Premiers États généraux de la démocratie locale et de la parité



Palais du Luxembourg, 7 mars 2005

Béate Weber, maire de Heidelberg (Allemagne)

Bon d'abord, je voudrais vous remercier d'être invitée ici, c'est un grand honneur. Merci Madame « la Présidente ». Il me semble être à la maison, c'est la même discussion chez nous aussi. Et je crois qu'il y a beaucoup d'hommes et de femmes qui ont oublié qu'il y avait, quasiment clandestin mais naturel, un quota pour les hommes pour une centaine d'année, dans nos vies politiques, dans nos pays. Il y avait des quotas pour les hommes, mais personne ne le disait. Et c'est pour ça que je suis, après beaucoup d'années, engagée en politique. J'ai été député au Parlement, presque 12 ans. Et j'étais présidente d'une commission. Et à ce moment-là, soudainement, j'ai réalisé combien il était nécessaire, étant femme, d'avoir une position forte dans un Parlement extrêmement intéressant dans ce temps-là. Et j'ai vu comment les femmes réagissaient, ont réagi, sur cette position et comment elles ont réagi quand elles ont vu que c'était possible d'avoir une position comme celle dans laquelle j'étais. Et de voir que c'était possible d'être femme encore, d'être forte, d'avoir des positions claires et fixes et comme ça elles ont compris que c'était aussi possible pour elles. Depuis ce temps-là, j'ai défendu les quotas. Sans les quotas, il n'est pas possible à une femme d'être en position éligible sur les listes si ce n'est pas imposé par la société et il est évident que la société le veut. Chez nous on n'a pas de quotas stricts, et on a beaucoup moins de succès que chez vous. On réalise qu'il y a des femmes qui se présentent. Avant ça on disait toujours : on n'a pas assez de femmes qui se présentent, qui ont la volonté, mais les femmes ne voulaient pas toujours se battre parce que c'était tellement naturel que les hommes obtiennent une bonne place sur les listes, ou qu'ils la conservent. Il n'y avait pas non plus de pression pour se retirer d'une liste après une vingtaine d'années d'exercice d'un mandat politique. Je crois vraiment que cette bataille est nécessaire et aussi très utile pour la société, parce que ce que les femmes font dans la société et dans leur position est positif. Merci beaucoup.

Franck Guérin : Merci, Madame, on a bien compris que les femmes en Allemagne ont décidé de mettre à bas le slogan des « 3 K » : Kinder, Küche, Kirche. Qu'elles sont sorties des enfants, de la cuisine et de l'église. Merci. Je crois que l'on va aborder le deuxième point de la première intervention, à savoir, il faut aller plus loin, et donc Madame a lancé une idée, émis l'idée que pour qu'il y ait plus de femmes maires, il faudrait pousser le curseur législatif un peu plus loin en faveur de la parité. À savoir, faire en sorte que, au sein des exécutifs communaux, la proportion des femmes soit la même que celle au sein du conseil municipal, puisqu'on a vu 33 % de conseillers municipaux femmes, mais seulement 10,9 % femmes maires. Donc, dans la salle si quelqu'un veut rebondir. Merci, Madame.

Monique Debosque : Je suis maire dans l'Oise d'un village de 850 habitants (Etouy). J'ai été 12 ans conseiller municipal. Quand j'ai décidé de faire une liste avec cette parité, je n'ai sur ma liste de 15 trouvé que deux femmes pour 15 places. Donc, nous sommes trois femmes sur 15. C'est très très difficile. Je pense que les femmes n'osent pas se lancer. C'est aussi le temps qui manque. Ou alors, on commence à rentrer là-dedans quand on a la cinquantaine, que les enfants sont élevés. Très peu de jeunes femmes veulent s'investir dans cette vie communale. Il me semble que mes collègues maires doivent ressentir la même chose que moi. C'est-à-dire que la vie d'une femme maire est beaucoup plus difficile, surtout dans une petite agglomération que la vie d'un homme maire. Il y a beaucoup de difficultés pour se faire entendre au sein des communautés de communes où nous sommes excessivement peu représentées et où les places de présidents et vice-présidents sont tenues par des hommes. Voilà, enfin je voulais dire que la parité ça va être très difficile. Merci.

Franck Guérin : Merci Madame.

Marie-Juliette Tanguy : Je suis maire de Saint-Léger-sous-Cholet (Maine-et-Loire), 2 700 habitants, et vice-présidente du Conseil régional grâce à la loi sur la parité. J'aimerais d'abord rebondir un petit peu par rapport à ce que j'ai entendu tout à l'heure, parce que je crois que la loi était nécessaire sur la parité, mais que les hommes en place ont du mal à se retirer. Si nous avions été en place, nous ne nous serions pas retirées facilement non plus. Si je pense que la loi était nécessaire, j'espère par contre qu'elle ne sera que temporaire. Je ne suis pas d'accord pour qu'on reste dans cette logique-là. Ce n'est pas plus difficile pour les femmes maires que pour les hommes. C'est difficile pour tout le monde. Mais c'est vrai que quand on entre en politique, on rentre dans un monde d'hommes, avec des habitudes d'hommes, avec des horaires d'hommes, avec des plaisanteries d'hommes, avec tous ces aspects-là, et nous n'y sommes pas forcément à l'aise. Je n'ai pas trouvé de candidates pour instaurer la parité, mais si on ne se prend pas par la main, qu'on n'attend que des lois, on en sera toujours au même point. Les habitudes ne changent pas facilement, on est vraiment dans un monde avec des habitudes d'hommes, j'en témoigne.

Franck Guérin : Merci Madame.

Mme Yveline Druez : Je suis maire d'une commune (Urville-Nacqueville) de 2 300 habitants dans la Manche, appartenant à une communauté de communes. Si je précise ça, c'est parce que, contrairement à mes collègues maires, j'ai réussi à mener une liste qui est entièrement paritaire. 10 hommes, 9 femmes, c'est pas trop mal, mais, et je parle sous le contrôle de mes deux autres collègues maires du canton, nous sommes 100 % des maires du canton ici présentes aujourd'hui. Nous avons un cas de figure un peu particulier. Toutes les compétences ont été transférées à la communauté de communes. Et à la communauté de communes, nous sommes 6 femmes sur 64 délégués. Donc, même si j'avais réussi à faire une liste paritaire, ce dont j'étais fière, dans cette instance la parité est totalement battue en brèche. Je crois que c'est quelque chose de très très important, il va falloir s'y pencher, parce que la communauté de communes est devenue aujourd'hui véritablement le lieu décisionnel pour la plupart des communes du rural, et je crois que là, il y a une véritable distorsion.

Franck Guérîn : Merci Madame.

Rolande Perseval : Maire de Jouy-lès-Reims, petit village de la Marne, vice-présidente d'une communauté de communes de 30 communes, je suis en partie d'accord avec ce qui a été dit, par contre je ne dirais pas que la tâche d'un maire est plus difficile pour un homme que pour une femme. Je dirais que tout dépend de ce qu'on fait dans sa commune ou sa communauté de communes. À la communauté de communes de 30 communes, je suis la seule maire déléguée et vice-présidente, et néanmoins très bien perçue par tous mes collègues. Et s'il n'y a pas plus de femmes, c'est parce qu'il n'y a pas plus de femmes non plus qui se sont investies dans les communes. Les femmes ont besoin aussi de prendre confiance en elles. Ça n'a pas été l'habitude, et les habitudes sont très longues à changer. Pour exemple lorsque vous avez parlé tout à l'heure des intitulés Madame « le » Maire, Madame « la » Maire. Je dirai que je suis maire depuis plus de 20 ans, et je reçois encore des courriers Monsieur le Maire des services administratifs. Il est tellement simple dans un courrier de mettre « Madame » ou « Monsieur ». Pour aller un petit peu plus loin, je dirais que, moi aussi dans ma commune, je suis assez fière d'avoir 4 femmes conseillers sur 11 conseillers. Elles sont jeunes, efficaces, mais je reconnais que ce n'est pas encore vraiment les habitudes, et que bien souvent quand on interroge une femme pour lui demander si elle veut s'investir davantage, elle dit : il y a déjà mon mari. Moi, ce sont les hommes qui sont venus me chercher à une certaine époque, puisque mon village est viticole et les hommes étaient plutôt tournés vers les intérêts de coopératives, etc. et je ne regrette aucunement d'avoir cette place. Merci.

Franck Guérin : Merci Madame. Peut-être encore une intervention...Si vous permettez pour pouvoir tenir dans nos débats, vous savez c'est très dommage que nous n'ayons pas l'infini du temps devant nous, parce que je crois que nous aurions une grande richesse à retenir de ces propos. Mais je vais vous proposer de nous en tenir à deux interventions tout de suite, un peu brèves, si vous le voulez bien, pour aborder le deuxième thème.

Une maire : Je vous remercie de m'avoir donné la parole, c'était juste une intervention très brève, je suis maire d'une commune de 1 500 habitants. La parité s'est fait tout naturellement, et je voudrais dire que les femmes, contrairement à ce que l'on peut penser, veulent effectivement s'investir et elles réussissent à s'investir puisque, dans mon conseil municipal le maire est une femme, nous sommes trois adjoints, deux adjoints femmes, un adjoint homme, et ça été très difficile de trouver un adjoint homme.

Franck Guérin : Merci Madame.

Élisabeth Murat : Je suis maire d'une commune rurale de 40 habitants (Lagarde-d'Apt, Vaucluse) toutefois très importante par sa superficie agricole. Je suis moi-même agricultrice. Nous sommes 75 % de femmes dans notre conseil et je pense qu'il ne faudrait pas qu'il y ait de seuil, parce qu'il y a beaucoup de femmes dans les communes agricoles. Or, nous savons que dans ces communes rurales les femmes seraient tout à fait favorables à un engagement politique, avec l'accord de leur époux qui ont des travaux physiques sur les champs plus importants. Le monde rural, je pense, est paradoxalement en grande évolution. Je vous l'ai dit, nous sommes 7 femmes sur 9 conseillers, ça marche très bien. C'est un très gros enjeu, puisque c'est la reconversion du plateau d'Albion et que sur notre petite commune de 40 habitants, nous avons engagé plus de 6 millions de travaux pour reconvertir à la vie civile ce qui était la base atomique française. Et ce sont des femmes qui l'on fait. Il faut vraiment lever ce seuil, et vous verrez qu'il y aura beaucoup de femmes dans les petites communes rurales à s'engager.

Franck Guérin : merci beaucoup, Madame. Alors, cette fois à gauche.

Ginette Raynaud : Je suis maire d'une commune rurale de 227 habitants, (Saint-Pierre Colamine) située dans le Puy-de-Dôme. Au fin fond des neiges. Je remercie Madame la Présidente de nous recevoir dans cette assemblée, je trouve que c'est quand même agréable de vous regarder aujourd'hui pour venir assez fréquemment au Sénat, où je vois bon nombre de messieurs. Je voulais déjà dire que j'étais très heureuse de voir qu'il y a dans la Manche une association de femmes. Je préside moi-même dans le Puy-de-Dôme l'association des femmes élues depuis 20 ans qu'elle existe. À l'association, nous cherchons à donner beaucoup plus d'assurance aux femmes pour exercer leur mandat, pour qu'elles se sentent beaucoup plus dans leur élément. Et c'est quand même une chose très importante, car les femmes n'osent pas prendre la parole. Il y a un autre problème : les horaires des hommes. Ça, c'est vrai : c'est adapté pour les messieurs le soir, parce que les dames, elles sont faites pour rester à la maison avec les enfants. Je crois que de ce côté-là, il va falloir revoir la situation. Les femmes ne sortent pas des urnes dans le monde rural, moi je suis maire et je n'ai que des messieurs dans mon conseil. Je trouve un déséquilibre total, et ça il faut y remédier. Alors dernièrement, justement pour essayer un petit peu d'impliquer les femmes à l'extérieur peut-être - en dehors de leur mandat d'élues, il faut qu'elles aient un contact avec leurs administrés, avec les citoyens -, je viens de signer une convention avec l'État et la déléguée régionale aux droits des femmes qui va nous permettre de prendre des contacts avec les femmes, parce qu'après tout, les femmes votent-elles pour les femmes ? On se pose la question. Aidons-les, et nous aurons peut-être plus de voix. Alors convention avec l'État, ce qui veut dire que l'on va aller au-devant des femmes qui chercheront à créer des entreprises, on va aller au-devant des jeunes filles qui, en fonction de leurs orientations scolaires -scientifiques surtout - auront des aides. Le savent-elles ? Si on ne leur dit pas, elles ne le sauront pas. Nous sommes correspondantes relais pour la parité, que ce soit dans l'égalité professionnelle, politique, scolaire. Je crois que c'est un atout à prendre pour nous, élues, de faire des relais dans nos communes. C'est à partir de là que nous aurons les femmes avec nous. Un autre tremplin, ce sont les associations, qui permettent aux femmes de sortir un peu de leur cuisine, excusez-moi l'expression, mais c'est encore ça dans le rural. Voilà, je voulais dire que les femmes avaient leur place et apportaient un certain équilibre. Les Sénateurs, la semaine dernière, j'étais encore là, ont dit : on voit arriver les femmes, et c'est vrai que l'ambiance change, les propos changent et les commissions, les discussions commencent à être différentes. Alors, merci à vous mesdames de vous impliquer dans la vie publique.

Mme Michèle André : Je suis désolée, mais on va garder le maximum de temps pour le deuxième rapport, quand Valérie Létard va nous faire un petit point de fond. Mais j'aurais voulu que Mme Luc qui est sénatrice - depuis combien de temps, ma chère collègue, vous allez nous le dire ? - que vous intervienne brièvement, si elle le veut bien.

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