COM (2008) 637 final  du 03/10/2008

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 15/10/2008
Examen : 31/03/2009 (commission des affaires européennes)

Ce texte a fait l'objet de la proposition de résolution : voir le dossier legislatif


Questions sociales et santé

Communication de M. Hubert Haenel sur l'amélioration
de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes

Texte E 4021 - COM (2008) 637 final

(Réunion du 31 mars 2009)

La commission des affaires européennes avait formulé le 10 décembre 2008 plusieurs observations sur la proposition de directive concernant l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitant au travail (texte E 4021), dans le cadre du dialogue avec la Commission européenne sur le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Deux points figuraient dans nos observations. Le premier concernait la durée du congé de maternité. Nous demandions à la Commission d'expliquer pourquoi elle proposait dix-huit semaines plutôt que dix-sept ou dix-neuf. Dans la réponse qu'elle nous a adressée depuis, la Commission justifie son choix par l'existence d'une recommandation de l'OIT sur la protection de la maternité, adoptée en 2000, qui suggère un congé de maternité de dix -huit semaines dans l'intérêt de la santé et de la sécurité des femmes qui accouchent. Nous avons donc une réponse à notre première observation.

Par ailleurs, nous contestions que l'Union européenne soit fondée à empêcher les États membres de prévoir qu'une partie de ce congé soit prise pendant la durée prénatale et nous avions considéré qu'une telle intervention était contraire au principe de subsidiarité. Sur ce deuxième point, la réponse de la Commission n'est guère convaincante. Elle fait valoir que « de nombreuses femmes enceintes ne connaissent aucun problème de santé durant leur grossesse » et qu'elles souhaitent passer le plus de temps possible avec leur nouveau-né. Elle ajoute que « l'instauration du congé de maternité obligatoire n'empêche pas les femmes de travailler à la maison dans des conditions défavorables ». Ces deux arguments apparaissent quelque peu antinomiques. Si la Commission estime que la poursuite de leur activité professionnelle n'a pas de conséquence sur la santé des futures mères, comment pourraient-elles souffrir, en revanche, de travailler à la maison ? En outre, la Commission évoque l'idée que les femmes souhaitent passer le plus de temps possible avec leur nouveau-né. Cet argument ne fait de doute pour personne. Mais, la plupart des femmes souhaitent également bénéficier de temps avant la naissance pour préparer l'arrivée du nouveau-né au sein de sa famille. Le congé de maternité obligatoire pendant la période prénatale permet de préserver la santé des futures mères tout en lui offrant la possibilité d'effectuer l'ensemble des préparatifs nécessaires à la naissance de l'enfant.

Je ne pense pas qu'il puisse être intéressant de poursuivre à ce stade le dialogue avec la Commission européenne. Nous sommes cependant sur une question de principe à propos de laquelle nous sommes en désaccord net avec la proposition de la Commission. Il me semble que, à ce stade, nous pourrions déposer une proposition de résolution afin que la commission des Affaires sociales puisse se saisir du dossier.

Êtes-vous d'accord avec cette proposition ?

Compte rendu sommaire du débat

M. Christian Cointat :

Je suis désolé, mais je vais être obligé de m'opposer à cette proposition de résolution. Lorsque j'étais directeur général du personnel du Parlement européen, j'avais appliqué la disposition que propose la Commission européenne, et si j'avais voulu revenir aux dispositions françaises, cela aurait causé beaucoup de troubles et de perturbations au sein du personnel. Car les femmes veulent être libres de choisir quand elles bénéficient du congé de maternité.

Tout ce qui porte atteinte à la liberté est condamnable. C'est à la femme de décider quand elle prendra son congé de maternité, et l'on ne doit pas lui imposer quoi que ce soit en la matière. Il appartient éventuellement au médecin, le cas échéant, de lui fournir un certificat médical.

Lorsque j'ai abordé ce problème, j'ai eu la même réaction que vous, jusqu'à ce que je constate que ce sont les femmes qui demandent le maintien de ce dispositif spécifique. Il me semble donc que la Commission européenne est fondée dans son approche, et qu'elle a élaboré son texte à la lumière de l'expérience qu'elle connait avec ses propres fonctionnaires et ceux des autres institutions européennes. Voilà pourquoi je recommande la prudence. Nous avons bien fait de demander des précisions à la Commission, mais je pense qu'il serait dommage d'aller plus loin.

Mme Annie David :

Il faut se placer du côté des femmes qui travaillent dans des conditions moins favorables que celles que l'on peut connaître au Parlement européen. J'étais hier encore, par exemple, avec les salariés d'une entreprise de mon département qui est actuellement en grande difficulté. Dans ce genre d'entreprise, si l'on n'impose pas un congé prénatal, les salariées s'en verront privées contre leur volonté.

Dans certaines entreprises, les femmes, - vous le savez bien, nous ne sommes pas tous égaux pour les conditions de travail -, sont parfois soumises à des pressions et des tensions qui les amènent à travailler aussi longtemps qu'elles le peuvent, au détriment de leur santé et de celle de leur futur enfant. Je pense donc qu'il est essentiel de maintenir un congé prénatal obligatoire.

M. Michel Billout :

Je vais bien entendu dans le même sens que ma collègue, en soulignant que, dans sa réponse, la Commission indique que « la durée du congé de maternité varie actuellement de 14 semaines dans un petit nombre d'États membres, à 28 semaines dans d'autres. Dans certaines circonstances, il peut atteindre 52 semaines, dont une partie seulement est rémunérée. 13 États membres proposent déjà un congé maternité de 18 semaines ou plus ». Il me semble que le rôle de l'Union, dans cette affaire là, est d'aller dans le sens d'une amélioration des congés de maternité, prenant en compte la période prénatale et postnatale. On ne peut pas se satisfaire d'un tel décalage entre les pays au nom d'un certain libéralisme. J'entends bien l'argument selon lequel chacun doit pouvoir choisir sa situation, mais il existe des fragilités sociales et tout le monde n'a pas la même possibilité de choisir. C'est comme pour le départ à la retraite ou la durée du temps de travail.

M. Robert del Picchia :

Il existe peut-être d'autres solutions, mais je me demande si ce débat ne relève pas de la commission des Affaires sociales.

M. Christian Cointat :

Les gens qui travaillent dans les institutions européennes n'ont pas tous des emplois extrêmement confortables. J'étais notamment responsable d'une imprimerie qui travaillait jour et nuit, et les femmes qui y travaillaient la nuit connaissaient les mêmes conditions que dans une usine !

Mais la question n'est pas là. Il s'agit de spécifier que la loi prévoit un congé de 18 semaines et que c'est la femme qui décide de son organisation, et personne d'autre. Si on lui impose quoi que ce soit, on porte atteinte à sa liberté. J'avais négocié ces mesures avec les syndicats de toutes les tendances. Je suis en faveur de la liberté et de la protection des travailleurs. L'expérience a montré que, dans l'imprimerie, effectivement, certaines femmes préféraient prendre leur congé prénatal. Mais d'autres préféraient prendre tout leur congé de façon postnatale, parce que leur grossesse se déroulait d'une manière telle que le médecin les y autorisait. Dans ce cas, elles le faisaient avec une preuve médicale.

Mme Annie David :

Je pense, moi aussi, que ce débat doit avoir lieu à la commission des Affaires sociales. Je suis également en contact très fréquent avec des organisations syndicales, et je peux vous garantir que le droit au congé prénatal est très important pour beaucoup de femmes. Il faut donc le préserver. Cela veut dire que, dans chaque pays, on doit pouvoir rester libre de prévoir un congé prénatal, quitte à ce qu'il y ait ensuite des aménagements. Il y a d'ailleurs eu récemment des aménagements dans le Code du travail français, qui prévoit que l'on peut maintenant décider « librement » de reporter deux semaines de congé prénatal sur la période du congé postnatal. La loi française prévoit donc déjà des adaptations.

Je vous avais fait remarquer, au moment où nous en avions débattu la première fois, que l'Europe se mêle finalement de choses qui ne relèvent peut-être pas de son domaine. Ce qui est sûr, c'est qu'une législation européenne sur le sujet ne doit pas entraîner une diminution de la protection -vous venez de le dire pour le texte sur les consommateurs. Il ne faut pas que, dans les pays où il existe déjà de tels droits pour les femmes, la législation européenne entraîne une régression et appauvrisse les droits des femmes enceintes. Finalement, je crois que nous allons tous dans le même sens.

M. Hubert Haenel :

Les échanges que nous venons d'avoir prouvent qu'il faut aller jusqu'au fond du problème. Il faut donc un débat au sein de la commission des Affaires sociales. Je vous propose, si Mme David en est d'accord, que, au nom de la commission des Affaires européennes, elle dépose une proposition de résolution.

Il est alors décidé de déposer la proposition de résolution suivante :


Proposition de résolution

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution ;

Vu la proposition de directive concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (texte E 4021) ;

Estime que permettre aux femmes de travailler le plus tard possible pendant leur grossesse ferait peser un certain nombre de risques sur leur santé et celle du foetus ;

Considère en conséquence qu'il ne faut pas supprimer la période de congé prénatal obligatoire, tant elle est essentielle pour préserver la santé des femmes enceintes et les foetus ;

Et demande au Gouvernement de s'opposer à la disposition de cette proposition de directive qui interdirait aux États membres de contraindre les femmes à prendre une partie de ce congé pendant la période prénatale.