous avez bien conscience du message que vous devez transmettre aux autres jeunes, ainsi vous défendez et développez la démocratie. En ce qui concerne la paix, l'Europe est devenue un espace de paix, les conflits se situent à l'extérieur de nos frontières. L'Europe est là pour intervenir dans les conflits. Plus l'Europe sera forte politiquement, plus elle aura de capacité à intervenir dans la gestion des conflits pour préserver la paix. Les jeunes, grâce aux émissions et documentaires, sont mieux informés (exemple : lors de la commémoration du Débarquement).
Qu'est-ce que reflète pour vous le Sénat et qu'elle a été pour vous sa plus grande évolution ?
En France, la démocratie locale est une composante de la démocratie nationale. Le Sénat a reçu la mission spécifique : assurer la représentation des collectivités territoriales de la République. Le Sénat et ses sénateurs entretiennent un dialogue constant avec les élus qu'ils représentent. Ils sont leur voix au niveau national. Le Sénat reflète pour moi la démocratie et il est un frein à tout abus de l'Assemblée nationale par le biais de navettes où les deux chambres discutent des détails des lois. Le Sénat, aujourd'hui, est plus jeune et, grâce au suffrage proportionnel, la présence des femmes est plus forte.
Quel est votre point de vue sur une Constitution applicable à toute l'Europe ?
La Constitution européenne ne régit pas l'Europe au sens où elle n'est pas imposée aux pays qui la composent. Elle a été rédigée notamment par des représentants des gouvernements et des élus de chacun des vingt-cinq pays européens. Elle doit être maintenant acceptée librement par chacun des peuples qui composent l'Europe, soit par voie référendaire, soit par voie parlementaire, comme c'est le cas en Allemagne. Je suis tout à fait d'accord avec une Constitution applicable à toute l'Europe, elle renforce les droits des citoyens et, par exemple, si un pays ne respecte pas les règles dictées par la Constitution européenne, il pourrait être sanctionné.
Nous pensons qu'en Allemagne, il y a beaucoup plus de libertés. Qu'en pensez-vous ?
Je suis d'accord avec vous. On y applique le principe européen. C'est une tradition libérale. Les länder allemands ont plus de pouvoirs, plus de liberté que nos départements. Ils agissent directement là où il y a un problème à régler. Ceci est possible en Allemagne car elle est une constitution fédérale.
7. Interview de M. Auguste Cazalet, sénateur UMP des Pyrénées-Atlantiques
réalisée par les élèves du Lycée Maurice Ravel - Saint-Jean-de-Luz
18 mars 2005
Quelles solutions peut-on proposer aux futurs électeurs collégiens et lycéens pour mieux les informer et les sensibiliser ?
Ce que peuvent faire les institutions (État, territoriales, Europe) c'est surtout de ne pas choisir à votre place mais simplement de vous offrir des conseils et des infos. Les Rendez-Vous de l'Engagement ont été mis en place en 2003. Beaucoup de sites Internet sont consacrés à l'information pour la jeunesse.
Il faut rechercher une meilleure complémentarité entre l'éducation «académique» et les activités sociales menées hors de ce contexte. On constate qu'entre sphère privée, celle de l'intimité, qui ne regarde que la famille et les jeunes, et sphère publique, celle de la vie scolaire et universitaire un vaste champ est à «labourer», celui de la société civile qui peut être un lieu d'engagements enrichissants pour les jeunes, désireux de s'investir dans des projets correspondant à leurs aspirations.
L'engagement reste un vecteur majeur de l'estime de soi et de la reconnaissance des autres sans laquelle il est difficile de s'insérer de manière féconde dans l'espace public. L'engagement n'est pas forcément idéologique mais peut s'incarner dans des valeurs ou des activités. Le fait de se réunir autour d'un projet, si modeste soit-il, procure une force intérieure irremplaçable. Il vous appartient de découvrir comment vos goûts personnels peuvent être employés au service de la collectivité.
Que fait l'Europe pour les jeunes ?
A la suite d'un Conseil des ministres «Jeunesse» de l'Union européenne qui s'est tenu le 22 février dernier, la présidence luxembourgeoise organise un Conseil exceptionnel pour travailler sur le Pacte européen de la Jeunesse . Cette initiative offre une opportunité d'affirmer la confiance en la jeunesse et de reconnaître la richesse qu'elle représente. En tant que Ministre de la Jeunesse, Jean-François Lamour a défendu cette démarche à Bruxelles : «la jeunesse doit être au coeur du projet collectif». Il faut développer et promouvoir l'esprit d'initiative, d'entreprise des jeunes, et les programmes européens doivent accompagner et valoriser les jeunes dans la réalisation de leurs projets.
Face au vieillissement démographique, il faut aider les 75 millions de jeunes européens de 15 à 25 ans à mieux s'intégrer dans l'Europe démocratique en favorisant leur mobilité et en améliorant leur insertion professionnelle et leur participation dans l'activité économique.
Existe-t-il au sein même de l'Union européenne des instances chargées de veiller au bon fonctionnement de la démocratie dans les États membres ? Si oui lesquelles ?
Il existe plusieurs instances chargées de maintenir le fonctionnement de la démocratie dans les États membres : tout d'abord le Conseil européen qui réunit quatre fois par an les chefs d'État et de gouvernement. Il donne à l'Europe une impulsion politique en dotant l'Union d'un programme de gouvernement à long terme pour les citoyens européens.
Ensuite, la Commission européenne, formée actuellement de 25 commissaires désignés par les États membres et investis par le Parlement européen, exprime l'intérêt général européen en proposant les directives et les règlements aux deux organes législatifs. Elle assure le respect des traités et elle est responsable des politiques communes.
C'est le Parlement européen, élu au suffrage universel pour cinq ans, qui représente les citoyens, vote les lois et le budget européens avec le Conseil des ministres. Ce dernier est un organe législatif qui regroupe en formations spécialisées les ministres des États membres et en particulier les ministres des affaires étrangères.
D'après vous, les partis extrémistes ont-ils leur place dans une démocratie ?
La cohésion d'une nation n'est jamais acquise une fois pour toutes. Chaque génération doit la préserver et l'enrichir. C'est une exigence essentielle.
Sur le vote extrémiste, aucun régime politique ne fonctionne à la perfection. Cela est valable pour toute activité collective (entreprise, administration). Il n'est pas anormal que cela suscite des mécontentements.
Cela est encore plus vrai dans un régime démocratique parce que, par nature, la démocratie laisse s'exprimer tous les mécontentements qui autrement ne sont pas transparents. En démocratie, la critique se donne libre cours et elle entretient le mécontentement. Elle le légitime presque.
Or, aujourd'hui, personne ne pense plus qu'il suffit de changer de régime : extrême droite, extrême gauche, altermondialistes... Qui veut renverser le gouvernement et prendre le pouvoir ? Surtout pas...
Dans le projet constitutionnel mis en place, existe-t-il des réformes susceptibles d'améliorer le fonctionnement de la démocratie ?
Oui, la Constitution est une véritable avancée démocratique puisqu'elle implique que le fondement de la légitimité de l'Union européenne sera recherchée dans le consentement des citoyens eux-mêmes. L'affirmation des valeurs de l'Union européenne montre que les droits des citoyens sont mis en avant. De plus, la Charte des Droits Fondamentaux est intégrée dans la Constitution, ce qui lui confère une force juridique dont elle ne disposait pas. Enfin, l'Union européenne adhèrera à la Convention européenne des Droits de l'Homme, ce qui renforce là encore la protection des droits fondamentaux des citoyens.
Le Parlement européen voit ses pouvoirs renforcés par la Constitution grâce au système de co-décision. De plus, par souci d'efficacité, pour éviter l'immobilisme de l'Union européenne dans des domaines importants, l'extension du vote à la majorité qualifiée (55 % des États représentant 65 % de la population) par le Conseil des ministres facilitera la prise de décision dans une Europe portée à 25. Enfin à partir de 2014, la Commission européenne comptera 18 commissaires pour 27 États membres au lieu des 25 qui forment une Commission trop lourde.
La transparence étant également un élément important pour que la démocratie progresse, toutes les délibérations du Parlement ainsi que celles du Conseil des ministres seront publiques, tous les documents de toutes les institutions seront accessibles aux citoyens.
Afin de rapprocher les citoyens de la prise de décision en Europe, on a créé un droit d'initiative populaire selon lequel les citoyens européens pourront, sur pétition d'un million de signatures, saisir la Commission, ce qui renforce leur possibilité de prendre part aux décisions européennes et assure une plus large participation des citoyens.
Ces avancées donnent un contenu à la citoyenneté européenne qui «s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas». Avec la Constitution européenne, il s'agit d'une nouvelle étape dans la définition de la citoyenneté européenne, élément au centre de la formation d'une démocratie européenne.
8. Interview de M. Bernard Cazeau, sénateur socialiste de la Dordogne
réalisée par les élèves du Lycée St Exupéry - Terrasson-Lavilledieu
29 janvier 2005
Comment défendre et développer la démocratie à l'intérieur et à l'extérieur de l'Union européenne ?
A l'intérieur de l'Union :
La partie II de la future constitution européenne est consacrée aux droits fondamentaux de l'union (dignité, libertés, égalité, solidarité, citoyenneté et justice) dont elle garantit l'application et le respect. Dans le préambule, il est notamment mentionné que « les peuples d'Europe, en établissant entre eux une union sans cesse plus étroite, ont décidé de partager un avenir pacifique fondé sur des valeurs communes ».
L'inscription de ces droits dans la constitution européenne est une grande première pour l'Europe et contribuera à l'émergence d'une forte identité européenne fondée sur les valeurs communes de solidarité, de démocratie et de liberté.
Quant au développement de la pratique démocratique et de la liberté d'expression, il passe notamment par :
- la modernisation de nos institutions : parité, limitation des mandats, droit de vote des européens aux élections locales, limitation ou suppression du recours à l'article 49.3...
- le développement de la démocratie participative et l'implication des citoyens dans des comités de quartier, des associations, des commissions, des sièges dans les communautés de communes, des référendums d'initiative locale,
- une lutte accrue contre l'intolérance et les discriminations par des aides, des commémorations, des débats, des prises de position,
- le rôle important joué par l'éducation civique dans l'Éducation nationale, des actions comme ce concours.
Il convient aussi de favoriser l'apprentissage des langues étrangères européennes et développer l'offre de formation dans ce domaine : l'anglais, même indispensable, ne doit pas devenir la seule langue étrangère enseignée dans notre pays. La suppression par le gouvernement d'une quinzaine d'options d'allemand en Dordogne à la prochaine rentrée ne va donc pas dans le bon sens.
« Nous n'avons pas fait l'Europe, nous avons eu la guerre » avait dit le 9 mai 1950 Robert Schuman, alors ministre des Affaires étrangères de la France.
Il faut continuer la construction de l'Europe qui porte en elle la liberté, la prospérité et la paix. Il est important de pouvoir permettre à des jeunes comme vous de partir à la rencontre de vos voisins européens, tisser des liens d'amitié, avoir une meilleure connaissance de l'Europe et de ses peuples et par là même savoir faire preuve d'ouverture d'esprit et de tolérance.
Le développement des échanges culturels, notamment entre les établissements scolaires y contribue. Le Conseil général soutient activement ce type d'action : des bourses sont notamment attribuées aux collégiens participant à des voyages scolaires à l'étranger ainsi qu'aux étudiants partant étudier dans un autre pays de l'Union européenne dans le cadre du programme Erasmus.
A l'extérieur de l'Union :
Aujourd'hui dans le monde sur 6,4 milliards d'habitants, la moitié vit dans la pauvreté avec moins de 2 euros par jour. Cette situation explosive ne fait qu'empirer. Comment agir sur ce qui ne doit pas être accepté comme une fatalité ?
L'Europe, l'État français, les communes, départements et régions peuvent aider des pays en difficulté. Cette coopération, qui a pour objet d'aider au développement économique des pays en difficulté, aide également les pays développés en permettant un maintien de la paix, en faisant reculer le terrorisme, en favorisant l'émergence de démocraties, en canalisant les épidémies, la pollution, en limitant à terme l'immigration. Le tsunami en Asie et les difficultés de coordination de l'aide massive qui afflue ont bien sûr été au coeur des débats. Mais il ne faut pas oublier que l'Afrique subit tous les 10 jours un tsunami silencieux, c'est-à-dire l'équivalent de la catastrophe en Asie en terme de mortalité, et ce, en raison de la pauvreté et de la rareté de l'eau.
Pouvez-vous préciser quelques actions du département pour plus d'entraide et de démocratie en Europe ?
Le Département participe également à de nombreux programmes européens et des échanges avec les divers pays d'Europe ont lieu régulièrement. Ces échanges permettent de confronter des modes de fonctionnement, des organisations et de faire ainsi connaître les expériences les plus réussies. Ce sont avant tout, des occasions de rencontres et d'enrichissements humains qui enracinent une paix durable.
Le département de la Dordogne accompagne depuis 2000 un projet de coopération décentralisée avec la commune de Sokone au Sénégal (Afrique). Il coopère également avec l'Afghanistan, la Hongrie et envisage d'accompagner un projet de reconstruction en Asie.
Le département de la Dordogne participe aussi au Programme Jeunesse dont l'objet est d'accueillir des jeunes européens en Dordogne, d'envoyer des jeunes de la Dordogne dans un autre pays d'Europe, d'organiser des échanges de groupes de jeunes.
Pour ne citer que trois programmes européens en exemple :
- le Raid européen est une manifestation éducative, culturelle et sportive pour permettre à des jeunes de tous les pays de l'Union européenne de se rencontrer ;
- le programme Pepee a permis l'élaboration d'un Cd Rom éducatif afin de rendre accessible au public la culture préhistorique commune à 3 régions européennes : la Vallée de la Vézère, la Vallée du Côa (Portugal) et les Asturies (grotte de Tito Bustillo - Espagne) ;
- le programme Equal pour favoriser l'insertion des personnes en difficulté et des travailleurs saisonniers a ainsi été conduit en partenariat avec la ville de Jaen en Andalousie, Espagne.
Le Conseil général possède son propre service des affaires européennes, chargé de mettre en oeuvre et d'accompagner les projets co-financés par l'Europe. Certains de ses projets sont même réalisés en collaboration avec des partenaires européens : ainsi, le projet expérimental Map (développement de l'administration électronique dans le domaine social) a été mené par le Conseil général, en partenariat avec, entre autres, des collectivités territoriales d'Italie et de Suède, et avec une Université polonaise...
Les jumelages en Dordogne
Favoriser les jumelages et les partenariats qu'ils impliquent sur le plan culturel, économique, social : de nombreuses communes du département sont ainsi jumelées avec des communes européennes : Ribérac avec Rietberg (Allemagne), Périgueux avec Amberg (Allemagne), Boulazac avec Bibbiena (Italie), le Pays d'Ans avec la ville d'Ans en Belgique, Terrasson avec Theux (Belgique), Bergerac avec Faenza (Italie), Les Eyzies de Tayac avec Puente Viesgo (Espagne)...
La richesse patrimoniale de la Dordogne a également conduit certains sites historiques ou naturels à travailler avec des sites européens : la grotte du Grand Roc aux Eyzies est par exemple jumelée depuis peu avec celle de Frasassi en Italie.
9. Interview de M. Michel Charasse,
sénateur socialiste du Puy-de-Dôme
réalisée par les élèves du Lycée de la Légion d'Honneur - Saint-Denis
1 er trimestre 2005
Pensez-vous que la démocratie française soit en danger par la montée de l'abstentionnisme ? Quels sont les gardes fous de la République française ? Quels sont ceux de l'Europe ?
Oui, la démocratie est en danger, car plus on en parle, moins on la supporte. La base, c'est que le perdant doit continuer le combat, mais il a perdu et attend les prochaines élections. Aujourd'hui, le perdant essaye de créer des institutions pour empêcher la majorité de gouverner et les médias ont une mauvaise influence pour la démocratie.
Le garde fou de la République française, c'est la conscience démocratique et républicaine des élus et il faut arrêter de monter des comités.
Il n'y a pas de garde fou de l'Europe, car l'Europe qui se construit est indifférente à la souveraineté des peuples.
Quelles pourraient être les mesures à prendre pour que les électeurs reprennent goût au vote ?
Le taux d'abstention élevé vient du fait que beaucoup de gens ont l'impression de ne pas être concerné. Aujourd'hui, les élus sont interdits de s'occuper de la moitié des affaires qui concernent directement les gens. Pour que les électeurs reprennent goût au vote, il faut faire en sorte qu'ils sentent que c'est eux qui ont le pouvoir.
Comment, selon vous, pourrait-on améliorer la démocratie ? Avec Internet ?
La démocratie peut être améliorée en revenant aux fondamentaux. Les seuls pouvoirs devraient être les pouvoirs élus et surtout les médias ne devraient pas être le quatrième. Non, je pense que l'utilisation d'Internet dans notre démocratie se révèlerait inutile. Il est clair que l'on ne peut pas voter à partir d'Internet. C'est un très bon moyen pour diffuser des connaissances, mais cela ne sollicite aucune intelligence.
Comment pourrait-on développer la démocratie européenne, sachant que les élections européennes sont celles où le taux d'abstention est le plus élevé ?
Les peuples ne croient pas que l'Europe existe. Ils croient que le Parlement européen n'a pas de pouvoir. Ils ne connaissent pas leur député européen. La démocratie européenne n'existe pas et les institutions européennes n'ont pas envie qu'elle existe. Le noeud du pouvoir, c'est la Commission européenne qui est désignée par les États : elle fonctionne seule et fait ce qu'elle veut.
Pensez-vous que la simplification des textes soit souhaitable pour les rendre plus accessibles à tous les citoyens ?
Il y a trop de lois et les textes sont mal écrits et cela ne veut rien dire. On peut à peine comprendre.
10. Interview de Marcel-Pierre Cléach, sénateur UMP de la Sarthe
réalisée par les élèves du Lycée Gérard de Nerval - Luzarches
1 er trimestre 2005
La démocratie, étymologiquement du grec « demos » le peuple et « kratos » le pouvoir, est née dans l'Antiquité par l'inspiration du savant et philosophe grec Périclès. Oubliée depuis ce temps, elle a refait surface avec Montesquieu qui la définit comme un système politique dans lequel le peuple exerce la souveraineté. Au cours du temps ce concept sera successivement renié puis amélioré, avant d'être le fil conducteur actuel de nombreux pays.
Nous nous sommes demandés, dans le cadre de ce concours, ce qui pouvait se cacher derrière cet idéal démocratique. C'est dans ce but, que nous avons rencontré M. Cléach, sénateur de la Sarthe qui a bien voulu nous recevoir pour répondre à nos questions.
Comment définiriez-vous la démocratie au jour d'aujourd'hui ?
Dans notre démarche et vocabulaire général, la démocratie est un ensemble de valeurs : il s'agit de la représentation du peuple dans son ensemble, peuple qui s'autogouverne par la voie de délégations des représentants, par la liberté (d'expression, de religion...), l'absence de discrimination (de sexe, d'éducation, couleur de la peau, nationalité...).
Le fonctionnement de ce concept repose en France sur un système représentatif, une élection à différents niveaux : au suffrage universel direct pour les communes, les départements, les régions, l'État, et au suffrage universel indirect pour l'élection des sénateurs, par collège électoral composé de délégués des conseillers généraux, municipaux, de conseillers régionaux et députés.
Quelques mots sur le mode de scrutin, le mode de fonctionnement de la démocratie ; on trouve deux modes de scrutin proportionnel ou majoritaire. Le premier est le plus démocratique car il permet théoriquement de représenter tous les mouvements de pensée.
En France nous avons une anomalie, les 15 % du corps électoral ayant voté pour Le Pen ne sont pas représentés à l'Assemblée nationale puisqu'il s'agit d'un scrutin majoritaire. On donne aux partis qui obtiennent le plus grand nombre de voix au premier tour un avantage forfaitaire lourd qui permet d'avoir des majorités plus sérieuses, c'est le cas à l'Assemblée nationale ou on arrive à avoir de très fortes majorités. Cet avantage fort permet d'assurer une majorité stable qui permet un gouvernement stable pendant la durée de la législature. J'ai vécu pendant la 4 ème république où les gouvernements ont parfois changé tous les 15 jours, comment diriger un pays dans ces conditions ?
Mais ce système tel que vous le définissez, possède t-il des faiblesses, est-il victime d'atteintes ?
Cette démocratie possède effectivement des faiblesses internes et externes.
Internes tout d'abord ; il y a une faiblesse à cause du nombre de scrutins et par la déception qu'entraîne l'action politique, les élus n'arrivent pas à satisfaire l'opinion publique. Cela entraîne une abstention de plus en plus forte, car les électeurs ne s'intéressent plus à la vie politique du pays. L'exemple des dernières présidentielles est flagrant, Chirac a obtenu 19 % au premier tour et Le Pen a passé le premier tour. Au 2 ème tour les gens ont voté contre Le Pen, et non pour Chirac, par urgence, il est donc élu par 19 % de la population et gouverne grâce à eux. Il y a un risque oligarchique, le plus grand nombre est représenté par un petit nombre. Comme j'en parlais tout à l'heure la non représentation de tous les courants de pensée constitue par ailleurs une faiblesse.
Une autre faiblesse interne se situe au niveau du parlement. Sa mission est de voter les lois et de contrôler leur exécution. Il vote beaucoup trop de lois, c'est vrai, mais ce n'est pas de sa faute, il est soumis à l'ordre du jour du gouvernement, qui envoie des rafales de texte à voter, donc le parlement les vote ; sa 2 ème mission est alors remplie de manière imparfaite car il n'a plus le temps de surveiller l'application de ces lois, c'est une faiblesse interne de la démocratie.
Voyons maintenant les faiblesses externes ; la France est très endettée (environ 1100 milliards d'euros). Pour vous rendre compte, c'est comme si la France empruntait tous les jours, à partir du premier octobre, pour subvenir à ses besoins, on dépense plus que l'on ne récolte, il faut donc emprunter. Cela réduit la marge de manoeuvre du gouvernement. Il faudrait prendre exemple sur le Canada qui a réduit considérablement sa dette et donc regagné une marge de manoeuvre. Cependant la France n'est pas en banqueroute comme le serait une entreprise, car elle a une crédibilité internationale.
Une certaine atteinte est la toute-puissance des technostructures, les fonctionnaires sont très pointus dans leurs domaines et lors de la présentation de projets, ils les présentent comme ça les arrange sans que tout le monde comprenne ; cela peut être parfois une atteinte, parce qu'ils peuvent faire passer ce qu'ils veulent, car les autres ne le comprennent pas. La justice aussi est à deux vitesses, quand les clients ont de l'argent ils se payent des avocats, sinon on a un avocat gratuit mais surchargé et qui ne va pas vraiment s'occuper de l'affaire. Ces atteintes et faiblesses doivent donc être corrigées pour défendre la démocratie aux yeux de tous.
Dans le cadre de la défense de la démocratie, l'Europe assure-t-elle une veille des états défaillants ?
Tout d'abord, l'Europe assure une sécurité par rapport à sa composition, tout pays européen ne respectant pas un des droits de l'homme ou des accords risque l'expulsion et la perte de tous les avantages liés à l'Union européenne en faveur des articles 6 et 7 du traité de Nice. Cela protège contre une éventuelle dérive de pays. L'Europe aide les États en voie de démocratisation à se développer en leur versant des subventions, à la condition expresse qu'ils respectent les droits de l'Homme. La démocratie empêche la guerre et renforce la paix, je dirais que c'est presque un théorème, il faut bien comprendre que les pays démocratiques sont plus paisibles que d'autres car ils sont la représentation du souhait du peuple et l'opinion publique y joue un rôle très important. Pour se protéger des états défaillants l'Europe a lancé, dans les années 70, une action de lutte anti-terroriste. Par des actions de répression tout comme des actions juridiques, l'Europe se prémunit contre des États qui pourraient devenir défaillants, tout en respectant au mieux les droits de l'Homme. C'est aussi en montrant aux pays potentiellement défaillants les bienfaits et avantages (diverses libertés, avantages économiques...) de la démocratie que l'Europe veille à ne pas se trouver face à des États défaillants présentant une menace pour elle.
L'optique de la constitution d'une armée européenne pouvant intervenir n'importe où, renforce aussi la protection contre un État en dérive, tout en assurant un ordre de paix mondiale. L'Europe noue aussi des relations diplomatiques avec les États environnants pour éviter de se trouver face à une situation de désaccord, ainsi des actions économiques d'aide au développement et donc à la démocratie, civiles, politiques et militaires « protègent » l'Europe contre une éventuelle déliquescence d'États.
La démocratie est une richesse de nos pays, comment peut-on faire pour continuer à la développer ?
La démocratie en Europe est ancrée, nous ne risquons pas réellement de voir ce régime compromis (sauf avec les partis politiques aux idées extrêmes.). De ce fait nous devons insister sur son développement en dehors de l'Europe. Nous pouvons par contre la développer, l'améliorer, la perfectionner et combler les failles dont je viens de parler. Cela intervient constamment, et la Constitution Européenne va simplifier les choses et les procédures.
Diverses commissions existent et aident les pays entourant l'Europe dont les anciens pays du bloc communiste, à développer la démocratie. La commission de Venise (créée en mai 1990) remplit ce rôle, elle assiste les pays dans la rédaction de leurs textes constitutionnels en tant que consultant. Elle a ainsi aidé l'Afrique du sud lors des problèmes de l'apartheid.
Il faut insister sur la valeur principale qu'est le respect de l'un par l'autre. La politique de la mémoire joue un rôle important, nous sommes amis avec les autres pays ; les anciens combattants doivent transmettre ce qu'ils ont vécu, la guerre est la chose la plus débile qui existe, seule la guerre contre le nazisme était justifiée. Les jeunes ne se rendent pas compte que c'était « hier », c'est encore récent. Il faut continuer à se battre, faire un effort important pour le respect des valeurs et des autres. Au niveau européen, une des avancées dans cette optique est la charte des droits fondamentaux. Comme je l'ai dit précédemment il faut pour développer cette démocratie, vanter les mérites, les avantages et les bénéfices d'une démocratie aux autres pays afin de leur donner envie. Cela bien évidemment ne suffit pas et il faut pour cela essayer d'influer sur les moeurs des gens pour les y habituer.
11. Interview de M. Serge Dassault, sénateur UMP de l'Essonne
réalisée par les élèves du Lycée du Parc des Loges - Évry
1 er trimestre 2005
Pensez-vous que l'abstention puisse remettre en cause la citoyenneté ?
Oui, bien sûr car cela remet en cause les élections. En effet, ceux qui ne votent pas laissent leur voix à ceux qui votent. Une des solutions serait peut être d'instituer un vote obligatoire. Les citoyens seraient ainsi contraints de voter même s'ils ne votent pas ou blanc parce que ne pas voter, c'est voter contre. Pour le référendum par exemple, s'il y avait peu de votes pour le référendum pour la Constitution européenne, cela signifierait qu'il y a peu de gens qui s'en préoccupent et dans cette optique on ne saurait pas qui du oui ou du non l'emporte réellement. Cela peut être dangereux pour la citoyenneté. Être un bon citoyen c'est aussi voter.
Quelles sont pour vous les raisons de cette abstention ?
On peut penser que cela vient peut-être du fait que les gens ne s'intéressent pas à la politique, à l'Europe, ne veulent pas prendre position. Aux élections cantonales, il y avait 45 % de votants et cela ne représente pas la volonté de la majorité populaire. On peut soutenir qu'un candidat qui récolte 40 % des suffrages avec 50 % d'abstention ne représente que 20 % de la population totale. Cela pose un problème de responsabilité. La solution serait peut-être de faire comme en Belgique où le vote est obligatoire. En cas de non respect de cette loi on est passible d'une amende.
Comment pourrait-on, selon vous, remédier à cela ?
Cela pourrait passer par une meilleure information, éducation. Les gens se désintéressent de la politique, ou ne la comprennent pas ou ne veulent pas prendre position quand il y a des dissensions entre différents candidats. C'est pour cela qu'ils ne votent pas.
Quel serait selon vous l'avenir de la citoyenneté européenne ?
Il n' y a pas encore de véritable opinion publique sur l'Europe. Elle est une juxtaposition de nations qui gardent chacune leurs droits, leurs coutumes, leur fiscalité sans aucune intégration. Il y a donc une nécessité d'harmonisation tout du moins fiscale pour que les gens aient le même régime partout.
Que pensez-vous de l'élargissement de l'Europe à 25 pays ?
Je pense qu'il est un petit peu grand. Il est très difficile de mettre d'accord 25 chefs d'État qui ont chacun leur propre intérêt politique. Quand on voit les problèmes d'intervention en Irak ou autres, on s'aperçoit que cela n'est pas simple.
Que pensez-vous de l'adhésion d'un pays comme la Turquie ? Est-ce que cela pourrait remettre en cause la démocratie ?
C'est une entrée qui pourrait être problématique. On se trouve déjà, en France, dans une situation difficile au niveau syndical, politique, de l'emploi, fiscal. On nous dit que l'on va constituer un grand marché de 20 millions, 30 millions de consommateurs mais c'est eux qui vont profiter de ce marché car ils travaillent à moindre coût et vont vendre leurs produits qui coûtent moins cher chez nous mais nous ne pourront pas vendre les nôtres chez eux. Grâce aux subventions dont ils vont bénéficier, leur industrie et leur agriculture auront la possibilité d'être les plus performantes et cet argent nous n'en profiterons pas alors que c'est nous qui leur donnerons.
De même un projet de directive indique qu'un membre de la communauté européenne, s'il se déplace, garde les prérogatives de son pays d'origine. Les personnes travaillant à un moindre coût que les Français, vont, en France, être payées de la même façon et de ce fait les travailleurs français auront plus de mal à trouver un emploi car ils désirent être rétribués de façon plus conséquente.
L'idéal aurait été de rester à 6 pays. On aurait ainsi constitué un noyau dur où l'on aurait travaillé ensemble. On aurait pu ainsi créer une Europe à « deux vitesses » avec ce noyau dur d'une part et, d'autre part, une autre organisation diplomatique, relationnelle mais sans que les autres pays soient intégrés au niveau fiscal mais seulement avec des aides et des directives.
Il faut cependant voter oui à la Constitution européenne car c'est un petit pas vers une intégration politique.
12.
Interview de Mme Isabelle Debré, sénatrice UMP des Hauts-de-Seine
réalisée par les élèves du Lycée de la Légion d'Honneur - Saint-Denis
1 er trimestre 2005
Pensez-vous que la démocratie française soit en danger par la montée de l'abstentionnisme ? Quels sont les gardes fous de la République française ? Quels sont ceux de l'Europe ?
Non, je ne pense pas que la démocratie soit en danger. On ne reviendra pas en arrière mais c'est inadmissible de bafouer cette démocratie tant enviée dans le monde entier. Celle-ci a été chèrement acquise par nos anciens et nous leur devons du respect. C'est un manque de responsabilités de la part des citoyens de s'abstenir. Je pense qu'il faudrait mieux à la limite voter blanc.
Le garde fou, c'est la Constitution de la V e République, rédigée par Michel Debré à la demande du Général de Gaulle. Elle a tenu durant la cohabitation et a permis un bon fonctionnement du Gouvernement.
Le garde fou de l'Europe, c'est de voter « oui » à la Constitution afin que les pays conservent leur identité. La Constitution n'est pas parfaite, certes, mais indispensable pour le bon fonctionnement de l'Union européenne et de l'Europe. La Constitution est là pour donner des pouvoirs.
Quelles pourraient être les mesures à prendre pour que les électeurs reprennent goût au vote ?
Il faut d'abord intéresser les gens. Si on reconnaissait le vote blanc, peut-être y aurait-il moins d'abstention. Il faut parler aux gens de façon intelligente et vraie, dire ce que l'on pense et faire ce que l'on dit. Il faut donner aux Français l'envie de participer et ils reviendront.
Comment selon vous pourrait-on améliorer la démocratie ? Avec Internet ?
Grâce à la technologie, on peut faire plus vite, faciliter la participation par les échanges d'e-mail, les médias... Mais notre démocratie est déjà assez forte et il faut être vigilant vis-à-vis des fraudes, de la naïveté de certaines personnes.
Comment pourrait-on développer la démocratie européenne, sachant que les élections européennes sont celles où le taux d'abstention est le plus élevé ?
Il faudrait rapprocher les députés européens des concitoyens qui manquent d'informations. Pour les gens, l'Europe c'est loin. Ils connaissent le Président et sa couleur, leur maire et sa couleur et c'est tout en général. Mais les concitoyens s'en fichent. Les députés européens ne font pas leur travail. Ils devraient faire des réunions pour informer les gens, rendre compte de ce qu'ils font en faisant paraître par exemple un petit journal.
Pensez-vous que la simplification des textes soit souhaitable pour les rendre plus accessibles à tous les citoyens ?
Oui, la simplification des textes est souhaitable car ils sont trop compliqués. On légifère trop et cela devient inutile et incompréhensible pour les Français.
13. Interview de Mme Christiane Demontès, sénatrice socialiste du Rhône
réalisée par les élèves du Lycée Saint-Marc - Lyon
4 mars 2005
Concrètement, comment l'école française peut-elle former ses élèves à la démocratie afin qu'ils la mettent en pratique dans leur vie d'adulte ?
L'école est un lieu dans lequel la démocratie peut être très présente par l'intermédiaire de l'élection des délégués. Vous pouvez apprendre par ce moyen-là, le principe de base de la démocratie, à savoir, ceux qui exercent le pouvoir sont élus, choisis, désignés par l'ensemble des membres d'un groupe. Et on ne décide pas tout seul d'arriver au pouvoir. D'où l'importance de la participation du plus grand nombre à ces élections. Moins on vote et plus la démocratie est menacée, car la personne élue ne peut s'appuyer sur une légitimité issue d'un soutien populaire.
Riposter par une guerre est-il un moyen acceptable de défendre une démocratie ? Une armée européenne serait-elle efficace pour empêcher cela ?
Pour sauver la démocratie, il faut savoir parfois savoir en passer par là ! C'est, parfois, le seul moyen que les peuples ont pour défendre ou pour obtenir une liberté ou un système démocratique. La formation d'une armée européenne est importante. Cependant, ce serait la réflexion sur la création d'une armée commune plus que son application qui serait un élément de stabilité à l'intérieur de l'union. En effet, discuter ensemble des règles de fonctionnement est un élément de stabilité et de stabilisation à l'intérieur de l'Europe, mais également à échelle mondiale.
Comment serait-il possible de réduire le fossé entre les citoyens et les hommes et femmes politiques ?
En organisant des rencontres comme celle que nous avons ensemble aujourd'hui ! Je trouve que les élus sont moins inaccessibles qu'auparavant : il y a des permanences parlementaires, des réunions dans les quartiers, des échanges épistolaires... Il est en effet très important que les élus puissent rencontrer les électeurs.
En quoi la nouvelle constitution européenne fait-elle avancer notre continent sur la démocratie ?
Le référendum sur le traité constitutionnel est déjà un exemple de démocratie et de dialogue. C'est le peuple qui va décider de ratifier ou non le traité, et non uniquement l'ensemble des députés. Ce texte va régir l'ensemble du fonctionnement de tous les pays de l'Union. Pour la première fois, il est inscrit que les citoyens de l'Union européenne sont égaux, ont les mêmes droits, et les mêmes devoirs. C'est un texte très important.
D'après votre expérience, le principe de la démocratie est-il respecté en Rhône-Alpes ?
Bien sur que oui ! La démocratie en Rhône-Alpes fonctionne avec ses limites, ses risques comme dans toutes les autres régions de France. Des réunions se tiennent régulièrement avec les rhônalpins afin d'entendre les habitants et de faire des bilans. La démocratie représentative doit s'exercer en même temps que la démocratie participative. Les deux sont nécessaires.
14. Interview de M. Yves Détraigne, sénateur UMP de la Marne
réalisée par les élèves du Lycée Jean Jaurès - Reims
M. Yves Détraigne est l'un des trois sénateurs du département de la Marne. Il siège au sein de la commission des Lois et est également, depuis 1989, maire de Witry-lès-Reims.
Quelle signification a pour vous l'élargissement de l'Union européenne et quelle contribution apporte-t-il à la démocratie ?
L'élargissement est capital pour le maintien de la paix, c'est là sa contribution la plus importante. Depuis 60 ans, il n'y a eu aucun conflit armé dans la partie occidentale du continent européen ; c'est la plus longue période de paix en Europe. L'Union européenne repose sur le principe de l'État-Providence. Elle éloigne tout risque de guerre car chaque décision politique s'appuie sur un système économique solide. L'Union européenne a été fondée par six « vraies » démocraties (l'Italie, la France l'Allemagne et les trois États du Bénélux), c'est-à-dire des démocraties institutionnelles. Le modèle élaboré en 1957, que beaucoup nous envient, n'a pas changé depuis. Mais pour adhérer à l'Union européenne, la démocratisation du régime est un préalable indispensable. C'est pourquoi on peut dire que l'élargissement garantit la paix mais renforce également la démocratie.
Cependant, l'Union européenne est relativement impuissante sur la scène internationale, en raison de divergences d'opinion entre États membres (par exemple, dans la guerre avec l'Irak ou le conflit dans l'ex-Yougoslavie). C'est pourquoi la ratification de la constitution européenne offrirait la possibilité, avec la nomination d'un ministre commun des Affaires étrangères, de parler d'une seule voix, après concertation entre les États membres. L'Europe peut également faire prévaloir les valeurs démocratiques au-delà de ses frontières, et elle est également la seule région du monde qui diffuse le modèle de l'État-Providence.
Quelles conséquences pourrait avoir l'adhésion de la Turquie ?
Nous venons de voir que parmi la liste des tâches que s'assigne l'Union européenne, figure le développement de la démocratie. La Turquie devra s'y conformer si elle veut adhérer à l'Union. Du fait de sa tradition musulmane, la Turquie présente des différences considérables avec les Etats européens, notamment en ce qui concerne les droits de l'homme. L'adhésion de la Turquie suppose donc une évolution du régime à l'image de l'Occident, c'est-à-dire que la Turquie devra proclamer son attachement aux idéaux européens. C'est ainsi que la société turque devra respecter le principe d'égalité entre les hommes et les femmes et toutes les autres valeurs de l'Europe. En revanche, la Turquie remplit déjà les conditions d'adhésion en ce qui concerne les institutions politiques et l'économie de marché. L'intégration de la Turquie dans l'Union contribuerait ainsi à aider la société turque à se développer, ce qui serait l'un des principaux apports de l'adhésion.
Que devrait faire l'Union pour éviter l'émergence de rivalités ou de méfiances entre les États membres en ce qui concerne le dumping salarial (cf. la directive Bolkestein) ?
La plupart des normes européennes sont adoptées à l'unanimité, ce qui affaiblit l'Union, car tous les États membres ne sont pas toujours du même avis. C'est en partie pour y remédier que la nouvelle constitution européenne a été élaborée. Cette avancée permettra le développement et le renforcement de la démocratie. Sur le plan économique, les délocalisations au sein de l'Union (par exemple en Pologne) se sont accrues, mais également vers l'extérieur, comme en Chine, car les frontières tarifaires ont été démantelées. Il est dans l'intérêt de l'Europe de réduire l'écart entre les pays. Les entreprises délocalisent leurs emplois vers des pays où les coûts salariaux sont plus faibles, mais les pays qui veulent entrer dans l'Union doivent se mettre à notre niveau : ils sont ainsi obligés d'adopter les mêmes règles économiques que les autres États membres. C'est ce qui s'est passé lors de l'adhésion du Portugal et de l'Espagne. Beaucoup craignaient que ces adhésions ne provoquent des délocalisations. Celles-ci ont eu lieu mais, dans la mesure où ces deux pays ont rattrapé le niveau social et économique du reste de l'Europe, leur adhésion a permis qu'on ne perçoive plus aujourd'hui que très faiblement les différences ; c'est pourquoi l'élargissement sera profitable d'un double point de vue : en encourageant la démocratisation et en réduisant les écarts économiques.
Quel rôle devrait jouer l'Europe dans les conflits futurs ? Que devrait-on faire si l'un des États membres entre en guerre ?
La nouvelle constitution, actuellement soumise à ratification, contient une clause d'assistance mutuelle. Celle-ci garantit à chaque État membre le soutien des autres membres en cas d'agression. Mais l'Europe doit progresser dans le domaine de la défense, car cette clause ne garantit pas la paix. L'Europe n'a pas d'armée commune. Ceci à des conséquences très négatives, car pour tenir son rang de puissance mondiale, l'Europe a besoin d'avoir sa propre armée. En outre, l'Europe doit développer son industrie d'armement. Comme dit l'adage « Si vis pacem, para bellum ». On peut se référer au contexte de la guerre froide : à partir du moment où les Etats-Unis et l'Union soviétique ont possédé tous les deux la bombe atomique, la dissuasion réciproque a fonctionné. La construction d'une armée européenne et le développement des industries d'armement contribueront à la sécurité européenne.
Selon vous, l'Union européenne est-elle en premier lieu une communauté économique qui cherche à conforter la place de l'Europe dans le monde, ou est-ce une communauté politique pour laquelle il importe de promouvoir et diffuser la démocratie ?
Lors de son lancement, en 1950, la construction européenne se présentait comme un modèle de communauté économique dont les membres partageaient des idéaux politiques communs. Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour que la démocratie devienne le but ultime de l'Union européenne. Chaque pays a sa propre histoire, qu'il est difficile d'oublier ou de concilier avec celle du voisin. Il faut beaucoup de temps pour méditer les leçons de l'Histoire et se décider à avancer ensemble. À l'origine, la Communauté européenne avait un but économique ; mais l'élargissement actuel fournit l'occasion d'encourager la diffusion de la démocratie et des droits de l'homme.
15. Interview de Mme Muguette Dini, sénatrice UC - UDF du Rhône
réalisée par les élèves du Lycée La Favorite - Ste Foy-lès-Lyon
5 février 2005
En 2004, le gouvernement français a pris des mesures pour renforcer la laïcité dans les établissements publics, scolaires et administratifs. Est-ce une action positive pour la défense de la démocratie ?
Dans le dictionnaire, le mot « démocratie » est défini comme étant un régime politique où le peuple exerce sa souveraineté lui-même, et le mot « laïcité » traduit une indépendance des concepts religieux et partisans. C'est un système qui exclut les églises des systèmes politiques, administratifs et de l'organisation de l'enseignement public.
Donc, j'ai tendance à dire que « oui », le renforcement de la laïcité est une action positive. La religion est une affaire personnelle, quelle que soit la religion, et ne doit en aucun cas entrer dans le système politique, administratif et scolaire. Elle peut être source de conflit car toutes les guerres sont des guerres de religion.
Il est évident qu'il faut une totale neutralité. Et cela n'empêche pas de penser ce que l'on veut, de croire à qui l'on veut, et d'exercer sa religion. Les signes religieux doivent être bannis afin que la démocratie soit maintenue.
Aujourd'hui, les médias et le gouvernement parlent beaucoup de « politiques sociales » en faveur des personnes handicapées. Qu'en est-il de l'intégration des handicapés dans la démocratie ?
La démocratie est un régime politique dans lequel le peuple exerce sa souveraineté. Un handicapé est un citoyen comme un autre. Il a donc le droit d'exercer ses pouvoirs de citoyens, c'est-à-dire d'être électeur, candidat et éventuellement élu. S'il y a discrimination, il faut y remédier.
Ici, il ne faut pas confondre citoyenneté avec vie quotidienne. Il est vrai que les handicapés ne sont pas traités comme des citoyens ordinaires dans la vie quotidienne (trottoirs, escaliers, indications sonores aux feux rouges, etc) mais le gouvernement a pour souci d'améliorer le confort de ces citoyens.
Comment intéresser les futures générations, futurs électeurs, à la vie politique nationale, européenne et internationale ?
C'est difficile car il y a un certain manque dans notre enseignement. Pour les élèves, la façon dont sont élus les députés ou les sénateurs semble très abstraite et très lointaine. Aux États-Unis, par exemple, l'hymne national est très respecté. Cela nous paraît futile mais les citoyens ici donnent à la Nation un geste qui est le même pour tout le monde à un moment donné. On ne le fait pas en France alors que cela donne l'impression d'appartenir à une Nation.
De plus, il y a un dénigrement des politiques dans les médias qui est très nocif. La majorité des politiques est honnête. Les gens malhonnêtes sont peu nombreux. C'est dommage que l'on dénigre à ce point le monde politique.
De nos jours, le sexisme existe encore (salaire, emploi ...), comment peut-on y remédier et en tant que citoyen développer la démocratie ?
Toutes les discriminations : racisme, sexisme, ... sont à bannir. Si on veut bien s'en occuper, ça peut fonctionner. Si on veut une égalité, il faut que chaque partie de la société se sente concernée. Les femmes doivent se manifester, elles représentent 53 % de la population française. Il faudrait plus de femmes candidates, élues, ... et surtout un souci d'une meilleure égalité.
Pour cela, il faut une véritable motivation et mobilisation.
Dans certains pays, existe encore une monarchie. N'est-ce pas un danger pour la démocratie ?
Les monarchies européennes fonctionnent bien car le peuple exerce sa souveraineté. Ils votent, élisent des représentants pour leur Parlement... Nous avons pour exemples : la Grande Bretagne, la Hollande, la Suède, ...
Ce n'est pas la monarchie qui représente un danger mais la dictature.
16. Interview de Mme Muguette Dini, sénatrice UC -UDF du Rhône
réalisée par les élèves de seconde 1 du Lycée St Joseph - Tassin-la-Demi-Lune
5 février 2005
L'élargissement de l'Union européenne peut-il provoquer des changements (positifs ou négatifs) pour la démocratie ?
Je suis favorable à l'élargissement de l'Europe, car il y a plusieurs aspects positifs. Tout d'abord l'Europe doit former un bloc, un bloc fédéral où chaque pays garde son autonomie à l'intérieur. L'Europe doit pouvoir faire face aux grandes puissances que représentent les États-Unis, la Chine et bientôt l'Inde. Cela permet aux petits pays tels que le Luxembourg, le Danemark... de trouver une place culturelle et économique. Nos pays d'Europe ont une culture commune, un intérêt économique commun, et des valeurs communes. Et puis, une Europe réunie peut mieux faire entendre sa voix face aux autres blocs.
L'élargissement est donc souhaitable, de plus la démocratie s'exerce bien au niveau européen.
Faut-il limiter les libertés, et en particulier la liberté d'expression afin de défendre la démocratie ?
Je suis assez partagée entre le souci républicain de laisser une totale liberté d'expression et la censure. Car si l'on pratique la censure, on se dirige vers des risques terribles. L'information passe par les médias, si on bride les moyens de communication, les citoyens non informés ne pourraient plus exercer leur souveraineté.
Et pourtant, lorsque l'on voit les dérives dans les journaux, sur les sites internet (pédophilie par exemple)... on s'aperçoit que la liberté d'expression est un problème constant, qui se pose tous les jours et dont on doit faire face tous les jours.
Grâce à l'Union européenne, quels moyens avez-vous pour lutter contre les extrémismes religieux et politiques ?
Je ne pense pas que l'Union européenne soit vraiment prête, il n'y a pas d'organisation européenne pour l'instant. Il y a une collaboration entre les polices, mais aucune collaboration entre les pays.
Quels moyens existent-ils pour défendre la démocratie en cas de crise, telle l'installation d'une dictature ?
Hitler est arrivé au pouvoir de façon parfaitement démocratique. Il a été élu démocratiquement. Toute démocratie a le risque de générer un « fou ». Il y a un certain nombre de barrières dans les démocraties qui font que cela ne risque pas d'arriver. La seule vraie barrière, c'est la barrière du citoyen qui exerce sa capacité de voter et à empêcher qu'une majorité dangereuse arrive au pouvoir. C'est la responsabilité de chacun et en particulier la responsabilité d'aller voter. Les gens dangereux font le maximum et ont tous leurs électeurs.
Le meilleur moyen de lutter contre le risque d'une dictature, c'est d'aller voter.
Que pouvons-nous faire pour améliorer l'égalité entre les citoyens ?
La pauvreté est en augmentation et les personnes sans abris ont très peu de moyens pour survivre.
Quand on travaille, on retrouve une dignité, même si le salaire est peu élevé. Le chômage n'est jamais nul, on ne descend jamais en dessous de 5%. Actuellement, notre pays connaît un taux de 10%, c'est donc un véritable fléau. Le gouvernement essaye de prendre des mesures pour réduire ces inégalités.
17. Interview de M. Michel Doublet, sénateur UMP de Charente-Maritime
réalisée par les élèves du Lycée Louis Audoin-Dubreuil - Saint-Jean-d'Angély
1 er trimestre 2005
Des progrès démocratiques peuvent-ils encore être accomplis en France ? Dans quelles voies ?
La démocratie française est le fruit d'une longue élaboration au cours de l'histoire, avec quelques parenthèses comme lors de la période de Vichy. La démocratie française tourne autour de la Constitution qui garantit les droits et les devoirs des individus, encadre les fonctions des pouvoirs législatif et exécutif et garantit l'indépendance du pouvoir judiciaire.
Avons-nous pour autant atteint la perfection ?
Des progrès sont sans doute nécessaires, puisque la société évolue, la démocratie a le devoir de s'adapter et de ne pas rester figée. Par exemple, lorsqu'on remarque un taux d'abstention élevé, c'est qu'il y a un problème. Un effort pédagogique doit être fait pour démontrer combien voter est important. Le droit de vote est l'expression même de la démocratie.
Quelle peut-être l'action des élus sur le terrain ?
Il faut rapprocher le citoyen de son élu. Il faudrait plus de démocratie participative par l'intermédiaire des referendums ; relancer la démocratie sociale par des négociations syndicales par exemple et plus de communication pour expliquer les choix politiques.
En quoi la liberté d'expression peut-elle soutenir la démocratie ou lui nuire ?
La France est une démocratie constitutionnelle ; la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen fait partie intégrante de la Constitution. L'article IV y définit la liberté en général et l'article X y précise la liberté des pensées et des opinions : Aussi, la liberté d'expression doit être totale, aussi choquante qu'elle puisse être.
Même pour des propos antisémites ou racistes ?
C'est à la justice de dire si cette liberté a dépassé les limites fixées par la loi.
Les progrès de la démocratie dans le monde peuvent-ils passer par des institutions internationales ?
Les démocraties occidentales ne peuvent en aucune manière imposer leur modèle de démocratie au reste du monde. Chaque pays a son histoire, sa vision du monde, sa culture. Il ne peut y avoir d'uniformisation.
Toutefois, les institutions internationales peuvent aider les nouvelles démocraties. Par exemple, lorsque Maroc a institué un Sénat, il a pris modèle sur le Sénat français et des échanges ont eu lieu entre les deux parlements. L'ONU pourrait faire encore plus avec des pouvoirs plus étendus.
Pensez-vous que l'intervention d'une armée étrangère dans un pays non démocratique soit nécessaire à la défense de la démocratie ?
Cette situation peut être justifiée mais toute intervention, à mon sens, devrait être faite sous l'égide de l'ONU dont la vocation est de maintenir la paix et la sécurité internationale. Cependant, aucune disposition de la Charte de l'ONU n'autorise l'organisation à intervenir dans les affaires intérieures d'un pays.
Pensez-vous que l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne puisse avoir une influence sur la démocratie en Europe ?
Cette question est assez politique et la réponse n'engage que moi. Dans le cas de la Turquie NON à l'adhésion mais OUI à un partenariat privilégié ; c'est la position définie par ma formation politique.
La Turquie a une partie de son territoire en Europe.
La Turquie ne dispose que d'une petite enclave européenne représentant 5 % de son territoire et 8 % de sa population, la majorité se situe en Asie.
La Turquie est un pays dynamique en pleine évolution.
La Turquie est une menace pour l'équilibre des Institutions européennes : avec une perspective de 97,6 millions d'habitants en 2025, elle aurait 96 députés au Parlement européen, nombre maximal autorisé par pays. Elle deviendrait la première force du Conseil Européen, avec 17,7 % des votes contre 13,8 pour l'Allemagne et 11,2 % pour la France. Elle serait ainsi le premier décideur européen.
18. Interview de M. Ambroise Dupont, sénateur UMP du Calvados
réalisée par les élèves du Lycée Louis Liard - Falaise
1 er trimestre 2005
Comment défendre et développer une "vraie" démocratie ?
En faisant ce que vous faites. C'est-à-dire en vous informant, en étant curieux, en vous posant des questions, en votant. On dit souvent que les Français sont trop éloignés de la politique. On parle d'un fossé entre le citoyen et le politique. C'est sans doute vrai dans la vie de tous les jours. Nos sociétés développées sont devenues très compliquées. Lorsque, au quotidien, vous êtes à votre travail ou dans vos activités personnelles, il est difficile de suivre toute l'action législative ou gouvernementale. Ce qui est important, c'est d'apprendre à exercer un esprit critique. Vous me posez des questions. Je trouve que certaines sont bonnes, que d'autres sont moins bonnes. J'y réponds comme je peux, comme je veux. Vous trouvez mes réponses bonnes ou mauvaises. Mais ce qui est important c'est que, à partir de cet échange, vous soyez capables de poser des jugements sur la vie publique. C'est ça, exercer l'esprit critique. La vraie façon de faire progresser la démocratie, c'est de vous éduquer par rapport aux responsabilités qu'implique la vie en société. Si vous lisez l'Humanité, Libération, le Figaro ou Minute, vous découvrirez des points de vue différents. La démocratie, c'est faire le chemin de sa propre pensée dans le discours politique. Il faut s'informer et juger.
Comment expliquez-vous le développement massif de l'abstention ? Comment la combattre ? N'est-elle pas le plus grand danger pour la démocratie ?
Je comprends mal l'abstention. J'espère bien qu'aucun d'entre vous ne s'abstiendra jamais. On vote oui, on vote non, on vote blanc, mais on vote. Nous avons la chance de pouvoir nous exprimer dans une liberté totale. Bien des peuples dans le monde n'ont pas cette chance.
J'explique l'abstention par la complexité des sujets et aussi parce que la population attend souvent énormément de la part des élus. Or les élus ne peuvent pas tout faire. Ils peuvent gérer l'État, mais ils ne peuvent pas résoudre tous les problèmes de tout le monde ! De plus, dans l'esprit de beaucoup, que l'on vote pour celui-ci ou pour celui-là, c'est la même chose. Ce n'est pas exact. Car indépendamment de la personnalité des candidats, la démocratie est organisée autour des partis politiques dont les idées sont représentatives de courants de pensée existant dans la société : soit il s'agit d'une société qui met plus l'Homme au coeur du processus social, soit on rend la société plus importante que l'Homme en tant qu'individu.
Mais, ce n'est pas toujours comme cela que les citoyens le ressentent. Ils ne mesurent pas toujours les enjeux. Je regrette très sincèrement qu'il y ait tant d'abstention ! Aussi, votez et battez-vous pour faire voter !
Comment encourager l'accès à la vie politique des personnes défavorisées ?
La vie politique, chacun peut y accéder ! Tout le monde peut se présenter. Tout citoyen peut se faire élire. Moi, je ne suis pas partisan des quotas. Parce que les quotas cela amène irrémédiablement quelque chose qui n'est pas un choix. Cela devient une obligation. Election vient du verbe latin « eligere » qui veut dire choisir. Pour ce qui est des personnes défavorisées, je connais des ministres qui viennent des quartiers défavorisés et qui ont parfaitement réussi. Certes, il faut donner à chacun les chances et les moyens. Mais c'est avant tout une démarche personnelle
Serait-il souhaitable d'établir dans l'Union Européenne, une démocratie directe telle qu'elle fonctionne en Suisse ?
Dans la loi française sur la démocratie de proximité, on a offert aux collectivités locales la possibilité de consulter la population. Mais, il y a quand même un inconvénient. Rappelez-vous, il y a une dizaine d'années. La ville de Caen s'est lancée dans un referendum consultatif pour savoir si oui ou non, il fallait faire un tram. Le referendum a rassemblé peu de votants et a donné un résultat négatif. Néanmoins, le maire de Caen a quand même fait construire le tram et n'a donc pas respecté le referendum.
En fait le referendum est un système parfait et authentiquement démocratique mais les questions sont très difficiles à formuler. Il est fréquent que les citoyens mélangent les réponses. C'est d'ailleurs ce qui peut se produire pour le referendum sur la Constitution européenne.
Vous posez la question : « Voulez-vous un tram ? »
On vous répond « non », non pas à propos de l'existence du tram, mais parce qu'on n'est pas content du maire, parce qu'il y a tel ou tel autre problème dans la ville. Pour tout projet, il est aussi difficile de se projeter dans l'avenir. Il était difficile, il y a 10 ans, de comprendre qu'en raison de l'augmentation de la population, de l'augmentation des déplacements, la circulation en voiture dans le centre des villes ne serait plus possible. Je ne sais pas si la réponse par referendum est toujours utile. Il faut aussi prendre en compte la participation. L'abstentionnisme pose réellement problème. Le système, tel qu'il se pratique en Suisse ne me paraît pas souhaitable, en tout cas, pas sur tout, mais la possibilité est offerte par la loi.
Selon vous, le niveau de la démocratie en Europe est-il actuellement satisfaisant ou y a-t-il une marge de progression significative ?
Tant que l'Europe n'a pas finalisé le projet politique, il y a toujours des progrès à faire. Il y a aussi des progrès à faire dans l'idée de l'Europe au sein des peuples. On oublie souvent que l'Europe constitue un énorme progrès dans la vie politique. C'est plus difficile de se mettre d'accord à 6 ou plus encore à 25 que de décider tout seul. Cela exige un consensus, il y a toujours des gens qui ne sont pas satisfaits. Néanmoins, la démocratie progresse.
19. Interview de Françoise Férat1
(
*
), sénatrice UC-UDF de la Marne
réalisée par les élèves du Lycée Léon Bourgeois - Epernay
17 janvier 2005
Que pensez-vous de la répartition des pouvoirs entre l'Assemblée Nationale et le Sénat, sachant que l'on entend beaucoup parler de l'Assemblée Nationale et assez peu du Sénat ?
C'est la même chose. Ce qui change dans l'organisation, c'est le mode d'élection. Le sénateur est élu par les grands électeurs alors que le député est élu directement par le peuple. Une autre différence : le Sénat ne peut être dissout par le Président de la République mais il ne peut pas, à l'inverse, renverser le gouvernement. Le travail législatif est le même dans les deux assemblées.
Il est vrai que le Sénat est beaucoup moins médiatisé, même s'il a un président qui s'emploie, depuis quelques années, à faire davantage parler de lui, mais le résultat est faible. Est-ce le mode d'élection qui l'éloigne un peu plus de la population ? Probablement, parce que le sénateur est l'élu des élus, donc son électorat est plus réduit, et les problèmes évoqués sont en priorité ceux que rencontrent les élus locaux. Mais cela s'améliore. Le Sénat a, par exemple, une chaîne parlementaire qui met en valeur les travaux des sénateurs en liaison avec ceux de l'Assemblée. Avec le temps, les sénateurs réussiront à être mieux entendus.
Depuis une récente révision constitutionnelle concernant les collectivités locales, il s'est produit un renversement dans l'équilibre des pouvoirs législatifs des assemblées. L'usage habituel - mais ce n'est une obligation que pour les lois de finances - est que l'Assemblée soit saisie la première, le Sénat ensuite et que le texte revienne à l'Assemblée Nationale. Désormais, pour tout ce qui concerne la décentralisation, le texte doit d'abord être examiné par le Sénat. Il n'y a pas pour autant de suprématie, la première assemblée saisie a simplement en général plus de temps pour aborder le projet en profondeur. En cela, la modification de la Constitution est une véritable révolution. Sur les textes relatifs aux collectivités locales en effet, l'expérience de l'élu local prend tout son sens parce que cela permet de faire appel à son expérience, il a un point de vue plus intéressant et plus pertinent.
On parle du « droit de vote » et du « devoir citoyen de voter ». Pourquoi en France le vote n'est-il pas obligatoire comme dans certains pays d'Europe ? Ne serait-ce pas le moyen d'obliger les citoyens à exercer un acte civique important ?
Sans aucun doute, mais ma devise est « qu'il vaut mieux convaincre que contraindre ». Il serait préférable que chacun, à son niveau, puisse convaincre son entourage de l'importance d'aller voter. La démocratie a été très difficile à obtenir dans certains pays. Si nous l'avons à notre disposition et que nous ne l'utilisons pas, c'est une grande erreur. Je vais prendre un exemple concernant l'obligation de vote et, justement, en lien avec le Sénat : les grands électeurs sont obligés d'aller voter le jour du vote sous peine d'avoir une amende. Quand j'ai été élue en 2001 par 1600 grands électeurs, une bonne vingtaine ne se sont pas déplacés. La peine a été une amende de 20 euros, alors même qu'ils avaient des suppléants. Jusqu'à quel point pouvons-nous punir ceux qui ne se déplacent pas ? Il faut essayer de faire partager autour de nous cette volonté, cette envie de faire de la politique à tous les niveaux avec le sentiment très noble du but poursuivi. Je crois en cette force de conviction plus qu'à la contrainte.
Nous nous disons en pays égalitaire et démocratique mais les sans abris ne peuvent pas voter. N'est-ce pas une limite à la démocratie ?
C'est une question excellente, qui appelle une réflexion approfondie. Le système électoral est ainsi fait qu'il oblige à une domiciliation, une inscription sur les listes électorales et la nature même de sans abri fait qu'il manque ce lien matériel. Il existe des moyens nouveaux comme le vote électronique. Il y a justement une expérience de vote électronique qui a été lancé par le Sénat. Le vote électronique, avec un identifiant et un code d'accès permettra peut-être de remédier à ce genre de situation.
Selon vous, la hausse de l'abstention exprime-t-elle plus une indifférence ou une manière de montrer son mécontentement, par exemple avec la montée des extrêmes comme le Front National, sachant que l'on dit que « la liberté d'un individu se termine là où commence celle des autres » comment peut-on limiter les pouvoirs des partis antidémocratiques et extrémistes en respectant la liberté d'expression de la démocratie ?
Bien que tout ceci comporte une part de vérité, les extrêmes politiques n'ont-ils pas eux aussi le droit de se faire entendre ?
Le politique doit écouter, entendre ce qui se passe autour de lui. Il ne suffit pas d'occuper un siège ici ou là et attendre d'être sollicité mais il faut prêter l'oreille à ce qui se passe autour de soi. Les différents mandats des élus locaux sont des espaces privilégiés pour ce genre d'écoute.
Si l'on fait référence aux élections présidentielles où le Front National a obtenu un score important, il est peu probable qu'il y ait autant d'adhérents à ce parti. C'était sans aucun doute aussi l'expression d'un mécontentement. Cela doit demeurer un signal fort pour les politiques qui doivent écouter, essayer de réformer en tenant compte des besoins de leurs concitoyens et essayer d'apporter des améliorations aux problèmes et défis actuels.
Il n'y a pas nécessairement de limites à la médiatisation des paroles ou des actes du Front National ou d'un autre parti. En France, nous sommes dans un Etat de droit. Le Front National est un parti comme un autre sur le plan juridique même si le message qu'il véhicule est un message aux antipodes des partis républicains comme le sont l'UDF, l'UMP ou le parti socialiste. La loi est cependant là pour sanctionner. Par exemple, Jean-Marie Le Pen sera sûrement sanctionné pour des paroles qu'il a prononcées récemment. En tout cas, une action en justice est en cours. Mais l'on doit faire une différence entre des paroles antisémites et xénophobes et les actes politiques du Front National.
Au niveau de l'Europe, le parlement européen et le parlement français entretiennent des liens particuliers. Les parlementaires français ont-ils des liens avec ceux des autres pays d'Europe ?
Oui, 36 sénateurs sont attentifs en permanence aux travaux des institutions et du Parlement européen au sein de la délégation sénatoriale pour l'Union Européenne.
Les sénateurs sont également répartis entre les différentes commissions et les organismes extra parlementaires. Moi-même, j'occupe un siège au sein de la Commission des affaires culturelles. A côté des commissions qui sont législatives, il existe d'autres organismes plus ou moins officiels, tels que les groupes interparlementaires d'amitié. Je fais partie du groupe d'amitié France Roumanie. J'ai eu à m'occuper en tant que député de coopération centralisée avec la Roumanie, ce qui m'a permis d'aller dans ce pays et d'apprécier le peuple roumain. Avec le département de la Marne et un département roumain, nous avons créé en Roumanie le Centre de Documentation et d'Information qui n'existait pas dans les établissements scolaires roumains. Plus tard, avec l'aide du Centre National d'Enseignement à Distance, nous avons organisé une formation des professeurs roumains qui fonctionne bien.
J'ai accompagné Hervé Gaymard, Ministre de l'agriculture, en Roumanie en tant que rapporteur sur l'enseignement agricole au nom de ma commission. Cela m'a permis de rencontrer des parlementaires, le Président de la République, le Premier ministre. La délégation sénatoriale pour l'union européenne s'est proposée de rédiger un rapport d'information sur la situation du droit roumain afin de le comparer avec l'acquis communautaire et oeuvrer à la préparation d'un transfert adapté de celui-ci. Il reviendra ensuite aux parlementaires d'adopter les textes proposés.
A côté de cette délégation pour l'union européenne, il existe également des rencontres de commissions à commissions ou de délégations à délégations. C'est un autre aspect des relations européennes que peuvent avoir les sénateurs à travers les pays ou les peuples. Il y a aussi, de façon moins institutionnalisée ou plus informelle, des échanges entre parlementaires du même parti avec les députés européens pour que le Parlement européen puisse légiférer avec un poids comparable à celui du Conseil des Ministres. Il ne faut pas oublier non plus les intérêts nationaux et assurer leur défense tout en essayant de promouvoir l'intérêt collectif, ce qui n'est pas simple.
20. Interview de M. François Fortassin,
sénateur socialiste des Hautes-Pyrénées, réalisée par les élèves du Lycée Théophile Gautier - Tarbes
7 mars 2005
Selon vous, sur quoi se base la démocratie ?
Tout d'abord, il y a un principe démocratique sur l'ensemble des pays européens mais malgré tout avec des différences entre eux dues à l'histoire, à la culture et aux évolutions récentes. Par exemple, l'Espagne est beaucoup plus active que la France car la France est une « vieille démocratie » et elle ne fait pas une véritable différence entre la démocratie participative et représentative, ce qui freine l'évolution du pays.
Pensez-vous que les Européens se sentent vraiment citoyens Européens ?
Incontestablement. L'immense majorité de la population se sent profondément européenne, surtout les jeunes. Mais il y a un vrai problème : le fait que les gens ne se rendent pas aux urnes. Le droit de vote est l'un des droits et devoirs fondamentaux du citoyen, pour lequel des hommes se sont battus, et qui ne peut exister sans l'éducation. Par exemple, l'Espagne a donné un oui très massif au projet de nouvelle constitution européenne avec un taux de participation de seulement 40 % car les règles sont d'une telle complexité qu'elles ne sont comprises que par un certain nombre de spécialistes et que le citoyen de base se sent en quelque sorte « largué ». C'est-à-dire que le citoyen européen de base quelque part est européen mais pourtant il ne se sent pas suffisamment concerné. C'est un principe qui lui n'est pas démocratique.
Les gens se sentiraient-ils plus européens si les lois de tous les pays d'Europe étaient harmonisées ?
Non, je ne le crois pas. Je crois qu'il faut une cohérence dans la législation, mais pas forcément une harmonisation complète ; je considère qu'il y a des cultures sur lesquelles peuvent s'appuyer un certain nombre de lois qu'il faut maintenir, simplement il faut que ces lois soient compatibles avec la constitution européenne. Et je vais donner un exemple : je suis personnellement laïque, je ne veux pas imposer à un certain nombre de pays qui n'ont pas cette tradition laïque la notion de laïcité, mais ça m'ennuierait fortement qu'on puisse me dire que la laïcité n'est plus une référence en France sous prétexte qu'il faut se fondre dans une unité européenne.
Etes-vous satisfait de notre démocratie ? Quels changements effectueriez-vous ?
Je ne vais pas prendre l'avis d'un Gascon ou d'un Normand, je vais vous répondre assez généralement, oui, c'est quand même quelque chose d'exceptionnel que de vivre dans un pays démocratique, mais la démocratie, il faut la faire vivre en permanence. Ce n'est pas quelque chose de figé, d'acquis. Les changements, comme le cumul des mandats et la parité, sont de très bonnes idées sur le plan de l'évolution démocratique, le seul point est qu'il faut peut-être aller progressivement mais encore un peu plus loin dans ce domaine. Pour cela, il faut donner un peu plus la parole aux citoyens. Le système des médias, ainsi que celui des sondages, ne sont pas toujours adaptés. Ils influencent souvent les citoyens sur des considérations un peu futiles. Par exemple, lors d'un débat politique télévisé, la règle devient : ne pas en dire trop pour ne pas déplaire, d'où un cadre artificiel de l'expression : la médiatisation ne fait pas forcément évoluer la démocratie dans le bon sens.
Dans notre région, qu'est-ce qui peut être fait plus particulièrement pour développer cette unité européenne ?
D'abord, il faut dire qu'à chaque fois que nous le pouvons, nous essayons de développer des programmes européens, et pas simplement pour aller chercher de l'argent. C'est aussi pour démontrer à nos concitoyens qu'on peut faire un certain nombre de réalisations, non seulement avec l'aide financière de l'Europe mais aussi pour montrer que l'on s'intègre dans cet espace européen.
D'autre part, à chaque fois qu'un de mes collaborateurs ou moi nous nous exprimons publiquement, c'est rare que ceux qui sont pro-européens comme moi ne fassent pas référence à l'Europe.
Conclusion :
L'après guerre était une période d'hostilité très forte entre la France et l'Allemagne en particulier, or le traité de Rome a permis de gommer ce genre de conflit. Si l'Europe n'avait servi qu'à instaurer la paix entre ces pays, cela aurait déjà valu le coup d'être vécu. L'économie et la diplomatie commune entre les pays européens ont permis à l'Europe d'accéder à un rang de puissance mondiale. Les pays candidats à l'entrée en Europe font de grands efforts démocratiques, point positif pour ces pays qui se développent donc plus rapidement. La perspective de rentrer dans l'Europe est la seule chose qui empêche certains pays d'engager d'autres pays d'engager des hostilités. Donc, elle garantit la paix. Reste encore peut être à améliorer cette « unité européenne » entre tous les citoyens, tâche difficile mais qui devra s'instaurer dans la durée.
21. Interview de M. Jean-Pierre Fourcade, sénateur UMP des Hauts-de-Seine
réalisée par les élèves du Lycée Jacques Prévert - Boulogne-Billancourt
1 er trimestre 2005
Nous avons bénéficié de l'enseignement civique, juridique et social au lycée, à trop petite dose à notre avis, ne pensez-vous pas qu'il faudrait renforcer ce type d'enseignement ? Voyez-vous d'autres moyens de sensibiliser les jeunes à la vie politique en général ?
L'ECJS d'après les horaires indiqués ne semble pas suffisamment développé et nous avons en France un problème de préparation des jeunes à la vie externe, or il est nécessaire de bien comprendre comment s'articulent les différents niveaux de responsabilité dans son propre pays.
La France a la particularité d'avoir trop de communes, elle en a à elle seule 36 000 soit plus que dans tout le reste de l'Union Européenne. Une réforme communale est nécessaire à la coopération intercommunale, et est mise en place soit sous forme de communautés de communes, de communautés d'agglomérations ou de communautés urbaines.
Boulogne-Billancourt est une ville importante qui se situe au 36 ème rang par sa population et il faut partir de sa propre commune pour bien comprendre et connaître le fonctionnement de ces communautés, qui est complexe. L'enseignement civique, juridique et social devrait contribuer en étant un enseignement plus vivant à mieux appréhender les responsabilités et compétences à tous les niveaux des pouvoirs locaux.
Pensez-vous que la concentration des différents médias au sein de grands groupes est nuisible à la liberté de la presse et donc à la démocratie ? Pensez-vous que cette concentration de la presse nuise à la liberté d'expression ou influence l'opinion publique ?
Dans tous les pays libres, la presse est forcément concentrée, il faut cependant savoir éviter une trop forte concentration des médias pour que chacun d'entre nous puisse se faire une opinion objective d'une situation.
Il existe deux parades à cette concentration de la presse : la montée des autres médias d'une part, tels les radios, internet, la télévision surtout, mais aussi les journaux gratuits que vous lisez certainement... tout ceci fait perdre à la presse son caractère de média essentiel dans notre société, les supports d'information y sont de plus en plus diversifiés ; et la liberté de ton de cette presse d'autre part. En effet, les journalistes sont beaucoup plus libres aujourd'hui et rendent la presse moins conformiste, la télévision l'est davantage et la radio me semble plus « tranquille ».
Le problème est plus celui du rôle des journalistes et de leur formation.
Pensez-vous que le cumul des mandats favorise la démocratie ? Vous-même, Sénateur, êtes aussi Maire de Boulogne-Billancourt (ville de plus de 100 000 habitants). Vous avez deux mandats : en tant qu'élu municipal vous avez été élu au suffrage direct, en tant que Sénateur au suffrage indirect ; ressentez-vous une différence de légitimité ? Envisageriez-vous de modifier l'attribution de ces mandats ?
En France, le pouvoir est encore très centralisé, c'est pour cette raison qu'un maire est privé d'une grande partie de ses moyens (les trois quarts environ) s'il n'est pas aussi parlementaire.
Etre parlementaire me permet de faire avancer beaucoup plus rapidement les projets que j'ai pour Boulogne en tant que maire : je peux par exemple interpeller le gouvernement lors des séances de questions, je peux aussi intervenir lors des votes et dans l'élaboration des lois.
Le cumul des deux mandats me permet de gagner du temps, d'être plus efficace et c'est dans l'état actuel des choses, celui d'un système trop peu décentralisé, un facteur de bon fonctionnement de ma commune.
Ce cumul me semble donc nécessaire pour défendre au mieux les intérêts de la population puisque le mandat municipal assure une grande proximité des citoyens, alors qu'un simple parlementaire est plus isolé.
En tant que Sénateur, vous avez déjà participé au vote de nombreux textes de lois. Avez-vous le sentiment de répondre ainsi à des attentes de la population ? Quels sont les textes que vous avez votés et qui vous semblent le plus avoir fait avancer la démocratie ?
En France, tout sénateur a l'obligation de faire partie d'une des six commissions chargées d'étudier projets et propositions de lois afin de préparer discussion et vote. En tant que sénateur, j'ai participé à la Commission des Affaires économiques, à la Commission des Affaires Culturelles, à la Commission des Finances Locales, à la Commission des Affaires Sociales que j'ai présidée pendant quinze ans ; je suis actuellement à la Commission des Affaires étrangères et de la Défense.
J'ai voté de nombreux textes importants par exemple sur la bioéthique ou sur les 35 heures, j'ai aussi participé aux réformes constitutionnelles qui se font comme vous le savez en Congrès à Versailles (à la majorité des 3/5 èmes ).
Un des derniers textes que j'ai « rapporté » à la Commission des Affaires Sociales a permis la mise en place d'un statut d'assistante maternelle ; ce qui devrait faciliter les problèmes de garde d'enfants de nombreuses familles...
La réponse aux attentes de la population est constante et chaque texte qui résulte de nombreuses discussions et amendements passe en principe deux fois dans chacune des deux assemblées voire ensuite en commission mixte paritaire en cas de désaccord.
En tant que membre de la Commission des fonds spéciaux, en tant que Président de la Commission des Finances Locales, j'ai pu aussi faire avancer notre démocratie ; je viens d'être nommé Président de la Commission consultative de l'évaluation du transfert des charges (une commission mixte qui comprend 11 élus et 11 fonctionnaires)... Il s'agit par exemple de voir comment on reverse un peu de la T.I.P.P (Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers) perçue par l'État aux départements pour les aider à financer le R.M.I (Revenu Minimum d'Insertion) désormais à leur charge.
Je suis heureux d'avoir pu contribuer et de continuer grâce à mes diverses fonctions et statuts à améliorer le fonctionnement de notre société.
L'Union européenne regroupe des pays démocratiques ; ne faut-il pas réserver l'intégration qu'à ce type de régime ? Comment voyez-vous l'avenir politique de cette Union européenne à 25 ?
Tous les pays de l'Union européenne sont effectivement démocratiques. L'élargissement s'est toujours bien organisé, hormis quelques difficultés concernant Chypre - à moitié turque et à moitié Européenne. Plusieurs élargissements sont à envisager avec la Roumanie, la Bulgarie puis la Turquie et les pays de l'ex-Yougoslavie ; et l'on arriverait vite à une Europe à 30, voire plus. L'entrée de la Turquie poserait tout de même le problème des frontières de l'Union et celui de son fonctionnement puisque la Turquie ayant la population la plus importante serait majoritaire au parlement européen et pourrait gravement modifier les projets européens en s'y opposant...
Le projet de constitution européenne qui est soumis à notre approbation par référendum le 29 mai prochain devrait aider à remédier à ce genre de problème. Cette constitution prévoit le fonctionnement d'institutions européennes avec un exécutif européen (un président stable), un ministre des affaires étrangères représentant de l'Union, une défense avec un corps militaire européen. Ce projet de constitution définit bien les rôles et s'il est envisagé de mettre fin au processus d'élargissement dans un futur plus lointain, c'est pour ne pas affaiblir l'Union ou nuire à son statut actuel. Un système à deux vitesses pourrait être mis en place avec des coopérations renforcées entre certains états-membres, une sorte de pacte de pays privilégiés.
L'Europe compte beaucoup de réussites à son actif, mais il reste beaucoup à faire pour harmoniser nos différents régimes fiscaux ou sociaux. Nous pouvons prendre l'exemple de la directive Bolkestein qui provoque beaucoup de réactions.
L'Europe est le résultat d'un long processus, sa consolidation et la mise en place de nouvelles institutions constituent un défi majeur pour nos démocraties, les nouvelles générations doivent s'y impliquer !
22. Interview de M. Charles Gautier, sénateur socialiste de Loire-Atlantique
réalisée par les élèves du Lycée Carcouët - Nantes
1 er trimestre 2005
Est-ce que vous pourriez nous expliquer votre parcours et votre engagement démocratique jusqu'à votre élection de sénateur ?
Je suis d'un milieu traditionnel de paysans bretons. Mes parents n'étaient pas paysans, mais c'est la filiation ..., donc ma famille n'était pas très portée sur la vie politique, c'est ce que je voulais vous faire toucher du doigt. Je suis ingénieur agronome de formation. En sortant de l'école, j'ai voulu travailler pour la collectivité, et je suis entré dans un corps de fonctionnaires que l'on appelle le corps d'agronomie, qui s'occupait de tout ce qui était formation des agriculteurs, formation des hommes du secteur rural, etc., puis je suis parti faire mon service national en Algérie.
J'observais un peu les partis politiques. J'avais fait « mai 1968 » aussi en tant qu'étudiant. Pour vous, ce n'est pas des souvenirs, mais vous avez entendu parler de ça. J'étais politisé, même si je n'appartenais à aucun parti. Quand je suis revenu de coopération, j'ai été affecté à la Roche-sur-Yon pour mon premier poste, et très rapidement, je me suis dit : c'est bien gentil d'être fonctionnaire, mais pourquoi pas travailler avec ceux qui préconisent un certain type de société pour faire changer les choses ? Un fonctionnaire, il est là pour appliquer, il a une marge de manoeuvre bien sûr, mais il n'est pas là pour définir ce qu'est la société. Ça, c'est le rôle des partis politiques.
Et, à partir du moment où je me suis dit, plutôt qu'obéir, autant changer les textes, j'ai pensé que la vie politique était faite pour cela. Donc, je me suis orienté vers celui qui était le plus proche de ce que je pouvais penser, et c'était le parti socialiste. Je suis rentré au parti socialiste en 1974. J'étais en Vendée à ce moment-là (...) Arrivent les élections de 1977. Je me suis retrouvé sur la liste comme candidat aux élections de Saint-Herblain, la tête de liste étant Jean-Marc Ayrault et le deuxième, c'était moi. On a gagné, lui était maire, moi je devenais premier adjoint, et après, c'est un engrenage... Un peu plus tard, il y a eu de nouvelles élections : Jean-Marc Ayrault a été candidat sur Nantes et élu maire, alors, je me suis retrouvé maire ici.
Et puis arrivent les élections sénatoriales, on avait deux sénateurs socialistes sortants, un homme et une femme ; l'homme avait déjà fait deux mandats (...) On a donc dit à celui qui était là depuis le plus longtemps « Est-ce que tu peux laisser ta place ? ». C'est un homme qui partait, (...) et l'homme qui rentrait, c'était moi. Vous voyez, pour moi, j'ai eu au départ un engagement de travailler suivant des idées politiques. Après, vous êtes pris au mot et il y a un engrenage... Je n'ai jamais débuté ma carrière en me disant, un jour, je serai sénateur-maire de Saint-Herblain !
Pensez-vous que les lycéens ont un rôle à jouer dans le fonctionnement de la démocratie ?
Les lycéens ont un rôle à jouer de deux façons : compte tenu qu'ils sont dans le système éducatif, c'est d'abord de profiter de cette situation pour connaître le mieux possible l'ensemble du système, c'est ce qu'on appelle l'instruction civique, comment cela fonctionne, connaître le « mode d'emploi » de la société dans laquelle vous démarrez...
Et puis, le deuxième aspect, c'est que vous êtes aussi un corps de la société et donc, ce corps a le droit, bien sûr, de recevoir, mais il a le droit aussi de donner son point de vue. Votre rôle, c'est aussi de vous exprimer par rapport à vos aspirations, qui sont celles de votre condition de lycéen ou celles représentées par la tranche d'âge à laquelle vous appartenez. C'est sûr que quand on quitte une tranche d'âge, on a parfois des souvenirs émus, mais cela ne reste que des souvenirs, et quand on veut savoir ce qu'il faut pour des jeunes de 15 à 18 ans, il est mieux d'aller le leur demander, et alors, eux, il faut qu'ils se préparent à pouvoir l'exprimer (...) Bien sûr que vous jouez un rôle, un rôle très fort.
Moi, je vous ai parlé de 1968 tout à l'heure. C'étaient des étudiants, des mouvements de lycéens...Ces mouvements de lycéens, ils sont pris par les responsables très au sérieux. Alors, l'expression est parfois maladroite, mais on est très attentif à ce qu'ils disent : attention, c'est la société de demain...
Nous souhaiterions revenir à l'échelle nationale : pensez-vous que les partis extrémistes aient leur place dans la démocratie ?
Ça, c'est un paradoxe. La démocratie, c'est la tolérance, ensuite, dire que certains n'ont pas de place dans la démocratie, c'est antidémocratique. Enfin, c'est un débat vieux comme la démocratie. « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté », disait Danton... Pour les partis extrêmes, vous avez raison de poser la question comme ça, on peut mettre dans le même sac les extrêmes d'un côté et ceux de l'autre côté. Ils ont souvent les mêmes méthodes, et souvent leurs intérêts se rejoignent. D'abord, ils ne sont pas très nombreux et ont des réactions de secte. Les réactions de secte, c'est un système de provocation. Ils sont à la fois provocateurs vers l'extérieur et sécuritaires pour eux. Comme ils savent qu'ils n'y arriveront pas par la voie normale, ils essayent la voie brutale ; brutale dans les propos, brutale dans le geste. Donc, il faut les empêcher de grandir, et pour les empêcher de grandir, il faut d'abord combattre les idées qu'ils développent. Combattre leurs idées et faire l'analyse : comprendre pourquoi elles peuvent se développer. Vous savez, moi, je suis « agro » : c'est comme la végétation, si une plante se développe, c'est parce qu'il y a des racines et du terreau. Si vous supprimez les racines ou le terreau, il n'y a plus rien, donc si on constate que ça prend, c'est que des idées sont bien vendues de leur part, ou en tout cas mal combattues par les autres. En plus, il y a un contexte qui fait qu'il y a un public, c'est le terreau, ceux qui se disent : « Moi, je ne partage pas ces idées, mais sur certaines, il n'a peut-être pas complètement tort » et ils se laissent séduire. Pour l'interdiction de partis extrémistes, j'hésite. Je n'ai pas de réponse claire, je pense qu'il le faudrait, s'il y avait un danger vital pour la démocratie, mais je répugne à le faire si c'est uniquement pour se donner les moyens de les empêcher de s'exprimer.
Et pour continuer dans ce sens, quels sont selon vous les risques majeurs qui menacent la démocratie ?
Le principal risque qui menace notre démocratie, c'est l'indifférence. On voit finalement, d'élections en élections, de rendez-vous en rendez-vous, un taux d'abstention qui prend des proportions que l'on peut considérer comme dangereuses.... Peut-être que les rouages de la démocratie ne fonctionnent pas bien, quand les électeurs s'expriment, ils ont l'impression de ne pas être entendus, donc ils disent « c'est plus la peine d'y aller ». Il faut prendre tout ça en compte, mais le principal ennemi, c'est l'indifférence... Parce que les extrémistes, eux, iront voter. Le risque n'est peut-être pas énorme, parce qu'ils ne sont pas si nombreux que ça et parce que les citoyens n'ont pas envie de vivre dans une société complètement policière puisque cela se retournera contre eux.
Quelles sont, d'après vous, les limites de l'Europe ?
Ah ! Les limites de l'Europe... Je crois qu'on aurait dû commencer par cela. Je crois qu'on est mal « barré » en ce moment concernant l'Europe parce qu'on fonctionne comme une tâche d'encre sur un buvard. Se pose, par exemple, la question de la Turquie. Moi, je pense que ça ne sert à rien de faire l'Europe si on ne veut pas qu'elle soit efficace. Je pense que plus on sera nombreux, moins on sera efficace. D'ailleurs, ce n'est pas pour rien si ceux qui poussent à la roue pour que la Turquie entre, ce sont les États-Unis. Ils n'ont pas envie de voir une Europe efficace.
En conclusion, quelle serait, selon vous, la protection la plus nécessaire à la démocratie ?
La protection ?... C'est lui ( il désigne le professeur qui nous accompagne ). C'est l'éducation, c'est la formation, c'est la conscience politique des gens. Si on a des personnes qui s'en « foutent », on peut raconter tout ce que l'on veut. Mais vous savez, il y a des forces politiques à qui ça ne déplaît pas : « Braves gens, dormez chez vous, on veille pour vous... ». Mais ce n'est pas ma conception. Ma conception, c'est que les gens sont élus, élus parce que désignés pour représenter et rendre des comptes. Ils sont élus provisoirement, jusqu'à ce que les électeurs décident qu'ils ne sont plus en conformité avec ce qu'ils souhaitent. Alors, on les remplace par d'autres !
23. Interview de M. Alain Gérard, sénateur UMP du Finistère
réalisée par les élèves du Lycée St Joseph - Concarneau
1 er trimestre 2005
En quoi le Sénat développe-t-il la démocratie ? Dans quelle mesure la défend-t-il ?
Dans son mode de fonctionnement, le Sénat développe la démocratie car il tempère les grands mouvements de changement politique (élection par tiers de l'assemblée qui pondère les alternances).
Le Sénat développe également la démocratie car il pondère les impétuosités des députés de l'Assemblée nationale, les sénateurs étant plus indépendants et moins tentés de donner suite aux exigences de leurs électorats les plus revendicatifs (ex. : le Sénat a défendu la loi sur la liberté d'association - dernièrement il a pondéré les lois sur le bracelet électronique.
L'abstention n'attaque-t-elle pas la démocratie ? Et si oui, faut-il rendre le vote obligatoire ?
L'abstention ou plutôt le désintéressement de la population peut effectivement être un souci pour la démocratie. La résignation de la population est pour une grande part due au manque de confiance envers ses représentants politiques. Ce n'est donc pas le peuple qu'il faut blâmer mais c'est aux personnels politiques de se remettre en question.
Rendre le vote obligatoire reviendrait à obliger l'individu à avoir une opinion sur tout et tout le temps ! Il y a donc un risque du « voter n'importe quoi » ceci pour éviter une sanction. Certes, on peut voter blanc, encore faut-il que ce vote soit pris en compte, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle.
Les modèles démocratiques américain et européen sont-ils transposables dans les autres pays ? Et, imposer la démocratie à un pays, est-ce vraiment démocratique ?
Le système démocratique tel que nous l'entendons, nous autres occidentaux, est récent et résulte d'une civilisation policée qui a su régler ses difficultés internes. Il n'en est pas de même, loin de là, dans le monde entier.
De plus, la démocratie n'est vraiment démocratie qui si elle est voulue par le peuple qui en est destinataire, c'est le principe de la souveraineté, c'est-à-dire une nation libre de choisir son destin.
La démocratie est-elle toujours utilisée à bon escient ? Certaines valeurs démocratiques sont-elles à remettre en cause ?
Cela revient à parler de la force de la démocratie face à ses ennemis de mauvaise foi. Il n'y a pas de valeur démocratique à remettre en cause, il y a plutôt la faiblesse ou le manque de courage à revoir face à ceux qui veulent attenter à nos libertés.
Quel rôle peut jouer l'école au niveau du développement de la démocratie ?
« La connaissance vous rendra libre ... ! », rien que ce précepte montre l'utilité de l'école. C'est souvent à l'école que l'on apprend la confrontation des idées, le respect mutuel et la promiscuité sociale. C'est pour ça qu'une grande discipline y est nécessaire mais là, c'est une question de professeurs...
24. Interview de M. Francis Giraud, sénateur UMP des Bouches-du-Rhône
réalisée par les élèves du Lycée Joliot-Curie - Aubagne
1 er trimestre 2005
Les Français sont mal informés sur le rôle d'un sénateur. Pensez-vous que l'instauration d'un suffrage direct soit plus propice à vous faire connaître des Français ?
Ma réponse est plutôt non. Si les sénateurs étaient élus au suffrage direct, les Français éliraient une deuxième assemblée comme celle des députés, ce serait une Assemblée nationale bis. On dit que les députés représentent le peuple, quand les élus votent pour les sénateurs, ils représentent les collectivités territoriales. L'Assemblée nationale représente le peuple directement, le Sénat établit des lois.
Pourquoi ne pas faire des lois pour encourager les citoyens à plus de participation aux élections ?
Voter, c'est extraordinaire, je trouve que les Français ne sont pas assez informés sur l'instruction civique. Mieux que faire des lois, il faudrait éduquer les futurs citoyens à voter. Les obliger serait dommage, si on se sent citoyen, on vote. Je suis effaré du nombre d'abstentions. Si vous aimez la liberté, respectez la loi de la démocratie, sinon c'est la dictature.
Comment l'Union européenne pourrait-elle aider les pays entrants, anciennement communistes, à développer l'application des droits de l'Homme ?
L'Europe doit s'inspirer des principes démocratiques, et c'est le cas : le peuple élit ses représentants. Pour ces pays, ils aspiraient à la liberté, à cette démocratie, les autres pays doivent tout faire pour aider ces peuples.
Pensez-vous que la Turquie soit assez développée pour intégrer l'Union européenne ? Et si non, est-ce que son intégration n'aidera pas à l'amélioration de la démocratie dans ce pays ?
Le débat sur la Turquie est très difficile. Il y a une question géographique, c'est de la géopolitique. Si le pays n'est pas en Europe, alors il est de l'autre côté. Si la Turquie répond aux conditions démocratiques imposées, elle pourra intégrer le bloc européen, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Le problème est dans le fait que la religion musulmane est très présente. Le génocide arménien n'a pas été reconnu par la Turquie. L'acceptation de la demande d'intégration a été actée par des chefs de gouvernement. Le processus est en route, il faut le laisser faire. Les Turcs ont demandé, ils doivent être en conformité avec les autres pays. Ce qu'il faut retenir, c'est que l'Europe, ce sont des hommes qui veulent vivre ensemble.
Nous nous définissons en tant que citoyens français, pensez-vous qu'une identité européenne puisse nuire à notre identité nationale ?
C'est une question de fond dès que l'on collabore avec quelqu'un, soit on se dit : les autres, « je m'en fous », mais à partir du moment où vous vivez dans une démocratie, vous avez des droits, notamment celui d'expression. Est-ce que l'on risque de perdre notre identité, oui mais je pense que c'est pour un bien.
25. Interview de M. Pierre Hérisson, sénateur UMP de Haute-Savoie
réalisée par les élèves de seconde 3 du Lycée Gabriel Fauré - Annecy
1 er trimestre 2005
Il arrive que la démocratie vacille... Par exemple, des menaces ont existé lorsque M. Jean-Marie Le Pen est arrivé au second tour des dernières élections présidentielles. Il y a eu des manifestations de protestation. Beaucoup de jeunes n'ayant pas l'âge de voter étaient aussi dans la rue : ils n'avaient que ce moyen pour s'exprimer car il faut attendre d'avoir 18 ans pour voter. Comment permettre aux jeunes de prendre part à la vie politique car ils se sentent souvent tenus à l'écart ?
L'engagement citoyen et l'engagement politique se superposent parfaitement dès lors que l'on croit à l'indépendance de son pays, dès lors que l'on croit aux institutions républicaines et qu'on les respecte. En 2002, la France a connu un choc politique, dans la mesure où au second tour de l'élection présidentielle, il restait 2 candidats.
Ce qui peut interroger les jeunes ce serait de ne pas pouvoir vous exprimer officiellement : il est fortement probable que si l'âge du vote dans notre pays avait été abaissé à 15 ou 16 ans, on n'aurait pas eu ce même résultat.
Il y a quelques mois, des cimetières juifs ont été profanés... A Annecy, une mosquée a été incendiée... Comment à votre avis peut-on conserver un état tolérant en démocratie ? Quelles mesures peut-on prendre pour faire respecter la démocratie et les droits de l'homme ? Autrement dit, comment peut-on lutter contre le racisme dans notre quartier et dans notre commune, dans la vie professionnelle aussi ?
Nous devons tout d'abord apprendre qu'un noir est l'égal d'un blanc, qu'un pauvre est l'égal d'un riche et qu'un homme est l'égal d'une femme. Il est vrai qu'aujourd'hui, face au phénomène de la délinquance ou aux problèmes liés à la criminalité nous pouvons nous apercevoir que l'on pourrait glisser en direction non pas du racisme mais de différences, au motif que l'on serait noir, blanc ou autres...
Pour maintenir la démocratie, pensez-vous qu'il soit nécessaire au niveau de l'Europe de créer une armée commune aux 25 États membres (comme c'est le cas par exemple aux États-Unis) ? Quel rôle l'Europe peut-elle jouer dans le monde pour défendre la démocratie ?
Chacun a son appréciation sur le comportement de l'Amérique dans le monde, notamment avec l'Irak - la France a d'ailleurs fait le choix de ne pas suivre les Américains. Les élections ont eu lieu et la démocratie est en train de se mettre en place en Irak, même si certains portent l'essentiel de leurs critiques en direction des armes de destructions massives qui n'existent pas en Irak... mais qui sont peut-être dans un pays voisin.
Pourquoi aujourd'hui encore se demande-t-on comment « défendre » et développer la démocratie, alors que tout cela devrait être acquis depuis longtemps ?
Liberté, Egalité, Fraternité... cela n'a jamais été une fatalité sur le plan universel. Nous sommes égaux en droit. A propos de la difficulté d'harmonisation des statuts sociaux, toutes les pseudo-démocraties ou les semblants de démocratie ont montré que cela pouvait aussi nous conduire à une catastrophe. Car l'esprit d'entreprendre n'existe plus.
Que feriez-vous si vous aviez la possibilité de changer quelque chose aujourd'hui dans le monde ? Quelle action un parlementaire peut-il mener pour défendre la démocratie ?
Il faut exporter dans le monde notre système républicain et notre fonctionnement démocratique. Il est vrai que la démocratie peut paraître la pire des choses car on consulte le peuple sur des sujets qui sont évidemment complexes, techniques dans une société où tout le monde n'a pas la même égalité de chances pour accéder aux études, à l'information. Tout le monde n'a pas les mêmes capacités malgré tout.
26. Interview de Mme Odette Herviaux, sénatrice socialiste du Morbihan
réalisée par les élèves du Lycée Jeanne d'Arc St-Ivy - Pontivy
4 février 2005
Comment donner plus de place aux femmes dans la vie politique ?
Les femmes sont en minorité dans la vie politique alors qu'elles s'investissent beaucoup dans le milieu associatif et la vie citoyenne.
Je pense que ce phénomène est lié à leur éducation, aux stéréotypes, à leurs peurs face aux trop grandes responsabilités. Elles manquent de confiance en elles.
C'est pour cela que la loi sur la parité s'est avérée nécessaire car elle contribue à réduire les inégalités hommes/femmes. Mais elle ne règle pas pour autant le problème : il faudrait une réelle volonté des femmes de s'engager et de s'imposer en politique.
Comment donner plus de place aux jeunes dans la vie politique ?
Afin que les jeunes soient plus présents en politique, je pense qu'il faut avant tout leur apporter la connaissance pour qu'ils puissent faire la démarche de s'y intéresser.
En effet, sans connaissances, les jeunes ne sauront pas comment s'investir, il y a donc un besoin d'informations. C'est tout le rôle de l'école. L'engagement commence d'ailleurs par l'implication dans l'élection des délégués de classe mais aussi dans les associations ou encore lors de manifestations.
Par ailleurs, une fois intéressés, les jeunes doivent persévérer et suivre le cheminement de leurs prédécesseurs. Je trouve normal que les personnes ayant une plus grande expérience dominent les partis politiques.
Cependant, face à la difficulté et au nombre d'étapes à franchir, les jeunes ont tendance à se décourager et sont donc peu nombreux à s'engager.
Comment faire en sorte que les élus soient plus proches des citoyens et que ceux-ci se sentent davantage concernés par la vie politique ?
Etant maire d'une petite commune, je joue la carte de la proximité avec les citoyens. On ne peut pas s'adresser à tout le monde sur un grand territoire. Les médias jouent donc un rôle très important.
Ceux-ci occupent une place prépondérante dans la communication des élus, notamment Internet. Les parlementaires ont de plus en plus leurs sites officiels. Chaque citoyen a donc la possibilité de consulter les comptes rendus de mandats.
Pour moi, l'élu doit être à l'écoute. J'estime qu'il faut un contrat moral entre l'élu et l'électeur. Il faut créer des réunions ouvertes en dehors des campagnes électorales pour que les citoyens puissent s'exprimer librement.
Mais le citoyen peut également s'impliquer : il n'y a aucune honte à adhérer à un parti politique....
Pourquoi les citoyens ne pourraient-ils pas proposer des lois ? Ne serait-ce pas plus démocratique ?
Je pense que pour créer des lois ou en proposer, il faut avoir un minimum de connaissances et connaître celles qui existent déjà. On ne peut pas décider lorsqu'on ne connaît pas.
Le processus d'élaboration des lois est très complexe et nécessite beaucoup de recherches. Nous les élus, sommes là pour cela. Nous représentons le peuple. La démocratie, c'est donner le pouvoir au peuple mais la démocratie directe est impossible.
Le premier acte de citoyenneté est l'accomplissement du droit de vote. Les citoyens participent à la construction des lois en votant pour des personnes qui les représenteront.
La démocratie permet-elle de réduire les inégalités ?
La démocratie permet de s'exprimer, de voter et de se faire représenter. Mais en elle-même, elle ne permet pas de réduire les inégalités. Ce sont les représentants des citoyens qui doivent avoir la volonté de les réduire ou pas.
27. Interview de M. Benoît Huré, sénateur UMP des Ardennes,
réalisée par les élèves du Lycée Paul Verlaine - Rethel
1 er trimestre 2005
Quel rôle l'école et aussi les médias doivent-ils jouer dans la diffusion d'une culture démocratique ?
Je crois que l'on a dans ce pays, qui est une vieille démocratie, peut être un fossé entre le citoyen, qui est sur le terrain, le citoyen de base et l'élu. Je crois que notre volonté, c'est d'être en permanence en lien avec les hommes et les femmes que des mandats tant municipaux, départementaux ou nationaux, nous ont portés pour les représenter et prendre en compte leurs intérêts et organiser le fonctionnement de la France en fonction de leurs préoccupations, qui relèvent de beaucoup d'aspects, sociaux, de formation, scolaires, l'équipement du territoire, autoroutes, TGV ... C'est divers et varié, cela suppose que l'on associe le concitoyen, et donc cela suppose une bonne communication. Il faut en effet que les médias rendent compte du travail démocratique fait par ceux qui en ont la responsabilité pour un temps. Ce temps est soumis au suffrage universel. C'est le moyen pour le peuple d'avoir le dernier mot.
L'école a un rôle très important par ce que, pour former votre opinion, il faut d'abord apprendre le fonctionnement des institutions, apprendre notre histoire, d'où on vient, les chamboulements qui ont fait ce que l'on est aujourd'hui et ça, c'est le rôle de l'école. L'école doit aussi nous éveiller aux préoccupations et aux grands enjeux de notre société et doit vous amener à formuler un certain nombre de demandes qui correspondent à vos attentes. Car s'il est bien une génération pour laquelle on doit inscrire notre action, c'est bien la vôtre. En fait, c'est notre devoir : prendre en charge la vie politique, sociale, économique, culturelle, éducative pour que vous, vous puissiez entrer de plain-pied dans cette société française, y prendre des responsabilités et y apporter votre contribution.
Comment faire respecter les valeurs des droits de l'Homme, surtout sa dignité, alors qu'aujourd'hui se développent de nombreux propos et actes racistes ?
Le racisme, c'est souvent un phénomène collectif, mais qui est alimenté par des phénomènes humains. Et je crois, il y a un travail de vigilance permanente à faire. Là aussi, l'école et l'éducation, la famille doivent apprendre à faire respecter l'autre, à vivre en société, comme on dit « en famille », suivre un certain nombre de règles, prendre les différences, non pas comme des oppositions, mais comme des complémentarités et en faire des valeurs ajoutées.
Il faut être très vigilants et vous le voyez encore aujourd'hui, on a des relents, des groupes de pression antisémites, anti-arabes, anti-noirs. La couleur de la peau, les origines culturelles deviennent des sujets violents, des sujets d'opposition. Alors souvent derrière le racisme, il y a des peurs qui s'expriment plus facilement quand il y a de la précarité, de la misère. On cherche des boucs émissaires : « s'il y a du chômage, c'est la faute des arabes ! ». Ce sont des rengaines qui sont diffusées dans l'opinion publique et qui accrochent l'attention des gens qui n'ont plus trop de repères, qui ont de l'inquiétude. Il faut être extrêmement attentifs. Il faut en permanence rappeler les règles. Le devoir des institutions, des hommes et des femmes qui les représentent, c'est de faire respecter ces règles, de poser en permanence des limites. C'est au pouvoir judiciaire après, de condamner et derrière des condamnations de démarches racistes, vous avez un aspect éducatif. Il ne faut pas croire que l'on est au-dessus des risques. Quand on regarde l'histoire, il y a toujours des risques de basculement, c'est une attention de tous les instants. C'est lié à une forme d'immaturité, de peur et on peut trouver des boucs émissaires à tout. L'État de droit et avec lui la Déclaration des droits de l'Homme précisent toutes les règles pour vivre en société, le respect des personnes et le respect des différences, des origines et des croyances. Nous sommes dans un État laïc qui doit observer par rapport à toutes les croyances une neutralité. Il faut en permanence passer par l'éducation, mais cela ne s'arrête pas à l'école, il faut d'autres relais et les médias ont un pouvoir et un devoir de par la force de leur diffusion, de rétablir les choses, d'appeler à la vigilance et de donner l'envie de vivre ensemble.
La coordination des actions pour développer une démocratie proche des citoyens est-elle possible entre l'échelle française et l'échelle européenne ?
C'est un devoir. L'Europe qui se constitue se fait avec les démocraties. Le peuple doit d'ailleurs se prononcer prochainement sur la ratification de la Constitution européenne.
Finalement, à l'échelle de la planète, les démocraties ne sont pas une majorité. L'Europe est-elle porteuse de ces valeurs ? Elle a un devoir, je pense, vis-à-vis du monde, de diffuser ces valeurs démocratiques. Un certain nombre de pays, notamment les dix qui viennent de nous rejoindre, ont vécu une parenthèse dans la vie démocratique. Le XX ème siècle a été pour eux non démocratique. Donc, l'Europe a de jeunes démocraties. Et vivre ensemble, montrer comment on peut s'entendre sur ce qui nous rassemble plutôt que sur ce qui nous divise. L'Europe, c'est déjà cela.
En visitant un musée militaire, je me demandais si l'Europe ne nous avait apporté que cela ? Mais depuis plusieurs années, nous ne sommes plus en guerre. Or, pendant des décennies, rares étaient les générations qui échappaient à des conflits armés. Sur les monuments aux morts, vous pouvez lire le nom des gens qui sont à peine plus vieux que vous. Pendant des décennies ce fut le sort de la France. L'Europe aujourd'hui a permis de vivre dans un espace de paix. C'est un espace de paix et la paix n'a pas de prix.
Un espace qui a des devoirs vis-à-vis du reste de l'humanité et vis-à-vis des jeunes démocraties naissantes. En Irak, au Moyen-Orient, en Afrique, il faudra de l'Europe pour épauler ces arrivées vers la démocratie.
Comment pouvoir devenir de véritables citoyens acteurs, alors que beaucoup méconnaissent les lois du fait de leur multiplication ?
Il faut un fond de textes législatifs qui organisent la vie en société que l'on doit connaître. Si vous voulez connaître les lois, c'est accessible. Le Journal Officiel paraît tous les jours. Être citoyen, c'est connaître les lois, mais c'est surtout faire vivre l'esprit des lois, ce qui suppose la participation de chacun. Ce qui se fait à tous les niveaux, vous à votre niveau, nous à notre niveau d'élu et au niveau de toutes les catégories sociales.
Effectivement, trop de lois finit par tuer la loi. Il y a en effet des périodes où l'on légifère sur tout. Plus on multiplie les lois, moins on a de lisibilité. Il ne faut donc pas dévoyer la loi. Il faut rester sur les aspects essentiels de la vie en société, les différentes catégories doivent s'organiser entre elles. Nos concitoyens autour de pivots de lois principales peuvent s'organiser. Il est d'actualité d'alléger la législation au Parlement.
La Constitution européenne est une étape dans la construction européenne. Si beaucoup ne la lisent pas, il y a l'esprit. Il faut aller à l'essentiel. La Constitution, c'est une manière de s'organiser. Tôt ou tard, il va falloir se référer à un texte qui devra être très large. Mais pour le citoyen comme vous et moi, ce qui importe, c'est l'esprit de toute cette loi constitutionnelle pour l'Europe.
On va transférer des pouvoirs de chacun des États vers une entité « Europe » et il fallait donc réformer notre propre Constitution. La réunion en Congrès à Versailles des deux Assemblées, le Sénat et l'Assemblée nationale doit débattre de la suppression des articles de notre Constitution française qui deviendraient incompatibles avec la Constitution européenne. Une constitution vit, change. Notre propre constitution abandonne nos propres prérogatives pour les donner à l'Europe. Nous décidons de faire front commun et d'organiser nos intérêts dans l'Europe.
Comment peut-on défendre la démocratie en tant que lycéens, alors que nous n'avons pas encore le droit de vote à 16 ans ?
On peut tout à fait s'exprimer sans le droit de vote. L'élu qui n'entend pas l'expression ne fait pas bien son travail. Vous exprimez votre mécontentement dans les manifestations lycéennes. Bien sûr, participer à la démocratie passe par l'acte solennel du vote par les urnes. Mais la démocratie, c'est tous les jours et on ne vote pas tous les jours. La démocratie, c'est aussi s'exprimer et crier son mécontentement dans la rue. Lorsque vous participez au développement du tissu associatif, sportif, à but humanitaire, vous faites vivre la démocratie. C'est votre responsabilité, vous ne pouvez pas vous en désintéresser.
Il faut bien fixer un âge, avant c'était 21 ans, aujourd'hui 18 ans. Cependant, il faut faire attention, la démocratie ne peut fonctionner en dent de scie. Il faut qu'il y ait des tendances. Le privilège de la jeunesse, c'est d'être impulsive, volontairement provocatrice et finalement de vouloir prendre les commandes, ce qui est normal. Cependant, celui qui a plus d'expérience sait que la stabilité permet d'éviter le désordre afin de bien avancer et de diriger un pays. Alors, le droit de vote à 16 ans ? Il est sûr qu'en quelques années la maturité des jeunes a beaucoup évolué. Je pense que du fait d'avoir accès à toutes ces informations avec les moyens de communication modernes comme la télévision ou Internet, le monde est devenu un village. Les jeunes aujourd'hui sont beaucoup plus mûrs, mais aussi beaucoup plus déstabilisés face à la misère du monde par rapport à l'époque d'il y a 25 ou 30 ans. Le déversement d'informations, rend notre maturité beaucoup plus grande, mais votre exaspération et votre angoisse sont surtout plus fortes.
Alors, beaucoup ne s'inscrivent pas sur les listes électorales. C'est sans doute notre faute. On ne sait pas suffisamment expliquer les choses, mobiliser et écouter et finalement être proches de nos concitoyens. Les médias ne nous y aident pas non plus, parce qu'ils ne montrent pas assez le côté utile de l'élu et ne savent pas expliquer les enjeux. Certains se disent : « à quoi bon aller voter, ça ne changera rien aux enjeux, c'est la mondialisation ». Alors que peuvent faire les élus ? On veut un développement pour tous, des moyens de communication ... Mais la concurrence nous oblige à partager. Nous sommes attristés quand une usine se délocalise, mais en même temps pour ces gens, c'est du boulot qui arrive, du développement. Alors, c'est délicat. Aujourd'hui, on ne vit plus en vase clos d'où la nécessité de s'organiser en bloc beaucoup plus important. L'Europe, par sa masse de population, peut faire entendre sa voix dans les domaines de la solidarité sociale, du partage du développement, d'une meilleure répartition des richesses entre ceux qui travaillent et ceux qui apportent les capitaux. Mais en ne participant pas au vote, c'est avoir peu de reconnaissance pour nos ancêtres qui se sont fait tuer pour la démocratie et faire peu de cas pour ceux qui dans le monde, et notamment en Irak, veulent voter au péril de leur vie. Certains risquent leur vie, alors que nous ne nous déplaçons même pas pour voter. Ce qui donne un sentiment d'amertume. Aujourd'hui, les moyens d'information montrent au monde dans quelle opulence nous vivons et dans quel dénuement certains survivent. Il n'y a plus de fatalité. Désormais, il faut changer nos comportements et à travers cet ensemble de démocraties qui s'appelle l'Europe, prendre le monde à bras le corps.
28. Interview de Mme Sandrine Hurel, sénatrice socialiste de Seine-Maritime
réalisée par les élèves du Lycée de la Côte d'Albâtre - St-Valéry-en-Caux
1 er trimestre 2005
Une grande majorité des lycéennes pensent qu'il est plus difficile pour une femme que pour un homme de faire de la politique. Qu'en pensez-vous ?
Oui et non.
Oui car il est plus difficile pour une femme d'être désignée au sein d'un parti politique, surtout lors d'un scrutin uninominal comme les cantonales, les législatives.
Les femmes sont souvent obligées de prouver beaucoup plus leurs compétences que les hommes.
Non, de moins en moins grâce à la loi sur la parité de juin 2000 qui permet notamment sur les scrutins de liste d'avoir 50 % d'hommes et de femmes. Avancée notable qui a permis entre autres d'avoir plus de femmes au sein des conseils municipaux, d'avoir plus de femmes au Sénat : 17 % au lieu de 12,5 à l'Assemblée nationale.
Les mentalités au fil du temps évoluent doucement car les hommes ont souvent du mal à abandonner leurs mandats. Du chemin reste à parcourir mais il faut toujours se rappeler que les femmes françaises n'ont eu le droit de voter qu'en 1945... de tous les pays européens nous avons été les dernières à acquérir ce droit !
Certaines pensent qu'elles sont moins écoutées et leurs projets moins pris en compte
Une fois élues, les femmes sont respectées et écoutées dans leurs propositions. Je ne rencontre aucune difficulté dans l'exercice de mes mandats, ni mes collègues.
Même qualité d'écoute et surtout une prise en considération des projets. Au Sénat comme au conseil général, les femmes interviennent autant que les hommes.
Rappel : c'est grâce à Madame Simone Veil, qui a dû à l'époque se battre contre une assemblée masculine, que des avancées en matière de santé, notamment sur la loi sur l'avortement ont eu lieu. Elle a su convaincre et imposer son projet de loi. Idem pour Martine Aubry qui est à l'origine de la loi sur les 35 heures.
Certaines pensent qu'elles sont cantonnées aux sphères de la vie sociale et de la famille et qu'elles peinent à se faire entendre dans d'autres domaines.
Longtemps au sein des municipalités, les femmes ont eu des postes d'adjointes en charge de l'action sociale. Là aussi, grâce à la loi sur la parité, notamment dans les conseils municipaux, la situation évolue car des femmes sont aujourd'hui en charge de l'environnement, des finances par exemple.
Comme conseillère générale, je suis membre de la commission de l'aménagement du territoire, et au Sénat, je suis membre de la commission des affaires économiques, qui traite des problèmes de l'emploi, de l'agriculture, de la pêche, du tourisme...
Les femmes doivent aussi elles-mêmes revendiquer leurs compétences dans ces domaines et ne pas se cantonner aux postes dans le social.
A la fois, il faut bousculer nos élus masculins, mais il faut aussi que les femmes s'affirment dans leurs domaines de compétences.
Certains garçons pensent que les femmes pourraient apporter peut-être un regard différent sur la politique. Qu'en pensez-vous ?
Pas peut-être. Sûrement ! Il est souvent dit « que les femmes sont plus directes, plus pragmatiques, moins langue de bois ».
Je crois surtout qu'un homme ou une femme politique, chacun dans son domaine, avec ses compétences, ses centres d'intérêt, peut apporter un regard différent, une façon de faire différente.
Chacun avec sa sensibilité, sa force de conviction, contribue à faire évoluer le quotidien de nos concitoyens.
La loi sur la parité avait pour but, non pas, d'exclure les hommes en politique ou d'être plus nombreuses que ces messieurs, mais bien de rétablir une égalité entre les deux sexes.
29. Interview de M. Dominique Leclerc, sénateur UMP d'Indre-et-Loire
réalisée par les élèves du collège - lycée Saint-Denis - Loches
15 mars 2005
L'intégration de nouveaux états a permis d'élargir la démocratie. Pouvez-vous nous dire les principales avancées ? Dans quels états ont-elles été les plus visibles ?
Les pays de l'Est, ce sont des pays qui découvrent pour les plus jeunes un exercice démocratique qu'ils trouvent légitimes. Vous par exemple, vous êtes en âge de voter, vous êtes impatient de voter ? La démocratie qui est basée sur l'adhésion dans un vieux pays par rapport aux autres, aujourd'hui pour exister, il ne suffit pas de prendre un micro.
Vouloir s'organiser selon les mêmes règles que nous, peut apparaître comme un néo-colonialisme. Ça a été la plaie au XX ème siècle par rapport à l'Afrique, le Moyen-Orient, et c'est pour ça qu'aujourd'hui, ce fossé et ce vocabulaire pénalisent des gens qui ont pour la première fois organisé une consultation auprès de leurs citoyens. Demain, assez rapidement on leur imposera les mêmes règles démocratiques qu'il y a dans la Constitution européenne et qui va régir 27 pays. Pour moi, c'est une aberration, les pays n'ont pas du tout le même passé. Dans un siècle, les Français auront une autre maturité intellectuelle, d'abord l'éducatif fera qu'ils auront une autre maturité parce qu'on n'a jamais pu à mon sens, les consulter sur le fond. La Constitution européenne voudrait aller plus loin, veut plus de démocratie. Le pouvoir central n'est pas organisé partout comme chez nous : on fait confiance aux gens localement pour organiser un grand thème de politique, y compris l'éducation comme en Allemagne ou en Espagne, qui est le fait des régions. Il faudra que dans un équilibre européen on donne une certaine consistance à ce mot région pour être crédible à l'échelle européenne ; donc on a beaucoup à faire. Les états sont le ferment de l'Europe, états co-décideurs. Il y a une disparité énorme entre les lois sociales des uns et des autres. A l'entrée de la Pologne, on a senti beaucoup d'aspirations. Aujourd'hui il y a un souffle de vie démocratique, et d'un autre côté, lors du referendum d'adhésion, ils ont moins voté que les autres ; ils sont désabusés des politiques polonaises qui en peu d'années ont galvaudé l'expression démocratique, en France dans d'autres démocraties, on a un quotidien démocratique, une connaissance reste à acquérir au-delà de la soif qu'ils ont.
Dans quel sens peut-on développer davantage la démocratie en Europe ? Quelles sont vos actions dans ce domaine ?
Demander une démocratie veut tout dire et ne veut rien dire, pourquoi ? Si l'on veut plus de démocratie en Europe deux choses sont nécessaires : que les jeunes expriment leur confiance dans les politiques, hommes et femmes qui soutiennent le projet européen ; et aujourd'hui, ça a été un des enjeux de la compétition, de crédibiliser la politique avec un grand « P ». Et ça c'est l'enjeu extraordinaire de la démarche que l'Europe est en train d'entreprendre, redonner à l'action citoyenne plus de noblesse, une volonté de rapprocher les institutions des citoyens. Ça a été fait un peu aux dernières élections européennes à la proportionnelle puisque la région Centre et la région Limousin ont été jumelées pour désigner deux ou trois députés européens, une qui est proche de chez nous, Mme Descamps, je la vois dans les manifestations, elle essaie de rendre compte de son action à Strasbourg et à Bruxelles, ce qui n'est pas évident. La constitution manifeste une volonté énorme de vouloir rapprocher l'Europe des citoyens. En Europe, il y a des expressions de démocraties qui sont simplifiées, mais le préalable c'est qu'il faut que les citoyens européens retrouvent une confiance dans le « faire politique » et dans la façon de l'exprimer. Je travaille à Saint-Pierre-des-Corps, je reçois des étrangers, dont les trois-quarts sont en France depuis très longtemps, je ne crois pas que nous pourrons les écarter encore durablement de la vie politique.
Pouvez-vous nous préciser ce que la Constitution européenne va modifier ? Est-ce une avancée dans la défense de la démocratie ?
L'Europe de demain, plusieurs l'ont dit - c'est pour ça que votre démarche est intéressante : « on ne sait pas », « on est incapable de se faire une idée de l'enjeu de cette Constitution » ; donc cela explique une partie de leur désintérêt. Là, c'est sur le fond. C'est tout l'enjeu de la Constitution. Pour la forme, nous entendons « hurler » certains Français, du moins ceux qui suivent, peuvent dire que l'Europe n'est pas assez sociale ou que l'Europe est trop libérale. Une volonté aujourd'hui d'impliquer la politique européenne sur des vecteurs qui nous touchent, on parle social, c'est-à-dire l'éducation, les règles, les lois de travail etc.... Une avancée énorme sur le quotidien, c'est ça la première chose, redonner plus de pouvoir à certaines institutions et notamment au Parlement européen, c'est ça la citoyenneté. Il faut s'intéresser ; Barosso est le président de la Commission mais il a dû être accepté par le Parlement. Les commissaires devaient passer un examen, ils ont passé des auditions pendant des heures et les parlementaires européens les ont assaillis de questions. Barosso a réécrit sa copie, c'était une expression de la démocratie plus forte. Le Parlement, sur les textes qui régissent l'Europe, a été plus présent. On est en démocratie et on n'a pas à récuser un avis majoritaire. Le Parlement exprime beaucoup plus sa volonté ; la réalité européenne, elle va évoluer, la réalité politique est un des enjeux de l'Europe. La Constitution mettra en place les conditions nécessaires dans les années à venir, pour tous ces Européens, une expression citoyenne au travers de la participation aux élections locales. En Europe, il y a des règles à mettre pour le passage des idées, d'un pays européen à un autre, des personnes d'un pays européen à un autre, et, je crois, que la pire chose, c'est l'immobilisme. L'enjeu du referendum est donc énorme car on peut avancer plus ou moins bien, mais il faut avancer. La prochaine fois, vous voterez. Il faut moderniser l'élection par l'utilisation des nouvelles technologies.
On a beaucoup à faire, autrefois le traité de Rome était axé sur les échanges commerciaux, aujourd'hui pour une Europe politique, pour retrouver dans le projet européen une ambition politique donc plus de place pour le Parlement, un Président de l'Europe élu pour deux ans et demi sur les règles démocratiques, et vous aurez un ministre des affaires étrangères, aujourd'hui c'est un fonctionnaire, rôle assez important mais sans légitimité démocratique. Cette Constitution donne une place essentielle à la majorité qualifiée, on est bien dans l'expression démocratique ; ça ne se fera pas du jour au lendemain même si elle est adoptée. Elle représente une avancée énorme en terme de démocratie individuelle. La majorité qualifiée modère tout le monde au delà du poids démographique des pays par exemple la France et l'Allemagne ne seront pas obligatoirement parmi les 18 commissaires européens, il y aura un turn-over des pays.
En conclusion, nous avons une obligation de nous développer tous ensemble parce qu'on a un développement intellectuel et social commun. Il faut maîtriser la langue anglaise, la langue française c'est évident et puis toutes les nouvelles technologies. Nous avons une obligation de vouloir bouger dans le sens des rails qui ne peuvent plus être franco-françaises mais qui doivent être européennes. C'est ma conviction.
30. Interview de M. Jacques Legendre, sénateur UMP du Nord
réalisée par les élèves du Lycée St Michel - Solesmes
1 er trimestre 2005
Qu'est-ce que la démocratie pour vous aujourd'hui ?
Le principe de la démocratie est que tous les citoyens puissent s'exprimer. Référons-nous à la signification de « démos » : le peuple en grec. Le pouvoir appartient au peuple. Mais le principe de démocratie n'est pas seulement politique, il est aussi social. Les gens pauvres qui se sentent exclus ont les mêmes droits que les autres citoyens.
Les démocraties ont progressé : après la chute du Rideau de Fer, dix nouveaux pays ont adhéré à la Communauté européenne, ils sont devenus pour cela des démocraties, ce qu'ils n'étaient pas forcément au départ. Certains d'entre eux n'avaient que des partis uniques, il y a donc eu dans ces pays une évolution de la notion de démocratie. On peut penser que la démocratie est un luxe des pays riches, ce qu'elle n'est en aucun cas.
Comment protéger la démocratie ?
Aujourd'hui, la démocratie ne doit pas être protégée de l'extérieur par des soldats armés mais de l'intérieur par ses citoyens. Ceux-ci doivent se sentir concernés par l'évolution de leur démocratie ; ils doivent pouvoir faire le choix de leurs lois, de leur gouvernement, mais surtout le choix de leurs dirigeants. Mais il y a une différence entre les démocraties des pays pauvres et des pays riches : la démocratie n'est pas seulement politique, elle est aussi économique et sociale.
La démocratie doit vaincre les menaces internes à son bon fonctionnement. Il faut veiller à l'équilibre de la démocratie et à la résolution des problèmes sociaux.
Comment envisager la démocratie demain ?
La notion de démocratie telle qu'elle sera demain risque d'être plus compliquée. Avec l'élargissement de l'Union européenne, nous assistons à un élargissement de la notion de démocratie qui nous met face à des structures internationales telles que la Commission européenne, le Conseil des ministres et le Parlement européen. Nous assistons donc à une extension des champs de décisions au niveau international. L'ONU est le garant du droit des États : il décide si une intervention militaire est nécessaire. Grâce à un tribunal pénal, un droit international s'exerce. Les lieux où sont prises les décisions sont plus nombreux. Les États peuvent néanmoins bénéficier de plus de sécurité : ils offrent à leurs citoyens la possibilité de prendre part à leur démocratie.
Comment assurer la transition démocratique des pays entrant dans l'Union européenne ?
Ne peuvent entrer dans l'Union européenne que les démocraties. Les pays qui ne sont encore que de jeunes démocraties doivent s'y initier : la Biélorussie a été écartée de l'Union européenne parce qu'elle avait fait une rechute dans un régime dictatorial.
Les pays membres de l'Union européenne doivent se composer de démocraties, mais il faut néanmoins respecter les traditions, les coutumes de ce pays à condition qu'elles respectent les principes de la démocratie. La démocratie n'est pas réservée aux pays riches. Des pays tels que le Mali ou le Niger sont devenus des démocraties.
Pensez-vous que l'Europe puisse être considérée comme un modèle de paix dans le monde ?
Je souhaite que l'Union européenne soit un modèle de paix dans le monde.
Les démocraties ne se font pas la guerre entre elles, l'Union européenne est un espace de paix et de liberté. Même s'il y a beaucoup de pauvres, nous sommes considérés comme des pays riches, nous sommes pour cette raison enviés par beaucoup. Les menaces ne sont donc pas internes, mais externes.
C'est pourquoi l'Union européenne a créé une force militaire destinée non pas à attaquer, mais à se défendre en cas d'attaques extérieures, menaçant nos systèmes démocratiques. Cela nous permet également de ne pas être dépendants d'autres pays (tels que les États-Unis) ou d'organisations (comme l'ONU).
31. Interview de M. Jacques Legendre, sénateur UMP du Nord
réalisée par les élèves du Lycée Châtelet - Douai
21 février 2005
Pourquoi la démocratie aurait-elle besoin d'être défendue, est-ce un régime fragile par nature ?
La démocratie est un régime très fragile et très fort à la fois. Vous vivez dans une Europe où les vraies démocraties sont majoritaires depuis fort peu de temps. J'entends par là des systèmes politiques avec des élections libres, plusieurs candidats, la possibilité d'exprimer un point de vue sans risquer de finir en prison.
Je suis né à Paris en 1941 alors que notre pays était sous la dictature nazie. Hitler paradait sur la place de Cambrai le 1 er juin 1940... Beaucoup de gens encore vivants ont vécu ces périodes difficiles. La démocratie ne va pas de soi.
A partir de 1947, l'Europe a été coupée en deux par le « rideau de fer ». Vous allez aujourd'hui à Prague, à Budapest ou à Varsovie sans même y penser. C'était quasiment impossible il y a quelques années. Je me souviens de ma première manifestation politique. J'étais lycéen comme vous. C'était en 1956. Nous sommes descendus dans la rue pour protester contre l'intervention des chars soviétiques en Hongrie. La menace dictatoriale est une menace constante pour la démocratie. L'Espagne, le Portugal, la Grèce en ont également fait la triste expérience sous la forme de dictatures d'extrême droite.
Les libertés démocratiques ne sont jamais définitivement acquises. Leur défense requiert la vigilance de tous.
Que pensez-vous des taux d'abstention élevés lors des dernières consultations électorales françaises, des taux qui contrastent avec la participation observée dans les dix pays récemment entrés dans l'Union européenne ?
C'est un problème préoccupant dans un pays où la participation électorale était traditionnellement élevée. C'est un signal inquiétant auquel les hommes politiques doivent prêter beaucoup d'attention en ne dissimulant pas les vrais enjeux aux électeurs. Rien n'est pire pour la démocratie que le citoyen se demandant à quoi bon aller voter.
Pour ce qui concerne les dix pays entrés dans l'Union au 1 er mai 2004 - Chypre et Malte mis à part -ils se caractérisent par le fait d'avoir été privés de vraie vie démocratique pendant des années. Entrer dans l'Union européenne et dans l'OTAN constitue pour eux un moyen de se mettre en sécurité par rapport à tout risque de retour d'autoritarisme de leur puissant voisin. Il ne faut pas non plus oublier que ce sont des pays où le niveau de vie moyen est largement plus bas que celui des pays d'Europe du Nord Ouest. L'Union européenne a rendu possibles dans le passé des progrès économiques considérables à l'Irlande, au Portugal, et à l'Espagne. Entrer dans l'Union, c'est aussi la perspective de se mettre à niveau économiquement, de moderniser ses infrastructures, bref de devenir un pays européen comme un autre. C'est à la fois compréhensible et très légitime.
Quel est votre avis sur la candidature de la Turquie ?
Je pense qu'il n'est pas possible d'intégrer la Turquie actuellement. Pas pour des raisons géographiques, ou culturelles, ou religieuses, mais pour des motifs beaucoup plus pragmatiques. 70 millions d'Européens - et je m'en réjouis - viennent à peine de nous rejoindre. Leur intégration économique ne sera pas chose facile et prendra du temps. Pensez aux efforts considérables réalisés depuis 15 ans en Allemagne pour mettre à niveau les Lander de l'ex-RDA sans que tous les écarts aient été réduits. N'oubliez pas l'entrée de la Roumanie, de la Bulgarie, de la Croatie à l'horizon 2007... La Turquie représente à elle seule 80 millions d'habitants, et beaucoup plus pauvres... L'Ukraine qui vient récemment de nous donner une formidable leçon d'esprit démocratique ne mériterait-elle pas aussi sa place ? Non vraiment, je pense que tout n'est pas possible à la fois. Cela dit, il ne s'agit pas non plus de laisser ces pays de côté, de les ignorer ou de tuer les espoirs que leurs populations investissent en nous. Il faut poursuivre et renforcer les liens que nous entretenons avec eux, et en faire, pour l'instant, des partenaires privilégiés. Je refuse la perspective de travailler mal en étant trop nombreux ».
La scène mondiale a-t-elle réellement besoin de l'Europe comme nouvel acteur politique ? En quoi serait-ce une chance pour la France ?
Comment être absent lorsque vous représentez 450 millions de personnes et que vous constituez potentiellement la première puissance économique mondiale ?
Le débat interne aux Européens réside dans le fait de savoir s'ils doivent être des acteurs par eux-mêmes ou continuer de s'appuyer sur les Américains. On ne peut pas à la fois dire aux États-Unis « ne nous dominez pas », et leur laisser assumer la moitié des dépenses militaires de la planète. Cette différence de point de vue s'est manifestée récemment à propos de la crise irakienne. Notre pays a bien fait, à mon sens, de montrer son désaccord en ne cautionnant pas une vision envahissante de la démocratie qui peut susciter des réactions contre l'idée même de démocratie. Cela dit, n'oublions pas que les valeurs que nous partageons avec la démocratie américaine sont plus nombreuses et plus profondes que nos divergences épisodiques.
Le XXIème siècle sera sans doute celui des grands ensembles. Regardez la Chine, l'Inde, leur poids démographique gigantesque et leur croissance économique ! Que pèserons-nous face à eux dans cinquante ans ? Si aujourd'hui encore, la France, le Royaume-Uni, ont encore leur mot à dire - en tant que membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, en tant que puissances nucléaires - leur poids sur la scène internationale risque fort d'aller diminuant. La seule dimension qui puisse équilibrer les grands ensembles de demain, c'est la dimension européenne. Pour que la France puisse continuer à dire des choses au monde, il lui faut l'Europe.
Donc, oui l'Europe représente un véritable poids, oui elle a son mot à dire dans le monde, oui la France à beaucoup à y gagner ».
E. Renan écrivait à la fin du dix-neuvième siècle qu' « une Nation est une âme, un principe spirituel, un plébiscite de tous les jours ». La formule peut-elle s'appliquer aujourd'hui à l'aventure européenne ?
L'Europe n'est pas encore une Nation. C'est une union de nations dont les histoires se sont forgées, croisées, affrontées au long des siècles passés. Il n'y a donc pas de « nation européenne », mais un ensemble de pays qui partagent beaucoup de points communs et un héritage qui incarne de façon plus large la « civilisation européenne » dont nous sommes à la fois dépositaires et co-responsables. C'est une civilisation fondée sur la démocratie, la liberté, les droits de l'homme...
Mais n'était-ce pas là le point de départ de notre discussion ?
32. Interview de M. Jean-Claude Merceron, sénateur UC - UDF de la Vendée
réalisée par les élèves du Lycée Jean XXIII - Les Herbiers
1 er trimestre 2005
Quels sont les problèmes que l'on peut rencontrer en Europe et qui sont une menace pour la démocratie ?
Je crois que pour protéger la démocratie, il faut lutter contre toutes les inégalités.
Tout d'abord, celles liées à l'emploi car quand les hommes et femmes ont du travail, leurs vies privées et en société se déroulent tout à fait normalement. Donc l'emploi est un premier problème. Le logement aussi est un élément important parce qu'il faut que chacun puisse posséder un logement décent pour vivre une vie normale. Et puis il y a aussi les problèmes liés à la santé, parce que la santé est un élément important pour faire en sorte que chacun puisse avoir accès aux soins, que chacun puisse être suivi. Pour protéger la démocratie il faut aussi réduire les déficits publics c'est vrai que lorsque l'on vit au-dessus de ses moyens à un moment ou à un autre les choses craquent donc il est important qu'il y ait un équilibre sur le plan financier.
Assurer la sécurité publique c'est assurer la vie dans un pays où la tranquillité des promenades, la vie de tous les jours est parfaitement sécurisée. Malheureusement aujourd'hui la montée des extrémismes, et de tout ce qui se passe dans l'actualité est un véritable souci. Il faut absolument que l'on se protège de ces problèmes de terrorisme et là on a un très gros effort à faire. La montée du terrorisme est une atteinte à la démocratie, aux règles. Une société qui n'a pas de règles est une société qui ne peut pas vivre longtemps : c'est une question de discipline. Le problème c'est qu'aujourd'hui les pays n'ont pas le même statut social, les mêmes règles sociales, donc il y a des pays qui font travailler des hommes et des femmes dans des conditions plus que déplorables alors il faut absolument, sur ce plan-là, une régulation de l'économie pour faire en sorte que les entreprises qui sont chez nous, n'aillent pas ailleurs pour les problèmes de délocalisation. Il faut chercher à ce que l'équilibre se refasse mais il ne peut se faire que par palier est donc il faut se doter d'outils pour que justement on amène tout le monde au même niveau. Lorsque tout le monde est au même niveau, les échanges peuvent se faire tout à fait naturellement. Alors pour le moment c'est un peu du rêve mais il faut que ce rêve devienne réalité.
Enfin la démocratie c'est écouter, écouter les peuples, leur donner la parole, c'est aussi, et cela est important, continuer à voter. C'est vrai qu'il y a certainement des hommes et des femmes qui ne sont pas corrects mais il y a quand même une très grande majorité des gens qui se battent pour les réalités de la vie de tous les jours, et donc c'est important d'aller voter. D'ailleurs le cancer de la démocratie c'est l'absentéisme. Peu importe les difficultés et les désaccords qu'on peut avoir, peu importe les problèmes qui peuvent se présenter, il faut voter, dire ce que l'on pense.
Est-il possible de gérer l'Europe à 25 ? Est-ce qu'on peut dire qu'un dialogue est possible entre les différents pays sans risque qu'un pays veuille uniformiser ses idées?
C'est vrai que c'est un vrai problème. C'est ce qui est en train de se passer aujourd'hui avec l'histoire de la constitution, on est parti de règles avec des commissions qui ont permis une certaine avancée. En Europe il y a des climats sociaux différents, il y a des habitudes qui sont bien ancrées et il faut du temps pour amener les gens à accepter certaines réglementations et il ne faut pas non plus que ces réglementations soient uniformes, il faut tenir compte des coutumes. Heureusement il y a eu différentes étapes, des décisions un peu technocratiques mais il faut petit à petit pour que les choses évoluent, que ce soit le monde politique qui s'empare de ces décisions. De plus, il faut qu'au niveau des parlements des différents pays, il y ait des échanges continus parce que se sont au travers de ces échanges, des discussions entre les hommes que l'on peut bâtir une Europe solidaire, une Europe qui tient compte des réalités.
Quelles sont les chances que l'Europe donne aux citoyens ?
D'abord je crois que la première des choses c'est la paix. Je crois que la paix est absolument essentielle pour que les choses évoluent. Il faut donc bâtir l'Europe sur le plan de la solidarité, sur le plan de la protection des plus faibles car il y a des gens qui ont besoin d'être aidés. Il y a une liberté culturelle qu'il faut surtout mettre en avant, je dis souvent que quand on a des atouts diversifiés on est bien meilleur que lorsque l'on est tous dans le même moule. Au contraire, la diversité peut jouer son rôle, la diversité culturelle, la diversité des traditions, il faut les préserver. Et puis pour que l'Europe joue un poids important, la défense des droits de l'homme me paraît essentielle et puis il faut qu'il y ait aussi un véritable pacte social. Il faut un grand pays pour exister et il faut qu'il soit généreux et solidaire. Il faut toujours travailler à faire en sorte que les hommes et les femmes se rencontrent, qu'ils échangent. On est dans une société aujourd'hui qui est bien différente de ce qu'elle était il y a une cinquantaine d'années, quand on voit les progrès qui sont réalisés sur le plan d'Internet, sur le plan de la communication, il faut que vous, demain vous puissiez utiliser au mieux ces moyens de communication que l'on n'avait pas hier, au service de cette ambition européenne.
Comment peut agir l'Europe localement et concrètement, au niveau économique et culturel ?
Ce qu'il faut, c'est tenir compte de chaque pays dans sa réalité d'aujourd'hui et travailler pour qu'il y ait des échanges sur le plan de la jeunesse. Il faut absolument là aussi que vous n'hésitiez pas à aller à la rencontre des autres pays, il faut uniformiser les moyens pour les études, pour les bourses mais il y en a pour des décennies, cela ne va pas se régler du jour au lendemain, il ne faut jamais partir battu ni se décourager. Par exemple, pour les diplômes européens, il y a 20 ans qu'on en parle et aujourd'hui cela se concrétise : depuis la rentrée on peut très bien aller faire son cursus en Angleterre, en Allemagne alors qu'avant c'était simplement des échanges programmés dans le cadre de programme européens. Aujourd'hui, on rentre dans la concrétisation des échanges de formations, on n'est pas encore rendu aussi loin dans la formation professionnelle mais on va y arriver dans les années proches.
Pour bâtir l'Europe il ne faut pas hésiter à voir ce qui se passe chez nos voisins et également chez ceux qui sont en discussion avec nous pour bâtir cette Europe par exemple le tourisme est un élément certainement important.
33. Interview de M. Aymeri de Montesquiou, sénateur RDSE du Gers
réalisée par les élèves du Lycée de l'Oratoire - Auch
1 er trimestre 2005
En ce qui concerne le développement de la démocratie en France, pensez-vous que nos institutions doivent tenir compte davantage de l'expression de l'opinion publique ?
L'expression de l'opinion publique est indissociable de la démocratie. Il faut cependant prendre en compte le paramètre temps, c'est-à-dire du contexte historique (ex: Pétain en 1940). En effet, l'opinion publique peut-être sensible à la médiatisation (Pétain en 1944). La difficulté du rôle de l'élu est d'anticiper, de prendre des initiatives en étant à l'écoute des citoyens.
Pensez-vous que la coexistence (ou cohabitation) de régions et d'un gouvernement de tendance politique différente soit une défense de la démocratie ?
La cohabitation est bien sûr une défense de la démocratie. En effet, la constitution définit le droit des régions, le pouvoir central ne peut pas négliger les besoins de celles-ci malgré une tendance politique différente.
Comment défendre la démocratie lorsque l'exclusion par la pauvreté prive certains de nos concitoyens de leurs droits politiques ?
La pauvreté ne prive pas certains de nos concitoyens de leurs droits politiques. En effet, la priorité d'une personne en condition de survie est la recherche d'un travail et non l'exercice du vote.
Pensez-vous que reconnaître le vote blanc serait un frein à la montée de l'abstentionnisme ?
La prise en compte du vote blanc n'est pas un frein à l'abstentionnisme, le vote blanc est « symbolique », il marque le mécontentement. Le vote obligatoire serait une meilleure solution quant au problème de l'abstentionnisme.
Quel rôle les institutions doivent avoir pour défendre le pluralisme dans la presse ou les médias ?
Le conseil supérieur de l'audiovisuel veille au respect du pluralisme. La réalité retransmise en toute neutralité par les médias peut-être interprétée par l'opinion publique selon le contexte politique.
34. Interview de M. Jean Marc Pastor, sénateur socialiste du Tarn
réalisée par les élèves du Lycée Jean Jaurès - Carmaux
1 er trimestre 2005
Comment définir et développer la démocratie ?
La démocratie est le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple. Les citoyens possèdent un droit de participation (vote) et un droit de contestation (liberté d'opposition). Il existe plusieurs formes de démocratie. La démocratie représentative signifie que les citoyens donnent mandat à certains d'entre eux d'exercer le pouvoir en leur nom et place. C'est la démocratie que l'on a adoptée en France. La démocratie directe signifie que les citoyens exercent eux-mêmes le pouvoir sans intermédiaire. En usage dans les antiques cités grecques, la démocratie directe ne survit de nos jours que dans quelques communautés. La démocratie pluraliste est fondée sur la reconnaissance de la légitimité d'une pluralité effective de partis politiques et de leur alternance au pouvoir. Cette conception de la démocratie a représenté l'une des différences essentielles entre les démocraties « occidentales » et les démocraties autoritaires. La démocratie autoritaire est un régime qui fonctionne par l'instauration d'une société unanime où le pouvoir étant réellement issu du peuple, l'opposition n'a donc plus de sens et n'est donc pas admise d'où un rejet du pluralisme, un monopole du parti unique et une négation de la séparation des pouvoirs au profit de l'unité du pouvoir d'État. Nous, occidentaux, disons qu'il ne s'agit pas de véritables démocraties.
Est-ce que la démocratie est bien installée en France ?
C'est sans doute la Révolution française qui, en raison de son caractère radical et de son retentissement en Europe, a exercé l'influence la plus déterminante sur la formation de l'idée démocratique moderne. Découlant de la Déclaration des droits de l'Homme adoptée en 1789, la consécration des principales libertés publiques (sécurité et sûreté individuelle, liberté d'opinion, d'expression, de circulation) a dessiné d'une manière définitive l'idéal d'une société démocratique, quel que soit le type de régime politique dans lequel elle s'incarne. On peut dire que la démocratie depuis 200 ans est bien installée dans notre pays.
Toutefois, les élections présidentielles du 21 avril 2002, avec l'éviction du candidat socialiste et le maintien au second tour de deux candidats, un républicain et un qui ne l'est pas nous pousse à nous interroger fortement.
Comment est-elle représentée ?
En France, la démocratie est représentée par les élus. Il existe plusieurs types d'élus : les élus locaux, les élus nationaux, et les élus européens. Les élus locaux sont les élus des trois niveaux de collectivités locales : conseil régional, conseil général et conseil municipal. Les élus nationaux sont les élus du parlement : Assemblée et Sénat. La « Haute Assemblée » est composée de 331 membres, ce nombre sera porté à 346 en 2010 pour mieux respecter la représentation des équilibres démographiques et des collectivités territoriales. Les élus européens sont répartis entre les commissions, le conseil européen et le Parlement européen. Toutes ces institutions sont là pour veiller au bon fonctionnement de la démocratie au niveau régional, national mais aussi européen.
Peut-elle être améliorée ?
La démocratie n'est qu'un concept vide si tous les citoyens n'ont pas accès à l'information ou à un niveau d'instruction qui leur permet de participer au débat politique. La démocratie est toujours fragile, à moins que l'action des corps intermédiaires et la qualité du débat public évitent la fragmentation du corps social, qui laisserait le citoyen seul face au pouvoir.
Existe t-il des menaces contre la démocratie ?
En France, la démocratie est menacée de l'intérieur à cause des différences sociales entre les citoyens qui peuvent faire des écarts. Il faut aussi veiller à maintenir l'équilibre entre les deux chambres. Pour instaurer une loi, il y a la commission mixte paritaire qui réunit sept députés et sept sénateurs lesquels doivent trouver un juste milieu. Sinon, le texte est lu au jugement d'une seule personne et cela est une menace pour la démocratie car il n'y a pas de débats.
La constitution européenne peut-elle définir et développer la démocratie ?
Le nouveau traité constitutionnel contient de nombreuses avancées sur le plan social et démocratique par rapport aux traités existants. Il vise à constitutionnaliser la charte européenne des droits fondamentaux et contient notamment : le droit de grève, le droit à l'information et la consultation des travailleurs. Désormais, les objectifs de l'Union européenne seraient :
-le plein emploi,
-le progrès social et la justice sociale,
- la lutte contre l'exclusion sociale,
- la lutte contre les discriminations,
- l'égalité entre les hommes et les femmes,
- la cohésion territoriale,
- le développement durable,
- la diversité culturelle et linguistique,
- la paix,
- la solidarité entre les peuples.
Le traité prévoit un président du conseil qui assurera une stabilité nouvelle. Un ministre européen des affaires étrangères permettant l'expression d'une parole commune des européens sur la scène internationale sera nommé par le Conseil. Un droit d'initiative populaire permettra à un million de citoyens de l'Union européenne d'inciter la Commission à soumettre une proposition législative.
35. Interview de M. Jacques Peyrat, sénateur UMP des Alpes-Maritimes,
réalisée par les élèves de la 1ère BAC PRO Vente du Lycée Magnan - Nice
22 mars 2005
En tant que sénateur, quel rôle avez-vous dans la vie quotidienne des citoyens français ?
Permettez-moi de faire une observation préalable : l'activité d'un sénateur est moins identifiée, dans l'esprit des citoyens français, que ne l'est celle d'un député. De fait, le plus souvent, lorsque les citoyens s'inquiètent du rôle du Parlement, ils pensent avant tout à l'Assemblée Nationale. Il n'est pas sûr, pour autant, qu'ils estiment qu'un député fasse suffisamment pour leur vie quotidienne. Alors que peuvent-ils penser d'un sénateur, qu'ils n'élisent pas directement.
Le Sénat, est, dans notre République - qui admet le principe du bicaméralisme - la deuxième chambre parlementaire. C'est, en général, celle qui examine les projets de loi après qu'ils ont déjà été discutés et votés par l'Assemblée nationale. En cas de désaccord entre les deux chambres, le Sénat n'a toutefois pas le dernier mot. Par cette position, le Sénat illustre peut-être cette forme de distance, souvent mal comprise, de tout Parlement par rapport à la société.
Dans une démocratie comme la nôtre, les parlementaires sont ceux que les citoyens distinguent pour être leurs représentants. Tout élu, et ainsi tout parlementaire, est, par l'élection même, séparé des citoyens : il est délégué pour assumer des responsabilités qui engagent toute la collectivité. La responsabilité d'un parlementaire, c'est de voter les lois et de contrôler le gouvernement.
Les Français ne voient pas toujours le rôle que jouent les parlementaires dans leur vie quotidienne. Mais en examinant les projets de lois, article par article, et en les votant, les parlementaires élaborent et adoptent les règles communes que chaque citoyen est amené à respecter, ils définissent les droits de chacun et les obligations de tous, et aménagent les contours de la solidarité nationale.
Considérons par exemple le budget de la France, dont ils débattent et qu'ils doivent approuver chaque année : c'est alors que les parlementaires décident des impôts, autrement dit de la manière dont les uns et les autres contribuent à la mise en commun des richesses qui permettent à l'État d'accomplir ses missions, de garantir la défense du pays et la sécurité des personnes, d'assurer l'avenir collectif, de protéger les personnes et d'aider ceux qui sont dans le besoin.
En fin de compte, un sénateur, en votant une loi, intervient dans la vie quotidienne des Français, et chaque citoyen peut le solliciter au même titre qu'un député. Et, parfois, parce qu'ils ont la possibilité d'avoir un peu de recul par rapport à l'Assemblée nationale, les sénateurs corrigent les défauts d'une loi.
Un sénateur est, en définitive, quelqu'un qui est chargé, par les citoyens, de réfléchir une deuxième fois. Son rôle est de rappeler à chaque citoyen l'importance de la délibération : une bonne intention ne suffit pas à faire une bonne loi.
Généralement, durant les élections, on constate que les jeunes de 18-25 ans s'expriment peu par le vote. Que proposez-vous pour changer cela ?
La tentation de l'abstention ne concerne pas seulement les jeunes mêmes si ceux-ci sont encore plus portés à ne pas voter. Mais cette situation n'est pas irréversible parce qu'il se trouve que, parfois, les jeunes électeurs comprennent que s'ils ne choisissent pas, d'autres le font pour eux...
S'agissant des solutions, certains envisagent de rendre le vote obligatoire. Ce serait, en somme, un devoir civique. Mais cela ne règlerait pas forcément la difficulté réelle qu'éprouvent les citoyens devant le choix électoral. Si ceux qui s'abstiennent décidaient de voter blanc : serions-nous plus avancés ?
Il faut peut-être admettre que, parmi les libertés qu'offre la démocratie, celle de ne pas prendre part au vote en est une. Même si c'est un luxe que les citoyens peuvent payer à leurs dépens...
Les sociétés contemporaines sont de plus en plus complexes, non seulement pour le citoyen ordinaire, mais également pour l'homme politique. L'interdépendance de plus en plus grande au niveau planétaire, l'importance des décisions techniques, la multiplicité des lieux de décisions - de la ville à l'État, sans parler de l'Europe, et des décisions prises au niveau international - voilent l'importance des choix politiques individuels. Plus encore, cela conduit les jeunes et les moins jeunes à ne plus voir l'importance de la politique en tant que telle.
Or, alors même que les choix sont plus difficiles, l'époque médiatique qui est la nôtre nous incite aux jugements à l'emporte-pièce, au dénigrement et à la dérision.
Comment dès lors, préserver et transmettre le sens de la responsabilité politique ? Je serai tenté de faire une réponse paradoxale et provocatrice, qui n'est pas dans l'esprit du temps. Plutôt que de donner aux jeunes gens que vous êtes l'illusion d'être des citoyens dès l'adolescence, nous devrions vous montrer davantage que vous n'êtes pas encore des citoyens, afin de mieux vous donner l'impatience de l'être et le goût de le rester, même quand vous douterez et que les choix seront difficiles.
Dans une démocratie, les citoyens ont des droits et des devoirs à respecter. On constate cependant un manque de civilité dans certains domaines, le code de la route, par exemple. Quelles solutions envisagez-vous pour y remédier ?
Ce qui est intéressant dans votre question, c'est l'identification de la civilité et de la citoyenneté.
La civilité est, à mes yeux, la condition préalable de la citoyenneté. Diriez-vous d'une personne qui, dans sa vie quotidienne, bafoue les règles et méprise les autres que c'est un bon citoyen ? La civilité, c'est le respect des règles qui permettent la vie en société, mais la citoyenneté, c'est davantage encore, car c'est l'obéissance à la loi que tous les citoyens se donnent au moyen de leurs représentants.
La citoyenneté, c'est effectivement, avoir des droits et des devoirs. Car si les droits garantissent la liberté et le bien-être de chaque individu, les devoirs rappellent à chaque citoyen qu'il vit en société. A mes yeux, la démocratie se développe quand les individus consentent à appartenir à une société unie sous un gouvernement et des lois communes. C'est la République.
La civilité démocratique doit être ancrée dans l'esprit civique. C'est ce que montre l'exemple que vous prenez, le respect du code de la route.
Si la lutte contre les infractions du code de la route relève de la civilité, il s'agit essentiellement de mieux éduquer les personnes. C'est le rôle de la famille, de l'école, bien sûr et de chacun d'entre nous, dans la vie de tous les jours. Quand vous voyez quelqu'un enfreindre le code de la route, en conduisant trop vite, en ne respectant pas un feu de signalisation, en mettant ainsi la vie d'autres personnes en jeu et la sienne propre en danger, vous devez donc le rappeler à l'ordre. C'est cela la civilité.
Donc pour remédier au non respect du code de la route, comme pour remédier au non respect de toutes les règles qui fondent la vie en société - comme la tolérance ou la politesse par exemple -, il s'agit de les transmettre et de les apprendre les uns aux autres. Ainsi, dans notre société, on apprend dès l'école à respecter le code de la route, et, des publicités, à la télévision, rappellent l'importance de ce respect.
Mais la civilité ne suffit pas. Vous aurez beau rappeler à quelqu'un qu'il doit respecter les bonnes manières, un règlement ou le code de la route, il peut très bien ne pas vous écouter. Alors que faire ? C'est à ce moment que la force de la loi est nécessaire, et qu'il est question non plus seulement de civilité mais de civisme. La civilité recommande, mais seule la loi autorise ou interdit. C'est la raison pour laquelle, pour faire respecter le code de la route, il est également nécessaire de voter des lois. Récemment, ces lois ont accru les peines encourues par celui qui dépasse la limitation de vitesse ou qui grille un feu rouge.
Pour autant, une loi qui ne serait pas approuvée ou défendue par les citoyens serait soit répressive, soit sans effet. La loi prend appui sur la civilité.
Pour développer la démocratie, il faut toujours lier le goût de vivre ensemble (la civilité) et le respect de la loi commune (le civisme). On ne peut pas se contenter de l'un ou de l'autre.
En quoi peut-on dire que la nouvelle constitution européenne va renforcer la démocratie ?
Il n'est pas facile de répondre à cette question avec impartialité dans la mesure où elle est au coeur de la controverse qui accompagne le referendum du 29 mai.
Un constat s'impose : les partisans et les adversaires de la constitution européenne veulent la même chose, le renforcement de la démocratie. L'honnêteté conduirait à dire que, par certains côtés, la nouvelle constitution renforce la démocratie, et que par d'autres, cela peut sembler discutable.
En fait, la question qui est posée aux Français et aux Européens, c'est celle de leur gouvernement.
Si vous estimez qu'il faut donner plus de possibilités au gouvernement européen : dès lors, vous serez, a priori, plutôt favorable à la constitution. En effet, elle vise à rendre plus facile le mode de décision dans une Europe composée de 25 États membres.
Mais si, au contraire, vous redoutez que les décisions prises au niveau européen ne remettent en cause le libre choix des Français dans un certain nombre de domaines, vous serez plutôt hostile à cette nouvelle constitution.
La question de savoir s'il vaut mieux des décisions au niveau européen ou au niveau national oppose les démocrates entre eux, et non les partisans et les adversaires de la démocratie.
Vous me permettrez donc de vous faire une réponse ambiguë : la nouvelle constitution européenne renforce la démocratie parce qu'elle affirme « les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit et du respect des droits de l'homme ».
Mais la nouvelle constitution vise surtout à renforcer le gouvernement au niveau européen. Et certains citoyens peuvent s'inquiéter de voir s'éloigner le lieu où sont prises les décisions qui les préoccupent.
Dans une certaine mesure, la querelle ouverte sur la question de savoir si la constitution européenne renforce ou affaiblit la démocratie ressemble un peu à la dispute qui a opposé, dans les États-Unis du XVIIIème siècle, les fédéralistes, favorables à un pouvoir fort au niveau fédéral, et les anti-fédéralistes, défendant les prérogatives des États. Ce sont deux visions de la démocratie qui s'opposent. C'est ce qui rend le débat si difficile à trancher.
Alors, il vaudrait mieux se demander s'il est préférable de renforcer le gouvernement européen ou non. Mais, pour prolonger la comparaison avec les États-Unis, il faudrait observer que si, dès l'origine, ceux-ci formaient une grande nation, l'Europe rencontre deux difficultés inédites : celle d'être composée de plusieurs nations, et, celle de ne pas s'entendre sur sa frontière.
36. Interview de M. Jean-François Picheral, sénateur socialiste des Bouches-du-Rhône
réalisée par les élèves du Lycée Joliot-Curie - Aubagne
1 er trimestre 2005
Les Français sont mal informés sur le rôle d'un sénateur. Pensez-vous que l'instauration d'un suffrage direct soit plus propice à vous faire connaître des Français ?
Je ne pense pas, mais il y a un intérêt à se faire connaître des Français. Je vais d'ailleurs dans les collèges et les écoles pour expliquer ce qu'est le Sénat. Le Sénat et l'Assemblée ont le même rôle. Les députés sont les porte-parole des citoyens alors que les sénateurs sont les représentants des collectivités territoriales.
Pourquoi ne pas faire des lois pour encourager les citoyens à plus de participation aux élections ?
Les Belges ont l'obligation de voter, ça se passe bien en Belgique mais ils sont six millions. Je pense qu'il faudrait le rendre obligatoire car le seul pouvoir qu'ont les citoyens est celui de voter. Les manifestations dans les rues lassent, le vrai pouvoir est de voter, non de manifester.
Comment l'Union européenne pourrait-elle aider les pays entrants, anciennement communistes, à développer l'application des droits de l'Homme ?
Tout d'abord, ceux qui sont déjà entrés, on les a tous obligés à s'engager et à mettre en place les droits de l'Homme. L'Union européenne est très à cheval là-dessus. Les anciens pays communistes ont souffert de la dictature mais ils sont maintenant démocratiques. La priorité des priorités, c'est les droits de l'Homme.
Pensez-vous que la Turquie soit assez développée pour intégrer l'Union européenne ? Et si non, est-ce que son intégration n'aidera pas à l'amélioration de la démocratie dans ce pays ?
Non, aujourd'hui non. C'est un immense pays dont un tiers est comme nous (européen dans l'âme) et dont les deux tiers vivent encore au moyen âge. Quinze ans, c'est long. Aujourd'hui, en dehors du problème économique, il y a deux problèmes majeurs. Le premier, c'est qu'ils sortent de Chypre, et le deuxième, qu'ils reconnaissent le génocide arménien. Economiquement, ça a toujours été un grand pays mais il n'évolue pas aussi vite que le reste. On ne peut pas les laisser tels quels, il faut les aider. Il faut rééquilibrer tout ça, il faut qu'ils entrent dans le marché commun économique. Il faut les aider à se mettre au niveau des occidentaux car certaines régions sont très pauvres. Il faut qu'on les aide en économie mais ils doivent régler leurs problèmes intérieurs.
Nous nous définissons en tant que citoyens français, pensez-vous qu'une identité européenne puisse nuire à notre identité nationale ?
Aujourd'hui, non. Chaque pays tient énormément à ses racines. Il faut faire connaître son pays. Pour les gens de ma génération, l'Europe a d'abord été faite pour la paix. Le premier but à atteindre était ça. Il faut que l'on devienne une entité, on a trop d'intérêts communs. L'Europe sert à faire la paix.
37. Interview de M. Bernard Piras, sénateur socialiste de la Drôme
réalisée par les élèves du Lycée Henri Laurens - Saint-Vallier
1 er trimestre 2005
Quelle est votre définition de la démocratie ?
Poser cette question signifie, et vous avez raison, qu'il n'existe pas de définition universelle du terme démocratie. Cependant, le principe exprimé par la Constitution française, « gouvernement du peuple, par le peuple, et pour le peuple », est celui qui correspond le mieux à l'idée que je me fais de la démocratie. Les gouvernants doivent émaner du peuple, chaque citoyen pouvant prétendre accéder à des responsabilités politiques. Par ailleurs, l'action menée par ces gouvernants doit être en faveur de l'intérêt de l'ensemble des citoyens, le risque étant de ne pas être réélu. Il ne faut pas oublier que la notion de démocratie est inséparable de celle des libertés fondamentales (penser, se réunir...) qui sont, en France, insérées dans la Constitution. Enfin, la démocratie exige une séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.
La démocratie directe étant très difficile à réaliser, même si elle correspond à un idéal, la démocratie représentative est de ce fait incontournable. La V ème République se rapproche de plus en plus d'un régime présidentiel, et le rôle minoré du pouvoir législatif pose désormais un réel problème.
Pour répondre directement à votre question, « gouvernement du peuple, par le peuple, et pour le peuple », un respect des libertés fondamentales et une séparation des pouvoirs sont des éléments indispensables à un pays qui se dit démocratique.
Est-il difficile de créer un citoyen européen et d'appliquer la démocratie aux 25 pays de l'Europe, de cultures et de traditions différentes ?
Pour répondre à cette question, il est nécessaire de définir ce qu'est un citoyen européen. Pour ma part, ce qui doit caractériser avant tout un citoyen européen, c'est le sentiment, d'une part, d'appartenir à une même communauté, celle des 25 pays membres et, d'autre part, d'avoir un avenir commun avec les autres citoyens membres de cette communauté. La notion de citoyen européen est plus psychologique que juridique, le juridique venant se greffer sur le psychologique, qui doit être un préalable. Créer un citoyen européen est utopique tant que cette conscience collective n'existe pas.
A priori, au regard des conditions d'adhésion à l'Union européenne, chacun des 25 pays membres est considéré par les autres comme démocratique ou, du moins, comme remplissant les conditions minima. Chaque pays a une approche de la démocratie différente, liée à son histoire. Il est difficile, et peut-être non souhaitable, d'envisager une unification en la matière, un régime idéal n'existant pas. En revanche, il semble que les trois principes énumérés à la fin de la première question constituent un socle commun minimum.
Quels sont les principaux moyens de diffusion et de défense de la démocratie en Europe ?
Les institutions européennes doivent représenter les garants et les promoteurs de cette idée de démocratie. Sur ce point, il est évident que cet objectif n'est pas atteint, et cela, en raison de cette impression d'éloignement et de décalage donné par les institutions européennes. Les citoyens européens se sentent dépossédés de ce « pouvoir européen », ce qui constitue par ailleurs un frein majeur à l'émergence du sentiment d'appartenance, et incite au détachement voire à l'ignorance.
Il est paradoxal de constater que ces institutions, censées promouvoir cette idée de démocratie, et en constituant même une concrétisation, puissent en devenir l'obstacle majeur.
Est-il possible de défendre la démocratie et de la développer vers plus de laïcité dans un espace géographique de plus en plus vaste et parfois marqué par un fait religieux prononcé ?
Le meilleur moyen de défendre cette notion de démocratie est de la promouvoir sur le plan international. L'organisation politique de l'Europe permettra, à terme, de peser plus fortement sur les décisions internationales, et cela, sur la base d'une organisation démocratique, pouvant servir de modèle. Un état démocratique ne peut être que laïque, et le modèle européen repose logiquement sur cette séparation entre le religieux et l'État.
Quelle sera notre place, en tant que jeunes, dans l'amélioration de la démocratie en Europe et dans l'avenir européen ?
Il ne faut jamais oublier ce qui a motivé, à l'origine, la construction européenne, c'est l'espoir de ne plus voir les pays européens se déchirer comme cela a pu durer pendant des siècles. La génération de l'après seconde guerre mondiale est la première à ne pas avoir connu de conflit entre les pays européens. Ceci constitue une réussite qui n'a pas de prix, et qui est la base d'un approfondissement des relations entre les états européens.
La jeunesse doit absolument poursuivre dans cette voie. Le renforcement des échanges est sur ce plan primordial, car on ne craint que ce que l'on ne connaît pas. Le brassage des peuples européens est sans doute la meilleure garantie de l'émergence de ce sentiment d'appartenir à une communauté d'intérêts et de destin. Je ne peux que vous y encourager.
38. Interview de M. Christian Poncelet,
Président du Sénat, sénateur UMP des Vosges
réalisée par les élèves du Lycée Claude Gellée - Épinal
1 er trimestre 2005
La démocratie est-elle une valeur fondamentalement européenne ?
Dès le V ème siècle avant Jésus-Christ, la cité grecque d'Athènes fait de l'Europe la mère de la démocratie.
Aujourd'hui, grâce à la construction européenne et aux retrouvailles de l'Europe avec elle-même, nous sommes réunis dans la même communauté, autour de valeurs communes que nous devons, ensemble faire vivre et fructifier.
L'idée démocratique est au centre de ces valeurs communes, et plus précisément l'idée d'une démocratie équilibrée et apaisée, respectueuse des minorités, garantissant les droits de l'homme, respectant les libertés locales, fondant les décisions sur le débat et le dialogue.
Les références au système démocratique abondent d'ailleurs dans les textes fondateurs de la Communauté économique européenne. Et les critères fixés en 1993 lors du sommet de Copenhague visant à évaluer les candidatures à un nouvel élargissement de l'Union européenne mettent en bonne place le respect des règles du jeu démocratique.
Cette exigence démocratique, nous devons la faire vivre à tous les échelons : à l'échelon local, à l'échelon national, et aussi, naturellement, à l'échelon européen.
Bien sûr, en ce qui concerne l'échelon européen, c'est d'abord le Parlement de Strasbourg qui a la responsabilité de faire vivre la démocratie parlementaire. Mais les parlements nationaux ont eux aussi une responsabilité importante à cet égard.
Pour vous répondre en quelques mots, je dirais que si la démocratie est une valeur fondamentalement européenne, elle est avant tout une valeur fondamentale de, et pour l'Europe. L'Europe devait être, en effet, dans l'esprit même de Jean Monnet, une « contribution à un monde meilleur » et je crois qu'elle y arrive plutôt bien.
Qu'en est-il aujourd'hui de l'état de la démocratie en Europe ?
Beaucoup se plaisent à disserter sur le déficit démocratique de l'Union européenne. Les mêmes se plaisent à décrire la crise démocratique que traverserait l'Europe. Je ne suis pas de ceux-là.
Je me plais à comparer l'Europe à une grande famille : l'Europe est pour moi une grande famille, et comme beaucoup de familles, en effet, l'Europe a longtemps été divisée. Après avoir vaincu la barbarie nazie, l'Europe semblait immuable dans ses divisions, incarnées par cet abominable rideau de fer qui la coupait en deux, condamnant les peuples à la séparation, quand ce n'était pas, pour trop d'entre eux, à la répression et à l'arbitraire.
Depuis le Congrès de Vienne, en 1815, jamais l'Europe n'aura connu de transformation aussi fondamentale que l'entrée dans l'Union européenne de Chypre, de l'Estonie, de la Hongrie, de la Lituanie, de Malte, de la Pologne, de la Slovaquie, de la Slovénie et de la République tchèque. En 2004, fort heureusement, cette nouvelle Europe voit le jour sans violence, sans drame et sans guerre.
L'Europe est et doit rester un exemple de démocratie. L'Europe, ne l'oublions pas, a favorisé, il n'y a pas si longtemps, la chute de dictatures en Grèce, en Espagne ou encore au Portugal.
C'est d'ailleurs la paix qui reste le principal acquis mais aussi le principal dessein de l'Europe. L'avenir, notre avenir, et surtout votre avenir, ne peut rimer qu'avec Europe, une Europe désormais forte de 25 États et de près de 500 millions d'habitants.
A votre avis, la démocratie est-elle applicable à tous les pays, à toutes les religions et à tous les peuples ? Si oui, comment la diffuser et la développer dans les pays qui n'en sont pas encore pourvus aujourd'hui ?
Si votre question est de savoir si la démocratie est le monopole du monde occidental, alors ma réponse est non !
Je suis convaincu que les démocraties traversent une période charnière de leur histoire. Il me semble, en effet, qu'on assiste à une vague démocratique sans précédent, à un printemps des démocraties... L'exemple de l'Ukraine est de ce point de vue probant.
Et je ne vois pas de raison pour que cette déferlante démocratique s'arrête aux portes de l'Occident. Ainsi, l'adhésion d'un pays comme la Turquie préviendrait non seulement le danger d'un « choc des civilisations », mais en serait une démonstration sans faille.
Rien ne s'oppose d'un point de vue théorique à ce qu'un pays musulman ne soit pas une démocratie. Contrairement à ce que beaucoup voudraient nous faire croire, l'Islam n'est pas incompatible avec des valeurs démocratiques.
Je forme le voeu que la démocratie règne en Orient, nous promettant ainsi des perspectives nouvelles d'enrichissement mutuel.
Vous souhaitez savoir comment ouvrir à la démocratie les portes de l'Orient, je vous répondrai qu'il n'y a pas de recette magique ni de mode d'emploi. C'est en écoutant les différences, en entendant et en comprenant d'autres manières de penser ou d'agir, en parvenant à ce que le recours à des élections libres soient une norme reconnue et appliquée que nous prouverons que la démocratie fait son effet.
Que signifie pour un sénateur français, défendre et développer la démocratie ?
La démocratie est un principe qui, aujourd'hui encore et bien plus qu'hier, mérite d'être défendue. La démocratie est une conception de la vie, un guide que l'on veut suivre pour que la vie en communauté soit une réalité. Défendre la démocratie, c'est préserver notre vouloir vivre ensemble. C'est mettre en actions les mots qui forment notre pacte social. Développer la démocratie, c'est permettre à chacun de vivre dignement, d'être traité de manière humaine et équitable.
Défendre et développer la démocratie, c'est faire de notre vouloir vivre ensemble une priorité absolue ; c'est faire de la devise républicaine une valeur non négociable et de la paix une finalité en soi et pour soi. C'est croire que demain, nous vivrons tous dans une communauté de citoyens. C'est vouloir, demain, être citoyen du monde.
La démocratie doit être une exigence citoyenne. Défendre et développer la démocratie, c'est refuser que la violence, dont le terrorisme est la manifestation extrême, constitue dans une société mondialisée, de plus en plus inégalitaire, « l'arme des pauvres ».
39. Interview de M. Hugues Portelli, sénateur UMP du Val-d'Oise
réalisée par les élèves de terminale BEP secrétariat du lycée professionnel privé Jeanne d'Arc - Argenteuil
1 er trimestre 2005
En tant qu'élu, quelle est votre relation avec les citoyens ?
J'ai deux mandats : sénateur et maire. J'assume donc deux fonctions différentes mais somme toute complémentaires.
Comme sénateur, je siège au Sénat avec mes collègues sénateurs pendant une période de l'année bien déterminée, appelée « session », d'octobre à juin, ce qui représente environ 120 jours de séance par an, pour étudier les textes de loi proposés par le gouvernement (projet de loi) ou par le Parlement (proposition de loi) que nous discutons et votons. Le reste du temps, je demeure dans mon département et je me mets à l'écoute des gens et des élus locaux, qui me parlent des difficultés du terrain. Cela me permet de bien connaître les problèmes des Français.
Comme maire d'une commune à administrer, je suis encore au plus près des citoyens que je côtoie quotidiennement en mairie, dans les permanences de quartiers, dans les rues, dans les cités, au marché, dans les transports en commun (bus, RER ) . Je les écoute et j'essaie de les aider au mieux, même si je sais, hélas, que je ne pourrai pas résoudre tous leurs problèmes.
Mais ainsi, de retour au Sénat, fort de mon expérience de terrain, je peux améliorer les lois et demander des explications aux ministres.
Pour moi, c'est la manière la plus satisfaisante de pratiquer la démocratie au quotidien.
Quels sont vos pouvoirs réels ?
En tant que sénateur et parlementaire élu, je constate que mon pouvoir réel est moindre par rapport au gouvernement. En effet, celui-ci organise l'agenda et l'ordre du jour où sur un mois, un seul jour est consacré à l'étude d'une proposition de loi émanant d'un parlementaire, alors que les projets de loi émanant du gouvernement le sont les autres jours. Aussi, les textes de loi les plus élaborés sont donc ceux du gouvernement, présents à 90% contre 10% issus des parlementaires.
De plus, la modification de la loi ne doit pas augmenter les dépenses ni diminuer les recettes déjà prévues par le budget élaboré pendant l'été et voté entre octobre et décembre.
Enfin, comme nous faisons partie de l'Union européenne, c'est de plus en plus le droit européen qui est à juste titre utilisé et appliqué en France. Ainsi, 60% des lois de France sont votées à Bruxelles et non pas à Paris. Le droit du travail est européen, le droit du commerce est européen, et c'est normal puisque l'on fait partie de l'Europe.
Comment défendre et développer la démocratie, d'après vous ?
Tout d'abord, définissons la démocratie. La démocratie, c'est « le droit de vote » pour choisir ses représentants, et c'est « le droit de contrôle » qui demande aux élus de rendre compte de leur travail. C'est le pouvoir du peuple, qui a même le droit de se montrer parfois ingrat avec ses élus ; on pense au général de Gaulle désapprouvé et éloigné du pouvoir par le Parlement en 1945, et à Churchill remercié en 1946 ; pourtant, tous deux avaient oeuvré avec succès pour sauver la démocratie du nazisme pendant la 2 nde guerre mondiale.
La démocratie est ancienne. Elle nous vient de la Grèce antique qui nous l'a laissée en héritage et il nous faut en faire un bon usage. On ne doit pas la laisser mourir. C'est une chose, belle et fragile, qui demande beaucoup de soins et d'attentions, comme une plante que l'on arrose tous les jours sous peine qu'elle dépérisse. Les heureux hommes qui en bénéficient se doivent de l'entretenir, de la protéger et de la développer en participant de manière active à la vie de la cité et du pays. Ils doivent utiliser leur droit de vote qui s'use quand on ne s'en sert pas. Tant de gens de par le monde encore n'ont pas ce droit de vote, ou alors ne peuvent voter que pour un seul candidat, sans choix.
Pour nous, Français et Européen, ce rêve est une réalité. Mais, habitué depuis longtemps à cette démocratie ancrée dans notre culture antique et judéo-chrétienne, celle-ci est devenue une routine. Aux élections, il y a peu d'électeurs ; les citoyens se désintéressent de la chose publique ; c'est dommage et dommageable. C'est encore plus vrai pour les élections européennes et tout ce qui touche à l'Europe. C'est d'ailleurs en grande partie la faute aux médias qui n'en parlent pas sauf pour faire de l'audimat sur certains sujets.
Le droit européen régit de plus en plus la vie française, mais qui le dit dans les médias et qui le sait sauf s'il prend la peine de lire le Journal Officiel ? Aucun journaliste français accrédité par Bruxelles ne suit les débats européens régulièrement, à l'exemple des Allemands. Ça ne les intéresse pas ! C'est irresponsable !
Le même, les Français ne parlent pas ou si peu de langues étrangères. A l'heure de l'Europe, c'est un handicap certain, car même si l'anglais est la langue commune lors des échanges, il n'en reste pas moins qu'il faut connaître et pratiquer les autres langues des pays européens par courtoisie et curiosité des autres et de leurs spécificités. La tolérance va de pair avec la connaissance, et la démocratie se développe dans un climat de concorde, de confiance et de paix, dans le respect des différentes cultures.
Attention toutefois à ne pas s'américaniser ! On est européen !
L'Europe est une mosaïque de peuples unis dans l'Union européenne par des accords économiques et politiques, elle-même fondée sur la démocratie et la défense des droits de l'homme. Ne peuvent entrer dans l'Union européenne que les pays démocratiques qui s'engagent à protéger et développer cette démocratie. Construire l'Europe selon les rêves et les voeux de Robert Schuman et de Jean Monnet, équivaut au maintien et à l'élargissement de la démocratie.
La pratique de la citoyenneté nationale et européenne est la garante d'une démocratie vivante, vigoureuse et contagieuse. Cependant, la démocratie ne s'exporte, ne se vend, ni ne s'achète « clé en main » comme une marchandise, elle s'apprend lentement et patiemment, sinon on court à l'échec, comme en Irak où les États-Unis ont cru possible de l'imposer de but en blanc et violemment par la guerre à un peuple qui n'en avait pas la pratique depuis longtemps comme nous. La démocratie nous vient de loin, de l'Antiquité, elle fait partie de notre patrimoine et de notre civilisation. Elle a grandi et évolué avec nous. Continuons d'écrire son histoire formidable. Faisons la fructifier.
La démocratie se construit ensemble, au fil du temps. Comme une plante vivace, dans un bon terreau, elle s'épanouit et donne envie à d'autres d'y goûter. Elle est alors un exemple à suivre. Pourtant, même si elle n'est pas en danger en France et en Europe, elle n'est pas à l'abri d'une éventuelle menace. Rien n'est définitivement acquis et il faut rester vigilant. Il faut participer activement à la vie politique et citoyenne en votant. La démocratie perdurera ainsi.
40. Interview de M. Hugues Portelli, sénateur UMP du Val d'Oise
réalisée par les élèves du Lycée St Martin - Pontoise
1 er trimestre 2005
Pour accélérer la construction d'une Europe politique, peut-on envisager la naissance d'une Europe à deux vitesses, en renforçant notamment l'axe Paris-Berlin ?
L'Europe n'est pas une Europe « à la carte ». Il faut construire une Europe forte et unie, et donc la construire d'un seul bloc. Une Europe à plusieurs vitesses pourrait nuire au sentiment d'appartenance à l'Europe du citoyen européen.
Cependant, pour faire avancer l'Europe, on peut se reposer sur des relations particulières entre différents pays, comme par exemple l'axe Paris-Berlin. Cet axe est un des moteurs de l'Union européenne, et il doit donc prendre des décisions bilatérales, tout en faisant attention à ne pas s'enfermer dans une politique à deux. En effet, il faut aussi respecter les autres visions de l'Europe. La construction d'un État fédéral à deux évoqué à plusieurs reprises (1963 et 1988) est une utopie.
Il y a aujourd'hui une ambiguïté sur le discours fédéral européen, et on ne sait pas quel modèle privilégier.
La nouvelle Constitution prévoit cependant un principe de coopération renforcée entre un sous-ensemble d'États sur des sujets validés par l'ensemble.
A mi-chemin de l'échéance posée par le traité de Lisbonne, comment l'Union européenne peut-elle atteindre ses objectifs et que pensez-vous des conclusions du rapport Kok ?
Je pense que les échéances du traité de Lisbonne ne seront pas respectées et que les objectifs ne seront pas atteints avant qu'il n'y ait de véritable volonté politique commune suivie d'actions unies pour donner à l'Europe une véritable envergure économique. Il faut une stratégie d'ensemble, une stratégie commune, qui soit suivie de réalisations concrètes. Lisbonne, ce sont de bonnes volontés, mais elles sont lancées dans le vent. Il ne suffit pas de dire ce que l'on veut, il faut aussi agir, et se donner les moyens d'atteindre son but. Un rêve ne se réalise pas en rêvant. Or, l'Europe de 2005 n'a pas pris les responsabilités politiques de son destin économique.
Un rapprochement politique est donc plus que jamais nécessaire. Et il faut aussi par un rapprochement politique, opérer un rapprochement financier, créer des infrastructures financières qui permettraient l'essor d'une véritable puissance économique européenne.
Quelle Europe pour demain ? Un vaste espace de libre-échange, sans réelle unité autre qu'économique, ou une union politique solide dans laquelle le citoyen est vraiment européen ?
Il y a actuellement deux visions dominantes du rôle de l'Europe et de son organisation. Il y a la vision anglo-saxonne qui vise un vaste espace de libre-échange sans véritable union politique, et qui privilégie le pouvoir politique de chacun des États, et la vision que partagent notamment la France et l'Allemagne, d'une Europe unie sur le plan politique, partageant une diplomatie commune et parlant d'une seule voix, une Europe où le citoyen est vraiment européen.
Une Europe dans le contexte de la compétition internationale ne peut qu'aller au-delà de la vision minimaliste anglo-saxonne et implique un minimum de mise en commun de politiques. C'est un des objectifs de la nouvelle Constitution à travers un ministre en charge des affaires étrangères. C'est aussi un des objectifs de la nomination d'un « M. Euro » chargé de soutenir les politiques monétaires des États partageant la même devise.
Je pense que l'Europe de demain sera forcément fortement unie politiquement si elle veut continuer à avoir un rôle à l'échelle mondiale.
Y a-t-il une volonté de puissance de l'Europe ?
Une volonté de puissance européenne est inéluctable. Si l'Europe veut avoir une place sur la scène internationale, face à la montée en puissance des États-Unis, de la Chine ou de l'Inde, il lui faut, au-delà d'une unification politique, une vision de puissance, qui lui permettrait de jouer pleinement son rôle. La mondialisation impose une volonté de puissance à l'Europe.
Pour avoir une réelle puissance, il faut une dynamique interne, que nous n'avons pas encore aujourd'hui. L'autorité est aux États-Unis et l'Europe a créé les conditions minimales pour être vassale. Mais avec un renforcement politique, l'Europe pourra prendre son envol.
Le Parlement européen est-il le garant de la démocratie ?
Le Parlement européen gère la démocratie à l'échelle européenne. Ce sont les parlements nationaux qui prennent cette responsabilité à l'échelle des États. Ce sont les parlements nationaux qui garantissent la démocratie et le Parlement européen n'est que la représentation d'un ensemble de démocraties.
41. Interview de M. Daniel Raoul, sénateur socialiste du Maine-et-Loire
réalisée par les élèves de seconde 1 du Lycée Sainte-Marie - Cholet
27 janvier 2005
Depuis la Libération de 1944-1945, quel est, selon vous, le fait européen le plus marquant ?
Je crois que, 60 ans après la Seconde Guerre mondiale, la principale avancée en tous les cas, a été de maintenir l'Europe en paix. On ne va pas revenir sur tout ce que vous entendez ces jours-ci à la radio, dans tous les médias : la Shoah, etc...
Je crois que l'avancée principale a été l'engagement d'hommes politiques, Schuman, etc... qui ont voulu construire une Europe en paix. Je crois que la construction européenne, après des siècles de guerre entre la France, l'Allemagne, l'Angleterre, et cela fait partie des cours d'histoire que, j'imagine, vous avez eus. Depuis 60 ans, il n'y a pas eu un conflit entre ces pays. Je crois que c'est le côté positif d'une organisation qui était très courageuse parce que les premières tentatives de communauté européenne, si on peut appeler ça comme ça, ont démarré à peine trois ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Les premiers contacts de l'époque datent de 1948 : alors que les populations avaient encore des griefs ou un esprit de revanche les unes envers les autres (les esprits en tous les cas n'étaient pas apaisés après toutes les exactions qu'on avait pu connaître) et que la Résistance en France n'était pas prête, non plus, à passer un traité d'amitié avec l'Allemagne. Vous imaginez tout ce qui peut traîner après une guerre [...]. Ce que je dis est aussi vrai en Allemagne qu'en France.
Il est question de plus en plus de « défendre la démocratie », pensez-vous donc que la démocratie est menacée et en danger, et pourquoi ?
D'abord, la démocratie, c'est quelque chose qui se gagne tout le temps, c'est comme la liberté. Et donc : « menacer », ce n'est peut-être pas le terme, mais il faut toujours se battre pour. Il peut toujours arriver des dérives de toute nature. Le principal danger pour la démocratie, c'est une désaffection des gens vis-à-vis de la participation à la vie démocratique.
Vous connaissez la définition de la démocratie, c'est quoi ?
Réponse d'un élève : « système politique où le peuple ou ses représentants exerce le pouvoir ».
Moi, j'en ai une autre. Démocratie : le moins mauvais des systèmes d'organisation d'une société. Alors le meilleur ! Tout dépend comment vous faites pour positiver. C'est un système d'organisation qu'on n'a pas inventé. Ce n'est pas récent, les Grecs le connaissaient déjà sauf qu'il faut mettre un bémol dans le système d'organisation : en Grèce, n'y participait qu'une certaine classe sociale, tous les hommes n'y participaient pas. Mais sur le reste, si vous regardez le fonctionnement démocratique en Grèce, on a encore des choses, je dirais, à exploiter et en tous les cas à mettre en action. Et on a encore des leçons à tirer de la civilisation grecque, parce qu'on n'a rien découvert concernant la démocratie depuis. Après on peut mettre des textes, des règlements, des choses sur les principes même.
Est-ce que vous pensez que la démocratie a besoin d'être développée davantage ? Et en particulier, nous les jeunes, quels rôles pourrions-nous avoir pour consolider la démocratie ?
D'abord la défendre. Le jour où il y a désaffection de la population vis-à-vis de toutes les institutions et de toutes les élections, le principal danger est là, d'avoir cette désaffection. On parle de la désaffection de la population vis-à-vis des politiques, par exemple. C'est le lit à n'importe quelle aventure.
Autrement dit, un homme ou une femme (on est dans le cadre de la parité) peut très bien faire du populisme sur des idées, je dirais, assez basses, les cultiver s'il n'y a pas d'organisation démocratique, que ce soit des partis, etc...
On peut revenir peut-être sur la notion des partis politiques, mais s'il n'y a pas ce genre d'organisation, s'il y a une désaffection au moment des élections, c'est le lit à n'importe quelle aventure et ça c'est le danger qui nous guette. On voit bien les événements qui se sont passés en France lors des élections présidentielles en 2002. C'est lié à plusieurs phénomènes, certes il y eu une pluralité d'expressions, je dirais, mais on confond quelquefois les élections présidentielles qui ont pour but d'élire un président avec une tribune d'expression de différentes sensibilités. Les effets, on les a vus, de ce second tour qui ne donnait pas de la France une image, en tous les cas, très positive [...].
La démocratie est très faible vis-à-vis de ça. Il appartient aux habitants, aux citoyens que vous êtes ou que vous n'êtes pas encore, d'ailleurs, de se prendre en main et d'assumer ses responsabilités. Mais la démocratie, c'est ce que vous en ferez, je crois que c'est trop facile de dire : oui, la politique, les élections, les hommes... !
C'est aux citoyens de s'exprimer et ça suppose évidemment là aussi une certaine formation. En tous les cas, je félicite vos professeurs de vous avoir amené à discuter de ce genre de choses et vous, d'y participer bien entendu, j'espère que vous êtes tous actifs, qu'il n'y a pas d'abstention, c'est là que ça se joue, c'est une confiance entre les habitants et le système démocratique. Si les citoyens n'y trouvent pas leur compte, il faut se poser des questions sur ce qu'ils attendent et sur ce que les politiques doivent faire ou dire. Est-ce que ce n'est pas notre système d'éducation qui est en cause ou qu'il ne forme pas assez les citoyens et qu'il forme peut-être des scientifiques ou des littéraires mais qu'il ne contribue pas à former les citoyens. C'est tout un débat qui va avoir lieu, sans doute, ces jours-ci, avec le projet de réforme de Fillon sur l'éducation : c'est un autre débat.
Monsieur le Sénateur, en tant que représentant des citoyens, n'avez-vous pas un rôle à jouer pour défendre, développer et surtout informer les jeunes des bienfaits de cette démocratie ?
Tout d'abord, une petite correction, vous savez comment sont élus les sénateurs, ce sont des élections par des grands électeurs et non directement par des citoyens. Je ne dis pas que je ne suis pas un représentant des citoyens, que les choses soient claires. Le corps électoral qui élit les sénateurs, ce sont essentiellement les maires, et les conseillers municipaux [...]. Ça c'était juste pour la forme.
Bien sûr qu'on doit tous y contribuer, je dois dire que j'ai beaucoup de plaisir à aller dans les écoles, les collèges même en primaire, c'est très intéressant de voir les questions des jeunes en école primaire concernant l'organisation de notre démocratie, bien sûr qu'on doit y participer et y témoigner de ce qu'on vit.
Je dirais que notre système n'arrivera jamais à la perfection. Je n'y crois pas, il faut y tendre et on dit quelquefois que le rôle du politique est de rendre le souhaitable possible. Donc, ça veut dire que (comme quand on vous met des notes quelquefois sur vos copies comme je vous l'ai dit tout à l'heure) : peut mieux faire, toujours ! Autrement dit améliorer, améliorer, et avec le retour des expériences, apporter des corrections, c'est un système en interaction permanente.
Je crois qu'il faut qu'on soit conscient, ne pas s'installer dans un système qui a ses limites, tenir compte aussi des évolutions de la population et contribuer à la formation des citoyens. Si on prend le système comme l'ex-URSS, qu'est-ce qui a provoqué l'éclatement de ce système qui n'était pas démocratique, loin de là ? C'est bien par l'élévation du niveau de formation de la population que ce système a implosé, sans qu'il y ait besoin d'ailleurs d'interactions ou d'actions extérieures. Même si dans le cadre de l'économie mondiale il y avait des effets internes, c'est bien par le niveau de formation globale sur lequel d'ailleurs l'URSS avait pas mal investi qui a fait imploser le système. Les citoyens n'ont pas accepté cette politique.
42. Interview de M. Daniel Raoul, sénateur socialiste du Maine-et-Loire
réalisée par les élèves de la classe de 1ère ES1 du Lycée Sainte-Marie - Cholet
1 er trimestre 2005
Est-ce que l'abstention est une menace pour la démocratie et, si oui, quelles sont les possibilités d'y remédier?
L'abstention est un réel problème pour la démocratie. Cela vient du fait que la citoyenneté n'est pas vraiment ancrée dans l'esprit des Français. La désaffection des Français envers la politique a pour contrepartie que seule une partie des citoyens s'approprie le pouvoir de choisir. Il est important de ne pas oublier que le vote est un droit mais aussi un devoir et que les hommes se sont battus pour l'obtenir.
L'abstention doit être perçue comme un échec de la transmission de la citoyenneté qui peut s'expliquer par un écart entre l'aspiration des citoyens et l'action des politiques. Afin de rapprocher les jeunes de la politique, des mesures ont déjà été prises telles que l'abaissement de l'âge du vote.
Quel est le pouvoir de manipulation des médias ?
En théorie, la règle des trois tiers permet d'assurer le pluralisme : un tiers est accordé au gouvernement, un autre à la majorité, le dernier à l'opposition. Cependant, d'après le Conseil supérieur de l'audiovisuel, ne peuvent s'exprimer que les partis ayant déjà eu des résultats aux élections. Cet aspect constitue une limite à l'expression des citoyens.
La sur-médiatisation correspond à un problème de déontologie des journalistes qui fournissent une information sélective. Par exemple, les journaux télévisés commencent souvent par le problème de l'insécurité. Ainsi c'est la perception de l'insécurité qui est cultivée et non les faits eux-mêmes. Une fois de plus l'information diffusée est trop sélective.
Enfin, dans les journaux télévisés ainsi qu'à la radio, on dispose de trop peu de temps pour fournir une information profonde et exhaustive.
Seule issue à ces inconvénients : favoriser les médias "alternatifs" tels que la presse écrite ou encore le web et choisir des médias de point de vue opposés pour se forger sa propre opinion quant à l'information sur le sujet en question.
La présence d'autant de partis politiques en France n'est-elle pas un frein au bon déroulement de la démocratie ?
La pluralité favorise la démocratie. En effet un grand nombre de partis permet à l'ensemble de la population de se retrouver dans des programmes différents. La liberté d'expression est plus développée. Du fait de cette multiplicité des partis les personnes sont plus susceptibles de se reconnaître et ainsi de limiter l'abstention.
De plus si les partis venaient à disparaître cela pourrait mettre en danger la démocratie en incitant des individus à essayer de prendre le pouvoir, en créant de nouveaux partis et à mettre fin à la démocratie comme en Allemagne avec le parti nazi, en 1933.
En France, en 2002, avec le grand nombre de partis politiques, les Français ont voté pour des partis extrémistes et cela, ce n'est pas normal. Donc, le grand nombre de partis embrouille les gens dans leur choix de vote et ne trouvant personne pour les représenter soit ils votent blanc ou bien votent pour des partis extrémistes ou bien s'abstiennent.
La loi relative aux symboles religieux à l'école ne va-t-elle pas à l'encontre de la démocratie, n'est-elle pas une atteinte à la liberté d'expression ?
Cette loi ne va pas à l'encontre de la démocratie cependant elle porte atteinte à la liberté d'expression.
Le voile est perçu par les législateurs plutôt comme un signe de soumission que comme un signe d'appartenance. Elle a été votée pour qu'il n'y ait plus de distinctions religieuses. Malgré tout, cela constitue une atteinte à l'expression personnelle puisque les personnes ne sont pas libres de porter ce qu'elles veulent ; mais il est vrai aussi que le port du voile empêche d'assister à certains cours ou de pratiquer certaines activités scolaires.
Ainsi se pose la question de l'uniforme : celui-ci apporterait plus d'égalité entre les élèves car il n'y aurait plus de distinctions sociales.
Le système éducatif doit-il éveiller davantage le sentiment de citoyenneté des jeunes ?
Mais comment faire en sorte que ce soit suffisamment impartial ?
Il y a eu une période d'oubli de transmission des valeurs à travers l'instruction civique à l'école. Pourtant face à la difficile régulation économique et financière à l'échelle internationale il serait nécessaire que les citoyens participent à la politique ; les citoyens doivent se prendre en charge et ne pas laisser les institutions s'autogérer.
De plus, il faudrait mobiliser l'ensemble des jeunes par le biais des enseignants. Ceux-ci devraient être tous capables de présenter différentes analyses de toutes les politiques, des analyses extérieures à leurs propres convictions. Ils devraient être capables de donner aux élèves les moyens de se forger leur propre opinion.
43. Interview de M. Thierry Repentin, sénateur socialiste de la Savoie
réalisée par les élèves du Lycée Vaugelas - Chambéry
15 janvier 2005
L'Europe est-elle un moyen de diffusion de la démocratie ? Si oui comment s'y prend-elle ?
Oui, à ses marges, l'exemple de l'intégration récente des 10 nouveaux membres montre que l'Europe sait développer ses valeurs, en particulier les droits de l'Homme.
L'Ukraine et la Géorgie montrent aussi que la volonté d'intégrer l'Europe peut créer la chute des régimes peu démocratiques : en cela l'Europe est un moyen d'extension de la démocratie.
Mais à l'intérieur même de l'Union européenne la démocratie se développe, une pratique plus démocratique du pouvoir s'instaure d'elle-même au niveau européen. Là encore les exemples ne manquent pas :
- l'augmentation du rôle du parlement démocratiquement élu,
- l'audition des membres de la commission par le parlement,
- l'évolution des institutions depuis 1957 qui deviennent beaucoup plus démocratiques.
Voilà comment l'Union européenne développe la démocratie en s'ouvrant à d'autres pays et en sachant elle-même se remettre en question pour devenir plus démocratique.
Quels sont les grands chantiers d'extension de la démocratie qui attendent l'Union européenne ?
C'est tout d'abord l'adoption d'une constitution commune aux 25 membres, mais une constitution qui dépasse la vision du traité de Rome qui voyait en l'Union européenne un simple appareil commercial, il faut que cette constitution fixe quel type de démocratie et quel modèle social on veut en Europe. C'est aussi se doter d'un appareil décisionnel qui met tous les peuples à égalité devant le vote sans prendre en compte leur poids démographique. A l'extérieur, c'est l'ouverture de l'Union européenne à de nouveaux membres car si on les rejette ils rejoindront le camp opposé : ce n'est pas la bonne solution.
Quels sont les ennemis de la démocratie ?
Il y en a deux :
- tout d'abord le terrorisme international qui menace la démocratie partout dans le monde. Nous luttons contre lui par une coopération des polices et par Interpol ;
- et surtout la pauvreté car on ne peut pas développer la démocratie dans un pays pauvre. La pauvreté est le berceau des guerres civiles et d'autres problèmes et si l'Europe ne veut pas être confrontée un jour à de graves problèmes il faut qu'elle accepte de sortir ces pays de la misère en payant leurs produits d'exportation (minerais, produits agricoles) à leur juste prix c'est-à-dire plus cher qu'actuellement. Elle doit aussi accorder une part plus importante de son budget dans l'aide au développement.
Quel est le rôle du citoyen dans la défense de la démocratie ?
Le citoyen doit absolument voter : c'est le fondement même de la démocratie ! Il doit élire lui-même ses représentant nationaux, même si aujourd'hui l'esprit cocardier est ridicule puisqu'il pèse peu dans le concert des nations.
Il faut maintenant voter « européen » car c'est désormais l'Union européenne qui agit dans le monde et non plus les États.
Les citoyens doivent aussi se rendre compte du privilège de la monnaie unique : en effet la mise en circulation de l'euro est l'acte le plus important entrepris par l'Union européenne. Afin de créer davantage un esprit « européen » et non plus « national », ce n'est plus l'État lui-même qui frappe sa monnaie, mais une ville choisie par l'Union européenne : Francfort.
Comment faire naître un esprit de citoyenneté chez les jeunes ?
Faire naître un esprit de citoyenneté européenne chez les jeunes c'est tout d'abord favoriser ce qui permet de voir l'extérieur avec par exemple les programmes scolaires LEONARDO ou ERASMUS. C'est aussi inciter les jeunes à pratiquer des langues étrangères, à voyager. C'est important de s'ouvrir au monde extérieur, de ne pas s'arrêter aux frontières nationales, en votant par exemple pour les représentants au parlement européen. Participer à la journée du 9 mai c'est aussi affirmer que l'on est citoyen européen.
44. Interview de M. Gérard Roujas, sénateur socialiste de Haute-Garonne
réalisée par les élèves du Lycée Charles de Gaulle - Muret
1 er trimestre 2005
Qu'est-ce qui vous a poussé à participer à la vie politique de votre Pays ?
Je suis issu d'une famille ouvrière. J'ai quitté l'école à l'âge de 16 ans avec une formation d'ajusteur. Quand j'ai commencé dans le monde du travail, je faisais 52 heures et demi par semaine et j'avais 3 semaines de congés. Très vite, je me suis engagé dans le mouvement syndicaliste. J'avais pris conscience que les conditions de travail des ouvriers étaient très pénibles et que seul un engagement syndical de chacun pouvait faire avancer les choses.
J'ai été candidat pour la première fois aux élections municipales à l'âge de 21 ans et j'ai été élu maire.
Pourquoi êtes-vous allé au-delà d'un mandat local ?
C'est toujours dans un souci d'engagement personnel au service de la communauté. Je suis devenu sénateur il y a 26 ans. A cette époque, j'étais le plus jeune sénateur du Sénat.
Actuellement, j'associe cet engagement politique national à un engagement local, puisque j'ai participé à la création de la Communauté des Communes du Volvestre et je préside le « Pays du sud Toulousain ». J'ai toujours pensé qu'en s'unissant on pouvait mener des actions et avancer plus facilement.
Le fonctionnement du Sénat ne doit plus avoir de secrets pour vous : pouvez-vous nous l'expliquer ? Comment est élu un sénateur et quelle est la durée de son mandat ?
Le mode d'élection d'un sénateur a été modifié en 2003. Les sénateurs sont élus au suffrage universel indirect et pour un mandat de 6 ans (auparavant il était de 9 ans) : ils sont élus par 150 000 « grands électeurs ». Les « grands électeurs » sont les députés, les conseillers généraux, les conseillers régionaux et des délégués des conseils municipaux qui participent à l'élection des sénateurs.
Combien y a-t-il de sénateurs et la parité hommes/femmes est-elle une règle respectée par le Sénat ?
Depuis la modification votée en 2003, le Sénat doit compter 331 parlementaires (321 sénateurs auparavant) parmi lesquels nous avons 17 % de femmes. Ce pourcentage est plus important que celui de la représentation féminine à l'Assemblée nationale.
La répartition du nombre de sièges de sénateurs à pourvoir se fait en fonction du nombre d'habitants dans le département.
Quel est donc le rôle du Sénat ?
Le rôle du Sénat est de voter les lois et d'exercer un contrôle sur l'action du gouvernement. En ce qui concerne le vote des lois, il existe un système de navettes entre les deux assemblées : le texte de loi est étudié par une assemblée puis par l'autre (deux navettes sont ainsi prévues) et si un désaccord subsiste, c'est l'Assemblée nationale qui aura le « dernier mot ».
L'accord du Sénat est toutefois indispensable quand il s'agit d'un texte de loi qui doit réviser la Constitution. Le Sénat et l'Assemblée nationale exercent conjointement le pouvoir législatif. Contrairement à l'Assemblée nationale, le Sénat ne peut pas être dissous. Le rôle du sénateur consiste à participer à des commissions, au total il en existe 6. Dans le cadre de sa fonction de parlementaire il participe à des discussions, il rencontre les représentants d'organisations syndicales, des personnes représentatives en fonction du texte de loi qui doit être voté. Au fil des années, je constate que le rythme de travail du sénateur a évolué : avant, il avait plus de temps pour la réflexion, la discussion.
Selon vous à quoi est due cette évolution ?
Certainement à l'évolution que connaît l'Europe et à la nécessité de mettre en adéquation notre Constitution avec les textes européens.
Puisque vous abordez la question de l'Europe, quel est le lien entre l'évolution de l'Europe et la Constitution française ?
Depuis que j'exerce la fonction de sénateur, j'ai participé à 11 révisions de la Constitution française. Chaque modification doit être approuvée par les 3/5 des représentants du Congrès du Parlement. Le Congrès du Parlement est l'assemblée qui réunit les députés et les sénateurs sous la présidence du Président de l'Assemblée nationale. Ils sont convoqués à Versailles pour voter les modifications de la Constitution.
Plusieurs des révisions de la Constitution, auxquelles j'ai participé, étaient justifiées par les exigences de l'Union européenne. Il fallait mettre en adéquation la Constitution française avec les textes européens. Ce développement européen doit se faire en tenant compte du citoyen et du respect de la démocratie.
Si nous restons sur le thème de la démocratie, pouvez-vous nous en donner une définition ?
Il y a une classification dans l'exercice de la démocratie. Nous pouvons parler de la démocratie directe : le peuple exerce sa souveraineté en participant à un référendum (il y en a eu plusieurs au cours de la Vème République). D'autre part, nous pouvons parler de la démocratie représentative : le peuple exerce sa souveraineté par l'intermédiaire des représentants qu'il a élus. Je considère que la démocratie c'est une représentation collective où tout le monde participe à la construction du futur.
Qu'est-ce qui pourrait nuire à notre démocratie ?
Il existe différents éléments qui à mon sens pourraient nuire à la démocratie. Tout d'abord l'indifférence des citoyens qui ne prennent pas part aux votes. Ils laissent aux autres toute latitude pour décider à leur place.
D'autre part, il faut que la loi qui est la même pour tous soit respectée par tous : personne ne peut se placer au-dessus de la loi.
Le troisième élément qui à mon sens peut nuire à la démocratie, c'est le phénomène de mondialisation qui se développe : un marché financier mondial qui dicte des lois ne peut laisser que peu de place à la défense des intérêts des citoyens.
Que peut donc faire un citoyen pour défendre la démocratie ?
Tout homme et toute femme doit pleinement jouer son rôle de citoyen. Chacun doit s'interroger sur la société, sur ce qu'il souhaite qu'elle devienne. Chaque citoyen doit proposer des solutions et participer à la vie de la cité. Au-delà de ses origines culturelles, familiales ou de sa formation professionnelle, chacun doit participer et essayer de construire une société juste de laquelle il ne sera pas exclu. Il en est de même pour la place du citoyen français en Europe.
Le citoyen français doit se projeter dans une Union européenne en plein développement. Pensez-vous justement que, dans quelques années, « l'identité européenne » pourrait se substituer à l'identité française ?
Si nous voulons atteindre une Europe construite et forte, je pense effectivement que « l'identité européenne » prévaudra. Mais il faut s'interroger sur quelles bases ? Mettra-t-on en avant les intérêts humains ou les intérêts financiers ?
Pour conclure, quels conseils donneriez-vous aux futurs citoyens que nous serons demain ?
Je reviens sur le fait que chaque citoyen doit participer à la vie culturelle, associative ou politique de sa ville ou de son village. Les origines importent peu. Vous ne devez jamais oublier que d'autres citoyens avant vous ont lutté, se sont engagés pour obtenir les droits que nous avons aujourd'hui.
Pour que la démocratie soit véritablement représentative, il faut que tous les citoyens participent à sa construction.
45. Interview de Mme Patricia Schillinger, sénatrice socialiste du Haut-Rhin
réalisée par les élèves du Lycée Kirschleger - Munster
14 mars 2005
Comment vous, Mme Schillinger, nouvelle sénatrice, voyez-vous votre rôle dans ce cadre pour faire avancer la démocratie de manière générale ?
Je vous demande votre indulgence car je suis élue depuis cinq mois et c'est ma première expérience de ce genre. Je pense que mon rôle en tant que sénatrice est de représenter le département et les collectivités locales avec pour la première fois la parité hommes et femmes. Les sénateurs sont les voix des élus locaux au niveau national. On porte les dossiers des villes et des écoles au niveau national en modifiant la loi selon les besoins.
En quoi le Sénat a-t-il son mot à dire dans la construction européenne ?
Toutes les modifications législatives et projets européens sont obligatoirement soumis au Sénat. Le Sénat entend également le ministre des affaires européennes et dispose d'une délégation spécialisée. La convention présidée par M. Valéry Giscard d'Estaing, [pour préparer le traité constitutionnel], était composée des parlementaires venant de tous pays avec deux sénateurs français : Hubert Haenel pour la majorité et Robert Badinter pour l'opposition.
Vous avez participé au Congrès qui s'est tenu à Versailles. Comment avez-vous vécu cet événement ? Comment le Congrès s'intègre-t-il dans la construction européenne ?
Cet événement était pour moi un moment émouvant et fort. La Constitution européenne prévoit la participation des parlements et des élus nationaux à la construction européenne.
On reproche souvent à l'Union européenne de ne pas être assez démocratique. Qu'en pensez-vous ?
L'intégration du droit européen au droit national me paraît la plus importante évolution dans nos institutions. Notre défi est de bâtir un système sans précédent, l'aventure européenne, librement consentie entre peuples européens. L'élargissement nous a obligé à réaffirmer nos valeurs (10 nouveaux pays membres de l'Union européenne en 2004). Le traité constitutionnel propose un code d'idées communes sur le rôle de l'Union européenne dans le monde et sur sa politique de défense. Elle doit être acceptée librement par les 25 pays par référendum ou vote des Parlements. Les avancées du nouveau traité sont : le référendum d'initiative populaire, l'extension des compétences de la Cour de Justice, la participation des Parlements nationaux aux textes européens et l'augmentation des pouvoirs du Parlement européen, de nouveaux droits fondamentaux dont l'égalité hommes et femmes, l'interdiction du travail des enfants....
Il y aura un ministre européen unique des affaires étrangères et un président du Conseil européen élu pour deux ans et demi. Une délégation du Sénat s'occupe de toutes les questions européennes qui sont obligatoirement soumises au Parlement donc au Sénat.
D'après vous, quels rôles pouvons nous jouer en tant qu'élèves et jeunes citoyens pour développer et défendre la démocratie ?
L'école est un endroit d'apprentissage de la citoyenneté, avec des thèmes importants comme : le respect d'autrui, la tolérance, la laïcité, la lutte contre le racisme. L'éducation civique, juridique et sociale au lycée a également son rôle avec des débats en classe argumentés, et également l'implication dans la vie associative qui permet d'être citoyen et peut être plus tard conseiller municipal.
46. Interview de M. Michel Thiollière, sénateur RDSE de la Loire
réalisée par les élèves du Lycée Notre Dame de Valbenoîte - Saint-Etienne
4 mars 2005
Qu'est-ce que la démocratie et que faites-vous en tant qu'élu local et national pour la défendre et la développer ?
Selon moi, la démocratie c'est beaucoup de choses à la fois. Elle permet au citoyen de participer à la vie de son quartier, de sa ville, de son pays en élisant au suffrage universel des conseillers municipaux, des députés, des sénateurs ainsi que le Président de la République.La démocratie n'est pas une valeur si répandue dans le monde et nous avons la chance de vivre sous un régime démocratique.
En tant que maire, je peux défendre la démocratie puisque je suis moi-même élu par un vote démocratique. Ainsi, chaque mois, je propose des projets au conseil municipal qu'il accepte ou non. De plus, je privilégie la démocratie de proximité : des conseils de quartiers se réunissent au moins trois fois par an et me font part de leurs idées en ce qui concerne la ville et son aménagement.
Avec les menaces qui pèsent sur la démocratie (attentats, antisémitisme, néo-nazisme) pensez-vous que les jeunes sont suffisamment informés, sensibilisés et éduqués à la démocratie ?
La démocratie est toujours menacée, ce n'est pas quelque chose d'éternel. C'est un système ouvert, libre mais fragile. Dans une démocratie tout le monde a la parole, les démocrates et ceux qui ne le sont pas. Il y a toujours le risque, dans une démocratie de voir arriver au pouvoir une personne qui ne la respecte pas. Ce fut le cas en Allemagne. Vous avez appris qu'Hitler a accédé au pouvoir démocratiquement mais il a rapidement instauré une dictature. Il faut donc être vigilant. Les jeunes ne sont pas plus mal informés que les autres catégories de population. En tout cas, ils ont plus de moyens pour s'informer : les médias, Internet.....Mais les jeunes ainsi que les adultes n'utilisent pas toujours les moyens mis à leur disposition pour s'informer et je suis surpris de voir que certaines personnes ne savent pas comment fonctionne la démocratie dans leur propre pays !
L'école a un rôle à jouer : elle doit apprendre aux jeunes à être de bons citoyens mais aussi à devenir des adultes capables de s'engager, a se proposer comme candidats à une élection par exemple. Bien sûr, cela demande des efforts...
Quelle est votre position par rapport à la constitution européenne et considérez-vous qu'elle défend et développe la démocratie ?
Pour ma part, j'y suis favorable et je voterai oui lors du référendum. Ce texte même s'il n'est pas parfait constitue un socle, une bonne fondation pour aller plus loin. Ce sera le texte le plus important de l'Union. De plus, il me semble que cette constitution défend la démocratie car , elle est composée, entre autres, d'une charte des droits fondamentaux qui est si vous voulez, l'équivalent de notre Déclaration des Droits de l'Homme . Elle rappelle quelques points fondamentaux : l'égalité des droits, le respect des croyances...
L'élargissement de l'Europe favorise-t-il la démocratie sachant que certains pays ont adopté depuis peu ce régime ?
Je pense que c'est un défi qui n'est pas facile à relever pour la démocratie, la liberté et la paix car une Europe à 25 c'est déjà plus difficile à organiser qu'une Europe à 6 ! Mais cela vaut le coup de s'en occuper ! Il faut aider les jeunes démocraties à rester des démocraties et aider ceux qui veulent entrer à adopter le régime démocratique. Ainsi, je suis favorable à l'entrée de la Turquie car cela l'obligera à consolider sa démocratie.
D'après vous, comment la démocratie peut-elle évoluer en France et en Europe ?
C'est une question qui me préoccupe. La démocratie est en constante évolution. On la vivait différemment en 1900 et on la vivra autrement en 2050. Il n'y a pas si longtemps que les femmes votent ou que le Président de la République est élu au suffrage universel. Comment vivre mieux la démocratie demain ? A mon avis, on va aller de plus en plus dans le sens de la collégialité. C'est fini le temps ou l'on décide de tout, tout seul. Pour que la démocratie fonctionne, il faut se concerter beaucoup plus, c'est un atout majeur. Avant de prendre une décision, il faut savoir écouter tous ceux qui sont concernés et lorsqu'une opinion se dégage, agir. Et puis, prendre le temps, faire mûrir les décisions.
47. Interview de M. François Trucy, sénateur UMP du Var
réalisée par les élèves
du Lycée technologique et professionnel Marie-France - Toulon
1 er trimestre 2005
Pourquoi « construction européenne et démocratie » vont-elles de pair ? Sont-elles indispensables ?
L'Europe « chance exceptionnelle » pour la démocratie. S'il n'y avait pas le projet européen, un problème difficile à résoudre, on se débrouillerait tout seul. La Communauté Européenne serait encore « au charbon et à l'acier » si on n'avait pas développé davantage l'Europe. Cette constitution est une étape de la construction européenne. Si on gère l'Europe, ce serait exceptionnel pour la démocratie.
Quelles sont les grandes menaces qui pèsent sur la démocratie en Europe ?
Le premier est d'ordre politique (actualité référendum en France en mai 2005). Modification au sujet de la Constitution que l'Europe avait adoptée. Le risque premier est le coup d'arrêt de la marche européenne.
Les pays risquent de devenir politiquement fasciste ou d'extrême gauche car l'Union européenne fonctionne sur la démocratie. Les partis politiques prennent un risque de se faire battre sur l'idée européenne. Il peut y avoir des dérives européennes car de nouveaux pays tels que « la Roumanie, la Hongrie » s'opposent à l'intérieur de l'Union européenne sur de grandes questions : risque de surplace et d'à coups.
Il peut y avoir des dérives internes. Certains pays ont un niveau de vie qui n'a pas grand-chose à voir avec celui de la France ou de l'Italie ou de l'Allemagne par exemple, qui apparaissent aux nouveaux adhérents comme un paradis avec beaucoup de richesses.
Ils vont tous s'améliorer comme « le Portugal et la Grèce ». Les Portugais ont un niveau de vie qui a augmenté. Autrefois, il y avait une immigration portugaise et les gens allaient prendre des bas emplois pour travailler dans l'agriculture en France.
Dans le contexte politique, économique et social français, quelles sont les grandes menaces qui pèsent sur la démocratie française ? Pouvez-vous nous les énumérer et nous les expliquer ?
Je serai « optimiste ». On a connu des périodes épouvantables. La liberté d'expression, c'est la liberté, celle de voter, de penser, de religion. Toutes ces libertés sont bien mises en place. C'est le respect de la liberté, on peut critiquer le pouvoir politique par exemple celui du maire, du Parlement... et puis la presse est libre même si elle n'est pas riche financièrement.
Elle est riche d'idées. La presse britannique est honteuse d'idées, elle fait du « fric » avec n'importe quelle histoire invraisemblable. Ce n'est pas de l'information sans discernement. Ce n'est pas de l'information si le peuple reçoit des histoires « fadas », ils ne sont pas instruits. Cette montée vers la reconnaissance des choses ne se passe pas bien mais on peut l'espérer. La Hongrie, c'était un pays qui était derrière. Maintenant, il plafonne mais à un moment donné, on a dit : « mais où vont les théories comme ça sur le racisme, l'immigration, tout ce qui fait peur aux gens ». On s'aperçoit qu'il y a beaucoup de différences mais la meilleure politique qui prend comme fond de commerce exploite la crainte naturelle des gens, la « trouille », l'égoïsme. Tout parti qui fait comme ça est dangereux (vision optimiste).
Le risque est permanent et universel. Il n'y a pas de régime politique épargné. La corruption se trouve dans n'importe quel régime, n'importe quelle organisation démocratique car c'est une défaillance personnelle, ce n'est pas une défaillance d'idée mais d'un homme ou d'une femme qui tout à coup détourne de l'argent, combine et mélange la caisse de tout le monde, ce qui n'est pas permis, et c'est à la justice du pays, l'organisation démocratique du pays, de critiquer son comportement.
La guerre droite/gauche qui était virulente, il y a 20 ou 30 ans, se trouve amoindrie sur le plan économique, sur l'évolution des idées, des programmes des deux groupes droite/gauche. Ils se sont incroyablement rapprochés alors qu'il n'y a maintenant plus de différence. Les Américains ne sont pas un grand exemple de démocratie, c'est ceux qui votent le moins. Aux élections, le pays qui vote le plus est la France comparée aux voisins européens et aux États-Unis.
L'instabilité économique et sociale constitue un risque. Il faut donc créer de nouveaux emplois. Ce qui veut dire de nouvelles formations techniques. On était dans le temps le quatrième pays exportateur pour la taille de notre pays, c'est pas mal. Maintenant, on est cinquième « fusée Ariane » et autres prouesses. Mais, ailleurs, on n'est pas forcément les meilleurs. Tout le matériel informatique ne vient pas de chez nous, donc on a raté d'être les leaders dans ce domaine, alors la lutte contre le chômage, c'est la formation.
Que peut et doit mettre en place l'État français afin de préserver le système républicain et démocratique dans le contexte de la construction d'une Europe enfin pacifique et démocratique et face à des menaces fortes ?
La grande base des choses, c'est la loi qui peut interdire un parti dangereux, un parti qui est l'émanation d'une secte, par exemple. Celles-ci peuvent endormir des milliers de gens et leur piquer leur argent. C'est une partie des précautions qu'on peut prendre.
Il faut surtout donner des informations aux gens, ceux-ci doivent être vigilants sur ces informations, donc l'État ne doit pas être faible économiquement.
Le développement de la démocratie française et européenne doit être envisagé de quelle façon ?
Les gouvernements sont perpétuellement vigilants là-dessus, quelle que soit leur nature politique. Depuis un grand nombre d'années, il n'y a jamais eu de majorité qui a gardé le pouvoir au-delà de cinq ans. Les majorités de gauche et de droite disent la même chose.
48. Interview de M. André Vantomme, sénateur socialiste de l'Oise
réalisée par les élèves du Lycée Cassini - Clermont-de-l'Oise
25 février 2005
Quand on veut défendre la démocratie en Europe, on doit tout d'abord savoir quels sont les fondements de cette union originale d'États ?
L'idée de l'Union européenne est née après la seconde guerre mondiale. Après les deux conflits mondiaux, l'Europe était totalement ravagée. Dans un premier temps, on a décidé de créer une coopération économique entre la France et l'Allemagne pour éviter une nouvelle confrontation entre ces deux puissances et pour sauvegarder la paix en Europe.
Qui est à l'origine de cette démarche ?
Deux hommes politiques français sont à l'origine de cette politique novatrice. Il s'agit tout d'abord de Jean Monnet, qui a pris l'initiative de créer la CECA à laquelle ont participé la France, l'Allemagne, les pays du Benelux et l'Italie. Robert Schuman a concrétisé ensuite ces idées et a trouvé en Konrad Adenauer, chancelier allemand, un homme d'État allemand favorable à l'idée de la construction européenne. Ce que ces trois hommes nous ont appris sur l'Europe, c'est que sa construction avance à petits pas concrets et non pas par de grandes visions.
Que peut faire alors un jeune d'aujourd'hui pour poursuivre le travail de ces pères fondateurs de l'Europe ?
Un jeune Français a plusieurs possibilités pour s'investir dans l'Europe. Premièrement, l'apprentissage des langues vivantes me paraît indispensable. Puis, il peut utiliser les comités de jumelage ou les programmes européens (Erasmus, Voltaire, ...) pour aller à la rencontre des autres européens. C'est fondamental. Et puis, le jeune citoyen doit utiliser son droit de vote. Par ce biais, il peut participer au développement de la construction européenne. Enfin, pourquoi ne pas s'investir dans la vie associative ou les partis politiques ? Pour que l'Union européenne réussisse, il faut des citoyens passionnés. Cela suppose un investissement de leur part.
Quel est le poids de l'Union européenne dans la vie du citoyen français ?
L'Europe est de plus en plus importante. Il faut savoir qu'une grande partie du travail parlementaire en France est en réalité l'adaptation des lois européennes à la législation française. En réalité, le droit communautaire prime dans beaucoup de domaines sur le droit national. La Cour européenne de justice est le dernier recours du citoyen français en cas de problème juridique.
Quelle influence politique reste-t-il alors aux institutions françaises ?
Le gouvernement français par exemple participe aux débats européens pour faire valoir les intérêts de la France. Cette influence dépend de l'importance d'un État dans l'Union, de la puissance économique et de son poids démographique.
Mais ne trouvez-vous pas qu'il y a en France trop d'instances administratives ?
Non, pas du tout. Les gens qui pensent qu'il faut imiter un autre pays et supprimer les départements, par exemple, font une grave erreur. Les départements sont un espace de proximité et font vivre la démocratie française. Sur le plan national, il faut respecter l'histoire d'un pays et les institutions démocratiques qui en découlent. Ne serait-il pas préférable au sein de l'Union européenne de maintenir une « biodiversité politique » des institutions des pays membres ?
Justement, en parlant des institutions, estimez-vous que la future constitution européenne constituera un progrès pour l'Union ?
Ce n'est pas si simple que ça. Une Constitution est un texte qui rappelle les valeurs fondamentales et qui détermine l'organisation du pouvoir politique pour gouverner un pays démocratique. Or, le traité constitutionnel qui nous est proposé dépasse le cadre d'une Constitution dans la mesure où on essaye de définir, une fois pour toutes, des règles économiques et sociales, basées sur une vision néo-libérale de l'Europe. Cela fige donc l'avenir de l'Union européenne pour cinquante ans.
Vous êtes donc, apparemment, plutôt contre cette Constitution ?
Je voterai cette Constitution s'il n'y avait pas ce volet social et économique qui n'a rien d'une Constitution. D'autre part, on ne devrait proposer à un référendum que des textes lisibles pour tous les citoyens et compréhensibles de tous. Ce n'est manifestement pas le cas.
Vous seriez donc plutôt favorable pour adopter cette Constitution par un vote parlementaire ?
Le référendum n'est pas utile si la population n'est pas en mesure de comprendre un texte extrêmement compliqué et que beaucoup n'auront pas le courage de lire. D'autre part, le risque est fort dans notre culture politique de répondre davantage à l'initiateur du référendum qu'à la question posée.
Un autre débat actuel en Europe, c'est l'élargissement de l'Union européenne à d'autres pays, y compris la Turquie. Pensez-vous qu'il existe une limite naturelle de l'Union européenne ?
Pour moi, il existe plusieurs définitions de l'Europe : une définition géographique, historique et culturelle. On peut comprendre qu'un pays veuille partager le bien être économique et la vie démocratique de l'Union européenne, surtout si celui-ci fait de grands efforts pour partager nos valeurs démocratiques et pacifiques. Mais l'adhésion à l'Europe doit aussi rester cohérente avec l'histoire et la géographique. Il faut mesurer les inconvénients d'une Europe hypertrophiée et imaginer qu'on pourrait avoir recours à d'autres formes de collaboration avec les pays qui voisinent l'Europe.
Finalement, quelle est votre position par rapport à l'Europe ?
Je suis un européen convaincu. Je suis profondément, résolument européen. Je suis confiant en l'avenir de l'Europe. C'est pourquoi, je suis si exigeant concernant son développement démocratique.
49. Interview de M. Jean-Paul Virapoullé, sénateur UMP de La Réunion
réalisée par les élèves du Lycée Leconte de Lisle - St Denis La Réunion
2 décembre 2004
A votre avis, quels sont respectivement les rôles d'un citoyen actif et d'un homme politique responsable au sein de notre démocratie ?
Le rôle du citoyen a été forgé par ceux qui ont crée la République pendant la Révolution française. La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen avec ses trois principes fondateurs que sont la liberté, l'égalité et la fraternité a donné la matrice de toutes les constitutions démocratiques. Ce document définit ainsi jusqu'à nos jours le rôle du citoyen. Initialement celui-ci a donc été un révolutionnaire, un contestataire. Aujourd'hui encore, il doit être à la fois fondateur et acteur de la démocratie, et ceci d'une façon permanente. Le citoyen doit exercer un rôle d'observateur actif et vigilant et ainsi contrôler le bon fonctionnement de la démocratie. Participer aux élections et à d'autres consultations populaires est essentiel à cet égard, mais ce n'est pas la seule possibilité de remplir ce rôle. Les récents événements en Ukraine en sont un exemple actuel. Le citoyen doit s'informer et être au courant de l'actualité locale, nationale et internationale pour pouvoir être un maillon actif d'une véritable démocratie participative afin de saisir les (ou au moins une des) différentes formes de celle-ci, que ce soit le syndicalisme, la vie associative ou politique. Finalement, le concept de citoyenneté est essentiellement défini comme un ensemble interdépendant de droits (accès à l'éducation, à l'emploi, aux soins, à l'hébergement, le droit de vote et les autres libertés fondamentales), mais également de devoirs (le respect de l'autre, des lois, mais également d'autres obligations comme le paiement des impôts). En somme, le citoyen actif et responsable doit donc exercer ce triple rôle d'observateur, de juge et d'acteur afin que l'idéal républicain puisse être, sinon parfaitement atteint, au moins un objectif réaliste.
L'homme politique se doit tout d'abord dire la vérité aux citoyens, quel qu'en soit le prix. Son rôle essentiel est donc d'abord de communiquer, d'informer la population qui certes constitue son électorat. Il doit être à l'écoute des citoyens avant de défendre ou de prendre telle ou telle décision. Pour cela, il doit suivre son intime conviction de ce qui est juste et dans l'intérêt du bien commun. Il doit ainsi faire, si nécessaire, un travail de conviction, soit auprès des citoyens, soit auprès de son propre parti ou du gouvernement. Il lui faut donc éviter de suivre des motivations purement électoralistes, car un homme politique qui agirait ainsi perdrait rapidement sa dignité, sa crédibilité et donc sa capacité de participer au gouvernement de la cité. Un homme politique responsable ne doit donc pas prendre ses désires pour la réalité, ne pas se laisser déconnecter de celle-ci. Il doit rester humble et sincère et ne jamais oublier qu'il est au service de la communauté. Pour pouvoir exercer le rôle qui est le leur au sein de la démocratie, l'homme politique et le citoyen doivent donc tous les deux se mettre en question d'une façon continue.
Pourquoi, selon vous, relativement peu de citoyens s'intéressent-ils au thème de l'Europe politique ? Qui devrait faire quoi pour que cela change et pour que l' « Europe des citoyens » soit plus qu'une simple déclaration d'intention répétée à volonté ?
Il faut d'abord rappeler les immenses avantages que le processus de l'intégration européenne a apportés aux Européens depuis les Traités de Rome: bientôt cinquante ans de paix, les quatre libertés fondamentales communautaires dont profitent tous les citoyens européens, et bien que certains affirment souvent le contraire, une démocratisation grandissante des institutions de l'Union, par exemple l'élection directe du Parlement depuis 1979, ensuite l'instauration du mécanisme de codécision entre le Parlement et le Conseil des Ministres européens ou encore la nécessité pour la Commission d'être approuvée par le Parlement. Il faut donc achever cette démocratisation de l'Europe, son gouvernement, à savoir la Commission et un futur président européen, n'étant pas encore démocratiquement élus, mais nommés par les États-membres. De plus, il faut informer et consulter les citoyens des grands dossiers qui attendent l'Union dans un avenir proche, c'est-à-dire l'Europe sociale et l'Europe de la défense, afin de pouvoir défendre le modèle européen face aux autres deux grands blocs que sont l'Extrême-Orient et l'Amérique. Je voudrais citer l'ancien président de la commission, Jacques Delors, qui m'a confié un jour : « L'Europe sera politique ou elle disparaîtra. » Il faut donc impliquer concrètement les citoyens dans une Europe qui est la leur. Il faut dire clairement aux gens qu'ils sont de plus en plus concernés dans leur vie quotidienne par les lois européennes transcrites ensuite dans le droit national. Il ne faut donc pas laisser les autres décider à sa place. La participation en augmentation aux dernières éditions des élections européennes (1) et également au référendum interne socialiste sur la constitution européenne sont autant de signes encourageants qui montrent qu'il n'est pas vrai que les gens ne s'intéressent pas à l'Europe. Plus les eurodéputés élus par le peuple auront de pouvoir, plus les citoyens se sentiront concernés par l'Europe. Il faut continuer à oeuvrer dans ce sens et l'Europe des citoyens, votre Europe, deviendra réalité.
Le projet de constitution européenne, qu'apporte-t-elle de vraiment nouveau pour le citoyen et pourquoi devrait-elle être adoptée ou rejetée ?
Il faut d'abord préciser qu'il s'agit d'un traité constitutionnel, pas vraiment d'une constitution. Il s'agit d'un document très complexe qui va vers une constitution. Celle-ci devra, dans l'avenir, clairement définir un idéal européen. Car c'est cela, le rôle primordial d'une constitution. Si le « non » l'emporte, l'Europe n'est pas morte. Il resterait toujours le Traité de Nice qui certes est loin d'être un traité parfait. L'Europe connaîtrait dans le cas d'un rejet de la constitution sans aucun doute une situation très critique, mais c'est toujours en surmontant des crises que la construction européenne a réussi d'avancer. Si c'est par contre le « oui » qui l'emporte lors du référendum de ratification en France, cela contribuerait largement à rendre l'Europe plus démocratique et donc à se rapprocher de l'Europe des citoyens.
La récente notion de citoyenneté européenne, signifie-t-elle pour vous la possibilité de créer éventuellement un jour les États-Unis d'Europe ou plutôt le maintien d'une Europe purement intergouvernementale des États-Nations ?
Si vous me demandez s'il nous faut une souveraineté européenne, la réponse est « oui » sans hésitation. Il nous faut une relation de cause à effet entre les électeurs et les institutions européennes. Autrement dit, il doit y avoir un parlement démocratiquement élu, ce qui est déjà le cas, et peut-être un jour également un président européen élu par le peuple, ce qui n'est pas encore le cas pour le moment. Mais je suis convaincu qu'il y aura d'ici dix, quinze ou vingt ans un État européen doté d'une légitimité démocratique. C'est seulement par ce biais que l'on pourra donner un contenu concret à la notion de citoyenneté européenne. Il faudra un État européen avec un système économique, social et politique commun dont les bases sont jetées. A cela doivent s'ajouter un budget et une véritable défense commune pour réduire la dépendance de l'OTAN et des États-Unis. En outre, dans cet État européen, l'aspect humain doit primer sur l'économique, autrement dit : l'économie sociale du marché. Les États-Unis sont sans doute un exemple, mais pas forcément un modèle. Par rapport à la question qui est de savoir quel genre d'État européen on aura, donc une Europe fédérale ou une Europe autrement faite, c'est l'avenir qui nous en donnera la réponse.
Comment pourrait-on définir le rôle et la place de la Réunion dans l'Union européenne et dans quelle mesure ce rôle va-t-il évoluer suite à l'élargissement de l'Union à 25 membres ?
L'objectif pour la Réunion doit rester l'égalité et la justice sociales et économiques par rapport à la France et l'Europe, et cela en prenant en compte les handicaps naturels et structurels de notre île, tels que l'insularité extrême et l'éloignement. Il a fallu et il faudra encore se battre pour qu'un statut spécial soit octroyé aux départements d'outre-mer dans le cadre des Traités de l'Union européenne et dans la nouvelle constitution européenne pour que ces spécificités locales soient prises en compte par les autorités communautaires. Comme Madère et les Açores côté portugais et à l'instar des Canaries côté espagnol, la Réunion ainsi que la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique bénéficient désormais du statut de Régions ultrapériphériques, mais font bien entendu partie intégrante de l'Union européenne. Ceci permet notamment de recevoir des aides considérables des différends fonds européens. Mais en échange de cette solidarité, les Réunionnaises et les Réunionnais doivent se demander, comme tous les autres Européens aussi, ce qui leur vaut le privilège d'être des citoyens européens. Ils devraient réfléchir à ce qu'ils peuvent de leur part apporter aux métropoles française et européenne, et bien que la Réunion ne pèse pas très lourd économiquement, ce ne sont pas les arguments qui manquent. Dans le domaine purement économique, notre île dispose d'une zone maritime assez considérable qui est un atout essentiel pour l'Europe et la France dans l'Océan Indien. En ce qui concerne notre société, la Réunion pourrait, avec ses valeurs d'intégration et de respect mutuel entre les différentes origines culturelles, ethniques et religieuses de sa population, être un modèle pour une future société européenne en gestation. Ni le récent, ni d'éventuels élargissements futurs de l'Union européenne ne devraient empêcher d'atteindre ces objectifs. La République française a donné à notre île une identité politique, sociale, économique et culturelle. C'est grâce à cette identité-là que la Réunion a aujourd'hui le droit de s'appeler une région européenne dans l'Océan indien, une région ultrapériphérique certes, mais une région qui fait partie de la communauté de valeurs qu'est l'Europe. C'est cela en quoi consiste notre avenir.
(1) Vu les chiffres, le contraire nous semble tout de même être le cas, au moins à l'échelle européenne
50. Interview de Richard Yung, sénateur socialiste représentant les Français établis hors de France
réalisée par les élèves du Lycée français Molière - Madrid
1 er trimestre 2005
La démocratie doit-elle autoriser la représentation parlementaire de groupes politiques extrémistes ?
Si ces groupes politiques sont « parlementaires », cela veut dire qu'ils ont été élus selon les règles en vigueur dans le système démocratique en question. Il faut donc vivre avec eux. Il faut alors les combattre politiquement, les isoler (aucun accord avec eux pour quoi que ce soit : ni sur les idées ni sur les élections même régionales ou locales). C'est ce que nous avons fait et faisons avec le Front National en France ou avec les partis néo-nazis en Allemagne. Si ces partis vont encore plus loin et utilisent la violence, il faut alors les interdire et les combattre avec tous les moyens de répression policiers (ETA, mouvements islamistes radicaux, ...) mais il faut bien avoir conscience qu'interdire ou dissoudre une formation politique n'est qu'un pis-aller, car la formation va renaître immédiatement sous une autre forme et clandestinement, donc plus difficile à traquer. Les combattre politiquement sur le plan des idées et de l'électorat est préférable et plus efficace.
En quoi la nouvelle constitution européenne sera-t-elle en mesure de favoriser le développement de la démocratie ?
Le projet de traité constitutionnel européen représente une avancée dans la démocratisation des institutions européennes puisqu'il prévoit, entre autres : l'élection d'un Président de l'Union pour 2,5 ans, l'élection d'un Président de la Commission par le Parlement européen, la nomination d'un Ministre des affaires étrangères, un développement des lois européennes prises en co-décision par le Parlement européen, l'intégration de la Chartre des droits fondamentaux, la possibilité d'un référendum d'initiative populaire.
L'abstentionnisme est-il un danger pour la démocratie ?
Oui, c'est même le premier d'entre eux ; si les citoyens ne votent pas, c'est qu'ils ne se sentent pas concernés ou qu'ils pensent que cela ne sert à rien. Il n'y a donc plus d'adhésion populaire aux choix et orientations politiques du Parlement et du gouvernement. C'est la porte ouverte aux idéologies antidémocratiques, populistes, autoritaires. C'est malheureusement le cas dans le vote des Français hors de France (20 % de votants) mais pour d'autres raisons, parce que voter y est difficile (éloignement des bureaux de vote, inscriptions sur les listes ...). Il nous faut tout faire pour combattre ces tendances.
Dans quelle mesure l'armée peut-elle contribuer à défendre la démocratie ?
Dans une démocratie parlementaire classique (Grande-Bretagne, France, Pays-Bas, ...), l'armée ne joue pas de rôle politique. Elle est sous le contrôle du gouvernement élu, rend compte au Parlement, prend acte des changements de majorité politique et se tait (on l'appelle « la grande muette »). Sa fonction est technique : défendre le territoire, protéger les institutions, porter l'action à l'étranger si le gouvernement le lui demande. En période de guerre, les choses sont plus complexes car l'armée est alors au coeur de toute l'action mais elle doit néanmoins rester sous le contrôle des politiques (Clemenceau disait : « la guerre est une chose trop importante pour être confiée aux militaires »). Dans certains pays où les autres institutions de l'État sont faibles ou inexistantes, il arrive que l'armée comme force organisée et implantée sur tout le territoire joue un rôle politique (par ex. certains régimes caudillistes d'Amérique latine, l'Algérie, plusieurs pays d'Afrique subsaharienne, les pays communistes comme la Chine).
En quoi l'Union européenne peut-elle contribuer à consolider la démocratie dans les pays candidats à l'adhésion ?
L'adhésion à l'Union européenne est un puissant vecteur de renforcement de la démocratie pour les pays qui le font et dans lesquels, pour différentes raisons, la démocratie avec ses règles relatives à la liberté de penser, de s'exprimer, de fonder des partis politiques, de libres élections, ... n'est pas encore fortement enracinée. L'adhésion à l'Union européenne est subordonnée au respect de toutes ces règles plus des milliers d'autres (suppression de la peine de mort, construction d'une économie de marché, protection minimale des travailleurs, ...). Ceci s'appelle « l'acquis communautaire » et n'est pas négociable. L'Union contrôle tous ces éléments de façon très sérieuse et fait pression sur les gouvernements des pays. Pensez à ce qui se passe pour la Turquie, à ce qui s'est passé pour l'Espagne, le Portugal, la Grèce qui sortaient de périodes sombres de dictature. Bonne chance pour vos défis de la paix !
* 1 Françoise Férat est maire de la Commune de Cuchery dans la Marne depuis 1992. Elue conseiller général en 1992, réélue en 1998 et encore en 2004 et Sénatrice de la Marne depuis septembre 2001. Elle s'implique donc depuis une quinzaine d'années dans la vie publique.
Elle a répondu à nos différentes questions aussi bien sur notre système politique comme sur l'union européenne en précisant qu'il s'agissait de sa propre opinion et que tout ce qu'elle nous déclarait était seulement son sentiment personnel.