COM (2013) 761 final
du 04/11/2013
Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)
Examen : 14/11/2013 (commission des affaires européennes)Le texte COM (2013) 761 consiste en une proposition de révision d'une directive de 1994 concernant les emballages et les déchets d'emballages.
La prolifération des sacs plastiques à poignées dans la nature - 8 milliards de sacs ainsi jetés en 2010 au sein de l'Union européenne - conduit la Commission à préconiser une action communautaire afin de limiter les effets négatifs sur l'environnement de ces déchets sauvages.
S'il est incontestable que les sacs plastiques à poignées constituent une menace pour l'environnement, des réserves peuvent être apportées sur le rôle de l'Union européenne dans ce domaine.
La dimension transfrontalière du problème ne constitue pas véritablement un argument. Cette pollution reste faiblement mobile, surtout au niveau terrestre. Elle n'est d'ailleurs pas mise en avant par la Commission quand elle justifie de façon sommaire la conformité de sa proposition au principe de subsidiarité.
Il est également possible de s'interroger sur la plus-value d'une action de l'Union européenne. La Commission européenne justifie sa démarche en soulignant que les États membres qui ont mis en place des politiques visant à en réduire l'utilisation ont connu des résultats variables en la matière. Ces politiques, à l'instar de celle mis en oeuvre en France, s'appuient sur des campagnes de sensibilisation, des accords avec le secteur du commerce de détail ou l'introduction de mesures tarifaires. La proposition de la Commission ne va pas pour autant plus loin puisqu'elle oblige les États membres à prendre des mesures visant à réduire la consommation de sacs en plastique légers à poignées sur leur territoire dans un délai de deux ans. Ces mesures ne sont pas pour autant définies, la Commission se contentant d'indiquer qu'il pourrait s'agir d'objectifs nationaux en matière de réduction, d'instruments économiques sans plus de précision ou de restriction à la commercialisation. Elle souhaite cependant que les États membres fassent rapport quant aux effets des mesures adoptées.
Le texte se contente de « communautariser » les actions menées par les États membres, sans créer d'obligation autre que des contraintes administratives. Il n'a pas semblé opportun au groupe de travail d'examiner plus au fond cette proposition au titre du principe de subsidiarité.
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 19/11/2013Examen : 02/07/2014 (commission des affaires européennes)
Ce texte a fait l'objet de la proposition de résolution : n° 685 (2013-2014) : voir le dossier legislatif
Environnement
Texte E 8847
Réduction de
la consommation
de sacs en plastique légers à
poignée
COM (2013) 761 final
Proposition de
résolution européenne de Mme Françoise Boog
M. Simon Sutour, président. - L'ordre du jour appelle une communication de notre collègue Françoise Boog sur la proposition de directive destinée à réduire la consommation de sacs en plastique. L'objectif de ce texte est aussi de limiter la prolifération des sacs en plastique à poignée dans la nature.
Cette communication est accompagnée d'une proposition de résolution qui vous a été adressée. Nous l'examinerons à la suite de l'intervention de Françoise Boog.
L'enjeu est considérable. Les chiffres que notre collègue donnera dans un instant le démontrent amplement. La dispersion des sacs en plastique dans l'environnement constitue un défi majeur. Ce sont en particulier les écosystèmes marins qui sont directement menacés. Contrairement à d'autres États membres, la France est plutôt bien placée dans la maîtrise de la consommation de sacs en plastique. Il faut y voir notamment les effets d'un accord signé en 2005 entre la grande distribution et la filière plastique sous l'égide du ministère de l'environnement. Les sacs de caisse à usage unique en matière plastique sont intégrés dans l'assiette de la taxe générale sur les activités polluantes depuis le 1er janvier 2014. Un amendement gouvernemental interdisant les sacs en plastique à usage unique à partir du 1er janvier 2016 a par ailleurs été adopté, le 25 juin, en commission dans le cadre de l'examen par l'Assemblée nationale du projet de loi sur la biodiversité.
Au niveau européen, la directive « emballages et déchets d'emballages » de 1994 a eu pour objet de prévenir et de réduire les incidences des emballages et des déchets d'emballages sur l'environnement, Mais elle ne prévoit pas, dans sa rédaction actuelle, de mesures spécifiques pour les sacs plastiques.
Il nous faut donc évaluer si la nouvelle proposition de la Commission pourra avoir un impact réel qui soit bénéfique à l'environnement.
Je donne la parole à notre collègue.
Mme Françoise Boog. - Je commencerai mon propos par un chiffre éloquent : 8 milliards de sacs en plastique légers ont été jetés dans la nature en 2010 au sein de l'Union européenne. Ce qui représente 16 sacs par habitant. Chaque citoyen européen utilise en moyenne 198 sacs en plastique, dont 90% sont des sacs légers moins réutilisables et plus enclins à devenir des déchets. 1 000 milliards de sacs plastiques sont produits chaque année dans le monde, dont 90 % sont des sacs plastiques légers, d'une épaisseur inférieure à 50 microns.
C'est dans ce contexte que la Commission européenne a souhaité amender la directive du 20 décembre 1994 relative aux emballages et aux déchets d'emballages. La Commission européenne a, à cet effet, présenté, le 9 novembre dernier une proposition de directive destinée à réduire la consommation de sacs et à limiter la prolifération des sacs plastiques à poignées dans la nature.
Abordons tout d'abord le champ d'application du dispositif.
Les sacs concernés par la proposition de la Commission sont tous les sacs en plastique d'une épaisseur inférieure à 50 microns remis sur le lieu de vente, quels que soient leur nature - biosourcés (produits à base de végétaux) et pétrochimiques (produits à base d'hydrocarbures) - et leur usage - sacs de caisse et sacs de type « fruits et légumes ». Les sacs biodégradables sont également visés. Si l'épaisseur dépasse 50 microns, ces sacs sont considérés comme réutilisables.
Il convient d'insister sur les sacs emballant les fruits et légumes ainsi que les aliments secs, en vrac ou non conditionnés. Près de 12 milliards d'unités sont utilisées chaque année en France. Ces sacs très fins sont les moins réutilisables et, en conséquence, le plus souvent abandonnés.
Il pourrait apparaître paradoxal d'intégrer dans le dispositif les sacs dits biodégradables. Il convient d'être extrêmement précis avec cette notion, souvent présentée comme une solution quasi magique. Les sacs en plastique ne se biodégradent pas naturellement ! Pour que ces sacs disparaissent, il convient de les traiter au sein d'une usine de compostage. Les sacs ne se dégradent en effet qu'à une température de 57 degrés et à un taux d'humidité au moins égal à 90 %. La filière de compostage reste très peu développée au sein de l'Union européenne et notamment en France. Les sacs dits oxodégradables, censés représenter la deuxième génération des sacs biodégradables, ne constituent pas, non plus, une panacée. Ces sacs sont fabriqués à base de polymères traditionnels, mais grâce à des additifs, comme des sels de métaux, le plastique abandonné dans la nature s'oxyde sous l'action de la lumière ou de la chaleur et finit par se biodégrader. Ces sacs semblent laisser néanmoins de fines particules dans l'environnement. À l'aune de ces éléments, l'intégration des sacs biodégradables dans le champ d'application de la directive ne saurait donc susciter une quelconque réserve.
Il est incontestable que les sacs plastiques constituent une menace pour l'environnement. La France a, depuis quelques années, mis en place des mesures efficaces pour réduire l'utilisation de ce type d'emballage. J'y reviendrai plus tard. Je m'interroge néanmoins sur le rôle que peut jouer l'Union européenne dans ce domaine. La dimension transfrontalière du problème ne constitue pas véritablement un argument. Elle n'est d'ailleurs pas mise en avant par la Commission dans sa proposition de directive pour légitimer son intervention dans ce domaine. Cette pollution reste malgré tout faiblement mobile, surtout au niveau terrestre.
L'utilisation de sacs plastiques diffère de surcroît d'un pays à l'autre au sein de l'Union européenne. Si les Danois ou les Finlandais ne consomment qu'un sac en plastique par trimestre, les Chypriotes, les Hongrois, les Polonais, les Portugais, les Slovaques et les Slovènes voient cette fréquence passer à un par jour. Chaque Français consomme quant à lui quatre-vingt-dix sacs par an, soit un peu moins de deux par semaine et surtout deux fois moins que la moyenne communautaire.
Il est de fait possible de s'interroger sur la plus-value d'une action uniforme de l'Union européenne. La Commission européenne justifie sa démarche en soulignant que les États membres qui ont mis en place des politiques visant à en réduire l'utilisation ont connu des résultats variables en la matière. Ces politiques, à l'instar de celle mise en oeuvre en France, s'appuient sur des campagnes de sensibilisation, des accords avec le secteur du commerce de détail ou l'introduction de mesures tarifaires. La proposition de la Commission ne va pas pour autant très loin, en dépit de l'objectif affiché : la réduction de la consommation de sacs en plastique dans un délai de deux ans après l'entrée en vigueur de la directive révisée.
Les mesures prises pour y parvenir ne sont, en effet, pas définies. La Commission se contente d'indiquer qu'il pourrait s'agir d'objectifs nationaux en matière de réduction, d'instruments économiques - taxes ou redevances - ou de restriction à la commercialisation. Cette dernière option déroge pourtant à l'article 18 de la directive de 1994 dont j'ai fait mention en introduction. Celui-ci prévoit en effet que les États membres ne puissent pas faire obstacle à la mise sur le marché, sur leur territoire, d'emballages conformes aux exigences communautaires.
La Commission laisse par ailleurs le choix aux États membres de fixer leurs propres objectifs nationaux en matière de réduction et de choisir les mesures les plus pertinentes à mettre en oeuvre au vu de leur situation. Elle souhaite cependant que les États membres fassent rapport quant aux effets des mesures adoptées.
À l'objectif ambitieux affiché répond in fine un texte relativement creux, qui se contente de communautariser les actions menées par les États membres, sur lesquelles la Commission se montre pourtant réservée. On est loin de l'allant législatif observé sur d'autres textes ! En l'absence d'amendements au dispositif présenté, le résultat pourrait de fait se traduire par une augmentation de la charge administrative des États membres plus que par une réduction sensible des sacs en plastique. En effet, aucun objectif quantifié de consommation de sacs par habitant et par an n'est intégré au dispositif. Cette option, avancée par le gouvernement français, semble pourtant la plus pertinente, si l'on entend lutter efficacement contre la prolifération.
Comme je vous l'ai indiqué, la seule précision du texte tient à son champ d'application, qui vise donc les sacs dont l'épaisseur est inférieure ou égale à 50 microns. Je vais vous faire passer deux sacs de cette épaisseur. Le premier plus petit, de type sac de caisse, est vraiment le coeur de cible du dispositif. Or, vous noterez que des sacs de cette épaisseur ne sont jamais distribués en caisse. Et pour cause, trop épais et trop coûteux, ils n'ont jamais été fabriqués en série. Les sacs habituellement servis ont une épaisseur de 12 microns, pour un poids de 4 grammes. Cette épaisseur permet de supporter jusqu'à 11 kilos de charge. Le second sac, fabriqué en plastique recyclé et réutilisable, est également d'une épaisseur de 50 microns. Ce qui suppose que demain, en cas d'application du projet de directive qui nous est présenté, ce type de sac soit progressivement amené à disparaître. Or, nous avons là un des éléments du succès de la politique française en matière de réduction de l'utilisation des sacs en plastique.
Un accord signé entre la grande distribution et la filière plastique sous l'égide du ministère de l'environnement a en effet fixé en 2005 un objectif de réduction de 50 % à fin 2006 des sacs de caisse distribués gratuitement par rapport au chiffre de 2003. La promotion des sacs réutilisables mais aussi des sacs plastiques recyclés payants devait concourir à cette ambition. Cette action a été couronnée de succès puisque le nombre de sacs de caisse distribués gratuitement est passé de 15 milliards en 2003 à 650 millions en 2012, soit une réduction de 95 %. Ces 650 millions de sacs sont principalement distribués dans les commerces de proximité.
Il est généralement admis qu'un sac peut être réutilisé dès lors que son épaisseur dépasse 35 microns. C'est le cas du sac de cette grande librairie que je souhaite vous présenter. Le sac noir qui va maintenant circuler, siglé par une grande enseigne de la distribution, prouve que ce seuil peut désormais être dépassé. Entièrement recyclé et réutilisable, son épaisseur est de 28 microns. Là encore, ce type de sac qui constitue pourtant une indéniable avancée devrait être amené à disparaître en cas d'adoption du texte de la Commission.
Dans ces conditions, le seuil de 50 microns apparaît manifestement inadapté aux produits désormais mis à la disposition du public. Je relève que la Belgique mais aussi la Chine ont mis en place des dispositifs dissuasifs visant les sacs d'une épaisseur inférieure ou égale à 20 microns. Cette solution m'apparaît en effet la plus opportune et aurait dû inspirer la Commission européenne. Le constat est pourtant simple : plus les sacs sont épais, plus ils sont lourds et réutilisables et moins ils s'envolent. Ce sont donc les sacs légers et moins épais qu'il convient de cibler en priorité.
Venons-en maintenant aux modifications introduites par le Parlement européen. Celui-ci a, en effet, adopté, le 16 avril 2014, un texte amendé en première lecture. Il devrait servir de base aux discussions en trilogue avec les États membres et la Commission européenne. L'adoption définitive du texte est prévue fin 2014.
Le dispositif voté par le Parlement européen est plus ambitieux que la proposition initiale et établit des objectifs précis. Les États membres devront réduire leur consommation de sacs de caisses d'une épaisseur inférieure ou égale à 50 microns de 50% d'ici 2017 et de 80% deux ans plus tard, par rapport aux chiffres de 2010. Ils pourront prendre à cet effet des mesures telles que l'imposition, la limitation de commercialisation voire l'interdiction, pour s'assurer que les commerces ne fournissent pas de sacs en plastique gratuitement, sauf les sacs très légers utilisés pour emballer les produits alimentaires tels que les viandes crues, les poissons et les produits laitiers.
Les sacs utilisés pour emballer les fruits, les légumes ou les confiseries devraient, quant à eux, être remplacés d'ici 2019 par des sacs en papier recyclés, biodégradables ou compostables. Les exigences en matière d'emballage compostable ou biodégradable devront également être renforcées.
Le texte modifié limite également le recours à des substances cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR), aux perturbateurs endocriniens (PE), ainsi qu'aux substances « persistantes, bioaccumuables et toxiques » (PBT) et « très persistantes et très bioaccumulables » (vPvB).
Si le projet de la Commission européenne manquait clairement de portée et laissait sceptique quant à son utilité, la version modifiée par le Parlement européen me semble à l'inverse trop radicale et peu en phase avec les réalités commerciales et industrielles.
Abordons tout d'abord l'objectif de réduction de moitié puis de 80 % du nombre de sacs de caisses distribués. Aussi séduisant soit-il, cet objectif devrait être difficile à mettre en oeuvre pour les pays ayant déjà accompli cette révolution écologique. Je pense aux pays d'Europe du Nord mais aussi au nôtre, qui, je vous le rappelle, à réduit de 95 % la distribution de sacs de caisse en huit ans. On peut donc considérer l'objectif chiffré introduit par le Parlement européen comme déjà réalisé. Imposer à ces pays de supprimer de 50 % puis de 80 % le stock actuel apparaît aujourd'hui impossible, sauf à interdire complètement l'usage de ces sacs. Ce qui ne serait pas sans créer de difficultés pour les petits commerçants de détail. Le Parlement européen n'écarte pourtant pas cette option. La France avait déjà songé à cette solution. Une loi adoptée en décembre 2005 fixait au 1er janvier 2010 la date à laquelle tous les sacs plastiques non biodégradables devaient être interdits. La Commission européenne a néanmoins estimé un an plus tard que ce texte n'était pas conforme à la directive de décembre 1994. Celle-ci exige, en effet, une valorisation des déchets d'emballage sans imposer le compostage. L'interdiction des sacs à usage unique a été également retenue par la commission du développement durable de l'Assemblée nationale qui a adopté le 25 juin un amendement au projet de loi sur la biodiversité, déposé à l'initiative du Gouvernement. Les sacs compostables de manière domestique et constitués de matières biosourcées seraient exonérés. L'interdiction serait effective à compter du 1er janvier 2016.
Le remplacement des sacs pour les fruits et légumes souhaité par le Parlement européen n'est pas non plus sans susciter des interrogations, tant la solution préconisée, à savoir leur remplacement par des sacs biodégradables pourrait s'avérer être une solution plus coûteuse, y compris au plan environnemental. Les sacs fruits et légumes ont une épaisseur de 8 microns. Leur substituer des sacs biodégradables revient à doubler l'épaisseur pour atteindre 15 microns. Une telle évolution n'est pas sans conséquence sur le coût des fruits et légumes. De plus, l'absence de filière de production de compost dans un certain nombre d'États membres et notamment en France laisse supposer que ces sacs une fois utilisés ne seront pas plus appelés à disparaître que les précédents. La mise en place systématique de sacs en papier pourrait constituer une alternative. Elle semble toutefois uniquement adaptée au commerce de détail. Le traitement en caisse de grande surface des fruits et légumes implique en effet que la quantité puisse être visible au travers d'un sac transparent.
Je m'interroge enfin sur la portée de la limitation du recours aux substances potentiellement cancérigènes et autres perturbateurs endocriniens. La composition de sacs plastiques ne fait pas appel à ce type de produits. Quoi qu'il en soit, il existe déjà un règlement européen sur l'enregistrement, l'évaluation, l'autorisation et les restrictions des substances chimiques, le règlement REACH, entré en vigueur le 1er juin 2007, qui encadre rigoureusement l'utilisation de ces matières et cela dans tous les secteurs.
Au final, au projet de la Commission européenne relativement faible et pour partie décalé avec la réalité constatée au sein de certains États membres, répond un texte du Parlement européen maximaliste, dont les intentions sont certes louables mais les conclusions inadaptées. Dans ces conditions, je vous propose d'adopter la proposition de résolution européenne, qui vient de vous être distribuée, et qui sera transmise à la commission du développement durable qui l'examinera. Ce texte invite la Commission européenne à renforcer de façon raisonnable le dispositif proposé en insistant sur la mise en place d'un objectif clair de nombre de sacs par habitant et par an, adapté à l'état d'avancement des pays dans ce domaine. Il incite également la Commission à revoir le dispositif afin de mieux prendre en compte l'évolution technologique et de limiter le champ d'application du dispositif aux sacs de caisse dont l'épaisseur est inférieure ou égale à 20 microns. Il préconise enfin un soutien aux démarches nationales favorisant le recyclage.
Mme Colette Mélot. - Je félicite le rapporteur pour sa communication et la proposition de résolution qui y est jointe. La prolifération des sacs plastiques est une question très importante dès lors que l'on parle d'environnement. Nous avons accompli beaucoup de progrès en France avec l'apparition des sacs réutilisables dans les grandes surfaces. L'une des réponses consiste peut-être aussi dans le développement des sacs en papier. Vous nous avez cité quelques exemples dans votre exposé, mais existe-t-il un tableau indiquant la consommation de sacs au sein de chaque État membre de l'Union européenne ?
M. André Gattolin. - La question des sacs plastiques est un vrai sujet puisqu'il s'agit d'une cause majeure de pollution sur la planète et qu'on en retrouve jusqu'en Arctique. Je regrette néanmoins que la vision de la Commission européenne et du Parlement européen soit plus théorique que pratique. La principale nuisance est en effet maritime. Certes on retrouve des sacs dans la nature mais il n'y a pas ce phénomène d'agrégation que l'on peut retrouver en mer. On est loin en Europe de retrouver ces arbres où les sacs plastiques se sont substitués aux feuilles et qui font parfois partie du paysage en Afrique. Je rappelle néanmoins la richesse que peut représenter un sac plastique sur ce continent. Mais revenons à l'Europe. La Commission européenne aurait été mieux inspirée de prévoir un dispositif spécifique pour les zones côtières et les estuaires. La collecte de ces sacs en mer est d'ailleurs à la charge des collectivités locales.
En ce qui concerne la lutte contre les perturbateurs endocriniens, je ne pense pas que les sacs plastiques constituent une priorité. Je ne suis même pas sûr qu'ils en contiennent !
Je rappelle enfin que les sacs pour les fruits et légumes vendus en libre-service dans les supermarchés sont logiquement transparents puisqu'ils permettent de contrôler la nature et la quantité des aliments lors du passage en caisse.
Dans ces conditions, je m'associe à la proposition de résolution qui nous est présentée aujourd'hui.
M. Simon Sutour, président. - C'est un sujet qui fait consensus. J'ai constaté à plusieurs reprises en Grèce la pollution des côtes par ces sacs en plastiques. Même ceux qui sont censés se dissoudre laissent des micro-particules ! On en retrouve dans les analyses des eaux de la Méditerranée. Cela fragilise la faune marine, qu'il s'agisse des poissons ou des grosses tortues mais aussi l'homme. Lorsque nous mangeons des poissons ceux-ci ont au préalable assimilé ces micro-particules !
M. Jean-René Lecerf. - Mon interrogation porte sur l'articulation entre l'objectif affiché d'un recyclage total des plastiques à l'horizon 2020 et un renforcement de l'épaisseur des sacs et donc de leur résistance
Mme Françoise Boog. - Les sacs réutilisables sont entrés dans les habitudes des Français. Il ne s'agit pas pour autant de s'en contenter mais de poursuivre nos efforts. Cela étant, j'ai eu l'impression en étudiant la proposition de directive que ce texte était plus destiné à certains pays de l'Est et du Sud de l'Union européenne qu'au nôtre ou a fortiori à ceux d'Europe du Nord. L'étude d'impact fournie, préparée par la Commission européenne, détaille d'ailleurs l'ensemble des mesures mises en place par les États et précise la consommation par pays. Elle contient le tableau que Mme Mélot pourra consulter. En Irlande, un tarif dissuasif de 15 centimes d'euros par sac de caisse a ainsi contribué à réduire leur consommation.
Je reviens un instant sur le seuil de 50 microns qui m'apparaît complètement inadapté. Les grandes enseignes de bricolage ne peuvent offrir à leurs clients des sacs en papier qui ne sont absolument pas fait pour transporter de tels produits.
M. André Gattolin. - Les sacs en papier ne sont pas faits non plus pour transporter des fruits dès lors qu'ils sont un peu mûrs, humides ou abîmés...
Mme Françoise Boog. - Pour répondre à André Gattolin, le problème de la pollution marine par les sacs en plastique doit effectivement faire figure de priorité. Plus en tout cas que les perturbateurs endocriniens qui sont déjà encadrés par le règlement REACH et dont on exagère l'utilisation dans le cas des sacs plastiques !
L'objectif 2020 est quant à lui tenable si des efforts des pouvoirs publics sont effectués en ce sens en faveur des filières de recyclage. Il s'agit de mettre en place de véritables filières de recyclage, comme on a déjà su le faire pour les emballages en carton via le tri sélectif.
Je rappellerai enfin que si la majorité des sacs plastiques viennent d'Asie, il existe encore une filière française en la matière qui emploie 3 500 personnes, notamment en Région Rhône-Alpes, et que nous devons préserver.
M. Simon Sutour, président. - Cette proposition de résolution fait donc l'unanimité. Elle sera transmise à la commission du développement durable qui dispose d'un mois pour se prononcer.
*
À l'issue de ce débat, la commission a adopté à l'unanimité la proposition de résolution européenne suivante :
Proposition de résolution européenne
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la directive 94/62/CE du 20 décembre 1994 relative aux emballages et aux déchets d'emballages pour réduire la consommation de sacs en plastique légers à poignée,
Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 94/62/CE du 20 décembre 2014 relative aux emballages et aux déchets d'emballages pour réduire la consommation de sacs en plastique légers à poignée (COM (2013) 761 final),
Estimant que la proposition présentée par la Commission européenne souffre d'un manque d'objectifs précis et d'ambition,
Considérant que tout projet de lutte contre la prolifération des sacs plastiques à l'échelle européenne doit prendre en compte la situation de chacun des États membres,
Rappelant l'évolution technologique constatée ces dernières années dans la production de sacs plastiques et les progrès enregistrés en matière de recyclage des matières plastiques,
Encourage les institutions européennes à revoir à la baisse le seuil de 50 microns d'épaisseur à partir duquel les sacs sont considérés comme réutilisables et à limiter le champ d'application de sa proposition à une épaisseur inférieure ou égale à 20 microns ;
Insiste sur la mise en place d'un objectif clair de nombre de sacs par habitant, par an et par pays, adapté à l'état d'avancement des États membres dans ce domaine ;
Estime que toute disposition favorisant l'utilisation des sacs biodégradables doit être accompagnée d'incitations à la mise en place de filières industrielles de compostage ;
Demande à la Commission européenne de proposer l'adoption d'un cadre européen en faveur du recyclage des sacs plastiques avec pour objectif zéro plastique dans les décharges à partir de 2020 ;
Invite le gouvernement à soutenir ces orientations et à les faire valoir dans les négociations en cours.