Mercredi 26 septembre 2007
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président. -Nomination d'un rapporteur
La commission a tout d'abord désigné M. Ladislas Poniatowski comme rapporteur sur la proposition de loi n° 462 (2006-2007) présentée par M. Daniel Raoul et ses collègues du groupe socialiste et apparentés tendant à préserver le pouvoir d'achat des ménages en maintenant les tarifs réglementés de vente d'électricité et de gaz naturel.
Energie -Tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel - Examen du rapport conjoint (propositions de loi n° 369, 427 et 462)
La commission a ensuite examiné le rapport conjoint de M. Ladislas Poniatowski sur les propositions de loi suivantes :
- proposition de loi n° 369 (2006-2007) déposée par M. Ladislas Poniatowski tendant à autoriser les consommateurs particuliers à retourner au tarif réglementé d'électricité ;
- proposition de loi n° 427 (2006-2007) déposée par M. Xavier Pintat tendant à autoriser la réversibilité de l'exercice des droits relatifs à l'éligibilité pour l'achat d'énergie électrique ;
- proposition de loi n° 462 (2006-2007) déposée par M. Daniel Raoul et les membres du groupe socialiste et apparentés tendant à préserver le pouvoir d'achat des ménages en maintenant les tarifs réglementés de vente d'électricité et de gaz naturel.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur, a tout d'abord précisé que les trois propositions de loi avaient en commun la question des tarifs réglementés de vente d'électricité et de gaz naturel dont bénéficient les consommateurs n'ayant pas fait le choix de la concurrence pour leur approvisionnement énergétique, la proposition de loi n° 462 traitant cependant également de la fusion entre EDF et GDF.
Il a expliqué que ces textes avaient été déposés pour apporter une solution aux difficultés nées de la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur la loi relative au secteur de l'énergie, qui avait modifié le droit tarifaire pour tenir compte de l'ouverture totale à la concurrence des marchés de l'électricité et du gaz naturel au 1er juillet 2007. Le texte adopté par le Parlement proposait alors une solution consensuelle et permettait aux ménages faisant le choix de la concurrence de retrouver le bénéfice d'une offre tarifaire en électricité et en gaz naturel en cas de changement de site, c'est-à-dire de déménagement. Les occupants ultérieurs du logement où la concurrence aurait été choisie auraient également pu bénéficier des tarifs réglementés.
Il a alors relevé que les groupes socialistes de l'Assemblée nationale et du Sénat avaient déféré le texte adopté par le Parlement au Conseil constitutionnel, leur recours ne portant pas sur les dispositions tarifaires du projet de loi. Le juge constitutionnel s'est toutefois saisi d'office du volet tarifaire de la loi et a censuré le dispositif applicable aux consommateurs domestiques d'électricité et de gaz naturel. Il a estimé que ces dispositions avaient manifestement méconnu l'objectif d'ouverture des marchés concurrentiels de l'électricité et du gaz et a, en conséquence, retenu une solution juridique favorisant une extinction progressive du nombre de clients bénéficiant des tarifs réglementés.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur, a considéré que cette décision était porteuse d'incohérences, dans la mesure où un consommateur se trouvera engagé par une décision qu'il n'aura pas lui-même prise. En effet, le choix de la concurrence par un ménage sur un site de consommation devient irrémédiable pour ce consommateur, mais aussi pour les occupants ultérieurs du logement, ce dernier logement perdant définitivement le bénéfice des tarifs réglementés. A l'inverse, le ménage qui aura fait le choix de la concurrence sur ce site pourra retrouver les tarifs réglementés s'il emménage dans un autre logement n'ayant pas perdu le bénéfice des tarifs.
Enfin, il a souligné que ce mécanisme n'associait pas les propriétaires à la décision des locataires de choisir la concurrence pour l'approvisionnement énergétique du logement. Ainsi un bailleur, qu'il soit un organisme de logement social ou un particulier, n'a pas à donner son accord sur cette décision qui aura pourtant des conséquences significatives sur l'attractivité du bien immobilier et pour le pouvoir d'achat des locataires successifs.
Il a néanmoins mis en avant le fait que toute modification de la législation tarifaire devait être effectuée avec grand discernement, compte tenu de la contestation par la Commission européenne de la conformité du système tarifaire français aux directives communautaires sur les marchés de l'énergie. La Commission a engagé deux procédure à l'encontre de la France : la première, pour transposition incorrecte de ces directives, qui concernent les tarifs « jaune » et « vert » dont bénéficient les entreprises et la seconde, au titre du contrôle des aides d'Etat, qui vise ces mêmes tarifs ainsi que le tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché (TaRTAM). Il a estimé à cet égard que le second contentieux, au titre du contrôle des aides d'Etat, était le plus préoccupant dans la mesure où, si la Commission européenne considérait que ces tarifs constituent une aide d'Etat, les entreprises seraient amenées à rembourser des sommes correspondant à la différence entre le niveau de ces tarifs et celui des prix de l'électricité sur le marché.
En conséquence, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur, a fait valoir que la proposition de loi n° 369, qu'il a lui-même déposée le 5 juillet dernier, avait, parmi les trois textes, l'objet le plus restreint : permettre aux ménages emménageant dans tout logement jusqu'au 1er juillet 2010 de bénéficier du tarif réglementé d'électricité. Il a ainsi jugé indispensable l'institution d'une date butoir, dans un esprit de transaction avec la Commission européenne. Il a considéré que cette date laisserait au gouvernement français des délais suffisants pour négocier avec ses partenaires européens une modification des directives qui les rendrait compatibles avec le système tarifaire.
Il a ensuite indiqué que la proposition de loi n° 427 de M. Xavier Pintat autorisait, sans date butoir, tous les consommateurs d'électricité ayant fait le choix de la concurrence à retrouver le bénéfice des tarifs, y compris sans changement de site de consommation, à l'issue d'un délai de six mois après en avoir fait la demande. Il a, à ce sujet, fait part de ses doutes quant à la compatibilité d'un tel dispositif avec le droit communautaire. Il a notamment jugé qu'une telle possibilité, même limitée aux ménages, serait réclamée immédiatement par les consommateurs professionnels, alors que cette faculté leur a toujours été refusée par le passé.
Présentant enfin la proposition de loi n° 462 présentée par M. Daniel Raoul et les membres du groupe socialiste et apparentés, dont il a fait valoir le dépôt tardif, le 25 septembre dernier, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur, a précisé qu'outre des dispositions tarifaires, celle-ci contenait également un dispositif proposant la fusion entre EDF et GDF. Il a tout d'abord relevé qu'une opération de renationalisation totale des deux entreprises serait coûteuse pour les finances publiques, car elle impliquerait le rachat par l'Etat des 13 % du capital d'EDF mis en bourse en 2004 et des 20 % du capital de GDF, soit, respectivement, des montants évalués à 17 milliards d'euros pour EDF et 7 milliards d'euros pour GDF. Tout en relevant qu'une telle évolution industrielle était contraire aux principes défendus l'an dernier avec la loi du 7 décembre 2006 qui a procédé à la fusion entre GDF et Suez, opération dont il a estimé qu'elle conservait toute sa pertinence, il a expliqué que cette fusion serait contraire à l'intérêt des entreprises qui devraient céder une part substantielle de leurs actifs pour respecter le droit européen de la concurrence, ces cessions ayant été estimées à 15 % pour chaque entreprise. Ainsi, EDF serait tenue de vendre une partie de son parc de production et GDF une partie de son réseau gazier et de ses infrastructures de stockages. Enfin, il a rappelé que, confrontée à une demande de cette nature, la Commission européenne avait, en 2004, mis son veto au projet de fusion entre Electricité du Portugal (EDP) et Gaz du Portugal (GDP).
Evoquant enfin l'article 6 de la proposition de loi n° 462, qui oblige l'Etat à signer un contrat de service public avec toutes les entreprises du secteur énergétique assumant des missions de service public, il a considéré que cette disposition instituait une obligation disproportionnée, car elle concernerait plus de 80 entreprises gazières et plus de 160 opérateurs électriques. Il a également précisé que les obligations de service public n'avaient pas nécessairement besoin d'un contrat pour s'appliquer, citant à l'appui les nombreuses dispositions en la matière des lois du 10 février 2000, du 3 janvier 2003 et du 9 août 2004, ainsi que celles du décret du 19 mars 2004 relatif aux obligations de service public dans le secteur du gaz qui concerne toutes les entreprises gazières, qu'elles soient publiques ou privées.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur, a en revanche souligné que, dans un souci de lisibilité et de simplicité du système tarifaire applicable aux particuliers, il était souhaitable que les régimes juridiques soient identiques en électricité et en gaz naturel. Tout en rappelant que la différence entre les tarifs de gaz et le prix de cette énergie sur les marchés était faible, le prix du gaz étant influencé par les variations du cours du pétrole et de la parité entre l'euro et le dollar, il a estimé préférable d'étendre le champ du texte soumis au Sénat à la question des tarifs réglementés de gaz naturel. En conséquence, il a précisé que le projet de conclusions qu'il soumettait à la commission incluait l'article 4 de la proposition de loi déposée par le groupe socialiste afin de permettre aux ménages de bénéficier du tarif réglementé de gaz naturel quand ils emménagent dans un logement ayant fait, par le passé, l'objet d'un approvisionnement sur la base d'un contrat libre.
En conclusion, le rapporteur a noté qu'un très faible nombre de ménages, depuis le 1er juillet 2007, avait utilisé cette nouvelle faculté de changer de fournisseur électrique, environ 3 500 entre le 1er juillet et le 1er septembre sur un total de 26 millions de consommateurs. Il a toutefois jugé que la question du maintien du système tarifaire était fondamentale pour le pouvoir d'achat des ménages. Dans le contexte de la présentation par la Commission européenne d'un nouveau « paquet législatif énergie », qui, dans sa forme actuelle, n'aborde pas la question des tarifs, il a émis le souhait que la commission des affaires économiques se saisisse de ce débat pour faire valoir son attachement au système des tarifs en constituant notamment un groupe de travail sur cette question, faisant part de son désir d'être associé à ce travail.
M. Jean-Paul Emorine, président, a abondé dans le sens du rapporteur en estimant que ce type de mission de suivi de l'évolution de la législation européenne incombait pleinement aux commissions. Il a en conséquence fait part de son accord sur une telle proposition afin qu'une délégation de la commission puisse se rendre à Bruxelles pour discuter avec les autorités communautaires de ce nouveau « paquet énergie ». Il a ensuite salué les propositions du rapporteur et considéré que le texte de la commission devait laisser la liberté aux consommateurs de choisir, au moins une fois, entre les tarifs et les offres libres.
Après avoir remercié le rapporteur d'avoir, malgré la brièveté des délais, intégré la proposition de loi du groupe socialiste dans le champ de ses réflexions et repris l'une de ses dispositions dans le projet de conclusions soumis à la commission, M. Daniel Raoul a précisé que les groupes parlementaires socialistes n'avaient pas déféré devant le Conseil constitutionnel la totalité de la loi relative au secteur de l'énergie, mais ses seules dispositions liées à la privatisation de Gaz de France, rappelant à cet égard les engagements de Nicolas Sarkozy, à l'époque ministre de l'économie et des finances, de ne pas privatiser cette entreprise. Il s'est, à ce sujet, déclaré surpris que le Conseil constitutionnel ait confronté le dispositif tarifaire adopté par le Parlement à l'esprit des directives européennes pour en conclure que ce mécanisme n'était pas conforme à la Constitution et que la Commission européenne se déclare compétente pour interpréter ces mêmes directives alors qu'il appartient, en définitive, à la seule Cour de justice des Communautés européennes de trancher le litige opposant les autorités françaises et communautaires. Puis il s'est félicité que les propositions de conclusions du rapporteur étendent au gaz naturel la possibilité pour un ménage de bénéficier des tarifs réglementés en cas de changement de site, estimant fondamental d'arrêter un mécanisme tarifaire le plus uniforme possible pour le consommateur.
Abordant la proposition de fusion entre EDF et GDF, pour laquelle la majorité répond qu'une telle opération se traduirait par de larges cessions d'actifs, il a fait valoir, d'une part, que la fusion GDF/Suez n'avait été autorisée qu'en contrepartie de cessions importantes d'actifs et que, d'autre part, la séparation patrimoniale entre les entreprises chargées de la production d'électricité ou de la commercialisation du gaz et celles chargées du transport d'énergie allait vraisemblablement devenir une obligation en application des nouvelles propositions de directives de la Commission européenne, conduisant ainsi à la réduction du périmètre des opérateurs historiques. Il a ensuite fait part de ses craintes quant à l'avenir du contrat de service public liant l'Etat à GDF, qui s'achève en 2007, et s'est, en conséquence, interrogé sur son renouvellement.
Enfin, il s'est interrogé sur les raisons qui ont conduit le rapporteur à proposer l'institution d'une date butoir pour la possibilité de retour aux tarifs en cas de changement de site, jugeant qu'une telle disposition nuisait à la position française dans ses négociations avec la Commission européenne.
En conclusion il a indiqué que le groupe socialiste déposerait, sous forme d'amendements, les dispositions de la proposition de loi n° 462 non reprises dans les conclusions de la commission, sur lesquelles il a fait part de l'abstention de son groupe.
M. Dominique Mortemousque a indiqué que les buts poursuivis par la proposition de loi déposée par M. Xavier Pintat étaient également liés à un souci de protection des collectivités territoriales, en particulier des communes ayant fait le choix de la concurrence pour leur approvisionnement énergétique depuis 2004. Craignant que ces dernières soient confrontées à une hausse de leur facture énergétique, notamment à l'approche des élections municipales, il a ainsi souligné que la commission devait intégrer ces préoccupations dans le champ de ses réflexions.
Tout en saluant la proposition de loi déposée par le rapporteur, qu'il a lui-même cosignée, ainsi que ses propositions de conclusions, M. Bruno Sido a souligné que ce texte ne résoudrait pas les problèmes de fond que pose le fonctionnement du marché de l'électricité en Europe. Rappelant que le rapport de la mission commune d'information du Sénat sur la sécurité d'approvisionnement en électricité de la France, qu'il a présidée au cours du premier semestre 2007, avait mis en évidence de graves dysfonctionnements du marché de l'électricité en Europe, se traduisant, en France, par un écart substantiel entre le niveau des prix libres et des tarifs. Il a noté que la France bénéficiait d'un des prix de l'électricité les plus faibles en Europe du fait de l'existence d'un important parc nucléaire et que, dès lors, se posait la question du partage de l'avantage qu'il confère à l'économie française et dont EDF tire un profit substantiel.
M. Daniel Dubois, saluant ces initiatives parlementaires, a estimé que l'objet de la proposition de loi devait être, dans un souci d'efficacité, le plus restreint possible et devait s'attacher à traiter les problèmes que pose la législation actuelle sur les tarifs réglementés pour les consommateurs les plus vulnérables, c'est-à-dire les ménages, en particulier les occupants de logements sociaux. Il a indiqué que ce souci devait conduire le Parlement à adopter cette proposition de loi dans les meilleurs délais afin de répondre à cette urgence. Il a considéré que, de ce point de vue, les propositions de conclusions du rapporteur remplissaient parfaitement ces différents objectifs et seraient de nature à apporter une solution satisfaisante pour les ménages et les occupants du parc HLM.
Tout en indiquant que le groupe communiste, républicain et citoyen ne s'opposerait pas à aux conclusions de la commission, M. Michel Billout a estimé que leur adoption ne réglerait pas les problèmes de fond liés à l'ouverture à la concurrence des marchés de l'énergie. Il a souligné qu'il y avait une contradiction majeure entre, d'un côté, l'existence d'un système administré avec les tarifs réglementés et, de l'autre, un marché libéralisé sur lequel les prix sont librement fixés. Il s'est, à cet égard, interrogé sur le choix de la date du 1er juillet 2010 qui laisse supposer que les tarifs vont disparaître après cette échéance et jugé illusoire que la Commission européenne mette de côté, dans ce laps de temps, le contentieux qui l'oppose à la France sur les tarifs. Il a estimé fondamental l'engagement du Parlement français à défendre l'existence des tarifs, relevant que le maintien de ce système était déterminant en termes de justice sociale pour les ménages et de compétitivité économique pour les entreprises. Il a enfin rappelé les conclusions de la mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement, dont il était l'un des rapporteurs, sur la nécessité de ne pas traiter l'énergie comme une simple marchandise et considéré qu'à cet égard l'électricité faisait partie du bien commun de la nation.
Après avoir félicité le rapporteur pour la clarté et le caractère pédagogique de son exposé et salué le pragmatisme l'ayant conduit à proposer à la commission des conclusions tenant compte des contraintes européennes, M. Dominique Braye s'est demandé si les dysfonctionnements du marché n'étaient pas liés à l'existence d'un opérateur dominant, EDF, et s'est interrogé sur les raisons justifiant l'existence d'un système tarifaire alors que ce même opérateur, qui possède un vaste parc de production amorti, est en mesure de proposer, librement, des prix compétitifs. Compte tenu de l'écart important entre les tarifs électriques et les prix sur les marchés, il a plaidé pour que les conditions de retour au tarif réglementé pour les ménages soient les plus larges possibles.
M. Daniel Reiner a indiqué que le groupe socialiste, par le dépôt de sa proposition de loi, avait souhaité à la fois apporter une réponse aux consommateurs qui se soucient de l'évolution de leur pouvoir d'achat et remettre la question de l'énergie au centre du débat parlementaire, d'où un champ d'application plus large que la simple question des tarifs réglementés. Rappelant que de nombreux débats avaient eu lieu sur ce sujet avant les élections du printemps 2007 et que le Sénat avait profité de l'interruption des travaux parlementaires pour mener une réflexion sur ce sujet vital pour les intérêts essentiels de la France, il a déploré que le Parlement n'ait pas été associé, depuis l'été dernier, aux réflexions du gouvernement sur l'avenir de GDF. Après avoir jugé que des intérêts essentiellement financiers prévalaient dans la décision d'autoriser la fusion entre GDF et Suez, il a fait part de ses inquiétudes quant à l'avenir du secteur énergétique français, dans le contexte notamment de la privatisation de GDF et des réflexions sur l'avenir d'Areva qui pourrait, elle aussi, être privatisée et mariée à un grand groupe de bâtiment et de travaux publics français.
Contrairement à M. Bruno Sido, il a estimé que le marché de l'électricité ne présentait pas de dysfonctionnements anormaux, puisqu'un marché libéralisé ne peut avoir d'autre logique que de maximiser le profit de ses opérateurs, considérant à cet égard naturelle l'augmentation des prix qui est inscrite dans les fondements de la logique de marché.
M. Jean Desessard a estimé qu'une idéologie libérale avait présidé à l'élaboration des règles européennes dans le domaine des marchés énergétiques, comme d'ailleurs dans d'autres secteurs, et que celles-ci avaient pour conséquence de remettre en cause des logiques d'organisation pourtant solidement établies et qui avaient fait la preuve de leur efficacité. Il a jugé à cet égard que le débat sur le maintien des tarifs ne constituait que la « partie émergée de l'iceberg » et que les propositions de loi examinées par la commission ne s'attaquaient pas aux problèmes de fond. Il a ensuite indiqué qu'avec ses collègues sénateurs verts il n'avait pas cosigné la proposition de loi du groupe socialiste, dans la mesure où celle-ci, dans son exposé des motifs, fait référence à la « rente nucléaire », concept qu'il a contesté compte tenu, selon lui, de l'absence d'intégration dans les prix de l'électricité d'origine nucléaire du coût de démantèlement des centrales et de gestion des déchets nucléaires. Il a précisé que les sénateurs verts n'étaient pas nécessairement favorables à un système favorisant un prix de l'électricité le plus faible possible, mais plaidaient plutôt en faveur d'un développement des énergies renouvelables et d'une amélioration des missions de service public, le surcoût pour les consommateurs devant être compensé par une augmentation des salaires qui leur permettra de payer des biens, certes plus chers, mais de meilleure qualité.
M. Jean-Paul Emorine, président, a fait valoir que la plupart des économies émergentes s'inscrivaient aujourd'hui dans le cadre des règles de l'économie de marché, logique d'organisation aujourd'hui incontournable, mais que l'économie de marché n'empêchait pas pour autant l'existence de mécanismes de régulation publique, au nombre desquelles un système tarifaire qui permet au consommateur un libre choix entre les prix libres ou un prix fixé par l'Etat.
En réponse aux différents intervenants, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :
- le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions tarifaires de la loi relative au secteur de l'énergie au motif qu'en imposant aux opérateurs historiques des obligations tarifaires « générales et étrangères à la poursuite d'objectifs de service public », celles-ci avaient méconnu « manifestement l'objectif d'ouverture des marchés concurrentiels de l'électricité et du gaz ». Il s'agit de la première fois que le Conseil constitutionnel fait usage de sa jurisprudence lui permettant de déclarer non conformes à la Constitution des dispositions législatives méconnaissant les objectifs d'une directive européenne ;
- la fusion EDF/GDF aura un coût très élevé pour les finances publiques du fait du rachat des actions mises en bourse depuis 2004 et la Commission européenne, pour donner son visa à cette opération, exigera des cessions d'actifs très importantes ;
- la séparation patrimoniale entre les réseaux de transport et les producteurs poserait de plus grandes difficultés à GDF qu'à EDF, puisque les réseaux de gaz constituent les seuls actifs de cette entreprise avec ses stockages de gaz naturel. En conséquence, en cas de séparation patrimoniale, GDF ne serait plus qu'une entreprise ayant pour but d'acheter et de revendre du gaz naturel ;
- l'article 1er de la loi du 9 août 2004 contraindra l'Etat à signer un nouveau contrat de service public avec GDF à l'échéance de l'actuel contrat ;
- les propositions de conclusions sont modestes et prévoient une date butoir pour faciliter les discussions avec la Commission européenne sur l'avenir des tarifs réglementés. Cette échéance est au demeurant suffisante pour laisser le temps aux autorités françaises de négocier avec ses partenaires européens une modification des directives ;
- la plupart des collectivités territoriales ont conservé, pour l'alimentation électrique de leurs sites de consommation, le bénéfice du tarif réglementé. La question de leur retour au tarif ne se pose donc pas pour le moment ;
- les propositions de loi examinées par la commission ont un objet limité et ne tendent pas à régler les problèmes liés aux dysfonctionnements du marché de l'électricité ;
- il y a urgence à adopter ce texte de loi, dans la mesure où le marché étant ouvert depuis le 1er juillet 2007, les problèmes pour les consommateurs particuliers déménageant risquent de se poser très prochainement ;
- même si les propositions de conclusions proposent une période transitoire pour négocier une modification de la législation communautaire, il est, bien entendu, souhaitable que les tarifs soient maintenus après le 1er juillet 2010 ;
- grâce au parc électro-nucléaire, EDF est capable de proposer des prix de l'électricité parmi les moins chers d'Europe. La difficulté est que le prix européen de l'électricité, pour équilibrer le marché, se cale sur le coût de production de la centrale présentant les coûts de production les plus élevés, c'est-à-dire une centrale à gaz ou à charbon ;
- le souci de préservation du pouvoir d'achat des ménages est entièrement partagé par le gouvernement.
M. Daniel Raoul s'est ensuite inquiété des conséquences pour EDF de la décision du Conseil de la concurrence, à la suite au recours formé devant lui par deux opérateurs énergétiques alternatifs. Il a estimé qu'à cet égard le parc électro-nucléaire faisait partie du patrimoine commun de la nation, compte tenu de la rente qu'il procure à l'économie française.
M. Jean-Paul Emorine, président, a rappelé que le parc nucléaire d'EDF était performant et profitable également parce qu'il permet à l'entreprise de procéder à des exportations importantes d'électricité vers les pays frontaliers de la France.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur, a enfin insisté sur l'importance pour la commission de se saisir pleinement du dossier du troisième « paquet énergie » de la Commission européenne, présenté le 19 septembre dernier, souhaitant que la commission puisse mener une réflexion sur ce sujet.
M. Jean-Paul Emorine, président, a réitéré son accord à cette proposition en estimant qu'une petite délégation de la commission, regroupant la plupart des tendances politiques, pourrait être constituée pour réfléchir à cette question.
La commission a alors adopté les conclusions présentées par son rapporteur, les groupes socialiste et apparentés et communiste, républicain et citoyen s'abstenant.