COM (2005) 319 final
du 20/07/2005
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 23/10/2007
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 05/10/2005Examen : 08/02/2006 (délégation pour l'Union européenne)
Il s'agit d'une proposition révisée de règlement. La proposition initiale est enregistrée avec la référence E1587.
Ce texte a fait l'objet de la proposition de résolution : voir le dossier legislatif
Transports
Communication de M. Roland Ries
sur les
« obligations de service public » dans les
transports
Texte E 2970 - COM (2005) 319 final
(Réunion du 8 février 2006)
I - LE CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET JURIDIQUE
1. Le contexte économique : un secteur qui s'ouvre à la concurrence
Les transports publics terrestres de personnes (train, métro, tram et bus urbain) représentaient en 2004, dans l'Union européenne à quinze, environ 150 millions de passagers transportés par jour, 1,5 million d'emplois et un chiffre d'affaires annuel estimé à 100 milliards d'euros.
Depuis 1969, l'environnement économique du secteur des transports publics terrestres de personnes a beaucoup changé. Les marchés de certains États membres ont commencé à s'ouvrir à la concurrence, qu'il s'agisse des transports urbains ou des chemins de fer. Le Royaume-Uni a entamé le mouvement en 1986 en supprimant les droits exclusifs qui étaient de règle dans le secteur des transports par bus. Excepté à Londres et en Irlande du Nord, tout opérateur peut fournir les services qu'il veut. Les coûts d'exploitation ont chuté brusquement, mais la fréquentation aussi. Cette expérience de déréglementation n'a pas été suivie au sein de l'Union. Les États membres qui ont ouvert leur marché ont plutôt développé le système dit de la « concurrence régulée », dans lequel une autorité compétente attribue un droit exclusif pour une période déterminée suite à un appel d'offres ouvert et transparent qui peut fixer le niveau de service, les normes de qualité et les tarifs.
Ce système fonctionne bien et a donné de bons résultats en milieu urbain (Stockholm, Helsinki, Copenhague, Londres, Lille...), pour des services ferroviaires régionaux (Pays-Bas, Länder allemands, régions françaises...) et pour des services longue distance (bus en Espagne, chemin de fer en Suède...). En général, la concurrence régulée va de pair avec une hausse de la fréquentation et une baisse des coûts. En 2003, environ le quart du marché des transports publics terrestres de l'Union européenne était ainsi ouvert à la concurrence.
Cette ouverture a entraîné l'émergence d'un marché international pour la prestation de services de transports publics. Au départ, certains groupes industriels privés, comme Connex en France, étaient les plus actifs dans la recherche de contrats en dehors de leur pays d'origine. Nombre de ces opérateurs réalisent aujourd'hui plus de 50 % de leur chiffre d'affaires dans d'autres pays que le leur. Des groupes du secteur public, comme la RATP, les ont rejoints depuis.
2. Le contexte juridique : une reconnaissance ancienne du service public
La politique des transports est, avec la politique agricole, l'une des deux grandes politiques communes figurant dès 1958 dans le traité de Rome. La spécificité des services publics est reconnue dans les textes initiaux, puisque l'article 73 du traité autorise les aides qui « correspondent au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public ».
Depuis 1969, l'action des États membres en matière de services publics dans les transports terrestres de voyageurs est encadrée par le règlement 1191/69/CE, plusieurs fois modifié. Ce règlement permet aux États membres d'imposer des obligations de service public, à charge pour eux d'en compenser les coûts pour l'opérateur. Il définit les procédures à suivre et fixe des méthodes de calcul détaillées assurant que le montant de la compensation est approprié. Les compensations attribuées suivant ces règles échappent à l'obligation de notification préalable à la Commission européenne.
Une modification de ce règlement intervenue en 1991 a introduit les opérateurs urbains, suburbains et régionaux dans le champ d'application du texte, mais permet aux États membres de continuer d'imposer à ceux-ci des servitudes sans les obliger à passer des contrats de service public.
II - LA GÉNÈSE ET LES GRANDES LIGNES DU TEXTE
1. La volonté nouvelle de la Commission d'introduire un régime concurrentiel
La Commission a présenté, le 26 juillet 2000, une nouvelle proposition modifiant le règlement 1191/69/CE afin d'établir un régime concurrentiel. Elle avance des arguments relevant de deux ordres différents pour justifier cette réforme.
Juridiquement, l'encadrement réglementaire du secteur des transports n'est plus satisfaisant, dans la mesure où elle estime que les dérogations à l'obligation de contractualisation s'avèrent peu compatibles avec la transparence et la non-discrimination qu'exige un marché de plus en plus ouvert. Par ailleurs, le règlement ne définissant pas les modalités d'attribution des contrats de service public, il est devenu une source d'insécurité juridique qui se traduit par une augmentation des contentieux et par la réticence des opérateurs à engager des investissements lourds tant que les règles du jeu ne sont pas clairement définies.
Économiquement, la part de marché des transports publics continue de baisser face à la concurrence de la voiture particulière : elle est passée de 24,7 % à 16 % entre 1970 et 2001. D'où la nécessité, selon la Commission, de moderniser les transports publics afin d'accroître leur efficacité et de maintenir, voire d'augmenter, leur part de marché et de les faire participer à l'amélioration de l'environnement et de la mobilité.
La proposition de règlement initiale s'appuyait sur les principes suivants :
- l'obligation d'une contractualisation des rapports entre l'autorité compétente et l'opérateur chargé de fournir les services, dès lors que des compensations financières ou des droits exclusifs sont attribués ;
- la nécessité d'un réexamen périodique des clauses du contrat, et donc la limitation de sa durée ;
- la mise en concurrence des contrats de service public, sauf dans certains cas où leur attribution directe est possible (pour les chemin de fer ou le métro, ou en dessous d'un seuil financier de 800 000 euros).
2. L'opposition du Parlement européen et du Conseil en première lecture
Le Parlement européen a maintenu la possibilité pour les autorités compétentes de continuer à assurer les services de transports terrestres locaux elles mêmes ou par le biais de l'une de leurs propres sociétés sans appel d'offre.
Il a porté la durée des contrats de service public de cinq ans à huit ans pour les services d'autobus et à quinze ans pour les services ferroviaires.
Il a relevé à un million d'euro le seuil en dessous duquel les autorités compétentes continuent de pouvoir attribuer directement des contrats de service public.
Pour éviter le dumping social, le Parlement européen a prévu que les opérateurs de transport qui passeraient outre à leur responsabilité sociale ne devraient pas être sélectionnés et que les droits des employés seraient préservés en cas de changement d'opérateur.
En dépit des modifications apportées par le Parlement européen, la proposition de règlement est demeurée depuis cinq ans bloquée au Conseil. Un compromis en vue d'une position commune n'a pas pu être trouvé, les États membres étant très divisés sur l'étendue même de l'ouverture des transports terrestres à la concurrence.
3. Les grandes lignes de la nouvelle proposition révisée de règlement
Une première proposition révisée de règlement a été présentée par la Commission européenne le 21 février 2002, mais n'a pas plus réussi à faire consensus que la version initiale.
Le 20 juillet 2005, une seconde proposition révisée de règlement a été soumise au Parlement européen et au Conseil par la Commission, dans l'espoir d'obtenir enfin un accord des États membres grâce à certains assouplissements. C'est cette proposition que nous examinons aujourd'hui.
Les principales dispositions de cette proposition sont les suivantes :
- la règle demeure l'obligation de passation d'un contrat de service public pour les compensations ou les droits exclusifs octroyés en contrepartie de la réalisation d'obligations de service public ;
- les contrats de service public sont attribués par appels d'offres ;
- l'attribution directe est possible en cas d'exploitation directe (régie) ; celle-ci doit être effectuée par l'autorité compétente au niveau local ou par un opérateur qu'elle contrôle, avec spécialisation géographique (ni cet opérateur, ni ses filiales, ne peuvent avoir d'activité en dehors du territoire de l'autorité compétente) ;
- les services ferroviaires régionaux et de longue distance sont exonérés de l'obligation de mise en concurrence.
Le Parlement européen, considérant qu'il s'est déjà prononcé en première lecture sur la version initiale du texte, ne s'est pas saisi de la version révisée. C'est donc au tour du Conseil de se prononcer : il vise un accord politique au Conseil transports du mois de juin prochain. Il faudra alors qu'il y ait une seconde lecture devant chacune de ces deux institutions, ce qui implique que le processus de codécision n'aboutira pas avant la fin de l'année 2006 ou le tout début de l'année 2007 dans le meilleur des cas.
III - PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR
1. Un accueil globalement favorable
Les autorités organisatrices et les opérateurs de transport français ont globalement bien accueilli la nouvelle version de la proposition de règlement. Il existe un certain consensus en France sur le fait que ce texte constitue une amélioration par rapport au flou juridique actuel, et qu'il mérite d'être adopté dans les meilleurs délais même si des améliorations peuvent encore lui être apportées.
Cet avis favorable n'est cependant pas unanime en Europe. Les Anglais regrettent que le ferroviaire régional soit exclu de la mise en concurrence, ce qui explique d'ailleurs que rien n'a bougé pendant la Présidence britannique. Les Allemands considèrent le texte comme trop bureaucratique et seraient plutôt favorables à une forme de statu quo en la matière.
2. Les auditions des différents partenaires français que nous avons réalisées confirment ces orientations générales.
Le Groupement des Autorités Responsables de Transport (GART) se félicite que le principe de « libre administration des collectivités locales » soit réaffirmé avec force, avec la possibilité donnée à celles-ci de choisir entre la régie directe ou la mise en concurrence par appel d'offres.
L'Union des Transports Publics (UTP) insiste sur la généralisation de la contractualisation qui constitue, selon elle, le gage d'une plus grande transparence, d'une amélioration de la qualité ainsi que d'une meilleure efficacité des transports publics.
La SNCF se félicite de l'orientation du règlement qui permet aux autorités organisatrices d'attribuer directement, sans appel à la concurrence, les transports ferroviaires régionaux et de longue distance. Notons cependant que la possibilité pour les autorités organisatrices d'avoir recours à des appels d'offres pour le secteur ferroviaire reste évidemment ouverte.
La RATP (et globalement les transporteurs en Île-de-France, avec la SNCF et OPTILE, qui regroupe les transporteurs privés dans cette région) accepte de sortir du système monopolistique fondé sur le décret de 1949 et d'être soumise à la « concurrence régulée ». Elle se félicite que la proposition de règlement laisse ouverte la possibilité de contrats multimodaux, qui constitue selon elle, la meilleure réponse à la gestion optimale d'un réseau intégré.
La Fédération des Sociétés d'Économie Mixte (FNESEM) prend acte positivement de cette nouvelle version du texte qu'elle considère comme plus simple dans ses formulations et plus respectueuse du principe de subsidiarité. Elle souhaite néanmoins que l'Europe reconnaisse que, entre la délégation au privé et la gestion directe, il existe des formules intermédiaires de délégation à des sociétés d'économie mixtes qui ont fait leurs preuves, notamment en France.
Certains principes du texte de règlement sont largement approuvés. Le GART et la FNESEM ont d'ailleurs adopté une position commune avec l'Association des Maires de France (AMF) et l'Association des Maires de Grandes Villes de France (AMGVF). Parmi ces principes communément admis, il convient de signaler en outre :
- la reconnaissance de la légitimité des compensations de service public (article 6), qui peuvent toutefois être notifiées à la Commission à la demande de celle-ci ;
- l'instauration d'un principe de réciprocité dans l'ouverture à la concurrence, selon lequel les opérateurs de transport qui ne se seraient pas conformés pour 50 % au moins de leur activité aux exigences du règlement pour les marchés qu'ils détiennent déjà, pourraient être exclus, par les autorités organisatrices, de nouveaux appels d'offres (article 8). Toutefois, la SNCF et la RATP sont hostiles à ce principe, qui pourrait freiner leur développement sur les marchés extérieurs.
Enfin, dans l'un de ses considérants (n° 9), la présente proposition révisée de règlement rappelle qu'il est indifférent, au regard du droit communautaire, que les services de transport soient opérés par des entreprises publiques ou privées. C'est une application du principe de neutralité quant au régime de propriété prévu à l'article 295 du traité. Ce rappel est important, puisqu'il implique que le droit communautaire n'impose aucune privatisation d'entreprise publique.
3. Les points délicats qui appellent des réserves
a) La durée des contrats de service public
La durée prévue des contrats est de 8 ans pour les services d'autobus et de 15 ans pour les services ferroviaires. Ces durées peuvent être allongées de 50 % si l'opérateur justifie de la nécessité d'amortir des actifs, soit respectivement 12 ans et 22 ans et demi.
Toutefois, même ainsi allongées, ces durées paraissent encore trop courtes pour certains contrats de service public qui nécessitent des investissements à plus long terme, notamment pour le tramway et le ferroviaire.
Deux solutions sont alors envisageables :
- soit allonger la durée maximale des contrats prévue par le règlement à hauteur de la durée justifiée des amortissements ;
- soit renvoyer à la subsidiarité la question de la durée des contrats, qui resterait du ressort de l'autorité organisatrice (c'est la position du GART, de l'UTP, de l'AMF, de l'AMGVF et de la FNESEM). Votre rapporteur penche pour cette deuxième solution.
b) Le cas des services ferroviaires urbains et périurbains
L'entrée en vigueur de la présente proposition révisée de règlement ne remettra pas en cause le monopole dont dispose la SNCF pour le transport régional de voyageurs. Ce monopole ne devrait être supprimé que par l'entrée en vigueur du IIIème paquet ferroviaire, qui n'est pas prévue avant 2010.
Elle risque toutefois de poser des difficultés de partage entre le transport urbain et péri-urbain qui pourrait être mis en concurrence, d'une part, et le transport régional, d'autre part, qui ne le serait pas. La SNCF considère qu'il ne lui sera pas possible, très concrètement, de partager l'infrastructure ferroviaire avec d'autres opérateurs de transport.
La situation est particulièrement inextricable en région Île-de-France, qui fait aujourd'hui exception au principe de mise en concurrence périodique en vigueur dans les autres régions françaises prévu par la loi LOTI de 1982, mais est soumise à un régime de monopole réglementaire. En vertu d'un décret de 1949 toujours en vigueur, les opérateurs de transport franciliens, qu'il s'agisse de la RATP, de la SNCF ou de sociétés privées, bénéficient de droits exclusifs à durée indéterminée. Ces situations acquises seront profondément remises en cause par l'entrée en vigueur de la présente proposition révisée de règlement.
L'article 2 du texte définit le transport régional ou de longue distance par la négative, comme un « service de transport qui ne répond pas aux besoins en transport d'un centre urbain ou d'une agglomération, ou des liaisons entre une agglomération et ses banlieues ». Cette définition est inopérante, dans la mesure où la notion de « banlieue » n'est pas autrement précisée. Elle présente surtout l'inconvénient d'être contraire à l'accord politique sur le IIIème paquet ferroviaire auquel les États membres sont parvenus à l'issue du Conseil transports du 5 décembre 2005, et en vertu duquel la définition du transport régional sera renvoyée à la subsidiarité.
Il parait donc nécessaire de renvoyer également dans la proposition révisée de règlement la question de la définition du transport ferroviaire régional à la subsidiarité. Cette question concerne tout particulièrement les pénétrantes ferroviaires urbaines et le cabotage à l'intérieur des P.T.U.
c) La période de transition
La proposition révisée de règlement prévoit une période de transition de 8 ans pour les services d'autobus et de 10 ans pour les services ferroviaires.
Cette période de transition est elle-même divisée en deux parties :
- à l'issue de sa première moitié (soit 4 ans pour les autobus et 5 ans pour le ferroviaire), 50 % au moins des contrats de service public doivent être attribués conformément au règlement ;
- à l'issue de son terme, la totalité des contrats de service publics doivent être attribués conformément au règlement.
La gestion de cette période de transition sous cette forme pose problème car la proposition de la commission aboutit à segmenter les réseaux pour une mise en conformité par étape.
Une proposition faite par le Comité des Régions, sur le rapport de Bernard Soulage, reviendrait à remplacer l'obligation d'appel d'offre pour la moitié des réseaux au bout de 4 ou 5 ans par une obligation de mise en conformité juridique de la totalité des contrats au bout de la première période. Cette proposition peut constituer une piste intéressante, et votre rapporteur propose de la reprendre dans notre proposition de résolution.
Un autre point litigieux est celui de la clause de réciprocité, que je vous ai déjà exposée précédemment. Cette clause est approuvée par les opérateurs de transport privés et dénoncée par les opérateurs de transport publics, comme on pouvait s'y attendre. Toutefois, elle paraît équitable et équilibrée, dans la mesure où il ne s'agit pas d'une clause automatique, mais d'une simple faculté offerte aux autorités organisatrices, qui seront libres d'exclure ou non de leurs appels d'offres les opérateurs en situation de monopole sur leurs marchés d'origine. Votre rapporteur vous propose donc d'en approuver le principe.
4. Les imperfections qui appellent des recommandations
a) La définition de l'opérateur interne
« L'opérateur interne », qui seul peut bénéficier d'une attribution directe, est défini à l'article 2 de la proposition révisée de règlement comme « une entité juridiquement distincte sur laquelle l'autorité compétente exerce un contrôle complet et analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services ».
Cette définition pose problème aux sociétés d'économie mixte, qui sont au sein de l'Union européenne une particularité du droit public français. Celles-ci pourraient dès lors être contraintes, à terme, de se transformer soit en régies soit en sociétés de droit commun.
La Fédération des Sociétés d'Économie Mixte soulève ce problème et souhaite, à juste titre aux yeux de votre rapporteur, que le statut spécifique des SEM soit pleinement reconnu. Sociétés de droit privé contrôlées par la puissance publique, elles acceptent bien sûr d'être mises en concurrence (en application de la loi Sapin de 1992). Mais elles demandent, dans ces conditions, à pouvoir bénéficier des mêmes facilités que les sociétés privées, notamment pour la passation de leurs marchés internes.
b) Le principe de cantonnement géographique
L'article 5 de la proposition révisée de règlement prévoit par ailleurs un principe de spécialisation géographique en vertu duquel l'opérateur interne bénéficiaire d'une attribution directe doit exercer l'intégralité de ses activités de transport de voyageurs à l'intérieur du territoire de l'autorité compétente.
Dans ce cas, la définition de l'opérateur interne mériterait d'être assouplie afin d'y intégrer les opérateurs dont l'essentiel des missions est exercé à l'intérieur du territoire de l'autorité compétente. Cet assouplissement maintiendrait la cohérence des réseaux en permettant d'y intégrer ce que l'on nomme les « lignes sortantes ».
c) L'encadrement des compensations de service public
Une annexe de la proposition révisée de règlement encadre de manière très minutieuse les compensations de service public, qui doivent satisfaire à un ensemble de critères inspirés de la jurisprudence Altmark.
Cet encadrement détaillé ne semble pas nécessaire, dans la mesure où la Commission a déjà posé, dans une communication sur les aides d'État, les principes qu'elle entend appliquer pour apprécier les compensations de service public qui lui seront notifiées.
d) L'exclusion de la voie fluviale et maritime
La première version de la proposition de règlement, présentée en 2000, incluait la voie fluviale. Il conviendrait de rétablir celle-ci dans le champ de la proposition révisée de règlement, et d'étendre ce dernier à la voie maritime, dans la mesure où le transport maritime ou fluvial est parfois partie intégrante de réseaux de transports urbains ou péri-urbains.
Ces deux modes de transport peuvent donc être inclus dans certains plans de transports urbains, comme c'est le cas pour les navettes de la RATP sur la Seine ou pour les lignes de vaporetti à Venise.
Compte rendu sommaire du débat
M. Hubert Haenel :
Sur un sujet de cette importance, je crois essentiel que nous intervenions suffisamment en amont pour faire valoir notre point de vue.
Je retiens de votre communication que ce texte affirme quatre principes : la liberté de choix des collectivités locales dans l'organisation de leurs services de transport ; le principe de contractualisation avec les opérateurs de transport ; la reconnaissance de la légitimité des compensations de service public ; le principe de réciprocité dans l'ouverture à la concurrence.
Je rappelle à mon tour le principe de neutralité du régime de propriété des entreprises de transport, en vertu duquel aucune privatisation n'est imposée par le droit communautaire.
M. Pierre Fauchon :
Je suis frappé par le caractère technique de ce texte. On touche du doigt l'inconvénient de ne pas avoir de distinction entre le domaine réglementaire et le domaine législatif au niveau européen. Nous n'avons pas à entrer dans de tels détails, qui sont de caractère réglementaire par leur technicité. Je crois que nous pourrions en exprimer le regret.
M. Hubert Haenel :
Nous pouvons le mentionner dans l'exposé des motifs, mais je ne crois pas qu'il soit souhaitable que cela figure dans le texte même de la proposition de résolution.
J'attire votre attention sur le fait que ce texte va bousculer les habitudes des entreprises de transport, des syndicats et des usagers.
M. Pierre Fauchon :
Cela nous fera beaucoup de bien !
M. Hubert Haenel :
Je vous propose de confier à notre rapporteur, Roland Ries, la mission de nous tenir informés de l'évolution de la négociation à Bruxelles.
M. Roland Ries :
Je voudrais souligner l'importance du principe de réciprocité dans l'ouverture à la concurrence posé par ce texte. On n'accepterait jamais dans les autres États membres un système où les opérateurs français seraient protégés sur leurs propres marchés et en concurrence sur ceux des autres.
*
À l'issue de ce débat, et après avoir apporté quelques amendements de précision à la proposition du rapporteur, la délégation a conclu à l'unanimité au dépôt de la proposition de résolution dans le texte suivant :
Proposition de
résolution
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la proposition révisée de règlement du Conseil et du Parlement européen relatif aux services publics de transports de voyageurs par chemin de fer et par route (E 2970),
Approuve les grandes lignes de ce texte, et notamment :
- le respect du libre choix des collectivités locales qui peuvent, en tant qu'autorités organisatrices de transport, opter soit pour l'attribution directe à un « opérateur interne », soit pour la mise en concurrence par appel d'offres ;
- la généralisation du principe de contractualisation, que l'opérateur de transport soit public ou privé ;
- la reconnaissance de la légitimité des compensations de service public ;
- l'instauration d'un principe de réciprocité dans l'ouverture à la concurrence, en vertu duquel les autorités organisatrices pourraient exclure de leurs nouveaux appels d'offres les opérateurs de transport qui ne se seraient pas conformés aux exigences du règlement pour les marchés qu'ils détiennent déjà.
Souligne que ce texte rappelle, dans l'un de ses considérants, le principe de neutralité quant au régime de propriété des entreprises de transport, qui implique que le droit communautaire n'impose aucune privatisation.
.../
Demande au Gouvernement de favoriser une adoption de ce texte dans les meilleurs délais, sous les réserves suivantes :
- la fixation de la durée des contrats de service public en fonction de la durée d'amortissement des investissements devrait être laissée à l'appréciation des collectivités locales en tant qu'autorités organisatrices, conformément au principe de subsidiarité ;
- la définition du transport ferroviaire régional, qui conditionne la possibilité d'attribution directe des lignes concernées, devrait être laissée aux États membres, conformément au principe de subsidiarité ;
- la période de transition devrait être aménagée afin qu'il y ait obligation de mettre en conformité la totalité des contrats de service public à mi-parcours, mais que l'obligation de les attribuer conformément au règlement ne s'applique qu'à l'issue de la période.
Recommande au Gouvernement de favoriser l'adoption des améliorations suivantes :
- la notion d'«opérateur interne » pourrait être précisée afin d'être compatible avec le statut bien particulier des sociétés d'économie mixte ;
- le principe de spécialisation géographique de l'«opérateur interne » pourrait être assoupli afin de permettre l'inclusion dans le périmètre de certaines « lignes sortantes » ;
- le champ du règlement pourrait être étendu à la voie fluviale et maritime.
Rappelle son souhait de voir adoptée une directive-cadre générale sur les services publics avant l'entrée en vigueur de directives sectorielles.