COM (2001) 125 final
du 13/03/2001
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 26/06/2003
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 07/06/2001Examen : 23/01/2002 (délégation pour l'Union européenne)
Ce texte a fait l'objet des propositions de résolution : voir le dossier legislatif, voir le dossier legislatif
Energie
Communication de M. Aymeri
de Montesquiou sur les textes européens relatifs au marché
intérieur du gaz et de l'électricité
Texte
E 1742 - COM (2001) 125 final
(Réunion du 23 janvier 2002)
L'énergie est un bien primaire auquel chacun a droit. C'est aussi un enjeu stratégique, dans la mesure où chaque pays doit être indépendant, et c'est un domaine qui touche à la souveraineté étatique. Mais, par ailleurs, c'est une composante de l'économie et la compétitivité des entreprises est concernée par le prix de l'énergie.
C'est la raison pour laquelle le Conseil de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000 a préconisé l'achèvement rapide du marché intérieur de l'énergie. La Commission a présenté en mai 2001 un ensemble de deux textes dans ce sens :
- une proposition de directive concernant les règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et du gaz naturel ;
- une proposition de règlement concernant les conditions d'accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d'électricité.
La Commission, comme la présidence espagnole, sont décidées à faire aboutir ces textes avant le 30 juin prochain. M. Romano Prodi a même menacé de recourir à l'article 86 du traité de Rome, sur la base duquel la Commission peut imposer des mesures de libéralisation de sa seule initiative.
Je crois que la France a fait une erreur de stratégie en transposant avec beaucoup de retard la directive électricité et en ne transposant pas du tout la directive gaz. Elle fait ainsi figure de mauvaise élève. On ne comprend pas pourquoi puisque EDF et GDF sont des entreprises tout à fait performantes. Loin d'être abordée avec frilosité, la libéralisation devrait au contraire être considérée comme une opportunité pour attaquer l'ensemble du marché européen.
Cela dit, une condition qui me paraît importante est l'ouverture du capital de ces deux entreprises, qui n'ont pas les moyens financiers suffisants. Je modérerai toutefois cette proposition dans le cas d'EDF, dans la mesure où la sensibilité de la question nucléaire impose qu'une majorité de son capital reste public.
I. L'OUVERTURE QUANTITATIVE DES MARCHÉS
Les directives de 1996 et 1998 ont défini les seuils d'ouverture de la demande. La directive électricité prévoit les trois étapes suivantes pour la libéralisation de la demande :
- ouverture de 27 % du marché en février 1997 ;
- ouverture de 30 % du marché en février 2000 ;
- ouverture de 35 % du marché en février 2003.
La directive gaz prévoit les trois étapes suivantes pour la libéralisation de la demande :
- ouverture de 20 % du marché en août 2000 ;
- ouverture de 28 % du marché en août 2003 ;
- ouverture de 33 % du marché en août 2008.
La directive électricité a été transposée par tous les Etats membres à temps, c'est-à-dire en février 1999, sauf en France qui ne l'a fait que le 20 mai 2000. De ce fait, la France apparaît en position d'accusée. Pour la directive gaz, un projet de loi de transposition a été déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale, mais n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour. En conséquence, la France a été traduite devant la Cour de Justice des Communautés européennes en mai 2001.
Aujourd'hui, le seuil d'ouverture moyen est de 66 % pour le marché européen de l'électricité, et devrait passer à 79 % en 2007. Ce seuil n'est que de 30 % en France. Pour ce qui est du gaz, le seuil moyen est de 79 %, et de 0 % en France. Le Gouvernement français se met inutilement dans une mauvaise position. Même en l'absence de loi de transposition, GDF a décidé d'ouvrir à la concurrence 20 % du marché français du gaz.
Je voudrais rappeler que, l'an dernier, j'ai déposé une proposition de loi qui organisait une sorte de transposition automatique des directives européennes pour empêcher l'accumulation des retards de ce type. La majorité des Etats membres est allée beaucoup plus vite et beaucoup plus loin que la France. Le Royaume-Uni et l'Allemagne ont totalement ouvert leur marché du gaz.
Ces différences de rythme créent des distorsions de concurrence. Nos voisins considèrent comme anormal qu'EDF prenne des parts de marché sur leur territoire alors que la réciproque n'est pas vraie.
La nouvelle proposition de directive vise à achever l'ouverture quantitative en trois étapes :
- libre choix du fournisseur d'électricité pour les consommateurs du secteur non résidentiel au 1er janvier 2003 ;
- libre choix du fournisseur de gaz pour les consommateurs du secteur non résidentiel au 1er janvier 2004 ;
- ouverture totale du marché de l'électricité et du gaz au 1er janvier 2005.
Le Gouvernement français est opposé au principe même de cette ouverture totale à la concurrence. Mais il se retrouve très isolé sur ce point, seul le Luxembourg partageant sa position.
Pour ma part, l'ouverture rapide à l'ensemble des consommateurs professionnels me paraît opportune. En effet, tout seuil partiel est susceptible d'entraîner des distorsions de concurrence. Il me paraît donc particulièrement judicieux de laisser le libre choix de leur fournisseur d'énergie à tous les clients non résidentiels, de l'industriel à l'artisan, en passant par les collectivités. En revanche, j'admets que l'ouverture à la concurrence du marché des clients domestiques ne doit pas compromettre le principe de la péréquation tarifaire - ce que craint le Gouvernement français.
En pratique, la portée de ces dispositions de libéralisation de la demande d'énergie doit être relativisée. Le plus souvent, il y a un décalage important entre le degré d'ouverture juridique et le degré d'ouverture réel des marchés. Le nombre de clients industriels éligibles ayant effectivement changé de fournisseur est limité dans la plupart des Etats membres : moins de 5 % en Espagne et au Portugal (et 0 % en Grèce) ; 5 à 10 % en Autriche, en Belgique et en France ; 10 à 20 % en Allemagne, en Italie et aux Pays-Bas. Seuls les pays scandinaves et le Royaume Uni font exception, avec des taux de 80 % à 100 %.
II. LES ASPECTS ORGANISATIONNELS
La libération quantitative de la demande d'électricité et de gaz ne suffit pas. Il faut également un cadre réglementaire pour accompagner le déploiement d'une véritable concurrence.
L'organisation mise en place par les directives de 1996 et 1998 distingue les fonctions de production d'électricité / de transport d'électricité (sur des lignes à haute tension) ou de gaz (via des gazoducs à haute pression) / de distribution d'électricité (sur des lignes à moyenne et basse tension) ou de gaz (via des réseaux locaux ou régionaux de gazoducs) / de stockage dans le cas du gaz / de fourniture d'électricité et de gaz.
Historiquement, ces différentes fonctions ont très souvent été intégrées au sein d'une ou de quelques entreprises opérant sur leur marché national respectif. L'arrivée de nouveaux concurrents peut se heurter à des problèmes de discrimination au profit des opérateurs historiques. L'objectif du droit communautaire est de proscrire ces discriminations, en ouvrant à la concurrence les deux extrémités de la chaîne, c'est-à-dire la production et la fourniture d'énergie. En revanche, les fonctions médianes de transport et de distribution ne peuvent être concurrentielles, car il s'agit de monopoles naturels. En effet, il serait économiquement peu rationnel de dédoubler les lignes électriques et les gazoducs existants. Le cadre réglementaire communautaire prévoit toutefois un mécanisme d'accès des tiers au réseau qui permet, sous la surveillance de « régulateurs nationaux », de s'assurer que les gestionnaires de réseau agissent de manière non discriminatoire.
1. L'ouverture de la production d'électricité à la concurrence
La directive de 1996 introduit une concurrence intégrale pour toute nouvelle capacité de production. Elle laisse aux Etats membres le choix d'opter entre deux procédures :
- le système de l'autorisation, qui laisse aux opérateurs l'initiative de la construction de nouvelles capacités de production ;
- le système de l'appel d'offres, qui laisse aux pouvoirs publics le soin de planifier les capacités de production.
La procédure d'autorisation, c'est-à-dire l'option la plus concurrentielle, a été retenue par quatorze Etats membres, seul le Portugal appliquant un système conjuguant les deux procédures.
Au vu de cette situation, la Commission propose dans son nouveau texte d'actualiser la directive de 1996, en faisant de la procédure d'autorisation la norme et de la procédure d'appel d'offre l'exception. Les Etats membres ne pourraient recourir à celle-ci que dans la mesure où la capacité de production en construction serait insuffisante, pour garantir la sécurité d'approvisionnement.
2. L'accès au réseau de transport et de distribution
Les directives de 1996 et 1998 offrent aux Etats membres le choix entre deux grandes options, ou une combinaison de ces options, pour permettre l'accès de tiers au réseau (ATR) : l'accès réglementé et l'accès négocié.
L'accès réglementé est basé sur des tarifs publiés et représente la méthode d'accès produisant le marché concurrentiel le plus efficace. Le système de prix fixes pour tous garantit non seulement l'absence de discrimination vis-à-vis des concurrents, mais également la possibilité pour les entreprises de planifier leurs achats futurs.
Pour l'électricité, tous les Etats membres ont choisi cette méthode, à l'exception de l'Allemagne. La situation n'est pas aussi tranchée pour le gaz. Neuf Etats membres ont ou vont retenir cette solution. Quatre Etats membres ont choisi ou envisagent l'option de l'accès négocié (Autriche et Allemagne) ou une combinaison des deux (France et Pays-Bas).
L'accès négocié repose sur une négociation d'accords commerciaux volontaires entre les fournisseurs d'électricité et de gaz et les clients éligibles. Les Etats membres s'assurent que les gestionnaires de réseau publient une fourchette indicative de prix, pour l'électricité, et que les entreprises de gaz publient leurs principales conditions commerciales.
Afin d'éviter toute discrimination et de promouvoir la transparence, le nouveau texte présenté par la Commission européenne propose de ne retenir que la solution de tarifs publiés et approuvés par l'autorité de régulation nationale.
La Commission propose d'introduire le système des tarifs réglementés également pour l'accès aux installations de stockage de gaz. Ces installations permettent d'équilibrer l'offre, qui est relativement constante, et la demande, qui varie beaucoup en fonction des saisons. Le Gouvernement français est contre cet accès des tiers aux stockage de gaz, car il serait contraire aux intérêts de Gaz de France. Pour ma part, je ne vois pas comment on pourrait refuser d'assurer l'équité entre les entreprises existantes, qui ont de nombreuses installations de stockage à leur disposition, et les nouveaux venus et les clients, qui n'en disposent pas.
3. L'indépendance des gestionnaires de réseau
La directive électricité prévoit que les Etats membres désignent des gestionnaires de réseau de transport (GRT), pour le réseau à haute tension, ainsi que des gestionnaires de réseau de distribution (GRD), pour le réseau à moyenne et basse tension.
La directive actuelle impose aux gestionnaires de s'abstenir de toute discrimination entre les utilisateurs du réseau, et prévoit que la fonction de transport soit séparée sur le plan de la gestion des fonctions de production, de distribution ou de fourniture d'électricité. De nombreux Etats membres sont allés plus loin, soit en décidant la création d'une filiale du groupe producteur, soit en décidant la création d'une entité juridique qui n'appartienne plus au groupe.
La Commission estime nécessaire de renforcer les dispositions actuelles de séparation de gestion en procédant à une séparation juridique des gestionnaires de transport, ainsi que des entreprises de distribution d'électricité (avec un seuil de minimis de 100 000 abonnés).
Elle propose d'étendre également l'obligation d'indépendance sur le plan juridique au secteur du gaz, tant au niveau du transport que de la distribution (avec un seuil de minimis également de 100 000 abonnés).
La filialisation obligatoire est un principe admissible pour les gestionnaires du réseau de transport, qui sont responsables des échanges transfrontaliers et assurent de ce fait l'unité du marché européen de l'énergie. En revanche, il serait préférable de laisser à la subsidiarité le statut des gestionnaires du réseau de distribution, qui est très variable d'un Etat membre à l'autre (en France, EDF est le concessionnaire unique des collectivités locales). L'autonomie de gestion semble suffisante pour garantir la non discrimination.
4. Le rôle des régulateurs nationaux
Actuellement, les directives électricité et gaz disposent que des mécanismes de règlement des litiges, comportant une autorité indépendante des parties, doivent être mis en place, notamment pour trancher les problèmes d'accès au réseau. Sans que cela soit expressément prévu, la plupart des Etats membres ont institué des régulateurs nationaux, dont les statuts et les missions sont assez variables.
Ces autorités de régulation ne se confondent pas avec les autorités de concurrence nationales, sauf dans le cas de l'Allemagne, où c'est le Bundeskartellamt qui est compétent en matière d'électricité.
La nouvelle proposition de directive recommande qu'un régulateur indépendant soit désigné dans chaque Etat membre et qu'il exerce au minimum un certain nombre de compétences, qui seraient communes à tous les régulateurs.
L'instauration obligatoire d'autorités de régulation indépendantes et spécialisées est a priori une mesure d'harmonisation opportune. Mais l'Allemagne s'est déclarée contre, car elle tient à son système de compétence donnée à l'autorité de concurrence de droit commun. Après une longue période de blocage de la négociation, un accord dégagé sous présidence belge renvoie ce point à la subsidiarité. Ce compromis ne paraît pas acceptable, car les interventions a posteriori du Bundeskartellamt semblent d'une efficacité assez douteuse. L'obligation pour chaque Etat membre d'instaurer une autorité de régulation indépendante, spécialisée et intervenant a priori, doit être défendue.
III. L'ENCADREMENT DES ÉCHANGES TRANSFRONTALIERS
La proposition de règlement concernant les conditions d'accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d'électricité pose les grands principes sur lesquels doivent reposer les compensations pour les flux d'électricité en transit, l'harmonisation des redevances des réseaux nationaux ou l'attribution de la capacité d'interconnexion.
Cette proposition de règlement prévoit l'adoption de ces règles par procédure de comitologie, avec un comité consultatif et un comité réglementaire, en fonction des sujets traités.
Les compétences conférées à la Commission par cette proposition de règlement amorcent un processus qui pourrait conduire à ériger celle-ci en régulateur européen de l'énergie. Une telle évolution serait l'aboutissement logique de la construction d'un véritable marché européen de l'énergie.
IV. LES OBJECTIFS DE SERVICE PUBLIC
1. La sécurité d'approvisionnement
La sécurité d'approvisionnement énergétique implique la sécurité des réseaux, qu'il appartient aux Etats membres de garantir.
Les deux directives actuellement en vigueur prévoient qu'en cas de crise soudaine sur le marché de l'énergie et de menace sur la sécurité physique ou la sûreté des personnes, des appareils, des installations et de l'intégrité des réseaux, chaque Etat membre peut prendre temporairement des mesures de sauvegarde. Ces mesures ne doivent cependant pas excéder la portée strictement indispensable pour remédier à ces difficultés soudaines. Cette clause pourrait par exemple s'appliquer dans un cas semblable à celui qu'a connu la France lors des dégâts provoqués par la tempête de la fin 1999.
En outre, la proposition de modification des directives dispose que les Etats membres peuvent obliger les gestionnaires de réseau de transport à respecter des niveaux minimaux d'investissement dans la maintenance et le développement du réseau de transport, et notamment dans les capacités d'interconnexion.
2. Les droits des consommateurs
La nouvelle proposition de directive de la Commission prévoit, outre le droit des ménages d'être alimentés en électricité de qualité à des prix abordables, les objectifs de service public suivants :
- la protection des consommateurs vulnérables : garantie contre les interruptions injustifiées aux personnes âgées, aux chômeurs, et aux personnes handicapées ;
- la protection des droits des consommateurs finals : conditions minimales en ce qui concerne les clauses contractuelles, la transparence de l'information, disponibilité de mécanismes de résolution des litiges peu coûteux et transparents ;
- la cohésion économique et sociale, afin de garantir des conditions tarifaires appropriées dans les régions périphériques.
3. Le respect de l'environnement
Les directives électricité et gaz prévoient que les Etats membres peuvent imposer aux entreprises productrices des obligations de service public portant sur la protection de l'environnement. La directive électricité autorise les Etats membres à imposer aux gestionnaires des réseaux de transport et de distribution de donner la priorité aux installations qui utilisent les sources d'énergie renouvelables ou combinées.
Il est bien évident que l'énergie nucléaire mérite d'être prise en compte dans ces objectifs environnementaux, car elle contribue de manière décisive au respect des engagements du protocole de Kyoto en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Le socle commun de service public offert par la proposition de directive semble assez consistant, et il est toujours loisible à un Etat membre d'aller au-delà. Mais, afin d'éviter toute distorsion de concurrence, il ne serait pas inutile de prévoir, comme en matière de télécommunications, que les surcoûts liés aux obligations de service public seront pris en compte par l'ensemble du secteur, par l'intermédiaire d'un fonds de compensation.
Compte rendu sommaire du débat
M. Jacques Bellanger :
Je suis parfaitement opposé au principe de la « respiration » du capital d'EDF et de GDF. D'autant plus que nous sommes dans le cadre de l'examen d'une proposition de directive européenne, où cette question ne figure pas. Jamais la Commission européenne n'a demandé l'ouverture du capital des entreprises publiques.
M. Aymeri de Montesquiou :
Absolument. Libéralisation ne veut pas dire privatisation. Je ne fais que traduire les aspirations de deux entreprises qui veulent bénéficier d'opportunités d'augmenter leur capital pour pouvoir attaquer les marchés étrangers.
M. Jacques Bellanger :
C'est une interprétation qui, en l'état actuel des choses et dans la conception que nous avons du service public, est totalement exclue aujourd'hui pour le groupe auquel j'appartiens.
M. Aymeri de Montesquiou :
Le premier intéressé, M. Gadonneix, président de Gaz de France, a fait récemment une déclaration publique réclamant l'ouverture du capital de son entreprise. Si GDF ne peut pas augmenter sa capacité financière, il sera réduit à être un simple propriétaire de tuyaux et de stockages. Il sera totalement dépendant de l'extérieur pour pouvoir fournir du gaz. Je crois que c'est vraiment tuer Gaz de France que de l'empêcher d'ouvrir son capital.
M. Jacques Bellanger :
D'abord, la situation de Gaz de France n'est pas la même que celle d'EDF. Il est certain que les présidents de ces sociétés ont un certain nombre de désirs. Mais, jusqu'à nouvel ordre, ces entreprises appartiennent à l'ensemble des Français. C'est à la collectivité nationale de faire ces choix, et non pas aux présidents de ces sociétés.
M. Marcel Deneux :
La nécessité d'ouvrir le capital m'apparaît comme une évidence pour GDF. En ce qui concerne EDF, je n'ai pas l'impression que son statut actuel l'empêche de prospérer.
M. Aymeri de Montesquiou :
Il faut souligner simplement que nos partenaires européens trouvent inacceptable qu'on achète des sociétés chez eux et qu'il n'y ait pas de réciprocité. C'est un problème de bon sens. Tout le monde sait ce qui s'est passé en Italie avec la Montedison.
M. Robert Del Picchia :
Je confirme que le problème des représentants d'EDF que je rencontre dans les pays où je circule, l'Autriche et l'Allemagne, est qu'ils identifient des opérations rentables mais se heurtent à un problème financier, faute de pouvoir échanger du capital. Il faut savoir ce que l'on veut faire d'EDF.
M. Jacques Bellanger :
Remettons les choses au point. D'abord, je crois savoir qu'EDF a quand même pu faire des achats en Allemagne. Deuxièmement, je regrette que nous reprenions les arguments de nos concurrents. La finalité de la libéralisation du marché de l'électricité reste la baisse des prix. Or, les prix ont baissé en France de 9,3 %, avec une société d'Etat et un monopole entamé pour les gros consommateurs. Pendant la même période, les prix ont augmenté de 0,8 % en Allemagne et de 13,2 % en Angleterre. Donc, cette baisse des prix n'est pas forcément dépendante d'un changement de statut.
Je ne suis pas fermé à toute évolution, mais cela demandera un certain temps, parce que nous avons un certain nombre d'obligations sociales et que le service public n'est pas considéré en France comme dans le reste de l'Europe. J'ai entendu M. André Roussely, le président d'EDF, lorsqu'il a déclaré que, pour garantir une exploitation normale, il préférait payer le prix social. Je crois que voter une telle résolution actuellement, c'est jouer inutilement les boutefeux, alors qu'EDF est une entreprise qui fonctionne bien.
M. Aymeri de Montesquiou :
Je ne vois pas en quoi l'ouverture du capital, à partir du moment où la majorité de 51 % est conservée par l'Etat, peut remettre en cause des conditions sociales tout à fait exceptionnelles. Le président Roussely considère qu'il faut acheter la paix sociale. C'est un point de vue qui se comprend. Je signale quand même que le prix en est de 2 milliards de francs, à la charge finale du consommateur.
M. Jacques Bellanger :
Je conteste également le calendrier proposé pour l'ouverture à la concurrence du marché résidentiel. Je pense d'ailleurs que c'est tout à fait contraire à l'objectif visé par notre rapporteur, qui est de maintenir une péréquation tarifaire.
M. Aymeri de Montesquiou :
On peut s'inspirer du secteur des télécommunications, qui a su sauvegarder le principe de la péréquation tout en s'ouvrant à la concurrence.
M. Jacques Bellanger :
Je suis également très réservé sur le principe de l'accès des tiers aux stockages de gaz, car ceux-ci conditionnent la sécurité d'approvisionnement et ne sont pas indéfiniment extensibles.
Quant à la proposition d'un fonds de compensation pour le financement des obligations de service public, je ne suis pas sûr que ce soit très efficace, si j'en crois le précédent des télécommunications.
M. Aymeri de Montesquiou :
Sur le principe, tout le monde est d'accord pour qu'il y ait un véritable service public et que chacun ait accès à l'électricité.
*
A l'issue de ce débat, la délégation a autorisé la publication du présent rapport, et a conclu au dépôt d'une proposition de résolution dans les termes suivants, le groupe socialiste votant contre :
Proposition de résolution
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 96/92/CE et 98/30/CE concernant les règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et du gaz naturel (E 1742),
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les conditions d'accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d'électricité (E 1742),
Invite le Gouvernement à inscrire dès que possible à l'ordre du jour des assemblées le projet de loi de transposition de la directive 98/30/CE du 22 juin 1998 concernant les règles communes pour le marché intérieur du gaz ;
Invite le Gouvernement à autoriser la « respiration » du capital qui seule peut permettre à EDF et à GDF de tirer le meilleur parti des opportunités offertes par la réalisation du marché intérieur de l'énergie ;
Approuve le calendrier proposé pour l'ouverture totale à la concurrence du marché professionnel, puis résidentiel, de l'électricité et du gaz ;
Demande au Gouvernement :
- d'accepter l'introduction d'un système de tarifs réglementés pour l'accès des tiers aux stockages de gaz ;
- de s'opposer à la séparation juridique obligatoire des gestionnaires de réseaux de distribution ;
- de soutenir l'obligation faite à chacun des Etats membres de mettre en place un régulateur indépendant, distinct de l'autorité de concurrence de droit commun ;
- de veiller à ce que les surcoûts liés aux obligations de service public soient pris en charge par l'ensemble des opérateurs, par l'intermédiaire de fonds de compensation.